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JOURNÉES PARISIENNES DE PÉDIATRIE
Comité d’organisation :
Y. AUJARD, P. BOUGNÈRES, B. CHABROL, G. CHÉRON,
G. DESCHENES, D. DEVICTOR, A. FISCHER, J. GAUDELUS,
D. GENDREL, E. GRIMPREL, P. LABRUNE, F. LECLERC
G. LEVERGER, M. TARDIEU
Journées Parisiennes
de Pédiatrie 2012
Vendredi 5 et samedi 6 octobre 2012
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SOMMAIRE
TABLE RONDE 1
La neuroprotection
Organisateur : O. BRISSAUD
Les mécanismes impliqués dans la genèse des lésions cérébrales
V. CHHOR, L. TITOMANLIO, M.-V. ORE, P. GRESSENS
page 13
La stratégie du pré-conditionnement en neuroprotection
O. BAUD
page 21
Neuroprotection lors des encéphalopathies anoxo-ischémiques du nouveau-né
à terme : état des lieux sur l’hypothermie et perspectives thérapeutiques futures
T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
page 25
Stratégies de neuroprotection dans l’arrêt cardiocirculatoire chez l’enfant :
état des lieux
O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
page 33
TABLE RONDE 2
Les BMR : une réalité qui nous menace
Organisateurs : G. CHERON et E. GRIMPREL
Entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu en pédiatrie
P. MARIANI-KURKDJIAN, C. DOIT, E. BINGEN
Les BMR : une réalité qui nous menace ?
Epidémiologie clinique actuelle en pédiatrie
B. QUINET
page 45
page 51
Stratégies de traitement antibiotique
R. COHEN, E. BINGEN
page 57
Stratégie de lutte contre les bactéries multi-résistantes en pédiatrie
M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
page 63
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TABLE RONDE 3
La Pathologie Mitochondriale
Organisateurs : B. CHABROL et P. DE LONLAY
Cytopathies mitochondriales et manifestations hématologiques
C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
page 73
Principales présentations neurologiques des maladies mitochondriales de l’enfant page 83
I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY,
A. MUNNICH, M. RIO
Pathologies mitochondriales :
page 91
quand y penser en dehors d'une atteinte neurologique ?
B. CHABROL, A. CANO, A. CHAUSSENOT, V. PAQUIS-FLUCKINGER
Déficits de la chaine respiratoire mitochondriale : approche diagnostique
page 97
P. DE LONLAY, M. RIO, A.S. LEBRE, N. BODDAERT, I. DESGUERRE,
C. OTTOLENGHI, J.P. BONNEFONT, A. RÖTIG, A. MUNNICH
TABLE RONDE 4
Travaux des lauréats du DES de Pédiatrie - Ile-de-France
Travaux ayant reçu les félicitations du jury à la session d’octobre 2011.
Méningites bactériennes néonatales : 444 cas en 7 ans
J. GASCHIGNARD, C. LEVY, Y. AUJARD, R. COHEN, E. BINGEN,
O. ROMAIN, P. BOILEAU
page 107
Intolérance glucidique dans une population d'adolescents obèses
C. KYHENG
page 111
Evolution de la fonction respiratoire, de la flore microbienne et
des cures antibiotiques sous azithromycine au long cours dans la mucoviscidose page 115
A. LEMAIRE (sous la direction de H. CORVOL)
Devenir à long terme après syndrome du bébé secoué
K. LIND (sous la direction de M. CHEVIGNARD)
Comparaison de deux membranes de circulation extra-corporelle
en polyméthylpentène,
J. RAMBAUD (sous la direction de J. GUILBERT)
page 119
page 123
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MISES AU POINT
Hernie congénitale de coupole diaphragme : prise en charge pré- et postnatale
V. FOUQUET, A. BENACHI
Droits des malades et fin de vie.
Quelques réflexions pédiatriques à propos de la loi Leonetti
D. DEVICTOR
Transfusions d’érythrocytes en pédiatrie: risques, bénéfices et indications
O. KARAM
page 129
page 137
page 145
Surveillance de la balance hydrique en réanimation pédiatrique :
le calcul du bilan entrées-sorties est-il un bon outil ?
T. BONTANT, B. MATROT, H. ABDOUL, J. NAUDIN, S. DAUGER
page 153
Comment prévenir l’anaphylaxie
potentiellement mortelle des multi-allergiques ?
J. JUST, R. GOUVIS, F. AMAT, B. MICHAUD
page 165
MISES AU POINT
Prévalence, moment du diagnostic et mortalité infantile des enfants atteints
de cardiopathies congénitales : l’étude de cohorte en population EPICARD
(épidémiologie des enfants ou fœtus porteurs de cardiopathies congénitales)
B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET,
F. GOFFINET, On Behalf of the Epicard Study Group
page 175
Test de diagnostic rapide du streptocoque du groupe A
dans les angines de l’enfant
page 183
J. F. COHEN, C. LEVY, P. MARIANI-KURKDJIAN, M. CHALUMEAU,
E. BINGEN, R. COHEN
Infections superficielles de la peau et dermo-hypodermites bactériennes
R. BLONDE, Ph. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON,
M. LORROT
page 191
MISES AU POINT
Traitement mini-invasif des malformations pulmonaires de l’enfant
N. KHEN-DUNLOP, Y. RÉVILLON
page 203
Les anomalies respiratoires dans la séquence de Pierre Robin
V. ABADIE, S. PIERROT, C. CHALOUHI, M. LEBRETON,
B. FAUROUX, V. COULOIGNER
page 209
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7
Diagnostic clinique et génétique des entéropathies congénitales à révélation
néonatale : Entéropathies par anomalies du développement de l’entérocyte
J. SALOMON, A. SMAHI, O. GOULET
page 215
Nouvelles techniques d'exploration de l'intestin grêle :
vidéocapsule endoscopique et entéroscopie double ballons
J. VIALA, C. DUPONT-LUCAS, M. BELLAÏCHE
page 227
Infections néonatales à cytomégalovirus : problèmes thérapeutiques
Y. AUJARD
page 235
MISES AU POINT
Nouvelles possibilités thérapeutiques dans les maladies neurométaboliques :
Thérapie cellulaire et thérapie génique
C. SEVIN, C. BELLESME, C. LAGNEAUX, P. AUBOURG
page 243
Nouvelles possibilités thérapeutiques dans les maladies neurodégénératives :
Enzymothérapie et autres approches pharmacologiques
B. HÉRON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
page 251
Peut-on raccourcir le délai diagnostique des lésions
hypothalamo-hypophysaires ?
M. TAYLOR-MARCHETTI, M. CHALUMEAU, R. BRAUNER
page 261
Lupus systémique de l’enfant : actualités génétiques et thérapeutiques
B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
page 271
Lupus et Syndrome des antiphospholipides chez la femme enceinte
N. COSTEDOAT-CHALUMEAU, G. GUETTROT-IMBERT,
V. LE GUERN, F. GOFFINET
page 279
MISES AU POINT
Allergie au blé et intolérance au gluten
D. DE BOISSIEU, C. DUPONT, D. TURCK
page 289
Plaies et délabrement des membres chez l'enfant
F. FITOUSSI, C. ROMANA, R. VIALLE
page 297
Hypnose médicale chez les enfants qui ne peuvent pas avoir d'anesthésie générale page 305
F. AUBER, C. NOIROT-NÉRIN, P. RICHARD
Intérêt de la détermination des virus respiratoires dans les bronchiolites aiguës
C. MEYZER, N. BEYDON, C. VAULOUP-FELLOUS, R. EPAUD,
P. LABRUNE, V. GAJDOS
page 313
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MISES AU POINT
Situation socioprofessionnelle à l'âge adulte des greffés rénaux pédiatriques
page 323
C. LOIRAT, H. MELLERIO, M. LABÉGUERIE, B. ANDRISS, C. ALBERTI
Le syndrome du bébé secoué
M. NATHANSON
page 335
Les tentatives de suicide chez l'enfant de moins de 12 ans
C. STORDEUR, R. DELORME
page 343
Les hypercholestérolémies de l’enfant
S. VIOLA, J.-P. GIRARDET
page 351
MISES AU POINT
Les maladies cachées par la grande obésité
N. BOUHOURS-NOUET, D. WEIL, G. PODEVIN, R. COUTANT
page 361
Grande obésité : quel traitement proposer aux grandes obésités de l'adolescence ? page 367
G. DE FILIPPO, I. GUEOURGUIEVA, G. POURCHER,
N. KHEN-DUNLOP, Y. RÉVILLON, P.BOUGNÈRES
Le remplacement du caryotype par la CGH array pour le diagnostic
des anomalies chromosomiques en pathologie constitutionnelle
V. MALAN, S. ROMANA
page 371
Variabilité de la réponse immunitaire innée? récepteurs de type Toll (TLRs)
et infections
J. TOUBIANA, A-L. ROSSI, D. GRIMALDI, J-P MIRA, J-D CHICHE
page 377
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TABLE RONDE 1
La neuroprotection
Organisateur : J. BRISSAUD
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LES MéCANISMES IMPLIQUéS DANS LA GENèSE
DES LéSIONS CéRéBRALES
par
V. CHHOR, L. TITOMANLIO, M.-V. ORE, P. GRESSENS
INTRODUCTION
Alors que les conséquences des lésions cérébrales néonatales ont été largement étudiées,
les mécanismes physiopathologiques font encore l’objet d’études expérimentales dans le but
de définir de nouvelles stratégies neuroprotectrices afin d’en limiter les conséquences. Ces
mécanismes sont très variables d’une pathologie cérébrale à une autre, telle la leucomalacie
périventriculaire des prématurés dont l’étiopathogénie est multifactorielle et implique
notamment inflammation systémique et hypoxie-ischémie. A un âge plus tardif, les lésions
cérébrales sont souvent d’origine ischémique, post-traumatique ou infectieuse. Les lésions
cérébrales aiguës ont en commun plusieurs mécanismes notamment l’inflammation cérébrale
médiée par les microglies, principales cellules immunitaires du système nerveux central et
responsables d’une sécrétion de médiateurs inflammatoires (cytokines, radicaux libres,
glutamate). Neuro-inflammation et excitotoxicité médiées par le glutamate sont un
dénominateur commun lors d’une lésion cérébrale conduisant à une mort cellulaire et à des
lésions cérébrales secondaires. Alors que la barrière hémato-encéphalique est une interface
qui isole théoriquement le cerveau du sang périphérique, le cerveau lésé présente de façon
quasi-constante une rupture de l’imperméabilité de cette barrière. Elle n’est d’ailleurs pas un
rempart contre l’inflammation systémique qui bien souvent joue un rôle dans l’aggravation
des lésions cérébrales. Grâce à l’apport des données animales, nous énoncerons les mécanismes
cellulaires impliqués à la phase aiguë d’une lésion cérébrale. Nous verrons ensuite que, malgré
le caractère aigu de cette lésion, les phénomènes cellulaires mis en jeu peuvent se chroniciser,
notamment par l’activation de certaines cellules comme les microglies ou les astrocytes, et
sont potentiellement délétères à long terme.
MÉCANISMES PATHOGÉNIQUES DES LÉSIONS CÉRÉBRALES AIGUËS
à la suite d’une lésion cérébrale, une séquence complexe d'événements (cascade
ischémique) conduit à la formation de protéases activées et de radicaux libres, qui vont
engendrer des lésions tissulaires. Les principaux mécanismes pathogéniques de cette cascade
ischémique sont intriqués et comprennent excitotoxicité, inflammation, production de
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V. CHHOR, L. TITOMANLIO, M.-V. ORE, P. GRESSENS
radicaux libres et/ou rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE), la résultante étant
une mort cellulaire. Par ailleurs, alors qu’on a longtemps cru que le cerveau était isolé par la
BHE, les lésions cérébrales néonatales peuvent être aggravées voire provoquées par
l’inflammation systémique.
L’excitotoxicité
La réduction du flux cérébral entraîne l'épuisement des réserves d'oxygène et de glucose,
avec accumulation de lactate par glycolyse anaérobie et altération du fonctionnement des
pompes Na+/ K+-ATPase et Ca / H+-ATPase. Le potentiel de membrane est perturbé avec
pour conséquence une dépolarisation des neurones et des cellules gliales. Après dépolarisation,
de grandes quantités d’acides aminés excitotoxiques, en particulier de glutamate, sont libérées
dans la fente synaptique. L'activation des récepteurs au glutamate, en particulier les récepteurs
N-Méthyl-D-Aspartique (NMDA), conduit à la cascade excitotoxique avec augmentation
importante des quantités intracellulaires de calcium [1]. Cet afflux de calcium intracellulaire
va entraîner une synthèse de radicaux libres et de monoxyde d’azote (stress oxydatif ), une
activation microgliale aboutissant à des phénomènes neuro-inflammatoires et une activation
d’enzymes cytosoliques notamment des protéases et des lipases conduisant à une mort
cellulaire. Ce déséquilibre peut conduire à des cycles de dépolarisation spontanée des zones
ischémiques adjacentes aggravant ainsi la lésion initiale à chaque cycle qui se répète [2].
2+
L’inflammation
La microglie est la principale cellule du système immunitaire dans le système nerveux
central. Issue de la lignée myélo-monocytaire, ce sont des cellules présentatrices d’antigène
qui participent également à la communication entre les autres cellules gliales (astrocytes,
oligodendrocytes) et les neurones. La microglie oscille entre un état dit « désactivé », où
son rôle est essentiellement celui de sentinelle du système nerveux central, et un état « activé
» où la cellule va sécréter des molécules aux effets parfois neurotoxiques comme des cytokines
ou des radicaux libres [3]. L’inflammation médiée par l’activation microgliale a un rôle central
dans les pathologies cérébrales aiguës ou chroniques. De récentes publications font état du
caractère versatile et plastique des microglies, leur permettant d’adapter la réponse
inflammatoire à leur environnement. Il est usuel de mettre en balance deux types d’activation
microgliale, l’une M1 pro-inflammatoire et neurotoxique et l’autre M2 anti-inflammatoire
et neuroprotectrice [4]. L’activation microgliale n’est donc pas forcément un processus de
défense de l’hôte avec des conséquences pro-inflammatoires délétères pour le cerveau. La
microglie joue donc un rôle complexe et ambivalent participant aussi bien à l’inflammation
qu’à la réparation des lésions cérébrales ou à la communication intercellulaire [5]. Cette
dichotomie dans le rôle de la microglie et une meilleure compréhension de la cinétique
d’activation microgliale nous permettra, dans l’avenir, d’envisager de nouvelles thérapeutiques
dont l’objectif serait de moduler l’activation microgliale vers un état M2 neurotrophique.
Le stress oxydatif
Le stress oxydatif résulte d’un déséquilibre entre la production d’espèces réactives de
l’oxygène (ROS) ou de l’azote (RNS) et leur tamponnement par les mécanismes
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LES MÉCANISMES IMPLIQUÉS DANS LA GENÈSE DES LÉSIONS CÉRÉBRALES
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physiologiques antioxydants. Les ROS et les RNS peuvent être de différentes origines :
cascade excitotoxique initiale, relargage de glutamate par les microglies activées ou après
reperfusion des territoires ischémiques. Le stress oxydatif aura pour conséquence une
peroxydation des phospholipides présents à la surface cellulaire ainsi qu’une oxydation des
protéines membranaires, aboutissant à une augmentation de la perméabilité membranaire et
donc à la mort cellulaire. Par ailleurs, les interactions des radicaux libres avec les protéines
cellulaires ou l’ADN peuvent entraîner une dérégulation de l’expression des gènes ainsi qu’un
dysfonctionnement de la machinerie cellulaire et des réactions enzymatiques physiologiques.
A la suite d’une ischémie cérébrale, le NO va jouer un rôle essentiel dans la
physiopathologie des lésions cérébrales en ayant un rôle neuroprotecteur ou neurotoxique
selon l’isoforme de la NO synthase impliquée. En effet, la NO synthase neuronale (type 1)
va être activée précocement tandis que la NO synthase inductible (type 2), exprimée
uniquement dans des circonstances pathologiques, va également participer à la constitution
des lésions cérébrales en favorisant la formation des RNS comme les peroxynitrites. Toutefois,
la NO synthase endothéliale (type 3), par ses actions vasodilatatrices et anti-thrombotiques,
auraient une action neuroprotectrice dans le contexte. Par ailleurs, des ROS sont produites,
notamment lors de la phase de reperfusion, au cours de réactions enzymatiques comme la
conversion de l'acide arachidonique en prostaglandines par la cyclo-oxygénase [6]
La barrière hémato-encéphalique (BHE)
Trois interfaces sont décrites entre le sang et le système nerveux central : les vaisseaux
sanguins cérébraux (BHE), les plexus choroïdes et les membranes pie-arachnoïdiennes. La
BHE est constituée de péricytes, d’astrocytes et de cellules endothéliales reliées entre elles
par des jonctions serrées ou étanches, grâce à trois glycoprotéines principales (claudine,
occludine, Junctional Adhesion Molecule). Ces jonctions assurent l’étanchéité entre le
système nerveux central et le compartiment périphérique en n’autorisant le passage que des
molécules lipophiles ou de faible poids moléculaire. Elles sont présentes dès le début des
phases embryonnaires, et leur intégrité est indispensable pour le bon développement et le
bon fonctionnement du cerveau, chez l’enfant comme chez l’adulte.
Après un événement ischémique, la BHE devient perméable dès les premières heures,
conséquence de son ouverture en réponse aux atteintes mécaniques ou hypoxiques de
l'endothélium vasculaire. Par la suite, des métalloprotéases activées (MMP) vont aggraver ce
phénomène en provoquant la dégradation des composants de la membrane basale et en
induisant une réaction inflammatoire avec production locale et systémique de cytokines [7].
Les lésions inflammatoires induites par les radicaux libres conduisent à une mort cellulaire
et à la constitution d’un œdème cytotoxique tandis que l’augmentation de la perméabilité
paracellulaire de la BHE et des facteurs angiogéniques comme le VEGF ou le VASP
(Vasodilatator-Stimulated Phosphoprotein) vont être responsables de la constitution d’un
œdème dit vasogénique. L’œdème va ainsi aggraver le processus ischémique en augmentant
la pression intracrânienne et en provoquant une compression de la microcirculation locale
au niveau de la BHE conduisant à un cercle vicieux délétère pour le cerveau.
Les aquaporines, notamment l’aquaporine-4, ont un rôle important dans la pathogenèse
de l’ischémie car ce sont des molécules qui facilitent le transfert passif de l'eau à travers la
BHE et vont donc jouer un rôle essentiel dans la résorption d’un œdème cérébral [8]. Leur
activation lors d’une lésion cérébrale, pourrait ainsi avoir un effet neuroprotecteur en
favorisant la clairance de l’eau hors de l’espace intracérébral et ainsi limiter les conséquences
de l’hypertension intracrânienne.
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V. CHHOR, L. TITOMANLIO, M.-V. ORE, P. GRESSENS
La mort cellulaire
Les trois principaux types de mort cellulaire sont l’apoptose, la nécroptose et la nécrose.
La nécrose est une mort “accidentelle” en réponse à une lésion cérébrale qui va engendrer une
réponse inflammatoire à son issue. Au contraire, l’apoptose et la nécroptose sont des morts
cellulaires programmées, finement régulées par une voie de signalisation mitochondriale ou
par des récepteurs de mort membranaires pour l’apoptose ou par des kinases cellulaires pour
la nécroptose. La mort cellulaire programmée peut être déclenchée par différentes
stimulations : l’inflammation, l’excitotoxicité ou le stress oxydatif. Elle est particulièrement
observée dans les zones de pénombre ischémique, où les lésions sont encore réversibles, c’està-dire où les cellules sont toujours vivantes mais peu ou pas fonctionnelles [9]. Plusieurs
médiateurs sont impliqués dans la mort cellulaire par apoptose : calpaïnes, cathepsine B,
monoxyde d’azote et poly-(ADP-ribose) polymérase. Suite à une ischémie cérébrale, des
caspases vont être activées en réponse à des signaux pro-apoptotiques et vont cliver de
nombreuses protéines structurales (laminine, actine, gelsoline) essentielles pour l'intégrité
du noyau cellulaire. La cellule apoptotique est donc caractérisée par la réduction de l’espace
cytoplasmique, une condensation de la chromatine et un bourgeonnement de la membrane
(corps apoptotiques). Ces cellules sont ensuite éliminées par phagocytose sans induire de
réaction inflammatoire contrairement à la nécrose. L'apoptose est un processus consommateur
d'énergie que, paradoxalement, la reperfusion peut potentialiser par restauration de l'énergie
cellulaire. En plus de majorer l’apoptose, la reperfusion entraîne également la formation de
radicaux libres sources de stress oxydatif et un afflux de leucocytes d’où une réaction
inflammatoire majorée [10]. La reperfusion est donc également une étape, bien
qu’indispensable au traitement d’une lésion ischémique, dont les thérapeutiques devront
anticiper et prévenir les conséquences.
Dans les lésions cérébrales, les phénomènes de mort cellulaire ne sont pas limités aux
neurones, principalement localisés dans la substance grise. En effet, dans les lésions cérébrales
du prématuré comme la leucomalacie périventriculaire, l’atteinte prédominante de la
substance blanche, avec entre autres des troubles de la myélinisation et de l’axonogenèse, est
secondaire à la dysfonction et à la mort des oligodendrocytes [11].
Sensibilisation des lésions cérébrales par l’inflammation systémique
L’inflammation systémique néonatale peut également aggraver, et donc sensibiliser le
cerveau en cas de lésions cérébrales préexistantes confirmant les interactions importantes
entre cerveau et périphérie malgré le caractère théoriquement hermétique de la BHE [12].
Cet effet est également retrouvé dans des pathologies cérébrales aiguës comme le traumatisme
crânien ou chronique comme la sclérose en plaques. Chez l’homme, en comparant des enfants
ayant un handicap ou des lésions cérébrales néonatales, le taux de cytokines proinflammatoires a été plus important que chez des enfants indemnes de pathologie cérébrale
que ce soit dans le sang néonatal, dans le liquide amniotique ou dans le sang de cordon. De
même, la chorio-amniotite, caractérisée par un syndrome inflammatoire fœtal, semble
responsable de la survenue de lésions cérébrales néonatales, association confirmée par une
méta-analyse positive en 2010 [13]. D’ailleurs, en s’intéressant à des cohortes de prématurés,
les études ont apporté de nouvelles preuves d’un rôle délétère de l’inflammation périnatale
dans la survenue de lésions cérébrales, ainsi, un sepsis néonatal ou une entérocolite nécrosante
sont associés à davantage de troubles du développement cognitif ou du comportement.
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LES MÉCANISMES IMPLIQUÉS DANS LA GENÈSE DES LÉSIONS CÉRÉBRALES
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CONSÉQUENCES à LONG TERME D’UNE LÉSION CÉRÉBRALE AIGUË
Alors que les mécanismes cellulaires et moléculaires survenant dans les heures et les jours
qui suivent une lésion cérébrale sont assez bien documentés, la littérature est nettement moins
abondante concernant le devenir de ces mécanismes à long terme, c'est-à-dire dans les mois
voire les années qui suivent la genèse de l’événement initial. Il semble maintenant acquis que
des populations cellulaires intracérébrales, en particulier microglies et astrocytes, peuvent
rester activées malgré la « guérison » de la lésion cérébrale. Toutefois, même si les preuves
expérimentales sont encore balbutiantes, les conséquences de cette activation prolongée
semblent délétères pour le cerveau, en le sensibilisant potentiellement lors d’une nouvelle
agression. Ces éléments obligent à envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques à long
terme afin de lutter contre ces phénomènes secondaires, sans se limiter au traitement
« aigu» de la lésion cérébrale.
Activation microgliale à long terme
Il n’existe pas pour le moment d’étude ayant évalué l’importance de l’activation
microgliale à long terme, à la suite de lésions néonatales de la substance blanche. Cependant,
une dysfonction microgliale et une inflammation cérébrale prolongées semblent présentes
dans de nombreux modèles de lésion cérébrale. Dans un modèle expérimental de démence,
l’expression de gènes pro-inflammatoires était élevée 7 mois après l’irradiation initiale. De
même, chez l’Homme, l’activation microgliale a persisté plusieurs semaines jusqu’à plus de
10 ans après un traumatisme crânien [14]. Dans la sclérose en plaques, la microglie peut
s’activer en réponse à une inflammation systémique et être responsable d’une démyélinisation
secondaire. En s’intéressant à des enfants prématurés, la réponse pro-inflammatoire à un sepsis
néonatal ou à un stress pourvoyeur d’inflammation systémique, semble être plus importante
voire exagérée par rapport à des enfants nés à terme, expliquant ainsi leur sensibilité à des
agressions systémiques.
La microglie participe au développement cérébral normal, en particulier la neurogenèse
et la synaptogenèse. Elle contribue à l’élimination physiologique par phagocytose de cellules
neuronales hippocampiques en apoptose et joue un rôle dans la plasticité synaptique lors de
l’apprentissage. Par ailleurs, la microglie participe à la maturation synaptique lors du
développement cérébral normal post-natal, essentielle pour les phénomènes de plasticité
cérébrale et pour la transmission du signal nerveux. L’activation microgliale induite par un
stimulus inflammatoire entraîne un arrêt de la différenciation neuronale et une diminution
de la survie des cellules souches neurales mais elle va également être responsable d’une
dérégulation de la maturation des oligodendrocytes. La potentialisation à long terme,
indispensable dans les processus de mémorisation, ou les déficits moteurs néonataux sont
proportionnellement corrélés à l’importance de l’activation microgliale [15].
Cette activation microgliale prolongée est possiblement délétère sur l’évolution des
lésions cérébrales néonatales ou sur les agressions cérébrales secondaires responsables à terme
d’un handicap cérébromoteur. Même retardé par rapport au traitement étiologique
responsable de l’activation microgliale initiale, le blocage de l’inflammation chronique
représente une piste thérapeutique prometteuse afin d’en limiter les conséquences à long
terme.
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V. CHHOR, L. TITOMANLIO, M.-V. ORE, P. GRESSENS
Astrogliose
A la suite d’une agression cérébrale, les astrocytes s’activent et constituent une barrière
cellulaire neuroprotectrice à la phase aiguë de la lésion, en redonnant son imperméabilité à
la barrière hémato-encéphalique et en sécrétant des substances neurotrophiques au cours du
phénomène d’astrogliose qui peut se prolonger plusieurs semaines après l’agression initiale
[16]. L’astrogliose participe ainsi à la régénération et à la réparation du système nerveux
central mais inhibe la croissance axonale et la remyélinisation du fait de la cicatrice générée.
Les microglies peuvent interagir avec les astrocytes et entraîner une altération du système de
recapture glutamatergique et ainsi exacerber les phénomènes d’excitotoxicité mais également
être responsable d’une dysfonction de l’homéostasie énergétique.
CONCLUSION
La physiopathologie des lésions cérébrales aiguës de l’enfant est complexe et associe
différents mécanismes comme l’altération de la barrière hémato-encéphalique, l’inflammation
médiée par la microglie, l’excitotoxicité secondaire au relargage de glutamate ou le stress
oxydatif secondaire à la formation de radicaux libres conduisant à une mort cellulaire par
apoptose ou nécrose. L’inflammation systémique est un élément indispensable à prendre en
compte, étant donné son rôle promoteur et aggravant dans les lésions cérébrales. Ces lésions
peuvent, d’ailleurs, entraîner une chronicisation de certains phénomènes notamment une
activation prolongée des cellules microgliales ou astrocytaires pouvant favoriser l’émergence
de pathologies cérébrales à un âge plus avancé. Conceptuellement, alors que les thérapeutiques
usuelles vont chercher à lutter contre les lésions cérébrales initiales afin de limiter les
conséquences cliniques en termes de handicap cérébro-moteur, l’émergence d’études
démontrant la chronicisation de certains phénomènes intracérébraux, possiblement délétères
à long terme, ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant également les
conséquences survenant à distance de la lésion initiale.
AUTEURS :
Vibol CHHOR1-3, Luigi TITOMANLIO1-4, Marie-Virginie ORE1-3, Pierre GRESSENS1-3,5
1
Inserm, U676, Paris, France
2
Université Paris 7, Faculté de Médecine Denis Diderot, Paris, France
3
PremUP, Paris, France
4
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Département des urgences pédiatriques, Hôpital Robert Debré, Paris,
France
5
Centre for the Developing Brain, Imperial College, Hammersmith Campus, Londres, Royaume-Uni
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pierre Gressens - INSERM U676 - Hôpital Robert Debré - 48 boulevard Sérurier - 75019 Paris
Email : pierre.gressens@inserm.fr
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LES MÉCANISMES IMPLIQUÉS DANS LA GENÈSE DES LÉSIONS CÉRÉBRALES
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21
LA STRATéGIE DU PRé-CONDITIONNEMENT
EN NEUROPROTECTION
par
O. BAUD
Le pré-conditionnement est la capacité d’un organe à développer des mécanismes
de prévention lésionnelle et de protection vis-à-vis d’une agression cellulaire. Largement
décrit et exploré en cas d’ischémie myocardique, ce concept est également de plus en plus
étudié au niveau du système nerveux central.
L'ischémie cérébrale a comme principale conséquence la mort neuronale. Actuellement,
il n'y a pas de traitement pharmacologique disponible pour bloquer ou renverser le processus
de mort neuronale et réduire de façon cliniquement significative les lésions cérébrales. C’est
pour cela que les pistes d’une protection cérébrale préventive, dont fait partie le
pré-conditionnement, sont de plus en plus considérées et explorées.
LES STRATÉGIES DE PRÉ-CONDITIONNEMENT :
STIMULI ET MÉCANISMES
Expérimentalement, une agression cérébrale modérée préalable, comme une ischémie
limitée sans conséquences délétères en elle-même, permet un mécanisme d’adaptation du
cerveau lui-même lorsque survient un épisode ischémique potentiellement mortel. C’est ce
processus qui est appelé pré-conditionnement.
D'autres situations comme l'hyperthermie ou la dépression cérébrale fonctionnelle diffuse
augmentent également la résistance du cerveau aux effets néfastes des dommages ischémiques
ou épileptiques. Ceci ouvre le chemin à la recherche de cibles potentiellement utiles pour la
protection cérébrale aiguë aussi bien que pour cette sorte de prévention thérapeutique.
Spécifiquement, les tissus pré-conditionnés montrent des besoins énergétiques réduits, un
métabolisme énergétique modifié, une meilleure homéostasie électrolytique et une
réorganisation génique, ce qui conduit au concept de « tolérance ischémique » [1,2].
Les principaux stimuli induisant un pré-conditionnement sont [3] :
u une ischémie brève infra-liminaire,
u une ischémie à distance,
u une hyperthermie modérée,
u une hypoxie / hypoperfusion,
u un stress oxydatif / choc thermique,
u pré-conditionnement pharmacologique :
m halogénés
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22
O. BAUD
Propofol
EPO
m cyclosporine
Les principaux mécanismes de pré-conditionnement ischémique reposent sur le concept
de tolérance de reperfusion et sur la préservation du fonctionnement mitochondrial et la
prévention de l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale (mPTP) [4].
Le pré-conditionnement ischémique induit aussi une tolérance de reperfusion avec une
libération moindre d'intermédiaires réactifs dérivés de l'oxygène et de neutrophiles activés,
une apoptose réduite et une meilleure perfusion microcirculatoire, comparativement au tissu
non pré-conditionné.
L’importance des mitochondries a été démontrée expérimentalement et les mécanismes
mis en jeu visent avant tout à empêcher l’ouverture du pore de transition de perméabilité
mitochondriale (mPTP), qui débouche sur l’apoptose, et concernent au moins quatre agents :
u Les canaux potassiques ATP-dépendants de la membrane mitochondriale interne,
K+ATP ;
2+
u Les canaux potassiques Ca -dépendants de la membrane mitochondriale interne,
K+Ca2 ;
u Certaines ROS comme le monoxyde d'azote ;
u Les « heat shock proteins » (HSP70, HSP27, HSP90).
Le rôle des protéines kinases dans les phénomènes de pré-conditionnement est également
important. La PI3 kinase active également diverses kinases ; la fin de la cascade est l’activation
de l’Akt, facteur essentiel pour la production de ROS et RNOS [5].
m
m
UNE AUTRE STRATÉGIE DE NEUROPROTECTION :
LE POST-CONDITIONNEMENT
L’intervention thérapeutique de post-conditionnement est cette fois appliquée après un
accident cardiaque ou cérébral, donc bien après l’installation des troubles ischémiques [6].
Le post-conditionnement intervient seulement durant les premières minutes de la
reperfusion. Hausenloy et al. a étudié la voie de signalisation des kinases de la voie RISK
(reperfusion injury salvage kinase) [7]. Les protéines de la voie RISK (incluant PI3K, Akt et
Erk1-2) protègent les tissus durant la reperfusion ; elles exercent une activité anti-apoptotique.
L’ouverture du mPTP favorise la nécrose ou l’apoptose de la cellule ; elle survient durant
les premières minutes de la reperfusion. Les manœuvres de pré- et post-conditionnement
aboutissent toutes à ce but final : inhibition d’ouverture du mPTP. Plusieurs travaux ont mis
en évidence l’utilité de la cyclosporine, inhibiteur de l’ouverture du mPTP, et d’autres agents
empêchant la transition de perméabilité mitochondriale.
La cyclosporine A et la sanglifehrine A antagonisent la cyclophiline qui commande le
mPTP. Chez les souris exposées à des manœuvres d’ischémie-reperfusion et traitées par ces
substances, on observe une réduction de la taille des zones infarcies, tant dans le cerveau que
dans le cœur [8].
En conclusion, de nombreux types d'agressions cérébrales pré-conditionnantes ou
post-conditionnantes sont capables d'activer des mécanismes cellulaires visant à protéger les
neurones contre une agression ultérieure plus sévère ou de limiter les dommages liés à la
reperfusion d’un tissu ischémié. Ce phénomène dit de «tolérance cérébrale» traduit de façon
manifeste la mise en place de mécanismes endogènes neuroprotecteurs.
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LA STRATÉGIE DU PRÉ-CONDITIONNEMENT EN NEUROPROTECTION
23
AUTEUR ET AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Olivier BAUD, MD-PhD
Hôpital Robert Debré - Réanimation et Pédiatrie Néonatales, INSERM U676
48, Bd Sérurier, 75019 Paris - Tel : +33 1 40 03 41 09 - Fax : +33 1 40 03 24 70
Email : olivier.baud@rdb.aphp.fr
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NEUROPROTECTION LORS DES ENCéPHALOPATHIES
ANOXO-ISCHéMIQUES DU NOUVEAU-Né à TERME :
éTAT DES LIEUX SUR L’HYPOTHERMIE
ET PERSPECTIVES THéRAPEUTIQUES FUTURES
par
T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
INTRODUCTION
L’encéphalopathie anoxo-ischémique (EAI) du nouveau-né à terme est une pathologie
toujours présente en néonatologie avec une fréquence de 1 à 4/1000 naissances vivantes dans
les pays développés mais probablement plus forte dans les pays en voie de développement
[1,2]. Le pronostic de cette affection n’a pas considérablement changé jusqu’au début des
années 2000, malgré une progression des soins en médecine périnatale. L’EAI est responsable
de 15 à 25 % de décès et de 25 à 30 % de séquelles majeures chez les survivants à type de
paralysie cérébrale, retard mental, troubles cognitifs et épilepsie [3]. Avant les années 2000,
les recommandations pédiatriques afin d’améliorer le pronostic comportaient une
optimisation des soins durant la réanimation en salle de naissance, le traitement des
convulsions lorsqu’elles étaient documentées, le maintien d’une homéostasie cardiovasculaire,
métabolique et de la capnie et l’administration d’une sédation-analgésie afin de limiter le
métabolisme cérébral.
Depuis la fin des années 90, le concept de refroidir l’organisme pour protéger le cerveau
du nouveau-né a été entièrement revisité. A ce jour, l’hypothermie (HT) est devenue un
référentiel de soin pour la prise en charge de l’EAI puisque cette stratégie améliore
significativement le pronostic à court et moyen terme. Si cette amélioration est incontestable,
il persiste néanmoins un nombre non négligeable de cas avec évolution défavorable, de sorte
que d’autres stratégies neuroprotectrices méritent d’être étudiées pour être associées, à
l’avenir, à l’HT. Nous proposons d’effectuer une mise au point sur ces possibilités de
neuroprotection pour le nouveau-né à terme en détaillant plus particulièrement l’HT
corporelle globale, qui est maintenant de pratique courante en néonatologie.
POURQUOI L’HYPOTHERMIE REDUIT LES LÉSIONS CÉRÉBRALES
ANOXO-ISCHÉMIQUES ?
La physiopathologie de l’anoxo-ischémie cérébrale néonatale accorde une place
fondamentale à la cascade excitotoxique, caractérisée par une succession de réactions
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T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
cellulaires secondaires à la stimulation des récepteurs post-synaptiques par le glutamate [4].
Ces réactions en chaîne aboutissent à une défaillance mitochondriale, un stress oxydatif et
une activation des enzymes pro apoptotiques de la cellule conduisant la mort cellulaire
retardée par apoptose. Les données expérimentales animales, dans des modèles d’anoxoischémie cérébrale, suggèrent que l’HT agirait à différents niveaux de cette cascade. Elle
réduirait les concentrations de glutamate, de monoxyde d’azote, de lactate [5,6]. L’HT
diminuerait l’activité des enzymes pro apoptiques et la défaillance mitochondriale de la cellule
[7]. Ainsi, le processus d’apoptose serait réduit et/ou décalé dans le temps et, en allongeant
la période de « fenêtre thérapeutique » après l’anoxo-ischémie cérébrale, l’HT permettrait
à d’autres molécules neuroprotectrices d’agir [8]. L’action de l’HT sur le métabolisme
cellulaire cérébral a été récemment étudiée en clinique humaine par l’imagerie par résonance
magnétique couplée à la spectroscopie. Chez le nouveau-né atteint d’EAI, la proportion
d’enfants présentant des pics de lactate au niveau du cortex est significativement réduite chez
les enfants traités par HT lorsqu’ils sont comparés aux contrôles [9].
COMMENT L’HYPOTHERMIE EST DEVENUE UN RÉFÉRENTIEL DE SOINS ?
La stratégie de refroidissement corporel global a été proposée en clinique humaine depuis
le début des années 2000. Il ne s’agissait pas d’une première utilisation : une publication
ancienne datant des années 60 témoigne que cette stratégie a déjà été utilisée pour des enfants
présentant une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine [10]. A la fin des années 90, ce
traitement a été testé dans des modèles expérimentaux d’anoxo-ischémie cérébrale et une
réduction de l’atteinte cérébrale a été montrée. Des conditions devaient être respectées : délai
d’application après l’agression cérébrale de courte durée, durée de l’HT suffisamment longue
et suffisamment profonde [10-14]. Grâce à ces résultats, des repères pour les premiers
protocoles cliniques ont été proposés : application de l’HT dans les 6 heures après la
naissance, pour une durée de 72 h, avec une température entre 33 et 34° C. La faisabilité de
ce protocole a été démontrée, mais les équipements techniques initiaux ne permettaient pas
une parfaite stabilité thermique [15]. Aucun événement grave n’était signalé dans cette étude
de faisabilité : avec une réalisation en unité de réanimation et une bonne connaissance des
effets secondaires potentiels afin de les prévenir, la sécurité de ce protocole a été montrée
[15]. Les complications à craindre en HT sont les hémorragies par baisse des facteurs de
coagulation et thrombopénie, les risques de cystéatonécrose, l’hypertension artérielle
pulmonaire avec persistance de résistances vasculaires pulmonaires élevées, l’hypocalcémie
et surtout l’hypomagnésémie [15-17]. L’augmentation des infections a surtout été décrite
lors de la neuroprotection par HT chez l’adulte [18]. C’est ensuite les études randomisées
qui ont démontré clairement le bénéfice avec une réduction du taux combiné des décès et
séquelles neuro-développementales. Les premières études ont été publiées en 2005 avec des
stratégies de refroidissement corporel global entre 33 et 34° C, ou de refroidissement cérébral
sélectif (utilisation d’un casque réfrigérant avec une discrète HT corporelle entre 34 et 35°
C) [19,20]. Depuis d’autres études ont été publiées permettant de réaliser une méta-analyse
où 10 études sont répertoriées [21]. Pour étudier le taux combiné de décès et séquelles graves
à 18 mois, 3 études sont associées, analysant 767 patients. L’HT réduit significativement ce
taux (RR = 0,81, IC 95 % 0,71 – 0,93,) avec un nombre de sujets à traiter de 9 (IC 95 % 5 25). L’HT augmente la chance de survie avec un examen neurologique normal à 18 mois
(RR = 1,53, IC 95 % 1,22 – 1,93) avec un nombre de sujets à traiter de 8 (IC 95 % 5 – 17).
Pour les survivants traités, le risque de séquelles graves, paralysie cérébrale et de bas quotient
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NEUROPROTECTION LORS DES ENCÉPHALOPATHIES ANOXO-ISCHÉMIQUES DU NOUVEAU-NÉ
à TERME :ÉTAT DES LIEUX SUR L’HYPOTHERMIE ET PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES FUTURES
27
de développement (< 70) est significativement réduit. Pour étudier isolément la mortalité,
10 études sont retenues soit un total de 1320 enfants. La mortalité est réduite (RR = 0,78,
IC 95 % 0,66 – 0,93), avec un nombre de sujets à traiter de 14 (IC 95 % 8 – 47).
Enfin, pour les trois grands essais randomisés, la fréquence des complications
cardiovasculaires et hémorragiques n’est pas différente entre les groupes traités par rapport
aux contrôles [19,20,22].
Les résultats de cette méta-analyse ont permis d’inscrire l’hypothermie dans les
recommandations cliniques internationales de sorte que ce traitement est devenu un
référentiel de soins courants.
L’ESSENTIEL DES RECOMMANDATIONS CLINIQUES
POUR LA RÉALISATION DE L’HYPOTHERMIE
Les recommandations internationales indiquent clairement la nécessité de placer en HT
les enfants présentant une EAI de grade II ou III. Ceci impose une grande rigueur pour poser
l’indication car il faut d’abord démontrer qu’il y a eu une anoxo-ischémie per natale,
démontrer ensuite qu’il existe des signes cliniques neurologiques attestant d’une EAI
débutante et que celle-ci présente des critères objectifs de gravité. Tous ces éléments sont à
réunir avant la 6e heure de vie, imposant trois conditions : parfaite communication
obstétrico-pédiatrique pour le transfert des informations concernant l’accouchement, rapidité
d’intervention des SAMU en cas de naissance en niveau I ou II pour transférer le
nouveau-né et organisation des services de niveau III pour disposer d’une exploration
électrophysiologique précoce afin de juger de la gravité de l’EAI. Tous ces critères nécessaires
pour poser l’indication d’HT sont présentés sur le tableau I [16]. Il faut éviter d’instaurer ce
traitement à tort, en instaurant une HT alors que l’encéphalopathie est d’une autre cause
qu’une asphyxie per natale ou si l’EAI est de faible gravité (stade I de la classification de
Sarnat). Pour statuer de la gravité, la clinique est parfois insuffisante et l’électrophysiologie
est fondamentale. Comme la réalisation d’un électroencéphalogramme (EEG) standard peut
être difficile en urgence, en particulier la nuit, l’apport de l’EEG d’amplitude de réalisation
plus facile, est incontestable [17]. Son interprétation chez le nouveau-né, afin de statuer sur
la gravité initiale de l’EAI, est connue [23].
Quelles sont les consignes à respecter pour la réalisation de l’HT ? Celle-ci ne peut se
faire qu’en unité de réanimation néonatale et en aucun cas en unité de niveau II [16].
Actuellement, la plupart des centres de niveau III s’équipent du matériel nécessaire,
comportant un matelas ou une couverture refroidissante avec un asservissement à la
température rectale. C’est ce matériel qui permet une parfaite stabilité thermique de l’enfant
[24]. L’enfant doit être refroidi à une température rectale entre 33 et 34° C avant la 6e heure
de vie et pour une durée de 72 heures. Le réchauffement est progressif, sur environ 12 h, afin
d’éviter des hypotensions et/ou des convulsions décrites lors des réchauffement rapides [17].
L’enfant doit être analgésié par une administration intraveineuse de morphine. La justification
de l’assistance respiratoire est plutôt liée à la gravité générale du tableau neurologique qu’à
l’HT en elle-même. Il est nécessaire de repérer toute complication hémorragique qui reste
une contre-indication, une aggravation respiratoire qui pourrait correspondre à une
hypertension artérielle pulmonaire, et des troubles ioniques tels que l’hypocalcémie et/ou
l’hypomagnésémie. L’enfant présente habituellement un rythme cardiaque sinusal plus lent,
aux alentours de 80 à 90/mn, bien toléré.
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28
T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
QUELLES QUESTIONS NON RÉSOLUES à PROPOS DE L’HT ?
La question d’étendre l’HT à des enfants de plus faible âge gestationnel est posée [25].
Tous les essais randomisés publiés ont été réalisés chez des enfants à terme et ou d’un poids
> 1800 g et peu de données existent chez le prématuré. Etendre l’HT à des enfants
appartenant au groupe de la prématurité tardive (32 SA – 36 SA) est actuellement à l’étude
avec un essai randomisé en cours [25]. Récemment un fait clinique concernant la réalisation
d’une HT chez un prématuré de 34 SA atteint d’une EAI a été publié et montre une bonne
tolérance et une évolution à court terme favorable [26].
Débuter l’HT à la phase pré-hospitalière pendant le transport entre le lieu de naissance
et le centre de niveau III est très discuté. La possibilité d’effectuer un cooling passif (absence
de réchauffement) ou un cooling actif comme en unité de réanimation est évoquée. Deux
arguments essentiels limitent l’utilisation de l’HT en transport : le premier est le risque d’HT
profonde, inférieure à 33° C et le second est le risque d’installer un enfant en HT alors que
tous les éléments nécessaires pour poser l’indication, en particulier l’électrophysiologie, ne
sont pas connus. D’après les données récentes, un refroidissement passif avec monitoring de
la température centrale est associé à suffisamment de stabilité pour être applicable [27].
La pharmacocinétique des médicaments anticonvulsivants, antalgiques et sédatifs, lors
de l’HT est différente avec une diminution de la clairance et un risque de concentrations
toxiques [28]. Ceci a été décrit pour le phénobarbital [29]. Peu de données néonatales existent
mais une importante étude de pharmacocinétique de population est en cours à propos des
antibiotiques, sédatifs, antalgiques et anti-convulsivants [30].
Le suivi des enfants traités est décrit jusqu’à 18 mois dans les principales études cliniques
publiées. Maintenant, il est indispensable de disposer de données à plus long terme, afin de
vérifier l’absence de séquelles plus tardives. Disposer de données concernant le devenir
cognitif à l’âge scolaire est une nécessité et plusieurs études se concentrent actuellement sur
ce problème. A cette fin, une base de données nationale française des enfants traités par HT
est en place depuis 2010. Plus de 500 enfants sont actuellement enregistrés dans cette base
avec des renseignements concernant l’hospitalisation initiale. Maintenant, le projet d’associer
des informations sur le suivi de ces enfants est en cours, afin d’obtenir des données nationales
sur l’évolution des enfants traités.
L’HT est une des premières stratégies de neuroprotection ayant montré un réel bénéfice
sur le pronostic des EAI. Cependant, le devenir des enfants atteints de cette pathologie, même
traités par HT, reste préoccupant. Selon la méta-analyse de 2010, la proportion d’enfants,
parmi ceux traités avec HT, avec décès ou séquelles graves à 18 mois reste de 47 % [21]. Si ce
taux est significativement plus faible que chez les contrôles, il est loin d’être négligeable. En
association à l’HT, d’autres stratégies neuroprotectrices peuvent se justifier.
AUTRES STRATÉGIES NEUROPROTECTRICES
ET PERSPECTIVES D’AVENIR
Parmi les molécules prometteuses, l’érythropoïétine est celle la plus étudiée [31]. De
multiples mécanismes aboutissant à une réduction de l’apoptose sont étudiés en
expérimentation animale. Ces mécanismes protecteurs se déclencheraient après activation
d’une kinase, appartenant à la famille des Janus Tyrosine Kinase. L’érythropoïétine
favoriserait également la régénération des neurones [31]. En clinique humaine, Zhu et al. ont
conduit une étude randomisée avec 83 enfants à terme avec EAI dans le groupe traité et 84
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NEUROPROTECTION LORS DES ENCÉPHALOPATHIES ANOXO-ISCHÉMIQUES DU NOUVEAU-NÉ
à TERME :ÉTAT DES LIEUX SUR L’HYPOTHERMIE ET PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES FUTURES
29
contrôles [32]. Des doses de 300 ou 500 UI/kg ont été proposées quotidiennement pendant
2 semaines avec un début de traitement durant les 48 premières heures de vie. Une
amélioration de la sémiologie neurologique est observée au 7e, 14e et 28e jour de vie. Le taux
combiné de décès et séquelles à 18 mois est de 24,6 % dans le groupe traité vs 43,8 % chez les
contrôles (p < 0,02). Le bénéfice est constaté pour les EAI de grade II mais pas pour les formes
très sévères. Dans une étude plus récente avec des effectifs plus restreints, des doses de 2500
UI/kg pendant 5 jours ont été testées [33]. Les convulsions à 3 et 5 jours sont
significativement moins fréquentes et une amélioration de l’EEG à 15 jours est objectivée
ainsi qu’une diminution des anomalies de l’examen neurologique évalué à 6 mois. Dans cette
étude, les concentrations de monoxyde d’azote étaient significativement plus faibles dans le
groupe traité, à 15 jours de vie. L’hypothèse est que l’érythropoïétine pourrait être
neuroprotectrice en supprimant la toxicité des radicaux libres régulés par le monoxyde d’azote
[33].
Le sulfate de magnésium est aussi une molécule candidate pour la neuroprotection par
une action d’antagoniste des récepteurs N-Methyl D-Aspartate (NMDA) impliqués dans
l’excitotoxicité. Ses propriétés neuroprotectrices ont plutôt été étudiées chez le prématuré,
en prévention des maladies de la substance blanche périventriculaire. Les études sont limitées
chez le nouveau-né à terme et montrent sur de petits effectifs une bonne tolérance de cette
molécule. Elle est proposée à une posologie de 250 mg/kg administrée à 3 reprises durant les
3 premiers jours postnatals. Les deux études cliniques suggèrent une amélioration du
pronostic évalué à la fin de l’hospitalisation initiale [34,35].
Parmi les adjuvants à l’HT, le Xenon, gaz anesthésique est aussi étudié chez l’animal. Le
Xenon est un gaz anesthésique ayant des propriétés neuroprotectrices en s’opposant à la
libération de certains neurotransmetteurs comme le glutamate. Il s’opposerait à l’activation
des récepteurs NMDA et ainsi à la cascade excitotoxique. Les études animales montrent une
amélioration de la neuroprotection en comparant les animaux traités par Xenon et l’HT à
ceux bénéficiant de l’HT seule [36]. Ce gaz ne poserait pas de problème d’effets secondaires
et actuellement, des études de faisabilité sont en cours mais il s’agit d’un produit onéreux et
son administration dans le circuit de ventilation de l’enfant en assistance respiratoire pose
des problèmes techniques [37].
La mélatonine, puissant anti-oxydant pourrait aussi être proposée. Elle s’opposerait à la
toxicité des radicaux libres oxygénés. Les données en clinique humaine sont limitées et
montrent une réduction de certains marqueurs biologiques du stress oxydatif [38]. Aucune
étude clinique humaine n’a été faite pour étudier le pronostic à court ou moyen terme lors
de l’EAI du nouveau-né à terme.
CONCLUSION
La neuroprotection par HT est une réelle avancée dans la prise en charge du nouveau-né
à terme avec EAI puisque ce traitement sans effet secondaire grave améliore le pronostic à 18
mois. Le pronostic de l’EAI demeure néanmoins préoccupant avec toujours une proportion
non négligeable d’enfants avec séquelles. Il y a une place à des traitements adjuvants et
l’érythropoïétine est la molécule qui est actuellement la plus proche d’une application en soins
courants. Comme beaucoup de pathologies néonatales, c’est probablement par une approche
multifactorielle, en exploitant des mécanismes différents de neuroprotection, que l’EAI pourra
être améliorée quant à son pronostic. Le concept qu’une seule stratégie ou qu’un seul
médicament puisse à lui seul changer l’évolution de cette maladie est probablement illusoire.
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30
T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
AUTEURS :
Thierry Debillon1, Marie Chevalier1, Anne Ego2 et Fabrice Cneude
1Clinique Universitaire de Médecine Néonatale et Réanimation Pédiatrique, Hopital Couple Enfant, Centre
Hospitalier Universitaire de Grenoble, BP 217, 38 043 Grenoble Cedex 9
2Département Méthodologie de l’Information en Santé, Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, BP 217,
38 043 Grenoble Cedex 9
1
AUTEUR CORRESPONDANT :
Thierry Debillon
Email : TDebillon@chu-grenoble.fr
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NEUROPROTECTION LORS DES ENCÉPHALOPATHIES ANOXO-ISCHÉMIQUES DU NOUVEAU-NÉ
à TERME :ÉTAT DES LIEUX SUR L’HYPOTHERMIE ET PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES FUTURES
31
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32
T. DEBILLON, M. CHEVALIER, A. EGO, F. CNEUDE
Tableau I : Critères d’inclusion des nouveau-nés dans les protocoles de soins d’hypothermie
contrôlée en cas d’encéphalopathie hypoxique-ischémique selon les recommandations de la SFN
Évaluation par les 3 critères successifs A, B et C listés ci-dessous (A+B+C = hypothermie pour 72 heures)
A – Nouveau-né ≥ 36,0 SA et un poids de naissance ≥ 1800 g né dans un contexte d’asphyxie périnatale :
évènement aigu périnatal (exemple : décollement placentaire, prolapsus du cordon et/ou anomalies sévères du rythme
cardiaque fœtal : décélérations tardives ou variables répétées, baisse de la variabilité, absence d’accélérations) avec
au moins UN des critères suivants :
1.
Apgar ≤ 5 à 10 minutes après la naissance
2.
Réanimation (intubation endotrachéale ou ventilation au masque) à 10 minutes
3.
Acidose définie par pH < 7 au cordon ou tout autre gaz artériel, veineux ou capillaire réalisédans les 60
minutes après la naissance.
4.
BD ≥ 16 mmol/l ou taux de lactates ≥ 11 mmol/l au cordon ou tout autre gaz artériel, veineux ou
capillaire réalisé dans les 60 minutes après la naissance.
5.
En l’absence de gaz du sang OU en cas de pH compris entre 7,01 et 7,15 OU BD compris entre 10 à
15,9 mmol/l, l’enfant doit avoir un contexte d’asphyxie périnatale ET le critère 1 ou 2
Si l’enfant remplit les critères A faire l’évaluation neurologique en utilisant les critères B
B – Encéphalopathie modérée à sévère (score de Sarnat H. Arch Neurol 1976;33:696-705). Atteinte des
fonctions corticales : léthargie (réponses aux stimulations : réduites) ou coma (réponses aux stimulations : absentes)
ET au moins UN ou plus des signes suivants
1.
Hypotonie globale ou limitée à la partie supérieure du corps
2.
Réflexes anormaux : Moro (faible ou absent) ou anomalies oculo- motrices ou pupillaires (pupilles
serrées ou dilatées non réactives)
3.
Succion absente ou faible
4.
Convulsions cliniques. Si l’enfant remplit les critères A et B, faire une évaluation électro- physiologique
avec un EEG et/ou un aEEG.
C – Trente minutes d’enregistrement d’EEG (8 électrodes) et/ou un aEEG réalisés après 1 heure de naissance
et 30 minutes après une injection de phénobarbital si nécessaire sont indispensables pour poursuivre l’hypothermie
réglée. EEG ou aEEG qui montrent des anomalies du tracé de fond avec UN des critères péjoratifs suivants à l’EEG
standard ou à l’amplitude EEG (aEEG) :
1
Critères d’anomalies à l’EEG standard 8 électrodes : - Tracé paroxystique sans figures physiologiques
(burst suppression) - Tracé très pauvre enrichi de quelques ondes thêta - Tracé inactif (amplitude < 5μV)
- Activité critique continue
2.
Critères d’anomalies aEEG : - Tracé discontinu – modérément anormal – limite inférieure < 5μV et
limite supérieure > 10μV - Tracé discontinu – sévèrement anormal – limite inférieure < 5μV et limite
supérieure < 10μV - Tracé paroxystique (burst suppression)
3.
- Activité critique continue
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33
STRATéGIES DE NEUROPROTECTION
DANS L’ARRÊT CARDIOCIRCULATOIRE CHEZ L’ENFANT :
éTAT DES LIEUX
par
O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
INTRODUCTION
L’arrêt cardiocirculatoire (ACC) de l’enfant est principalement d’origine hypoxique,
contrairement à celui de l’adulte. Le tableau 1 résume les causes des ACC extrahospitaliers
chez l’enfant dans une série canadienne de 503 cas [1]. L’ACC sur trouble du rythme chez
l’enfant représente moins de 10 % des ACC de l’enfant et survient le plus souvent en milieu
intrahospitalier qu’en extrahospitalier [2]. Aux USA, on observe 8 à 20 ACC
extrahospitaliers /100000 enfants et un taux d’incidence d’environ 1 ACC pour 1000 enfants
hospitalisés [2]. Le devenir des ACC chez l’enfant est assez sombre avec une survie à 1 an
inférieur à 35 % [3]. Un peu plus d’un quart des enfants qui ont un ACC intrahospitalier
survivent (14 à 42 % selon Fink et al. [4]) et 65 % d’entre eux ont un bon développement
neurologique. La survie des enfants présentant un ACC extrahospitalier est beaucoup plus
réduite entre 2 et 28 % [4]. L’incidence de l’ACC chez les enfants hospitalisés en réanimation
pédiatrique est d’environ 2 %. [5].
Le concept de chaîne de survie est actuellement bien reconnu tant en extrahospitalier [6]
qu’en intrahospitalier où la mise en place d’Equipes Médicales d’Urgences (Medical
Emergency Team MET) a démontré son intérêt dans la diminution de la morbidité et la
mortalité chez les enfants présentant un ACC [7].
Les stratégies thérapeutiques pour éviter les Agressions Cérébrales Secondaires
d’Origine Systémique (ACSOS) constituent la base de la prise en charge des patients lors
de la stabilisation post-réanimation. Les stratégies neuroprotectrices spécifiques sont quant
à elles beaucoup plus limitées et leur pertinence reste à démontrer. Le tableau 2 résume
l’ensemble des thérapeutiques neuroprotectrices évaluées dans des essais cliniques et
susceptibles d’être utilisées chez l’adulte présentant un accident vasculaire aigu [8]. Les
grandes stratégies neuroprotectrices en phase post-réanimation chez l’enfant ayant présenté
un ACC sont l’hypothermie thérapeutique, l’inhibition de l’excitotoxicité postischémique, l’action sur les canaux calciques voltage dépendants, l’inhibition des radicaux
libres et enfin des thérapeutiques anti-inflammatoires [2]. Des approches plus futuristes
de thérapie cellulaire et antiapoptotiques sont aujourd’hui en cours de développement.
Nous n’évoquerons pas dans ce chapitre la prévention des ACSOS. Nous allons dans ce
travail parler essentiellement de la place de l’hypothermie thérapeutique dans l’ACC de
l’enfant.
JPP 2012 04 09_Mise en page 1 11/09/2012 23:39 Page 34
34
O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
HYPOTHERMIE THÉRAPEUTIQUE DANS L’ACC :
Où EN EST-ON CHEZ L’ENFANT ?
Plusieurs études ont validé l’intérêt de l’HT dans 2 domaines précis : l’anoxo-ischémie
périnatale et l’ACC sur trouble du rythme ventriculaire chez l’adulte [9,10] [11].
Récemment, Edwards et al ont montré sur une revue de trois grandes études randomisées,
l’intérêt de l’HT dans l’asphyxie périnatale sur le devenir à 18 mois des enfants avec une
réduction significative de la mortalité et du handicap, une augmentation de la survie sans
séquelle et une diminution de la gravité des séquelles chez les survivants [12]. Chez l’adulte,
les travaux du début des années 2000 ont démontré l’intérêt de l’HT dans l’ACC sur
fibrillation ventriculaire [13,14]. Dans la première étude du groupe Hypothermia after cardiac
arrest study group (HACA), les auteurs ont montré à 6 mois post ACC, une amélioration du
devenir neurologique (risque relatif de 1,4 ; intervalle de confiance (IC) 95 % [1,08 – 1,81]
p = 0,009) et une diminution de mortalité (risque relatif de 0,74 ; IC 95 % [0,58 – 0,95] p
= 0,02) dans le groupe hypothermie. Très récemment, une étude rétrospective de cohorte sur
374 adultes avec un ACC non choquable a été publiée avec des résultats encourageants [15].
Sur l’ensemble des patients, 135 ont bénéficié d’une HT entre 32 et 34°C pendant une
période de 24 heures. La particularité de cette étude est qu’elle s’intéressait aux ACC avec
asystolie ou activité électrique sans pouls (AESP) lors du premier rythme enregistré chez les
patients. Les auteurs ont montré par rapport aux témoins en normothermie, le bénéfice d’une
HT modérée de 24 heures dans l’ACC non choquable de l’adulte sur le devenir neurologique
évalué par le degré de dépendance (OR=1,84 ; [1,12-2,84]) et la mortalité (OR=0,56 ; [0,34-0,93]).
Entre la période périnatale et l’âge adulte, la place de l’HT dans le cadre de l’ACC chez
l’enfant n’est pas univoque et continue de susciter de nombreux débats. Il y a quelques années,
un véritable « coup de froid » s’est abattu sur cette option thérapeutique après les travaux
de Hutchinson et al. [16] dans le traumatisme crânien de l’enfant. Même si des remarques
ont été soulevées concernant la méthodologie de ce travail, dans leur conclusion les auteurs
ne recommandaient pas l’HT dans le TC de l’enfant compte tenu d’une tendance à
l’augmentation de la mortalité dans le groupe de patients traité par hypothermie.
Il n’existe pas pour l’instant d’étude randomisée chez l’enfant concernant l’utilisation de
l’HT dans l’ACC. Les recommandations de l’European Resuscitation Council [6] stipulent
qu’il est licite chez l’enfant lorsqu’il existe un coma post ACC, de proposer une HT dont
les modalités et l’évidence reposent actuellement sur les résultats des études adultes et
néonatales. Des études pédiatriques rapportent cependant des expériences de divers centres.
Deux études rétrospectives ont été publiées dans la littérature respectivement en 2009 et
2010. L’article de Doherty [3] rapporte sur une cohorte totale de 79 enfants ayant présenté
un ACC, l’expérience d’une HT chez 29 d’entre eux. Sur l’ensemble des patients, 58 (73,5 %)
avaient un tracé électrique initial d’asystolie ou d’AESP et 75 enfants sur les 79 inclus avaient
présenté un ACC intrahospitalier. L’analyse multivariée ne mettait pas en évidence de
différence significative en termes de mortalité et de devenir neurologique entre les deux
groupes de patients. Cependant, la mortalité était augmentée de façon significative dans le
groupe HT en l’absence d’ajustement des variables (durée de l’ACC, recours à l’ECMO,
score de dépendance avant l’ACC). Les auteurs restaient donc perplexes quant à l’utilisation
en routine de l’HT dans l’ACC de l’enfant.
Fink et al. en 2010 [4], ont également décrit leur expérience de l’HT dans une population
d’enfants ayant présenté un ACC. Cette étude rétrospective a inclus 181 enfants (groupe
hypothermie N = 40 ; groupe normothermie N = 141) entre 2000 et 2006. L’origine
asphyxique de l’ACC était trouvée dans 91,1 % des cas, avec une asystolie, bradycardie sévère
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STRATÉGIES DE NEUROPROTECTION
DANS L’ARRÊT CARDIOCIRCULATOIRE CHEZ L’ENFANT : ÉTAT DES LIEUX
35
ou AESP dans 84,8 % des cas. L’ACC était survenu en intrahospitalier dans 55 % des cas.
Il est important de noter qu’il existait des différences significatives entre les deux groupes de
patients concernant la durée moyenne avant la récupération d’un rythme cardiaque (NT :
13,5 mn vs. HT : 18,2 mn ; p = 0,02), la présence de témoins (NT : 80 % vs. HT : 62,5 % ;
p = 0,04), le nombre moyen de dose d’Adrénaline (NT : 2 vs. HT : 3 ; p = 0,03) et la
température centrale moyenne à l’arrivée en réanimation (NT : 34,8° C vs. HT : 33,9°C ;
p = 0,02). Les auteurs n’ont pas montré, dans cette étude non plus, le bénéfice de l’HT dans
la prise en charge de l’ACC de l’enfant. Ils insistent cependant sur la nécessité de lutter de
façon agressive contre l’hyperthermie, en ayant des objectifs de contrôle de la glycémie assez
stricts dans cette population de patients. La mortalité globale de l’étude de Fink et al est assez
faible (55,2 %), expliquée selon les auteurs par l’hétérogénéité des patients. Cette remarque
était également rapportée par Doherty et al. [3] avec une mortalité, dans leur travail plutôt
basse (39/70 soit 49 %). Si ces études rétrospectives [3, 4] ne permettent pas de conclure à
l’intérêt de cette thérapeutique en pratique courante chez l’enfant dans les ACC postasphyxiques ou sur trouble de rythme aigu, elles ont l’avantage de décrire une expérience
d’équipe. Les auteurs de ces deux travaux apportent également deux éléments importants
dans la réflexion autour de la prise en charge des ACC de l’enfant : d’une part que l’HT est
réalisable dans cette population de patient et avec peu d’effets secondaires et d’autre part
qu’il est indispensable de réaliser un essai multicentrique randomisé avant de considérer cette
thérapeutique comme un standard pour la prise en charge de l’ACC de l’enfant.
Les détails pratiques de la mise en place de l’HT ont été très bien décrits dans un autre
travail en 2009 intitulé How I cool children in neurocritical care [17]. Les auteurs insistent sur
la qualité du recrutement des patients, le contrôle de la température (objectifs cibles, méthodes
de refroidissement et durée de l’hypothermie, réchauffement), l’utilisation des drogues de
sédation analgésie et la surveillance des effets secondaires.
Très récemment enfin, Abend et al. en 2012 [18] ont montré chez 35 enfants ayant
présenté un ACC que la disparition des réflexes moteurs et pupillaires chez ces patients juste
après la réanimation et pendant la phase d’hypothermie, n’avait pas de valeur pronostique à
court terme (sortie de l’hôpital sur des critères d’altération fonctionnelle, score PCPC) tandis
que ces marqueurs devenaient pronostiques en phase de normothermie chez ces mêmes
patients. Au-delà de leur intérêt propre, ces deux dernières publications montrent que l’HT
est en passe de devenir un traitement de routine des ACC de l’enfant dans certaines équipes
alors que la preuve formelle de son efficacité n’a pas été faite.
Pour répondre objectivement à la question : « faut-il utiliser l’hypothermie thérapeutique
dans l’ACC de l’enfant ? », nous devons attendre les résultats des travaux multicentriques
en cours sur le sujet. Deux grands essais randomisés en cours de recrutement pour des enfants
de 48 heures de vie à 18 ans (Therapeutic Hypothermia to Improve Survival After Cardiac
Arrest in Pediatric Patients-THAPCA-IH [In Hospital] Trial NCT00880087 et Therapeutic
Hypothermia to Improve Survival After Cardiac Arrest in Pediatric Patients-THAPCA-OH
[Out of Hospital] Trial NCT00878644) coordonnés par le Dr Moler de l’Université du
Michigan et dont les résultats seront disponibles en 2015, permettront peut-être d’avancer
sur la question. L’Université de Pittsburg et le Dr Fink ont mis en place un essai randomisé
en cours de recrutement intitulé : Duration of Hypothermia for Neuroprotection After Pediatric
Cardiac Arrest (NCT00797680) dont l’objectif principal est d’évaluer le degré d’altération
cérébrale (marqueurs biologiques et IRM cérébrale) à la sortie de l’hôpital pour les enfants de
une semaine à 17 ans présentant un ACC intra ou extrahospitalier.
Dans notre pratique courante et en attendant ces résultats, il convient de tenter de
recenser les cas dans les différentes réanimations et d’inclure nos patients dans des études avec
comité d’éthique à défaut de randomisation.
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36
O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
LES AUTRES THÉRAPEUTIQUES SPÉCIFIQUES NEUROPROTECTRICES
DANS L’ACC DE L’ENFANT
Blocage de l’excitotoxicité
Diminuer l’hypermétabolisme post-ischémie secondaire à l’hypoperfusion est un objectif
intéressant et soutenu par l’observation de phénomènes en lien avec l’utilisation de l’HT ou
l’administration des barbituriques notamment lorsque ces derniers sont appliqués avant le
début de l’ischémie. Dans les années 80, le concept d’HYPER-thérapie a été proposé
notamment chez l’enfant noyé (HT, barbituriques, curares, diurétiques, ± corticoïdes,
hyperventilation, monitorage et contrôle de la pression intracrânienne), sans montrer
d’amélioration sur le devenir des patients [19]. Dans la prise en charge du traumatisme
crânien de l’enfant, les barbituriques ne sont pas considérés comme une thérapeutique
susceptible d’améliorer le pronostic des patients notamment du fait de l’action délétère sur
la perfusion cérébrale [20]. Des thérapeutiques plus spécifiques ciblant les récepteurs NMDA
constituent des pistes de recherche.
Antagonistes des récepteurs calciques voltage-dépendants
Le concept de l’utilisation des bloqueurs calciques comme neuroprotecteurs repose sur
constat d’une accumulation de calcium intracellulaire lors des agressions tissulaires cérébrales
notamment lors de la phase de reperfusion. Des études chez le rat ont montré l’efficacité de
ces thérapeutiques pour limiter l’entrée de calcium dans la cellule après un phénomène
ischémique [21]. Dans les années 90 des études cliniques randomisées chez l’humain n’ont
pas montré l’efficacité des bloqueurs calciques dans l’ACC en terme d’amélioration des
fonctions cognitives des patients survivants [22]. Il n’existe actuellement pas d’étude
pédiatrique sur ces traitements.
La voie des radicaux libres
De nombreuses molécules sont connues pour leur pouvoir antioxydant et ont été utilisées
dans ce sens dans diverses situations pathologiques (Allopurinol, alpha-tocophérol,
deferoxamine, acide ascorbique). L’allopurinol dans le cadre des anoxo-ischémies périnatales
a fait l’objet de recommandations dans le cadre de la Cochrane Database [23] et pourrait
être proposé dans des études randomisées dans l’ACC chez l’enfant.
Une autre manière de limiter la production de radicaux libres est de contrôler la
ré-oxygénation des patients. Chez le nouveau-né, les recommandations sont claires sur la
nécessité dans les 5 premières minutes de vie de débuter la réanimation en salle de naissance
en air ambiant [6]. Chez l’enfant, dans l’ACC, cette question n’est pas tranchée. Le maintien
d’un enrichissement élevé en oxygène des gaz administrés lors de la phase post-réanimatoire
chez des animaux (chiens) ayant présenté un ACC expérimental semble majorer les lésions
neuronales au niveau de l’hippocampe [24].
Une approche intéressante serait d’utiliser, de façon simultanée, différents produits
antioxydants.
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STRATÉGIES DE NEUROPROTECTION
DANS L’ARRÊT CARDIOCIRCULATOIRE CHEZ L’ENFANT : ÉTAT DES LIEUX
37
Les thérapeutiques anti-inflammatoires
Des études chez l’animal (rongeurs, chien) ont soutenu l’intérêt potentiel de l’utilisation
d’inhibiteurs des cyclo-oxygénases (indométacine par exemple) comme neuroprotecteurs
dans des modèles d’ACC [25-27]. Ces travaux reposent sur l’observation du rôle joué par les
métabolites de l’acide arachidonique (cyclo-oxygénases) dans la régulation du débit sanguin
cérébral notamment dans le cerveau immature. Il n’existe cependant aucune étude chez
l’enfant permettant d’affirmer que l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
améliore le pronostic des patients ayant présenté un ACC.
Limitation de l’apoptose ou la nécrose, thérapie cellulaire.
Erythropoïétine (EPO)
L’utilisation de l’EPO dans des essais randomisés chez le nouveau-né ayant présenté une
asphyxie périnatale sont en cours. De nombreux travaux sur des modèles animaux d’hypoxieischémie néonatale ont montré l’efficacité de cette thérapeutique sur la taille des lésions et le
devenir neurologique des animaux [28]. Chez le nouveau-né à terme asphyxique, des études
cliniques ont permis également de montrer une amélioration du pronostic neurologique à
l’âge de 18 mois chez les patients traités par EPO [29]. Dans le cadre spécifique de l’ACC, il
n’existe pas à ce jour d’études pédiatriques. Des études chez le rat ont montré un bénéfice en
termes d’efficacité de la réanimation initiale et de survie lors de l’utilisation d’EPO avant
l’ACC [30]. Une étude clinique associant hypothermie + EPO alpha chez l’adulte en cas
d’ACC extrahospitalier a mis en évidence l’existence d’effets secondaires hématologiques
(thrombocytose, occlusion artérielle) avec l’association de ces deux thérapeutiques [31]. Un
essai randomisé national de grande échelle dans l’ACC de l’adulte a débuté en 2009 et devrait
se terminer en 2012 (High Dose of Erythropoietin Analogue After Cardiac Arrest (Epo-ACR02) NCT00999583 Cariou A). Ce traitement dans l’ACC de l’enfant n’est donc pas
recommandé pour l’instant. D’autres molécules comme la Minocycline ont été essayées dans
des modèles animaux d’ACC avec des résultats contradictoires.
Injection de cellules souches / activation de facteurs neurotrophiques
Dans le domaine de l’anoxo-ischémie périnatale de nombreuses études chez l’animal ont
montré la faisabilité de l’injection soit in situ soit par voie générale de cellules souches
embryonnaires avec des résultats encourageants même si ni la dose optimale, ni le timing
précis de ces injections ne sont clairement connus. De plus les mécanismes d’action de ces
cellules souches sont actuellement inconnus [32]. Un essai multicentrique dans le cadre d’un
PHRC national à l’initiative de l’équipe de la Timone à Marseille (NEOSTEM : Essai de la
sécurité et de la faisabilité d'une thérapie cellulaire dans l'encéphalopathie hypoxiqueischémique néonatale par les cellules souches autologues du sang du cordon ombilical –
Pr U Simeoni) est sur le point de démarrer dans l’asphyxie périnatale.
Place de l’ECMO
Une étude récente [33] rapporte 54 cas d’ACC intrahospitalier pris en charge par ECMO
durant la réanimation avec des résultats très intéressants en terme de survie (46 % soit 26/54)
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38
O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
et de morbidité (devenir neurologique favorable chez 84 % des patients survivants soit un
PCPC inférieur ou égal à 3). Dans cette étude l’essentiel du recrutement concerne des enfants
ayant une maladie cardiaque sous-jacente. Cette prise en charge concerne cependant un tout
petit nombre de centres avec une logistique bien rodée afin de pouvoir assurer la mise en place
d’une assistance circulatoire dans un délai rapide. Le Groupement Francophone de
Réanimation et d’Urgences Pédiatriques a participé il y a quelques années à la rédaction d’un
document précisant l’utilisation de l’ECMO dans l’ACC extrahospitalier, réduisant
considérablement sa mise en place dans ces circonstances [34].
CONCLUSION
Les thérapeutiques spécifiques neuroprotectrices dans l’ACC de l’enfant restent modestes
et méritent toutes d’être validées par des études randomisées de grande envergure. La
prévention des ACSOS reste aujourd’hui la base de la prise en charge dans ce cadre
nosologique. Si la place de l’HT dans la prise en charge de l’ACC de l’enfant reste à définir,
l’intérêt de la lutte contre l’hyperthermie est reconnu et doit être prise en charge de façon
agressive. Les recherches concernant les thérapies visant à diminuer les phénomènes
apoptotiques et les thérapies de remplacement cellulaire portent d’importants espoirs.
Il apparaît nécessaire de colliger l’ensemble des données concernant les ACC de l’enfant
et les thérapeutiques engagées (notamment l’HT) au sein des différentes unités de
réanimation pédiatrique et des SMUR pédiatriques (base de données communes). Il est licite
de concevoir l’intérêt de stratégies multimodales dans ce domaine. Une lacune majeure
subsiste : l’absence de modèle animal reproductible et fiable de l’ACC de l’enfant et du
nouveau-né, ACC prioritairement post-hypoxique.
AUTEURS :
Olivier Brissaud a, Laurent Renesme , Julien Naud b
a Unité de Réanimation Néonatale et Pédiatrique, CHU Pellegrin – Enfants, place Amélie Raba Léon – 33076
Bordeaux cedex
b Unité de SMUR Pédiatrique, CHU Pellegrin – Enfants, place Amélie Raba Léon – 33076 Bordeaux cedex
a
AUTEUR CORRESPONDANT :
Olivier BRISSAUD, Unité de Réanimation Néonatale et Pédiatrique, CHU Pellegrin – Enfants, place Amélie
Raba Léon – 33076 Bordeaux cedex
Téléphone : +33 5 56795913
Fax : +33 5 56796113
Mel : olivier.brissaud@chu-bordeaux.fr
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O. BRISSAUD, L. RENESME, J. NAUD
Tableau 1 : Etiologies des arrêts cardiocirculatoires extrahospitaliers chez l’enfant d’après [1]
Etiologie (N/ % par rapport au total N = 503)
Mort subite
Asphyxie/obstructive
Cardiaque
Détresse respiratoire
Pendant un effort (possible arythmie)
Système nerveux central
Prématurité
Intoxications
Asphyxie périnatale
Sepsis
Hypovolémie/exsanguination
Métabolique/troubles électrolytiques
Traumatisme fermé
Noyade
Strangulation
Brûlé
Traumatisme ouvert
Électrocution
Autres
Inconnu
Médical (N = 314)
Traumatisme (N = 189)
102 (20,3)
38 (7,6)
20 (4)
20 (4)
13 (2,6)
9 (1,8)
8 (1,6)
7 (1,4)
6 (1,2)
3 (0,6)
2 (0,4)
1 (0,2)
75 (14,9)
42 (8,4)
37 (7,4)
22 (4,4)
8 (1,6)
2 (0,4)
6 (1,2)
82 (16)
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STRATÉGIES DE NEUROPROTECTION
DANS L’ARRÊT CARDIOCIRCULATOIRE CHEZ L’ENFANT : ÉTAT DES LIEUX
Tableau 2 : Stratégies neuroprotectrices dans la prise en charge de l’AVC chez l’adulte d’après [8]
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TABLE RONDE 2
Les BMR : une réalité qui nous menace
Organisateurs : G. CHERON et E. GRIMPREL
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ENTéROBACTERIES PRODUCTRICES DE
BÊTA-LACTAMASES à SPECTRE éTENDU EN PéDIATRIE
par
P. MARIANI-KURKDJIAN, C. DOIT, E. BINGEN
Les bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) sont des enzymes produites par les
entérobactéries qui hydrolysent l’ensemble des pénicillines et des céphalosporines à
l’exception des céphamycines (céfotixine, céfotétan) du moxalactam et des carbapénèmes.
Elles sont inhibées partiellement par les inhibiteurs de bêta-lactamase (acide clavulanique,
tazobactam, sulbactam), et portées par des plasmides conjugatifs. Les premières BLSE ont
été mises en évidence en Allemagne et en France en 1984 [1,2]. Elles dérivaient des bêtalactamases de type TEM ou SHV-1 par mutation ponctuelle et ont été décrites initialement
chez Klebsiella pneumonia (TEM3, SHV-2). Plus d’une centaine de variants de TEM et de
SHV ont été décrits par la suite.
Plus récemment de nouvelles BLSE non dérivées des pénicillinases ont émergé : en
majorité les enzymes de type CTX-M conférant un plus haut niveau de résistance au
céfotaxime qu’à la ceftazidime. Les gènes des CTX-M proviennent de bactéries de
l’environnement. à ce jour, 84 variants de CTX-M ont été décrits appartenant à 5 grands
groupes M1, M2, M8, M25, M9. Les CTX-M les plus fréquents étant CTX-M-15 et CTXM-1 dans le groupe M-1 et CTX-M-14 et CTX-M-9 dans le groupe M-9 [3]. Il existe une
variabilité d’hydrolyse des Céphalosporines de 3ème Génération (C3G) selon les BLSE.
Ainsi CTX-M-1 et CTX-M-14 hydrolysent très faiblement la ceftazidime.
Ce mécanisme de résistance est le plus souvent associé à une résistance multiple aux
aminosides, au cotrimoxazole et aux tétracyclines [4]. Les enzymes de type CTX-M ont eu
un fort succès épidémiologique et ont diffusé dans le monde entier [4].
La dissémination mondiale des CTX-M a été associée à certains clones ST131 (E. coli
025 :H4) ST38, ST 405, et ST 648 [5]. La résistance des BLSE de type CTX-M15 est
souvent associée à une multi résistance aux aminosides et aux pipérazinyl quinolones par
l’intermédiaire d’une aac (6’)-Ib-cr [6].
La méthode de macro-restriction par électrophorèse en champ pulsé permet de
discriminer à l’intérieur du clone ST 131 [7], ceci expliquant la variabilité des profils de
virulence et les capacités de diffusion différente du clone mondial ST 131 [8].
Enfin, les années 2000 ont été marquées par une diffusion de ces souches, non seulement
à l’hôpital, mais également dans la communauté. La prévalence du portage fécal
communautaire de E. coli BLSE a été évaluée dans une étude réalisée par les pédiatres du
groupe ACTIV [9] chez 411 nourrissons âgés de 6 à 24 mois (12,8 5,3 m) jamais
hospitalisés. Au total 4,9 % des nourrissons étaient porteurs sains de E. coli produisant une
BLSE (majoritairement CTX-M-1, CTX-M-15). La prise d’une céphalosporine orale de
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P. MARIANI-KURKDJIAN, C. DOIT, E. BINGEN
3ème génération dans les 3 mois précédents a été retrouvée comme facteur de risque avec un
OR = 2,70, 95 % CI [0,82-8,87]. Ce risque est plus important chez les patients de plus de 1
an OR =2,70, 95 % CI [1,0-7,61] par rapport aux patients de moins de 1 an. Les 18 souches
de E. coli BLSE, retrouvées dans cette étude appartenaient aux groupes phylogénétiques B2
(n = 1), D (n = 6), A (n = 9) et B1 (n = 9). Une grande hétérogénéité génétique de ces souches
a été retrouvée par la technique semi-automatisée de Rep PCR (Diversilab, Biomérieux).
Outre une pression de sélection antibiotique favorisant leur sélection dans la flore
digestive, différents autres facteurs peuvent expliquer cette dissémination communautaire :
une transmission interhumaine (famille, collectivités…) [10,11] ; un rôle de la chaîne
alimentaire (ces bactéries sont retrouvées en portage chez de nombreux animaux d’élevage)
[12] ; une hospitalisation récente [13].
Les souches productrice de BLSE sont de plus en plus fréquemment isolées dans les
services d’urgences, de pédiatrie et dans les maternités, reflétant leur acquisition
communautaire. La prévalence du portage vaginal de E. coli BLSE dans notre maternité était
de 4,9 % en 2011. Il devient donc très difficile de cibler des catégories de patients à risque de
portage de ces souches et de cibler les dépistages à l’admission des patients. En pédiatrie, ces
souches sont principalement responsables de cystites et de pyélonéphrites [14] où elles
peuvent mettre en échec les traitements de première intention. De rares cas d’infections
maternofœtales, de méningites néonatales impliquant ces souches ont été publiés [15]. à
l’hôpital Robert-Debré, hôpital mère-enfant du Nord-Est de Paris, l’incidence des patients
porteurs de ces BLSE (Figure 1) et la prévalence des souches de E. coli produisant ce type
d’enzyme n’a cessé de croître depuis le début des années 2000 (Tableau 1).
La prévalence de la résistance à l’association Trimethoprime-Sulfamétoxazole, la
ciprofloxacine et aux aminosides est rapportée dans le Tableau 2.
Diverses alternatives thérapeutiques aux carbapénémes ont été proposées pour le
traitement des entérobactéries productrices de BLSE.
L’utilisation de céphamycines (cefoxitine, céfotetan) stable à l’hydrolyse par les BLSE a
été rapportées. Cependant, leur prescription a été associée à l’émergence de mutants résistants
par imperméabilité des porines en cours de traitement [16]. Ainsi en dépit de leur bonne
sensibilité in vitro les céphamycines ne sont pas recommandées en traitement de 1ère
intention [17].
Dans le but de diminuer l’usage des carbapénèmes, depuis 2009, le Comité de
l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CA-SFM) a modifié d’une part
les concentrations critiques des C3G et de l’aztréonam pour les entérobactéries et d’autre
part, recommandé de ne plus faire de lecture interprétative pour la catégorisation des souches
d’entérobactéries ayant acquis une BLSE vis-à-vis des C3G et de l’Aztréonam.
Ainsi une souche est depuis 2009 considérée sensible (S) quand la CMI des C3G est
≤ 1 mg/L alors qu’elle l’était auparavant quand la CMI était ≤ 4 mg/L. Cette diminution
de la concentration critique est justifiée par l’existence d’échecs cliniques impliquant des
souches autrefois catégorisées sensibles [18]. Ces échecs ont été principalement observés
lorsque la CMI était > 2 mg/L [18].
Par ailleurs, les études expérimentales ont montré que l’efficacité clinique des C3G était
associée à un temps > CMI proche de 60 % atteignable si la CMI est ≤ 1 mg/L
indépendamment de la présence ou non d’une BLSE [19]. Ainsi la CMI apparaît être plus
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ENTÉROBACTERIES PRODUCTRICES DE
BÊTA-LACTAMASES à SPECTRE ÉTENDU EN PÉDIATRIE
47
associée à l’efficacité clinique que la présence ou non d’une BLSE.
Bien que la probabilité de succès thérapeutique augmente avec la diminution de la CMI,
une CMI basse pour une souche productrice de BLSE n’apparaît pas clairement être un
marqueur absolu prédictif d’un succès thérapeutique. Le risque d’effet inoculum et le manque
de données cliniques suffisantes incitent à la prudence.
La mise en évidence d’une BLSE repose sur la détection d’une synergie entre C3G et
ac-clavulanique ce qui témoigne de la stabilité de l’acide clavulanique vis-à-vis des BLSE. Une
étude récente a montré l’intérêt in vitro de l’association du céfixime, de l’amoxicilline–ac
clavulanique vis-à-vis de souches de E. coli productrices de BLSE [20]. L’étude de 63 souches
de E. coli BLSE a montré que 93 % des isolats étaient résistants au céfixime seul alors qu’au
contraire l’association était active vis-à-vis de 90 % des souches. Ainsi, l’amoxicilline–ac
clavulanique protège le céfixime in vitro ce qui devrait inciter à proposer l’évaluation clinique
de cette association dans le cadre des pyélonéphrites de l’enfant [20].
L’actuelle diffusion de E. coli BLSE apparaît être la conséquence de 2 phénomènes : la
pression de sélection des antibiothérapies utilisées en médecine humaine et la transmission
croisée de cette bactérie commensale digestive en milieu hospitalier et en milieu
communautaire.
L’arsenal thérapeutique vis-à-vis de ces souches est souvent restreint aux carbapénèmes,
à la colimycine, à la fosfomycine et à la tigécycline.
L’utilisation irraisonnée des carbapénèmes et l’absence de molécule disponible dans les
5 ans risquent de favoriser la diffusion des souches résistantes aux carbapénèmes et donc de
conduire à une impasse thérapeutique [21].
AUTEURS :
P. Mariani-Kurkdjian, C. Doit, E. Bingen*
Service de Bactériologie , Université Paris-Diderot, Hôpital Robert Debré
48, Bld Sérurier – 75935 PARIS Cedex 19 France
AUTEUR CORRESPONDANT :
Edouard Bingen - e-mail : edouard.bingen@rdb.aphp.fr
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ENTÉROBACTERIES PRODUCTRICES DE
BÊTA-LACTAMASES à SPECTRE ÉTENDU EN PÉDIATRIE
49
Figure 1
Tableau 1
Hôpital Robert-Debré : Prévalence de la résistance des souches d’E. coli (I ou R)
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Amoxicilline 44,2 48,4 48,7 51,2 51,9
49
51,8 49,6
50
47,8 50,6 49,1
Cefotaxime
0,6
0,6
0,4
0,9
1,3
1,6
1,7
2,4
2,6
3,4
3,9
4,4
BLSE
0,1
0,6
0,9
1
1,2
1,9
2,1
2,2
3,4
3,5
Ciprofloxacine 0,8
0,9
1,1
1,8
2,5
3
3,1
3,6
3,5
4,4
3,9
6,6
n=
1995 1687 1927 1760 1507 1506 1702 1757 1627 1861 1864 1761
Tableau 2
Prévalence de la résistance à l’association Trimethoprime-Sulfamétoxazole,
la ciprofloxacine et aux aminosides en 2011 chez E.coli BLSE
Hôpital Robert Debré – Année 2010
Tobramycine
Gentamicine
Amikacine
Trimethoprime-Sulfam étox azole
2011
42%
38,30%
14%
67%
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50
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LES BMR : UNE RéALITE QUI NOUS MENACE ?
EPIDéMIOLOGIE CLINIQUE ACTUELLE EN PéDIATRIE
par
B. QUINET
Les bactéries sont dites multirésistantes aux antibiotiques (BMR) lorsqu’elles ne sont
plus sensibles qu’à un petit nombre d’antibiotiques habituellement actifs en thérapeutique
du fait de la présence de résistances naturelles et ou acquises. Les BMR ne sont pas plus
virulentes que les bactéries non résistantes dans la même espèce. Cependant les infections
par les BMR posent des problèmes importants de traitement : le choix des antibiotiques
possibles est limité, il s’agit d’antibiotiques à spectre large, à l’origine d’un déséquilibre des
flores avec un risque de colonisation secondaire avec d’autres BMR. Ces infections ou
colonisations entraînent un surcoût du fait du choix de l’antibiotique utilisé, du temps de
travail et des mesures d’hygiène nécessaires (renforcement du bionettoyage, isolement et
consommables). Il existe le plus souvent un retard à la mise en place d’un traitement adapté,
augmentant la durée de séjour, la morbidité et la mortalité. Les risques majeurs de ces BMR
sont l’échec et ou l’impasse thérapeutique. Les infections à BMR (présence de signes
cliniques) sont toujours précédées par une colonisation asymptomatique plus ou moins
prolongée du patient.
La France a une situation très défavorable en matière de BMR. Les BMR furent
longtemps l’apanage des lieux de soins, responsables d’infections nosocomiales (IN) ou
associées aux soins (IAS). Actuellement la diffusion extrahospitalière est au centre de la
problématique épidémiologique. Pour une grande majorité des bactéries en cause leur
caractère commensal (portage cutané, pharyngé ou digestif ) favorise leur diffusion et leur
dissémination dans la communauté. Enfin la mobilité des supports génétiques de la résistance
expose à leur diffusion à des espèces voisines responsables d’infections communautaires. Les
BMR sont un problème actuel bien réel de santé publique, extrêmement préoccupant et
constituent un objectif prioritaire dans la lutte contre les infections nosocomiales. Le monde
pédiatrique n’est plus épargné même s’il est un peu moins touché que celui des adultes [1,2].
Les données épidémiologiques cliniques pédiatriques sont très rares ou inexistantes : c’est
souvent à l’occasion d’une épidémie dans un hôpital ou dans une unité que sont publiés
quelques chiffres pédiatriques de BMR. Les données communautaires sont encore plus
exceptionnelles. Ces données épidémiologiques sont pourtant essentielles car elles permettent
d’adapter le traitement d’attaque des infections graves. Il est important de connaître dans
chaque établissement et par service l’épidémiologie des germes et de leur résistance. Cette
démarche passe dans les services les plus à risque par un dépistage systématique et régulier
du portage (nasal, cutané ou intestinal) des BMR, c’est un des remparts pour éviter le retard
à la mise en œuvre d’un traitement efficace. Les BMR sont maintenant bien présentes en
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52
B. QUINET
« ville ». Sont-elles sorties de l’hôpital et se sont-elles multipliées en communautaire ? Ou
bien existe-t-il un phénomène d’émergence et de multiplication des BMR en
communautaire ?
L’aventure de la résistance des germes aux antibiotiques a commencé avec la découverte
et la diffusion de l’utilisation des antibiotiques. Quatre grandes « familles » de BMR
dominent nos préoccupations, les abréviations pour les désigner se sont également
multipliées : les staphylocoques dorés méticillino-résistants (SARM), les entérobactéries
secrétrices de bêtalactamases à spectre élargi (EBLSE), plus rarement secrétrices de
carbapénémases (EPC), les entéroques résistants à la vancomycine (ERV) ou aux
glycopeptides en général (ERG), sans oublier les infections tuberculeuses multirésistantes
( MDR) ou plus encore ultra résistantes (XDR).
LES INFECTIONS à STAPHYLOCOQUE DORÉ MÉTICILLINO-RÉSISTANT
(SARM) ET AUTRES STAPHYLOCOQUES
Les premiers cas de Staphylococcus aureus (SA) résistant à la toute jeune pénicilline sont
découverts en 1945 soit trois ans après la première utilisation en clinique de cette molécule.
Dès 1940 les premières pénicillinases étaient décrites en laboratoire. Les premiers SARM
ont été isolés en Angleterre en 1961 [3]. Depuis quelques années on décrit des SA de
sensibilité diminuée aux glycopeptides (GISA) essentiellement dans trois pays à forte
incidence de SARM que sont le Japon, les USA et la France. Les SARM étaient dans la
deuxième moitié du 20e siècle la principale cause d’infections nosocomiales et demeuraient
rares en pathologie communautaire (C-SARM). L’incidence des SARM dans les IN a ensuite
diminué de 1996 à 2009 passant de 1,16 pour 1000 jours d’hospitalisation à 0,45 tout âge
confondu. Dans le même temps la courbe d’incidence des EBLSE croisait celle des SARM
pour prendre la tête des BMR [4]. L’incidence des souches communautaires de SARM reste
faible en France de l’ordre de 6 % mais il faut rester très vigilant car le risque d’augmentation
rapide est réel [5]. Une étude menée en ville en 2004 retrouve que seulement 42 % des
pyodermites vues par des médecins généralistes étaient confirmées à SA et que seuls 5,9 %
des souches étaient résistantes à la méticilline [6]. Les SARM communautaires français se
distinguent des souches hospitalières par la conservation d’une sensibilité aux antibiotiques
autres que les bétalactamines. Par contre ils sont plus souvent porteurs de facteur de virulence
comme la leucocidine de Panton et Valentine et à l’origine d’infections cutanées. Les facteurs
de risque d’acquisition de C-SARM sont les contacts et la promiscuité avec des porteurs :
famille, mais aussi contacts sportifs ou collectivités. Les SARM hospitaliers sont porteurs de
multirésistance et de diffusion plus clonale. Les SARM peuvent être à l’origine d’épidémies
hospitalières de colonisations et/ou d’infections particulièrement en unité de néonatologie
et de réanimation néonatale [7,8,9]. Ils sont aussi responsables d’infections chez des patients
porteurs de matériel (infections du site opératoire en chirurgie orthopédique) ou de
dispositifs intravasculaires en réanimation. L’étude récente d’Horovwitz aux USA trouve 31
enfants porteurs d’un SARM dans le nez lors de leur admission dans le service de soins
intensifs (soit 4,5 %) et 660 patients non porteurs : un parent travaillant dans le domaine
médical a été significativement plus souvent trouvé comme facteur de risque de colonisation
à SARM (10). La colonisation à SARM est un facteur de risque de développer une infection
à SARM chez les enfants dont l’état est déjà critique [11]. La place des SARM d’origine
communautaire aux USA est totalement différente de celle de la France : aux USA la
proportion des C-SARM est d’environ 30 % parmi les souches de SARM chez des patients
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LES BMR : UNE RÉALITE QUI NOUS MENACE ?
EPIDÉMIOLOGIE CLINIQUE ACTUELLE EN PÉDIATRIE
53
hospitalisés et atteint plus de 60 % lorsqu’il s’agit d’infections cutanées prélevées aux urgences
[12,13]. Il s’agit d’une souche clonale (USA 300) largement majoritaire dans de très
nombreux états américains.
A côté des colonisations et infections à SARM, un problème quotidien plus
spécifiquement pédiatrique est celui des infections à staphylocoque à coagulase négative
résistant à la méticilline. Il s’agit principalement de Staphylococcus epidermidis. C’est le germe
de loin le plus fréquent des colonisations et infections sur cathéter central dans les unités de
néonatologie [14,15] et chez les enfants immunodéprimés d’hémato-oncologie [16]. Les
staphylocoques à coagulase négative présentent un haut niveau de résistance à la méticilline
et sont responsables d’une utilisation importante de glycopeptides dans ces unités avec un
risque de sélection d’autres BMR.
LES ENTÉROQUES RÉSISTANTS
Les entéroques résistants à la vancomycine et à la teicoplanine c'est-à-dire aux
glycopeptides (ERG) ont émergé en France au milieu des années 1980. Dans l’espèce
Enterococcus faecium est majoritairement en cause. Les cas groupés prédominent et les mesures
mises en place pour juguler leur dissémination perturbent pendant de nombreuses semaines
l’organisation des services concernés et l’institution. Les épidémies ont touché principalement
depuis 2004 les services d’adultes : il s’agit le plus souvent de colonisations intestinales mais
des septicémies ou d’autres infections invasives sont possibles. Le pourcentage d’ERG en
France est estimé au sein de l’espèce à moins de 1 % mais la situation est hétérogène sur le
territoire et ce chiffre peut dépasser 20 % dans des pays européens proches comme la Grèce
ou l’Italie [17]. Le transfert de cette résistance aux glycopeptides à d’autres espèces
bactériennes comme S. aureus est une possibilité redoutée. Des cas pédiatriques d’infections
ou de colonisations, des épidémies sont publiés dans des services de néonatologie ou
d’oncologie à l’étranger et possibles en France [18,19]. Un portage digestif d’ERG est à
rechercher systématiquement chez les enfants rapatriés sanitaire ou ayant un antécédent
d’hospitalisation à l’étranger [20]. En attendant le résultat du dépistage, ces enfants doivent
être strictement isolés en prenant les précautions recommandées par le Haut conseil de santé
publique [17].
LES TUBERCULOSES à BACILLES RÉSISTANTS
Une tuberculose est dite multirésistante (MDR) quand existe une résistance simultanée
du bacille à l’isoniazide et à la rifampicine. Selon les données de l’OMS en 2010 on dénombre
plus de 650 000 cas de tuberculose MDR dans le monde. La résistance est directement en
relation avec une mauvaise gestion du traitement et à un défaut de compliance. En cas de
tuberculose ultrarésistante (XDR) encore moins d’antibiotiques sont efficaces. En France le
pourcentage de tuberculose MDR est de 1,2 % en 2009 soit 51 nouveaux cas identifiés [21].
Cette résistance pose des problèmes de diagnostic et de traitement chez les enfants. Il s’agit
de l’acquisition de bacilles résistants au contact d’un adulte ayant une tuberculose
multirésistante. Bien que rare il faut y penser et la suspecter si l’enfant appartient à une
communauté connue pour l’incidence élevée de MDR ou s’il est au contact d’un adulte ayant
une rupture de traitement ou une mauvaise compliance. Dans ces cas les recommandations
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54
B. QUINET
en cas de contact avec une tuberculose ne sont pas applicables à l’enfant. Le traitement
systématique de 3 mois associant isoniazide et rifampicine chez les moins de 2 ans n’est pas
possible, l’initiation du traitement nécessite l’obtention de l’antibiogramme. Tochon et al.
rapportent en 2011 la gestion de 10 enfants contacts de MDR en France dont un ayant une
infection tuberculeuse [22].
LES ENTÉROBACTÉRIES SECRÉTRICES DE BÊTALACTAMASES
à SPECTRE ÉLARGI (EBLSE)
Les EBLSE ont acquis une résistance aux céphalosporines de troisième génération et
souvent aussi à d’autres familles d’antibiotiques. Depuis plus de 15 ans leur incidence au sein
des entérobactéries n’a cessé d’augmenter. En 2010 l’enquête du CCLIN Paris-Nord incluant
142 laboratoires hospitaliers et ne prenant en compte que des prélèvements à visée
diagnostique retrouve 1657 souches d’EBLSE soit une incidence de 0,62 pour 1000 jours
d’hospitalisation. La principale espèce concernée est maintenant E. coli dans 61,3 % des cas
suivie de K. pneumoniae dans 15,3 % [23]. E.coli est un commensal intestinal commun à
l’humain et à de très nombreuses espèces animales, il prédomine largement dans la flore
intestinale. Il est constamment exposé à des antibiotiques et développe rapidement des
mécanismes de résistance. Ceux-ci se transmettent très efficacement entre entérobactéries.
La communauté est également un lieu de transmission et d’amplification de ces BMR qui
sont devenues surtout pour E. coli un problème émergent des infections urinaires chez les
patients de ville donc ceux qu’on va retrouver dans les services d’accueil des urgences. Il n’y
a pas de données pédiatriques publiées de pourcentage E. coli BLSE responsables d’infections
urinaires communautaires. Une étude récente parisienne rapporte l’épidémiologie des patients
porteurs ou infectés à EBLSE, enfants et adultes lors de leur admission à l’hôpital Necker en
2006-2007. Parmi les 114 patients concernés dont 56 enfants, E.coli représentait 59,6 % des
114 souches isolées et K. pneumoniae 26 %. Seuls 5 patients ne possédaient aucun facteur de
risque usuel de portage de BMR mais cela s’explique par les spécificités de recrutement de
cet établissement [24]. En néonatologie les EBLSE ont une responsabilité croissante dans les
infections nosocomiales. Elles sont à l’origine d’épidémies primitivement de colonisations
mais aussi d’infections systémiques et de méningites. Klebsiella pneumoniae et Enterobacter
cloacae ont été longtemps responsables des épidémies pédiatriques hospitalières, ils sont
maintenant dépassés par E. coli. [25]. Lors d’épidémies en services de néonatologie on est
frappé par le grand nombre d’enfants colonisés, par la durée très prolongée du portage et les
difficultés pour enrayer les transmissions [26,27]. Il est rare d’identifier un risque unique de
transmission croisé de ces bactéries, l’hygiène des mains a un rôle essentiel. L’absence d’impact
des mesures de contrôle peut nécessiter la fermeture temporaire de services. Les nouveau-nés
très prématurés avec une durée de séjour très prolongée en unité de soins intensifs et donc
d’exposition à des traitements antibiotiques répétés ont un risque accru de colonisations et
d’infections à EBLSE [28].
L’augmentation de l’utilisation des antibiotiques de la famille des carbapénèmes face aux
infections à EBLSE est une fausse bonne solution mais parfois la seule avec un risque
secondaire de sélection de germes à gram négatif résistants aux carbapénèmes. Cette résistance
est due à la production de carbapénémases mais aussi à d’autres mécanismes (diminution de
perméabilité et phénomènes d’efflux). L’émergence depuis 2004 en France d’épisodes
épidémiques d’infections et de colonisations à entérobactéries productrices de carbapénémase
est un problème de santé publique majeur. En 2009, la proportion parmi le germes isolés
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EPIDÉMIOLOGIE CLINIQUE ACTUELLE EN PÉDIATRIE
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d’infections invasives de souches productrices de carbapénémases était de 0,03 % des E. coli
et de 0,16 % des K. pneumoniae [29]. Le risque d’importation de ces BMR est majeur lors de
rapatriement sanitaire [20] de pays à très haute incidence comme la Grèce. Les services de
pédiatrie ne sont pas à l’abri de ce risque, une très grande vigilance s’impose.
CONCLUSIONS
Les BMR émergentes ont comme conséquences un risque de dissémination dans la
communauté et un risque d’épidémies hospitalières. Les services de pédiatrie ne sont pas
épargnés même si les données épidémiologiques sont encore rares. Nous avons besoin de
données spécifiques pédiatriques aussi bien pour les infections liées aux soins mais aussi pour
les infections communautaires. Les BMR sont un problème majeur face auquel nous allons
vers des impasses thérapeutiques et vers une régression de nos acquis en matière
d’antibiothérapie. Ces BMR ne connaissent aucune frontière ni entre pays ni entre espèces
animales et humaine. Il est peut être encore temps de reconsidérer l’utilisation des antibiotiques
à l’hôpital et en ville, d’en faire des médicaments à part et non d’usage courant [30].
AUTEUR ET AUTEUR CORRESPONDANT :
Béatrice Quinet. Service de Pédiatrie Générale et d’Aval des urgences du Professeur E. Grimprel. Hôpital d’enfants
A. Trousseau- La Roche Guyon. 26, avenue du Dr Arnold-Netter. 75571 Paris Cedex 12.
Email : beatrice.quinet@trs.aphp.fr
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STRATéGIES DE TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
par
R. COHEN, E. BINGEN
INTRODUCTION
L’évolution de la résistance aux antibiotiques est surtout préoccupante, ces dernières
années, pour les bactéries à Gram négatif (BGN). Pour les bactéries à Gram positif, même si
certaines espèces connaissent des évolutions de résistance inquiétantes (entérocoques,
staphylocoques essentiellement), il est exceptionnel de se retrouver devant une souche pour
laquelle une (ou plusieurs) option thérapeutique réellement efficace n’est pas disponible. Il
n’en va pas de même pour les BGN [1,2]. Depuis de nombreuses années des souches BGN
multi-résistantes (BGN-MR), appartenant essentiellement aux espèces P. aeruginosa,
Acinetobacter, B. cepacia, X. maltophilia étaient retrouvées occasionnellement chez des
patients présentant des pathologies sous-jacentes sévères, le plus souvent au cours
d’hospitalisations. Avec l’émergence des entérobactéries multi-résistantes une nouvelle étape
inquiétante a été franchie et on peut parler de pandémie. Les entérobactéries (dont E. coli)
sont des résidents habituels du tractus gastro-intestinal, susceptibles aussi de donner de très
nombreuses infections, même chez des sujets sans pathologie sous-jacente : infections
urinaires, infections néo-natales, septicémies, infections digestives [1,2]. Ces bactéries étaient
facilement traitables par des antibiotiques, mais au cours des dernières années un pourcentage
croissant d'entre elles sont devenues résistantes à l'ensemble des antibiotiques, y compris les
carbapénèmes. Certes, ces souches apparaissent « in vitro » souvent encore sensibles à la
colimycine ou à la tigécycline ou à la fosfomycine, mais l’activité clinique réelle de ces
molécules est relativement modeste et une perte de chance existe pour les malades infectés
par ce type de bactérie. Un retour à l’ère pré-antibiotique pour ces patients n’est pas un
scénario possible mais le scénario probable, et ce, depuis des années [3].
CHANGER DE PARADIGME
Du fait de l’absence de nouvelles molécules actives contre ces BGN-MR pour au moins
5 à 10 ans [4], l’émergence de ces résistances va poser des problèmes pour pratiquement toutes
les spécialités pédiatriques : réanimation, néonatologie, immuno-hématologie, néphrologie,
pneumologie, chirurgie et bien entendu pédiatrie générale. Ceci doit nous conduire à changer
de paradigme pour un nombre considérable d’attitudes ancrées dans nos pratiques médicales :
- Améliorer nos méthodes diagnostiques entre infections virales et bactériennes,
- Rechercher et isoler les patients infectés ou portant des BGN-MR,
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58
R. COHEN, E. BINGEN
- Faire un diagnostic précoce de l’espèce bactérienne responsable, pour pouvoir prescrire
au plus vite l’antibiotique qui a le plus de chance d’être actif,
- Proscrire les antibiothérapies de « couverture »,
- Réduire la place et le type des antibioprophylaxies pour un nombre important de
situations (reflux vésico-urétéraux, dilatation des bronches, décontamination digestive,
antibioprophylaxie chirurgicale...),
- Réduire la place des familles d’antibiotiques dont le pouvoir de sélection aboutit aux
mécanismes de résistance les plus inquiétants (céphalosporines, quinolones, pénèmes),
- Rediscuter toutes les indications et la nature des antibiothérapies curatives pour les
situations cliniques, même celles où elles nous apparaissaient évidentes (sinusites, otites,
angine, impétigo, cystites, acné...).
Les axes d’amélioration nous paraissent être les suivants :
- Améliorer la formation des prescripteurs ; l’antibiothérapie devient compliquée et un
immense travail de formation est à entreprendre, le groupe de pathologie infectieuse
pédiatrique est prêt à y contribuer,
- Renforcer la collaboration étroite entre les laboratoires de microbiologie et les cliniciens
pour les patients infectés avec des BMR : des tests de sensibilité complémentaires étant
nécessaires (E-test, CMI, détermination phénotypique et génotypique des mécanismes
de résistance...) pour pouvoir aboutir à la prescription la plus judicieuse,
- Penser que l’antibiothérapie ne correspond plus au traitement « prêt à porter » par la
simple application de protocoles, mais à un traitement « sur mesure » en fonction des
mécanismes de résistance.
Nous abordons essentiellement pour la suite de cet article, la prise en charge des infections
dues à des entérobactéries sécrétrices de ß-lactamases à spectre étendu (principalement des
CTXM) et des BGN-MR.
ENTÉROBACTÉRIES PRODUCTRICES DE ß-LACTAMASES
à SPECTRE ÉTENDU (BLSE)
Les carbapénèmes sont le traitement de référence de ces infections, en particulier quand
elles sont sévères et que le pronostic vital est en jeu. L’utilisation du meropénème, de
l’imipénème ou de l’ertapénème aux doses pédiatriques habituellement recommandées
permet d’obtenir un temps au dessus de la CMI avoisinant 100 %. Clairement, le
méropéneme est à la fois le carbapénème le plus actif, et en pédiatrie le plus maniable [5].
Cependant l’utilisation de ces antibiotiques à très large spectre confère le risque d’émergence
sous traitement de bactéries encore plus résistantes par modification des protéines
membranaires externes (souvent associé à une augmentation de l’efflux et/ou à une
hyperproduction de ß-lactamases de type Amp-C. L’utilisation des carbapénèmes facilite
également l’émergence de souches sécrétrices de carbapénémases. De plus leur administration
est strictement intraveineuse avec au moins 2 injections quotidiennes chez le moins de 12
ans entraînant des hospitalisations plus longues avec leurs conséquences financières,
infectieuses (infections nosocomiales) et psychologiques pour l’enfant (hospitalisation
longue en isolement). D’où l’importance chaque fois que cela est possible d’épargner les
carbapénèmes au profit d’autres molécules que nous allons envisager maintenant :
- Les aminosides sont actifs sur la majorité des entérobactéries BLSE. Cependant des
résistances existent avec l’amikacine et encore plus fréquemment avec la gentamicine. Les
CMI des aminosides sur les souches productrices ou non de BLSE ne varient pas si la souche
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STRATÉGIES DE TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
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reste sensible aux aminosides. Leur utilisation en monothérapie ne peut s’envisager que pour
le traitement des pyélonéphrites. En effet, si aux doses recommandées actuellement les C°
sériques sont très largement supérieures aux CMI, les concentrations tissulaires en dehors du
parenchyme rénal, sont trop faibles pour pouvoir obtenir un taux de guérison acceptable.
- Certaines pénicillines plus stables à l’hydrolyse selon les BLSE peuvent garder une
activité intéressante (CMI < aux C° sériques) sur les entérobactéries BLSE. Il s’agit de la
céfoxitime, la temocilline, le mecillinam, la ceftazidine, le cefepime [6,7]. Cependant, aucune
de ces alternatives n’offre suffisamment de sécurité pour pouvoir concurrencer les pénèmes
pour des infections sévères avec pour certaines d’entre elles (céfoxitine notamment) le risque
d’émergence de résistance en cours de traitement.
Par contre l’association pipéracilline-tazobactam a des CMI relativement basses pour une
proportion relativement élevée de souches. L’utilisation en clinique de l’association
pipéracilline/tazobactam est controversée. Certaines expérimentations animales et quelques
études cliniques rapportent une surmortalité par comparaison aux carbapénèmes, d’autres
études suggèrent au contraire une bonne efficacité lorsque l’organisme apparaît sensible à
l’antibiogramme.
- Par définition, les BLSE sont inhibées par les inhibiteurs de ß-lactamases comme l’acide
clavulanique [7]. L’association amoxicilline-acide clavulanique ou ticarcilline-acide
clavulanique du fait de CMI élevées ne sont pas réellement des alternatives en dehors des
cystites (concentrations urinaires très élevées et supérieures aux CMI). Si la majorité des
entérobactéries BLSE sont intermédiaires ou résistantes aux associations amox ou ticar/acide
clavulanique, l’acide clavulanique lui-même est un excellent inhibiteur de BLSE. L’association
de l’acide clavulanique à des molécules plus stables à l’hydrolyse comme certaines C3G
apparaît alors comme une alternative intéressante permettant de diviser les CMI par 8. Parmi
elles figurent la ceftazidime, le céfépime, le mecillinam, le cefixime, le cefdinir voire le
cefpodoxime [8,9,10,11]. La combinaison cefixime-amox/acide clavulanique, 2 molécules
disponibles par voie orale, a récemment été testée sur 64 souches d’E.coli sécrétrices de BLSE
(85 % de CTX-M). Il apparaissait que 93 % des souches étaient résistantes au cefixime
(breakpoint de 1 mg/L) alors que l’association avec l’acide clavulanique était active sur plus
de 90 % des souches. L’utilisation de l’association amox-clav + céfixime ne peut s’envisager
qu’en relais d’un traitement par voie intraveineuse et qu’après la vérification de la synergie in
vitro par la technique du E-test.
Le cotrimoxazole et la ciprofloxacine sont, quand les souches y sont sensibles, d’excellentes
alternatives (bonnes concentrations sériques et parenchymateuses et expériences cliniques
nombreuses). Malheureusement moins de 20 % des souches des entérobactéries BLSE y sont
sensibles.
TRAITEMENT DES BGN-MR
Trois antibiotiques restent souvent actifs in vitro sur ces bactéries : la colimycine, la
tigécycline et la fosfomycine. Ces trois antibiotiques ont pour caractéristiques communes
d’avoir :
- des paramètres prédictifs d’efficacité relativement médiocres (les C° sériques sont à peine
supérieures aux CMI de ces bactéries) d’où une perte de chance pour les malades traités,
- d’être relativement toxiques,
- et de devoir être utilisés en association car des résistances peuvent apparaître sous
traitement.
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R. COHEN, E. BINGEN
La colimycine est un vieil antibiotique connu depuis les années cinquante qui avait été
complètement abandonné du fait d’une activité clinique médiocre et de sa toxicité rénale
(surveillance par la créatininémie) et neurologique (surveillance clinique uniquement). C’est
un antibiotique, complexe comme aucun autre et extrêmement difficile à utiliser [12]. Du
fait de concentrations sériques basses, très proches des CMI pour les bactéries cibles, les doses
à prescrire sont nécessairement élevés (>150 000 UI/ jour) en 2 à 3 injections par jour. De
ce fait, une surveillance régulière de la créatininémie et des dosages sanguins (par une autre
méthode que microbiologique) est nécessaire.
La colimycine ne doit être utilisée qu’en cas d’absolue nécessité, uniquement après
isolement de la souche responsable de l’infection et détermination de la sensibilité in vitro
confirmant à la fois la résistance aux autres antibiotiques et la sensibilité à la colistine par la
méthode du E-test. Même si la souche est résistante aux autres antibiotiques, une synergie
doit être recherchée in vitro avec de nombreux antibiotiques : pénèmes, tigécycline,
rifampicine, fosfomycine. La monothérapie est à proscrire car elle favorise le développement
rapide de la résistance.
La tigecycline (dérivé de la minocycline) reste active sur une proportion importante des
BGN-MDR. Ses concentrations sériques sont très faibles et elle n’est le plus souvent que
bactériostatique, expliquant que sur des souches sensibles aux autres antibiotiques, les résultats
cliniques soient moins bons que les traitements classiques. De plus, s’agissant d’une
tétracycline, elle est contre-indiquée avant 8 ans.
Quant à la fosfomycine, en dehors des cystites, elle ne doit jamais être prescrite en
monothérapie, car l’apparition de souches résistantes sous traitement est la règle.
AUTEURS :
Robert Cohen1,2, Edouard Bingen3
1
ACTIV, Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés
2
Service de Microbiologie, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, Créteil
3
Service de Microbiologie, Université Paris Diderot, Hôpital Robert Debré, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
Robert COHEN - Robert.Cohen@wanadoo.fr
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STRATÉGIES DE TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
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STRATéGIE DE LUTTE CONTRE LES BACTéRIES
MULTI-RéSISTANTES EN PéDIATRIE
par
M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
INTRODUCTION
La dernière décennie a été marquée par la diffusion dans le monde des entérobactéries
sécrétrices de bêta-lactamase à spectre élargi (EBLSE). Cette situation est d’autant plus
inquiétante en France qu’elle survient, et de façon paradoxale, au moment ou nous récoltions
les fruits d’une politique intensive d’amélioration des mesures d’hygiène ayant permis d’obtenir
une diminution de l’incidence des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
(SARM). En effet, le début des années 2000 a couronné les efforts entrepris depuis plus d’une
décennie, par les équipes médicales et paramédicales, dans la lutte contre les infections
nosocomiales et particulièrement contre la diffusion intra-hospitalière des SARM [1].
Cette augmentation paradoxale pourrait s’expliquer par de nombreux facteurs que nous
essaierons de détailler ci-dessous et à partir desquels nous proposerons à partir de notre
expérience clinique et des données de la littérature, une stratégie de lutte contre la diffusion
hospitalière des bactéries multi résistantes.
LES RAISONS « POSSIBLES » DE CET ÉCHEC
Parmi les facteurs ayant permis la maîtrise de diffusion intra-hospitalière des SARM, il
nous paraît important de souligner l’amélioration globale de l’hygiène hospitalière et
notamment de l’hygiène des mains. Cette dernière a été obtenue grâce à l’introduction des
solutions hydro-alcooliques, qui ont permis une meilleure observance à l’hygiène des mains
hors et en soins intensifs. De plus, notamment dans les services à risque, la mise en place d’une
politique de dépistage et d’isolement (ie, screen and isolate) a permis de limiter la diffusion
des SARM en milieu hospitalier. Depuis le milieu des années 1990, la majeure partie des
unités de soins intensifs françaises ont adopté la politique de l’isolement systématique des
patients admis, la réalisation d’un dépistage systématique à l’admission et pendant le séjour
et dans certaines situations la réalisation d’une décontamination nasale chez les patients
porteurs de SARM [2]. Cette politique (intensive) associée à des campagnes de maîtrise de
l’antibiothérapie en ville comme à l’hôpital est probablement à l’origine du succès rencontré.
En revanche et malgré tous les efforts entrepris nous assistons « impuissants » à la diffusion
des EBLSE. Certaines différences épidémiologiques et microbiologiques peuvent, selon nous,
expliquer ce phénomène.
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M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
Les EBLSE sont endémiques
Comparativement aux SARM où la diffusion semble limitée aux structures hospitalières,
les EBLSE diffusent à l’hôpital et en communautaire. A l’instar des SARM, le réservoir des
EBLSE est essentiellement humain, mais contrairement à ces derniers, l’acquisition des
EBLSE n’est pas limitée aux structures hospitalières mais peut survenir en ville à partir de
réservoirs multiples que peuvent être l’eau et les aliments. Cette situation a des conséquences
majeures sur le milieu hospitalier, puisque ce dernier est constamment « alimenté » par des
patients colonisés ou infectés à EBLSE venant de la ville, rendant la maîtrise contre la
diffusion de ces BMR difficile au quotidien [3].
Le dépistage à l’admission semble être moins utile pour les EBLSE
A première vue, la diffusion en milieu communautaire des EBLSE impliquerait la
nécessité de mettre en place au moins dans les secteurs à risque une politique de dépistage à
l’admission et d’isolement, à l’instar de celle mise en place pour maîtriser la diffusion des
MRSA. Toutefois, le succès de cette politique dépend de la sensibilité du dépistage et de la
capacité de ce dernier à détecter la majeure partie des patients porteurs ou infectés à des BMR
[4] . Or, si dans le cas des SARM, le dépistage permet de détecter la majeure partie des patients
porteurs sains (sensibilité de l’ordre de 80 %), ce dernier semble moins efficace pour les
EBLSE et ce pour de multiples raisons : i) une sensibilité moindre de l’écouvillonnage
comparativement au SARM, ii) une sensibilité variable dans le temps, liée à la densité de
colonisation dans les selles, iii) l’existence d’un grand nombre de porteurs sains (moins de
20 % des porteurs d’EBLSE ont un prélèvement clinique positif ) [5]. Ces éléments plaident
contre une politique intensive basée sur le dépistage et l’isolement dans le cas particulier des
EBLSE, dans la mesure où seule une partie « minime » du réservoir serait détectable.
Enfin, il est important de rappeler que le risque majeur lié à une politique de dépistage
reste la surconsommation d’antibiotiques et dans le cas présent de carbapénèmes. Dans un
travail descriptif de cohorte, nous avons récemment souligné ce risque, dont les conséquences
à moyen et long terme étant l’accentuation de la spirale de la résistance .
Le mécanisme de résistance des EBLSE est plasmidique (donc transférable)
Contrairement au SARM dont le mécanisme de résistance est chromosomique (ce qui
implique qu’en cas de transmission c’est la bactérie qui est transmise avec son mécanisme de
résistance), le mécanisme de résistance des EBLSE est plasmidique. Les épidémies de BLSE
pourraient être dues à la fois à la diffusion des bactéries mais aussi à la diffusion du support
génétique conférant la résistance, indépendamment de la bactérie en tant que telle [6]. Ce
risque est à mettre en perspective avec le fait que nous (les humains) sommes tous porteurs
d’entérobactéries dans les selles en quantité importante (109 à 1012 bactéries par gramme
de selles) et donc sommes tous susceptibles d’être porteurs d’EBLSE. Risque communément
surnommé comme étant le « péril fécal ».
Les antibiotiques participent activement à la diffusion des EBLSE
Contrairement à la diffusion des SARM, où les antibiotiques (à l’exception des
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STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LES BACTÉRIES MULTI-RÉSISTANTES EN PÉDIATRIE
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fluoroquinolones) ne semblent pas avoir de rôle majeur dans la diffusion intra-hospitalière,
le rôle de la pression antibiotique (à titre individuel et collectif ) semble majeur dans le cas
des EBLSE. Plusieurs arguments directs et indirects plaident quant au risque lié aux
antibiotiques. En premier lieu, toutes les classes antibiotiques (ou presque) ont été associées
au risque d’infection à EBLSE. Certaines classes [7] semblent plus fréquemment associées à
ce risque comme les fluoroquinolones, les céphalosporines, mais des études récentes mettent
en évidence que toutes les bêta-lactamines y compris les carbapénèmes [8] sont associées au
risque de colonisation à EBLSE, ce qui corrobore les données fondamentales déjà publiées.
De plus, la fréquence des co-résistances aux antibiotiques au sein des souches d’EBLSE
suggère que le risque ne peut être limité à certains antibiotiques mais qu’il concerne bien
l’ensemble des classes existantes. En effet, l’antibiothérapie participe à la diffusion des EBLSE
par plusieurs aspects :
a- Chez les patients porteurs d’EBLSE : i) l’augmentation de la densité de colonisation
à EBLSE dans la flore intestinale des porteurs, et donc l’augmentation du risque de
dissémination ii) la prolongation de l’excrétion et de la durée de portage.
b- Chez les patients non porteurs d’EBLSE : par la modification de la flore dite de «
barrière » qui facilite la colonisation [9].
Toutes ces constatations soulignent l’importance de la maîtrise de la prescription
antibiotique (quelle que soit la classe antibiotique) dans la maîtrise et le contrôle de la
diffusion des EBLSE.
Les facteurs de risque de portage sont nombreux
Si les facteurs de risque d’acquisition de SARM semblent bien identifiés, il n’en est pas de
même pour les EBLSE. Ainsi dans la mesure où, à ce jour, il n’existe pas de critères
épidémiologiques ou cliniques permettant d’identifier les patients potentiellement porteurs
d’EBLSE en communautaire [10], la mise en place d’une politique ciblée de dépistage est illusoire.
COMMENT POUVONS-NOUS MAITRISER LE RISQUE HOSPITALIER ?
Avant de répondre à cette question, il paraît important de souligner le fait que, quelles
que soient les mesures proposées, celles-ci doivent être compatibles avec le développement
psychomoteur et affectif des enfants. De plus, et à la différence des services adultes,
l’hospitalisation pédiatrique se caractérise par une multitude d’acteurs (éducateurs,
accompagnateurs comme les clowns...) et par l’omniprésence des familles (lien continu entre
la ville et le monde hospitalier). Il est primordial d’inclure tous ces acteurs dans la politique
de maîtrise à proposer.
Quelles sont les recommandations nationales ?
La maîtrise de la transmission croisée des BMR repose avant tout sur le respect des
précautions standard (PS) en particulier de l’hygiène des mains. Nombreuses
recommandations ont été publiées en France ces cinq dernières années [11]. En résumé, cellesci ont élargi le champ des PS pour les BMR aux dépens des précautions complémentaires,
mais ont aussi cherché à renforcer le niveau de précautions pour les bactéries hautement
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M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
résistantes (BHR) (ie ; Entérocoque résistant à la vancomycine, Entérobactéries sécrétrices
de carbapénémases et Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes). En pratique, en
cas d’infection ou de colonisation à EBLSE il est recommandé d’hospitaliser l’enfant en
chambre individuelle, de signaler son statut dans son dossier clinique ainsi qu’à l’entrée de la
chambre, et de respecter les précautions standard (à savoir l’hygiène des mains au plus proche
du patient, le port de gants au contact des liquides biologiques, et la protection de la tenue
lors des soins potentiellement contaminants). La politique de dépistage systématique ou ciblée
est laissée au choix du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) local de
l’établissement. Toutefois, dans le cadre de la maîtrise des BHR, il est recommandé de mettre
en place un isolement géographique, un dépistage à l’admission et des mesures
complémentaires autour des patients venant des hôpitaux étrangers [12].
Comment choisir une politique de maîtrise du risque ?
L’activité, les moyens et les données épidémiologiques de chaque hôpital sont différents
rendant un tel choix difficile. Il est difficilement imaginable d’appliquer une politique
standardisée sans prendre en compte les spécificités de chaque structure. Les éléments
permettant de choisir au mieux une politique de maîtrise sont :
Les données épidémiologiques
Dans le cas où un hôpital ou un service qui serait resté indemne de la diffusion d’une BMR
(malgré son caractère endémique national ou régional), une politique de maîtrise « agressive
» pourrait se justifier. En revanche, le caractère endémique d’une situation suggère que la mise
en place de mesures telles que le screening à l’admission, l’isolement géographique des patients
colonisés ou infectés et l’utilisation de précautions standard risque de se heurter à des
contraintes financières, géographiques (chambres individuelles) et humaines. Dans ce cas, il
semble indispensable d’axer la politique de maîtrise sur une amélioration du respect des
précautions standard et d’une meilleure observance et compliance à l’hygiène des mains [13].
Niveau d’observance des précautions standard
Cet élément est fondamental pour réfléchir et mettre en œuvre une politique de maîtrise
efficace. Deux situations opposées peuvent se présenter. La première correspond à celle d’un
service où l’observance des précautions standard et à l’hygiène des mains est élevée, la seconde
correspondant quant à elle à une unité où l’observance des PS est faible (c‘est-à-dire inférieure
à 60 %). Dans la première situation, nous pouvons penser, qu’en cas d’endémie, le niveau
d’observance est suffisant pour maîtriser le risque. Dans la seconde, il nous semble important
de mettre en œuvre une politique d’amélioration des précautions standard et, en attendant
l’obtention d’un « haut niveau d’observance », de maintenir une politique d’isolement au
moins des patients connus comme étant anciennement porteurs d’EBLSE et ré-hospitalisés
ainsi que des patients connus ayant un prélèvement clinique positif à EBLSE [14].
Moyens humains et géographiques
Quelle que soit la politique choisie, celle-ci doit être adaptée aux moyens locaux. De
nombreux travaux ont montré qu’il existait une corrélation entre le risque d’infections
nosocomiales, la charge en soin et le manque de personnel [15]. Toute politique de maîtrise
nécessite de disposer des moyens en personnel suffisamment qualifié et formé, capable
d’assurer des soins de qualité tout en respectant les recommandations d’hygiène hospitalière.
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STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LES BACTÉRIES MULTI-RÉSISTANTES EN PÉDIATRIE
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D’autre part, les recommandations nationales soulignent la nécessité de placer les patients
colonisés ou infectés par une BMR en chambre individuelle [16] ou d’organiser leur
regroupement dans une même chambre ou un même secteur de soin. Ces recommandations
reposent essentiellement sur l’observation d’un meilleur respect des précautions
complémentaires en cas d’isolement. Malheureusement, cette politique peut rapidement se
heurter au manque de chambre individuelle et à la charge de travail engendrée par les
multiples déménagements.
La consommation antibiotique
Comme souligné précédemment, la consommation antibiotique participe de façon
importante à la modification du réservoir individuel et collectif d’EBLSE. De nombreux
travaux ont suggéré l’existence d’une association entre consommation antibiotique et
diffusion intra-hospitalière des EBLSE. Si certains antibiotiques semblent plus fréquemment
associés au risque d’infection, toutes les classes semblent exposer au risque de colonisation.
En effet, dans la mesure où les mécanismes de résistance associés aux EBLSE sont
nombreux, il paraît probable que de nombreux antibiotiques seront associés à la sélection de
souches résistantes d’EBLSE dans le tube digestif des patients porteurs. La seule amélioration
des précautions d’hygiène semble ainsi insuffisante pour maîtriser le risque épidémique,
comme suggéré par de nombreux travaux de modélisation [17].
QUELLE POLITIQUE ET DANS QUEL DÉLAI ?
Dans un premier temps, il est urgent de mettre en place une politique immédiate
d’amélioration des précautions standard et notamment de l’hygiène des mains. En effet, notre
incapacité à identifier les patients à risque, les limites liées à la sensibilité du dépistage et au
caractère évolutif du réservoir, font que toute politique basée sur le dépistage (systématique
ou ciblé) des patients, risque de se solder par un échec. Seule l’amélioration de l’observance
de l’hygiène des mains et le respect des précautions standard permettra de limiter la diffusion
des BLSE en milieu hospitalier.
Il est indispensable d’associer à cette politique d’amélioration des précautions standard
une politique de maîtrise de la prescription antibiotique. De plus celle-ci ne doit pas se limiter
à certains antibiotiques en particulier mais doit couvrir l’ensemble des molécules existantes.
L’objectif principal devra être ici non pas une « meilleure » prescription mais une
« moindre » prescription antibiotique.
Faut-il abandonner le dépistage à l’admission ?
Il est important de rappeler que l’efficience d’une politique de dépistage dépend de la
capacité du test à détecter le plus grand nombre de patients porteurs et que cette dernière est
encore plus efficace en cas de situation épidémique, c'est-à-dire quand seul un petit nombre
de patients admis est potentiellement porteur (ie, réservoir faible et sporadique). Dans le cas
des EBLSE, et au vu de la sensibilité du dépistage, le « screening » systématique des patients
ne semble pas apporter d’élément supplémentaire dans la politique de lutte contre la diffusion
de ces agents pathogènes. Toutefois, cette politique de dépistage pourrait être proposée de
façon systématique dans deux situations : i) en réanimation (à l’admission et de façon
hebdomadaire ou au moins à la sortie), dans le cadre d’une démarche de qualité visant à
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68
M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
identifier les cas d’acquisition dans le service, et ii) chez les patients admis de l’étranger
(particulièrement chez ceux transférés de structures hospitalières) à la recherche de BHR, à
condition que cela soit d’emblée accompagné d’une politique d’isolement ne pouvant être
levée qu’en cas de négativité des résultats. Certains patients porteurs d’EBLSE peuvent ne
pas être détectés (dépistage faussement négatif ) à l’admission du fait d’un faible inoculum,
raison pour laquelle nous suggérons, dans ces populations à risque, de réitérer le dépistage en
cours d’hospitalisation.
Faut-il adapter notre politique en fonction des incidences des différentes espèces ?
Cette question délicate reste débattue actuellement. En effet, nous restons partagés entre
une réalité qui s’impose progressivement (suggérant que le risque de diffusion intrahospitalière dépend de différents facteurs dont l’espèce microbienne), et la nécessité
d’uniformiser le message afin que celui-ci soit plus audible et compréhensible. Des études
effectuées dans les services de réanimation suggèrent que les épidémies intra-hospitalières
sont essentiellement liées à la diffusion de l’espèce Klebsiella pneumoniae productrices de
BLSE alors que l’espèce Escherichia coli productrice de BLSE semble moins fréquemment
impliquée. En effet, alors que la comparaison génotypique des souches de K. pneumoniae
productrices de BLSE suggère que leur diffusion est clonale [18], celle des souches d’E. coli
productrices de BLSE suggère quant à elle leur caractère polyclonal. La diffusion de souches
d’E. coli productrices de BLSE en milieu hospitalier serait le reflet de la prévalence de cette
espèce dans le milieu communautaire et le résultat de la pression de sélection antibiotique,
plutôt que la conséquence de la transmission croisée nosocomiale. Malgré ces données, et les
observations de terrain suggérant l’inefficacité des mesures d’isolement pour la maîtrise de
la diffusion des souches d’E. coli productrices de BLSE [19], il nous paraît actuellement
déraisonnable de faire une différence dans les moyens de lutte selon les espèces sans prendre
en compte les différents éléments cités préalablement.
Toutefois, en cas d’épidémie, cette donnée importante devra être prise en compte. Selon
nous, une épidémie de K. pneumoniae productrices de BLSE devra nécessiter la mise en place
de mesures exceptionnelles (pouvant aller jusqu’au regroupement (ie, cohorting) à la fois des
patients et des soignants), alors qu’une épidémie de souches d’E. coli productrices de BLSE
nous semble maîtrisable par le respect des précautions complémentaires.
EN CONCLUSION
La diffusion des EBLSE en communautaire et ses conséquences en milieu intra-hospitalier
nous ont amenés à modifier notre réflexion sur l’efficacité des recommandations nationales
de lutte contre les BMR. En effet, il nous paraît urgent, quelle que soit la situation, d’œuvrer
pour une nette amélioration du respect des précautions standard associée à une politique
efficace de maîtrise de la prescription antibiotique. Une telle politique nécessiterait une
observance des précautions standard dans plus de 80 % des situations, seuil qui permettrait
de maîtriser la diffusion intra-hospitalière malgré l’endémie inquiétante que nous vivons
actuellement. En revanche, en cas de situation épidémique, la mise en place de mesures
exceptionnelles, telle la création d'unités d'isolement, seraient nécessaires. Toutefois cette
politique ne sera JAMAIS efficace sans maîtrise (réelle) de toute prescription antibiotique.
Enfin quelle que soit la politique choisie, celle-ci ne peut être basée que sur les données
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STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LES BACTÉRIES MULTI-RÉSISTANTES EN PÉDIATRIE
69
épidémiologiques locales et en accord avec une qualité de soins permettant le développement
affectif et psychomoteur de l’enfant.
AUTEURS :
Matthieu Groh, Emmanuel Weiss, Marianne Burgard et Jean-Ralph Zahar.
Service de Microbiologie – Hygiène hospitalière, Equipe Mobile d’infectiologie
Université Paris Descartes, CHU Necker – Enfants Malades.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean – Ralph Zahar - Service de Microbiologie – Hygiène Hospitalière
Université Paris Descartes, CHU Necker – Enfants Malades
Courriel : jean-ralph.zahar@nck.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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M. GROH, E. WEISS, M. BURGARD, J.-R. ZAHAR
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Figure 1 : Proposition de politique de maîtrise du risque en fonction des données épidémiologiques
et locales
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TABLE RONDE 3
La Pathologie Mitochondriale
Organisateurs : B. CHABROL et P. DE LONNAY
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73
CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES ET MANIFESTATIONS
HéMATOLOGIQUES
par
C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
Les cytopathies mitochondriales regroupent plusieurs pathologies liées à un déficit de la
chaîne respiratoire mitochondriale. Elles peuvent se révéler à des âges variables, y compris en
période néonatale et se présentent cliniquement, le plus souvent, par des symptômes associés
touchant plusieurs organes [1]. En période néonatale, les signes les plus fréquents sont un
retard de croissance intra-utérin, une prématurité, une hypotonie, des apnées, des convulsions,
une cardiomyopathie hypertrophique, et plus d'un quart des patients décèdent durant les
trois premiers mois de vie [2]. Les manifestations hématologiques sont rares. Elles se
rencontrent dans le Syndrome de Pearson et dans le Syndrome de Barth.
LE SYNDROME DE BARTH : UNE CYTOPATHIE MITOCHONDRIALE
ASSOCIANT NEUTROPÉNIE ET CARDIOMYOPATHIE
Epidémiologie et clinique
Le Syndrome de Barth (SB) est une pathologie mitochondriale récessive liée à l’X, décrite
pour la première fois en 1983 par Barth, à partir d’une famille hollandaise présentant une
histoire de cardiopathie infantile masculine sur 3 générations [3]. Le SB est une pathologie
rare, avec une incidence comprise entre 1/50 000 et 1/300 000 naissances selon les études
[4]. A ce jour, selon les données de l’association américaine, Barth Syndrome Foundation,
on recense environ 140 cas signalés à travers le monde dont la moitié aux Etats-Unis et une
trentaine en Europe. Cependant ce syndrome reste probablement sous diagnostiqué, même
si les connaissances et la compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans la
physiopathologie du Barth n’ont cessé d’évoluer depuis la description initiale. Les mutations
causales, situées dans le gène TAZ localisé en Xq28 ont été décrites pour la première fois en
1996 [5]. Ce gène code pour la protéine tafazzin, impliquée dans le remodelage des
cardiolipines, composant essentiel de la membrane mitochondriale.
Le SB associe classiquement, chez un patient de sexe masculin, une cardiopathie, une
neutropénie, une myopathie et un retard de croissance [3]. Il existe une variabilité
interindividuelle dans la présentation clinique du syndrome. Le diagnostic est généralement
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74
C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
porté dans les premiers mois de vie et le mode d’entrée se fait dans la grande majorité des cas
par le bais de l’atteinte cardiaque. Une étiologie virale est d’ailleurs souvent évoquée devant
l’association d’une myocardiopathie dilatée et d’une neutropénie. La cardiopathie est présente
chez 90 % des patients et l’âge moyen de découverte de celle-ci est de 5,5 mois [6]. La
symptomatologie cardiaque peut être présente dès les premiers jours de vie et le diagnostic de
cardiopathie dilatée peut également être porté en anténatal sur les échographies du troisième
trimestre [7]. Echographiquement, les nourrissons présentent typiquement une dysfonction
ventriculaire gauche liée à une dilatation du ventricule gauche, une absence de compaction du
ventricule gauche, ou une cardiomyopathie hypertrophique dilatée [8]. La dysfonction
cardiaque a une évolution imprévisible. Elle peut évoluer favorablement et même devenir
infraclinique ou, dans certains cas, devant des décompensations devenant difficiles à prendre
en charge, conduire à la transplantation cardiaque avec des résultats plutôt positifs [9]. Les
troubles du rythme ventriculaire concernent environ 40 % des patients porteurs d’un Barth et
les exposent au risque d’arrêt cardiaque. Leur apparition ne semble pas en lien avec le degré de
dilatation du ventricule gauche. La mise en place de défibrillateurs automatiques implantables
permet de pallier au risque de mort subite lié à l’arythmie d’origine ventriculaire [10].
La neutropénie est fréquemment à l’origine d’infections cutanées bactériennes et
d’aphtoses buccales récidivantes sans réel critère de gravité, mais peut aussi mettre en jeu le
pronostic vital par le biais d’infections sévères, notamment néonatales [4]. Ces infections
sévères ou répétées sont le deuxième mode classique de découverte du Barth. Le degré de
neutropénie varie d’un nombre quasi normal de polynucléaires neutrophiles à l’absence totale
de neutrophiles circulants. La neutropénie est par ailleurs intermittente, décrite comme
cyclique chez certains patients. Elle peut donc être absente sur une numération isolée, d’où
la nécessité de répéter les prélèvements. En effet, l’étude transversale de Spencer et al. en 2006
[6] portant sur une cohorte de 34 patients porteurs de Barth ne retrouvait que 25 % de
patients leucopéniques. Le myélogramme retrouve inconstamment un arrêt de maturation
au stade promyélocytaire. Comme dans les autres neutropénies congénitales, une monocytose
et une hyperéosinophilie sont associées à la neutropénie de façon inversement proportionnelle
à celle-ci. On ne décrit pas d’anomalies des autres lignées sanguines. L’origine de la
neutropénie dans le SB n’est pas bien comprise. L’hypothèse d’une apoptose accrue des
neutrophiles et/ou des précurseurs myéloïdes liée à la dysfonction mitochondriale est
évoquée, mais ce mécanisme est discuté [11-13].
Même si elle n’est pas au premier plan, la myopathie fait partie intégrante du tableau
clinique du SB. Elle atteint préférentiellement les muscles des ceintures scapulaires et
pelviennes. Elle se manifeste d’abord par une hypotonie axiale chez le nourrisson, puis par
l’apparition d’un Gower’s partiel à l’acquisition de la marche. Il existe d’ailleurs souvent un
retard dans le développement moteur avec un apprentissage de la marche décalé de quelques
mois. Les patients présentent également une intolérance à l’effort, non imputable à la seule
cardiopathie, probablement due à une diminution de l’extraction et de l’utilisation de
l’oxygène par les muscles striés [14]. L’autonomie des patients est cependant conservée et les
performances motrices tendent à s’améliorer avec l’âge.
La croissance staturo-pondérale, malgré des mensurations de naissance en général dans
la moyenne, est marquée par une décélération dans les 2 premières années de vie avec à l’âge
de 2 ans un poids et une taille inférieure à 2 ou 3 déviations standards selon les études.
Cependant après la puberté, la plupart des patients atteint une taille quasi égale ou égale à la
taille cible calculée.
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CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES ET MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
75
En dehors de ces caractéristiques cliniques principales du SB, certains auteurs ont décrit
d’autres anomalies, telles des difficultés cognitives [15] ou une dysmorphie faciale [16].
Diagnostic
L’association cardiomyopathie dilatée et neutropénie doit faire évoquer le SB. La plupart
des patients sont diagnostiqués dans la première année de vie par le biais de l’atteinte
cardiaque. Le diagnostic peut être plus difficile si la cardiopathie est asymptomatique.
Quelques éléments biologiques peuvent orienter le clinicien. Habituellement, on retrouve
une acidurie organique retrouvée sur la chromatographie des acides organiques urinaires. Des
taux bas de carnitine et de cholestérol total plasmatiques sont retrouvés de façon inconstante.
Le dosage du BNP permet de suivre l’évolution de la dysfonction ventriculaire comme dans
les autres cardiopathies de l’enfant, mais n’est pas un élément spécifique du diagnostic en luimême. La biopsie musculaire lorsqu’elle est réalisée retrouve un aspect de surcharge lipidique.
Les marqueurs les plus spécifiques du Barth sont la cardiolipine (CL) et la
monolysocardiolipine (MLCL). Elles sont respectivement retrouvées diminuée et augmentée
sur les cultures de fibroblastes des patients atteints [17]. La mise en place de la chromatographie
liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse (HPLC-MS) utilisée pour
quantifier la CL, la MLCL et le ratio MLCL/CL d’abord sur fibroblastes puis sur « sang buvard
» permet maintenant un screening rapide. La spécificité et la sensibilité pour le diagnostic de
Barth sont proches de 100 % avec un seuil de 0,3 pour le ratio MLCL/CL [18].
Le diagnostic de certitude du SB reste la génétique. Le gène G4.5 a été renommé tafazzin
et actuellement on parle de gène tafazzin ou TAZ. Même si la pathogénie du Barth semble
toujours mal comprise, le défaut de fonctionnement de la chaîne respiratoire est probablement
la cause primaire de la cardiomyopathie [19]. Récemment, un modèle murin de syndrome
de Barth humain a confirmé la relation physiopathologique entre l‘altération des
phospholipides de la mitochondrie, la dysfonction mitochondriale et myocardique et le
tableau clinique [20].
Traitement
Il n’existe pas de traitement spécifique du SB. La dysfonction cardiaque répond dans la
plupart des cas au traitement habituel de l’insuffisance cardiaque associant les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion, les bêta-bloquants et les diurétiques. La digoxine a aussi une place
de même que la mise en place de défibrillateurs automatiques implantables en cas de troubles
du rythme ventriculaire. Près de 65 % des patients bénéficient d’au moins un traitement à
visée cardiaque. En cas d’insuffisance cardiaque sévère ne répondant pas au traitement
classique, la transplantation classique a montré de bons résultats, même si le nombre de
patients concernés reste limité [9]. La prise en charge de la neutropénie fait appel à
l’antibiothérapie parentérale en cas d’aplasie fébrile, et également au G-CSF. D’après la
cohorte de Spencer et al. en 2006, ce facteur de croissance est utilisé chez 25 % des patients.
Le recours à la nutrition parentérale est parfois nécessaire, notamment chez les plus petits
devant les difficultés de prise de poids et d’alimentation. La kinésithérapie et la
psychomotricité sont essentielles dans le management de la myopathie et du retard de
développement moteur. D’autres traitements ont été employés de façon plus anecdotique
sans réelle preuve d’efficacité clinique actuellement : la L-carnintine, la leucine, le Coenzyme
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76
C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
Q, l’acide linoléique, l’acide panthoténique, ainsi que le pimobendan dans un cas de
décompensation cardiaque aiguë.
LE SYNDROME DE PEARSON : UNE CYTOPATHIE MITOCHONDRIALE
RÉVÉLÉE PAR UNE ANÉMIE
épidémiologie et clinique
Le Syndrome de Pearson est une cytopathie mitochondriale rare, avec moins d'une
centaine de cas décrits [21] depuis les premiers cas rapportés en 1979 [22]. Il touche les deux
sexes, de survenue le plus souvent sporadique et associe classiquement à la phase initiale du
diagnostic un retard de croissance intra-utérin, une anémie d'origine centrale sidéroblastique
plutôt macrocytaire, souvent associée à une leuconeutropénie et/ou une thrombopénie, une
acidose lactique et une insuffisance pancréatique externe. D'autres atteintes organiques
peuvent coexister ou apparaître lors de l'évolution de la maladie : atteinte rénale, diabète
insulino-dépendant, atteinte rétinienne et atteinte neuromusculaire ou Syndrome de KearnsSayre, avec ophtalmoplégie, ataxie, rétinite pigmentaire, troubles de la conduction nerveuse
et myopathie [1]. L'apport de la génétique a permis d'identifier le support moléculaire de ce
syndrome. Il s'agit de délétions, ou plus rarement de duplications de l'ADN mitochondrial
qui aboutissent à un déficit de fonction de la chaîne respiratoire. L'évolution peut être fatale
en période néonatale ou dans la petite enfance du fait des complications hémorragiques,
infectieuses ou métaboliques, avec décompensation de l'acidose [23].
Les manifestations hématologiques débutent le plus souvent dans les premiers mois de
vie, parfois en période néonatale. Dans les formes à révélation néonatale qui représentent 40
% des cas, l'anémie est quasi constante et une défaillance multiviscérale est rapportée chez
près de 20 % des patients [21]. L'aspect du myélogramme est tout à fait typique et évocateur
du diagnostic, avec souvent une hypocellularité, une érythroblastopénie et surtout une
vacuolisation des précurseurs érythroblastiques pouvant être présente également dans les
précurseurs de la lignée myéloïde et monocytoïde (photos).
Il n'existe pas de traitement spécifique du Syndrome de Pearson. La prise en charge est
uniquement symptomatique : prévention d'une acidose lactique sévère, traitement des
épisodes infectieux, support transfusionnel, apport d'extraits pancréatiques, prise en charge
des complications. L'évolution hématologique est souvent spontanément favorable dans les
premiers mois de vie ou avant l'âge de 3 ans. Au-delà de l'âge de 3 ans, apparaît souvent une
atteinte neuromusculaire progressive.
Nous rapportons dans ce manuscrit, 7 observations d'enfants suivis dans notre service
pour Syndrome de Pearson (tableau). Les cas n° 2 et n° 3 ont été rapportés dans une
précédente publication [21].
Résultats - série personnelle
Dans cette série monocentrique de 7 enfants, 5 garçons et 2 filles, les anomalies
hématologiques étaient présentes pour 4 d'entre eux dès la naissance et pour 3 autres, elles se
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CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES ET MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
77
sont révélées plus tardivement à l'âge de 5 ou 6 mois. Le mode de révélation a été pour tous
les enfants, une anémie sévère, avec nécessité d'une transfusion d'un concentré globulaire en
salle de naissance, pour les formes à révélation néonatale. Au diagnostic, cette anémie était
isolée dans deux cas, associée à une thrombopénie dans 4 cas et une neutropénie dans 1 cas.
Dans les formes à révélation néonatale, le myélogramme a été réalisé dans un délai de 6
semaines à 3 mois après la naissance. Chez les autres enfants le myélogramme a été réalisé au
moment de la découverte de l'anémie non-régénérative. Dans tous les cas le myélogramme
était évocateur de la maladie de Pearson devant l'existence d'une vacuolisation dans les
précurseurs hématopoïétiques. Le diagnostic a été confirmé dans tous les cas par l'existence
d'une délétion de l'ADN mitochondrial.
L'évolution hématologique dans les premières semaines de vie a montré la persistance de
l'anémie macrocytaire et l'apparition chez la plupart des enfants, d'une atteinte des autres
lignées hématopoïétiques. Tous ont nécessité des transfusions en culots globulaires dans les
premiers mois de vie. Les transfusions ont pu être arrêtées avant l'âge d'un an pour deux
enfants (cas n° 2, 3), entre 1 et 2 ans pour un enfant (cas n° 6) et entre 2 et 3 ans pour deux
enfants (cas n° 1 et 5). Deux enfants nécessitent toujours des transfusions mensuelles, à l'âge
d'un an et demi pour le cas n° 7, et à l'âge de 4 ans et 4 mois pour le cas n° 4. Chez deux enfants
(cas n° 4 et n° 5), ces transfusions ont entraîné une hémochromatose secondaire nécessitant
la mise en route d'un traitement chélateur.
Tous les enfants ont présenté une neutropénie sévère inférieure à 500 PNN/mm3 mais
la durée a été très différente d'un cas à un autre. Pour trois enfants cette neutropénie sévère a
duré moins d'un mois, pour les quatre autres, elle a duré 12 à 34 mois. Ces derniers ont
présenté de nombreux épisodes de neutropénie fébrile ayant nécessité des hospitalisations
répétées pour mise en route d'une antibiothérapie intraveineuse. Une réponse au G-CSF a
été observée chez ces enfants.
L'évolution plaquettaire a été également variable. Certains n'ont reçu aucune transfusion
plaquettaire (cas n° 6 et 7) avec thrombopénie modérée transitoire ; certains ont reçu des
transfusions uniquement en période néonatale (cas n° 2 et 3). Deux enfants ont par contre
présenté une aggravation de leur thrombopénie après l'âge d'un an, à l'âge de 16 mois pour le
cas n° 5 et à 19 mois pour le cas n°4. Ces transfusions ont pu être arrêtées à l'âge de 2 ans 10
mois pour le premier et se poursuivent à l'âge de 4 ans et 4 mois pour le second.
Il n'y a pas eu de décès.
En dehors de l'atteinte hématologique, tous les enfants présentent un retard staturopondéral plus ou moins sévère. Trois enfants ont présenté une insuffisance pancréatique
externe diagnostiquée à l'âge de 1 an, justifiant une substitution par extrait pancréatique. Un
enfant ayant une atteinte hématologique sévère (cas n° 5) a présenté à l'âge de 2 ans et demi
une tubulopathie nécessitant une supplémentation ionique, un diabète insulinodépendant,
une cytolyse hépatique modérée et une dénutrition majeure. Un enfant (cas n° 4) présente
une hypokaliémie, une cytolyse hépatique et une hypertrophie gingivale depuis l'âge de 2 ans.
Un enfant âgé actuellement de 14 ans (cas n° 1) présente un Syndrome de Kearns-Sayre avec
apparition d'un déficit musculaire modéré entre l'âge de 2 ans et 7 ans, puis aggravation
neurologique sévère et insuffisance rénale apparue à l'âge de 10 ans.
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78
C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
Discussion
Nous avons rapporté en 2009 une analyse de la littérature à propos de 79 cas de Syndrome
de Pearson [21].
Notre série de patients confirme l'hétérogénéité de l'évolution hématologique du
Syndrome de Pearson et le risque de complications extra-hématologiques. Les atteintes
endocriniennes et rénales que nous observons chez certains patients ont fait l'objet de
publications récentes [24,25,26].
Sur le plan thérapeutique, la réalisation d'une greffe de cellules souches hématopoïétiques
(CSH) n'a pas été retenue chez nos patients en raison du risque de complications
métaboliques, de la fragilité du terrain, et de l'atteinte multi-organes. Dans la littérature, deux
patients traités par greffe de cellules souches hématopoïétiques ont été rapportés [27,28]. Un
des patients est décédé d'une leucémie au décours d'une allogreffe de CSH [27], l'autre patient
était vivant sans maladie trois ans après une greffe de cellules de sang de cordon [28].
AUTEURS :
Charlotte Rigaud , Sylvie Fasola, Jean Donadieu, Guy Leverger
Service d'Hématologie Oncologie Pédiatrique, Hôpital Armand Trousseau, 75012 PARIS
AUTEUR CORRESPONDANT :
Guy Leverger - guy.leverger@trs.aphp.fr
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CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES ET MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
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Tableau : Manifestations hématologiques - Série personnelle - Syndrome de Pearson
Cas
Numéro
Sexe
Origine
des parents
Âge de
révélation
SA
1
F
Algérie
(Réunion)
DS
2
M
MA
3
M
France
Roumanie
5 mois
Néonatal
Néonatal
AS
4
F
France
MO
5
M
France (Mère)
Maghreb
AL
6
M
RH
7
F
France
Algérie
Néonatal
Néonatal
5 mois
6 mois
Anémie +
Anémie + thrombopénie Anémie +
Anémie +
Anémie +
Anémie
thrombopénie Défaillance thrombopénie+ Anémie thrombopénie Neutropénie macrocytaire
multiviscérale
Hb initiale
2,9
3.8
2,6
3
7,4
4,7
5
Neutropénie
+
+
+
+
+
+
+
Age à l'arrêt des
transfusions
2ans 1/2
7 mois
5 mois
Non
3 ans
20 mois
Non
de CG
Age à l'arrêt des
transfusions
Sans objet
1mois
1mois
Non
Non
Sans objet
Sans objet
de plaquettes
Age actuel
14 ans
8 ans
5 ans
4 ans 4 mois
3 ans
3 ans
1 an 1/2
Mode de
révélation
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C. RIGAUD , S. FASOLA, J. DONADIEU, G. LEVERGER
Myélogramme – Syndrome de Pearson – Vacuolisation dans les précurseurs médullaires
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CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES ET MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES
81
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PRINCIPALES PRéSENTATIONS NEUROLOGIQUES
DES MALADIES MITOCHONDRIALES DE L’ENFANT
par
I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY,
A. MUNNICH, M. RIO
INTRODUCTION
Les maladies mitochondriales ou cytopathies mitochondriales sont les plus fréquentes des
maladies métaboliques avec une prévalence de 1/5000 [1]. Les cytopathies mitochondriales
de l’enfant sont le plus souvent pluriviscérales avec une atteinte prédominante du système
nerveux, dans la moitié des cas au début de la maladie et quasi constante au cours de l’évolution
[2,3]. Chez l’enfant, elles sont dues à des mutations des gènes mitochondriaux (ADNmt) de
transmission maternelle dans 10 % des cas, et à des mutations des gènes nucléaires dans 90 %
des cas de transmission récessive autosomique le plus souvent. Les maladies mitochondriales
peuvent commencer à tout âge, mais avec un pic de fréquence important dans la première
année de vie. Les présentations cliniques varient avec l’âge mais l’évolution est d’autant plus
grave que la maladie a débuté précocement dans les premiers mois de vie [3,4].
LES GRANDS SYNDROMES NEUROLOGIQUES EN FONCTION DE L’ÂGE
Manifestations anté et périnatales
Un début anténatal peut être noté avec un RCIU observé dans 22,7 % des cas (16 % isolé,
6,7 % associé), un hydramnios, un oligoamnios, une arthrogrypose, une diminution des
mouvements fœtaux, une cardiomyopathie hypertrophique. Une dysmorphie faciale
particulière est fréquemment observée avec un front haut, un visage rond, un filtrum effacé,
des oreilles bas implantées, un cou court. Des malformations cérébrales à type d’agénésie du
corps calleux, de micro-polygyries ont été décrites. Des tableaux polymalformatifs type
VACTERL ont été rapportés [5].
Chez le nouveau-né grand consommateur d’énergie, la pathologie mitochondriale est
fréquente (35 % des cas) et sévère avec 40 % de mortalité. Le tableau le plus fréquent est celui
d’une atteinte multisystémique avec une symptomatologie précoce, sans intervalle libre après
la naissance. Les signes neurologiques sont pratiquement constants avec hypotonie,
convulsions, coma, troubles de la déglutition, apnées. Il peut s’associer une cardiomyopathie
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I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY, A. MUNNICH, M. RIO
hypertrophique, une insuffisance hépatocellulaire, une tubulopathie, une anémie. Le
pronostic est très sévère, lorsque le début des signes est avant l’âge de 3 mois, un taux de
58 % de décès est rapporté [5]. Il s’agit le plus souvent d’un déficit en complexe IV avec
une hérédité récessive autosomique. Une déplétion de l’ADN mitochondrial est
fréquemment retrouvée.
A côté de ces formes très graves, il existe un tableau beaucoup plus rare décrit sous le terme
de myopathie bénigne avec hypotonie globale néonatale, macroglossie, difficultés respiratoires
initiales, troubles de la déglutition mais l’évolution est favorable avec acquisitions motrices
et marche possible. Il pourrait s’agir d’un déficit en cytochrome oxydase qui serait secondaire
à la persistance d’isoformes fœtales déficitaires qui vont être remplacées progressivement par
des isoformes matures normales.
Manifestations chez le nourrisson (3 mois-3 ans)
Différents tableaux peuvent être observés :
Le syndrome de Leigh est le plus fréquent : il s'agit d'une encéphalopathie de la première
année de vie évoluant par accès de coma lors de fièvre ou d'un stress associant hypotonie,
dystonie, troubles oculo-moteurs (nystagmus, ptosis, ophtalmoplégie), troubles respiratoires
d'origine centrale en rapport avec une souffrance du tronc cérébral. Les lésions cérébrales
visualisées en IRM sont localisées au niveau des ganglions de la base en particulier les putamen
et les noyaux caudés associés à des lésions du tegmentum et de la protubérance avec un pic
de lactates en SRM. L’hyperlactatorachie est constante même si le bilan biologique en
périphérie est normal. Les déficits en complexe I, IV (SURF1) et V(MTPASE6) sont les plus
fréquents ainsi les déficits en PDH. Cette enzyme d'expression ubiquitaire est composée de
trois sous-unités fonctionnelles catalytiques (E1, E2, E3) et d'une unité structurelle la protéine
X ou E3BP. Ces différentes sous-unités sont codées respectivement par les gènes PDHA1 sur
le chromosome X en Xp22.2 et PDHE2, PDHE3 sur des gènes autosomes. Le diagnostic est
suspecté sur l'existence d'une hyperlactatémie constamment associée à une hyperpyruvicémie
(> 200 micromoles/l) avec un rapport L/P < 15. Cette hyperlactatémie est surtout postprandiale et associée à une hyperalaninémie. Dans notre expérience, les dosages sanguins
peuvent être normaux et seule l'élévation des lactates et surtout du pyruvate dans le LCR
a permis le diagnostic (100 % de sensibilité). Le déficit en E1alpha est de loin le plus
fréquent [6].
Une neuropathie peut être associée de type démyélinisante en cas de mutation SURF1
[7], et de type axonal en cas de mutation MLIS/NARP liée au gène MTPASE6 [8] ou
mutation PDHA1 [6]. L’épilepsie est fréquente dans les mutations MLIS à type de spasmes
en flexion ou d’épilepsie partielle. Les mutations SUCLA2 entraînent un tableau
d’encéphalomyopathie sévère avec atteinte des noyaux gris à l’IRM mimant un syndrome de
Leigh. Il existe une élévation modérée de l’acide methylmalonique caractéristique à la CAO
et une déplétion de l’ADN mitochondrial.
Le Syndrome d’Alpers : chez un nourrisson avec un petit retard psychomoteur préalable,
s’installent rapidement des états de mal convulsifs répétés et une épilepsie partielle continue
pharmacorésistante, avec régression psychomotrice, tétraparésie spastique, cécité corticale,
voire surdité. Il existe une atteinte hépatique (cytolyse puis insuffisance hépatocellulaire
terminale qui peut être aggravée par la prise de valproate de sodium. Le déficit de la chaine
respiratoire n'est souvent identifié que dans le foie avec une déplétion de l'ADN
mitochondrial. Le plus souvent il est retrouvé une mutation RA du gène POLG responsable
d’une déplétion de l’ADN mitochondrial [9].
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PRINCIPALES PRÉSENTATIONS NEUROLOGIQUES
DES MALADIES MITOCHONDRIALES DE L’ENFANT
85
Une myopathie progressive précoce est liée à des mutations RA dans le gène TK2 de la
thymidine kinase. Les premiers cas rapportés correspondaient à une myopathie rapidement
évolutive débutant vers l’âge de 18 mois avec une élévation des créatine kinases, entraînant
une insuffisance respiratoire rapide par paralysie diaphragmatique sans atteinte centrale
associée mais des formes avec une atteinte centrale avec épilepsie myoclonique ont été
rapportée ainsi que des tableaux de myopathie plus tardive avec rigid spine. La biopsie
musculaire met en évidence de nombreuses fibres Cox négatives et des fibres rouges
déchiquetées (RRF) (Figure 2). Il existe une déplétion de l’ADN mitochondrial [10].
Des tableaux extrêmement variés ont également été rapportés chez le nourrisson se
manifestant par une encéphalopathie progressive avec microcéphalie le plus souvent,
spasticité, ataxie, associée ou non à une épilepsie qui peut être de tout type. De réels
syndromes de West avec des spasmes en flexion au premier plan, révélateurs de la
pathologie ont été rapportés en particulier dans les mutations NARP et dans les déficits
en complexe IV [9,11].
Manifestations de l'enfant (> 3 ans) : des tableaux plus caractéristiques retrouvés
également chez l’adulte peuvent s’observer
Le syndrome MERRF : il s’agit d’un acronyme pour « Myopathy Epilepsy Ragged Red
fibers ». Le tableau clinique associe classiquement une épilepsie myoclonique, une ataxie,
une surdité, une faiblesse musculaire débutant après l'âge de 10 ans. Il existe une atrophie
cérébelleuse à l'IRM cérébrale et des fibres rouges déchiquetées sur la biopsie musculaire
(Figure 2). La mutation la plus fréquemment retrouvée est la mutation A8344G dans un
tRNALys [9].
Le syndrome MELAS (« Mitochondrial encephalomyopathy with lactic acidosis and
stroke like episodes ») se constitue progressivement avec apparition dans l’enfance d’un retard
statural, d’une surdité, d’épisodes de nausées et vomissements, de crises partielles ou
généralisées, de signes psychiatriques, de pseudo migraines et d’épisodes déficitaires à type
d’hémiparésie ou d’hémianopsie visuelle mimant une migraine accompagnée ou un accident
vasculaire cérébral, dit « stroke like ». A l’IRM, il existe des lésions de type souffrance
ischémique (diminution du coefficient de diffusion) ne respectant pas un territoire vasculaire,
siègeant principalement au niveau des aires pariétales et occipitales. Une atrophie corticale
et cérébelleuse peut apparaître secondairement. Une atteinte des noyaux gris est présente avec
des calcifications visibles des noyaux gris sur le scanner mais asymptomatique. Il peut s'associer
un diabète et une surdité, parfois au premier plan chez des mères transmettrices. Au niveau
moléculaire il existe chez la plupart des patients une mutation A3243G. Pour certains, les
perfusions de L-arginine diminueraient les épisodes déficitaires type « stroke like » [12].
Le syndrome NARP « neuropathy, ataxia, retinis pigmentosa » est constitué d’une
neuropathie périphérique de type axonal, d’une ataxie et d’une rétinite pigmentaire. Il peut
exister initialement un retard psychomoteur non spécifique trompeur, puis il apparaît de
façon secondaire une rétinopathie et des lésions des putamen à l’IRM. L’hyperlactatorachie
est constante, on peut retrouver une hypocitrullinémie dans la chromatographie des Acides
Aminés sanguins. La mutation retrouvée est la mutation T8993G de l’ADN mitochondrial
responsable également du tableau décrit sous le terme de MILS (« maternally inherited Leigh
syndrome ») [8].
Le syndrome SANDO : « Sensory Ataxic Neuropathy with Ophtalmoparesis » est évoqué
sur la constatation d’une ataxie avec neuropathie périphérique, d’une dysarthrie et/ou d’une
dysphagie et d’une ophtalmoparésie. Des mutations POLG ont été rapportées dans ce syndrome.
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I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY, A. MUNNICH, M. RIO
Le syndrome MGNIE : « Mitochondrial neuro-gastro-intestinal encephalomyopathy
» débute par les troubles gastro-intestinaux avec des épisodes répétés, souvent dramatiques,
de pseudo-occlusions alternant avec des épisodes de diarrhée, des nausées, des vomissements
(POIC) conduisant à une dénutrition rapide. Il existe également un ptosis, une neuropathie
périphérique démyélinisante. Une atteinte de la substance blanche est mise en évidence chez
la plupart des patients à l’IRM cérébrale. Au niveau moléculaire, il s’agit d’une mutation du
gène de la thymidine phosphorylase qui entraîne soit une déplétion, soit des délétions ou des
mutations ponctuelles multiples de l’ADN mitochondrial [13].
Le Syndrome de Kearns Sayre débute avant l’âge de 20 ans. Dans 10 % des cas, il est
précédé par un syndrome de Pearson avec une anémie ou une pancytopénie arégénérative,
un retard staturo-pondéral, puis apparaissent une ophtalmoplégie progressive externe, un
ptosis, une rétinite pigmentaire. Le tableau s’enrichit progressivement avec une neuropathie,
une surdité, un bloc auriculo-ventriculaire cardiaque nécessitant la pose d’un pace-maker et
une ataxie cérébelleuse avec dysmétrie. Il peut exister des troubles gastrointestinaux et un
retard de croissance, une néphropathie avec tubulopathie évoluant vers l'insuffisance rénale.
L’IRM cérébrale met en évidence une atteinte plus ou moins diffuse de la substance blanche
sus et sous tentorielle, l’atteinte simultanée des pallidums et de la substance blanche souscorticale est évocatrice [13]. Le scanner peut révéler des calcifications intracérébrales
principalement des noyaux gris centraux. Au niveau moléculaire, il s’agit de larges délétions
de l’ADN mitochondrial ou plus rarement de duplication, sporadiques.
Dans les déficits en complexe 1, des tableaux d’encéphalopathie progressive avec des signes
s’apparentant au syndrome MELAS d’une part (« stroke like ») et au syndrome de Leigh d’autre
part avec une atteinte constante du tronc cérébral sont fréquents dans notre expérience [14]. Des
nouvelles mutations des gènes mitochondriaux de la sous-unité NADH-dehydrogenase (ND)
du complexe I ont été décrites dans les cas de leucodystrophie cavitaires [14,15].
Les déficits en quinones se présentent comme une ataxie cérébelleuse dès l'âge de 2 ans,
une faiblesse musculaire associée à des CK augmentées, une épilepsie absence plus tardive
qui s'aggrave progressivement avec des accès de status myoclonique ou d'épilepsie partielle
continue et de « stroke like ». L'analyse de la chaîne respiratoire montre un déficit partiel en
CII et CIII corrigé par l'adjonction de coenzyme Q in vitro. L'IRM cérébrale retrouve une
atrophie cérébelleuse sévère avec un pic de lactates en SRM. Des mutations dans le gène
nucléaire CABC1 ont récemment été identifiées [16]. Le traitement par coenzyme Q
améliore le déficit musculaire mais ne modifie pas l'atteinte centrale.
Les syndromes plus : Leber +, OPA1+, MFN2
Comme souvent dans les maladies mitochondriales, un premier spectre phénotypique
est associé à un gène spécifique ou à une mutation de l’ADNmt : atrophie optique de Leber,
atrophie optique lié à OPA1. Ce spectre s’élargit avec des présentations neurologiques
parfois sévères conduisant à des expressions de type Leber + ou OPA1 neurologique... Des
neuropathies sévères avec ataxie et atrophie optique, des diplégies spastiques avec atrophie
optique sont rapportées dans les mutations OPA1 [17], des tableaux de pseudo SEP dans
des mutations de l’ADN mitochondrial de type Leber. Récemment, un gène connu dans
les neuropathies axonales de transmission RA, le gène MNF2, a été impliqué dans des
encéphalopathies progressives avec neuropathie, ataxie et délétions multiples ou déplétion
de l’ADNmt [18].
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PRINCIPALES PRÉSENTATIONS NEUROLOGIQUES
DES MALADIES MITOCHONDRIALES DE L’ENFANT
87
QUEL BILAN DOIT-ON PRATIQUER ?
Dans tous les cas, il est indispensable de rechercher des signes cliniques et biologiques
d’atteinte extra-neurologique (retard de croissance staturo-pondérale, atteinte digestive variée,
hépatique ou pancréatique, atteinte cardiaque, rénale, cutanée), sensorielle (rétinopathie,
atrophie optique, surdité) dont l’existence associée à des signes neurologiques est évocatrice
d’une pathologie mitochondriale.
Les points Redox dans le sang peuvent être normaux. Le dosage des lactates et des
pyruvates dans le liquide céphalo-rachidien, s’il existe des signes neurologiques, est un examen
très sensible dans notre expérience (même si les prélèvements sanguins sont normaux).
L'existence d'une lactaturie et des intermédiaires du cycle de Krebs (acides dicarboxyliques)
sur la chromatographie des acides organiques est très évocatrice.
L’autre examen essentiel est l’IRM avec toutes les séquences y compris la diffusion,
couplée à la spectroscopie de résonance du proton (SRM) pour mettre en évidence un pic de
lactate sous forme d'un doublet très reconnaissable (Figure 1 D) ciblé dans le territoire lésé
soit les noyaux gris, soit la substance blanche, soit les noyaux gris centraux [19]. L’IRM
montre des anomalies variées, parfois associées, lésions des noyaux gris en particulier pallidum
et putamen (Figure 1 A et B), du tronc cérébral et de la protubérance, leucodystrophie parfois
cavitaire (Figure 1.C) [15], lésions de souffrances énergétiques, mimant une anoxo-ischémie
en diffusion, une atrophie cérébelleuse [19]. Devant une atrophie optique très lentement
progressive et un aspect pseudotumoral du tegmentum, seul le pic de lactates nous a conduit
à évoquer une pathologie mitochondriale et identifier une mutation ND5 [20].
Toutefois, la normalité d’un examen biologique et neuroradiologique n’exclut en rien la
possibilité d’une pathologie mitochondriale lorsque la symptomatologie clinique
neurologique est évocatrice.
LES MÉCANISMES DE L’ATTEINTE NEUROLOGIQUE DANS LES MALADIES
MITOCHONDRIALES SONT EN RAPPORT AVEC UNE FAILLITÉ
ÉNERGETIQUE LE PLUS SOUVENT
L’atteinte des noyaux gris centraux s’explique volontiers par les besoins énergétiques
importants de ces territoires qui de ce fait sont plus fragiles. L’atteinte de la substance blanche
qui peut parfois être cavitaire est souvent une dégénérescence spongieuse avec une
prolifération vasculaire témoignant là encore d’une faillite énergétique non compensée par
la prolifération vasculaire. Les épisodes de « stroke like » fréquents chez les enfants âgés de
plus de trois ans sont souvent comparés à des migraines accompagnées mais leur chronologie
diffère avec des céphalées suivies d’un déficit moteur, puis des crises d’épilepsie partielles. La
topographie n’est pas celle d’un territoire artériel et la séquence IRM est particulière mais
témoignant plutôt d’une faillite énergétique primitive avec production de cytokines (œdème
cytotoxique en séquence de diffusion) et une compensation vasculaire insuffisante
(un coefficient de perfusion élevé en ASL) très différente de la baisse de perfusion dans les
accidents vasculaires cérébraux classiques ou les migraines accompagnées (Figure 3).
L’épilepsie est fréquente dans les maladies mitochondriales et est souvent un tournant
défavorable de la maladie dans notre expérience avec 40 % de décès dans l’année [9]. Elle est
réputée comme polymorphe [11] mais en fait la séméiologie dépend avant de l’âge
(maturation cérébrale) et du mécanisme lésionnel cérébral sous-jacent : spasmes en flexion
impliquant la boucle thalamo-corticale chez le nourrisson, état de mal convulsif
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I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY, A. MUNNICH, M. RIO
pharmacorésistant dans le syndrome d’Alpers avec une mort neuronale aiguë (complexe
périodique à l’EEG), accès d’épilepsie partielle continue contemporaine de « stroke like »,
épilepsie myoclonique chez les grands enfants avec mutation de l’ADNmt.
Les maladies hérédo-dégénératives et déficit énergétique sectondaire
Dans un grand nombre de maladies hérédo-dégénératives, maladies de Friedreich, paraplégie
spastique familiale, chorée de Huntington, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, dont
certaines peuvent commencer dans l’enfance, on constate qu’il y a une mort cellulaire accélérée
en raison de l’activation de la voie de l’apoptose mitochondriale, associée très souvent à une
accumulation des anions super-oxydes, conduisant à penser qu’un dysfonctionnement
mitochondrial est impliqué plus ou moins directement dans ces pathologies. Des anomalies du
réseau mitochondrial, (fusion, division, mobilité) qui sont impliquées dans l’apoptose, sont très
souvent retrouvées dans ces affections neuro-dégénératives.
AUTEURS :
I Desguerre, N Boddaert, C Barnerias, P de Lonlay, A Munnich, M Rio.
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Isabelle Desguerre - Unité de neuropédiatrie - CARAMEL (centre référence maladies mitochondriales) Hôpital Necker Enfants Malades - 149, rue de sèvres - 75015 Paris
Email : isabelle.desguerre@nck.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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PRINCIPALES PRÉSENTATIONS NEUROLOGIQUES
DES MALADIES MITOCHONDRIALES DE L’ENFANT
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Figure 1 : IRM cérébrale (1,5 tesla). Service de radiologie. Hôpital Necker.Pr Boddaert
Figure 1A
Figure 1B
Figure 1C
Figure 1D
A, B : Syndrome de Leigh. Lésions bilatérales et symétriques des noyaux gris centraux, putamen et noyaux caudés
C : Mutation NDUF1. Leucodystrophie sus et sous tentorielle
D : Spectroscopie de Protons. Voxel dans les noyaux gris. Doublet de lactates à 1.33 ppm.
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90
Figure 2 : Biopsie musculaire, Coloration Trichrome de Gomori Ragged Red Fibers correspondant à
des agrégats mitochondriaux (Laboratoire Histologie, Pr Gherardi CHU Mondor)
Figure 3 : IRM cérébrale Hypersignal occipital en Séquence de diffusion avec coefficient ADC
abaissé témoignant d’un œdème cytotoxique.
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PATHOLOGIES MITOCHONDRIALES : QUAND Y PENSER
EN DEHORS D’UNE ATTEINTE NEUROLOGIQUE ?
par
B. CHABROL, A. CANO, A. CHAUSSENOT, V. PAQUIS-FLUCKINGER
INTRODUCTION
Chez l’enfant, les maladies mitochondriales représentent une des principales causes de
pathologie métabolique (entre 25 et 40 % selon les séries) [1]. La fréquence globale des
maladies mitochondriales est estimée actuellement à 2,5 personnes sur 10 000.
Du fait du caractère ubiquitaire de la phosphorisation oxydative, un très grand nombre
d’organes peuvent exprimer une atteinte de la chaîne respiratoire mitochondriale. Cette atteinte
multi-systémique apparaissant au cours de l’enfance parfois très précocement et de façon isolée
avant l’atteinte neurologique, est hautement évocatrice de ce diagnostic. En effet, les signes
cliniques peuvent apparaître à tout âge de la période anténatale jusqu’à un âge avancé de la vie.
Le diagnostic est difficile et complexe du fait de cette grande hétérogénéité des
présentations cliniques et du très grand nombre de gènes impliqués. Une « association
illégitime de symptômes » qui vont s’aggraver avec le temps doit faire suspecter une
pathologie mitochondriale.
Nous ne parlerons pas ici ni des formes neurologiques pures, ni des techniques de
diagnostic, qui seront traitées dans un autre chapitre.
QUAND PENSER à UNE PATHOLOGIE MITOCHONDRIALE
EN PÉRIODE ANTENATALE ?
Une pathologie mitochondriale peut se manifester par un retard de croissance intra-utérin
qui dans certaines séries est retrouvé jusqu’à 25 % des cas (16 % de façon isolée, 6,7 % associée
à d’autres signes). Des anomalies à type de poly-hydramnios, d’oligo-amnios, de
cardiomyopathie hypertrophique et d’anomalie du rythme cardiaque d’hydronéphrose,
d’anomalie vertébrale et d’agénésie rénale ont également été rapportés [2].
Il a été également décrit une dysmorphie faciale avec un front haut, un visage rond, un
philtrum effacé, des oreilles basses implantées, un cou court [3]. Ces anomalies peuvent être
associées à des troubles du développement cérébral. (5 honzik : agénésie du corps calleux,
hypoplasie pontocérébelleuse, dandy-walker). ( + 5 honzik : hypospadia, arthrogryppose).
Une des hypothèses pour expliquer cette atteinte anténatale serait que des variations
d’expression d’un déficit de la phosphorylation oxydative pendant la vie fœtale existent liées
à des variations d’expression ou de régulation des protéines mutantes [4].
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92
I. DESGUERRE, N. BODDAERT, C. BARNERIAS, P. DE LONLAY, A. MUNNICH, M. RIO
CHEZ LE NOUVEAU-NÉ
Les maladies mitochondriales y sont fréquentes, elles représentent 35 % des cas selon les
séries et elles sont sévères entraînant 40 % de mortalité [5]. Le plus souvent, il s’agit de formes
multi systémiques avec une atteinte neurologique prévalente.
Au niveau cardiaque, l’atteinte la plus fréquemment retrouvée est une cardiomyopathie
hypertrophique, qui représente jusqu’à 40 % des formes néonatales. Il peut exister également
des cardiomyopathies dilatées, un tableau de non compaction, une atteinte mixte [6]. Des
tableaux d’arythmie ont été rapportés, comme des formes avec épanchement péricardique ;
l’atteinte cardiaque est responsable de 30 % des décès survenant avant l’âge de 3 mois.
Au niveau hépatique : des tableaux d’insuffisance hépatocellulaire sévère ont été rapportés
: un ictère prolongé, une ascite, une hépatomégalie isolée peuvent se voir. Le plus souvent le
décès est rapide. La ponction biopsie hépatique quand elle est réalisée retrouve un aspect de
stéatose, de cholestase et de fibrose peu importante.
L’atteinte rénale est fréquente mais le plus souvent biologique, à type de tubulopathie
révélée par une hyperammino-acidurie.
Il peut exister également une atteinte de type hématologique se traduisant par une anémie
macrocytaire. Enfin une hyperlactacidémie est présente dans 87 % des cas, et une
hyperammoniémie dans près de 45 % des cas [5].
Chez le nouveau-né, le pronostic est très sombre avec 50 % de décès avant l’âge de 1 an,
ceux qui survivent gardant le plus souvent une atteinte multiple sévère et évolutive. Le
diagnostic doit donc être évoqué et confirmé rapidement pour pouvoir offrir un conseil
génétique le plus précis possible à la famille.
CHEZ LE NOURRISSON ET L’ENFANT PLUS GRAND
Au niveau cardiaque
Les manifestations cardiaques représentent 20-25 % des atteintes viscérales des maladies
mitochondriales [7]. Ici encore l’anomalie la plus fréquemment retrouvée est une
cardiomyopathie hypertrophique révélée parfois par une insuffisance cardiaque aiguë avec
décompensation sévère entraînant le décès rapidement. Lorsqu’il s’agit d’une forme totalement
isolée, chez un enfant plus grand, l’indication d’une greffe cardiaque peut se discuter [8].
Un tableau particulier est représenté par le syndrome de Barth associant une
cardiomyopathie hypertrophique ou dilatée, une myopathie proximale, un retard de
croissance, une neutropénie cyclique, une acidurie organique avec excrétion d’acide
3-methylglutaconique. Il peut exister un début anténatal avec une cardiomyopathie mise en
évidence dès 32SA, des formes à début néonatal ont été également décrites. Ce syndrome est
dû à une mutation du gène TAZ (tafazzine) situé en Xq28. Cette mutation entraîne une
anomalie du métabolisme des cardiolipines [9]. L’association d’une CMPH et d’une
excretion d’acide 3-methylglutaconique doit également faire évoquer le gène TMEM70.
Des anomalies du rythme cardiaque mises en évidence à l’électrocardiogramme ont été
rapportées telles qu’une fibrillation auriculaire, des blocs auriculo-ventriculaires, un syndrome
de Wolf Parkison White, un allongement du QT, ou des anomalies du segment ST.
Il a également été décrit des aspects d’hypertrabéculation du ventricule gauche comme
des non compactions.
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93
Au niveau endocrinologique
Différents types d’atteintes peuvent être observés à type d’insuffisance hypophysaire avec
retard de croissance, hypothyroïdie, hypocorticisme. Il existe également des tableaux d’hypo
ou d’hyperthyroïdie et des tableaux d’hypo ou d’hyperparathyroïdie.
Au niveau pancréatique il peut exister une atteinte du pancréas endocrine avec un réel
diabète, une surdité est le plus souvent associée et la mutation la plus fréquemment observée
est la mutation 3243 A>G de transmission maternelle [10]. Il peut exister également une
atteinte de type exocrine comme dans le syndrome de Pearson.
Très souvent sont retrouvées une hyperlipidémie, une hyperuricémie, une ostéoporose
ou une hyperhydrose sans que ceci puisse se rattacher à un mécanisme particulier [7].
Au niveau gastro-intestinal
Les manifestations sont fréquentes mais peu spécifiques. Une dysphagie avec une atteinte
de la motricité œsophagienne peut être observée. Il peut exister une atteinte hépatique se
traduisant par une hypertransaminémie, un aspect de stéatose est parfois retrouvé à la
ponction biopsie hépatique. Des épisodes de diarrhée récurrente associés à une atrophie
villositaire ont été rapportés.
Enfin ont été décrits des épisodes de vomissements parfois diagnostiqués comme des
vomissements cycliques, ou des insuffisances pancréatiques externes, une dysmobilité
gastro-intestinale avec des épisodes de gastroparésie ou des épisodes de pseudo-obstructions
intestinales progressifs. Les examens endoscopiques (fibroscopie gastrique ou rectocoloscopie) ne montrent pas d’altération spécifique.
Ces manifestations gastro-intestinales sont mal comprises, elles peuvent s’intégrer dans
des tableaux progressifs mais le tableau le plus caractéristique est le MNGIE
(encéphalopathie myo-neuro-gastro-intestinale) appelé également POLIP pour
polyneuropathie ophtalmoplégie, leuco-encéphalopathie et pseudo-obstruction intestinale
qui est un désordre multi systémique et se manifeste avant l’âge de 20 ans avec des épisodes
de nausées, de vomissements, de gastroparésie, de douleurs abdominales, de dysmobilité
œsophagienne, d’épisodes de diarrhée, de malabsorption avec une malnutrition progressive.
Les signes associés sont une atteinte musculaire associée à une ophtalmoplégie, une
neuropathie optique et un déclin cognitif dû à la leuco-encéphalopathie. Il existe également
une rétinite pigmentaire, une polyneuropathie, une dysarthrie, une voix rauque et une
surdité. Le pronostic vital est souvent mis en jeu. Ce tableau particulier est lié à une mutation
de la timidine phosphorylase qui a un rôle important dans le métabolisme des nucléosides
[11].
Au niveau rénal
Les manifestations rénales sont fréquentes et probablement sous-estimées chez l’enfant
[12]. Elles sont plus fréquemment rapportées chez l’enfant que chez l’adulte. Ces atteintes
rénales peuvent rester totalement isolées dans de rares cas.
Une atteinte tubulaire est le plus souvent observée, avec dans les formes sévères un tableau
complet de syndrome de De Toni-Debré –Fanconi avec une hyperphosphaturie, une
hyperammino-acidurie, une glycosurie. Des atteintes du tubule proximal incomplètes sont
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B. CHABROL, A. CANO, A. CHAUSSENOT, V. PAQUIS-FLUCKINGER
également décrites. Dans de rares cas, il peut être observé des patients avec une atteinte
chronique tubulo-interstitielle, ou des kystes rénaux. Une atteinte glomérulaire a été retrouvée
dans 2 entités distinctes individualisées plus récemment, l’une liée à une mutation 3243
A>GtRNA et l’autre liée à un déficit en coenzyme Q.
Au niveau hématologique
Les maladies mitochondriales peuvent se manifester par des signes hématologiques tels
qu’une anémie ou thrombocytémie, ou une pancytopénie isolées. Un tableau particulier : le
syndrome de Pearson s’observe chez le nourrisson et associe une anémie sidéroblastique
réfractaire, des vacuolisations des précurseurs visualisées sur le myélogramme et une
dysfonction du pancréas exocrine. L’évolution est le plus souvent très sévère, avec un décès
précoce. Les enfants qui ont une évolution plus longue, vont présenter progressivement des
signes de syndrome de Kearns-Sayre, ces deux tableaux étant liés à la même délétion de l’ADN
mitochondrial.
Quelques cas ont été décrits avec une éosinophilie sans que ceci puisse être vraiment
rattaché à un mécanisme précis.
AU TOTAL
Les manifestations viscérales des maladies mitochondriales sont nombreuses et
extrêmement variées. Elles sont rarement isolées, le diagnostic étant plus difficile alors. Le
plus souvent leurs associations à des signes neurologiques en particulier permettent d’évoquer
le diagnostic.
Elles doivent être recherchées avec soins car la prise en charge symptomatique permettra
d’améliorer la qualité de vie de l’enfant porteur d’un déficit de la chaîne respiratoire
mitochondriale.
AUTEURS :
Brigitte Chabrol 1,2, Aline Cano1,2, Annabelle Chaussenot 2, Véronique Paquis-Fluckinger 2
1
Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme, Hôpital d’Enfants, CHU
Timone, 13385 Marseille cedex 5
2 Centre de Référence des pathologies mitochondriales hôpital Archet-2, CHU, 151 route
Saint-Antoine-Ginestière 06202 Nice Cedex 3
AUTEUR CORRESPONDANT :
Brigitte Chabrol - Mail : bchabrol@ap-hm.fr
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PATHOLOGIES MITOCHONDRIALES : QUAND Y PENSER
EN DEHORS D’UNE ATTEINTE NEUROLOGIQUE
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DéFICITS DE LA CHAÎNE RESPIRATOIRE MITOCHONDRIALE:
APPROCHE DIAGNOSTIQUE
par
P. DE LONLAY, M. RIO, A.-S. LEBRE, N. BODDAERT, I. DESGUERRE,
C. OTTOLENGHI, J.-P. BONNEFONT, A. RÖTIG, A. MUNNICH
RÉSUMÉ
La chaîne respiratoire (CR) a pour rôle essentiel la synthèse d'ATP nécessaire à toutes les
cellules de l'organisme. Les présentations cliniques des cytopathies mitochondriales
intéressent des organes apparemment sans relation, mais il existe des atteintes d'organe isolées
et des présentations cliniques atypiques, survenant à tout âge de la vie. La variabilité clinique
des cytopathies mitochondriales est due au caractère ubiquitaire de la CR mitochondriale.
Son investigation est compliquée car il s’agit d’un ensemble de maladies qui peut faire
intervenir plusieurs centaines de gènes. Le diagnostic des maladies mitochondriales se fait à
plusieurs niveaux, clinique et radiologique, biochimique, et génétique. Les investigations
cliniques et biochimiques apportent des arguments en faveur d'une cytopathie
mitochondriale, mais permettent aussi d’orienter vers un déficit secondaire de la CR. En
effet, un déficit enzymologique de la CR peut être primaire ou secondaire à une autre maladie
et seules les investigations moléculaires permettent de confirmer un diagnostic. Le rôle du
clinicien est de ne pas méconnaître les déficits secondaires et de conduire un arbre décisionnel
basé sur la clinique, la radiologie et le bilan métabolique « périphérique » avant d’interpréter
un résultat enzymologique à partir d’une biopsie d’organe.
Les différentes protéines de la CR mitochondriale étant codées en partie par le génome
mitochondrial et en partie par le génome nucléaire, un déficit de la phosphorylation oxydative
peut avoir une origine soit mitochondriale soit nucléaire. Il peut s’agir soit de mutations
ponctuelles ou de délétions de l’ADN mitochondrial (ADNmt), soit le plus souvent de
mutations siégeant dans des gènes nucléaires codant pour des sous-unités de la CR, ou pour
des protéines participant à la mise en place et au contrôle de la CR et de l’ADNmt.
INTRODUCTION
Les cytopathies mitochondriales regroupent une grande variété de pathologies dont le
dénominateur commun est un déficit de la chaîne respiratoire (CR) mitochondriale. La CR
a pour rôle essentiel la synthèse d'ATP nécessaire à toutes les cellules de l'organisme [1]. Cette
synthèse se fait à partir de cinq complexes multi-enzymatiques localisés dans la membrane
interne de la mitochondrie. Le rôle central des mitochondries et la complexité de leur
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P. DE LONLAY, M. RIO, A.-S. LEBRE, N. BODDAERT, I. DESGUERRE,
C. OTTOLENGHI, J.-P. BONNEFONT, A. RÖTIG, A. MUNNICH
organisation, faisant intervenir de multiples enzymes et plusieurs centaines de gènes,
expliquent la sévérité et la grande fréquence des cytopathies mitochondriales parmi les
maladies métaboliques.
PHYSIOLOGIE
La mitochondrie occupe une place centrale dans le métabolisme intermédiaire. En effet,
elle est le siège de nombreuses réactions du catabolisme cellulaire, telles celles conduisant à
l'oxydation des acides gras (β-oxydation), des acides carboxyliques dérivant des sucres (cycle
de Krebs) ou des acides aminés. D'autre part, elle contrôle les réactions anaboliques (synthèse)
de la cellule par l'intermédiaire de la synthèse d'énergie sous forme d'ATP. Ces réactions
d'oxydation et de synthèse d'ATP sont étroitement couplées à travers les processus de la
phosphorylation oxydative dans la membrane mitochondriale interne [1]. Elle fait intervenir
d'une part des réactions d'oxydation qui aboutissent à une consommation d'oxygène, d'autre
part une réaction de phosphorylation de l'ADP intramitochondrial en ATP. La CR est
composée de quatre complexes multi-enzymatiques qui fonctionnent comme transporteurs
d'électrons : le complexe I (NADH-CoQ réductase, plus de quarante sous-unités), le
complexe II (succinate-CoQ réductase, quatre sous-unités), le complexe III (ubiquinonecytochrome c réductase, onze sous-unités) et le complexe IV (cytochrome c oxydase, treize
sous-unités). Enfin, le complexe V, ou ATPase (quatorze sous-unités), assure la synthèse de
l'ATP à partir de l'ADP et du phosphate inorganique dans la matrice mitochondriale. Les
différentes protéines de la CR mitochondriale sont codées par le génome mitochondrial et
par le génome nucléaire, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine
soit mitochondriale soit nucléaire.
Les symptômes observés au cours d'une anomalie de la CR mitochondriale peuvent être
rapportés d'une part à la carence en ATP nécessaire à toutes les cellules de l'organisme,
insuffisamment compensée par la production énergétique de la glycolyse anaérobie, d'autre
part à la formation de radicaux libres et à l'accumulation de substrats en amont du blocage
métabolique, responsables de l'acidose. Les radicaux libres ont une toxicité sur les membranes
lipidiques et une action mutagène sur l'ADNmt.
Parce que l’ensemble des réactions biochimiques de la cellule aboutissent à la CR
mitochondriale et que cette dernière nécessite un grand nombre de protéines et de substrats
pour être fonctionnelle, un déficit secondaire de la CR mitochondriale est fréquemment
rencontré. Ce chapitre a pour but de donner les étapes diagnostiques indispensables avant
l’interprétation d’un résultat enzymologique de la CR mitochondriale sur biopsie d’organe.
PRÉSENTATIONS CLINIQUES
La phosphorylation oxydative fournit en énergie la plupart des organes et tissus. En
conséquence, un déficit de la CR peut donner théoriquement n’importe quel symptôme,
toucher n’importe quel organe ou tissu. La maladie peut débuter à n’importe quel âge (de la
période néonatale à l’âge adulte) par un symptôme isolé, ou plusieurs symptômes. Certaines
associations de symptômes ont été reconnues comme des entités syndromiques distinctes.
Ainsi le diagnostic de cytopathie mitochondriale est orienté avant tout par l’atteinte
clinique car il existe des tableaux cliniques évocateurs, comme le syndrome de Leigh [2],
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DÉFICITS DE LA CHAÎNE RESPIRATOIRE MITOCHONDRIALE : APPROCHE DIAGNOSTIQUE
99
l’insuffisance hépatique néonatale, le syndrome d'Alpers [3]. D’autres tableaux liés à des
mutations/délétions de l’ADNmt sont aussi évocateurs : le syndrome MERFF (myoclonusepilepsy-ragged-red fibers) [4], le syndrome MELAS (mitochondrial-encephalopathy-lactic
acidosis-stroke like episodes) [5,6], le syndrome de Kearns-Sayre [7] (ophtalmoplégie externe,
rétinite pigmentaire, bloc auriculo-ventriculaire, ataxie cérébelleuse), le syndrome de Pearson
(insuffisance pancréatique externe et anémie sidéroblastique néonatale, parfois neutropénie
et thrombopénie) [8], le syndrome NARP (neurogenic ataxia-retinitis pigmentosa) surtout si
une hypocitrullinémie est associée [9], le syndrome CPEO (chronic-progressive-external
ophthalmoplegia), le syndrome de Wolfram (diabète insulinodépendant à début précoce,
diabète insipide, atrophie optique et surdité) [10].
Une atteinte multiviscérale associant des organes apparemment sans relation (association
illégitime de symptômes) peut aussi faire évoquer une cytopathie mitochondriale mais
d’autres maladies peuvent être responsables d’atteintes cliniques variées (par exemple les
anomalies de glycosylation des glycoprotéines), et ces atteintes multiviscérales nécessitent
une exploration biochimique qui orientera les études moléculaires.
Ces atteintes sont le plus souvent évolutives, avec une augmentation du nombre de
tissus/organes atteints au cours de la maladie. Le système nerveux central est presque toujours
impliqué dans le dernier stade de la maladie. Cependant dans de rares cas, des patients ont
vu leurs symptômes régresser, voir disparaître en particulier des symptômes liés à une
mutation de l’ADNmt récemment identifiée [11]. Chaque cellule humaine possédant de
plusieurs dizaines à plusieurs milliers de mitochondries et chaque mitochondrie plusieurs
copies d'ADNmt, une même cellule peut contenir à la fois des molécules normales et des
molécules mutées : on parlera d'hétéroplasmie. Le pourcentage variant d'un tissu à l'autre et
au cours du temps, l'hétéroplasmie rend compte en partie de l'hétérogénéité clinique observée
chez les patients [7]. Cependant, parce que l’ADNmt ne rend compte que d’une fraction
minoritaire des cytopathies mitochondriales, la variabilité clinique des cytopathies
mitochondriales n'est pas tant due à l'hétéroplasmie qu'au caractère ubiquitaire de la chaîne
respiratoire mitochondriale.
DIAGNOSTIC
L'investigation des maladies mitochondriales se fait à plusieurs niveaux, clinique et
radiologique, biochimique et génétique. Les investigations clinico-radiologiques et
biochimiques sont essentielles pour conforter le diagnostic ou au contraire mettre en garde
contre ce diagnostic. Seule l’identification du gène muté permet de confirmer le diagnostic
de cytopathie mitochondriale.
Investigation clinique et radiologique
Certains tableaux cliniques sont très évocateurs (voir ci-dessus) mais aucun n’est
cependant pathognomonique. En dehors de ces tableaux évocateurs, les autres atteintes
d’organes ne sont pas spécifiques d’un déficit énergétique et d’autres éléments d’orientation
sont nécessaires.
La recherche clinique et biologique d’une atteinte « illégitime » d’organes plaide
cependant pour ce diagnostic.
L’IRM cérébrale permet de suspecter un déficit énergétique lorsqu’elle révèle une atteinte
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des noyaux gris centraux en particulier des putamen et caudés. Il peut y avoir également une
atteinte des noyaux dentelés et/ou de la substance blanche et/ou du cervelet et également
une atteinte du tronc cérébral [2]. Une atteinte isolée des pallidi doit faire évoquer en premier
lieu un déficit en PDH et faire doser le pyruvate dans le sang et si possible dans le LCR, avant
de pratiquer une biopsie de muscle qui serait alors inutile.
La spectroscopie de résonance magnétique permet d'étudier in vivo le métabolisme
énergétique dans le cerveau, en particulier en zone pathologique avec l’identification d’un
pic de lactate (2,33 ppm).
Signes biologiques
Les signes biologiques, outre ceux traduisant l'atteinte d'un organe liée au déficit de la
CR mitochondriale (par exemple tubulopathie ou insuffisance hépato-cellulaire), sont la
conséquence du blocage de la voie métabolique avec l'accumulation de métabolites en amont
du déficit. Le bilan métabolique doit comporter le profil des acylcarnitines plasmatiques, la
chromatographie des acides aminés plasmatiques, la chromatographie des acides organiques
urinaires, et les points redox dans le sang et si possible dans le LCR, avec le dosage de lactate,
pyruvate, corps cétoniques (acétoacétate et 3-hydroxybutyrate) et acides gras libres. Ce bilan
doit être interprété si possible avant toute biopsie d’organe [12].
Dans un déficit de la CR mitochondriale, l'acidose est due à l'accumulation d'équivalents
réduits comme le NADH qui pousse à la transformation de l'acétoacétate en 3hydroxybutyrate entraînant une élévation du rapport 3-hydroxybutyrate sur acétoacétate
dans la mitochondrie. De la même façon, dans le cytoplasme, la transformation du pyruvate
en lactate est favorisée et le rapport lactate / pyruvate s'élève. Ceci est particulièrement vrai
en période post-prandiale quand l'oxydation des substrats glycolytiques conduit à une
production accrue de pyruvate (cétogenèse paradoxale). Ainsi le point redox montre une
hyperlactatémie et une cétose avec l’augmentation des rapports lactate / pyruvate et
acétoacétate / 3-hydroxybutyrate. De façon similaire, le cycle de Krebs en amont de la CR a
une activité diminuée, conduisant à une accumulation des métabolites du cycle de Krebs. La
chromatographie des acides aminés plasmatiques montre une augmentation de l’alanine et
de la proline, témoins d’une hyperlactatémie. Ces perturbations biochimiques qui doivent
conduire à l'étude de la CR mitochondriale peuvent cependant manquer et leur absence
n'élimine en rien le diagnostic de cytopathie mitochondriale. Lorsqu’ils sont normaux dans
le sang, il faut les rechercher dans les urines (en particulier le lactate qui peut être faussement
bas dans le plasma du fait d’une fuite tubulaire) et dans le LCR (dosage du lactate et du
pyruvate). Le lactate peut également être visualisé par la spectroscopie cérébrale mais celle-ci
ne permettra pas de voir une augmentation du pyruvate.
A l’inverse, ces bilans biochimiques périphériques peuvent orienter vers d’autres maladies
métaboliques énergétiques qui ne nécessitent alors pas de biopsie d’organe en dehors de la
biopsie de peau : une hyperlactatémie avec hyperpyruvicémie orientera vers un déficit en
PDH, une hypoglycémie avec hyperlactatémie orientera vers un déficit de la néoglucogenèse,
une chromatographie des acides organiques ou un profil des acylcarnitines plasmatiques
donnera le diagnostic de déficit de β-oxydation des acides gras ou d’aciduries organiques,
enfin une chromatographie des acides aminés plasmatiques pourra guider vers un déficit en
pyruvate carboxylase en cas d’hyperlactatémie néonatale (hypercitrullinémie, diminution de
la glutamine).
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DÉFICITS DE LA CHAÎNE RESPIRATOIRE MITOCHONDRIALE : APPROCHE DIAGNOSTIQUE
101
Investigation enzymologique
Le diagnostic des cytopathies mitochondriales repose sur l'étude enzymatique des différents complexes de la CR à partir de mitochondries isolées du ou des tissus atteints. L'étude
de la CR mitochondriale se fait par des techniques enzymologiques à partir de différents
tissus et cellules en culture [13].
La polarographie
Les études polarographiques permettent de mesurer la consommation d'oxygène par des
fractions enrichies en mitochondries à l'aide d'une électrode de Clark en présence de différents
substrats (malate + pyruvate, malate + glutamate, succinate, palmitate...). Un déficit du complexe I se traduira par une oxydation diminuée du NADH, tandis que l'oxydation de substrats
produisant du FADH2 (succinate) sera normale. La situation opposée s'observera dans le cas
d'un déficit du complexe II, alors qu'un déficit du complexe III ou du complexe IV affectera
l'oxydation de tous les substrats. De façon similaire dans le cas d'un déficit du complexe V,
l'oxydation de tous les substrats, en présence d'ADP, sera déficitaire. Cependant dans ce dernier cas, l'addition d'un agent découplant tel que le cyanure de carbonyle
m-chlorophénylhydrazone (m-Cl-CCP) stimulera fortement les oxydations indiquant que
la phosphorylation de l'ADP en ATP est l'étape limitative. Les études polarographiques ne
peuvent se faire que sur tissu frais.
La spectrophotométrie
Les études spectrophotométriques permettent de mesurer les activités des complexes de
la CR seuls ou par groupe en utilisant des donneurs ou des accepteurs d'électrons spécifiques.
Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'isoler des mitochondries. En conséquence, la quantité de
matériel nécessaire est beaucoup moins importante et peut être obtenue par biopsie à l'aiguille
(foie, rein) ou même par biopsie endomyocardique. Il est cependant indispensable que les
prélèvements soient immédiatement congelés et maintenus en permanence dans l'azote liquide, les enzymes de la CR étant très rapidement dégradées au cours d'une mauvaise conservation. Si les investigations de la CR sont délicates techniquement, leur interprétation pose
également des problèmes. Une activité normale de la CR ne permet pas totalement d'exclure
un déficit, même si le tissu étudié est celui qui exprime la maladie. En cas de conviction clinique ou biochimique, il est alors indispensable de tester d'autres tissus et d’avoir recours à
certaines techniques moléculaires (voir ci-dessous).
A l’inverse, le déficit peut être secondaire, d’où la nécessité d’intégrer ces résultats au
tableau clinique et aux résultats biochimiques périphériques, afin de ne pas « errer » en terme
de diagnostic génétique devant un déficit enzymatique de la CR. On peut retenir :
- des maladies dont la protéine ou le substrat déficient a un rôle dans le fonctionnement
de la CR, par exemple l'ataxie de Friedreich, dont le gène code pour la frataxine ayant un rôle
dans le métabolisme du fer mitochondrial [14], ou la maladie de Menkès puisque le cuivre a
un rôle clé dans le fonctionnement du complexe IV [15]. Il a été aussi observé un déficit
enzymologique de la CR dans les dystrophies neuroaxonales et le syndrome d’AicardiGoutière du fait du rôle des protéines en cause dans le remodelage des membranes
mitochondriales, leur interaction avec la réplication d’ADN et les processus d’apoptose [16].
Ainsi beaucoup d’autres maladies neurologiques entraînent un déficit enzymologique de la
CR, et une expertise clinique et radiologique critique doit être faite devant un déficit
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enzymologique de la CR mitochondriale ;
- les déficits énergétiques situés en amont de la chaine respiratoire mitochondriale. Les
exemples sont nombreux, comme les déficits de l’oxydation des acides gras, de la pyruvate
déshydrogénase, de la pyruvate carboxylase, du cycle de Krebs, les déficits en biotinidase ou
en holocarboxylase synthétase, en sulfite oxydase, et les aciduries organiques. Dans ces derniers
cas il existe un déficit énergétique parce que cette voie métabolique rejoint le cycle de Krebs,
mais aussi parce que les substrats accumulés en amont du déficit inhibent différents complexes
énergétiques (PDH, Krebs, chaine respiratoire) [17]. Pour l’ensemble de ces maladies, la
radiologie et les explorations métaboliques « périphériques » sont très importantes à analyser
avant toute biopsie d’organe ;
- des tableaux cliniques mimant un déficit énergétique, par a) leur présentation clinique
: par exemple le déficit du transport de la thiamine (gène SLC19A2) qui mime un syndrome
de Pearson, le déficit du transport de la biotine ou de la thiamine qui donne des syndromes
de Leigh, le déficit en transaldolase et l’hémochromatose néonatale qui se présentent comme
une insuffisance hépatique néonatale, b) ou par l’hyperlactatémie qu’ils entraînent : par
exemple le déficit en fructose 1,6 biphosphatase (déficit de la néoglucogénèse) ;
- enfin des tableaux cliniques non spécifiques comme des encéphalopathies épileptiques
peuvent être liés à des causes aussi variées que des anomalies chromosomiques, des anomalies
de canaux ou des cytopathies mitochondriales. Beaucoup de diagnostics de cytopathie
mitochondriale ont été portés abusivement.
Il est donc important de ne pas méconnaître ces autres pathologies. La présentation
clinique, les bilans métaboliques « périphériques », l’imagerie cérébrale sont des éléments à
prendre en compte avant toute investigation de la CR mitochondriale du fait de la complexité
des investigations ultérieures de la CR mitochondriale en cas de déficit enzymologique
identifié.
études histopathologiques et immunohistochimiques
La caractéristique histologique des myopathies mitochondriales est la présence de fibres
rouges déchiquetées (ragged red fibers ou RRF), mises en évidence par coloration au trichome
de Gomori qui montre l'accumulation de mitochondries anormales à la périphérie des fibres
musculaires. Cependant l'absence de RRF n'élimine pas le diagnostic et inversement, la
présence de RRF ne semble pas spécifique d'un déficit de la chaine respiratoire
mitochondriale. Par ailleurs des études histoenzymologiques du tissu atteint ou
histoimmunologiques au moyen d'anticorps contre des sous-unités de la succinate
déshydrogénase ou de la cytochrome oxydase constituent un critère diagnostique de
cytopathie mitochondriale plus fiable que la présence de RRF. Cependant là encore il peut y
avoir des déficits secondaires. C’est le cas des déficits en lipine 1 qui peuvent s’accompagner
de déficit en COX et d’agrégats mitochondriaux [18].
Investigation moléculaire
En raison de la double origine génétique de la CR mitochondriale, du grand nombre de
gènes connus et inconnus impliqués dans le fonctionnement de la mitochondrie, et du peu
de corrélations génotype/phénotype, la stratégie d’exploration moléculaire est complexe et
la question de savoir quelles analyses moléculaires doivent être réalisées est souvent débattue.
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DÉFICITS DE LA CHAÎNE RESPIRATOIRE MITOCHONDRIALE : APPROCHE DIAGNOSTIQUE
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Dans des situations malheureusement trop rares, les analyses génétiques sont orientées
par la présentation clinique. Ainsi, la reconnaissance d’un syndrome cliniquement
reconnaissable orientera les analyses génétiques. Cela est particulièrement vrai pour les
syndromes MELAS, MERRF, LHON, NARP, Kearns-Sayre, MNGIE, Pearson et
l'association diabète-surdité (voir ci-dessus). Pour d’autres présentations cliniques, une étude
moléculaire ciblée permettra d'identifier la cause dans plus de la moitié des cas après étude
biochimique : en effet un syndrome de Leigh associé à une hypocitrullinémie fera rechercher
la mutation NARP, un syndrome de Leigh associé à un déficit en CI va conduire à une étude
du profil d’assemblage des complexes de la CR par électrophorèse en gel non dénaturant
(Blue Native Polyacrylamide Gel Electrophoresis ou BN-PAGE) et le séquençage des gènes
nucléaires et mitochondriaux intervenant dans le CI (voir ci-dessous) [2,19], et un syndrome
de Leigh associé à un déficit en CIV va conduire au séquençage du gène nucléaire SURF1.
Une insuffisance hépatique fera rechercher une déplétion de l’ADNmt (maladie de
transmission récessive autosomique conduisant à la réduction majeure du nombre de
molécules d'ADNmt) qui conduira au séquençage de gènes connus pour donner des
insuffisances hépatiques associées à des déplétions de l’ADNmt.
Malheureusement, dans un grand nombre de situations, la combinaison des critères
cliniques, radiologiques, biochimiques et enzymologiques ne permet pas d’orienter les études
moléculaires. Ainsi, la grande majorité des patients reste sans diagnostic moléculaire. De
principe, une étude complète de l’ADNmt est proposée à visée de conseil génétique. La
méthode surveyor révélant les mutations hétéroplasmiques de l’ADNmt et la recherche des
grandes délétions de l’ADNmt sont ainsi systématiquement proposés [20]. Ceci a permis
d'identifier dans 5 à 10 % des cas de notre cohorte de patients les mutations responsables de
la maladie. La place somme toute très modeste des remaniements de l’ADNmt dans les
mitochondriopathies n’était pas véritablement une surprise, dans la mesure où l’immense
majorité des sous-unités de la CR est codée par le génome nucléaire.
Le BN-PAGE peut être d’une grande aide en particulier dans les syndromes de Leigh
avec déficit en CI qui sont liés dans la moitié des cas à une mutation d’un gène mitochondrial
codant le CI [2]. Dans l’autre moitié des cas, il s’agit de mutations dans des gènes nucléaires
codant également les protéines de structure du CI, sur un mode de transmission récessif
autosomique. La présence de mutations dans un gène du CI peut résulter en un profil anormal
d’assemblage de ce complexe se traduisant par une diminution voire une absence de la bande
à 1 MDa et accumulation d’intermédiaires d’assemblage. Un profil anormal en BN-PAGE
peut orienter dans le choix du/des gène(s) à séquencer.
Cependant le rendement moléculaire après séquençage des gènes mitochondriaux ou
nucléaires codant les protéines de structure des autres complexes est très faible. En revanche,
la régulation et la mise en place de la CR sont contrôlées par de nombreux gènes encore peu
connus chez l’homme. Ces gènes sont responsables de l’ensemble des autres déficits de la CR.
Ceux impliqués dans les déplétions de l’ADNmt sont en partie connus, notamment dans les
présentations d’insuffisance hépatiques néonatales. Pour les autres présentations cliniques,
l’identification du gène responsable est encore laborieuse. A l’avenir, les procédures de
séquençage à haut débit devraient permettre d’aider au diagnostic moléculaire de ces
pathologies.
AUTEURS :
P. de Lonlay, A.-S. Lebre, M. Rio, N. Boddaert, I. Desguerre, C. Ottolenghi, J.-P. Bonnefont, A. Munnich, A. Rötig
Centre de Référence des Maladies Mitochondriales
Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme
Hôpital Necker-Enfants Malades, Université Paris Descartes, INSERM-U781
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P. DE LONLAY, M. RIO, A.-S. LEBRE, N. BODDAERT, I. DESGUERRE,
C. OTTOLENGHI, J.-P. BONNEFONT, A. RÖTIG, A. MUNNICH
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pascale de Lonlay - Métabolisme, Hôpital Necker-Enfants malades, 149 rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15 Tel : 0144495152, Fax : 0144495150
E-mail : pascale.delonlay@nck.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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TABLE RONDE 4
Travaux des lauréats du DES de Pédiatrie - Île-de-France
Travaux ayant reçu les félicitations du jury à la session d’Octobre 2011
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MéNINGITES BACTéRIENNES NéONATALES :
444 CAS EN 7 ANS
par
J. GASCHIGNARD, C. LEVY, Y. AUJARD, R. COHEN, E. BINGEN,
O. ROMAIN, P. BOILEAU
INTRODUCTION
Les méningites bactériennes néonatales ont un pronostic sévère, elles sont responsables
d’une mortalité de 10 à 15 % et de séquelles dans 20 à 50 % des cas 1,2]. L’introduction des
recommandations de l’ANAES en septembre 2001 [3] sur la prévention des infections
périnatales à streptocoques du groupe B (SGB) par le dépistage du SGB sur frottis vaginal et
de l’antibioprophylaxie per-partum a soulevé des inquiétudes concernant le risque de voir
augmenter le taux d’infections périnatales dû à d’autres bactéries telles que les bacilles Gram
négatif ou de la survenue plus tardive d’infections néonatales à SGB. Ce travail présente les
données cliniques et bactériologiques des méningites néonatales survenues en France entre
janvier 2001 et décembre 2007 recueillies par l’Observatoire National des Méningites
Bactériennes de l’enfant.
MÉTHODES
Depuis janvier 2001, le Groupe de Pathologie Infectieuse de la Société Française de
Pédiatrie (GPIP) et l’Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val de Marne
(ACTIV) ont mis en place un réseau de surveillance des méningites bactériennes de l’enfant
afin de recenser et d’analyser les caractéristiques cliniques, biologiques et bactériologiques
de ces méningites ainsi que leur pronostic et leur traitement [4]. Les méningites bactériennes
ont été recensées de façon prospective par ce réseau de 252 services de pédiatrie associés à
168 laboratoires de microbiologie. L’analyse réalisée selon le terme et le poids de naissance
porte sur les méningites néonatales précoces ( J0-J4) et tardives ( J5-J28). L’hypotrophie était
définie par un poids inférieur au 10e percentile des courbes AUDIPOG.
RÉSULTATS
Quatre cent quarante quatre cas de méningites néonatales ont été rapportés par 114
services. Le streptocoque du groupe B (SGB) et E. coli représentaient à eux seuls 87 % des
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J. GASCHIGNARD, C. LEVY, Y. AUJARD, R. COHEN, E. BINGEN, O. ROMAIN, P. BOILEAU
bactéries (59 % pour SGB et 28 % pour E. coli) (tableau 1). SGB était prédominant dans les
formes précoces (78 % vs 17 % pour E. coli) et restait majoritaire dans les formes tardives
(49 % vs 34 % pour E. coli). Chez les nouveau-nés prématurés, E. coli était plus fréquent
(43 % vs 38 % pour SGB). Cette tendance s’accentuait chez les grands prématurés (< 33 SA)
avec 54 % pour E. coli vs 15 % pour SGB. En revanche, leur fréquence n’était pas modifiée
chez les nouveau-nés hypotrophes.
Le nombre annuel de méningites précoces était plus faible sur la période 2003-2007
(16,6 ± 2,0) que sur la période 2001-2002 (30,0 ± 7,0, p = 0,08). Cette diminution était
principalement liée à une diminution de moitié du nombre annuel de formes précoces dues
à SGB (25,0 ± 5,7 vs 12,2 ± 2,3, p = 0,08). Il n’a pas été observé de modification du nombre
de méningites tardives entre les périodes 2001-2002 et 2003-2007 (figure 1).
Près d’un quart des nouveau-nés ont présenté un choc, et ce, quelle que soit la bactérie
en cause. En revanche, SGB était responsable de convulsions presque deux fois plus souvent
que E. coli (41 % vs 25 %, p < 0,01).
Le taux de décès global était de 13 %, semblable entre les groupes E. coli et SGB (12 % vs
13 %) et un peu plus élevé dans le groupe « autres bactéries » (17 %). La mortalité des
méningites était significativement plus élevée chez les prématurés et les grands prématurés,
(respectivement 25 % et 27 %) que chez les nouveau-nés à terme (10 %, p = 0,001 et p =
0,02) et ce quel que soit le germe. La mortalité était également significativement plus élevée
chez les nouveau-nés hypotrophes que chez ceux eutrophes (respectivement 24 % et 12 %, p
= 0,04). Le décès survenait en moyenne 8 jours après la première ponction lombaire [extrêmes
: 0-21j].
CONCLUSION
Le streptocoque du groupe B était la bactérie prépondérante dans les méningites
bactériennes néonatales dans notre étude, retrouvée dans plus de 75 % des formes précoces
et près de 50 % des formes tardives. E coli était plus fréquemment en cause chez le prématuré.
La mortalité globale de 13 % était significativement plus élevée parmi les patients prématurés
ou hypotrophes.
AUTEURS :
Jean Gaschignard1,2, Corinne Levy2,3, Yannick Aujard2, Robert Cohen2,3, Edouard Bingen2, Olivier Romain1,2,3,
Pascal Boileau1
1 Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales, Univ. Paris-Sud, Hôpital Antoine-Beclère, Clamart, France
2
GPIP, Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique
3
ACTIV, Association Clinique Thérapeutique Infantile du val de Marne
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jean Gaschignard - jeangaschignard@yahoo.fr
RÉFÉRENCES
[1] Holt D E, Halker S, de Louvois et al. Neonatal meningitis in England and Wales: 10 years on. Arch Dis Child
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[3] Levy C., Bingen E., Aujard Yet al. Observatoire national des méningites bactériennes de l’enfant en France : ré-
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MÉNINGITES BACTÉRIENNES NÉONATALES : 444 CAS EN 7 ANS
109
sultats de 7 années d’études. Arch Pediatr 2008 ; 15 Suppl 3 :S99-S104.
[4] Prévention anténatale du risque infectieux bactérien néonatal précoce. ANAES Sept 2001. http://www.anaes.fr.
Tableau 1. Répartition des bactéries responsables des méningites précoces ( J0-J4) et tardives ( J5-J28)
chez le nouveau-né entre janvier 2001 et décembre 2007
* p < 0,01 pour la comparaison des pourcentages de chaque bactérie entre les groupes méningites précoces et méningites tardives.
Streptocoque du groupe B 111
E. coli
Autres bactéries :
Bacilles gram négatif autres
Coques gram positif autres
Streptococcus pneumoniae
Streptococcus bovis
Méningocoques
Méningocoque B
Listeria monocytogenes
Méningite précoce
n = 143 (32 %)
Méningite tardive
n = 301 (68 %)
Méningites néonatales
n = 444
(78 %)
25 (17 %)
7 (5 %)
1
4
3
1
0
0
2
149 (49 %)*
101 (34 %)*
51 (17 %)*
18
14
5
5
14
11
5
260 (59%)
126 (28 %)
58 (13 %)
19
18
8
6
14
11
7
Figure 1. Répartitions des méningites précoces et tardives entre 2001 et 2007
L’année 2002 correspond à la mise en place des recommandations de l’ANAES sur la prévention anténatale du
risque infectieux bactérien néonatal précoce.
MENINGITES PRECOCES
MENINGITES TARDIVES
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111
INTOLéRANCE GLUCIDIQUE DANS UNE POPULATION
D’ADOLESCENTS OBèSES
par
C. KYHENG
L’obésité commune et le surpoids touchent 15 % des adolescents français [1]. Il s’agit de
facteurs de risque majeurs de dysrégulation glycémique et de diabète de type 2. Ce travail
porte sur la prévalence des dysglycémies et l’intérêt du test d’hyperglycémie provoquée par
voie orale (HGPO) dans une population d’adolescents obèses.
PATIENTS ET MÉTHODES
Nous avons étudié les adolescents ayant eu un test d’HGPO entre le 1er janvier 2002 et
le 1 Avril 2012 dans le cadre d’un bilan hospitalier pour obésité. Ce bilan est proposé à tous
les adolescents consultant dans le service de Médecine pour Adolescents du CHU du Kremlin
Bicêtre (94, Val de Marne) pour une obésité de grade 2. N’ont été inclus dans cette étude que
les adolescents ayant débuté leur puberté et dont le Z score de l’Indice de Masse Corporelle
(IMC) était supérieur ou égal à +3. Ont été exclus les adolescents présentant une obésité
syndromique ou associée à des anomalies endocriniennes pouvant entraîner un surpoids, ceux
qui avaient un retard statural et ceux qui prenaient des médicaments pouvant interférer avec
le poids.
Lors de l’hospitalisation, ils étaient interrogés sur l’origine ethnique de leurs parents et
les antécédents familiaux de diabète de type 2. A l’examen clinique, ont été recueillis le poids,
la taille, le stade pubertaire, la présence d’un acanthosis nigricans. L’IMC et le Z score de
l’IMC ont été calculés [2]. Durant l'hospitalisation, un test d’HGPO a été réalisé avec dosage
de la glycémie et de l’insulinémie à T0 et T120 ainsi qu’un bilan lipidique. Nous avons utilisé
les définitions du diabète et du « prédiabète » de l’American Diabetes Association [3]. Nous
avons évalué l’insulinorésistance avec des indicateurs ne nécessitant pas de test dynamique,
mais seulement un prélèvement à jeun : le score Quicki et le score HOMA-IR.
L'analyse statistique a été faite avec l’outil statistique du logiciel Excel et le logiciel Sigma
Plot. Nous avons utilisé selon les cas des tests de Student, de Wilcoxon, du Chi-2 et le test de
Fischer. Les résultats sont exprimés en moyenne (écart-type).
er
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C. KYHENG
RÉSULTATS
Entre le 1er Janvier 2002 et le 1er Avril 2012, 148 adolescents ont eu un test d’HGPO au
cours d’une hospitalisation pour bilan d'obésité. Vingt trois adolescents ont été exclus de
l’étude : six pour retard staturopondéral ou dysmorphie, quatorze pour prise de médicaments
pouvant interférer avec le poids, deux pour endocrinopathie et une pour boulimie sévère.
Les caractéristiques épidémiologiques et anthropométriques des 125 adolescents restants
sont rapportées dans le Tableau I. Il y a 60 % de filles et 40 % de garçons. Leur âge moyen est
de 15,2 ans et leur IMC moyen est de 35,8 kg/m². L’origine ethnique des familles est variée :
39,2 % sont caucasiennes, 32,8 % sont originaires d’Afrique, 11,2% des Antilles, 16,8 % d’autres
origines ou d’origine mixte. La prévalence du diabète de type 2 est de 1,6 %
(n = 2/125) et celle du prédiabète est de 20 % (n = 25/125) : 3,2 % (4/125) d’hyperglycémie
modérée à jeun, 15,2 % (19/125) d’intolérance glucidique, et 1,6 % (2/125) d’association
entre hyperglycémie modérée à jeun et intolérance glucidique.
Nous avons comparé le groupe d’adolescents prédiabétiques et diabétiques avec le groupe
des adolescents normotolérants (Tableau II). Il n’y a pas de différence significative d’âge, de
sexe, d’antécédents familiaux de diabète, d’origine géographique des parents (groupe
caucasiens versus non caucasiens), de Z score d’IMC et de stade pubertaire. Les adolescents
obèses prédiabétiques et diabétiques ont une insulinorésistance biologique (score HOMAIR, insulinémie à jeun, et score Quicki) significativement plus importante que les
normotolérants (P < 0,05). Il n’y a pas de différence significative concernant la présence d’un
acanthosis nigricans.
DISCUSSION
La prévalence du diabète et surtout du prédiabète dans notre population d’adolescents
obèses (22 %) est plus élevée que celle retrouvée dans d’autres travaux français [4].
Le dosage de la glycémie à jeun, qui est le test recommandé en première intention pour le
dépistage du diabète de type 2, sous-estime le nombre de prédiabétiques et de diabétiques : il
aurait permis de ne dépister que 24 % des prédiabètes (les hyperglycémies modérées à jeun) et
un seul des deux diabètes. Nos résultats sont confortés par d’autres travaux insistant sur l’intérêt
de l’HGPO [5].
Les facteurs de risques classiques de dysrégulation glucidique comme l’origine non
caucasienne et l’existence d’antécédents familiaux de diabète de type 2 ne sont pas retrouvés
dans notre travail, peut être du fait d’un manque de puissance lié à la taille de l’échantillon.
De même, l’intensité de l’obésité n’est pas corrélée à l’existence d’une dysglycémie.
Un score HOMA-IR, une insulinémie à jeun élevée ou un score Quicki bas signant une
insulinorésistance marquée sont des facteurs de risques de dysrégulation glycémique
contrairement à l’acanthosis nigricans, mais seule sa présence, et non son intensité, a été
recueillie. L’insulinorésistance est plus marquée dans le groupe des adolescents ayant une
dysrégulation glycémique, mais les adolescents obèses normotolérants de notre population
présentent fréquemment une insulinorésistance.
Sur les critères cliniques et le seul prélèvement à jeun, il n’est pas possible d’éliminer un
prédiabète. Le prédiabète est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et de diabète
de type 2. Le dépistage précoce du prédiabète permet de débuter rapidement une prise en
charge hygiéno-diététique avec perte de poids afin de limiter son évolution vers le diabète et,
même, de revenir à une normotolérance [6].
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INTOLÉRANCE GLUCIDIQUE DANS UNE POPULATION D’ADOLESCENTS OBÈSES
113
CONCLUSION
Le diabète de type 2 et le prédiabète touchent aussi les adolescents. Notre étude a montré
une prévalence élevée de ces dysglycémies dans une cohorte d’adolescents obèses du Val de
Marne.
Le dosage de la seule glycémie à jeun sous-estime le prédiabète et le diabète de type 2. Les
adolescents prédiabétiques et diabétiques ont une insulinorésistance plus sévère que les
adolescents obèses normotolérants. La réalisation systématique du test d’HGPO lors du bilan
hospitalier des obésités sévères est nécessaire au dépistage des dysglycémies. Il permet en cas
de prédiabète d’instaurer un suivi rapproché de l’adolescent et une prise en charge hygiénodiététique tendant vers une perte de poids pour diminuer le risque cardiovasculaire et prévenir
l’évolution vers un diabète de type 2.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Christèle Kyheng (christele.kyheng@bct.aphp.fr)
(Sous la direction de Sébastien Rouget (sebastien.rouget@bct.aphp.fr))
RÉFÉRENCES
[1] Péneau S, Salanave B, Maillard-Teyssier L, Rolland-Cachera M-F, Vergnaud A-C, Méjean C, et al. Prevalence
of overweight in 6- to 15-year-old children in central/western France from 1996 to 2006: trends toward stabilization. Int J Obes (Lond). 2009 avr;33(4):401-407.
[2] Rolland-Cachera MF, Cole TJ, Sempé M, Tichet J, Rossignol C, Charraud A. Body Mass Index variations:
centiles from birth to 87 years. Eur J Clin Nutr. 1991 janv;45(1):13-21.
[3] Type 2 diabetes in children and adolescents. American Diabetes Association. Diabetes Care. 2000
mars;23(3):381-389.
[4] Lefèvre H., Bertrand .B., Vachey B. Moro M.R.Qui sont les adolescents consultant pour demande de prise en
charge d'une obésité dans une Maison des adolescents? Phénotypes d'une cohorte de 200 patients. Archives de
Pédiatrie, volume 18, Issue 11, Novembre 2011, Pages 1162-1169.
[5] Cosson E, Hamo-Tchatchouang E, Banu I, Nguyen M-T, Chiheb S, Ba H, et al. A large proportion of
prediabetes and diabetes goes undiagnosed when only fasting plasma glucose and/or HbA1c are measured in
overweight or obese patients. Diabetes Metab. 2010 sept;36(4):312-318.
[6] Weiss R, Taksali SE, Tamborlane WV, Burgert TS, Savoye M, Caprio S. Predictors of Changes in Glucose
Tolerance Status in Obese Youth. Diabetes Care. 2005 avr 1;28(4):902 -909.
Tableau I : Caractéristiques épidémiologiques et anthropométriques des adolescents ayant eu un test
d‘hyperglycémie provoquée par voie orale au cours d’une hospitalisation pour bilan d’obésité.
Nombre
Age (Années)
Poids (kg)
Taille (cm)
IMC (kg/m²)
Z score IMC
Moyenne (écart-type)
Total
125
15,2 (1,5)
100,6 (17,2)
1,67 (8)
35,8 (4,8)
+4,1 (0,6)
Garçon
50 (40%)
15 (1,4)
102,7 (19,3)
1,71 (8)
34,7 (4,7)
+4,2 (0,7)
Filles
75 (60%)
15,3 (1,5)
99,2 (15,7)
1,64 (7)
36,5 (4,7)
+4 (0,6)
P = 0,4
P = 0,5
P<0,01
P = 0,2
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Nombre
Antécédents familiaux
de diabète de type 2
Sexe :
Homme
Femme
Origine ethnique
Caucase
Afrique Sub Saharienne
Antilles
Afrique du nord
Autres
Age (années)
IMC (kg/m²)
Z score IMC
Glycémie à jeun (mmol/L)
Insulinémie à jeun (µUI/L)
Glycémie post charge (mmol/L)
Score HOMA –IR
Score Quicki
Acanthosis nigricans
Puberté Débutante
(Tanner 2 et 3)
Fin de puberté
(Tanner 4 et 5)
Syndrome
des Ovaires Polykystiques
Cholestérol (mmol/L)
Triglycérides (mmol/L)
Moyenne (écart-type)
C. KYHENG
Prédiabétiques
et Diabétiques
27
Normotolérants
11
36
P = 0,7
10
17
40
58
P = 0,7
7
6
3
6
5
15,4 (1,5)
37 (4,8)
+ 4,2 (0,7)
5,3 (0,6)
25,9 (16,1)
8,6 (1,4)
6,2 (4,3)
0,30 (0,02)
19
42
14
11
15
16
15,1 (1,5)
35,5 (4,7)
+4 (0,6)
4,7 (0,3)
17 ,6 (8,8)
6,4 (0,7)
3,7 (2)
0,32 (0,02)
61
5
22
20
78
4
3
98
P = 0,1
P = 0,4
P = 0,46
P < 0,001
P = 0,003
P = 0,001
P = 0,001
P < 0,001
P = 0,43
P = 0,8
4,4 (0,9)
4,2 (0,8)
P = 0,4
1,25 (0,5)
1,02 (0,4)
P = 0,03
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115
éVOLUTION DE LA FONCTION RESPIRATOIRE,
DE LA FLORE MICROBIENNE
ET DES CURES ANTIBIOTIQUES SOUS AZITHROMYCINE
AU LONG COURS DANS LA MUCOVISCIDOSE
par
A. LEMAIRE
(SOUS LA DIRECTION DE H. CORVOL)
INTRODUCTION
La mucoviscidose est l’affection génétique -létale dès l’enfance- de transmission
autosomique récessive, la plus fréquente dans la population caucasienne. Elle se caractérise
par des mucus épais et visqueux qui entraînent, entre autre, la destruction progressive du
parenchyme pulmonaire et le déclin de la fonction respiratoire. Il n’existe actuellement aucun
traitement curatif pour cette maladie. Les traitements sont uniquement symptomatiques, et
ciblent chaque organe atteint. Parmi ces traitements figure l'azithromycine (AZM),
antibiotique appartenant à la classe des macrolides, utilisé depuis le début des années 2000
pour ses propriétés anti-inflammatoires et immuno-modulatrices. Le but de notre travail a
été d'étudier les effets d'un traitement par AZM à doses prophylactiques au long cours, c'està-dire au-delà de deux ans, sur la fonction respiratoire, les cures antibiotiques et la flore
respiratoire, dans une population d'enfants atteints de mucoviscidose.
PATIENTS ET MÉTHODES
Cette étude est une étude rétrospective, monocentrique et descriptive. 54 enfants âgés
de 4 à 17 ans, suivis au CRCM de l’hôpital Trousseau à Paris et traités par AZM trois fois
par semaine depuis au moins 2 ans, ont été inclus dans l’étude. Les données cliniques relatives
à la fonction respiratoire (VEMS, CVF, DEM 25-75), à la flore microbienne des voies
respiratoires et à sa sensibilité aux antibiotiques ainsi que celles relatives aux traitements
antibiotiques (fréquence, mode d’administration, caractère programmé ou non) ont été
relevées annuellement : 12 mois avant la mise en place du traitement puis tous les ans pendant
48 mois.
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116
A. LEMAIRE (SOUS LA DIRECTION DE H. CORVOL)
RÉSULTATS
Notre cohorte comportait 25 filles et 29 garçons dont l'âge moyen était de 10,7 ans
(± 3,3). La durée moyenne de traitement était de 3,3 ans (± 0,7). Le VEMS moyen à T0 était
de 77,7 % (± 24,4).
Concernant la fonction respiratoire, nous n'avons pas observé de différence significative
concernant le VEMS au cours de notre travail.
Concernant la flore microbienne, nous n'avons pas observé de différence significative
concernant la proportion d'ECBC positifs à S.aureus ou à mycobactérie atypique, avant et
après la mise en route du traitement par AZM. En revanche, la proportion d'ECBC positifs
à P.aeruginosa augmentait de façon significative au bout de 2 ans de traitement et jusqu'à la
fin de l'étude.
Concernant la sensibilité des S.aureus aux antibiotiques, nous n'avons pas observé de
différence significative concernant l'évolution de la proportion des staphylocoques résistants
à la méthicilline. En revanche, nous avons observé une augmentation significative dès T+12
de la proportion des staphylocoques résistants aux macrolides, passant de 18 % à T0, à près
de 72 % à T+48.
Concernant les cures antibiotiques, nous n'avons pas observé de différence significative
sur l'évolution du nombre global de cures, tout mode d'administration confondu. Si l'on
distinguait en revanche le mode d'administration, il existait une diminution significative du
nombre de cures antibiotiques par voie orale à T+12 et à T+48, mais la variabilité était très
importante. Toutes les cures per os avaient été administrées de façon non programmée.
Concernant la voie intraveineuse, nous avons observé une augmentation du nombre de cures,
programmées ou non, tout au long de l'étude. Cette augmentation était significative à T+36
et T+48. En considérant le caractère programmé ou non, nous n'avons pas observé de
différence significative dans l'évolution du nombre des cures non programmées, alors que les
cures programmées augmentaient de façon significative à T+48.
DISCUSSION
Nous n'avons pas observé dans notre étude de différence significative concernant la
fonction respiratoire des patients. Ce résultat est à la fois en accord avec plusieurs études
similaires de la littérature et en contradiction avec d'autres. En effet, les premières études
portant sur les effets de l'AZM à doses prophylactiques dans la mucoviscidose sur des durées
de quelques mois, montraient une amélioration significative du VEMS [1]. Cependant, des
études plus récentes n'ont pas montré de différence significative au-delà de ces quelques mois
de traitement [2]. Nous pensons que nos résultats s'expliquent par le fait que les patients de
notre étude étaient à un stade précoce de leur maladie, avec une fonction respiratoire
quasiment normale, rendant la marge de progression possible très modérée.
Concernant l'évolution du portage de S.aureus après la mise sous AZM, les résultats
rapportés dans la littérature jusqu'à présent sont assez contradictoires. Ainsi, certains auteurs
ont pu observer une diminution significative de ce portage, quand d'autres n'ont observé
aucune différence, comme dans notre travail. En revanche, la plupart des travaux portant sur
l'évolution du portage de staphylocoques résistants à la méthicilline sous AZM, s'accordent
sur le fait qu'il n'y a pas de différence significative après la mise en route du traitement, ce que
nous avons observé également. L'augmentation très précoce, significative et durable du
portage de S.aureus résistants aux macrolides que nous avons constatée dans notre étude, est
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ÉVOLUTION DE LA FONCTION RESPIRATOIRE, DE LA FLORE MICROBIENNE ET DES CURES
ANTIBIOTIQUES SOUS AZITHROMYCINE AU LONG COURS DANS LA MUCOVISCIDOSE
117
parfaitement concordante avec la littérature [4]. De nombreux auteurs ont observé ce
phénomène, qui pourrait être expliqué -en partie- par l'induction de nouvelles mutations
sous la pression antibiotique, les patients atteints de mucoviscidose étant connus pour être
porteurs de souches staphylococciques hyper mutables, résultant probablement de la
constante pression antibiotique. D'autres mécanismes sont très probablement impliqués dans
l'émergence de ces souches, puisqu'elle a également été observée chez des patients non atteints
de mucoviscidose et traités par macrolides sur de courtes durées [4]. L'augmentation du
nombre d'ECBC positifs à P.aeruginosa que nous avons observée dans notre étude est en
revanche en contradiction avec les résultats de la plupart des auteurs. Ceci pourrait s'expliquer
par l'évolution naturelle de la maladie, la plupart des patients de notre étude étant à un stade
très précoce lors de l'inclusion et donc non colonisés ni infectés encore à pyocyanique.
Enfin, concernant le recours aux antibiotiques, nous n'avons pas observé de différence
significative concernant le recours global, contrairement, là encore, à la plupart des auteurs.
Cependant, nous avons observé une augmentation significative du nombre de cures par voie
IV et plus particulièrement celles à caractère programmé. Nous pensons que cette
augmentation est le résultat de l'émergence dans notre étude de patients infectés par
P.aeruginosa, et qu'elle reflèterait donc simplement l'évolution naturelle de la maladie.
CONCLUSION
Nous avons montré dans ce travail qu'un traitement par AZM à doses prophylactiques
pendant plus de 2 ans, chez des enfants atteints de mucoviscidose, ne modifiait pas de façon
significative la fonction respiratoire ni le portage de S.aureus ou de mycobactérie atypique.
En revanche, nous avons montré l'apparition précoce, significative et durable de
staphylocoques résistants aux macrolides dans les voies aériennes. Cependant l'émergence de
ces souches n'est pas corrélée dans notre étude à une modification significative du recours
global aux antibiotiques. D'autres études multicentriques et prospectives seraient donc
nécessaires afin de redéfinir plus précisément les indications et la durée de la mise en route
d'un traitement par AZM à doses prophylactiques dans la mucoviscidose, au vu de l'impact
microbiologique sur la flore dont l'incidence clinique et thérapeutique est encore inconnue
et difficilement évaluable à ce jour.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
A. LEMAIRE - aurelie.lemaire@club-internet.fr
(sous la direction du DR H.CORVOL)
RÉFÉRENCES
[1] Saiman, L., et al., Azithromycin in patients with cystic fibrosis chronically infected with Pseudomonas aeruginosa:
a randomized controlled trial. Jama, 2003. 290(13): p. 1749-56.
[2] Clement, A., et al., Long term effects of azithromycin in patients with cystic fibrosis: A double blind, placebo
controlled trial. Thorax, 2006. 61(10): p. 895-902.
[3] Tramper-Stranders, G.A., et al., Maintenance azithromycin treatment in pediatric patients with cystic fibrosis: longterm outcomes related to macrolide resistance and pulmonary function. Pediatr Infect Dis J, 2007. 26(1): p. 8-12.
[4] Kastner, U. and J.P. Guggenbichler, Influence of macrolide antibiotics on promotion of resistance in the oral flora
of children. Infection, 2001. 29(5): p. 251-6.
[5] Hansen, C.R., et al., Long-term azitromycin treatment of cystic fibrosis patients with chronic Pseudomonas
aeruginosa infection; an observational cohort study. J Cyst Fibros, 2005. 4(1): p. 35-40.
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119
DEVENIR à LONG TERME APRèS SYNDROME
DU BéBé SECOUé
par
K. LIND
(SOUS LA DIRECTION DE M. CHEVIGNARD)
INTRODUCTION
Le syndrome du bébé secoué (SBS) est une forme sévère de maltraitance survenant chez
des nourrissons, le plus fréquemment avant l’âge d’un an. Dans le SBS, la présence de lésions
cérébrales aiguës ou chroniques (hématome sous-dural bilatéral le plus souvent, hémorragie
sous-arachnoïdienne, hémorragie intra-parenchymateuse) contraste avec l’absence de
traumatisme rapporté ou avec un traumatisme rapporté minime, incompatible avec
l’importance des lésions. Les critères diagnostiques du SBS ont été récemment validés par la
Haute Autorité de Santé [1]. Les séquelles cérébrales sont secondaires, d’une part, aux lésions
de cisaillement provoquées par les mouvements d’accélération - décélération de la tête au
niveau de la substance blanche, ou de la jonction substance blanche-substance grise, et, d’autre
part, à l’ischémie diffuse. Cette dernière résulte de divers mécanismes : arrêt ou pauses
respiratoires par dysfonctionnement médullaire ou du tronc cérébral, état de mal convulsif,
contusions ou hémorragies cérébrales. Les articles traitant des séquelles après un SBS sont
hétérogènes tant par la durée de suivi des patients (de 1 mois à 10 ans), que par la gravité
initiale de la population d’étude. Les études dépassant 5 ans de suivi moyen souffrent de petits
effectifs (11 à 25 patients) avec des taux de perdus de vue importants (54 à 57 %)[2,3].
L’objectif de notre étude était d’étudier le devenir neurologique, cognitif, comportemental
et scolaire à long terme après un syndrome du bébé secoué ainsi que l’intensité des traitements
et prises en charge nécessaires pour ces enfants à distance de leur atteinte cérébrale.
MÉTHODES
Nous avons inclus dans cette étude tous les patients consécutivement hospitalisés pour
rééducation et prise en charge après syndrome du bébé secoué entre le 1er janvier 1996 et le
31 décembre 2005. Les dossiers des patients ont été revus de façon rétrospective et les familles
ont été jointes par téléphone pour un interrogatoire médical. Les patients ayant un suivi en
consultation inférieur à 3 ans ont été exclus. Le critère principal de jugement était le Glasgow
Outcome Scale (GOS) modifié pour les enfants. Les critères de jugement secondaires étaient
la présence d’une épilepsie, de déficit visuel, de troubles du sommeil ou de l’alimentation, le
besoin en rééducation et l’intensité de celle-ci, le niveau de scolarité, l’existence de troubles
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120
K. LIND (SOUS LA DIRECTION DE M. CHEVIGNARDT)
du comportement, de troubles du langage ou de la compréhension et de difficultés visuographo-constructives.
RÉSULTATS
Sur 66 patients, 47 patients ont été inclus dans l’étude avec un âge moyen de survenue de
5,7 mois (écart-type de 3,2 mois), un sex-ratio de 3,7 et une médiane de suivi de 96 mois soit
8 ans (44 à 144 mois). Seuls 7 enfants (15 %) avaient un retour à la vie normale (GOS I) et
19 patients (40 %) souffraient de troubles neurologiques, moteurs ou cognitifs sévères à très
sévères (GOS III et IV). Dans le groupe des patients GOS I et II, il y avait par rapport au
groupe des patients GOS III et IV, moins de patients dans le coma au diagnostic (68 % contre
95 %, p = 0,034), moins de recours à l’intubation initialement (71,4 % contre 100 %,
p = 0,015), moins d’hémiplégie à l’admission en rééducation (50 % contre 79 %, p = 0,018)
et plus de mères ayant un niveau d’études supérieur au baccalauréat (59,3 % contre 21 %,
p = 0,006). Sur le plan neurologique, 45 % des patients avaient un déficit moteur, 38 %
souffraient d’épilepsie et 45 % avaient un déficit visuel invalidant. Sur le plan cognitif, 49 %
des patients présentaient un trouble du langage, 62 % des troubles visuo-grapho-constructifs
et 79 % un déficit attentionnel. Quatre-vingt-trois pour cent des patients étaient encore suivis
en rééducation et 57,5 % d’entre eux en orthophonie pour leurs troubles cognitifs. Des
troubles du comportement étaient rapportés chez 53 % des patients ainsi que 17 % de troubles
du sommeil. Seuls 30 % des patients suivaient une scolarité strictement normale et 30 % des
patients étaient intégrés en milieu éducatif spécialisé. Peu de patients (10 %) avaient été
indemnisés pour le préjudice subi.
CONCLUSION
Notre étude inclut des données uniques d’une cohorte importante, suivie à long terme,
sur la prise en charge médico-sociale et la scolarité après un syndrome du bébé secoué sévère.
Les séquelles sont lourdes et nécessitent une prise en charge soutenue et prolongée dans les
domaines médicaux et scolaires. Il est nécessaire d’améliorer l’information aux professionnels
de santé, aux instances judiciaires et aux familles de patients quant aux démarches
d’indemnisation des victimes, afin de favoriser au mieux la réduction du handicap.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Katia LIND - katia.lind@yahoo.fr
Sous la direction du Dr Mathilde CHEVIGNARD - Hôpitaux de Saint Maurice,
m.chevignard@hopitaux-st-maurice.fr
RÉFÉRENCES
[1]
[2]
Laurent-Vannier A, Nathanson M, Quiriau F et al. A public hearing « Shaken baby
syndrome: guidelines on establishing a robust diagnosis and the procedures to be adopted
by healthcare and social services staff ». Guidelines issued by the Hearing Commission.
Ann Phys Rehabil Med. 2011;54(9-10):600-25.
Jayawant S, Parr J. Outcome following subdural haemorrhages in infancy. Archives of
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DEVENIR à LONG TERME APRÈS SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ
[3]
121
Disease in Childhood. 2007;92(4):343-7.
Barlow KM, Thomson E, Johnson D et al. Late neurologic and cognitive sequelae of
inflicted traumatic brain injury in infancy. Pediatrics. 2005;116(2):174-185.
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122
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123
COMPARAISON DE DEUX MEMBRANES DE CIRCULATION
EXTRA-CORPORELLE EN POLYMéTHYLPENTèNE
par
J. RAMBAUD
(SOUS LA DIRECTION DE J. GUILBERT)
OBJECTIF
Nous avons comparé deux oxygénateurs en polyméthylpentène [1] utilisés dans notre
unité : les membranes Quadrox-iD pediatric® et Hilite 800LT®.
MÉTHODES
Il s’agit d’une étude monocentrique prospective, menée sur 10 patients nouveau-nés
consécutifs hospitalisés dans notre service pour mise en CEC. Nous avons étudié le taux de
transfert d’oxygène et la capacité d’épuration du CO2, le balayage moyen nécessaire afin
d’obtenir ce résultat. Nous avons aussi évalué les perturbations de l’hémostase, les besoins en
produits sanguins labiles, la durée de vie et le coût d’utilisation des membranes. L’ensemble
des statistiques de cette étude a été réalisé en utilisant un test apparié et non apparié.
RÉSULTATS
Nous avons mis en évidence un meilleur taux de transfert d’oxygène par mètre carré et une
meilleure capacité d’épuration du dioxyde de carbone par mètre carré pour les membranes Hilite
800LT®. Il n’y a pas de différence significative pour les troubles de l’hémostase, la consommation
de produits sanguins labiles, la durée de vie des membranes et le coût d’utilisation.
CONCLUSION
Les membranes de type Hilite 800LT® ont dans notre étude une meilleure capacité de
transfert de l’oxygène et capacité d’épuration du CO2 que les membranes Quadrox-iD
pediatric® pour un coût similaire. A l’issue de ces résultats, il nous paraît raisonnable de
continuer à utiliser la membrane Hilite 800LT®. Une étude plus large de comparaison serait
nécessaire pour appuyer ces premiers résultats.
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J. RAMBAUD (SOUS LA DIRECTION DE J. GUILBERT)
AUTEURS :
Dr Rambaud Jérôme (jerome.rambaud@nck.aphp.fr), Dr Guilbert Julia (julia.guilbert@trs.aphp.fr), Dr Guellec
Isabelle (isabelle.guellec@nck.aphp.fr), Pr Renolleau Sylvain (sylvain.renolleau@trs.aphp.fr)
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Rambaud jérôme (jerome.rambaud@nck.aphp.fr)
RÉFÉRENCES
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Tableau 1 : Efficacité des membranes et troubles de l’hémostase
HILITE 800LT®
QUADROX-iD ®
(moyenne/déviation standard) (moyenne/déviation standard)
363 ± 92
436 ± 97
Capacité d’oxygénation (mmHg)
Rapport capacité d’oxygénation/ /
surface (mmHg/m2)
Capacité d’épuration du CO2 (mmHg)
Rapport capacité d’épuration du CO2/
balayage (mmHg/ml/mn)
Rapport capacité d’épuration du CO2/balayage/
surface (mmHg/ml/mn/m2)
Balayage moyen (ml)
Résistance de la membrane (mmHg)
Fibrinogène moyen (g/l)
D-Dimères moyens (mg/ml)
Héparine moyenne (U/kg/h)
Consommation journalière en CPA
Consommation journalière en CG
p
< 0,0001
1138 ± 307
14,49 ± 6
538 ± 115
14,45 ± 4
<0,0001
0,88
0,012 ± 0,001
0,02 ± 0,002
0,01
0,038 ± 0,004
1400 ± 592
16,7 ± 20
2,9 ± 0,7
17,6 ± 16
36 ± 7,3
0,67
0,23 ± 0,12
0,022 ± 0,001
1003 ± 394
11,4 ± 7
2,8 ± 0,9
15 ± 7,6
35 ± 8,7
0,76
0,18 ± 0,12
< 0,0001
< 0,0001
0,06
0,89
0,76
0,8
0,58
0,38
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COMPARAISON DE DEUX MEMBRANES DE CIRCULATION
EXTRA-CORPORELLE EN POLYMÉTHYLPENTÈNE
125
Figure 1 : Courbe ROC comparant le coût journalier de chaque membrane au cours de leur utilisation
Courbe du haut : Coût journalier des membranes QUADROX-iD®, courbe du bas : coût journalier
des membranes HILITE 800LT ®
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MISES AU POINT
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HERNIE CONGéNITALE DE COUPOLE DIAPHRAGME :
PRISE EN CHARGE PRé- ET POSTNATALE
par
V. FOUQUET, A. BENACHI
INTRODUCTION
La hernie de coupole diaphragmatique (HCD) touche environ un enfant né vivant sur
3000 [1]. Un défaut très précoce de fermeture du diaphragme est responsable d’une altération
du développement et de la physiologie pulmonaire. Au cours de la vie fœtale, le poumon en
développement est rempli de liquide. La rétention de liquide dans les futurs espaces aériens
est nécessaire au maintien du poumon dans un état d’expansion indispensable à sa croissance
et sa maturation. Toute modification de cet équilibre altère le développement pulmonaire et
rend précaire, à la naissance, l’adaptation à la vie extra-utérine. Les enfants porteurs de HCD
ont des poumons hypoplasiques qui présentent un développement vasculaire anormal associé
à une hypertension artérielle pulmonaire secondaire. Il existe une grande disparité clinique
de cette pathologie : 40 % des HCD sont associées à d’autres malformations et/ou à des
anomalies chromosomiques, et parmi les HCD isolées, certaines sont très graves et
aboutissent à un décès de l’enfant dans les premières heures de vie alors que d’autres sont
compatibles avec une vie normale après un traitement chirurgical [2]. Le taux de mortalité
associé à la présence d’une HCD est encore élevé aujourd’hui (40 %) en dépit des progrès de
la médecine pré- et post-natale. Il est la raison d’être de la chirurgie in utero. Le but de cette
chirurgie est de tenter de modifier l’histoire naturelle de cette pathologie pour en prévenir
les conséquences désastreuses sur le développement pulmonaire.
ÉVALUATION DU PRONOSTIC
La prise en charge d’un fœtus atteint d’une malformation in utero dépend
essentiellement du pronostic de l’anomalie. Récemment l’utilisation d’une association de
facteurs dont le Lung over Head Ratio (LHR) a permis d’améliorer l’évaluation prénatale
du pronostic néonatal.
Il est maintenant possible de déterminer précisément le volume du poumon que ce
soit par échographie ou par IRM. Il est cependant toujours impossible de définir, en
routine, quels fœtus développeront une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en
période néonatale. Les différents éléments intervenant dans l’élaboration du pronostic
des HCD isolées sont actuellement : le LHR o/a, la position du foie, la mesure du volume
pulmonaire à l’IRM.
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130
V. FOUQUET, A. BENACHI
La méthode la plus utilisée à ce jour en échographie 2D est une évaluation indirecte du
volume pulmonaire. Il s’agit de la mesure du « Lung-over-Head Ratio » ou LHR qui est le
rapport de la surface pulmonaire sur le périmètre crânien. Cette méthode a d’abord été décrite
par Metkus et al. [3] et consiste en la mesure de la surface pulmonaire controlatérale à la
HCD sur une coupe 4-cavités du cœur et à diviser cette surface par le périmètre crânien
(Figure 1). Une série d’études a permis la validation du LHR et de la position intrathoracique
du foie comme marqueur pronostic dans la prédiction prénatale de la survie ainsi que de la
morbidité postnatale à court terme de fœtus atteint de HCD [4]. La mesure du LHR n’a pas
été validée pour les HCD droites qui sont globalement de moins bon pronostic que les
hernies gauches [5]. Pour un LHR donné et le foie dans le thorax les taux de survie sont
respectivement : LHR < 1, < 15 %, LHR entre 1 et 1,3, environ 65 %, LHR entre 1,4 et 1,6,
environ 80 %. En revanche, lorsque le foie n’est pas ascensionné, le taux de survie globale est
de 75 % mais on ne peut pas stratifier le pronostic en fonction du LHR.
Dans un deuxième temps, il a été montré que le LHR était dépendant de l’âge
gestationnel auquel il a été mesuré et par conséquent le LHR observé/attendu (o/a) a été
introduit ce qui a permis d’obtenir une méthode d’évaluation de la surface pulmonaire qui
était indépendante de l’âge gestationnel à la mesure 6. Pour un LHR o/a < 15 %, le taux de
survie est quasi nul, LHR o/a entre 15 et 25 %, < 20 %, LHR o/a entre 26 et 45 %, environ
65 % et > 45 %, environ 90 %. Le calcul du LHR répond à des critères de mesure stricts et
nécessite un temps d’apprentissage
La morbidité des enfants porteurs de HCD est encore importante. La plupart des
enfants subiront un séjour en réanimation puis en pédiatrie qui peut parfois durer plusieurs
mois. Les reflux gastro-œsophagiens et les troubles de l’oralité sont fréquents. L’évaluation
de la mortalité néonatale est primordiale, mais il est également nécessaire de trouver des
facteurs prédictifs de morbidité. Le LHR o/a ainsi que la position intrathoracique du foie
ont été évalués comme facteurs prédictifs de la morbidité à court terme [7]. Les futurs
parents n’attendent pas seulement un diagnostic mais un pronostic en terme de mortalité
mais aussi de morbidité.
L’IRM permet une évaluation morphologique mais aussi volumétrique du poumon fœtal
et ne présente pas les mêmes contraintes techniques que l’échographie. Les mesures du volume
pulmonaire peuvent être réalisées chez les patientes présentant un surpoids et en cas
d’oligoanamnios. De plus, la mesure des deux poumons, controlatéral et ipsilatéral à la HCD,
peut être obtenue et être mesurée de façon précise ce qui n’est pas le cas en échographie 3D
ou 2D. La mesure du volume pulmonaire à l’IRM est maintenant passée en pratique courante
[8]. Comme pour la mesure du LHR o/a on note une diminution importante de la survie
dans le groupe d’enfants dont le volume o/a à l’IRM est < 25 %. En pratique on réalisera cet
examen vers 26-28 SA avant une éventuelle pose de ballonnet puis vers 30-32 SA. Il est
possible que l’évolution des mesures du volume pulmonaire entre les deux termes soit
également un facteur pronostique.
LA CHIRURGIE IN UTERO
En 1980, Harrison crée une hypoplasie pulmonaire chez un fœtus de mouton en gonflant
un ballon dans le thorax. En dégonflant le ballon progressivement, il démontre que
l’hypoplasie est réversible. Une HCD est alors créée selon le modèle de de Lorimier et réparée
par un « patch » de silastic. Cette intervention est la première description de chirurgie in
utero pour le traitement de la HCD. Après une longue évaluation de leur technique chez
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HERNIE CONGÉNITALE DE COUPOLE DIAPHRAGME :
PRISE EN CHARGE PRÉ- ET POSTNATALE
131
l’animal, l’équipe de Harrison a réalisé en 1990 la première intervention de chirurgie in utero
chez l’homme [9]. Celle-ci est réalisée à utérus ouvert. Le fœtus est monitoré et extrait en
partie afin d’être opéré. Il est ensuite réintégré et l’utérus suturé après restitution du liquide
amniotique. La morbidité maternelle est bien sûr non négligeable ; elle est essentiellement
liée à la menace d’accouchement prématuré, qui touche toutes les patientes, et à son
traitement. Rapidement, cette technique ne va concerner que les fœtus dont le foie n’est pas
ascensionné. En effet lors de la réduction du foie, le ductus venosus, fonctionnel in utero, se
trouve plicaturé, ce qui inhibe le flux sanguin dans la veine ombilicale et entraîne le décès du
fœtus. Nous savons actuellement que ces fœtus sont ceux qui présentent le meilleur pronostic.
En 1997 Harrison publie les résultats d’une étude prospective randomisée sur l’intérêt de
cette méthode dans les cas de HCD sans ascension du foie. Il n’y a pas de différence en terme
de survie, de durée d’hospitalisation et de besoin d’AREC, entre les enfants traités avant ou
après la naissance. Cette technique est abandonnée en 1997 [10].
Au cours de la vie fœtale, le poumon en développement est rempli de liquide.
L’importance du liquide intra-pulmonaire dans le développement a conduit certaines
équipes, en 1994 [11] à ligaturer la trachée de fœtus de mouton porteurs de HCD afin de
forcer l’expansion pulmonaire et de corriger les anomalies induites par la HCD. Les résultats
de leurs études ont montré une nette croissance des poumons de HCD après occlusion
trachéale. Plusieurs techniques d’obstruction trachéale ont été tentées. L’obstruction par
abord chirurgical de la trachée est très traumatique et comporte les risques de la chirurgie à
utérus ouvert. Pour que l’approche occlusive soit facilement applicable à l’homme il était
nécessaire de trouver un moyen d’occlure la trachée qui soit à la fois fiable, réversible et non
traumatique pour la paroi trachéale. Une possibilité pour obstruer la trachée est d’y placer,
par endoscopie, un ballonnet semblable à ceux utilisés pour certaines pathologies vasculaires.
Ceci a été réalisé en 1996, chez l’animal, sur des poumons sains [12] et sur des poumons de
HCD [13]. A partir de 1998, quelques équipes ont débuté les occlusions trachéales chez le
fœtus humain [14]. La technique utilisée a évolué avec le temps et l’expérience des chirurgiens.
En 2003 un essai randomisé a comparé un groupe de fœtus avec HCD de LHR < 1,4 et pose
de ballon intratrachéal à un groupe sans traitement prénatal. La conclusion de cette étude
était qu’il n’y avait pas de bénéfice en termes de survie et de complications néonatales à
réaliser une chirurgie in utero. Ce papier a mis fin à la technique utilisée par M Harrison
(invasive et lourde) mais pas au principe d’occlusion trachéale [15]. Quintero et al. ont été
les premiers à démontrer la faisabilité d’une trachéoscopie percutanée [16]. Ils ont utilisé un
autre type de dispositif pour l’occlusion trachéale qui n’était pas parfaitement occlusif, ce qui
pourrait expliquer l’insuffisance de développement pulmonaire chez le fœtus opéré.
Parallèlement, en 2001, Deprest et Nicolaides ont réalisé, chez le fœtus humain, le premier
cas d’occlusion trachéale utilisant une technique d’endoscopie moins invasive permettant de
placer un ballon détachable en dessous des cordes vocales. L’optimisation de la durée et de la
période du développement au cours de laquelle l’occlusion est réalisée a permis d’envisager
l’utilisation de cette technique comme un traitement de la HCD. Trois équipes en Europe
(Louvain, Londres et Barcelone) ont réalisés environ 200 cas au cours des 7 dernières années.
Cette technique s’adressait aux fœtus porteurs d’une HCD isolée de mauvais pronostic, c’està-dire avec un LHR < 1,0 ou LHR o/a de < 25 % et foie intrathoracique. Ce groupe de fœtus
présente une survie d’environ 10 à 15 %.
L’occlusion de la trachée du fœtus a été réalisée dans cette étude entre 26 et 28 semaines
d’aménorrhée. Il s’agit d’une occlusion temporaire puisque le ballonnet est idéalement retiré
au cours du troisième trimestre de grossesse (34 SA) [17]. L’intervention est réalisée sous
anesthésie locale ou locorégionale et tocolyse prophylactique et le fœtus est anesthésié et
immobilisé par injection intramusculaire écho-guidée. L’intervention est réalisée sous
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132
V. FOUQUET, A. BENACHI
contrôle échographique et endoscopique. (Figure 2).
La complication principale est la rupture prématurée des membranes (20 %), mais le taux
d’accouchement prématuré diminue avec l’expérience de l’opérateur. Actuellement le terme
moyen d’accouchement est 35 SA. Une étude récente rapporte les résultats des 210 premiers
cas de pose de ballonnets [18]. Ont été traités 175 fœtus porteurs d’une HCD gauche, 34
d’une HCD droite et 1 fœtus porteur d’une HCD bilatérale. L’âge médian de la pose était
de 27,1 SA (23-33SA). 47 % des patientes ont présenté une rupture prématurée des
membranes entre 3 et 83 jours après l’intervention. Le ballon a été retiré soit en période
prénatale, par endoscopie (le plus souvent car c’est la technique la plus fiable et la plus facile
à réaliser) ou par ponction sous échographie ou bien en période postnatale immédiate par
ponction sous échographie ou par ablation avec une bronchoscope. L’accouchement a eu
lieu à un terme médian de 35,3 SA et dans 30,9 % des cas avant 34 SA. 48 % des enfants sont
sortis vivants de l’hôpital. Dans le groupe de fœtus porteurs de HCD traités dans cette étude,
le taux de survie pour les HCD gauches a été de 49,1 % alors qu’il aurait été de 24,1 % dans
un groupe témoin avec des LHR o/a équivalents et respectivement de 35,3 % et 0 % pour les
HCD droites. Cependant il faut garder à l’esprit que ces enfants qui seraient décédés dans la
grande majorité des cas en l’absence de traitement in utero vont probablement développer
une morbidité non négligeable probablement similaire à celle des enfants du groupe de HCD
de pronostic intermédiaire. La morbidité induite est en cours d’évaluation en particulier les
effets de la présence du ballon sur la trachée [19].
La réponse à l’occlusion trachéale semble variable d’un fœtus à l’autre. Une des
explications possible est la présence, dans les cas les plus sévères, d’une hypoplasie
pulmonaire majeure et donc d’une division bronchique et bronchiolaire fortement altérée
; la pose d’un ballonnet ne s’accompagne donc pas d’une croissance pulmonaire. Il est fort
probable que même une occlusion précoce et prolongée ne permettrait pas une croissance
pulmonaire satisfaisante ou alors au prix d’une morbidité sévère. En l’absence de croissance
pulmonaire dans les premières semaines après la pose du ballon, le pronostic est
probablement plus sévère [20].
Deux essais randomisés sont en cours menés par J. Deprest. La première pour les formes
sévères (LHR o/A < 25 %) et la deuxième pour les fœtus avec HCD « modérée » définie
par un LHR o/a entre 25 et 35 % ou entre 36 et 45 % et foie intrathoracique. L’évaluation
de cette technique est en cours, cependant les résultats sont très encourageants en terme de
mortalité. Depuis deux ans, cette technique est réalisée dans le cadre du Centre Maladie Rare
Hernie de Coupole Diaphragmatique au Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal
Béclère-Bicêtre à Paris.
LA PRISE EN CHARGE POSTNATALE
La prise en charge doit être organisée dans un centre de niveau III avec une équipe
de réanimateurs et de chirurgiens pédiatres. L’accouchement peut avoir lieu par voie
basse. Dans notre centre, il sera déclenché pour optimiser la prise en charge immédiate
par les réanimateurs.
L’enfant sera intubé dès la naissance puis transféré en réanimation le plus
rapidement possible.
La stabilisation cardiaque et pulmonaire pré-opératoire semble la clé d’une amélioration
de la survie. En effet avant les années 80, la chirurgie était faite dès la naissance. Cependant,
en 1986, Cartlidege démontrait une amélioration surprenante de la survie si l’intervention
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HERNIE CONGÉNITALE DE COUPOLE DIAPHRAGME :
PRISE EN CHARGE PRÉ- ET POSTNATALE
133
était différée de quelques heures voire quelques jours. S’en est suivie une période où
l’intervention devait se faire après une phase de stabilisation longue pouvant durer plusieurs
jours. Désormais la chirurgie se fait le plus souvent seulement après 24 à 48 h de stabilisation.
La stabilisation est bien sûr capitale mais il nous semble que trop attendre majorerait le
taux de morbi-mortalité.
L’intervention se fait le plus souvent au bloc opératoire. Elle peut avoir lieu en
réanimation si la stabilité du nouveau-né reste précaire. Cependant, les conditions sont moins
adaptées à une telle opération.
La voie d’abord reste un sujet de controverse. La plupart des équipes réalise cette
intervention par laparotomie transverse sus-ombilicale permettant une réintroduction facile
des organes dans la cavité abdominale, une très bonne visibilité de la suture à effectuer et la
possibilité de vérifier la position du mésentère et de la corriger si nécessaire. En effet, il existe
régulièrement des troubles de la rotation, des accolements voire des brides entraînant un
risque d’occlusion par volvulus. Certains préfèrent une voie d’abord thoracique permettant
de respecter la musculature pariétale abdominale. Cependant, elle ne permet pas de visualiser
les troubles de position du mésentère ni de les corriger si nécessaire. D’autres enfin réalisent
cette intervention par thoracoscopie ou laparoscopie. Cette chirurgie mini-invasive est parfois
difficile pour l’anesthésie compte tenu de l’insufflation. D’autre part beaucoup d’équipes ont
arrêté cette voie d’abord car les récidives étaient fréquentes.
La fermeture du diaphragme se fait par une suture directe le plus souvent. Il est parfois
nécessaire d’utiliser un matériel prothétique type plaque de Gore Tex si la traction sur les
berges est trop importante. Les plasties musculaires sont quasiment abandonnées.
Le reflux gastro-oesophagien est fréquemment associé à ce type de pathologie mais
rarement symptomatique après l’âge de 8 à 12 mois. L’association d’un geste anti-reflux
pendant la chirurgie de la hernie diaphragmatique ne nous paraît pas nécessaire. Pour
certaines équipes, ce geste est systématique. Nous préférons le réaliser à distance si cela est
nécessaire (nous n’avons pas dû réaliser ce geste depuis l’ouverture du centre de référence
Béclère-Bicêtre).
Le drainage thoracique est lui aussi sujet à controverse. Nous pensons comme la plupart
des équipes que sa mise en place entraîne un barotraumatisme avec des effets délétères sur le
poumon hypoplasique. Sans drainage, le médiastin se recentre progressivement dans les heures
ou jours qui suivent la chirurgie. L’épanchement pleural se résorbe spontanément et le
poumon hypoplasique se développe naturellement. Certains cependant mettent un drain
pleural de façon systématique, le plus souvent non aspiratif.
Récemment devant un taux d’occlusion sur brides post-laparotomie, nous avons décidé
d’utiliser du Seprafilm avant fermeture de la paroi abdominale. Le Seprafilm est un matériel
permettant de diminuer de façon significative les adhérences postopératoires.
La prise en charge prénatale et la chirurgie sont bien évidemment des étapes extrêmement
importantes, mais il est nécessaire de rappeler que la survie dépend dans la majorité des cas
de la réanimation pré- et postchirurgicale.
AUTEURS :
Virginie FOUQUET1,2, Alexandra BENACHI2,3
1
Service de Chirurgie Pédiatrique, Hôpital Bicêtre. AP-HP, Université Paris Sud
2
Centre de Référence Maladie Rare « Hernie de Coupole Diaphragmatique »
3
Service de Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction, Hôpital Antoine Béclère. AP-HP, Université
Paris Sud
AUTEURS CORRESPONDANTS :
Virginie Fouquet - Service de Chirurgie Pédiatrique, Hôpital Bicêtre - 78 rue du Général Leclerc 94275 Le Kremlin Bicêtre - Tel : 0145213118 Fax 0145213189
E-mail : virginie.fouquet@bct.aphp.fr
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134
V. FOUQUET, A. BENACHI
Alexandra Benachi - Service de Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction - Hôpital Antoine Béclère - 157, rue de La Porte de Trivaux, 92141 Clamart
Tel : 01.45.37.44.76. Fax : 01.46.30.94.93
E-mail : alexandra.benachi@abc.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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HERNIE CONGÉNITALE DE COUPOLE DIAPHRAGME :
PRISE EN CHARGE PRÉ- ET POSTNATALE
135
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Figure 1. Mesure du Lung over Head Ratio (LHR). Sur une coupe 4 cavités, mesure de la plus grande
longueur (L1) multipliée par la plus grande largeur (L2) et rapportée au périmètre céphalique
(PC).(L1xL2/PC).
Figure 2. Mise en place du ballonnet. Visualisation du palais (haut à gauche), puis des cordes vocales
(en haut à droite) Descente du ballon dans la trachée (bas à gauche). Ballonnet largué obstruant la lumière de la trachée (bas à droite).
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DROITS DES MALADES ET FIN DE VIE.
QUELQUES RéFLEXIONS PéDIATRIQUES à PROPOS
DE LA LOI LEONETTI
par
D. DEVICTOR
INTRODUCTION
Ces quelques lignes sont le fruit des réflexions à propos de la loi n° 2005-370 du 22 avril
2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, ses décrets d’application
n° 2006-119 du 6 février 2006 et la récente circulaire concernant la mise en œuvre de cette
loi du 20 octobre 2011.
La Loi Leonetti a eu pour objectif, tout en conservant l’interdiction de donner la mort
son caractère absolu, de concilier de façon prudente et équilibrée plusieurs principes
fondamentaux :
- l’interdiction de l’obstination déraisonnable, l’obligation pour le médecin de prodiguer
des soins et de respecter la dignité du patient, jusqu’à sa mort,
- le respect de la volonté du malade,
- l’encadrement de la délivrance des médicaments à « double effet » et la prise en charge
de la souffrance.
Cette loi précise notamment les conditions dans lesquelles peuvent intervenir les
limitations ou arrêts de traitement lorsqu’une telle décision est susceptible d’entraîner la mort
de la personne malade et selon que celle-ci est ou non en mesure d’exprimer sa volonté.
Il s’agit d’une loi courte, très bien écrite, votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale.
Elle a donné lieu en 2010 à la mise en place d’un observatoire national de la fin de vie qui a
publié son rapport en 2011. Malheureusement il apparaît que 63 % des Français ignore
l’existence de cette loi et que 53 % déclarent être insuffisamment informés sur les soins
palliatifs.
Nous savons tous que la mort a disparu de nos vies bien qu’elle soit omniprésente autour
de nous. Nous savons aussi que ce qui fait peur est le « mal mourir », sans être entouré des
siens, à la merci de l’agressivité thérapeutique des médecins [1]. Cette loi a le mérite de
réinscrire la mort dans notre vie et d’essayer de limiter le risque de « mal mourir ». Elle
poursuit deux objectifs prioritaires : renforcer les droits des malades et reconnaître des droits
spécifiques à ceux qui sont à la fin de leur vie. Ces objectifs sont atteints par l’interdiction de
toute obstination déraisonnable, le droit de la personne de refuser tout traitement, le
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138
D. DEVICTOR
renforcement des soins palliatifs, l’affirmation du rôle de la personne de confiance et enfin la
prise en compte des directives anticipées du malade. Cette loi véhicule donc un grand nombre
de concepts forts : obstination déraisonnable, volonté et liberté du malade, devoir et pouvoir
des soignants, liberté des malades comme des médecins, transparence, valeur de la vie
humaine, accompagnement et dignité de la personne mourante…. Chacun de ces concepts
invite à la réflexion philosophique. De cette liste non exhaustive, nous n’en aborderons qu’un
seul : celui de l’accompagnement. Car le véritable enjeu ne peut-il pas se résumer en celui de
non-abandon de la personne mourante ? Nous aborderons ensuite deux autres questions :
quelles sont les limites de cette loi en pédiatrie et comment concilier une loi qui veut avoir
une portée générale face à des cas qui ne peuvent être que singuliers ?
ACCOMPAGNER LE MOURANT
Accompagner signifie initialement « prendre pour compagnon ». Il y a dans
accompagner beaucoup plus que l’idée de cheminer en commun. Car le compagnon est
étymologiquement formé à partir de l’ancien français companio ou cumpainz, c’est-à-dire le
« cum-panis », celui avec lequel on partage le pain. Le compagnon, la compagne est celui ou
celle qui partage l’idéal, la vie, les épreuves dont le mourir. Il y a le compagnon d’infortune,
comme celui des bons jours. Il y a aussi le compagnon qui fait partie de la même compagnie,
du même métier. Depuis la construction des cathédrales, nous savons qu’être compagnon
n’est pas seulement être un bon ouvrier, mais représente la recherche de l’excellence, par un
savoir-faire particulier qui au-delà de la technique nécessite une dimension philosophique et
humaine. Le terme compagnon du devoir prend ici tout son sens. Le compagnonnage,
unissant le maître et l’élève par des liens qui dépassent le simple apprentissage technique tente
de transmettre cette dimension philosophique et humaine. C’est bien le sens du
compagnonnage en médecine entre le maître et l’élève. Etre le compagnon d’un mourant,
l’accompagner, « partager son pain » et ses épreuves revêt alors un sens qui dépasse le simple
cheminement : c’est introduire cette dimension d’humanité dans la fin de vie.
La dimension humaine de l’accompagnement
L’accompagnement des mourants repose sur une philosophie dont les principes
fondateurs sont invariables. Il s’agit d’un phénomène interculturel qui existe quels que soient
son origine, sa race, son pays. On pourrait dire que l’accompagnement est indissociable de la
condition humaine. Il reste attaché à toutes les dimensions de l’homme et représente une
démarche qui va bien au-delà du soulagement de la douleur physique.
Accompagner, c’est reconnaître l’autre dans sa dignité
Lors de la discussion de la loi à l’Assemblée Nationale le 30 novembre 2004, Monsieur P.
Douste-Blazy, alors ministre des solidarités, de la santé et de la famille a salué ce texte
« garantissant à tous les Français la possibilité de mourir dans la dignité ». Qu’est-ce à dire?
La dignité, selon Kant, est ce qui n’a pas de valeur relative, comme un prix, mais une valeur
intrinsèque. C’est le caractère de la personne humaine qui représente une fin en soi, par
opposition à une chose. Mourir dans la dignité c’est pouvoir conserver sa dimension humaine
jusqu’aux derniers instants. En d’autres termes c’est pouvoir conserver sa liberté, son
autonomie, sa vie durant. Garantir la possibilité de mourir dans la dignité consiste donc à
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DROITS DES MALADES ET FIN DE VIE. QUELQUES RÉFLEXIONS PÉDIATRIQUES
à PROPOS DE LA LOI LEONETTI
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respecter la liberté du mourant et sa volonté. Nous citerons ici P. Vespierren : « Accompagner
quelqu'un ce n'est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un itinéraire, ni même
connaître la direction qu'il va prendre. C'est marcher à ses côtés en le laissant libre de choisir son
chemin et le rythme de son pas ». Et ce chemin ne s’arrête pas avec la mort car il se poursuit
avec l’accompagnement de la famille dans sa douleur et des équipes soignantes dans leur
tristesse.
La loi va bien dans ce sens en obligeant à respecter la volonté du patient, en renforçant
les soins palliatifs, en établissant le rôle de la personne de confiance et des directives anticipées.
Accompagner, c’est exercer une éthique de responsabilité
L’accompagnement d’un malade en fin de vie met en jeu un principe de responsabilité.
Ici deux conceptions éthiques semblent s’opposer : la responsabilité naturelle et la
responsabilité contractuelle [1].
Le principe de responsabilité naturelle d’Hans Jonas
Nous nous référerons ici à Hans Jonas, philosophe contemporain. Celui-ci pose la
responsabilité « en principe ». Ce principe naît de la vulnérabilité d’un autre être et devient
un « se faire du souci », un devoir. Le paradigme de l’être vulnérable est bien sûr le mourant.
Mais pour Jonas c’est aussi le nourrisson. Ce dernier permet de donner un exemple de
responsabilité naturelle qui nous est familier : la responsabilité parentale. Il s’agit de
l’archétype de toute responsabilité car elle ne dépend d’aucun consentement préalable. Elle
se différencie de la responsabilité contractuelle qui est instituée artificiellement par
l’attribution et l’acceptation d’une charge. Cette acceptation contient un élément de choix,
par rapport auquel une rétraction est possible de la part d’un des deux contractants. La
responsabilité tire même sa vertu de l’obligation d’accord. A l’inverse, la responsabilité
naturelle tire sa vertu non seulement dans son objet qui est le devoir-être mais aussi dans le
rapport de confiance qui l’anime. Cette responsabilité qui dépend entièrement de nous est
inconditionnelle comme la responsabilité parentale. C’est une responsabilité totale, qui est
donnée globalement et unilatéralement. Pour Jonas, ce principe de responsabilité est le
principe fondamental de l’éthique contemporaine. De façon caricaturale, nous pourrions
dire que Jonas met en avant le principe de bienfaisance.
La responsabilité contractuelle d’Engelhardt.
T. Engelhardt, philosophe contemporain d’origine américaine, a une vision beaucoup
plus pragmatique. Selon lui, le principe fondamental de l’éthique est le principe d’Autonomie
qui s’énonce : « Ne fais pas aux autres ce qu’ils n’auraient pas fait à eux-mêmes et fais pour
eux ce que tu t’es engagé par contrat à faire ». Pour Engelhardt il y a primat du principe
d’autonomie sur le principe de bienfaisance. Celui-ci d’ailleurs se formule de la manière
suivante : « Fais aux autres leur bien, c’est-à-dire fais à autrui ce qu’il voudrait qu’on lui fit »
et non plus « fais à Autrui ce que tu voudrais qu’il te fit ». Le propos d’Engelhardt est donc
beaucoup plus pragmatique et moins ambitieux que celui de Jonas. Il entend dégager les
principes pratiques qui permettraient de trouver une solution morale aux problèmes que
posent les sciences et les nouvelles techniques biomédicales, dont la mort à l’hôpital.
Là où Jonas accorde une attention constante à l’ontologie et à la métaphysique pour
fonder son éthique de la responsabilité et là où il appelle comme à un retour à la philosophie
classique qui nous ramène à Aristote, Engelhardt préfère limiter les discussions ontologiques
et/ou métaphysiques au minimum. Jonas entend fonder sa morale de manière universelle.
Au contraire pour Engelhardt, la prétention de fonder une morale universelle appartient au
passé et la raison ne peut formuler cette morale.
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D. DEVICTOR
Ethique de responsabilité et la loi droit des malades et fin de vie
La loi « droits des malades et fin de vie » va incontestablement dans le sens d’Engelhardt.
Le respect de l’autonomie du mourant et de l’expression de sa liberté sur un principe de
bienfaisance est affirmé. Mais cette loi, tout comme la philosophie d’Engelhardt s’adresse à
une personne capable d’autonomie, c’est-à-dire aux êtres conscients (ou inconscients) mais
qui ont pu à un moment donné exprimer leur volonté soit de vive voix, soit par l’intermédiaire
d’une personne de confiance ou de directives anticipées. Mais qu’en est-il du nouveau-né et
de l’enfant qui ne peuvent faire connaître leur volonté ? Qu’en est-il de la personne en état
pauci-relationnel ou polymalformé ? Qu’en est-il enfin du prématuré présentant des lésions
cérébrales majeures ? Ces quelques exemples montrent bien les limites du principe
d’autonomie et la nécessité de reconsidérer le principe de bienfaisance. Proposons alors une
réflexion éthique qui soit tension entre plusieurs principes, ou mieux at-tension, tension vers
autrui et nous retrouvons ici la dimension professionnelle de l’accompagnement.
La dimension professionnelle de l’accompagnement
Au-delà de la dimension humaine de l’accompagnement, dans laquelle nous pourrions
retrouver un aspect de compassion ou d’empathie, il existe une exigence de bonnes pratiques
professionnelles soulignée par la loi et ses décrets d’application.
Accompagner, c’est soigner
L’accompagnement est indissociable de l’action de soigner, c’est-à-dire de prendre soin,
de s’occuper de. Le véritable sens du verbe soigner est « se soucier de, s’intéresser à, veiller
sur ». Il y a dans l’action de soigner, comme dans celle d’accompagner une obligation morale,
un engagement qui s’impose auprès de l’autre, une sorte de pacte de solidarité.
L’accompagnement exige d’être attentif à l’autre jusqu’au terme de son existence et considérer
le patient, non comme un être biologique, mais comme une personne entière dans ses
dimensions biologiques, psychologiques et sociales. Une telle exigence fait partie intégrante
de la profession de soignants, d’autant plus que le soin est devenu un travail d’équipe, une
démarche pluridisciplinaire. Certes le colloque singulier entre le médecin ou l’infirmier(e)
référent(e) reste essentiel, mais c’est en fait toute une équipe qui se trouve impliquée avec
l’apport d’experts de différents horizons : médecins, infirmières, experts dans la prise en charge
de la douleur, experts en soins palliatifs, secteur social, responsable administratif….
Cheminant ainsi auprès du malade et de sa famille se trouve non plus impliquée une personne
mais une véritable équipe. L’accompagnement dépasse la démarche individuelle pour devenir
un véritable projet d’équipe dans le cadre d’un projet d’un service ou de pôle.
Accompagner s’apprend et s’évalue
Toute démarche de soins s’apprend. Certes l’entourage du mourant, confronté à la réalité,
doit malgré lui, faire face à cette situation qui, bien que parfois attendue, n’est jamais désirée.
Mais dans l’équipe soignante, on ne peut s’improviser accompagnateur. S’il fait partie de la
responsabilité du personnel médical et paramédical d’accompagner les patients en fin de vie
et de respecter leurs droits, il est nécessaire d’apprendre à le faire. Il y a dans
l’accompagnement un savoir-faire qui ne s’improvise pas. C’est apprendre à savoir écouter,
communiquer, toucher, donner, se comporter. C’est surtout dans des services de réanimation,
apprendre à changer de constante de temps, passer de l’urgence du geste à l’exigence de
l’écoute. Comme le souligne M. de Hennezel, le manque de formation est régulièrement
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DROITS DES MALADES ET FIN DE VIE. QUELQUES RÉFLEXIONS PÉDIATRIQUES
à PROPOS DE LA LOI LEONETTI
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dénoncé par les professionnels de santé, qu’il s’agisse de la formation initiale des médecins
qui se sentent démunis pour communiquer avec leurs patients, dès lors que le pronostic vital
est en jeu, ou de la formation médicale continue, notamment la formation en soins palliatifs.
Surtout que l’accompagnement a la particularité de devoir s’adapter à chaque situation qui
par définition est unique. Il n’y a pas de recettes thérapeutiques, de prescriptions toutes faites.
D’ou l’importance des échanges des professionnels entre eux, avec les familles, avec les
associations afin de constamment améliorer la prise en charge des patients.
L’évaluation devient alors une étape nécessaire. Il convient de considérer la qualité de
prise en charge des fins de vie comme un indicateur de qualité des soins. Comment s’avoir si
l’on fait bien ? Sur quelles données entreprendre des mesures correctrices pour améliorer la
qualité des soins ? Cette évaluation ouvre le champ à la recherche clinique, à la publication
de ses résultats et à la comparaison des pratiques, étapes nécessaires à l’amélioration de
celles-ci.
LA LOI GÉNÉRALE à L’ÉPREUVE DU CAS PARTICULIER
Les particularités de la réanimation néonatale et pédiatrique
Cette loi concerne essentiellement le problème des fins de vie chez l’adulte. Elle ne traite
pas (et ne prétend pas traiter) des questions spécifiques qui peuvent se poser en réanimation
pédiatrique ou néonatale. Un de ses aspects fondamental est d’entendre et de respecter la
volonté du malade qu’il soit proche de la mort ou maintenu artificiellement en vie. On voit
bien que cette disposition, sauf cas exceptionnels, ne concerne pas la pédiatrie et encore moins
la néonatologie, où les patients n’ont pas de volonté à faire entendre. Dans ce cas, la loi
renforce le rôle de la personne de confiance. Peut-on assimiler celle-ci aux parents ? La réponse
n’est pas si aisée. D’autres cas particuliers surgissent : qu’en est-il de l’enfant polyhandicapé,
polymalformé ou encore dans un état pauci-relationnel ? Qu’en est-il surtout des problèmes
auxquels sont confrontés les néonatologistes ? La loi condamne l’euthanasie, celle-ci étant
définie comme « un acte délibéré pratiqué par un tiers, destiné à entraîner la mort d’une
personne malade pour éviter des souffrances ». Dès lors, comment aborder la question des
arrêts actifs et délibérés de vie chez les grands prématurés dont le pronostic neurologique est
jugé désastreux ? On voit donc que cette loi, dans sa conception, ne couvre que très peu le
champ de la pédiatrie et encore moins celui de la néonatologie.
Pourtant cette loi a profondément changé les pratiques en réanimation pédiatrique. Les
différentes recherches que nous avons menées montrent que si les parents étaient peu informés
des décisions médicales de limitation ou d’arrêt des traitements de réanimation (LATA) avant
la loi, depuis ils sont beaucoup plus informés voire même participent actuellement à la
décision de LATA [2,6]. Ainsi cette loi a permis de borner les pratiques et offre au processus
décisionnel une plus grande transparence. Elle évolue dans ce sens vers la prééminence du
principe d’autonomie des patients et des familles qui prévaut dans le monde anglo-saxon, sur
le principe de bienfaisance qui prévalait dans nos pays à culture gréco-latine.
Une loi générale pour des cas particuliers
Il semble y avoir une contradiction entre une loi qui ne peut par principe qu’être
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D. DEVICTOR
normative et l’exercice de la médecine qui, par essence, n’est affaire que de cas particuliers.
L’acte médical porte sur un être singulier, à un moment unique, souffrant d’une maladie
particulière. Comment alors concilier cette singularité avec une loi qui se veut être une règle
impérative et souveraine destinée à régir la société ? Une loi ne peut prétendre résoudre un
problème éthique. Il serait trop simple de répondre à la question éthique « que dois-je faire
dans ce cas particulier ? » par « il suffit d’appliquer la loi » ! Ce conflit exprime en fait tout
le tragique de la condition humaine. Rappelons ici brièvement l’histoire d’Antigone. D’un
côté Créon, roi de Thèbes qui représente la loi de la cité et le droit positif. De l’autre Antigone,
fille d’Œdipe, qui agit selon sa conscience et ce que lui dicte son devoir. Tous deux sont dans
le registre de l’absolu : absolu des lois de la citée, absolu des lois de sa conscience. Le premier
est dicté par les hommes, le second dicté par les dieux. Créon interdit d’enterrer Polynice,
frère d’Antigone, car il s’est battu contre lui et contre Thèbes. Antigone transgresse cet interdit
et malgré la loi, enterre son frère. Créon la condamnera à être emmurée vivante. Cette histoire
est le paradigme du tragique entre d’un côté la loi morale et de l’autre la loi d’ordre politique.
C’est de la confrontation de ces deux grandeurs absolues inconciliables que naît le tragique.
L’exercice de la médecine se situe sur le même registre. D’un côté la loi qui normalise
l’action, de l’autre le conflit de conscience qui peut amener à transgresser la loi, comme
Antigone. Mais la dimension éthique de la médecine ne trouve-t-elle pas sa source dans cette
tension, dans le doute que le soignant peut avoir lorsqu’il répond à la question « que faire ?
». Reconnaissons que l’objet de la médecine est un sujet, un malade qui a une finalité propre
qui échappe au médecin. Autrui reste absolument inaccessible ; il entretient avec l’infini une
relation que le médecin ne peut connaître. Le médecin soigne, prend soin d’autrui, mais au
bout du compte, la finalité de l’homme l’emportera. Cette loi, si elle renforce les droits des
malades à la fin de leur vie, si elle établit des repères aux médecins qui en ont la charge, si elle
traduit un regard de la société sur nos conditions actuelles de mort, ne peut atténuer ni
l’inquiétude métaphysique de l’homme face au mystère de la mort et au sacré de la vie, ni la
crainte des équipes soignantes de se tromper lors de leur prise de décision.
CONCLUSION
Cette loi traduit une réflexion collective sur la mort dans notre société actuelle. Elle
devient ainsi un regard sur les valeurs que notre société entend défendre. Elle est également
une réponse à la demande de transparence exprimée par notre société et par le corps médical
sur des pratiques médicales de plus en plus performantes. Elle représente clairement une
avancée car elle nous invite à la reconquête de l’humain dans un domaine que la technique
domine. Elle nous incite à porter un regard différent sur celui qui souffre et à professionnaliser
nos pratiques. Elle amène à repenser les objectifs de la réanimation qui deviennent non plus
l’utilisation de techniques appliquées à un corps mourant mais à redonner du sens à une vie
en péril. Ainsi la réanimation devient une aventure humaine avant que d’être technique et
c’est ce qui en fait sa richesse.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Professeur Denis Devictor - Docteur en Ethique
Réanimation pédiatrique - Hôpital de Bicêtre 78 rue du Général LECLERC - Le Kremlin-Bicêtre 94275.
Email : denis.devictor@bct.aphp.fr
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DROITS DES MALADES ET FIN DE VIE. QUELQUES RÉFLEXIONS PÉDIATRIQUES
à PROPOS DE LA LOI LEONETTI
143
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TRANSFUSIONS D’éRYTHROCYTES EN PéDIATRIE :
RISQUES, BéNéFICES ET INDICATIONS
par
O. KARAM
La première tentative de transfusion à être rapportée est celle du pape Innocent VIII, en
1492. Celui-ci ayant sombré dans un coma inexpliqué, ses médecins eurent l’idée de lui
administrer du sang. On alla donc le prélever chez trois enfants de 10 ans, à qui l’on avait
promis un duché en guise de récompense. Le sang fut ensuite donné au pape par la bouche,
le concept d’accès vasculaire n’ayant pas encore été découvert. L’évolution clinique ne fut
malheureusement pas favorable : le pape décéda, ainsi que les trois garçons.
Plus de cinq cents ans plus tard, l’évolution clinique des patients transfusés est-elle
différente ? Récemment, Gong et al. ont évalué l’effet des transfusions de culots
érythrocytaires chez 688 adultes admis dans un centre de soins intensifs [1]. Ils ont trouvé
une association entre la transfusion de culots érythrocytaires et la survenue de syndrome de
défaillance respiratoire aiguë (SDRA) ainsi que la mortalité. Des résultats similaires ont été
retrouvés dans des populations pédiatriques. En 2007, Kneyber et al. ont publié une étude
observationnelle monocentrique, faite chez 295 enfants admis en soins intensifs pédiatriques.
Les transfusions de culots érythrocytaires étaient associées à une augmentation de la
morbidité et de la mortalité [2]. En 2008, Bateman et al. ont publié une grande étude
observationnelle multicentrique dans laquelle ils ont aussi trouvé une association entre le
nombre de transfusions et le nombre d’infections nosocomiales, de dysfonctions cardiorespiratoires, et de décès [3].
Ainsi, même si la médecine a fait de nombreux progrès en 500 ans, il semblerait que
l’évolution clinique des patients transfusés ne soit pas bien meilleure.
MAIS ALORS, POURQUOI TRANSFUSE-T-ON ?
En général, un patient est transfusé en raison d’une anémie, définie comme un taux
d’hémoglobine (Hb) inférieure à la norme pour l’âge.
L’oxygène est indispensable à la vie. Les molécules d’oxygène sont absorbées dans le corps
par les poumons, puis sont transportées vers toutes les cellules par le système circulatoire.
L’oxygène, qui est peu soluble dans l’eau, est lié à l’hémoglobine, afin de faciliter son transport
dans le sang. Chaque molécule d’hémoglobine a en effet la capacité de fixer quatre molécules
d’oxygène, puis de les relâcher dans les tissus. Celui-ci passe à travers la paroi des capillaires
et peut dès lors diffuser vers la cellule. Il sera alors utilisé pour produire de l’énergie, entreposée
sous forme d’adénosine tri-phosphate (ATP).
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Le transport d’oxygène global (Oxygen Delivery, DO2) est défini par l’équation suivante:
DO2 = CO x [(Hb x SaO2 x 1,34) + (0,003 x PaO2)]
où CO représente le débit cardiaque (cardiac output), Hb la concentration
d’hémoglobine (en g/dl), SaO2 la saturation artérielle en oxygène et PaO2 la pression partielle
artérielle en oxygène (en mmHg). On voit donc que le transport d’oxygène est directement
proportionnel à la concentration d’hémoglobine, mais aussi au débit cardiaque et à la SaO2.
Alors que la DO2 mesure la quantité d’oxygène reçue par les cellules, celles-ci n’en utilisent
qu’une partie, estimée par la consommation d’oxygène (VO2).
Dans des conditions normales, la DO2 est largement supérieure à la VO2, et la VO2 n’est
pas dépendante de la DO2. Le corps s’adapte à une baisse de la DO2 par une augmentation
de l’extraction d’O2, de la SaO2 ou du débit cardiaque, sans affecter la VO2. Par contre, quand
la DO2 diminue trop, les mécanismes compensateurs sont débordés et la VO2 s’abaisse
également. En dessous de ce point, la VO2 devient dépendante de la DO2. C’est donc dans
cette situation qu’il est essentiel d’améliorer la DO2, afin que les cellules puissent continuer
à consommer de l’oxygène et ainsi éviter de se retrouver en métabolisme anaérobique.
La transfusion constituerait donc un traitement logique et bénéfique chez des patients
anémiques en état de choc au vu de l’effet direct de l’amélioration de la DO2 sur la VO2.
Plusieurs études se sont intéressées à évaluer l’effet d’une transfusion sur la consommation
d’oxygène de tels patients. En 1993, Marik et Sibbald ont évalué par calorimétrie la
consommation d’oxygène chez 23 patients septiques, ventilés mécaniquement dans une unité
de soins intensifs, avant et après une transfusion [4]. Dans ce contexte clinique où la DO2
est diminuée, ils ont montré l’absence de changement de la VO2 malgré une transfusion. En
2001, dans une population similaire, Fernandes et al. ont répété la même mesure chez 10
patients en choc septique, ventilés, avec une hémoglobine < 100 g/1 [5]. Ils ont aussi
démontré l’absence d’amélioration de la consommation d’oxygène après une transfusion de
culot érythrocytaire. Plus récemment, Walsh et al. ont trouvé les mêmes résultats, chez 22
adultes aux soins intensifs, avec un syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV; multiple
organ dysfunction syndrome ou MODS en anglais) [6]. En pédiatrie, Mink et Pollack ont
étudié 8 patients en choc septique [7]. Ils ont aussi démontré une augmentation de la DO2,
sans amélioration de la VO2. Par contre, Lucking et al. ont observé une amélioration de la
DO2 et de la VO2 chez des patients en choc septique [8].
Dès lors, contrairement à ce qu’on penserait intuitivement, il n’est pas certain qu’une
transfusion de culot érythrocytaire puisse réellement augmenter la consommation d’oxygène,
même si elle améliore le transport d’oxygène, tout du moins chez les patients sévèrement
malades.
POURQUOI LES TRANSFUSIONS D’ÉRYTHROCYTES
NE SEMBLENT-ELLES PAS EFFICACES ?
De 1829, année où James Blundell, obstétricien anglais, réussit la première transfusion
sur une patiente avec une hémorragie du post-partum, jusqu’en 1915, les transfusions se font
directement, sans que le sang soit entreposé. En 1915, Peyton Rous et J.R. Turner publient
un article fondamental, exposant divers moyens de conservation des produits sanguins, et
principalement des érythrocytes. Ils décrivent une solution de citrate et de glucose qui permet
de conserver le sang pendant quatre semaines. Un de leurs élèves, Oswald Robertson, envoyé
sur les champs de bataille en Europe pendant la Première Guerre Mondiale, entreprend de
transfuser des blessés. Il publie en 1918 sa méthode d’entreposage. Il rapporte son expérience
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TRANSFUSIONS D’ÉRYTHROCYTES EN PÉDIATRIE : RISQUES, BÉNÉFICES ET INDICATIONS
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avec du sang entreposé jusqu’à 26 jours, mais l’État Major américain ne lui permet qu’une
durée de 5 jours, en raison de la crainte de contamination bactérienne.
Ce n’est qu’en 1943 que Loutit et Mollison découvrent un processus qui permet la
stérilisation des solutions d’entreposage, en ajoutant un acide pour permettre la stabilisation
du glucose à haute température. Au cours des années suivantes, ces solutions s’améliorent
progressivement, permettant d’entreposer du sang de plus en plus longtemps. La durée
maximale d’entreposage a été définie par un taux de survie des érythrocytes, une fois
transfusés, supérieur à 75 %. Afin de déterminer ce taux, on transfuse du sang entreposé,
marqué au Cr51, et on mesure la survie in vivo après 24 heures. Selon les différentes solutions
d’entreposage, les culots érythrocytaires peuvent être conservés jusqu’à 42 jours. Ceci a
conduit à la création de banques de sang, qui permettent des économies d’échelle, en
collectant le sang, en le testant et en le conditionnant. Elles permettent aussi de conserver
des stocks de culots érythrocytaires pour des groupes sanguins plus rares, ainsi que
l’instauration d’un meilleur système de contrôle de qualité. Ces banques de sang sont
actuellement indispensables à n’importe quel système sanitaire moderne.
Néanmoins, l’entreposage des culots provoque plusieurs modifications biologiques des
érythrocytes. On assiste à des changements progressifs dans la composition biochimique de
la solution d’entreposage, comme par exemple une concentration de potassium qui passe, au
cours du temps, de 4 à 40 mmol/l. Ceci a parfois même mené à un arrêt cardiaque suite à des
transfusions massives. On remarque également une diminution rapide de la concentration
en 2,3-diphosphoglycérate (2,3-DPG), à la capacité à fixer et à relarguer de l’oxyde nitrique.
On observe aussi des changements de la morphologie des érythrocytes qui passent de cellules
biconcaves à des cellules sphériques spiculées, ainsi qu’à une perte de petites portions de la
membrane, ce qui conduit à l’altération de sa fonction. De plus, l’entreposage perturbe
l’adhésivité des globules rouges aux cellules endothéliales. La durée d’entreposage influence
aussi l’état oxydatif des érythrocytes qui perdent leur protection contre les radicaux libres
(gluthation, superoxyde dismutase). Ces radicaux libres contribuent à l’accumulation de
lipides biologiquement actifs, comme les lysophospholipid platelet activating factors. D’autres
ont mis en évidence des changements dans la concentration de phospholipase A2, d’anticorps
anti-HNA-3a, d’ubiquitines, d’advanced glycation end-products, de phosphatidylsérine, ou
encore de fer plasmatique non lié à la transferrine. Toutes ces molécules semblent avoir des
propriétés immunomodulatrices.
Comme la durée d’entreposage modifie la composition des culots érythrocytaires et
induit la production de molécules actives immunologiquement, certains auteurs ont tenté
de caractériser cette immunomodulation en mesurant certaines cytokines. Ainsi, on a pu
démontrer une augmentation d’IL-1β, de TNF-α, d’IL-6, d’IL-8 et de TGF-β en fonction
de la durée d’entreposage.
LA DURÉE D’ENTREPOSAGE A-T-ELLE DES RÉPERCUSSIONS CLINIQUES ?
Les premières études sur l’effet clinique de la durée d’entreposage des culots
érythrocytaires datent de 1993 ; Heddle et al. publient alors un article qui suggérait que le
principal facteur de risque pour une réaction transfusionnelle fébrile non hémolytique était
la durée d’entreposage [9]. La première grande série est publiée en 2003. Leal-Noval et al. y
rapportent les effets de la durée d’entreposage des culots érythrocytaires chez 795 patients
adultes ayant subi une chirurgie cardiaque [10]. Ils ont démontré que la durée d’entreposage
des culots érythrocytaires était associée à une augmentation du risque de pneumonie
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nosocomiale.
Koch et al. publient en 2008 leur étude observationnelle portant sur 6002 patients de
chirurgie cardiaque adulte, opérés entre 1998 et 2006. Les patients qui avaient reçu des
transfusions de culots érythrocytaires entreposés pendant plus de 14 jours avaient un risque
augmenté d’intubation prolongée, d’insuffisance rénale, de sepsis, et de mortalité [11].
D’un autre côté, plusieurs études n’ont pas permis de mettre en évidence d’effets
défavorables liés à une durée prolongée d’entreposage. Dans une étude mono-centrique sur
2732 patients opérés d’un pontage coronarien, Van de Watering et al. n’ont pas pu mettre en
évidence d’association entre la durée d’entreposage des culots érythrocytaires et la mortalité,
après ajustements pour le nombre de transfusions, la sévérité de la coronaropathie et les
données démographiques [12]. Une grande étude observationnelle, portant sur 404 959
transfusions dans la population générale en Suède et au Danemark entre 1995 et 2002, n’a
pas démontré d’augmentation significative de la mortalité en fonction de la durée
d’entreposage [13]. Ainsi, l’effet clinique de la durée d’entreposage pourrait être différent en
fonction de la sévérité de la maladie des patients évalués.
En pédiatrie, nous avons publié en 2010 une étude prospective qui décrit une association
entre la durée d’entreposage des culots érythrocytaires et une augmentation de la morbidité,
pour des patients admis plus de 48 heures dans un service de soins intensifs pédiatriques [14].
Parmi ces patients, une transfusion d’un seul culot entreposé plus de 14 jours augmente
significativement le risque de détérioration clinique (apparition ou progression d’un SDMV),
et rallonge significativement la durée d’admission.
QUELS SONT DONC LES PATIENTS QUI BÉNÉFICIERONT
DES TRANSFUSIONS ?
Alors que les transfusions d’érythrocytes semblent associées à des effets indésirables,
certains patients vont clairement en bénéficier. Il convient donc de ne les administrer
uniquement aux patients chez lesquels les effets bénéfiques seront plus importants que les
effets néfastes.
De façon générale, on peut distinguer deux catégories différentes de patients : les patients
hémodynamiquement instables et les patients hémodynamiquement stables. Un patient est
défini comme hémodynamiquement instable s’il est hypotendu ou s’il est normotendu avec
des signes de mauvaise perfusion (lactates > 3 mmol/l, SvO2 < 65-70 %, mauvaise perfusion
cutanée, oligurie ou altération de l’état de conscience).
CHOC HÉMORRAGIQUE
Tout état de choc nécessite probablement d’améliorer le nombre de transporteurs
d’oxygène (érythrocytes). Un choc hémorragique nécessite probablement un remplacement
plus précoce des pertes d’érythrocytes. Néanmoins, comme il n’y a pas d’études qui
permettent de définir un seuil précis de transfusion, les recommandations se basent sur des
avis d’experts. Ceux-ci recommandent de débuter les transfusions d’érythrocytes, après un
remplissage initial de 40-60 ml/kg de cristalloïdes.
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TRANSFUSIONS D’ÉRYTHROCYTES EN PÉDIATRIE : RISQUES, BÉNÉFICES ET INDICATIONS
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AUTRES SITUATIONS DE CHOC, AVEC ANÉMIE RELATIVE
Chez un patient hémodynamiquement instable, il est recommandé de transfuser pour
une hémoglobine en dessous de 100 g/l (Ht 30 %), après optimisation du débit cardiaque. Il
y a peu d’études dans cette population, mais l’étude de Rivers et al. démontre une amélioration
de la survie de patients en choc septique lors de l’utilisation d’un protocole de prise en charge,
lequel inclus une transfusion si la SvO2 est < 70 % et l’hématocrite < 30 % [15].
Actuellement, il n’y a aucune étude qui ait évalué spécifiquement l’effet isolé des transfusions
chez des patients instables, mais il semble judicieux de transfuser les patients
hémodynamiquement instables pour ce seuil.
PATIENTS STABLES
Chez les patients hémodynamiquement stables ou stabilisés (parfois encore sous
inotropes ou vasopresseurs, mais avec une tension artérielle dans la norme et sans signes de
bas débit cardiaque), l’étude TRICC (chez les adultes) et TRIPICU (chez les enfants)
démontrent qu’un seuil de transfusion de 70 g/l (Ht 25 %) n’augmente pas le risque de
mauvaise évolution [16,17]. Ce seuil est donc recommandé au niveau international pour les
patients stabilisés de soins intensifs, mais aussi pour les patients stables en salle d’opération,
en oncologie ou en pédiatrie générale.
NÉONATOLOGIE
Puisqu’en général le prématuré et le nouveau-né à terme ont des hémoglobines plus
élevées, les seuils transfusionnels sont plus élevés en néonatologie. Quelques études ayant
permis de démontrer que des seuils plus restrictifs étaient cliniquement bien tolérés [18,19],
la tendance actuelle est de moins transfuser ces patients. De plus, les transfusions chez les
prématurés semblent être associées à une augmentation des entérocolites nécrosantes et des
hémorragies intraventriculaires. Par contre, il y a certaines données qui suggèrent que ces
seuils plus restrictifs seraient associés à un moins bon développement cognitif. En l’absence
de données très fortes, les seuils suivants sont en général suggérés :
Cardiopathie cyanogène ou besoins en oxygène > 40 % : Hb 120-140 g/l
Besoins en oxygène < 40 % : Hb 100 g/l
Nouveau-né asymptomatique : Hb 70-80 g/l
ANÉMIE CHRONIQUE
Dans les cas d’anémie chronique (comme dans l’anémie ferriprive ou dans les hémoglobinopathies, dont l’anémie falciforme), des mécanismes physiologiques de compensations se
sont établis, comme une tachycardie et une dilatation cardiaque permettant une augmentation
du débit cardiaque et donc une normalisation de la DO2. En absence de signes de mauvais
transport d’oxygène (par exemple mauvaise perfusion cutanée, lactates augmentés, SvO2
basse), il n’y a probablement pas d’indication à une transfusion d’érythrocytes en urgence, si
l’hémoglobine est > 50 g/l. Il conviendrait néanmoins d’en discuter avec un hématologue.
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CRISE DRÉPANOCYTAIRE (ANÉMIE FALCIFORME)
En cas de crise drépanocytaire sévère (crise thoracique ou cérébrale), il convient de faire
baisser rapidement le taux d’hémoglobine S (HbS). Ainsi, dans certaines situations, et en
accord avec les hématologues, une transfusion (voire une transfusion d’échange) peut être
indiquée, en fonction d’autres paramètres que l’Hb uniquement (par exemple la sévérité de
la crise et la proportion d’HbS).
CARDIOPATHIES CYANOGÈNES
Les patients avec une cardiopathie cyanogène compenseront spontanément la
désaturation en augmentant leur hémoglobine. Dès lors, ces patients ont souvent été
transfusés avec un seuil bien plus haut. En 2011, Cholette et al. ont publié une étude
randomisée qui suggère qu’un seuil de 90 g/l n’est pas néfaste, même dans la période postopératoire immédiate [20]. Ainsi, chez la plupart des patients post-op stables avec une
cardiopathie cyanogène, il convient de maintenir une hémoglobine à 90 g/l. Néanmoins,
chez les patients instables, ou dans certains cas anatomiques particuliers, une transfusion pour
un seuil plus élevé sera justifiée.
CONCLUSION
Les transfusions d’érythrocytes peuvent sauver des vies, mais peuvent aussi tuer. Le sang
entreposé puis transfusé n’est pas identique au sang du patient, et ceci induit des changements
biologiques chez le receveur qui peuvent expliquer l’augmentation de la morbidité et de la
mortalité. Dès lors, il convient de transfuser les patients uniquement si les effets bénéfiques
sont plus importants que les effets néfastes. Sur la base de la littérature actuelle, il est
généralement recommandé de transfuser un patient hémodynamiquement instable pour un
seuil d’hémoglobine à 100 g/l, et de transfuser un patient stable mais avec une anémie aiguë
pour un seuil d’hémoglobine à 70 g/l. Les prématurés et les patients avec une cardiopathie
cyanogène nécessitent probablement des seuils légèrement plus élevés.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Oliver Karam
Soins intensifs pédiatriques, Hôpitaux Universitaires de Genève, Suisse
Email : Oliver.Karam@hcuge.ch
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TRANSFUSIONS D’ÉRYTHROCYTES EN PÉDIATRIE : RISQUES, BÉNÉFICES ET INDICATIONS
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SURVEILLANCE DE LA BALANCE HYDRIQUE
EN RéANIMATION PéDIATRIQUE : LE CALCUL DU BILAN
ENTRéES-SORTIES EST-IL UN BON OUTIL ?
par
T. BONTANT, B. MATROT, H. ABDOUL, J. NAUDIN, S. DAUGER
INTRODUCTION
L'évaluation de la balance hydrique des nourrissons et des enfants admis en Unité de
Réanimation Pédiatrique (URP) fait partie de leur surveillance de base [1]. Il est admis que
les variations de poids, sur des périodes courtes, sont le reflet de la balance hydrique [2]. Les
équipes soignantes ont à leur disposition deux méthodes pour surveiller cette balance
hydrique : peser les patients ou calculer leur bilan entrées-sorties (BES). Ce bilan consiste à
comptabiliser, sur une période de temps donnée, tous les fluides administrés au patient et à
en déduire les « sorties » : pertes digestives hautes et basses, pertes urinaires, et pertes
insensibles, essentiellement représentées par les pertes d'eau cutanée et respiratoire qui sont
nettement augmentées par la fièvre. Cette dernière méthode est fréquemment utilisée chez
les patients « fragiles » dont les pesées, toujours délicates, demandent du temps, la
mobilisation de plusieurs soignants et peuvent parfois représenter un risque pour le malade.
D'autres paramètres cliniques, biologiques, radiologiques peuvent être intégrés dans la
surveillance régulière de la balance hydrique [2,3]. Les enjeux d’une estimation la plus juste
possible de cette balance hydrique sont cruciaux. En effet les conséquences d'une surcharge
hydrique peuvent être importantes. En cas d’insuffisance rénale aiguë par exemple, le niveau
de la surcharge hydrique avant la mise en place d’une épuration extra-rénale est un marqueur
de mortalité reconnu [4]. De plus, même chez les patients qui n'ont pas bénéficié d'épuration
extra-rénale, une balance hydrique positive, après la phase de stabilisation hémodynamique,
pourrait avoir un impact négatif sur leur devenir [5]. Enfin, la surcharge hydrique pourrait
favoriser la survenue d'une défaillance multi-viscérale [1]. En revanche, une étude publiée en
2005 par Randolph et al. a démontré que le BES comme marqueur de la surcharge hydrique
n'influençait pas la durée du sevrage de la ventilation mécanique des nourrissons et des enfants
hospitalisés en réanimation pédiatrique [6]. Les résultats de cette dernière étude et leur
interprétation ont fait l’objet d’une importante discussion qui a souligné le manque de
fiabilité du BES comme outil d'évaluation de la balance hydrique [7].
En fait, il est acquis de longue date que le BES n’est pas un outil précis pour surveiller la
balance hydrique des adultes hospitalisés [8,9,10,11]. Ceci a encore été très récemment
confirmé dans une étude prospective chez l'adulte en réanimation [12]. Cependant, malgré
ce manque de précision, le BES demeure le paramètre de référence dans de nombreuses études
traitant des conséquences potentielles d'une surcharge hydrique chez l'adulte [13]. En
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154
T. BONTANT, B. MATROT, H. ABDOUL, J. NAUDIN, S. DAUGER
pédiatrie, aucun travail ne s'est attaché à démontrer la fiabilité du calcul du BES en
Réanimation Pédiatrique. Certains auteurs remettent en question la pertinence du BES en
estimant qu'il n’y pas de raison « évidente » pour que ce qui a été démontré chez l'adulte ne
puisse pas s'appliquer chez l'enfant [7]. De plus, la méthode de calcul est souvent variable
d’une équipe à l’autre. Typiquement, la prise en compte des pertes insensibles dans les calculs
des BES [14] est rarement mentionnée dans la littérature [6,15,16]. Malgré toutes ces réserves,
le BES est très utilisé en réanimation pédiatrique [15].
Ainsi, le suivi de la balance hydrique en réanimation est primordial. Ce suivi nécessite
l’estimation des variations du poids corporel par des pesées ou des BES. Si les données de la
littérature adulte attestent que le BES n’est pas un outil suffisamment précis pour estimer la
balance hydrique, aucun travail prospectif n'a étudié la validité du calcul du BES au lit du
malade en URP [15].
OBJECTIFS
L’objectif principal de cette étude était de valider le calcul du BES chez des patients
hospitalisés en réanimation pédiatrique. Les objectifs secondaires étaient de comparer la
précision du calcul de BES avec ou sans la prise en compte des pertes insensibles liées à la
ventilation, de comparer le temps passé à réaliser une pesée et un calcul du BES, de préciser
l'appréciation qualitative globale de ces deux outils par le personnel soignant et d'évaluer
l'évolution de la validité du calcul du BES durant deux jours consécutifs.
MÉTHODES
Type d'étude
Étude prospective monocentrique dans le Service de Réanimation et Surveillance
Continue Pédiatriques de l'hôpital Robert Debré du 01 Juin au 16 Août 2011.
Comité d'éthique
Cette étude s'est inscrite dans le cadre des soins habituellement délivrés dans notre unité.
Les patients ont été inclus si et seulement si le médecin responsable des soins en charge des
malades lors de leur admission a jugé l'inclusion possible. Une demande écrite de protocole
de recherche non-interventionnelle sans prélèvements biologiques a été adressée pour avis
au Comité d’Évaluation de l'Éthique des projets de Recherche Biomédicale (CEERB) du
GHU Nord le jeudi 25 Août 2011 par le Dr Hendy Abdoul, Chef de Clinique, Unité
d'Épidémiologie Clinique Inserm CIE-5, URC Robert Debré (Pr Corinne Alberti).
Population étudiée
Tous les patients admis en URP parmi l'ensemble des patients admis dans le service
(Unités de Réanimation et de Surveillance Continue) pouvaient être inclus. Les patients jugés
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SURVEILLANCE DE LA BALANCE HYDRIQUE EN RÉANIMATION PÉDIATRIQUE :
LE CALCUL DU BILAN ENTRÉES-SORTIES EST-IL UN BON OUTIL ?
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par le médecin de soins ou de garde trop fragiles pour être pesés n'ont pas été inclus. Les
patients décédés ou sortis avant la fin du recueil ont été exclus, ainsi que ceux dont le recueil
était incomplet, comportait des erreurs ou des sorties non comptabilisées, ou enfin, pour qui
les infirmières ont signalé des difficultés techniques importantes lors des pesées et dont les
poids variaient de plus de 10 % en 24h.
Paramètres étudiés
Poids
Les patients ont été pesés à l'aide d'un matériel adapté à leur âge et à leur corpulence:
araignée, balance individuelle, pesons, chaise-balance. Tout le matériel utilisé a été contrôlé
et taré par le Service Biomédical de l'hôpital avant le début de l'étude.
Calcul du BES
Les BES ont été calculés sur des périodes de 12h selon deux méthodes. La première
méthode n'incluait pas les pertes insensibles. Ce premier calcul consistait à additionner tous
les fluides reçus par le patient pendant 12h (alimentation entérale et parentérale,
médicaments, rinçages de tubulure, entretiens des voies d'abord, remplissages vasculaires,
produits sanguins) puis à soustraire les sorties à ce total : diurèse, pertes digestives hautes et
basses, liquides de drains et de redons, prélèvements sanguins. Pour la seconde méthode, les
pertes insensibles ont été soustraites au calcul précédent. Ces pertes étaient calculées comme
suit : calcul dans un premier temps de la surface corporelle en m2 du patient puis
multiplication de ce chiffre par 0,4 (400 ml/m2/j) si le patient était ventilé (tuyaux du circuit
de ventilation raccordés à un réchauffeur- humidificateur actif allumé), ou 0,8 (800 ml/m2/j)
dans les autres cas. Nous avons délibérément choisi de ne pas tenir compte des pertes
insensibles liées à l'hyperthermie en raison des difficultés de calcul sur une période de 12h.
Pour obtenir les pertes insensibles sur 12h, la valeur obtenue était divisée par deux.
Critères qualitatifs
Temps nécessaire
Les pesées ont été chronométrées en minutes par l'un des soignants participant au geste.
La durée du calcul de chaque BES (selon la première formule) a été chronométrée par
l'infirmière effectuant ce calcul.
Facilité d'utilisation
Après chaque pesée et chaque BES, l'infirmière en charge du patient a pu évaluer sur une
échelle numérique de 0 (très facile) à 5 (très difficile) la facilité d'utilisation de chaque outil.
La question était : “A combien évaluez-vous, sur une échelle de 0 (très facile) à 5 (très difficile)
l'utilisation de l'outil BES chez ce patient, la pesée chez ce patient?”
Protocole d'étude
Pesée
La durée du recueil était de 48 heures, au cours desquelles les patients étaient pesés trois
fois: à h0, considéré comme le poids d'inclusion dans l'étude (mais pas systématiquement
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comme le poids à l'admission selon le délai entre les deux), à h24, exactement 24h après
l'inclusion, et à h48. Un malade était toujours pesé avec le même instrument de mesure durant
l'étude. Les pesées étaient chronométrées par l'infirmière ou par l'un des soignants participant
au geste. Après chaque pesée, l'infirmière devait évaluer, sur une échelle analogique graduée
de 0 à 5 (0 = facile ; 5 = difficile) la facilité ressentie de réalisation de ce geste.
Calcul du BES
Ces calculs ont été effectués par l'infirmière en charge du patient sur le roulement de 12h
considéré. Les BES ont été calculés sur des périodes de 12h selon les deux méthodes décrites.
Les formules étaient indiquées sur les feuilles de recueil.
Analyse statistique
Description de la population d'étude
Les variables quantitatives sont décrites sous forme de médianes (1° et 3°quartiles) et les
variables qualitatives sont décrites sous forme d’effectifs (pourcentages).
Étude de la corrélation
L’étude de la relation entre variation du poids et calcul du BES a été réalisée à l’aide d’un
modèle de régression linéaire : la variable à expliquer était la mesure du BES (en l) réalisée
avec la formule 1 ou 2, un modèle ayant été réalisé pour chaque formule. La somme des BES
pour chaque période de 24h (h0-h12 + h12-h24 et h24-h36 + h36-h48) a été calculée pour
obtenir une mesure de BES pour chaque 24h. La variable explicative est le delta de poids (en
kg) correspondant à la différence de poids entre deux mesures (deux deltas calculés : un entre
h0-h24 = poids2-poids1, et un entre h24-h48 = poids3-poids2).
Étude de la concordance
L’étude de la concordance du delta de poids (équivalence kg et l) et des mesures de BES
(par 24h) selon les deux formules a été réalisée par la méthode graphique de Bland et Altman
[17]. Le principe de cette méthode est d'apprécier l'écart observé entre les deux valeurs
obtenues pour la même mesure et d'en déduire, sur l'ensemble de la population étudiée, le
biais, la précision et les limites de l'intervalle de confiance à 95 %. L'interprétation d'un test
de Bland et Altman est en lien avec le contexte de recherche et dépend de ce que l'observateur
juge acceptable comme différence de mesure entre les deux méthodes testées. Dans ce cas
précis, compte-tenu de l'importance clinique de la balance hydrique en URP, l'écart souhaité
entre les deux mesures (poids et BES) était le plus petit possible. Toutefois nous avons défini
un niveau minimum souhaité de cet écart. En estimant que 10 kg (au vu du poids médian de
nos patients) était un poids représentatif, nous avons demandé à 5 médecins seniors et à 3
médecins juniors du service : « Jugez-vous, chez un enfant de 10 kg hospitalisé en réanimation
une variation de poids sur 24h de 0,3 kg comme significative ?» L’ensemble des 8 médecins
interrogés nous a répondu oui, chacun précisant qu’il ne prendrait pas en compte une
variation de poids de moins de 300 g chez un tel patient.
Étude des temps nécessaires et des évaluations qualitatives
La comparaison du temps nécessaire au calcul de BES et à la pesée, et leur appréciation
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LE CALCUL DU BILAN ENTRÉES-SORTIES EST-IL UN BON OUTIL ?
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ont été réalisées de deux façons. D'abord par description globale de ces mesures sur l’ensemble
des données puis par comparaison de ces mesures prenant en compte l’appariement (test des
rangs signés de Wilcoxon). Ensuite, une modélisation prenant en compte le niveau patient,
avec ajustement sur le moment de la mesure a permis la réalisation d’un modèle mixte linéaire
avec comme variable à expliquer la différence de temps de mesure ou la différence de score
d’évaluation et comme variable d’ajustement le moment de la mesure. Les études statistiques
ont été réalisées avec les logiciels StatView et SuperAnova for Mac (Abacus Corporation,
CA, USA), SAS version 9.2 et R. Tous les tests réalisés étaient bilatéraux avec p < 5 %.
RÉSULTATS
Caractéristiques de la population étudiée
Entre le 1er Juin 2011 et le 16 Août 2011, 151 patients ont été admis dans l'une ou
l'autre des unités fonctionnelles du service de Réanimation et Surveillance Continue
Pédiatriques de l'Hôpital Robert Debré. 92 sur les 151 (soit 61 %) ont été admis en URP.
Parmi ces 92 patients dont la prise en charge a nécessité au moins un acte marqueur de
réanimation, 76 (soit 83 %) ont été inclus dans l'étude. Seize patients (soit 21 %) ont dû
être exclus de l'analyse: deux sont décédés durant les 48 premières heures de leur séjour en
URP, trois sont sortis de l'URP avant la fin du recueil, six avaient des feuilles de recueil
incomplètes, deux recueils comportaient des erreurs dans le calcul du bilan entrées-sorties
(couches non pesées) et enfin trois patients avaient des variations de poids sur 24h
supérieures à 10 %, liées à une erreur d'utilisation des dispositifs de pesée, erreur signalée
d'emblée par l'infirmière en charge du patient, et spécifiée sur la feuille de recueil (Figure
1). Ainsi l'analyse a porté sur 60 patients parmi les 92 admis en URP durant la période
d'étude, soit 65 % des malades (17,5 % non inclus et 17,5 % exclus). Les caractéristiques des
patients étudiés sont résumées dans le tableau 1.
Validité du BES période h0-h24
Étude de la corrélation : période h0-h24
Le coefficient de corrélation entre la variation du poids mesuré et les BES cumulatifs sur
24h est r2 = 0,63 ; p < 0,0001 pour la première formule et r2 = 0,71 ; p < 0,0001 pour la
seconde formule. Le calcul du BES sur 24h est significativement associé à la variation de poids
sur 24h, avec un degré de signification p < 0,0001 pour les deux formules de calcul (figure 2).
Étude de la concordance : période h0-h24
La concordance entre la variation de poids mesurée et calculée par le BES selon la formule
1 durant la première journée, la moyenne des différences entre les deltas de poids et les BES
(biais) est de - 0,304l ± 0,450. La moyenne des valeurs absolues des différences, soit la
précision, est de 0,381l (figure 2).
La concordance entre la variation de poids mesurée et calculée par le BES selon la formule
2 durant la première journée, la moyenne des différences entre les deltas et les BES (biais) est
de -0,006l ± 0,447l. La moyenne des valeurs absolues des différences, soit la précision, est de
0,301l (figure 2).
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Qualité des outils
Les valeurs médianes ([Q1 ; Q3] – [min ; max]) des évaluations qualitatives de l'outil
BES et de la pesée, réalisées par les infirmières, sont respectivement de : 1[1 ; 2] - [0 ; 5] et
1([1 ; 2] - [0 ; 5]), sans différence significative entre les évaluations des deux techniques (p =
0,13). Les valeurs médianes des temps nécessaires en minutes ([Q1 ; Q3] [min ; max]) au
calcul des BES et à la pesée sont respectivement de: 5([5 ; 10] – [1 ; 30]) et 5([5 ; 10] – [1 ;
45]), sans différence significative entre les évaluations des deux techniques (p = 0,84).
évolution de la validité du BES sur deux jours consécutifs
La lecture du graphe de corrélation sur la deuxième période de mesures h24-h48, entre la
variation du poids mesuré et les BES cumulatifs, montre un niveau de corrélation très faible.
Le niveau de corrélation entre variation de poids et BES cumulatifs (Formule 1 et Formule
2) baisse de façon très important entre nos deux périodes d'étude : h0-h24 et h24-h48.
DISCUSSION
Nous rapportons ici les résultats de la première étude prospective monocentrique testant
la validité du calcul du BES dans une population représentative de réanimation pédiatrique.
Malgré l'absence de différence dans le temps nécessaire à la réalisation de ces deux types de
mesure et une appréciation globale de la faisabilité par les infirmières identiques, le calcul du
BES par période de 12 heures ne permet pas de remplacer de manière suffisamment fiable la
pesée quotidienne des nourrissons et des enfants hospitalisés en URP.
Une population représentative des nourrissons et des enfants hospitalisés en URP
Dans notre étude 17,5 % des patients n'ont pas été inclus après avis du médecin de soins
en charge des patients à l’admission. De plus, 17,5 % des patients ont dû être exclus de
l'analyse. Les poids médians et les scores de gravité des patients non inclus, exclus et enfin
analysés diminuent progressivement entre les trois groupes. Les enfants non-inclus sont d'une
manière générale plus vieux, plus lourds et potentiellement plus sévères que ceux qui ont été
exclus, qui eux-mêmes le sont plus que les patients étudiés jusqu’à la fin du protocole. Comme
nous voulions inscrire cette étude dans la pratique courante de soins, nous avons informé
individuellement tous les médecins de gardes de l’URP et toutes les équipes infirmières sur
la possibilité de refuser l’inclusion dans l’étude selon l’anticipation des difficultés potentielles
lors de la pesée ou si la charge en soins était très élevée à l’admission. Dans ce contexte,
seulement moins d’un cinquième des patients n’ont pas été inclus. Il n’existe pas à notre
connaissance de description de cette population de patients non-inclus dans la littérature
adulte et pédiatrique s’intéressant à valider le BES. Ainsi, il apparaît pour la première fois
qu’il semble possible, en motivant les équipes médicales et paramédicales, de limiter au
maximum le nombre de malades que l’on décide d’emblée de ne pas peser. Des publications
récentes ont d’ailleurs démontré que des malades d’URP parmi les plus sévères peuvent être
pesés. Dans certaines unités même les malades sous circulation extra-corporelle sont pesés
une fois par jour [18]. Après inclusion, c'est de nouveau un sixième des patients qui a dû être
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exclu. Parmi ces 16 malades exclus seuls 11, soit moins de 15 %, l'ont été pour des raisons
techniques alors que les cinq autres sont sortis ou sont décédés avant 48 heures. Ce taux est
inférieur à ceux rapportés dans les rares données de la littérature. Perren et al. [12] ont exclu
238 patients parmi les 385 inclus, environ 60 %, car l'un des deux poids nécessaires à l'étude
manquait. Finalement, la population étudiée de 60 malades, est représentative des nourrissons
et des enfants hospitalisés en URP en terme de poids, d'âge, de défaillances d'organes. Cette
URP n'accueille pas les nouveau-nés en postopératoire de chirurgie cardiaque, les nourrissons
et les enfants en défaillance hépatique ou en postopératoire de transplantation hépatique ni
les patients polytraumatisés. Les scores de gravité rapportés dans cette série à l’admission sont
très proches de ceux rapportés récemment dans la littérature dans d’autres URP ayant le
même recrutement [19].
Le calcul du BES n'est pas une appréciation fiable des variations de poids en URP
Dans cette population représentative d’URP, les variations de la balance hydrique évaluées
par le calcul du BES avec ou sans les pertes insensibles liées à la ventilation ne sont pas un
témoin suffisamment fiable des variations quotidiennes de poids. Dans ce travail, nous avons
distingué corrélation et concordance. La corrélation par régression linéaire démontre un
degré de liaison statistiquement significatif entre la variation de poids mesurée par la pesée
et celle calculée par le BES. Mais l'existence d'une liaison est le minimum que l'on puisse
attendre entre deux mesures de la même grandeur [20]. L'évaluation de la concordance par
la technique de Bland et Altman [17] apprécie l'écart observé entre deux séries de valeurs
obtenues pour la même mesure et en déduit le biais, la précision et les limites de l'intervalle
de confiance à 95 %. L'interprétation de ce test est celle de l'utilisateur qui décide du niveau
de concordance acceptable. Le niveau de concordance de 0,3 l que nous avons choisi, pourtant
moins strict que celui utilisé par Pflaum et al. chez l’adulte de 0,250 l [9] n’a pas permis de
juger le calcul de BES selon la formule 1 n’incluant pas les pertes insensibles induites par la
ventilation comme suffisamment fiable pour se substituer à la pesée. Ce résultat confirme les
données des publications étudiant de façon prospective, chez l'adulte, la validité du BES sans
les pertes insensibles. Si les pertes insensibles font théoriquement parties du BES, elles n'ont
pas été prises en compte dans les études pédiatriques publiées récemment [5,6,16,18]. La
formule que nous utilisons dans cette étude est celle citée dans un ouvrage français de
référence en réanimation pédiatrique [14], sans l’intégration des pertes insensibles liées à la
fièvre. Nous pouvons ainsi affirmer que la prise en compte des pertes insensibles tant chez
l'adulte que chez l’enfant comme nous le rapportons ici n’améliore pas de manière suffisante
le calcul de BES. Enfin, nous rapportons également une diminution du niveau de corrélation
entre les variations de BES et de poids sur deux périodes consécutives de 24h chez les mêmes
malades.
La pesée est rapide et considérée comme facile par les infirmières de réanimation
Notre étude n'a pas mis en évidence de différence entre le temps nécessaire à la pesée et
celui demandé par le calcul du BES (tous deux mesurés par les équipes infirmières) pour la
très grande majorité des patients inclus. Si le temps demandé par une pesée et ses difficultés
techniques potentielles sont parfois cités pour justifier l'utilisation du BES [15], pour certains
auteurs, c'est le recueil du BES, même sans les pertes insensibles, qui demande plus de temps
que la pesée [8]. En effet celui-ci doit intégrer le temps passé au calcul du BES en fin de poste
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mais aussi le temps passé auprès du malade dans la surveillance des entrées et des sorties.
Toutefois, la durée pour réaliser le calcul du BES était très courte (cinq minutes) et sa
faisabilité ressentie très bonne : un sur une échelle de zéro (très facile) à cinq (très difficile).
Notre étude est à notre connaissance la première à mesurer le temps nécessaire à la pesée en
URP. Comme pour le calcul du BES, la durée du geste était très courte (cinq minutes) et sa
faisabilité ressentie très bonne (valeur de un sur la même échelle analogique que celle citée
précédemment). Nous n’avons pas relevé dans ce travail le nombre de personnels mobilisés
pour peser les patients les plus lourds ou les plus fragiles.
Ainsi, notre étude démontre que le temps de la procédure et la facilité de réalisation
ressentie ne permettent pas de privilégier le calcul du BES à la pesée pour évaluer la balance
hydrique quotidienne au sein d’une URP. De plus, dans une unité où la majorité des malades
ont moins de deux ans, les infirmières jugent la pesée facile et rapide dans la très grande
majorité des cas.
LIMITES DE L’ETUDE
Il convient de préciser à nouveau que nous n'avons pas organisé de formation spécifique
des infirmières. Sans cette harmonisation des pratiques, leur technique de pesée et leur gestion
des facteurs de confusion sont donc différentes. Nous avons également considéré que le recueil
des entrées et des sorties était, par définition, « juste ». Nous n'avons pas recalculé ces données
de façon rétrospective, souhaitant évaluer l'outil BES tel qu'il est utilisé en pratique courante.
Cependant, dans des études adultes où les BES ont été contrôlés, les erreurs de calcul étaient
nombreuses et leur correction ne rendait pas le BES plus fiable [12]. Certains patients n'ont
pas été inclus, jugés trop fragiles pour être pesés. Nous avons souhaité rester dans une étude
de pratiques courantes, laissant la responsabilité au médecin de soins de gérer les inclusions.
CONCLUSION
La surcharge hydrique et ses conséquences chez les enfants admis en URP ont fait l'objet
de publications récentes. Si la littérature semble, en pédiatrie comme chez adulte, pointer les
limites du BES, cet outil est toujours très utilisé. Notre étude démontre que le BES, que ce
soit avec ou sans le calcul des pertes insensibles, n'est pas suffisamment fiable pour remplacer
la pesée comme outil de surveillance de la balance hydrique, chez une population
représentative d'URP. En outre, il n'y a pas de différence statistiquement significative entre
le temps nécessaire pour peser les malades et pour calculer leur BES, et ces deux outils sont
jugés par les infirmières comme équivalents sur le plan de leur facilité d'utilisation. Ces
résultats nous confortent dans l’idée que même si de rares patients seront toujours trop
fragiles pour être pesés, seule la pesée quotidienne voire bi-quotidienne permet d’évaluer de
manière suffisamment précise les variations de la balance hydrique observées en réanimation
pédiatrique. Pour ceux pour lesquels le BES reste le seul moyen disponible, il faut très
vraisemblablement utiliser la formule incluant les pertes insensibles. Des études similaires
dans d’autres populations d’enfants, hospitalisés par exemple en USC et en hématologie,
sont nécessaires afin de confirmer que cette recommandation peut être étendue à d’autres
services que les URP.
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AUTEURS :
T. BONTANT, B. MATROT, H. ABDOUL, J. NAUDIN, S. DAUGER
AUTEUR CORRESPONDANT :
Thomas BONTANT - Service d'Hématologie et d'Immunologie pédiatrique - Hôpital Robert Debré - 48 boulevard Sérurier 75019 Paris
Email : thomas.bontant@rdb.aphp.fr
Figure 1. Flow chart
Figure 2. Régressions linéaires et graphes de Bland et Altman pour la période h0-h24 selon
les deux formules.
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Tableau 1 : Caractéristiques des patients analysés
Variables
Description
Age (jours)
Médiane (Q1 ; Q3)
Min ; max
DM1
0
304 (39 ; 1565)
1 ;6286
0
Sex N.(%)
Masculin
Féminin
39 (65%)
21 (45%)
0
Poids (Kg) HO
Médiane (Q1 ;Q3)
Min ; max
9,17 (4,37 ; 17,8)
1,8 ; 68,6
1
Score de gravité à l’admission
PRISM III²
Médiane (Q1 ; Q3)
Min ; max
8 (4 ; 11)
0 ; 31
Médiane (Q1 ; Q3)
Min ; max
2,6 (0,1 ; 68)
11 (0,8 ; 4,65)
Médiane (Q1 ; Q3)
Min ; max
11 (0 ; 50)
1 ; 12
Respiratoire
Hémodynamique
Métabolique
Neurologique
Poste-opératoire
34 (56,6%)
10 (16,6%)
2 (3,3%)
8 (13,3%)
6 (10%)
Chirurgie:Bloc opératoire
Obstétrique-Néonatologie
PG5-Pédiatrie Spécialisée
Urgences Pédiatriques
Extérieur
17 (28,3%)
4 (6,6%)
18 (30%)
14 (23,3%)
7 (11,6%)
VI6
VNI7
VI et VNI
Pas de support ventilatoire
28 (46,6%)
18 (30%)
12 (20%)
2 (3,3%)
19 (31,6%)
3 (1,8%)
1 (0,6%)
PIM²
PELOD4
Principale défaillance N.(%)
0
Origine des patients N.(%)
0
Mode de Ventilation N.(%)
0
Amines Vasoactives
Epuration Extra-Rénale
échange Tranfusionnel
1
DM=Données Manquantes
PRISMIII= Pediatric Risk of Mortality III
3
PIM 2=Pediatric Index of Mortality II
4
PELOD=Pediatric Logistic Organ Dysfunction
5
PG=Pédiatrie Générale
6
VI=Ventilation Invasive
7
VNI=Ventilation Non Invasive
2
0
0
0
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LE CALCUL DU BILAN ENTRÉES-SORTIES EST-IL UN BON OUTIL ?
163
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COMMENT PRéVENIR L’ANAPHYLAXIE
POTENTIELLEMENT MORTELLE DES MULTI-ALLERGIQUES ?
par
J. JUST, R. GOUVIS, F. AMAT, B. MICHAUD
INTRODUCTION
Les maladies allergiques sont un problème de santé publique dans les pays industrialisés
du fait du nombre croissant d’allergiques lié au mode de vie occidental. L’augmentation de
fréquence des pathologies allergiques est pour une part expliquée par l’hypothèse « hygiéniste
». Cette hypothèse est basée sur le constant dans les 30 dernières années d’une relation inverse
de prévalence des maladies infectieuses d’une part, et des maladies allergiques et autoimmunes d’autre part. L’explication immunologique est venue par les études en milieu fermier
[ ]. Le fait d’être exposé dans le plus jeune âge à des endotoxines dans l’air inhalé (issues de
la paroi bactérienne des animaux fermiers, mais aussi domestiques ou encore présentes dans
l’air des crèches collectives) pourrait « protéger » de la survenue d’allergie. Ces endotoxines
pourraient stimuler l’immunité innée et prévenir l’expression d’une immunité adaptative qui
facilite une inflammation de type IgE. Dans le mode de vie occidental, l’accroissement des
polluants (extérieurs mais aussi intérieurs), une alimentation favorisant l’inflammation
(augmentation des acides gras poly-insaturés ou encore un déficit des défenses anti-oxydantes
en rapport avec un régime pauvre en vitamine D, E, C) va encore accroître le risque allergique.
La rupture de la tolérance immunitaire vis-à-vis d’antigènes « bénins » de notre
environnement (qui caractérise l’allergie) est également facilitée par un terrain génétique
notamment des polymorphismes particuliers (1) des gènes constituant les barrières
épithéliales de protection contre le monde extérieur (peau, bronches, tube digestif ) ; (2) des
gènes dont les produits sont en rapport avec la défense immunitaire innée vis-à-vis des
bactéries de l’environnement (3) ou encore des gènes en rapport avec la défense immunitaire
adaptative de type IgE allergique.
La multiplicité des organes touchés par l’allergie péjore encore le pronostic de chacune
des maladies allergiques. Dans cet article nous verrons comment : (1) la marche atopique
(passage de la dermatite et de l’allergie alimentaire à l’allergie respiratoire) est liée à un exemple
de phénotype sévère allergique ; (2) repérer quelles allergies sont responsables de crises
d’asthmes aiguës graves mortelles ; (3) comment l’association concomitante de dermatite
atopique ou d’allergie alimentaire et d’asthme expose à des accidents potentiellement mortels
(crises d’asthme aiguës graves mais surtout anaphylaxies alimentaires) ; (4) puis nous aborderons la prise en charge de l’anaphylaxie sur le plan du diagnostic et de la prévention.
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LA MARCHE ATOPIQUE (PASSAGE DE LA DERMATITE ATOPIQUE ET
DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE à L’ALLERGIE RESPIRATOIRE)
EST UN EXEMPLE DE PHÉNOTYPE SÉVÈRE ALLERGIQUE
L'allergie précoce prédispose à un phénotype d’asthme persistant sévère au cours de
l’enfance. Simpson et al. [ ] montrent que les sensibilisations allergéniques précoces et
multiples chez le nourrisson prédisposent à l’apparition d’un asthme sévère au cours de
l’enfance défini par (1) un asthme persistant à l’âge de 8 ans, (2) des antécédents
d’hospitalisations pour crise, (3) et une mauvaise fonction respiratoire. Récemment, nous
avons montré comment un terrain atopique marqué dans la petite enfance (association de
dermatite atopique, poly-sensibilisation allergénique et asthme parental) prédispose à la
persistance de l’asthme durant toute l’enfance [ ]. De la même façon, dans une cohorte
allemande d’enfants issus de la population générale, Illi S et al. [ ] montrent que ce sont les
dermatites atopiques sévères et associées à une sensibilisation allergénique qui sont à risque
de passage à l’asthme notamment chez les enfants de sexe masculin. Enfin, chez une cohorte
d’enfants, à risque de développer une allergie alimentaire, suivis de façon prospective, les
enfants présentant des allergies alimentaires sévères et multiples sont plus à risque de
développer un asthme.
QUELLES ALLERGIES SONT RESPONSABLES DE CRISES D’ASTHME
AIGUËS GRAVES MORTELLES
Les études montrent que l’asthme à risque d’exacerbations aiguës graves ou d’asthme
difficile à contrôler s’associe plutôt à l’asthme d’origine allergique chez l’enfant. Ces patients
ont une grande fluctuation de leur fonction respiratoire (qui est le plus souvent normale entre
les crises) responsable de crises potentiellement mortelles. Ce phénotype d’asthme sévère est
associé de façon significative à un polymorphisme de l’IL-4 (cytokine impliquée dans la
réponse IgE) [ ]. Les rapports entre l’allergie et les exacerbations aiguës graves seraient liés à
l’exposition directe à un allergène auquel le patient est sensibilisé. Cela est particulièrement
décrit avec certains allergènes de l’air extérieur comme les moisissures (associées ou non à des
pollens) ou encore en cas de sensibilisations allergéniques multiples.
La relation entre multisensibilisation allergénique et la sévérité de l’asthme a été observée
dans l’étude de Caroll et al. [ ] dans une cohorte de 400 enfants de 7 à 18 ans, un score élevé
de tests cutanés positifs aux aéro-allergènes est associé à un risque augmenté
d’hospitalisations, d’utilisation de corticoïdes et d’altération de la fonction respiratoire. Plus
récemment, Simpson A. et al. [3] ont montré une association très significative entre le risque
d’hospitalisation pour crises aiguës graves après l’âge de trois ans et une multisensibilisation
allergénique précoce (OR 9,2 [4,6–24], 114 p < 0,001).
L’ASSOCIATION CONCOMITANTE DE DERMATITE ATOPIQUE
OU D’ALLERGIE ALIMENTAIRE ET D’ASTHME EXPOSE à DES ACCIDENTS
POTENTIELLEMENT MORTELS (CRISES D’ASTHME AIGUËS GRAVES [ , ]
MAIS SURTOUT A UNE ANAPHYLAXIE D’ORIGINE ALIMENTAIRE)
Les patients atteints de dermatite atopique, avec une sensibilisation aux trophallergènes
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et un polymorphisme particulier de la filaggrine (gène de la barrière épithéliale) sont
caractérisés par une fonction respiratoire plus altérée à la puberté. Ce phénotype représente
8,1 % des enfants asthmatiques et 19,1 % des enfants asthmatiques atteints de dermatite
atopique durant la petite enfance [ ].
L’analyse des décès par allergie alimentaire montre que tous les enfants sont asthmatiques,
avec un asthme le plus souvent mal contrôlé. Bock et al. [ ], en comparant deux statistiques
de décès par allergie alimentaire (2001 et 2006), montrent que l’asthme est un facteur de
risque d’allergie alimentaire sévère, prélétale ou létale. L’association d’un asthme majore le
risque de réaction grave par allergie alimentaire d’un facteur 10 pour le lait de vache à 14,4
pour tous les aliments confondus.
L’asthme prolonge l’histoire naturelle de l’allergie alimentaire en retardant l’âge
d’acquisition de la guérison. Skripak et al. [ ] ont observé une guérison plus tardive de l’allergie
aux protéines du lait de vache chez les enfants qui présentaient un asthme ou une rhinite
allergique associée, ou encore chez ceux qui avaient des taux élevés d’IgE spécifiques dirigées
contre le lait de vache. Le constat est similaire pour d’autres aliments comme l’œuf et
l’arachide. De plus, l’existence d’une allergie alimentaire aggrave la sévérité de l’asthme et
augmente le risque d’asthme aigu grave avec hospitalisation en réanimation. Roberts et al. [
], comparant 19 enfants ventilés pour asthme aigu grave et 38 témoins, ont montré que les 2
facteurs de risque indépendants d’asthme aigu grave étaient la gravité de l’asthme (OR 5,89
[1,06 – 32,61]) et l’allergie alimentaire (OR 9,85 [1,04 – 93,27]). L’asthme aigu grave avec
passage en réanimation est fréquent en cas d’allergie alimentaire associée. Cherchant à
identifier les facteurs d’exacerbation de l’asthme chez 72 enfants, Voegel et al. [ ] ont observé
que l’allergie alimentaire était 7,4 fois plus fréquente dans le groupe d’enfants qui avaient
présenté un asthme aigu grave ayant nécessité le recours aux services d’urgence en
comparaison avec les enfants traités en ambulatoire.
In fine, les poly-allergiques sont des phénotypes d’allergie sévère et sont à risque
d’accidents aigus graves. Récemment nous avons décrit [ ], chez des enfants âgés de 6 à 12
ans, en comparaison à un phénotype d’asthme léger peu inflammatoire, un phénotype
d’asthme sévère multi-allergique et « exacerbateur » (à risque de crises aiguës graves) avec
des sensibilisations allergéniques multiples à des allergènes inhalés, mais aussi alimentaires et
une inflammation de type éosinophilique (Figure n°1).
Figure n°1 : Trois phénotypes d’asthme de l’enfant âgé de 6 à 12 ans [17]
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De la même façon chez les jeunes enfants, nous avons identifié [ ], chez 551 jeunes enfants
présentant un asthme actif, un phénotype d’asthme sévère caractérisé par des nourrissons
avec des siffleurs récurrents de causes multiples et de nombreuses caractéristiques d’atopie
(dermatite atopique dans 75 % des cas, Phadiatop nourrisson® positif dans 90 % des cas)
(Cluster 3), à côté d’un groupe de siffleurs récurrents uniquement viro-induits ayant un
asthme léger contrôlé sous faibles doses de corticoïdes inhalés (Cluster 1) et d’un groupe de
siffleurs récurrents sévères « non-atopiques » avec une maladie souvent non contrôlée malgré
de fortes doses de corticoïdes inhalées (Cluster 2) (Figure n°2).
MTW (Multiple trigger wheeze ou les siffleurs récurrents de causes multiples), Severity
(sévérité suivant le GINA).
Figure n°2 : 3 phénotypes d’asthme du nourrisson en fonction de la sévérité, de l’atopie
et des facteurs déclenchants [18]
PRISE EN CHARGE DE L’ANAPHYLAXIE A RISQUE MORTEL
Diagnostic de l’anaphylaxie aux urgences
Le diagnostic clinique de l'anaphylaxie est basé principalement sur une histoire avec des
symptômes caractéristiques dans les minutes ou les quelques heures après l'exposition à un
allergène. Les critères cliniques pour le diagnostic d'anaphylaxie sont des symptômes touchant
au moins 2 organes du corps et a fortiori un choc hypo-volémique (Table n° 1). La tryptase
sérique s’élève 15 minutes à 3 heures après l’accident anaphylactique et son niveau est à
comparer au niveau basal, l'histamine plasmatique (qui est moins spécifique) s’élève entre 15
minutes et 1 heure après l’accident anaphylactique. Cependant des taux dans les limites
normales n'excluent pas le diagnostic clinique d’anaphylaxie.
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Tableau n° 1 d’après référence [16]
Définition de l’anaphylaxie
Début rapide dans les minutes ou dans les heures suivant l’ingestion de l’aliment allergisant avec au moins 2 des
atteintes suivantes
1. Atteinte de la peau des muqueuses (urticaire généralisée, œdème des lèvres de la langue ou de la luette)
2. Atteinte respiratoire (dyspnée, bronchospasme, stridor, réduction du peak flow, hypoxémie)
3. Symptômes gastro-intestinaux (crampes, douleurs abdominales, vomissements)
OU des Signes de choc hypovolémique
Réduction de la pression artérielle ou symptômes témoignant du dysfonctionnement d’organe (hypotonie, syncope,
incontinence) (-30 % de la valeur systolique de la pression artérielle)
La prise en charge de l’anaphylaxie aux urgences fait appel à l’oxygénothérapie, au
remplissage vasculaire, mais surtout à l’adrénaline intramusculaire (éventuellement répétée
dans les 5 à 15 minutes) 0,01 mg/kg avec un maximum de 0,5 mg (chez l’adulte) et 0,3 mg
(chez l’enfant).
Après les urgences
Les patients doivent être hospitalisés pour une surveillance d’au moins 24 heures du fait
du risque de réapparition de l’anaphylaxie. Ils doivent également être informés qu'ils courent
un risque accru de voir survenir à nouveau l'anaphylaxie. Ils ont donc besoin (1) d'un suivi
par un spécialiste en allergologie ; (2) ils doivent sortir avec une prescription d'un ou plusieurs
stylos auto-injecteurs d’épinéphrine et doivent être éduqués sur les signes devant conduire à
l’injection de ce stylo ainsi que sur le maniement de ce stylo avec un plan écrit et personnalisé
de ces mesures d'urgence [ ] ; (3) enfin une carte d’identification médicale doit leur être remise
indiquant leur diagnostic d'anaphylaxie et les traitements recommandés en cas d’accident.
A distance de l’accident, il faut rechercher l’allergène responsable de l’anaphylaxie
L'allergène déclencheur doit être identifié par l'obtention d'un historique détaillé de
l’épisode aigu. Des cofacteurs qui pourraient révéler l’épisode sévère de type anaphylactique
sont à rechercher comme (1) l'exercice ; (2) les infections intercurrentes aiguës, la fièvre ; (3)
le stress émotionnel ; (4) l'état prémenstruel.
L’allergène, suggéré par l'histoire clinique, doit être confirmé par des tests cutanés à l'aide
d'allergènes et/ou la mesure d'IgE spécifiques sériques. Le moment optimal pour réaliser les
tests cutanés allergologiques est généralement entre 3 à 4 semaines après un épisode
d’anaphylaxie, les patients ayant des tests négatifs devraient donc être testés dans les semaines
ou les mois suivant cet épisode. Les tests allergologiques in vitro (comme les marqueurs
d’activation du basophile en présence de l’allergène, ou les IgE spécifiques vis-à-vis des
recombinants des allergènes) pourraient, dans l'avenir, être plus pertinents pour prédire le
risque clinique d’anaphylaxie. Les tests de provocation allergénique menés par professionnels
de santé formés et expérimentés sont parfois nécessaires pour déterminer le risque de
récurrence de l’anaphylaxie [ ] notamment si (1) l’histoire d’anaphylaxie alimentaire est
supposée induite par un aliment caché ou responsable de réaction croisée ; (2) ou encore en
cas d’anaphylaxie alimentaire induite par l’exercice.
En cas d’asthme associé, le contrôle de l’asthme doit être assuré après un bilan étiologique
et fonctionnel déterminant la sévérité et les facteurs déclenchants de l’asthme.
Eviction de l’aliment allergisant basée sur l’éducation
Les patients ayant une anaphylaxie alimentaire doivent avoir une éviction stricte de
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l’aliment déclenchant. Cela peut être difficile car l’aliment peut être caché, ou contaminer
une chaîne de fabrication ou encore faire partie d’une famille d’allergène à risque de réactions
croisées avec d’autres aliments de la même famille. De plus, l'absence d'étiquetage ou de la
confusion des étiquettes sur les aliments emballés, ou encore le changement de composition
d’aliments industriels antérieurement tolérés peuvent également être problématiques. Les
listes écrites des noms alternatifs pour les aliments allergisants doivent être également
enseignées. Par exemple, « la caséine » pour le lait, de même les sources probables de cet
allergène (comme par exemple, des biscuits ou des barres de céréales). Les risques de réactions
croisées comme par exemple, l’arachide et les fruits à coque ou encore les légumineuses
doivent être évalués et peuvent parfois conduire à des évictions plus larges. Chez les multiallergiques, l'éviction stricte de nombreux aliments conduit potentiellement à des carences
nutritionnelles qui doivent être évitées par une consultation avec une diététicienne [ ].
Désensibilisation
De futures options pour prévenir les accidents anaphylactiques mortels liés à l’ingestion
de traces d’aliments cachés sont à considérer chez des patients soigneusement sélectionnés,
notamment pour les aliments ubiquitaires comme le lait, l'œuf. C’est ainsi qu’une
désensibilisation ou éventuellement le développement d’une tolérance immunitaire par
l’ingestion orale et/ou sublinguale de l’aliment allergisant peut être indiqué. Toutefois, les
effets indésirables sont fréquents, en particulier durant la montée initiale des doses mais aussi
pendant la phase d’entretien [ ]. Ces traitements doivent être menés selon un protocole établi,
par des professionnels de santé formés et expérimentés à ces procédures et à la gestion de
l'anaphylaxie. De nouvelles approches d’immunomodulation non spécifiques comme les
injections sous-cutanées d’anticorps anti-IgE seules ou associées à une désensibilisation ou à
base de plantes chinoises sont en cours d’exploration.
Anaphylaxie idiopathique
Il n'y a pas d'essais randomisés contrôlés de prophylaxie pharmacologique d’épisodes
anaphylactiques idiopathiques, cependant, les patients présentant des épisodes fréquents
(c'est-à-dire plus de 6 en 1 an ou plus de 2 en 2 mois) pourraient bénéficier d'un traitement
prophylactique avec un glucocorticoïde systémique et un antihistamine ou des injections
prophylactiques d’anticorps anti-IgE pour réduire le nombre des épisodes d'anaphylaxie
idiopathique. Dans ce contexte, il convient d’éliminer au préalable une mastocytose,
notamment si la tryptase sérique basale est élevée > 11,4 ng/ml et /ou en cas d’organomégalie,
ou encore en cas d’anomalie de la formule sanguine.
AUTEURS :
J. Just1, R Gouvis1, F Amat1, B Michaud1.
1
Centre de l’Asthme et des Allergies, Hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
Tiré à part Pr J JUST - Groupe hospitalier Trousseau – EST, Université Pierre et Marie Curie Paris-06,
26, avenue du Dr-Arnold-Netter, 75012 Paris, France
E-mail : jocelyne.just@trs.aphp.fr ; rahele.gouvis@trs.aphp.fr ; flore.amat@trs.aphp.fr ;
benedicte.michaud@inserm.fr
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PRéVALENCE, MOMENT DU DIAGNOSTIC ET MORTALITE
INFANTILE DES ENFANTS ATTEINTS DE CARDIOPATHIES
CONGéNITALES : L’éTUDE DE COHORTE EN POPULATION
EPICARD (EPIDEMIOLOGIE DES ENFANTS OU FŒTUS
PORTEURS DE CARDIOPATHIES CONGéNITALES)
par
B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET, F. GOFFINET,
ON BEHALF OF THE EPICARD STUDY GROUP
CONTEXTE
Les cardiopathies congénitales (CC) sont les plus fréquentes des malformations [1-4].
Malgré les progrès de la prise en charge médicale et chirurgicale [5-7], la mortalité et la
morbidité des formes sévères de CC restent élevées, et les CC représentent la première cause
de mortalité infantile par malformations [1,8-11].
Les publications sur les diverses questions cliniques des CC sont nombreuses. Toutefois,
la majorité de ces études portent sur des séries hospitalières, et les études en population sont
peu fréquentes [1,5,7,12]. La rareté des données en population limitent la généralisation des
résultats disponibles sur la mortalité, la morbidité et le devenir des enfants porteurs de CC.
Notre objectif était d’estimer la prévalence (totale et parmi les naissances vivantes), le
moment du diagnostic (prénatal et postnatal), la mortalité infantile des enfants porteurs de
CC à partir de données en population i) pour l’ensemble des CC, ii) pour les CC sans
anomalie associée iii) pour les différentes catégories de CC selon la classification ACC-CHD,
Anatomic and Clinical Classification of Congenital Heart Defects [13].
DONNÉES
EPICARD (EPIdémiologie des CARDiopathies congénitales) est une étude de cohorte
prospective en population avec une durée de suivi actuellement prévue jusqu’à 8 ans. Elle a
débuté en mai 2005 pour évaluer le devenir des enfants atteints de cardiopathies congénitales.
Les objectifs de l’étude sont : 1/ de disposer de données en population sur la prévalence, le
diagnostic prénatal, la prise en charge périnatale et le diagnostic en période post-natale ; 2/
d’évaluer la mortalité infantile, la morbidité cardiaque et générale et le devenir neurodéveloppemental des enfants à long-terme ; 3/ d’identifier les facteurs liés au pronostic
comme le diagnostic prénatal et la prise en charge périnatale. La méthodologie de l'étude est
celle d'une enquête de cohorte en population, portant sur tous les cas (nés-vivants, mort-nés,
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B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET, F. GOFFINET,
ON BEHALF OF THE EPICARD STUDY GROUP
interruptions médicales de grossesse) de cardiopathies congénitales dans la population des
mères résidant à Paris ou dans la Petite Couronne (départements 92-93-94) et nés entre le
1er mai 2005 et le 30 avril 2008, quel que soit le lieu d’accouchement, soit une population
de 317 538 naissances. Le diagnostic est fait en milieu spécialisé (cardiopédiatrie), avec un
codage précis et détaillé des cardiopathies, l’International Paediatric and Congenital Cardiac
Code (IPCCC). Les données concernant les traitements, interventions chirurgicales et
hospitalisations sont recueillies régulièrement. Les enfants sont revus systématiquement par
un médecin à un an de vie. Un sous-échantillon de ces enfants (cas avec une malformation
majeure, plus un échantillon aléatoire des communications interventriculaires mineures) est
revu à l’âge de trois ans et demi par un pédiatre et un psychologue en vue d’un bilan médical
et d’une évaluation approfondie du devenir neuro-développemental des enfants avec un test
standardisé, le Kaufman Assessment Battery for Children (K-ABC).
Les sources de données multiples, comprenant les services de gynécologie obstétrique,
les services de réanimation polyvalente et de néonatalogie, les SMUR pédiatriques, les services
de fœtopathologie, et les centres d'échocardiographie fœtale, et la DFPE (certificats du 8ème
jour ou 9ème mois) ont permis d’optimiser l’exhaustivité du recueil des cas. Nous avons reçu
l’autorisation de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) pour
cette étude.
Les derniers cas inclus en avril 2008 ont pu être diagnostiqués jusqu’en avril 2009. Le
suivi à 8 ans des enfants de la cohorte EPICARD est en cours, et comprend des informations
sur la santé de l’enfant et son devenir neuro-développemental.
MÉTHODES
Codage et classification des cardiopathies congénitales
Les informations détaillées sur le codage et la classification des CC des enfants de la
cohorte EPICARD ont été publiées [13]. En résumé, deux cardiopédiatres du comité de
pilotage (LH, DB) ont attribué de façon consensuelle, pour chaque cas, un ou plusieurs codes
IPCCC, à partir de la liste longue des codes IPCCC (codes sur 6 caractères). Dans la majorité
des cas (80 %), un code unique à chaque cardiopathie a été attribué. Pour les enfants porteurs
de plusieurs malformations cardiaques, seul le premier code (considéré comme diagnostic
principal) a été retenu. La nouvelle classification ACC-CHD regroupe toutes les
cardiopathies en 10 catégories (en suivant le sens de la circulation sanguine) et 23 souscatégories. Cette classification suit une approche anatomique, échographique, mais aussi
clinique et chirurgicale. Elle a été élaborée à partir des codes IPCCC, mais elle peut être
adaptée à la classification internationale des maladies (CIM10).
Analyse des données
Les variables d’intérêt incluent la prévalence (totale et parmi les naissances vivantes), le
diagnostic prénatal, et le moment du diagnostic postnatal, les interruptions médicales de
grossesse (IMG), la mortalité infantile comprenant la mortalité néonatale (< 28 jours) et la
mortalité post-néonatale (28 jours jusqu’à un an de vie). Ces analyses ont été réalisées i) pour
l’ensemble des CC ; ii) les CC sans anomalie chromosomique associée ; iii) les CC sans
anomalie chromosomique ni malformation ou syndrome associé, c'est-à-dire les CC isolées,
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PRÉVALENCE, MOMENT DU DIAGNOSTIC ET MORTALITE INFANTILE DES ENFANTS ATTEINTS
DE CARDIOPATHIES CONGÉNITALES : L’ÉTUDE DE COHORTE EN POPULATION EPICARD
177
incluant une ou plusieurs anomalies cardiaques ; iv) les CC sans anomalie chromosomique
ni malformation ou syndrome associé, et à l’exclusion des enfants porteurs d’une CIV isolée ;
v) les 10 catégories de CC selon la classification ACC-CHD.
La prévalence globale des différentes sous populations de CC a été calculée avec des
intervalles de confiance exacts de la loi de Poisson à 95 %, les proportions à partir d’intervalles
de confiance binomiaux à 95 %.
RÉSULTATS
Population de l’étude
Le nombre total de naissances de notre population (naissances vivantes et mort-nés) était
de 317 538, dont 314 022 naissances vivantes. Le tableau I présente les effectifs et les
pourcentages des différentes catégories de CC selon la classification ACC-CHD, pour
l’ensemble de la population et leurs associations avec les anomalies chromosomiques et/ou
anomalies d’autres systèmes. Parmi les 2867 cas inclus, 71 % étaient des cas isolés, 14 %
associés à une anomalie chromosomique et 15 % associés à une anomalie extra-cardiaque (y
compris les syndromes génétiques).
Les CIV représentaient plus de la moitié des cas enregistrés (52 %). Les anomalies des
voies d’éjection (N=563) constituaient le second groupe le plus fréquent, 20 % des cas. Les
groupes d’anomalies des artères coronaires (N=9), d’anomalies complexes des connexions
auriculo-ventriculaires (N=13) et d’anomalies du retour veineux (N=31) constituaient moins
de 2 % des cas.
Nous avons observé des différences dans la fréquence des anomalies associées, selon les
10 catégories de CC. Les anomalies des valves auriculo-ventriculaires étaient majoritairement
associées à des anomalies chromosomiques (57 %), alors que les anomalies des gros vaisseaux
et les hétérotaxies (isomérisme et hétérotaxie viscérale) étaient plus souvent associées à des
anomalies extra-cardiaques (respectivement ~31 % et ~24 % des cas).
Issue de la grossesse et prévalence
Le tableau 2 présente les issues de grossesse et les prévalences (totales et parmi les
naissances vivantes) pour i) l’ensemble des CC ; ii) les CC sans anomalie chromosomique
associée ; iii) les CC sans anomalie chromosomique ni malformation ou syndrome associé,
c'est-à-dire les CC « isolées » (incluant une ou plusieurs anomalies cardiaques) ; iv) les CC
sans anomalie chromosomique ni malformation ou syndrome associé, et à l’exclusion des
enfants porteurs d’une CIV isolée. Parmi les 2867 cas inclus, 82 % des cas étaient nés vivants,
16 % des IMG et 2 % des mort-nés. Dans le groupe des CC isolées, les IMG représentaient
6 % des cas. Les IMG étaient plus fréquentes pour les cardiopathies « complexes »,
notamment les hétérotaxies (~76 %), les cœurs univentriculaires (~63 %), et les anomalies
des connexions auriculo-ventriculaires (~46 %).
La prévalence totale des CC était de 90,3 pour 10 000 naissances (95 % IC 87,0 – 93,6),
et la prévalence des naissances vivantes de 74,8 pour 10 000 (95 % IC, 71,8 – 77,8). Après
exclusion des anomalies chromosomiques, les prévalences observées étaient respectivement
de 77,8 et 70,2 pour 10 000 naissances ; et dans le groupe des CC isolées, elles étaient de 64,1
et 60,2 pour 10 000.
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178
B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET, F. GOFFINET,
ON BEHALF OF THE EPICARD STUDY GROUP
Moment du diagnostic
Le tableau 3 montre le moment du diagnostic pré et postnatal pour les CC hors anomalies
chromosomiques. Globalement, 25,6 % (95 % IC, 23,9 – 27,3) des cas étaient diagnostiqués
en prénatal. Le taux de diagnostic prénatal était de 23,0 % dans le groupe des CC isolées, et
de 40,2 % (95 % IC, 37,0 – 43,4) dans le groupe des CC, après exclusion des CIV.
Dans ce même groupe des CC isolées, après exclusion des CIV, 27,7 % des cas étaient
diagnostiqués dans les 7 premiers jours de vie, 10,4 % dans le 1er mois de vie, 14,4 % entre le
1er et le 3ème mois de vie et 5,6 % au-delà du 3ème mois ; 0,7 % avaient un diagnostic postmortem.
Mortalité infantile
Le tableau 4 montre la mortalité néonatale (< 28 jours), post-néonatale (29 jours-1 an)
et infantile pour l’ensemble des naissances vivantes de la cohorte EPICARD. Le taux de
mortalité infantile était de 6,4 % (95 CI 5,5-7,5), et la mortalité néonatale représentait près
de 60 % des décès et plus de la moitié des décès néonatals survenaient au cours de la première
semaine de vie. La mortalité infantile était nettement moins élevée dans le groupe des
cardiopathies isolées (3,6 %, 95 % IC, 2,8 – 4,6), alors qu’elle était de 8,7 % (95 % IC, 6,8 –
10,9) dans le groupe des cardiopathies isolées - CIV exclues.
Le risque de mortalité et le moment du décès variaient considérablement selon les
catégories de la classification ACC-CHD (Tableau 5). Le taux de mortalité le plus élevé était
observé pour les cœurs univentriculaires (58,3 %, 95 % IC 43,2-72,4), et près de 70 % de ces
décès survenaient dans les 7 premiers jours de vie (en lien avec les soins palliatifs souvent mis
en place pour ces enfants). Les risques de mortalité étaient aussi élevés pour les hétérotaxies
(~38 %), les anomalies des valves auriculo-ventriculaires (~28 %) et les anomalies du retour
veineux (~27 %).
Les taux de mortalité étaient d’environ 12 % pour les anomalies des gros vaisseaux et de
8 % pour les anomalies des voies d’éjection. Le moment du décès était différent dans ces deux
groupes : la majorité des décès des enfants atteints d’anomalies des voies d’éjections
survenaient au cours de la 1ère semaine de vie, alors que la moitié des décès des enfants
porteurs d’anomalies des gros vaisseaux survenaient après le 1er mois de vie.
CONCLUSION
Peu d’études en population ont évalué la prévalence, le moment du diagnostic et la
mortalité d’enfants porteurs de cardiopathies congénitales [1,5,7,12]. De plus, dans les études
antérieures, les cardiopathies congénitales étaient codées à partir de la classification
internationale des maladies (CIM10), qui comporte beaucoup des doublons et des
imprécisions comparativement aux codes de l’International Paediatric and Congenital
Cardiac Code (IPCCC). A notre connaissance, la cohorte EPICARD est la première étude
prospective en population d’enfants porteurs de cardiopathies congénitales, qui utilise le
codage IPCCC afin d’estimer la prévalence, le moment du diagnostic, le taux d’IMG et la
mortalité infantile.
Notre étude a permis d’estimer la prévalence, totale et parmi les naissances vivantes, des
cardiopathies congénitales (90 et 75 cas pour 10 000 naissances). Les cardiopathies
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PRÉVALENCE, MOMENT DU DIAGNOSTIC ET MORTALITE INFANTILE DES ENFANTS ATTEINTS
DE CARDIOPATHIES CONGÉNITALES : L’ÉTUDE DE COHORTE EN POPULATION EPICARD
179
congénitales isolées représentaient plus de deux tiers des cas enregistrés. Près de 40 % des
cardiopathies isolées - CIV exclues, étaient diagnostiquées en prénatal, et près de 30 % étaient
diagnostiqués dans les 7 premiers jours de vie. Toutefois, dans ce groupe des cardiopathies
isolées - CIV exclues, un cas sur cinq était diagnostiqué après le premier mois de vie, et 6 %
après 3 mois de vie. La mortalité infantile de ces enfants était de 8,5 %, et 40 % de ces décès
survenaient au-delà du premier mois de vie.
Compte tenu de l’hétérogénéité des cardiopathies congénitales et de la complexité des
codes IPCCC, nous avons utilisé la classification (ACC-CHD) [13] basée sur des critères
anatomiques et cliniques, élaborée à partir des codes IPCCC. Cette classification ACCCHD est actuellement la base de la nomenclature des catégories de cardiopathies congénitales
proposée par le portail des maladies rares (ORPHANET www.orpha.net). Elle est aussi un
des éléments-clés de révision du chapitre « Cœur », de la prochaine élaboration de la 11ème
classification internationale des maladies.
Compte tenu du taux de survie élevé des enfants porteurs de cardiopathies congénitales,
l’évaluation du devenir à long terme de ces enfants est importante. A cet égard, l’étude
EPICARD, enquête de cohorte en population, qui comprend des tests standardisés sur le
devenir neuro-développemental des enfants porteurs de cardiopathies congénitales peut avoir
une contribution majeure pour évaluer le devenir de ces enfants.
AUTEURS :
Babak Khoshnood1, MD, PhD, Nathalie Lelong1, MS, Lucile Houyel2, MD, Damien Bonnet8, MD, PhD, François Goffinet1,9, MD, PhD, on behalf of the EPICARD Study Group
1 Inserm, UMR S953, Recherche épidémiologique sur la santé périnatale et la santé des femmes et des enfants,
UPMC, Université Paris-6, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France
2 Service de chirurgie des cardiopathies congénitales, Hôpital Marie Lannelongue, 133, avenue de la Résistance,
92350 Le Plessis Robinson, France
8 Centre de référence M3C-Necker, Université Paris Descartes, 140 rue de Sèvres, 75015 Paris, France
9 Maternité Port Royal, Hôpital Cochin Saint-Vincent-de-Paul, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Université Paris-Descartes, 123, boulevard de Port-Royal, 75679, Paris Cedex 14, France
AUTEUR CORRESPONDANT :
Babak Khoshnood - INSERM U953 - Hôpital Saint Vincent de Paul, Bât Lelong – porte no. 5 – 1er étage - 82
av. Denfert Rochereau 75014 Paris, France - Telephone: (33 1) 42 34 55 87
Email : babak.khoshnood@inserm.fr
FINANCEMENT :
Cette étude a bénéficié de deux subventions du Ministère français de la Santé (PHRC 2004 et 2008).
Abbréviations:
ACC-CHD: Anatomic and Clinical Classification of congenital heart defects
CC: Cardiopathies congénitales
CIM: Classification internationale des maladies
IPCCC: International Paediatric and Congenital Cardiac Code
IMG: Interruption médicale de grossesse
CIV : Communication interventriculaire
EPICARD Study group
Principal Investigators: François Goffinet, Babak Khoshnood
Steering Committee:
Damien Bonnet (Hôpital Necker Enfants Malades, AP-HP, Centre de référence M3C, Université Paris Descartes,
Paris)
Drina Candilis (Université Paris-Diderot, Paris)
Anne-Lise Delezoide (Hôpital Robert Debré, AP-HP, Service de biologie du Développement, Université Paris-Diderot, Paris)
François Goffinet (Groupe Hospitalier Cochin-Hôtel Dieu, AP-HP, Maternité Port-Royal et INSERM U953, Université Paris Descartes, Paris)
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180
B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET, F. GOFFINET,
ON BEHALF OF THE EPICARD STUDY GROUP
Lucile Houyel (Hôpital Marie Lannelongue, Service de chirurgie des cardiopathies congénitales, Le Plessis-Robinson)
Jean-Marie Jouannic (Hôpital Trousseau, AP-HP, Centre pluridisciplinaire de diagnostic
prénatal, UPMC, Paris)
Babak Khoshnood (INSERM U953, Paris)
Nathalie Lelong (INSERM U953, Paris)
Suzel Magnier (Hôpital Robert Debré, AP-HP, Service de cardiologie, Paris)
Jean-François Magny (Institut de Puériculture et de périnatologie, Service de néonatologie, Paris)
Caroline Rambaud (Hôpital Raymond Poincarré, AP-HP, Service d’anatomie et cytologie pathologiques – Médecine légale, UVSQ, Garches)
Dominique Salomon (INSERM U953, Paris)
Véronique Vodovar (INSERM U953, Paris)
Project Coordination and Data Analysis Committee:
François Goffinet, Babak Khoshnood, Nathalie Lelong, Anne-Claire Thieulin, Thibaut Andrieu, Véronique Vodovar
Independent Data Monitoring Committee (URC Paris Centre et CIC Cochin Necker Mère Enfant) :
Maggy Chausson, Anissa Brinis, Laure Faure, Maryline Delattre, Jean-Marc Treluyer (Groupe Hospitalier CochinHôtel Dieu, AP-HP, Université Paris Descartes, Paris)
External Scientific Committee:
Gérard Bréart, Dominique Cabrol, Alain Sérraf, Daniel Sidi, Marcel Voyer
Participating Centres:
The Greater Paris Area (Paris and its surrounding suburbs) public (AP-HP) and private maternity units, Departments of Paediatric Cardiology and Paediatric Cardiac Surgery, paediatric cardiologists in private practice, Neonatal
Intensive Care Units, Paediatric Intensive Care Units, Emergency Transfer Services (SMUR), Departments of Pathology, Sudden Death Centres, Departments of Family and Infant Protection (DFPE)
Tableau 1 : Distribution des cardiopathies congénitales et des anomalies associées,
selon la classification ACC-CHD1: étude EPICARD
N
1. Isomérisme et hétérotaxie viscérale
2. Anomalies du retour veineux
3. Communications inter-auriculaires (CIA)
4. Anomalies des valves auriculo-ventriculaires
5. Anomalies complexes des connexions
auriculo-ventriculaires
6. Cœur univentriculaire
7. Communications inter-ventriculaires (CIV)
8. Anomalies des voies d'éjection
9. Anomalies des gros vaisseaux
10. Anomalies des artères coronaires
37
31
182
213
158
1491
563
170
9
0,0
15,8
9,3
10,7
15,9
0,0
7,7
19,6
11,1
18,8
31,2
0,0
Toutes
2867
13,8
15,1
1
% anomalies
chromosomiques
0,0
19,4
9,9
57,3
Total
% anomalies d'autres
systèmes²
24,3
16,1
19,8
12,7
Catégories ACC-CHD
Classification anatomo-clinique des cardiopathies congénitales (Houyel et al, 2011)
2
Anomalies chromosomiques exclues
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PRÉVALENCE, MOMENT DU DIAGNOSTIC ET MORTALITE INFANTILE DES ENFANTS ATTEINTS
DE CARDIOPATHIES CONGÉNITALES : L’ÉTUDE DE COHORTE EN POPULATION EPICARD
181
Tableau 2 : Prévalence totale et parmi les naissances vivantes pour l'ensemble des cardiopathies
congénitales : Etude EPICARD
Cardiopathies congénitales
Toutes
Hors anomalies
chromosomiques
Hors anomalies
chromosomiques et
hors malformations associées
Hors anomalies
chromosomiques,
malformations
associées et CIV4
NV1
IMG1
MN1
2867
%
81,8
%
16,3
%
1,8
2471
89,2
9,8
1,0
77,8
74,8-80,9
70,2 67,3-73,2
2037
92,8
6,4
0,8
64,1
61,4-67,0
60,2 57,1-62,9
931
84,2
14,0
1,8
26,8
25,0-28,6
22,4 20,8-24,1
Prévalence (pour 10 000)
N
NV3 95%IC
74,8 71,8-77,8
Totale²
95%IC
90,3 87,0-93,6
1
NV = naissances vivantes, IMG = interruptions médicales de grossesse, MN = mort-nés
Nombre total de naissances (dénominateur) = 317,538
3
Nombre total de naissances vivantes (dénominateur) = 314,022
4
Communications inter-ventriculaires
2
Tableau 3 : Moment du diagnostic pour les cardiopathies congénitales,
hors anomalies chromosomiques : Etude EPICARD
Diagnostic prénatal
Cardiopathies congénitales
Hors anomalies chromosomiques
Hors anomalies chromosomiques
et hors malformations associées
Hors anomalies chromosomiques,
malformations associées et CIVI2
1
2
N
%
95%IC <7 jours
Diagnostic postnatal
Post
Mortem
29 jours 3 mois 3 moi
1 an
%
%
%
11,2
4,4
1,7
%
2471 25,6 23,9-27,3 48,0
8-28
jours
%
9,1
2037 23,0 21,2-24,9 51,0
9,4
11,8
4,5
0,3
931 40,2 37,0-43,4 28,7
10,4
14,4
5,6
0,7
Intervalle de confiance unilatéra
CIVI = Communications inter-ventriculaires isolées
Tableau 4 : Mortalité infantile des enfants porteurs de cardiopathies congénitales : Etude EPICARD
Mortalité
Cardiopathies congénitales
Toutes
Hors anomalies chromosomiques
Hors anomalies chromosomiques
et hors malformations associées
Hors anomalies chromosomiques,
malformations associées et CIV1
1
N
<7 jours
%
2,1
1,7
8-28
jours
%
1,8
1,2
29 jours1 an
%
2,5
2,1
2348
2204
1890
1,2
0,9
1,5
3,6
2,8-4,6
784
2,9
2,2
3,6
8,7
6,8-10,9
CIVI = Communications inter-ventriculaires isolées
Mortalité
infantile
%
95%IC
6,4
5,5-7,5
5,0
4,2-6,0
JPP 2012 04 09_Mise en page 1 11/09/2012 23:39 Page 182
182
B. KHOSHNOOD, N. LELONG, L. HOUYEL, D. BONNET, F. GOFFINET,
ON BEHALF OF THE EPICARD STUDY GROUP
Tableau 5 : Mortalité infantile des enfants porteurs de cardiopathies congénitales
selon la classification ACC-CHD1 : Etude EPICARD
Mortalité
Catégories ACC-CHD
N
<7 jours
1. Isomérisme et hétérotaxie viscérale
8
2. Anomalies du retour veineux
26
3. Communications inter-auriculaires (CIA)174
4. Anomalies des valves
auriculo-ventriculaires
109
5. Anomalies complexes des connexions
auriculo-ventriculaires
7
6. Cœur univentriculaire
48
7. Communications
inter-ventriculaires (CIV)
1395
8. Anomalies des voies d'éjection
447
9. Anomalies des gros vaisseaux
125
10. Anomalies des artères coronaires
9
%
25,0
3,9
0,6
8-28
jours
%
0,0
11,5
0,6
29 jours1 an
%
12,5
11,5
2,3
Mortalité
infantile
%
95%IC
37,5
8,5-75,5
26,9
11,6-47,8
3,5
1,3-7,3
8,3
7,3
12,8
28,4
20,2-37,9
0,0
41,7
0,0
12,5
14,3
4,1
14,3
58,3
0,4-57,9
43,2-72,4
0,2
2,3
3,2
0,0
0,5
2,0
6,4
0,0
0,9
4,0
2,4
11,1
1,6
8,3
12,0
11,1
1,0-2,4
5,9-11,2
6,9-19,0
0,3-48,2
1
Classification anatomo-clinique des cardiopathies congénitales
RÉFÉRENCES
[1] Dolk H, Loane M, Garne E. Congenital Heart Defects in Europe: Prevalence and Perinatal Mortality, 2000
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[9] Racial differences by gestational age in neonatal deaths attributable to congenital heart defects --- United States,
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[10] Blondel B, Eb M, Matet N, Breart G, Jougla E. [Neonatal mortality in France: usefulness of a neonatal death
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JPP 2012 04 09_Mise en page 1 11/09/2012 23:39 Page 183
183
TEST DE DIAGNOSTIC RAPIDE DU STREPTOCOQUE DU
GROUPE A DANS LES ANGINES DE L’ENFANT
par
J. F. COHEN, C. LEVY, P. MARIANI-KURKDJIAN, M. CHALUMEAU,
E. BINGEN, R. COHEN
INTRODUCTION
L’enjeu clinique principal des angines de l’enfant est la distinction entre les infections
virales et les 20 à 40 % d’infections à streptocoque β-hémolytique du groupe A (SGA) qui
justifient d’une antibiothérapie dont les objectifs sont de diminuer l’incidence des
complications suppuratives et non-suppuratives liées aux infections à SGA, la durée des
symptômes et la dissémination du germe à l’entourage [1]. Chez l’enfant, il est recommandé
dans la plupart des pays de baser l’identification du SGA sur un prélèvement de gorge couplé
soit au test de référence qui est la mise en culture sur une gélose au sang durant 48 heures
dans un laboratoire de bactériologie, soit à un test de diagnostic rapide (TDR) [2].
La place du TDR dans les recommandations de prise en charge des angines de l’enfant
est variable entre les pays occidentaux [2]. Les recommandations françaises sont de réaliser
un TDR chez tous les enfants ayant une angine entre 3 et 15 ans [3], alors que l’usage du
TDR est clairement non recommandé dans certains pays (Belgique, Pays-Bas, Canada) [2].
D’autres auteurs proposent des stratégies d’utilisation sélective du TDR sur la base de critères
cliniques [4]. Ces différences à l’échelle internationale peuvent être expliquées en partie par
une appréciation variable des avantages et des limites du TDR.
Afin d’apporter des connaissances nouvelles sur le diagnostic des angines de l’enfant et
notamment la place du TDR, une étude a été réalisée par les pédiatres du réseau ACTIV
chez 1482 enfants ayant une angine et 294 enfants asymptomatiques entre octobre 2009 et
juin 2011 [5]. Pour chaque enfant, une fiche de renseignements cliniques a été remplie et un
double prélèvement de gorge a été réalisé. Le premier écouvillon servait à réaliser un TDR
au cabinet du pédiatre et le deuxième écouvillon était envoyé au laboratoire de bactériologie
de l’Hôpital Robert-Debré pour mise en culture selon une technique de référence, à l’aveugle
des éléments cliniques et des résultats du TDR.
JPP 2012 04 09_Mise en page 1 11/09/2012 23:39 Page 184
184
J. F. COHEN, C. LEVY, P. MARIANI-KURKDJIAN, M. CHALUMEAU, E. BINGEN, R. COHEN
AVANTAGES DU TDR
Un test simple, peu coûteux, au résultat immédiat
La plupart des TDR reposent sur la détection du polysaccharide C du groupe A, un
antigène de paroi spécifique du SGA. Les bandelettes immuno-chromatographiques sont les
TDR les plus répandus en pratique clinique car ils présentent le meilleur rapport
performances-praticabilité [6]. La réalisation du TDR, contrairement à celle de la culture ou
des techniques de PCR, ne nécessite pas de matériel ni de compétence technique particulière.
Le résultat est disponible en quelques minutes alors que le résultat d’une culture au laboratoire
nécessite par définition 24 à 48 heures. Un autre avantage du TDR est sont coût faible.
Depuis 2002, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie le met gratuitement à disposition des
médecins libéraux et des services hospitaliers. Le coût facturé par le fabricant est de 0,79
€/test, à comparer au coût d’une antibiothérapie comme l’amoxicilline pendant 6 jours, de
l’ordre de 3 €.
Des performances diagnostiques globales élevées
Les performances diagnostiques globales des TDR immuno-chromatographiques sont
très élevées. Leur rapport de vraisemblance positif est habituellement ≥ 15 et leur rapport de
vraisemblance négatif ≤ 0,15 [7,8]. En pratique, cela signifie qu’en cas de TDR positif, la
probabilité post-test de SGA (c’est-à-dire une fois le résultat du test connu) dépasse les 90 %
alors qu’en cas de TDR négatif, la probabilité post-test de SGA est autour de 5 % (Figure 1)
[7]. A l’inverse, aucun signe clinique ne permet de faire la distinction entre angine virale et
angine à SGA avec une performance correcte [9]. De même, dans l’étude conduite par les
pédiatres d’ACTIV, la règle de décision clinique composite basée sur le score clinique de
McIsaac n’avait une spécificité que de 52 % (Figure 2) [8].
Une spécificité proche de 100 %
La spécificité des TDR est habituellement de l’ordre de 95 %, il y a donc 5 % de fauxpositifs [10]. Dans l’étude d’ACTIV, il a été montré que 76 % des faux-positifs du TDR
avaient une PCR SGA positive. Les enfants avec un résultat faux-positif du TDR étaient
donc très majoritairement colonisés ou infectés par le SGA. De plus, 75 % des enfants avec
un résultat faux-positif du TDR avaient également une culture positive à Staphylococcus
aureus. Une hypothèse explicative de ces faux-positifs du TDR serait la présence inhibitrice
de S.aureus via des mécanismes d’interférences bactériennes. La spécificité rapportée du TDR
est donc sous-estimée et peut être considérée en pratique comme proche de 100 % [11].
LIMITES DU TDR
Une des limites du TDR fréquemment alléguée est que ses performances diagnostiques
peuvent varier en fonction de différents facteurs : présentation clinique des patients, charge
bactérienne présente dans la gorge, portage pharyngé et médecin réalisant le test.
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TEST DE DIAGNOSTIC RAPIDE DU STREPTOCOQUE DU GROUPE A
DANS LES ANGINES DE L’ENFANT
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Effet de spectre du TDR
Contrairement à ce qui est classiquement enseigné, la sensibilité et la spécificité d’un test
diagnostique ne sont pas fixes, mais peuvent varier en fonction du spectre clinique de la maladie. On parle alors d’effet de spectre [12]. Il a été montré que la sensibilité du TDR variait
en fonction de la présentation clinique des patients ayant une angine, la sensibilité du TDR
augmentant avec le score de McIsaac [13]. Cela a été confirmé dans l’étude d’ACTIV : la
sensibilité du TDR augmentait de 75 % à 90 % en fonction du score de McIsaac [8]. Cependant, cette étude a montré pour la première fois que l’effet de spectre n’affectait pas la valeur
prédictive négative du TDR, qui restait stable, autour de 92 %, quelle que soit la présentation
clinique des patients. Ainsi, un résultat négatif du TDR rendait très improbable le diagnostic
d’angine à SGA indépendamment du spectre clinique, confirmant que la mise en culture systématique en cas de TDR négatif ne semblait pas nécessaire [3,14].
Effets de l’inoculum et du portage
L’inoculum bactérien est la quantité de bactéries présente dans l’écouvillon ayant servi à
réaliser le prélèvement de gorge. On considère que le nombre de colonies β-hémolytiques
présentes sur la boîte de culture est un reflet de l’inoculum. Le seuil de positivité in vitro du
TDR correspond à un inoculum bactérien de 105-107 unités formant colonie/mL [6].
Plusieurs études ont montré que la sensibilité du TDR augmentait avec l’inoculum bactérien
[15,16]. Cela est parfois considéré comme un défaut risquant d’entraîner un résultat fauxnégatif du TDR chez les patients réellement infectés par le SGA mais avec un faible inoculum
[15]. D’autres auteurs considèrent que les patients ayant de faibles inocula bactériens seraient
des porteurs de SGA ayant une angine virale concomitante plutôt que des enfants réellement
infectés par le SGA, minimisant le poids de ces faux-négatifs du TDR [17].
Dans l’étude réalisée par les pédiatres d’ACTIV, 11 % des enfants asymptomatiques
étaient des porteurs sains de SGA [5]. La sensibilité du TDR augmentait avec l’inoculum
bactérien et était plus élevée dans le groupe angine que chez les porteurs sains : 89 % contre
41 % respectivement. Cela était en partie expliqué par le fait que les inocula faibles étaient
plus fréquents en cas de portage sain que d’angine : 66 % contre 14 %. Cependant après
ajustement sur l’inoculum bactérien par analyse multivariée, nous avons montré que la
sensibilité du TDR était toujours plus élevée en cas d’angine que de portage sain. Cela nous
a empêché d’estimer précisément dans quelle mesure les résultats faux-négatifs du TDR
seraient expliqués par des enfants ayant un portage de SGA et une angine virale concomitante.
Notre principale hypothèse est que cette différence de sensibilité pourrait être associée d'une
part à des modifications locorégionales liées à l'infection et à l'inflammation et d'autre part à
des différences dans la distribution des génotypes emm de SGA présents chez les enfants ayant
une angine et les porteurs sains.
Effet médecin
Une autre limite du TDR est que sa sensibilité varie en fonction de la personne réalisant
le test, ce qu’on appelle un « effet médecin ». Cela a été montré dans plusieurs études et
l’hypothèse principale est que ces variations sont dues à une différence de technique
d’écouvillonnage probablement liée à l’expérience du médecin et conduisant à des différences
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186
J. F. COHEN, C. LEVY, P. MARIANI-KURKDJIAN, M. CHALUMEAU, E. BINGEN, R. COHEN
d’inoculum bactérien [18]. Dans l’étude réalisée par les pédiatres d’ACTIV, nous avons
confirmé qu’il existait des variations « inter-investigateurs » importantes de sensibilité du
TDR, allant de 56 % à 96 %, même dans un groupe de professionnels motivés et très entraînés
[5]. Grâce à une modélisation multivariée multiniveau, nous avons montré que ces variations
étaient indépendantes de variables liées aux patients (et donc indirectement du recrutement
des investigateurs) comme l’inoculum bactérien et le statut clinique des patients (angine ou
porteurs sains) mais au contraire très bien expliquées par des variables liées au médecin (type
de pratique clinique, connaissances et croyances sur l’angine à SGA).
UNE SENSIBILITÉ DE 90 % : AVANTAGE OU LIMITÉ ?
La sensibilité des TDR immuno-chromatographiques est située entre 85 % et 90 % [10].
Certains auteurs estiment que cette sensibilité est insuffisante et que les résultats négatifs du
TDR devraient être contrôlés par une mise en culture de prélèvement de gorge [2]. Pourtant,
il semble raisonnable de ne pas avoir une cible de 100 % de sensibilité pour le diagnostic des
angines de l’enfant. En effet, en raison du portage pharyngé asymptomatique de SGA, qui
concerne en moyenne 12 % des enfants d’âge scolaire [19], il est certain qu’un certain nombre
d’enfants avec une angine et une culture positive à SGA sont en fait des porteurs avec une
angine virale concomitante. Un TDR ayant 100 % de sensibilité (en comparaison à la culture)
conduirait inéluctablement à traiter inutilement des porteurs sains avec une angine virale.
De plus, la plus redoutée des complications non-suppuratives des angines à SGA, le
rhumatisme articulaire aigu, qui était à l’origine du dogme d’avoir une sensibilité de 100 %,
est devenu très rare en Europe de l’Ouest (≈ 10 cas/an en France) [20]. Ces différents
éléments sont à l’origine, entre autre, des dernières recommandations européennes de se fier
aux résultats négatifs du TDR sans nécessité de confirmation systématique par une mise en
culture [14].
LE TDR EN PRATIQUE
Diminuer la consommation d’antibiotiques est un objectif majeur pour les années à venir
en raison de l’augmentation des résistances bactériennes. Le TDR est un test diagnostique
simple et très performant qui permet de sélectionner les enfants pouvant réellement bénéficier
d’une antibiothérapie ciblée. Les résultats des études réalisées par les pédiatres d’ACTIV
permettent de tirer les conclusions suivantes :
•
il est nécessaire de réaliser un TDR chez tous les enfants présentant une angine,
même pauci-symptomatique, car l’examen clinique n’est pas suffisamment
discriminant ;
•
les cliniciens peuvent se fier aux résultats positifs du TDR car la spécificité du TDR
est proche de 100 % ;
•
les cliniciens peuvent se fier aux résultats négatifs du TDR (sans confirmation par
la culture) indépendamment de la présentation clinique des patients s’ils acceptent
un taux de faux-négatifs de l’ordre de 10 % ;
•
la sensibilité du TDR dépend de manière importante de la personne réalisant le test
et il serait intéressant de pouvoir proposer aux cliniciens des stratégies d’auto-évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles ciblant la réalisation du TDR.
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TEST DE DIAGNOSTIC RAPIDE DU STREPTOCOQUE DU GROUPE A
DANS LES ANGINES DE L’ENFANT
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FINANCEMENTS
•
•
Sources internes : l’étude a été financée par ACTIV.
Sources externes : travail financé partiellement par Dectrapharm, fabricant d’un
TDR SGA ; JFC était financé par l’ARS Ile-de-France et la bourse Guigoz SFP Groupe de Pédiatrie Générale - Groupe de Recherches Epidémiologiques en
Pédiatrie. Les financeurs externes n’ont participé à aucune des étapes suivantes :
conception, réalisation, analyses, rédaction des manuscrits.
REMERCIEMENTS
A : M Boucherat, F de La Rocque, I Ramay, D Menguy, S Tortorelli, M Fernandes, M
Benani, F Corrard, P Deberdt, A Elbez, M Goldrey, J Gosselin, M Koskas, P Martin, AS
Michot, N Panis, D Qutob, C Romain, O Romain, C Schlemmer, F Thollot, A Wollner
(ACTIV) ; A Liboz, C d'Humières, S Liguori, P Bidet (Service de microbiologie, hôpital
Robert-Debré, Paris).
AUTEURS :
Jérémie F. Cohen1,2, Corinne Levy3, Patricia Mariani-Kurkdjian4, Martin Chalumeau1,2, Edouard Bingen4, Robert
Cohen3,5
1
Inserm U953, Inserm, Paris
2
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker-Enfants-Malades, AP-HP, Université Paris Descartes, PRES Sorbonne Paris Cité, Paris
3
ACTIV, Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés
4
AP-HP, Laboratoire de Microbiologie Hôpital Robert Debré, F-75935 Paris, France, Univ Paris Diderot, PRES
Sorbonne Paris Cité, F-75505 Paris, France
5
Service de Microbiologie, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, Créteil
AUTEUR CORRESPONDANT :
Martin Chalumeau - martin.chalumeau@nck.aphp.fr
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J. F. COHEN, C. LEVY, P. MARIANI-KURKDJIAN, M. CHALUMEAU, E. BINGEN, R. COHEN
FIGURES
Figure 1. Nomogramme de Fagan montrant la relation entre la probabilité pré-test (prévalence) et les probabilités post-test de SGA en fonction du résultat du test de diagnostic rapide (TDR).
Figure 2. Score de McIsaac et règle de décision clinique qui en découle
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DANS LES ANGINES DE L’ENFANT
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DERMO-HYPODERMITES BACTéRIENNES
par
R. BLONDE, Ph. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON, M. LORROT
Les infections cutanées sont particulièrement fréquentes chez l’enfant. Les tableaux
cliniques sont variés. La très grande majorité de ces infections sont bénignes comme le
furoncle et l’impétigo. Les infections plus profondes comportent les fréquentes dermohypodermites aiguës et les exceptionnelles et gravissimes dermo-hypodermites nécrosantes
qui peuvent engager le pronostic vital du fait du sepsis et/ou de leur diffusion aux tissus
profonds, [1,2,3,4].
La conférence de consensus sur les dermo-hypodermites nécrosantes et les fasciites rédigée
par la Société Française de Dermatologie (SFD) et la Société de Pathologie Infectieuse de
Langue Française (SPILF) concerne l’adulte et date de 2000 [1]. Plus récemment, les
recommandations de l’AFSSAPS de 2004 [5] sur l’antibiothérapie locale des infections
cutanées et les propositions thérapeutiques du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique
(GPIP) publiées en 2008 [6] ont reprécisé les indications et les modalités de l'antibiothérapie
de ces infections.
QUELLES SONT LES BACTÉRIES IMPLIQUÉES DANS LES INFECTIONS
CUTANÉES ?
Staphylococcus aureus est le pathogène majoritairement retrouvé dans les infections
cutanées. Le streptocoque A arrive en seconde position. Ces deux germes peuvent être
associés. Les prélèvements bactériologiques locaux des impétigos au stade érosif retrouvent
des germes contaminants des lésions cutanées et ne sont pas très contributifs. Le prélèvement
soigneux du contenu d’une bulle cutanée ou du pus profond et les hémocultures dans les
tableaux fébriles sont très utiles.
Staphylococcus aureus est naturellement résistant à l'amoxicilline dans plus de 90 % des cas.
Actuellement en France, S. aureus reste sensible à la méticilline dans environ 85 % des cas ce
qui témoigne de sa sensibilité aux pénicillines M (oxacilline, cloxacilline) à l'association
amoxicilline-acide clavulanique et aux céphalosporines (céphalosporines de première génération
> aux céphalosporines de deuxième génération). S. aureus est le plus souvent sensible à l'acide
fusidique. Il est résistant aux macrolides dans 15 % des cas lorsqu’il est sensible à la méticilline
(SASM) et dans 44 % des cas lorsqu’il est résistant à la méticilline (SARM) [7].
Aux Etats-Unis, la prévalence des souches des SARM dans les infections communautaires
à S. aureus est très élevée (aux alentours de 70 %) et l’antibiothérapie probabiliste doit en
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R. BLONDE, PH. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON, M. LORROT
tenir compte [8].
Le streptocoque A est constamment sensible à l'amoxicilline et peu sensible aux
pénicillines M. En France, la résistance aux macrolides du streptocoque A est actuellement
faible de l’ordre de 7 % [10].
Les streptocoques A sont constamment résistants à l'acide fusidique. Il n'est connu aucune
résistance à la pristinamycine.
La mupirocine est un antibiotique utilisable par voie locale (cutanée ou muqueuse) actif
à la fois sur le streptocoque A et sur S. aureus [6].
L’IMPÉTIGO
L'impétigo correspond à l'infection cutanée bactérienne la plus fréquente chez l'enfant.
Il s'agit d'une pustulose intradermique évoluant en plusieurs phases : la vésicule sous cornée
se transforme en une pustule fragile flasque et fugace qui évolue rapidement vers une érosion
recouverte d'une croûte mélicérique.
Les impétigos sont non bulleux dans 60 % des cas. Les impétigos bulleux caractérisés par
la présence de bulles flasques surviennent plus fréquemment chez les nourrissons et les jeunes
enfants.
Les lésions sont souvent multiples près des orifices naturels (bouche, narine…) ou sur le
scalp. La transmission est directe par voie manuportée conduisant à l’extension de l’infection
chez un même patient (auto-inoculation) ou à la contagion d’autres enfants. On peut
retrouver une adénite de voisinage mais ces infections ne sont pas fébriles [11].
Traitement de l'impétigo [5]
Quelle que soit l’étendue de l’infection cutanée bactérienne, le traitement local est
primordial et les soins quotidiens à l'eau et au savon ordinaire s'imposent en plus du traitement
antibiotique. Le savonnage décolle les bactéries, le rinçage à l’eau les élimine.
L’efficacité et l’intérêt des antiseptiques dans les infections cutanées superficielles n’ont
jamais été évalués en association ou comparativement au lavage simple au savon ou à une
antibiothérapie locale. Par contre les antiseptiques peuvent être responsables de dermite
irritative allergique et ils ne sont pas recommandés dans la prise en charge de ces infections.
Les antibiotiques par voie locale ont montré leur efficacité dans le traitement de l'impétigo
et de la furonculose. Par contre, leur efficacité n'a pas été démontrée dans le traitement des
furoncles et des folliculites superficielles.
1) L’antibiothérapie locale est indiquée dans les impétigos peu sévères : surface corporelle
atteinte < à 2 % de la surface corporelle totale (1 % = surface d’une paume d’une main),
nombre de sites lésionnels ≤ 5, absence d'extension rapide.
La mupirocine (pommade dermique) a l'avantage d'être active in vitro à la fois sur le
streptocoque A et sur S. aureus. Cet antibiotique peut être utilisé en crème pour le traitement
de la peau (Mupiderm®) ou des muqueuses (Bactroban®). L’acide fusidique (crème ou
pommade) est très efficace sur S. aureus mais a une activité médiocre sur le streptocoque A.
L’antibiothérapie locale doit être prescrite 2 à 3 fois par jour pendant 5 à 10 jours.
2) L’antibiothérapie générale est indiquée dans les impétigos bulleux, l’ecthyma (impétigo
nécrotique et ulcérant caractérisé par la formation de croûtes adhérentes noirâtres) et dans
les impétigos étendus (surface corporelle atteinte > 2 % de la surface corporelle totale ou >
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INFECTIONS SUPERFICIELLES DE LA PEAU ET DERMO-HYPODERMITES BACTÉRIENNES
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10 sites lésionnels ou d’extension rapide).
L'antibiothérapie orale recommandée est à visée antistaphylococcique et antistreptococcique
pendant 7 à 10 jours. Le GPIP recommande l'association amoxicilline acide-clavulanique
efficace sur ces 2 germes ou, en cas d’allergie vraie aux pénicillines la cefatrizine (Cefaperos®), le
cefadroxil (Oracefal®), un macrolide tel que la josamycine (Josacine®), la roxithromycine (Rulid®)
ou chez l’enfant de plus de 6 ans, la pristinamycine (Pyostacine®) [6].
En revanche, les pénicillines M (oxacilline et cloxacilline) ne sont pas conseillées par voie
orale car ces molécules ont une très mauvaise biodisponibilité par voie orale pouvant conduire
à des concentrations d’antibiotiques insuffisantes et à des échecs. De ce fait, les formes orales
d’oxacilline (Bristopen® gélule et suspension buvable) ont été retirées du marché depuis mai
2011 suite à une décision de l’AFSSAPS [12].
LES DERMO-HYPODERMITES BACTÉRIENNES
« SIMPLES, NON NÉCROSANTES »
Ces infections de la peau et du tissu sous-cutané sont le plus souvent fébriles et
habituellement caractérisées par un œdème, une chaleur, un érythème et une tension
douloureuse de la peau. L’examen clinique recherche une porte d’entrée cutanée [2]. Ces
infections nécessitent la mise en route rapide d’une antibiothérapie car elles peuvent évoluer
vers une extension rapide et l’apparition de complications (lymphangite, ostéomyélite,
arthrite septique, thrombophlébite, dermo-hypodermite nécrosante) et/ou d’un choc
septique et/ou toxinique. Le diagnostic bactériologique est décevant, les hémocultures
revenant souvent négatives. Ces infections sont principalement dues au streptocoque A et à
S. aureus, mais également à des streptocoques de groupe C, G et (chez le nouveau-né) B.
L’antibiothérapie peut être effectuée par voie orale dans les formes les moins sévères. En
cas d’infection sévère (signes systémiques, progression rapide, âge < 6 mois, localisation de
drainage difficile ou à la face, immunodépression), le traitement antibiotique est débuté
rapidement par voie intraveineuse et nécessite une hospitalisation. L’antibiotique de choix est
l'association amoxicilline-acide clavulanique à forte dose (150 mg/kg/24h en 3 ou 4 injections
par jour). En cas d’allergie vraie aux bêta-lactamines, le céfamandole ou le cefuroxime à la
posologie de 140 mg/kg/24 heures peuvent être utilisés. En cas de signes toxiniques
(hypotension, tachycardie, diarrhée, douleurs diffuses, érythrodermie), il est recommandé
d’adjoindre à l’antibiothérapie efficace sur le streptocoque A et S. aureus, une antibiothérapie
ayant une activité anti-toxinique (clindamycine 40 mg/kg/24 heures en 3 ou 4 injections par
jour ou rifampicine 20 mg/kg/24 heures en 2 injections par jour) en plus de la prise en charge
symptomatique (traitement du choc, débridement chirurgical) [13,14,15,16].
Sous traitement efficace, les dermo-hypodermites bactériennes non nécrosantes évoluent
favorablement en 1 à 3 jours. Le relais antibiotique oral est possible après apyrexie et
disparition des signes locaux et la durée totale de l’antibiothérapie est de 10 à 20 jours [6].
LES DERMO-HYPODERMITES BACTÉRIENNES NÉCROSANTES
ET FASCIITES NÉCROSANTES
Les infections cutanées sont extrêmement fréquentes en pédiatrie. Alors que la très grande
majorité sont des infections bénignes, certaines peuvent engager le pronostic vital en évoluant
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R. BLONDE, PH. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON, M. LORROT
vers un sepsis et/ou en diffusant aux tissus profonds. Les « dermo-hypodermites bactériennes
» (DHB) dans leur forme rapidement progressive peuvent évoluer vers une forme nécrosante
(DHBN), pouvant être associée à une fasciite nécrosante (FN). Les DHBN se caractérisent
par une DHB associée à une nécrose des tissus conjonctifs et adipeux (derme et hypoderme)
[17]. On parle de FN quand cette nécrose dépasse l’aponévrose superficielle avec des atteintes
plus ou moins profondes des fascias intermusculaires et des muscles. Les DHBN-FN sont
responsables de tableaux cliniques locaux mais aussi généraux très sévères nécessitant une
prise en charge en réanimation [17], [18]. Le traitement médico-chirurgical précoce est alors
une urgence car le taux de mortalité demeure proche de 20 % [18].
Compte tenu de la rareté de ces infections, l’expérience pédiatrique de chaque centre est
extrêmement faible en regard des nombreux cas adultes dont les étiologies et les comorbidités
sont différentes [17]. Il est ainsi difficile d’extrapoler à l’enfant, et plus particulièrement au
nourrisson, des thérapeutiques parfois recommandées chez l’adulte.
Pathologies peu fréquentes
Les DHBN-FN sont des pathologies rares chez l’enfant. Aucune incidence précise n’est
disponible dans la littérature. Quelques séries rétrospectives monocentriques ont été réalisées
: Fustes-Morales et al retrouvent 39 cas de FN sur une période de 30 ans soit 1,34 cas par an,
ce qui représente 0,018 % des enfants hospitalisés à Mexico [18]. A l’hôpital d’Ottawa,
Ontario, on recense 8 cas de FN hospitalisés sur une période de 16 ans, de 1983 à 1999 [19].
L’incidence semble cependant en augmentation ces dernières années, comme le montre une
étude canadienne prospective multicentrique avec 36 cas de FN de l’enfant entre 2001 et
2003 [20]. Dans toutes ces études, l’âge médian des cas de FN de l’enfant est inférieur à 6
ans [18,19,20].
Facteurs de risque peu connus chez l’enfant
Alors que chez l’adulte ces infections sont le plus souvent observées sur des terrains
particuliers (diabète, troubles vasculaires périphériques, obésité, âge de plus de 50 ans,
alcoolisme, immunosuppression, cancer), parfois au décours d’un traumatisme mineur
(piqûre, morsure, brûlure) ou une intervention chirurgicale récente, on ne retrouve pas
systématiquement de facteur favorisant chez l’enfant [17].
Fustes-Morales a colligé 36 % d’enfants malnutris et 15 % d’enfants immunodéprimés,
dont 13 présentaient une varicelle [18]. Cependant, l’étude ayant été réalisée dans un pays
en voie de développement, ces résultats sont difficilement extrapolables aux autres centres
pédiatriques, notamment dans les pays industrialisés où la malnutrition est rare.
Dans les études canadiennes, la varicelle représente un terrain prédisposant dans 46 à 50
% des cas de FN de l’enfant. Le traumatisme ou l’effraction cutanée est retrouvée dans près de
30% des cas. Toute lésion cutanée peut constituer une porte d’entrée pour le streptocoque de
groupe A, lorsque ce germe est présent dans la flore oro-pharyngée du patient ou d’un contact
proche, de manière asymptomatique (porteur « sain ») ou lorsqu’il est responsable d’une
angine. Le rôle des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans la survenue d’une surinfection
grave de la varicelle reste controversé. Eneli et coll. retrouvent une prise d’AINS dans 50 % des
cas de FN de l’enfant due au streptocoque -hémolytique du groupe A (SBHA) [20].
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INFECTIONS SUPERFICIELLES DE LA PEAU ET DERMO-HYPODERMITES BACTÉRIENNES
195
Diagnostic clinique et radiologique difficile
En plus de leur rareté, le diagnostic des DHBN et des FN est rendu difficile par l’aspect
variable de la lésion cutanée initiale, associée à une symptomatologie non spécifique. En cas
de DHBN et de FN, l’infection s’étend rapidement entre le tissu sous-cutané et le fascia du
muscle entraînant une nécrose diffuse ; la peau superficielle n’est affectée que dans un second
temps selon le principe de « l’iceberg ». Sur les 39 cas de FN rapportés par Fustes-Morales
et coll., le diagnostic de FN n’était évoqué à l’admission que chez 11 enfants (28 % des cas),
l’orientation initiale s’étant portée vers le diagnostic de « DHB » (23 cas soit 59 %) [18].
La lésion clinique initiale d’une DHBN-FN est une DHB associée à une douleur souvent
intense, disproportionnée par rapport aux signes locaux [18,19,20]. Très vite apparaissent
des lésions d’ecchymose (taches bleues grisées mal limitées en carte de géographie), puis des
vésicules se majorant petit à petit, pour former de véritables bulles. L’apparition de lésions
de nécrose et d’hypoesthésie signe un stade avancé de la DHBN-FN.
Le fait de délimiter les lésions cutanées avec un marqueur, de même que la prise de
photographie régulière permet de suivre cette évolution. Devant la difficulté diagnostique
initiale entre DHB et DHBN/FN, il est nécessaire de réévaluer régulièrement les lésions
cutanées à la recherche de signes orientant vers les DHBN-FN. Certains éléments
anamnestiques et clinico-biologiques semblent orienter vers les DHBN-FN, comme une
douleur intense, un rash érythémateux généralisé, la polypnée, une fièvre élevée, un aspect
toxique ou un taux de plaquettes bas [19].
L’imagerie est d’un apport fondamental dans ces infections. Elle permet de procéder au
bilan d’extension de la nécrose (tissus sous-cutané, muscle, os, articulation). L’examen le plus
aisément réalisable au lit du patient en réanimation, d’autant plus qu’il est instable, demeure
l’échographie. L’examen de référence est l’IRM mais il n’est pas accessible dans tous les
centres et souvent pas en urgence au profit de la tomodensitométrie d’accès plus facile.
Epidémiologie bactérienne en transformation ?
Le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SBHA) est le germe prépondérant des
DHBN-FN de l’enfant. Cependant ces infections sont plurimicrobiennes et d’autres germes
sont fréquemment retrouvés. S. aureus, les germes anaérobies, principalement Bacteroïdes et
Peptostreptococcus species, Escherichia coli, Enterobacter species, Klebsiella et Proteus
species sont les germes les plus souvent retrouvés dans les pays industrialisés [19,20,21].
Pseudomonas aeruginosa, S. aureus et Klebsiella pneumoniae représentent les principaux
germes des DHBN-FN de l’enfant dans les pays en voie de développement [18].
S. aureus semble prendre une place de plus en plus importante dans l’épidémiologie
bactérienne [22]. Ces bactéries sont très fréquemment productrices de toxines, telles que la
leucocidine de Panton et Valentine chez S. aureus ou les exotoxines pyrogéniques chez le
streptocoque de groupe A. Ces toxines se comportent parfois comme des « superantigènes
» se liant spécifiquement à l’antigène de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité
et stimulant les kératinocytes qui produisent des cytokines recrutant les lymphocytes T
activés. Elles sont donc à la fois responsables de l’évolutivité locale de ces infections et de leur
retentissement systémique multiviscéral.
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R. BLONDE, PH. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON, M. LORROT
Prise en charge médico-chirurgicale
La qualité du traitement repose donc sur un diagnostic précoce afin de débuter au plus
vite une prise en charge médico-chirurgicale intensive. Le traitement de ces infections
cutanées graves est aspécifique : c’est le traitement en urgence du choc septique. Les patients
doivent donc être pris en charge en réanimation, mais le traitement doit être initié dès le
début de la prise en charge dans les services d’accueil des urgences pédiatriques [19].
L’antibiothérapie doit être débutée dès que possible et doit être dirigée contre le streptocoque
-hémolytique du groupe A, les anaérobies et le staphylocoque aureus, en ayant une
excellente diffusion dans les parties molles et tout en tenant compte d’une éventuelle activité
toxinique d’une des bactéries. Une bi-antibiothérapie comprenant une bêta-lactamine à
activité antistaphylococcique et antistreptococcique A et la clindamycine associée ou non à
la gentamycine initialement est recommandée [22,13]. Cette antibiothérapie doit être
réévaluée dès l’identification du ou des germes et de leur antibiogramme. Dans les DHBNFN, les lésions cutanées se détériorent inéluctablement et l’évolution se fait rapidement vers
la défaillance multiviscérale malgré la prise en charge de l’état de choc septique.
La chirurgie d’exérèse des zones nécrotiques doit être discutée dès la stabilisation
hémodynamique, cependant le meilleur moment pour sa réalisation n’est pas clairement
codifié [17]. Les cinq décès de la série pédiatrique de Moss et al. sont survenus chez des enfants
ayant bénéficié d’une chirurgie retardée par rapport au début des symptômes, retards tous
liés à une errance ou un retard diagnostique ; les 15 survivants ont été opérés dans les 3 heures
de l’admission à l’hôpital [23]. Une étude rétrospective adulte récente semblerait confirmer
l’urgence de la chirurgie [24]. Toutefois, d’autres auteurs rapportent des observations de FN
ayant évolué favorablement sans chirurgie précoce même si elle s’est avérée nécessaire dans
un second temps (au-delà de 15 jours du début de la maladie). Reconnaître de façon précoce
les formes d’infections cutanées sévères nécessitant un traitement chirurgical rapide semble
indispensable afin d’améliorer leur prise en charge.
Autres complications des DHBN et des FN
Une coagulopathie est retrouvée dans 28 à 50 % des cas de FN chez l’enfant, pouvant
aboutir au décès [20,18]. L’extension de l’infection peut se faire vers les tissus adjacents et
provoquer ostéomyélites et arthrites. L’imagerie permet de détecter ces complications avant
leur prise en charge chirurgicale.
Enfin, du fait de l’inflammation locale importante, les patients sont à risque de thrombose
et un traitement anticoagulant préventif doit être initié afin de prévenir le risque
thromboembolique [1,21].
Autres approches thérapeutiques
L’utilisation des immunoglobulines polyvalentes, surtout dans le cadre des DHBN-FN
dues au SBHA semble réduire la mortalité et doit être discutée dans la prise en charge
thérapeutique initiale [22]. Ce traitement ne fait pas parti des recommandations
internationales mais pourrait être intéressant dans ce type d’infections sévères fréquemment
aggravées par un mécanisme toxinique [20]. Le recours à l’oxygénothérapie hyperbare peut
être proposé en complément des traitements précédents. Une étude rétrospective
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INFECTIONS SUPERFICIELLES DE LA PEAU ET DERMO-HYPODERMITES BACTÉRIENNES
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multicentrique récente sur près de 45 000 cas chez des adultes a montré une réduction de la
mortalité chez les patients bénéficiant de séances d’oxygénothérapie hyperbare (4,5 vs 9,4 %,
p = 0,001) [25]. Ces séances permettraient d’avoir un effet bactéricide sur les germes
anaérobies, une amélioration de l’oxygénation tissulaire et de la phagocytose. Les données
pédiatriques concernant l’efficacité de ces traitements sont cependant quasiment inexistantes.
Antibioprophylaxie des sujets contacts autour d’un cas d’infection invasive
communautaire à streptocoque de groupe A [26]
En 2005, le conseil supérieur d’hygiène publique (CSHP) de France a émis des
recommandations sur la conduite à tenir autour d’un cas ou de plusieurs cas d’infections
invasives à streptocoque de groupe A. Autour d’un cas, une antibioprophylaxie doit être
prescrite aux sujets contacts (vivant au domicile ou contact physique proche ou dans la même
institution : crèche, institutions de personnes âgées) à risque d’infection invasive à
streptocoque A (âge > 65 ans, varicelle évolutive, lésions cutanées dont brûlures, toxicomanie
intraveineuse, pathologie évolutive : cancer, diabète, hémopathie, infection par le VIH,
insuffisance cardiaque), corticothérapie à dose équivalente > 5 mg/kg/jour de prednisone
pendant > 5 jours ou ≥ à 0,5 mg/kg/jour de prednisone pendant 30 jours ou plus. Les contacts
doivent avoir eu lieu dans les 7 jours précédant le début de la maladie ou dans les 24 première
heures de traitement antibiotique du cas.
L’antibiotique prescrite au(x) sujet(s) contact(s) avec facteur de risque d’infection
invasive est le cefuroxime-axétil ou le cefpodoxime-proxétil pendant 8 à 10 jours, ou, en cas
de contre-indication aux céphalosporines, l’azithromycine pendant 3 jours ou la clindamycine
pendant 10 jours.
DHBN-FN : perspectives
Chez l’enfant, les DHBN-FN sont rares. L’évolution peut être gravissime alors que la
symptomatologie locale initiale est pauvre. Aussi la surveillance au cours d’une DHB doit
être rigoureuse afin de ne pas méconnaître une DHBN-FN. A la moindre hésitation entre
ces 2 diagnostics, il ne faut pas hésiter à effectuer un rapprochement vers un centre de
réanimation pédiatrique et discuter la réalisation en urgence d’une imagerie.
Une trentaine de services de réanimation pédiatrique en France, Suisse, Belgique et
Canada francophone sont actuellement impliqués dans le recueil des DHBN-FN dans le
cadre de l’étude SCIPIC (www.scipic.net). Elle devrait permettre d’apporter des réponses
précises sur la description clinique et microbiologique de ces patients, d’étudier un éventuel
terrain prédisposant et de confronter les prises en charge médico-chirurgicales.
AUTEURS :
R. BLONDE 1, Ph. BIDET 2, A. FAYE 3, S. DAUGER 4 , A. BOURRILLON 3, M. LORROT3.
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Robert Debré 48, Boulevard Sérurier 75019 Paris (France). Université Paris
Diderot.
2
Service de Microbiologie, Hôpital Robert Debré 48, Boulevard Sérurier 75019 Paris (France). Université Paris
Diderot
3
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Robert Debré 48, Boulevard Sérurier 75019 Paris (France). Université Paris
Diderot.
Service de Réanimation pédiatrique, Hôpital Robert Debré 48, Boulevard Sérurier 75019 Paris (France). Université
Paris Diderot.
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R. BLONDE, PH. BIDET, A. FAYE, S . DAUGER , A. BOURRILLON, M. LORROT
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Mathie LORROT - Service de Pédiatrie Générale du Pr FAYE Hôpital Robert Debré (AP-HP) 48, Boulevard
Sérurier 75019 Paris.
Université Paris Diderot.
Tel: 01 40 03 53 61 Fax: 01 40 03 47 45
Email : mathie.lorrot@rdb.aphp.fr
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TRAITEMENT MINI-INVASIF
DES MALFORMATIONS PULMONAIRES
par
N. KHEN-DUNLOP, Y. REVILLON
Le traitement mini-invasif des malformations pulmonaires comporte d’une part les
procédures chirurgicales par thoracoscopie et d’autre part les procédures interventionnelles
radiologiques ou endoscopiques. La difficulté de la chirurgie pulmonaire par voie miniinvasive réside dans l’espace réduit et non extensible que constitue la cavité thoracique chez
le petit enfant ou le nourrisson. Les bénéfices cicatriciels de cette technique, tant esthétiques
que fonctionnels ont cependant été un élément déterminant de son développement en
pédiatrie et de son utilisation chez des patients de plus en plus jeunes [1]. La prise en charge
mini-invasive n’a pas modifié les indications de chirurgie thoracique de l’enfant. On retrouve
donc les mêmes pathologies que celles de la chirurgie à ciel ouvert, la thoracoscopie
apparaissant davantage comme une voie d’abord alternative avec ses avantages et ses limites.
La résection des métastases pulmonaires reste cependant l’une des rares indications à la
chirurgie ouverte, les instruments de thoracoscopie ne permettant pas aujourd’hui la
« palpation » du poumon.
LES INDICATIONS DE LA CHIRURGIE THORACIQUE CHEZ L’ENFANT
Les malformations congénitales du poumon sont la première indication des résections
pulmonaires chez l’enfant. De manière consensuelle, une intervention est proposée dès lors
qu’il existe des symptômes : dyspnée, polypnée, détresse respiratoire aiguë, gêne à la prise
alimentaire, surinfections... Toutefois, même en l’absence de symptomatologie fonctionnelle,
la résection des malformations kystiques est recommandée du fait du risque de complications
infectieuses et de dégénérescence tumorale [2,3]. Une résection chirurgicale est également
réalisée pour toutes les lésions pulmonaires d’aspect atypique, même lorsqu’elles sont
découvertes de manière fortuite [2,3].
Les problèmes d’exposition qui peuvent être majorés par le caractère expansif des
malformations kystiques et emphysémateuses ou le volume incompressible des séquestrations
n’ont pas été un frein au développement des approches mini-invasives, initialement vidéoassistées puis complètement thoracoscopiques.
Dans les malformations pour lesquelles un pédicule artériel systémique est identifié,
l’embolisation par voie endovasculaire peut alors être une bonne alternative thérapeutique
du fait d’une morbidité moindre. Elle reste toutefois réservée aux séquestrations avec une
artère unique et en l’absence de structures kystiques associées [4].
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N. KHEN-DUNLOP, Y. REVILLON
Les lésions pulmonaires acquises représentent la deuxième indication des résections
pulmonaires chez l’enfant. Elles surviennent le plus souvent sur un terrain favorisant :
mucoviscidose, dyskinésie ciliaire ou dans le cadre de déficits immunitaires. Plus rarement, il
peut s’agir de séquelles infectieuses (virose, tuberculose, coqueluche, etc.). Elles se manifestent
sous la forme de dilatations des bronches (ou bronchectasies) ou d’atélectasies. Quelle qu’en
soit la cause, le traitement est avant tout médical. Lorsque les lésions sont localisées et à
l’origine de récidives infectieuses, de complications (hémorragies et abcès) ou d’une gène
fonctionnelle, une exérèse chirurgicale de la zone pathologique est proposée [5]. Ces
chirurgies, faites chez le grand enfant, sont proches de ce qui est réalisé chez l’adulte et ont
nettement bénéficié de l’apport de l’approche mini-invasive, tant sur le confort postopératoire que sur les séquelles cicatricielles.
Les pneumothorax spontanés de l’enfant peuvent être primitifs ou secondaires. Dans le
premier cas, ils surviennent avec une prépondérance masculine (sex ratio de 2/1) et à un âge
moyen de 14-15 ans, typiquement chez des sujets de morphologie longiligne [6,7]. Les
pneumothorax spontanés secondaires surviennent lors de processus inflammatoires
chroniques, typiquement dans l’asthme ou la mucoviscidose, mais également dans le cadre
de pathologies du tissu conjonctif (Marfan et Ehlers-Danlos) ou de maladies plus générales
: néoplasies, maladies auto-immunes, sarcoïdose, histyocytose… [8]. Les recommandations
internationales, comme chez l’adulte, en limitent les indications chirurgicales à la survenue
d’un second épisode homolatéral ou d’un pneumothorax bilatéral, à la persistance d’une fuite
après drainage, à l’existence d’un hémothorax spontané ou à la pratique d’une profession à
risque [9,10]. L’intervention consiste en une résection des zones pathologiques associée à
une pleurodèse mécanique et la thoracoscopie en est aujourd’hui la voie d’abord de référence.
Les malformations diaphragmatiques sont également une indication classique en
chirurgie thoracique de l’enfant. Les hernies de coupoles diaphragmatiques sont dans la
grande majorité des cas diagnostiquées et prises en charge à la période néonatale soit dans les
suites d’un diagnostic prénatal soit du fait de symptômes respiratoires néonataux [11]. Dans
près de 20 % des cas, le diagnostic est fait secondairement, après une décompensation
respiratoire brutale ou de manière « fortuite » lors d’une radio de thorax pour une
bronchiolite par exemple. C’est également le mode de découverte des éventrations
diaphragmatiques, qui sont exceptionnellement à l’origine de symptômes aigus. La labilité
ventilatoire et tensionnelle des enfants porteurs de pathologies diaphragmatiques ainsi que
les difficultés d’exposition chez les plus jeunes limitent encore les indications des abords miniinvasifs à la période néonatale.
PRINCIPES DE LA CHIRURGIE MINI-INVASIVE
Les progrès réalisés sur la miniaturisation du matériel permettent de disposer
d’instruments de 3 ou 5 mm et d’optiques de 5 mm parfaitement adaptés, permettant depuis
les années 2000 une chirurgie pulmonaire par voie entièrement thoracoscopique chez le petit
enfant et le nouveau-né [12,13]. Les contraintes de poids permettent cependant
exceptionnellement l’utilisation d’une sonde à double lumière et le travail en exclusion
pulmonaire (possible après 30 kg), ce qui rend l’exposition plus difficile que chez l’adulte.
Lorsque la lésion siège à gauche, une intubation sélective droite est réalisée. Elle permet certes
un affaissement complet du poumon gauche mais sans possibilité de reventilation per-
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TRAITEMENT MINI-INVASIF DES MALFORMATIONS PULMONAIRES
205
opératoire, très utile pour contrôler la qualité de la résection. Lorsque la lésion siège à droite,
une bonne collaboration avec l’équipe d’anesthésie permet d’obtenir une ventilation à haute
fréquence et à faibles débits, qui si elle est tolérée par le patient, facilite l’accès au poumon
mais sans pouvoir obtenir un affaissement complet.
Le trocart optique est placé à la pointe de l’omoplate, sur la ligne axillaire moyenne. Du
fait de constatations d’augmentations per-opératoires de la PaCO2 de 30 % et de baisses du
pH, les conditions d’insufflation du CO2 sont très restrictives, avec une pression maximale
recommandée à 4-5 mm Hg et un débit à 1-2 L/min [13,14].
Les deux ou trois trocarts opérateurs sont positionnés en triangulation en fonction de la
localisation de la lésion. Les sections parenchymateuses sont volontiers réalisées par des
procédés de thermo-fusion tissulaire (LIGASURE) car ils assurent à la fois le contrôle de
l’hémostase et une bonne pneumostase. Les contrôles vasculaires sont assurés par une
hémostase électrique, des clips ou des fils type Endoloops en fonction de la taille des pédicules.
Les bronches sont chez l’enfant souples et ne nécessitent pas d’agrafage pour en obtenir
l’étanchéité.
Les sutures, en particulier pour les réparations diaphragmatiques, utilisent des fils adaptés
à la thoracoscopie au niveau de la forme des aiguilles afin qu’elles puissent être introduites
par les trocarts de 5 mm, au besoin après avoir été modelées. Comme pour la chirurgie
laparoscopique, ils peuvent être noués en intra-corporel ou en extra-corporel (ils sont alors
passés à l’aide d’un pousse-nœud, qui permet une très bonne mise en tension). La chirurgie
des hernies diaphragmatiques débute par un premier temps de réduction des viscères herniés
en intra-abdominal avant la fermeture de la brèche musculaire. Dans les éventrations
diaphragmatiques, l’intervention consiste en une plicature musculaire, qui permet la
réduction des organes au fur et à mesure de la mise en tension de la coupole. En fonction du
type de hernie, l’abord peut se faire par voie thoracique ou laparoscopique. Du fait d’une
exposition plus favorable, la voie thoracique est préférée pour les hernies postérieures gauches
de Bochdalek et les éventrations alors que la voie abdominale est préférée pour les hernies
antérieures de Morgani-Larrey [15].
RESULTATS DE LA CHIRURGIE MINI-INVASIVE
L’intérêt de la voie d’abord thoracoscopique est à discuter en fonction des pathologies
traitées et de l’âge (et du poids) des enfants, car la difficulté technique du geste est dépendante
de ces deux paramètres.
La thoracoscopie est aujourd’hui la voie d’abord de référence pour les pleurodèses avec
des résultats équivalents à la voie ouverte. Elle permet par ailleurs une très bonne visualisation
de la surface pleurale et un très bon accès au dôme pleural, siège de 90 % des bulles et ce avec
une rançon cicatricielle minimale et un taux de récidive inférieur à 5 % [16,17]. La pleurodèse
chimique a été progressivement abandonnée du fait de son efficacité moindre et de la toxicité
potentielle des agents utilisés (talc, produits iodés…).
La chirurgie par voie mini-invasive a fait la preuve de sa faisabilité pour toutes les
résections parenchymateuses de l’enfant (biopsies, résections atypiques, segmentectomies ou
lobectomies), même chez l’enfant de moins de 5 kg, avec des résultats comparables à ceux de
la thoracotomie, mais au prix d’une majoration du temps opératoire [18]. Cependant, du
fait de risques anesthésiques majorés à la période néonatale, les indications de chirurgie
pulmonaire chez l’enfant de moins de 6 mois restent exceptionnelles [19].
La thoracoscopie apparaît comme la voie d’abord de choix pour l’exérèse des kystes
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N. KHEN-DUNLOP, Y. REVILLON
bronchogéniques car elle permet un accès aisé au médiastin postérieur. Les kystes peuvent
même être en partie vidés afin d’en faciliter leur manipulation et leur extraction. Pour les
autres malformations, les problèmes d’exposition peuvent être importants du fait du caractère
expansif des malformations kystiques et emphysémateuses ou du volume incompressible des
séquestrations. Lorsque l’affaissement de la lésion ne peut être obtenu ou lorsque le poumon
« sain » est peu compliant, l’absence d’obtention d’un espace de travail suffisant peut
nécessiter alors le recours à une conversion, dont le taux diminue avec l’expérience des équipes
[20].
Les hernies de coupole diaphragmatiques nécessitent d’être opérées dès leur diagnostic
et là encore, la chirurgie mini-invasive a fait la preuve de sa faisabilité, même à la période
néonatale. Mais à l’inverse des résections pulmonaires, il persiste aujourd’hui de nombreux
facteurs limitants. La réduction des viscères herniés en constitue l’une des difficultés
principales, amenant certaines équipes à une augmentation des pressions d’insufflations
jusqu’à 10 mm Hg [21]. Elle est classiquement responsable de conversion, surtout lorsque le
foie est ascensionné ou lorsque la réparation nécessite la mise en place d’une plaque
prothétique, dont la bonne fixation en thoracoscopie reste un geste difficile [22]. Bien qu’il
n’y ait pas de différence en terme de survie par rapport à la chirurgie à ciel ouvert, la durée
d’intervention reste supérieure, même chez les opérateurs les plus entraînés, avec un temps
en moyenne doublé [23,24]. Enfin, le risque de récidive est autour de 20 % soit un risque
relatif multiplié par 3,5 par rapport à une réparation à ciel ouvert [24,25].
CONCLUSION
Les contraintes physiques du thorax du petit enfant sont, en thoracoscopie, à l’origine
d’un manque de recul qui peut entraîner un défaut d’appréciation, et d’une étroitesse des
espaces de travail, entravant la liberté des mouvements.
Les progrès de la miniaturisation de l’instrumentation et de l’image, avec des caméras
haute définition, permettent une très bonne visualisation du parenchyme et une évaluation
de l’ensemble de la cavité thoracique plus complète que par une classique thoracotomie.
Les techniques chirurgicales mini-invasives sont à considérer comme une voie d’abord
alternative. La bonne connaissance de leurs avantages et de leurs limites en garantit une
utilisation optimale pour un bénéfice maximal.
AUTEURS :
Naziha Khen-Dunlop, Yann Révillon
Service de Chirurgie Viscérale Infantile, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Naziha Khen-Dunlop - Service de Chirurgie Pédiatrique Viscérale Hôpital Necker-Enfants Malades - 149 rue de Sèvres, 75015 Paris - Tél : 01 44 49 41 98 - Fax : 01 44 49 42 00
Mail : naziha.khen-dunlop@nck.aphp.fr
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TRAITEMENT MINI-INVASIF DES MALFORMATIONS PULMONAIRES
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208
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209
LES ANOMALIES RESPIRATOIRES DANS LA SEQUENCE
DE PIERRE ROBIN
par
V. ABADIE, S. PIERROT, C. CHALOUHI, M. LEBRETON,
B. FAUROUX, V. COULOIGNER
La séquence de Pierre Robin (SPR) est une triade malformative faciale, identifiée par les
généticiens américains dans les années 70 comme l’association d’un rétrognatisme, d’une
glossoptose et d’une fente palatine postérieure. Pierre ROBIN et Victor VEAU avaient décrit
dans la fin des années 20 des enfants atteints de rétrognatisme qui faisaient de graves malaises
obstructifs et vagaux [1]. Ces notions fonctionnelles ont été longtemps oubliées pour être
aujourd’hui tout à fait à nouveau au cœur du débat.
En effet, les enfants atteints de séquence de Pierre Robin posent deux problèmes principaux.
Le premier est celui du cadre nosologique dans lequel leur séquence s’intègre car la moitié
des enfants a au moins une malformation en plus de sa SPR. Cette précision diagnostique
est fondamentale pour le pronostic et le conseil génétique [2,3].
Le deuxième problème est celui de leur trouble fonctionnel. Les enfants atteints de SPR
ont en effet une défaillance plus ou moins importante de la succion et de la coordination
entre la succion et la déglutition, un trouble de la motricité de l’œsophage et du tonus des
voies aéro-digestives supérieures ainsi qu’une fréquente dysrégulation de l’équilibre
sympatho-parasympathique. Les signes respiratoires sont dus à une obstruction de gravité
variable et de mécanisme vraisemblablement mixte à la fois anatomique et fonctionnel [4,5].
La difficulté de prise en charge de cette obstruction respiratoire est liée à plusieurs facteurs.
Premièrement, cette obstruction est très variable d’un enfant à l’autre et doit être évaluée
rigoureusement et de façon similaire d’un site à l’autre pour que les enfants et les stratégies
thérapeutiques puissent être comparés. Deuxièmement, il est difficile de savoir quelles sont
les conséquences à long terme de cette obstruction ventilatoire quand on sait que la situation
pathologique ne sera que transitoire. Il faut bien sûr éviter les accidents aigus, mais avec quel
délai et avec quel niveau l’hypercapnie et les accès d’hypoxémie ont-ils des conséquences sur
le développement ? De plus, ce trouble a une intensité variable dans le temps. En règle
générale, sa gravité s’accentue au cours des premières semaines de vie, reste stable pendant
plusieurs semaines puis s’améliore à partir de l’âge de 4 à 5 mois pour guérir en 12 à 18 mois
environ. L’exigence vis-à-vis du pronostic des enfants atteints de SPR a augmenté avec le
temps. En effet, on sait maintenant que les enfants qui ont une séquence de Pierre Robin
isolée ont un pronostic intellectuel excellent. Les 10 % de mortalité ou 25 % de retard mental
des années 70 ne sont plus tolérables [6].
La question est aujourd’hui celle du choix thérapeutique de l’atteinte respiratoire des
enfants atteints de SPR : à quel moment faut-il intervenir et avec quelle technique ?
L’ensemble des équipes s’accorde pour évaluer l’intensité de l’obstruction ventilatoire de
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210
V. ABADIE, S. PIERROT, C. CHALOUHI, M. LEBRETON, B. FAUROUX, V. COULOIGNER
ces enfants d’une part sur des éléments cliniques :
- courbe de croissance staturo-pondérale, calories nécessaire pour obtenir cette croissance
normale ;
- qualité du développement psychomoteur, qualité du confort et de l’éveil chez un enfant
souvent positionné en décubitus ventral ;
- sommeil calme, cliniquement réparateur ;
- absence d’accès de cyanose ;
- absence de malaise.
Il existe également des critères d’hématose :
- capnie inférieure à 50 mmHg ;
- saturation en O2 supérieure à 95 % durant plus de 95 % du temps d’enregistrement ;
- index d’apnées-hypopnées inférieur à 10 par heure en polysomnographie.
Ces critères sont difficiles à obtenir car les enfants ne sont pas explorés de la même façon
selon les équipes. Peu d’équipes disposent facilement de polysomnographies. Certaines études
du sommeil sont effectuées sans EEG de sommeil (polygraphies), d’autres avec enregistrement
du travail respiratoire par sonde œsophagienne [7].
Chez un enfant atteint de SPR, le choix du traitement de l’obstruction des voies aériennes
supérieures dépend de considérations objectives telles que la sévérité de cette obstruction,
son mécanisme, son évolution probable, l’efficacité et les risques de chaque technique, mais
aussi des convictions physiopathologiques, d’habitudes et de compétences spécifiques de
l’équipe en charge du patient. De façon un peu schématique, les équipes chirurgicales
s’appuient plutôt sur les théories mécanistiques (le rétrognatisme est primitif et l’obstruction
ventilatoire est principalement liée à la position postérieure de la langue et la petite taille de
la mandibule), et privilégient des techniques invasives chirurgicales telles que la
labioglossopexie ou l'ostéodistraction mandibulaire. Les équipes médicales, qui fondent leur
attitude davantage sur une physiopathologie neuro-développementale (le rétrognatisme est
secondaire à un défaut de mobilité oro-faciale anténatale, elle-même causée par un défaut de
fonctionnement de la réticulé caudale du tronc cérébral ; la glossoptose est due à un défaut
du tonus des muscles linguaux et du plancher buccal, principalement durant le sommeil
paradoxal ; le défaut de tonus musculaire des voies aériennes supérieures touche également
le pharynx et le larynx), privilégient les techniques conservatrices telles que la nutrition
entérale en position ventrale, la sonde naso-pharyngée transitoire, la ventilation non invasive
ou la trachéotomie. La trachéotomie est une technique chirurgicale invasive, mais que l’on
peut néanmoins classer dans les techniques conservatrices dans la mesure où elle court-circuite
les voies aériennes supérieures sans en modifier définitivement l’anatomie ou la fonction, en
attendant la résolution spontanée de l’obstruction ventilatoire dont on sait qu’elle survient
chez la quasi-totalité des enfants atteints de SPR au cours de la deuxième année de vie [8,9].
Les deux nouveautés thérapeutiques concernant la prise en charge de l’obstruction
ventilatoire des enfants atteints de SPR sont différemment réparties des deux côtés de
l’atlantique et diamétralement opposées sur le plan conceptuel.
Aux États-Unis et en Amérique du sud, la technique qui donne lieu au plus grand nombre
de publications est l’ostéo-distraction mandibulaire précoce tandis qu’en France, l’équipe de
Brigitte Fauroux propose une alternative thérapeutique intéressante avec la ventilation non
invasive.
L’ostéo-distraction mandibulaire est une technique qui apparaît contradictoire avec ce
que l’on connaît de la physiopathologie et de l’évolution naturelle des enfants atteints de
séquence de Pierre Robin. En effet, en dehors des rares cas de pathologie osseuse primitive,
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LES ANOMALIES RESPIRATOIRES DANS LA SEQUENCE DE PIERRE ROBIN
211
la croissance mandibulaire s’effectue progressivement au cours des premières années de vie.
La grande majorité des enfants ont récupéré de leur rétrognatisme à l’âge de 3 ans. Les deux
points forts avancés par les partisans de l’ostéo-distraction sont un gain de temps par rapport
aux autres traitements disponibles (suppression de l’obstacle des voies aériennes supérieures
en quelques semaines), et la correction chirurgicale du rétrognatisme. Si le premier argument
peut s’entendre, particulièrement en Amérique où les frais liés au soin incombent aux familles,
le second est tout à fait contestable puisque l’évolution naturelle quasi-constante du
rétrognatisme est sa résolution spontanée complète en quelques années. En outre, il s’agit
d’une chirurgie agressive dont les complications ne sont pas rares, notamment infectieuses,
dentaires et cicatricielles [10-12].
La ventilation non invasive est une technique utilisée d’assez longue date chez l’enfant
essentiellement pour des pathologies pulmonaire ou neuro-musculaire [13]. L’utilisation de
la VNI dans des pathologies obstructives est plus récente, mais commence à faire ses preuves.
Le travail de Brigitte Fauroux a porté sur sept premiers patients atteints de SPR dont six
avaient une malformation associée [14]. Ils avaient tous des critères de nécessité de levée
d’obstacle de leur obstruction, mais pouvaient tous respirer calmement pendant plusieurs
minutes permettant la mise en place progressive de la ventilation non invasive. Les
enregistrements du travail respiratoire ont montré que, en moyenne, les enfants avaient un
travail multiplié par six. Cette notion est importante pour comprendre les difficultés de
croissance de ces bébés. Les résultats montrent que la VNI a permis de remonter
significativement la saturation transcutanée moyenne des enfants. Ils étaient en moyenne
ventilés huit heures par jour, ils ont mis une à deux semaines pour s’accoutumer à la technique,
et sont tous rentrés à domicile avec leur VNI. Aucun enfant de la série n’a dû être
trachéotomisé. La durée moyenne de VNI a été de 16 ± 12 mois, deux enfants avaient
toujours leur VNI respectivement à 13 et 39 mois [14].
Cette technique paraît beaucoup plus séduisante que l’ostéo-distraction car elle respecte
la dynamique de croissance spontanée de la mandibule. Elle est peu invasive et d’une grande
souplesse d’utilisation. Ainsi, elle peut être reprise à tout moment si, après son arrêt,
l’obstruction ventilatoire récidive temporairement, notamment à l’occasion d’un épisode
infectieux. Les effets secondaires sont encore difficiles à évaluer compte tenu des faibles
effectif et recul, mais semblent moindres que ceux inhérents à la trachéotomie. Le recul du
massif facial par appui du masque de ventilation peut être atténué par l’utilisation de tailles
et de formes de masques adaptées à l’âge de l’enfant.
La trachéotomie reste une technique parfaitement efficace dont la morbidité peut être
réduite lorsqu’elle est pratiquée par des équipes expertes avec notamment un protocole
chirurgical strict, une surveillance paramédicale initiale attentive, et une éducation
thérapeutique familiale permettant le retour à domicile. Dans la série de notre Centre de
Référence Maladies rares (CRMR) « Syndromes de Pierre Robin et les troubles de la
succion/déglutition congénitaux », 64 enfants ont été trachéotomisés sur une période de 20
ans (17 % de ceux suivis pour PRS sur la même période). Pour tous, l’efficacité a été bonne.
Deux patients sont décédés d’accident lié à la canule (1,5 %) et des effets secondaires mineurs
ont été observés dans la moitié des cas (granulomes trachéaux, trachéomalacies retardant la
décanulation, fistules trachéo-cutanées nécessitant la fermeture chirurgicale de l’orifice de
trachéotomie, infection pulmonaire). Certes, la fréquence de ces inconvénients est élevée
mais leur gravité très modeste doit être comparée aux inconvénients des autres techniques et
à ceux de la pathologie elle-même.
Afin de comparer l’efficacité, la morbidité et le vécu parental de la VNI et de la trachéotomie dans le SPR, nous avons étudié les dossiers cliniques et les questionnaires parentaux
de deux groupes d’enfants appariés a posteriori : le premier est constitué de 8 enfants traités
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V. ABADIE, S. PIERROT, C. CHALOUHI, M. LEBRETON, B. FAUROUX, V. COULOIGNER
par VNI par l’équipe de Trousseau et le second par 11 enfants traités par trachéotomie par
celle de Necker. Ces 11 enfants ont été extraits de la population totale d’enfants du CRMR
trachéotomisés pour SPR du fait de caractéristiques étiologiques et fonctionnelles proches
de ceux pris en charge par VNI. Malgré cet appariement a posteriori, la sévérité moyenne des
cas d’enfants trachéotomisés était supérieure. En effet, dans ce groupe, les âges d’apparition
des symptômes et de début de prise en charge des enfants étaient moindres, et l’état respiratoire à la naissance était moins souvent considéré comme normal. A la fin de leur période de
suivi, les enfants des deux groupes respiraient tous normalement. Selon le questionnaire parental, l’efficacité globale des deux techniques était similaire, et la seule différence relatée par
les parents était une amélioration plus rapide des symptômes respiratoires durant les périodes
d’éveil en cas de trachéotomie. Les complications, les temps d’hospitalisation et les
contraintes familiales, notamment financières, étaient plus importantes dans le groupe des
enfants trachéotomisés.
En conclusion, nous considérons l’ostéodistraction précoce dans la séquence de Pierre
Robin comme une technique agressive et peu logique si l’on considère l’évolution naturelle
du rétrognatisme. En revanche, la VNI et la trachéotomie apparaissent comme des traitements
de choix des formes sévères de SPR, dans un probable continuum de gravité. La VNI est une
technique alternative intéressante à la trachéotomie, du fait de sa moindre lourdeur et morbimortalité. Un protocole est aujourd’hui en place sur les deux sites Necker-Trousseau, pour
proposer aux enfants atteints de séquence de Pierre Robin avec atteinte obstructive sévère,
une VNI si leurs conditions ventilatoires permettent qu’ils soient extubés et aient l’autonomie
respiratoire suffisante pour permettre l’adaptation progressive à la technique de VNI et une
ventilation en proclive ventrale bien tolérée plusieurs heures par jour. Une évaluation de ces
deux stratégies est en cours.
AUTEURS :
V. ABADIE, S.PIERROT, C. CHALOUHI, LEBRETON M, B. FAUROUX, V. COULOIGNER
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Véronique ABADIE : Pédiatrie Générale. Hôpital Necker. Faculté Paris Descartes.
Email : veronique.abadie@nck.aphp.fr
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LES ANOMALIES RESPIRATOIRES DANS LA SEQUENCE DE PIERRE ROBIN
213
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DIAGNOSTIC CLINIQUE ET GENETIQUE DES
ENTEROPATHIES CONGENITALES A REVELATION
NEONATALE : ENTEROPATHIES PAR ANOMALIES
DU DEVELOPPEMENT DE L’ENTEROCYTE
par
J. SALOMON, A. SMAHI, O. GOULET
Les Entéropathies Congénitales par Anomalie du Développement de l’Entérocyte
(ECADE) sont des maladies digestives rares responsables d’une insuffisance intestinale parfois
totale. Elles ont comme caractéristique commune d’être responsables de diarrhées chroniques
à début néonatal, persistantes au repos digestif, et accentuées par l’alimentation. Elles se
distinguent des diarrhées infectieuses, allergiques, ou par déficit immunitaire car les
symptômes, de même que les anomalies histologiques, sont permanents. Malgré un
allongement de la durée de vie lié aux progrès de la prise en charge au long cours par nutrition
parentérale (NP) et dans certains cas par transplantation intestinale, ces pathologies fatales
sans prise en charge adaptée, gardent un pronostic encore médiocre avec une mortalité élevée
liée aux complications de la NP, et/ou aux complications de la transplantation intestinale.
Néanmoins, les récents progrès de la génétique pour plusieurs ECADEs ouvrent la perspective
d’une meilleure compréhension de leurs mécanismes et permettent d’envisager dans un futur
proche, de modifier leur prise en charge en complétant les traitements symptomatiques par
des traitements étiologiques plus ciblés.
On distingue actuellement trois principales ECADEs : l’Atrophie Microvillositaire (AMV),
la Dysplasie épithéliale intestinale (DEI) et la Diarrhée Syndromique ou syndrome TrichoHépato-Entérique (DS/THE). Le diagnostic de ces entéropathies est clinique, histologique et
s’appuie désormais sur les données génétiques. Ces dernières permettent d’aborder la
physiopathologie de ces maladies encore mal comprises et d’envisager le diagnostic prénatal.
Nous ne ferons qu’évoquer enfin les entéropathies par déficits enzymatiques de la bordure
en brosse entérocytaire ou par défaut de transporteur spécifique qui n’ont pas la même gravité.
L’ATROPHIE MICROVILLOSITAIRE (AMV)
Thérapies substitutives
Décrite pour la première fois en 1978, cette entéropathie congénitale rare (1/100 000
naissances en France) se présente cliniquement dans la période néonatale immédiate par une
diarrhée aqueuse profuse (250-300 ml/kg/j), parfois confondue avec des urines, avec des
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J. SALOMON, A. SMAHI, O. GOULET
concentrations en électrolytes fécaux proches de celles de l’effluent iléal (Na+ 95 mmol/l).
Cette pathologie menace le pronostic vital en quelques heures par décompensation hydroélectrolytique. La diarrhée persiste au repos digestif et s’aggrave lors de l’alimentation
orale/entérale. Des formes plus atypiques peuvent prendre un aspect de pseudo-occlusion
intestinale avec des anses grêliques et coliques pleines et distendues. Le plus souvent, la
diarrhée existe dès la vie fœtale avec un hydramnios et s’exprime alors dans les premiers jours
de vie (formes précoces), mais il existe des formes moins sévères dans lesquelles les symptômes
peuvent n’apparaître qu’au cours des premiers mois de vie (formes tardives).
A l’examen histologique standard, la coloration par Hématoxyline-Eosine met en
évidence une atrophie villositaire hypoplasique avec un aspect de muqueuse sans relief dans
tout l’intestin grêle et le colon. Initialement le diagnostic était posé sur l’analyse en
microscopie électronique de biopsies duodéno-jéjunales montrant des microvillosités
absentes, ou rares et anormales, en surface de l’entérocyte, et de nombreuses vésicules
intracytoplasmiques de taille variable (Figure 1). Celles-ci correspondent à des corps
d’inclusion membranaires de microvillosités, accumulées sous la membrane apicale
entérocytaire ; S’y associe du matériel intracytoplasmique rehaussé par le marquage à l’Acide
Périodique de Schiff (PAS) appelé « granules sécrétoires » au pôle apical des entérocytes.
Deux marquages sont spécifiques de l’AMV : le PAS (Figure 2), et l’immunomarquage par
l’anti-CD10, une peptidase neutre membranaire, qui réalise normalement un marquage
linéaire de la bordure en brosse dans l’intestin sain. Contrairement à différents contrôles
(intestin normal, maladie coeliaque, entéropathie autoimmune, allergie), les AMV présentent
dans les entérocytes de surface, un immunomarquage CD10 intracytoplasmique prononcé.
Ces résultats sont similaires si l’on utilise l’Antigène Carcino Embryonnaire, et les
phosphatases alkalines, mais qui sont d’usage moins courant. Par ailleurs, les cellules des
cryptes sont morphologiquement quasiment normales et ne contiennent pas les vésicules
apicales. Les inclusions microvillositaires ainsi que les nombreuses granules sécrétoires sont
également présentes à la surface de la muqueuse colique, qui est plus facilement accessible à
la biopsie surtout chez le nouveau-né. Ces anomalies entérocytaires ont pour conséquence
une malabsorption sévère à l’origine d’une insuffisance intestinale définitive.
Plusieurs cas dans une même famille, bien souvent dans un contexte de consanguinité, ont
conduit à envisager une transmission autosomique récessive. En 2008 Müller et coll. ont
montré que des mutations du gène MYO5B codant pour la protéine motrice non
conventionnelle Myosin de type Vb, sont associées à l’AMV dans une cohorte de patients
souffrant d’AMV à début précoce [1]. La majorité des patients souffrant d’AMV à début
précoce et sévère ont des mutations de MYO5B, mais la maladie présente une hétérogénéité
allélique notable [2]. Les mutations décrites sont responsables d’une perte de fonction de la
protéine associée à des troubles de la polarité des cellules épithéliales, ce qui impliquerait la
protéine MYO5B dans la régulation de la circulation des protéines intracellulaires ainsi que
dans l’organisation du cytosquelette. L’inactivation de MYO5B dans des lignées cellulaires
CaCo2 entraîne l’atrophie des microvillosités de la surface cellulaire, ainsi que la protrusion
progressive des cellules ainsi dénudées, suivie par leur exfoliation. Ceci reproduit les aspects
histologiques constatés dans la forme humaine de l’AMV. L’accumulation des granules
sécrétoires est la première anomalie détectée dans le cycle cellulaire de la cellule épithéliale, et
la formation d’inclusions microvillositaires apparaît secondairement dans les cellules plus
anciennes. Les granules sécrétoires correspondraient aux compartiments d’endomembrane
tubulo-vésiculaires PAS+ observés en microscopie électronique. Le glycogène (glycocalyx) et
les lysosomes/endosomes tardifs marqués également par le PAS contribueraient donc à l’aspect
histologique de ce marquage.
Une des premières études multi-centriques de 23 patients AMV avait mis en évidence
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DIAGNOSTIC CLINIQUE ET GENETIQUE DES ENTEROPATHIES CONGENITALES A REVELATION
NEONATALE : ENTEROPATHIES PAR ANOMALIESDU DEVELOPPEMENT DE L’ENTEROCYTE
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une espérance de vie spontanée très réduite avec une survie à 1 an inférieure à 25 % en 1992
[3]. La plupart des patients mourraient de complications septiques, d’insuffisance hépatique
ou de décompensation métabolique. Les traitements par corticoïdes, colostrum, ou Epidermal
Growth Factor ont échoué, mais l’Octréotide a amélioré un patient de façon partielle. La
Nutrition Parentérale (NP) a permis de prolonger cette espérance de vie, avec néanmoins des
limites dues aux complications (métaboliques, vasculaires, infectieuses et hépatiques). De
plus, sans avoir mis en évidence d’association à une pathologie rénale, certains de ces enfants
présentaient des troubles hydro-électrolytiques chroniques et une acidose avec retard de
croissance consécutif. Certains enfants, parce qu’ils ont traversé plusieurs épisodes de
déshydratation associée à des apports phospho-calciques inadaptés, développent une
néphrocalcinose. Quelques cas plus rares d’enfants porteurs d’AMV, surtout dans sa forme
tardive, ont pu survivre avec un volume de selles limité, et n’ayant requis qu’une NP partielle.
Finalement, même avec une NP au long cours correctement conduite, et une croissance
satisfaisante, la plupart des enfants conservent un débit de selles important et inconfortable
justifiant des compensations quotidiennes avec un risque élevé de déshydratation sévère. La
transplantation intestinale est alors devenue le seul traitement définitif de cette maladie
digestive rare, avec des succès variables selon l’expertise des centres [4,5]. Dans l’étude
rétrospective de 24 patients porteurs d’AMV dont près de la moitié était issue de familles
méditerranéennes consanguines, pris en charge dans un centre expert entre 1995 et 2009,
Halac et coll. ont rapporté les résultats suivant : 4 enfants sont morts de complications de la
NP avant l’âge de 4 ans. Avec ou sans transplantation intestinale, les patients avaient
fréquemment un retard de croissance, un retard de développement psycho-moteur, une
pathologie hépatique (20/22 avec fibrose), une maladie rénale, ou de l’ostéoporose. Treize
patients ont eu une transplantation intestinale (TIx) avec ou sans foie associé et le plus
souvent à une transplantation colique, à un âge médian de 3,5 ans. Le suivi après TIx s’étalait
de 0,4 à 14 ans, et le taux de survie à 5 ans était de 63 % sans TI, et 77 % après TI [4].
L’apport de la génétique dans la compréhension de la physiopathologie de l’AMV laisse
entrevoir des possibilités de thérapeutiques plus spécifiquement ciblées sur les anomalies en
cause, mais il n’y a, à ce jour, aucun traitement curatif envisageable pour l’AMV.
LA DYSPLASIE EPITHELIALE INTESTINALE (DEI)
Depuis 1994, une autre diarrhée néonatale sévère clairement différente de l’AMV
dénommée « Tufting Enteropathy » (TE) ou « Dysplasie Epithéliale Intestinale » (DEI) a
été individualisée [5,6]. Elle est liée à une anomalie constitutive de l’épithélium impliquant
à la fois l’intestin grêle et le colon [6,7]. La DEI a la particularité d’être cliniquement
hétérogène, par son association à des malformations ou d’autres maladies épithéliales, mais
est également hétérogène histologiquement et génétiquement.
Dans la forme la plus typique, les patients présentent une diarrhée sévère dès les premières
semaines de vie. La plupart sont issus d’unions consanguines (fréquence de la maladie dans
les populations arabes d’Afrique du Nord), et/ou ont une autre malade dans la fratrie ; certains
étant morts dans les premiers mois de vie d’une diarrhée sévère d’origine inconnue. La plupart
du temps, la diarrhée persiste au repos digestif, mais d’une moindre intensité que dans l’AMV.
Des essais de nutrition entérale continue avec des hydrolysats poussés de protéines, ou des
solutions d’acides aminés n’ont fait qu’accentuer la diarrhée initiale, accentuant le retard de
croissance de ces nouveau-nés avec une malnutrition protéino-énergétique sévère. Si
l’expression clinique peut parfois faire évoquer le diagnostic d’AMV, l’analyse histologique
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de biopsies de l’intestin grêle et du colon permet de distinguer aisément ces deux entités. Une
atrophie villositaire est présente mais de sévérité variable. Dans la forme typique, les anomalies
sont principalement localisées dans l’épithélium (grèlique ou colique) et consistent en une
désorganisation des entérocytes de surface avec un regroupement focal sous forme de
houppettes ou « tufts » (Figure 3). Ces houppettes caractéristiques correspondent à des
entérocytes en cours d’expulsion de l’épithélium, et peuvent être présents sur près de 70 %
des villosités, généralement à l’apex de celles-ci. Ces anomalies se voient également dans
l’épithélium des cryptes, celles-ci présentant d’ailleurs des dilatations pseudo-kystiques et un
aspect ramifié traduisant un renouvellement anormal. L’étude des composants de la lame
basale a mis en évidence des dépôts anormaux de laminine et d’héparane sulfate protéoglycan,
parallèlement à des anomalies de la structure des desmosomes qui sont plus nombreux et plus
longs, corrélés par une augmentation de l’expression de la desmogléine. Le diagnostic définitif
de DEI peut n’être posé que tardivement car les éléments histologiques caractéristiques
manquent souvent dans les premiers mois de vie, ce qui conduit à répéter les biopsies. Une
des difficultés provient de l’infiltration de la lamina propria par des cellules mononuclées T
qui peuvent orienter à tort vers une entéropathie à composante dys-immunitaire, surtout
quand les houppettes manquent initialement. La perméabilité intestinale accrue liée à
l’adhésion cellulaire défectueuse pourrait être responsable de cette réaction inflammatoire.
En 2008 Sivagnanam et coll. ont montré l’association de mutations du gène EPCAM avec
la DEI [8]. Dans la littérature comme dans notre cohorte de patients DEI, le phénotype
associé aux mutations de EPCAM est généralement une diarrhée congénitale isolée, sans
symptôme extradigestif associé, hormis parfois une arthrite de révélation tardive.
EPCAM appartient aux récepteurs d’adhésion cellulaire (CAMs), qui en plus de
fonctions structurelles, joue un rôle dans la signalisation, la migration, la prolifération et la
différenciation cellulaire [9,10]. EPCAM n’est pas retrouvée dans la membrane apicale des
entérocytes (microvillosités) et n’est présente que sur les membranes latérales où elle permet
le rapprochement des membranes intercellulaires. En médiant les interactions homotypiques
entre les lymphocytes intraépithéliaux et les cellules épithéliales intestinales, EPCAM
pourrait contribuer à constituer une barrière immunologique contre les infections de la
muqueuse [9], et inversement en cas d’absence pourrait contribuer à la réaction inflammatoire
observée dans la DEI. La réduction de l’expression d’EPCAM réduit, mais n’abolit pas
complètement, la prolifération et la migration cellulaire [9]. Par ailleurs, le schéma
d’expression d’EPCAM varie en fonction de la maturation cellulaire : normalement, dans
les cryptes coliques, région germinale de la muqueuse colique, les cellules expriment fortement
EPCAM, mais son expression décroît au fur et à mesure que les cellules se différencient et
migrent vers le sommet des villosités [9]. Les souris KO pour EPCAM ne sont pas viables,
les fœtus mourant in utero, présentent un RCIU, un retard de développement, ainsi que des
anomalies placentaires très nettes, par ailleurs suffisantes pour expliquer la mort fœtale [11].
En revanche, les souris EPCAM  sont viables, ne présentent pas d’anomalie phénotypique
particulière et sont fertiles [11]. EPCAM est donc une molécule pléiotropique avec un
important rôle dans l’initiation, le développement, le maintien, la réparation, et le
fonctionnement des épithélium de l’organisme [9].
Si cliniquement la forme typique de DEI ne comporte que la diarrhée précoce et
persistante, plusieurs cas de DEI ont maintenant été décrits associés à des anomalies
phénotypiques : atrésie des choanes, atteintes cutanéo-phanérienne et hématologique,
atteintes conjonctivales [12], anomalies osseuses, et dans un cas un syndrome de Dubowitz.
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DIAGNOSTIC CLINIQUE ET GENETIQUE DES ENTEROPATHIES CONGENITALES A REVELATION
NEONATALE : ENTEROPATHIES PAR ANOMALIESDU DEVELOPPEMENT DE L’ENTEROCYTE
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Certains patients de notre cohorte présentent de plus des imperforations digestives (anale,
intestinale ou œsophagienne). Dans notre cohorte il apparaît que la forme digestive seule
correspond à 65 % et la forme associant la diarrhée à d’autres anomalies correspond à 35 %.
Ces associations rendent compte de la grande hétérogénéité phénotypique de cette maladie.
En 2010, Sivagnanam et al. ont mis en évidence l’existence d’une mutation de SPINT2
chez un patient porteur de Dysplasie Epithéliale Intestinale avec une association syndromique
remarquablement similaire à la forme syndromique décrite par Heinz-Erian dans le cas de
Diarrhée Sodée Congénitale (CSD) [13,14]. En 2009 Heinz-Erian et al. ont montré la
présence d’une mutation du gène SPINT2 chez des patients porteurs d’une CSD de forme
syndromique, les patients non syndromiques n’avaient pas de mutation de ce gène [14]. Les
symptômes présents en dehors de la diarrhée étaient : érosions cornéennes, atrésie des choanes,
fente palatine, hamartome aortique, anomalies des pouces, atrésie anale, dysmorphie faciale,
retard mental modéré, fistule recto-vaginale [14]. Dans notre cohorte de DEI de forme
syndromique la diarrhée est associée à une ou plusieurs de ces anomalies : kératite ponctuée
superficielle (KPS), atrésie des choanes, de l’œsophage ou de l’intestin, imperforation anale,
dysplasie pilaire, hyperlaxité cutanée, anomalies osseuses, hexodactylie, dysmorphie faciale.
Les anomalies n’apparaissent qu’isolément pour la plupart, sauf pour les KPS et les atrésies
des choanes qui sont retrouvées dans la population de nos patients mutés pour SPINT2
systématiquement (100 %) pour l’atteinte conjonctivale et dans 50 % des cas pour l’atrésie
des choanes, et qui ne sont jamais retrouvées dans la population des patients mutés pour
EPCAM. Le cas décrit par Sivagnanam et al. était porteur d’atteinte conjonctivale [13]. Dans
l’article de Heinz-Erian et al. l’incidence de l’atteinte conjonctivale était moindre (9/15).
Par ailleurs, il n’est pas exclu que les symptômes conjonctivaux puissent apparaître
tardivement et puissent manquer chez des enfants qui, dans le cas de cet article, sont morts
en bas âge [14]. Il pourrait également y avoir une différence liée à l’origine géographique des
patients (Autriche, Suède, Pays-Bas) qui diffère de celle des nôtres (France, Italie,
Suisse/Allemagne, Algérie, Canada). Aucune description d’enfant muté pour SPINT2 ne
rapporte d’arthrite, alors que quelques cas dans la littérature ont été décrits associant DEI et
arthrite et différentes mutations d’EPCAM.
Il se pourrait donc que la Diarrhée Sodée Congénitale dont la définition repose sur
l’existence d’une diarrhée néonatale avec des pertes sodées importantes ( > 70 mmol/l dans
les cas décrits par Heinz-Erian) et sur l’absence d’anomalie histologique spécifique de l’AMV
ou de la DEI, puisse être en fait, dans sa forme syndromique au moins, une forme de DEI
dont les anomalies histologiques ne sont pas caractéristiques en période néonatale [14].
Comme cela a été souligné précédemment, les tufts peuvent manquer dans les premières
explorations et les pertes fécales des patients atteints de DEI peuvent, comme dans l’AMV,
dépasser 90 mmol/l. Quelle que soit l’explication, la constatation de ces similitudes
phénotypiques et génotypiques entre la DEI et la CSD conduit à rediscuter la classification
de ces ECADEs.
La protéine SPINT2 n’a pas, à ce jour, de lien biologique identifié avec EPCAM.
SPINT2 est une protéine transmembranaire également nommée Hepatocyte growth factor
Activator Inhibitor Type 2 (HAI-2), qui empêche l’activation de l’HGF et est
potentiellement un inhibiteur de sérines protéases. Ces dernières sont impliquées, entre autres
voies métaboliques, dans la digestion. Via HGF, SPINT2 est impliquée dans la régénération
épithéliale, ainsi que dans les voies de signalisation impliquant NF-kappa-B et TGF beta. De
façon très intéressante, Szabo et al. ont montré que la régulation par SPINT2/HAI2 de la
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protéase de surface Matriptase était essentielle au développement du placenta, à la fermeture
du tube neural et à la survie des souris [15], ce qui a quelques similitudes avec la souris KO
pour EPCAM. Par ailleurs, l’inactivation de SPINT2 entraînait la perte de polarité des
cellules épithéliales [15].
La DEI, résistante à tout traitement, requiert une NP prolongée. Dans la majorité des
cas, la sévérité de la malabsorption intestinale et de la diarrhée rendent les enfants dépendant
à vie, mais certains enfants semblent présenter un phénotype moins sévère avec un sevrage,
au moins partiel, possible après une ou deux décennies [16]. Dans tous les cas, la NP doit
éviter le retard de croissance, tandis que les complications, parfois fatales, doivent être
prévenues. Dans cette situation, se pose alors l’indication d’une transplantation intestinale
qui n’est néanmoins pas réalisable dans tous les pays.
DIARRHEE SYNDROMIQUE (PHENOTYPIC DIARRHEA)
OU SYNDROME TRICO-HEPATO-ENTERIQUE (THE)
Dans cette pathologie les patients présentent une diarrhée dans les premiers mois de vie
(dans le premier mois dans la plupart des cas, ou au plus tard avant le 6ème mois) et partagent
plusieurs anomalies phénotypiques :
- Un retard de croissance intra-utérin.
- Un déficit immunitaire par défaut de réponse humorale, malgré un taux normal
d’immunoglobulines, ainsi que des anomalies des tests cutanés à des antigènes spécifiques
malgré une bonne réponse proliférative in vitro [17].
- Une dysmorphie faciale associant un front proéminent, une base du nez large, et un
hypertélorisme [17].
- Des anomalies des cheveux qui sont laineux, incoiffables, dépigmentés et facilement
déracinables, tricorrhexis nodosa [17].
- Des anomalies cutanées : dont des taches café-au-lait sur les membres inférieurs.
- Divers : des anomalies cardiaques [18], un retard mental [19], une colite ont été décrits
sporadiquement, ainsi qu’un cas associant hydramnios, anomalies placentaires, et
hémochromatose congénitale rapporté de façon isolée.
La diarrhée est liée à une malabsorption sévère et définitive ; une hépatopathie est associée
dans 50 % des cas avec fibrose extensive ou cirrhose [17]. L’analyse histologique des biopsies
intestinales de ces patients n’est pas spécifique, avec une atrophie villositaire modérée à sévère,
un infiltrat, inconstant de la lamina propria par des cellules mononuclées, mais sans anomalies
de l’épithélium.
L’identification en 2010 par Hartley et al. de mutations du gene TTC37 chez des enfants
présentant une diarrhée syndromique offre des perspectives pour comprendre les mécanismes
physiopathologiques sous-jacents à cette expression phénotypique [18]. TTC37 code pour
une protéine hypothétique connue sous le nom de Thespin dont Fabre et al. ont montré
l’existence dans de nombreux tissus (endothélium vasculaire, ganglions, tige pituitaire,
poumon et intestin), mais qui n’est pas, contrairement à ce que l’hépatopathie clinique
pourrait laisser supposer, exprimée dans le foie [19]. La structure hypothétique est une
protéine majoritairement cytosolique avec potentiellement 4 domaines transmembranaires
[19]. Tous les cas de diarrhée syndromique n’ont pourtant pas de mutation du gène TTC37.
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NEONATALE : ENTEROPATHIES PAR ANOMALIESDU DEVELOPPEMENT DE L’ENTEROCYTE
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Cliniquement hétérogène, la diarrhée syndromique s’est donc révélée être une maladie
également génétiquement hétérogène. En 2012, Fabre et al. ont mis en évidence chez des
patients ayant une Diarrhée Syndromique, non mutés pour TTC37, des mutations du gène
SKIV2L [20]. Ce gène code pour une protéine du complexe multiprotéique Ski qui est
impliqué dans le contrôle de l’ARN par l’exosome, comprenant la régulation des ARNm
normaux et la dégradation des ARNm non fonctionnels. Ces découvertes récentes ayant
ouvert la voie, de plus amples études sont désormais nécessaires pour progresser dans la
compréhension de cette pathologie complexe.
Le pronostic de cette ECADE est mauvais, le décès survenant le plus souvent dans les
premières années avec parfois une hépatopathie précoce évoluant rapidement vers la cirrhose
terminale. De façon exceptionnelle, certains patients auraient atteint 30 ans [19].
AUTRES ENTEROPATHIES :
Diarrhée chlorée congénitale (OMIM 214700)
Caractérisée par un hydramnios avec prématurité fréquente, absence de méconium (selles
liquides), diarrhée néonatale abondante et persistante au repos digestif, cette diarrhée est
responsable de déshydratation majeure dans les jours suivant la naissance. Le tableau
biologique est caractéristique : hypochlorémie (50 - 70 mmol/L), alcalose métabolique et
hypokaliémie, absence d’excrétion urinaire de chlore et dans les selles : concentration en
chlore (> 150 mmol/L), supérieure à la somme des concentrations de sodium et de potassium.
Maladie autosomique récessive liée à une mutation du gène SLC26A3 (chromosome 7q31).
Son pronostic est bon avec des apports en NaCl élevés et adaptés aux circonstances.
Déficit congénital en Lactase (OMIM 223000)
La diarrhée apparaît lors de l’alimentation lactée (lactose), mais disparaît à l’arrêt de celleci, la muqueuse est histologiquement normale. La forme sévère de l’enfant est associée à des
mutations de la partie codante du gène de la lactase affectant la structure de la protéine et
l’inactivation de l’enzyme, alors que la forme modérée de l’adulte (intolérance au lactose)
serait due à des variants présents dans les éléments régulateurs.
Déficit en Sucrase-Isomaltase (disaccharidase) (OMIM 222900)
La diarrhée osmotique apparaît à l’ingestion de sucrose (Saccharose) et de disaccharides
issus de la digestion de l’amidon ou d’autres polymères de glucose. Cette maladie résulte de
mutations du gène de la sucrase-isomaltase. Les patients bénéficient d’un traitement par
ingestion de levures capables de compenser partiellement une activité sucrase et isomaltase
déficiente.
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Malabsorption du glucose-galactose (OMIM 606824)
Diarrhée néonatale hyperosmolaire avec acidose métabolique, sévère (fatale) qui disparaît
au retrait du glucose et du galactose de l’alimentation. L’ingestion de xylose ou de fructose
ne donne pas de symptômes, les enfants peuvent donc être nourris à partir d’une formule ne
contenant des hydrates de carbone que sous forme de fructose. Les symptômes tendent à
s’améliorer avec l’âge. La maladie est liée à des mutations du gène SLC5A1 (22q13.1), formes
sévères en cas de mutations tronquantes, formes plus modérées en cas de mutation entraînant
une protéine entière mais aux fonctions altérées
Malabsorption du fructose
Mutation de SLC2A5 (ou GLUT5).
AUTEURS :
J. Salomon , A. Smahi, O. Goulet
AUTEUR CORRESPONDANT :
Dr Julie Salomon - Service de Gastro-entérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatriques
Hôpital Necker-Enfants Malades - 149 rue de Sèvres - 75015 Paris
julie.salomon@nck.aphp.fr.
Figure 1 : Atrophie Microvillositaire (microscopie électronique de biopsie jéjunale) :
la bordure en brosse est quasiment absente. Le cytoplasme contient des inclusions microvillositaires.
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Figure 2 : Marquage à l’Acide Périodique de Schiff (PAS).
A: Muqueuse normale, marquage PAS normal de la bordure en brosse
B: Atrophie Microvillositaire : Accumulation anormale de matériel PAS positif à l’apex du cytoplasme des
entérocytes.
Figure 2A
Figure 2B
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J. SALOMON, A. SMAHI, O. GOULET
Figure 3 : Dysplasie Epithéliale Intestinale : Atrophie villositaire partielle avec hyperplasie
des glandes et /ou aspect pseudo-kystique, ramifié des glandes ; désorganisation de
l’épithélium de surface (« tufts »).
RÉFÉRENCES
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DIAGNOSTIC CLINIQUE ET GENETIQUE DES ENTEROPATHIES CONGENITALES A REVELATION
NEONATALE : ENTEROPATHIES PAR ANOMALIESDU DEVELOPPEMENT DE L’ENTEROCYTE
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NOUVELLES TECHNIQUES D'EXPLORATION
DE L'INTESTIN GRELE : VIDEOCAPSULE ENDOSCOPIQUE
ET ENTEROSCOPIE DOUBLE BALLONS
par
J. VIALA, C. DUPONT-LUCAS, M. BELLAÏCHE
L’exploration de l’intestin grêle représente une difficulté technique pour le
gastroentérologue. Longtemps l’accès à cet organe est resté aléatoire ou se faisait à distance
grâce à l’imagerie. Cependant, si les examens radiologiques permettent une analyse efficace
de la paroi digestive, ils ne peuvent visualiser la muqueuse digestive. L’entéroscopie poussée
permettait un accès aux tous premiers centimètres du jéjunum. Au-delà, pour explorer la
muqueuse jéjunale distale ou l’iléon, les praticiens étaient contraints de recourir à la
laparotomie avec entéroscopie per-opératoire. Dans cette procédure, une entérotomie
chirurgicale permet d’introduire un endoscope dans la lumière intestinale. Le chirurgien
invagine l’intestin sur l’endoscope pour permettre la progression de l’endoscope. Cette
technique endoscopique est compliquée à mettre en œuvre et fréquemment suivie d’un iléus
prolongé.
Les progrès récents des technologies endoscopiques ont permis de développer de
nouveaux outils diagnostique et thérapeutique d’endoscopie interventionnelle. La
vidéocapsule endoscopique (VCE) et les techniques d’entéroscopie assistée qui regroupent
l’entéroscopie double-ballons (EDB), l’entéroscopie simple ballon (ESB) et l’entéroscopie
spiralée (ES). Ces procédures sont complémentaires avec un rôle diagnostique pour la
vidéocapsule et plutôt interventionnel pour les entéroscopies assistées. Notre propos
consistera en une mise au point des ces nouvelles technologies et leurs utilisations chez
l’enfant.
LA VIDEOCAPSULE DE L’INTESTIN GRELE
La VCE du grêle a été décrite pour la première fois en 2000, et est utilisée chez l’enfant
depuis 2003. Le principe de cet examen repose sur l’ingestion d’une caméra associée à une
source lumineuse, des batteries et un transmetteur hertzien. La vidéocapsule PillCam® SB2
(Given Imaging, LtD, Yoqneam, Israel) par exemple, mesure 11 x 26 mm et pèse 4 g. Les
images sont transmises au fur et à mesure vers des antennes contenues dans une ceinture ou
collées sur le tronc avant d’être enregistrées dans un boitier porté à la ceinture. La capsule
progresse le long de l’intestin sous l’effet des contractions péristaltiques et enregistre 2 images
par seconde, pendant 8 à 9 heures. Afin d’assurer une visualisation optimale de la muqueuse
du grêle, il est habituel de réaliser une préparation intestinale [1]. Deux prises de laxatif, le
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soir précédant et le matin de l’examen, sont préférables [2].
Il n’y a pas de recommandations concernant l’âge minimum auquel l’enfant peut ingérer
la capsule : ceci dépend de la maturité et de la motivation du patient, ainsi que de la persuasion
de l’équipe médicale. Une étude prospective européenne multicentrique menée chez des
enfants de moins de 8 ans a montré que 24 % d’entre eux avalaient la capsule sans difficulté
[1]. En cas d’impossibilité d’ingérer la vidéocapsule, celle-ci peut être déposée dans le 2e
duodénum, par endoscopie haute sous anesthésie générale. Différents systèmes permettent
d’introduire la capsule à l’extrémité de l’endoscope : dispositif de largage ou filet de Roth.
Ainsi, le plus jeune cas décrit d’endoscopie par vidéocapsule était âgé de 8 mois [3].
Une fois la capsule ingérée ou déposée par endoscopie, l’ingestion de liquides clairs est
autorisée 2 heures après le début de l’examen et l’alimentation solide 4 heures après. La lecture
des images par un endoscopiste entraîné nécessite environ 40 à 60 minutes.
Indications
Les indications reconnues par l’American Society for Gastrointestinal Endoscopy
(ASGE) Technology Commitee sont le saignement occulte (anémie ou hémorragie digestive
inexpliquée après fibroscopie et coloscopie normales), le bilan d’extension à l’intestin grêle
des polyposes, la recherche de maladie de Crohn, la maladie cœliaque, la maladie du greffon
contre l’hôte, les lymphangiectasies, et la recherche de pathologie pouvant expliquer un retard
de croissance ou une douleur abdominale.
L’exploration de l’intestin grêle est complète dans 87 à 91 % des cas selon les séries
pédiatriques publiées [1,4-6]. Le rendement diagnostique, c’est-à-dire le pourcentage de cas
pour lesquels la VCE a montré des lésions du grêle, varie selon les indications. Parmi les séries
pédiatriques publiées, le rendement diagnostique de la VCE était estimé entre 27 et 62 %
dans les cas d’hémorragies digestives occultes ou d’anémies ferriprives [1,4-6]. La valeur
prédictive négative de l’examen est également intéressante puisque 80-100 % des adultes sans
lésion observée à la VCE n’auront aucune récidive de leur hémorragie [7].
L’intérêt de la VCE dans les maladies inflammatoires du tube digestif (MITD) est double
: visualisant des ulcérations du grêle, elle permet d’établir le diagnostic de maladie de Crohn
en l’absence de lésion visible aux fibroscopie oesogatroduodénale et iléocoloscopie, ou en cas
de colite inclassée. Ainsi, dans une série pédiatrique prospective de 117 enfants, la VCE a
révélé des lésions de l’intestin grêle dans 16 cas de colite inclassée tandis que l’imagerie (IRM
ou échographie) ne décrivait des lésions que dans 7 cas (p < 0,05) [8]. De même, parmi les
18 suspicions de MITD, la VCE a montré des lésions de l’intestin grêle typiques de maladie
de Crohn dans 9 cas, contre 4 par imagerie (p < 0,01). Chez l’enfant, les rendements
diagnostiques de la VCE au cours d’une suspicion de MITD ou en cas de maladie de Crohn
connue sont respectivement estimés entre 42 et 55 % et entre 56 et 88 % [1,4-6].
Au cours des polyposes responsables de lésion de l’intestin grêle, tel que le syndrome de
Peutz-Jeghers, l’exploration par VCE apparaît le moyen le plus sûr et le mieux toléré pour
déterminer le nombre et la taille des polypes présents dans l’intestin grêle. Dans cette
indication, son rendement diagnostique est entre 62 % et 79 %.
Les complications
Les deux complications principales sont représentées par l’incapacité à avaler le dispositif
et la rétention de la VCE. Comme nous l’avons vu, le premier obstacle peut être contourné
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par une dépose endoscopique de la VCE. Pour sa part, la rétention est caractérisée par des
symptômes d’occlusion intestinale ou la stagnation de la VCE plus de 15 jours dans l’intestin
et nécessitant un geste endoscopique ou chirurgical pour permettre l’extraction. Le risque
de rétention dépend de la situation clinique. Il est globalement estimé à 2 % chez l’enfant [9]
mais augmente jusqu’à 21 % en cas de sténose connue au cours d’une maladie de Crohn. Si
les techniques d’imagerie, entéro-IRM, entéro-scanner, transit du grêle ou échographie
peuvent révéler l’obstacle, elles ne permettent pas, en revanche, de l’éliminer formellement.
Ainsi, jusqu’à 30 % des rétentions sont survenues après l’un des ces examens. Dès lors, une
capsule de calibration, la capsule Patency AGILETM, peut être utilisée. Composée de lactose
protégé par une pellicule, elle contient un centre radio-opaque qui permet de la localiser sur
une radiographie d’abdomen sans préparation ou au scanner avant qu’elle ne se délite après
40 heures passées dans l’intestin. Si elle est évacuée dans les selles, le risque de rétention de la
VCE est significativement diminué.
La VCE est donc un examen simple, indolore et bien toléré chez l’enfant qui permet de
révéler nombre de lésions de l’intestin grêle qui seraient passées inaperçues lors des
explorations radiologiques. Elle peut être réalisée chez le nourrisson et la rétention est rare
pour peu que le risque de sténose intestinale soit estimé par une capsule de calibration.
ENTEROSCOPIE ASSISTEE
Si la VCE permet de visualiser les lésions muqueuses de l’intestin grêle, son utilité est
limitée par son incapacité à s’orienter, à réaliser des biopsies ou des gestes interventionnels.
L’entéroscopie assistée permet de pallier ces limites. Plusieurs techniques ont été développées
qui partagent le principe de base d’invaginer l’intestin grêle sur un surtube dans lequel
l’entéroscope progresse.
Les différentes entéroscopies assistées
L’entéroscopie double-ballons fut le premier outil développé au Japon. Des ballons placés
aux extrémités d’un surtube et de l’entéroscope permettent successivement de progresser dans
l’intestin grêle avant de l’invaginer sur le surtube. La pression exercée par les ballons retient
l’intestin et maintient ainsi la progression de l’entéroscope. Selon ce même principe du «
pousser-tirer », l’ESB utilise seulement un ballonnet à l’extrémité du surtube. La progression
est assurée par l’extrémité de l’entéroscope qui, béquillée en J, permet d’accrocher l’intestin
grêle et de le tracter jusqu’au ballonnet du surtube qui immobilise l’invagination. L’ES utilise
un surtube particulier, recouvert d’une spirale mousse dont la rotation invagine
progressivement l’intestin grêle et fait progresser l’entéroscope placé en son centre.
Cependant cette dernière technique n’est plus disponible en France après avoir perdue son
marquage CE et son surtube avait un diamètre peu compatible avec une utilisation réellement
pédiatrique.
Les entéroscopies peuvent être réalisées par voie orale ou anale. La VCE détermine la voie
à privilégier. Pour des lésions sur le dernier quart de l’intestin grêle, une entéroscopie par voie
basse est préférable. Chez l’enfant, la progression dans l’intestin grêle est estimée entre 2 et
3 mètres lors d’examens qui durent en moyenne 100 minutes [10-12]. Chez l’enfant
l’utilisation de matériels aussi larges pose question. Les entéroscopes à ballon utilisent des
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surtubes dont le diamètre externe est de 13,2 mm. Cependant des EDB et ESB ont été
respectivement rapportées chez des enfants de 3 ans [11] et 37 mois [13].
L’exploration de l’intestin grêle peut être totale, soit au cours d’une seule entéroscopie
par voie orale, soit après l’association des 2 entéroscopies successives par voies haute et basse.
Chez l’adulte, l’EDB semble plus performante que l’ESB pour réaliser une exploration
complète de l’intestin grêle avec une fréquence de 66 % contre 22 % pour l’ESB [14]. Chez
l’enfant, les performances sont très variables avec 6 à 43 % des explorations qui se révèlent
complètent. Cependant, une exploration complète n’est pas corrélée à un meilleur rendement
diagnostique.
L’entéroscopie diagnostique
Bien que l’entéroscopie soit moins un outil diagnostique que la VCE, elle permet de
confirmer une lésion suspectée lors d’une VCE ou en visualiser de nouvelles. Dans une étude
adulte, les valeurs prédictives et négatives de la VCE sur la capacité de l’EDB à détecter une
lésion étaient respectivement estimées à 94,7 % et 98,3 % [15]. En d’autres termes, moins de
2 % des adultes dont l’exploration de l’intestin grêle par VCE était normale révèlent une
lésion en entéroscopie. L’entéroscopie a principalement un rôle diagnostique lors des
hémorragies digestives ou des pathologies nécessitant une confirmation histologique.
Une récente méta-analyse a regroupé 12 823 EDB issues de 66 publications anglophones
adultes [16]. Parmi les 5 268 procédures pour hémorragies occultes, l’EDB observait une
lésion dans 68 % des cas. Les études pédiatriques plus restreintes rapportent des rendements
diagnostiques d’environ 70 % dans cette situation clinique [10,11,17]. Les lésions
hémorragiques les plus fréquemment rencontrées en EDB pédiatrique étaient des
lymphangiomes ou des hémangiomes.
L’entéroscopie permet également de réaliser des biopsies dans l’intestin grêle. Dans 12
situations de malabsorption non déterminées, l’EDB a permis d’établir 4 nouveaux
diagnostics et d’en confirmer 3 autres [18]. Par ailleurs, la maladie cœliaque peut se présenter
sous forme de lésions disséminées dans l’intestin grêle. Si l’atteinte est préférentiellement
duodénale proximale, des cas de lésions jéjunales isolées ont été rapportés. Dans ces situations,
l’EDB a permis d’établir des diagnostics histologiques [11]. Chez l’adulte, le risque d’un
lymphome T entéral peut être confirmé ou récusé par l’EDB [19].
La maladie de Crohn est une autre pathologie de plus en plus fréquente de l’intestin grêle
de l’enfant. Généralement, les endoscopies conventionnelles aboutissent au diagnostic.
Cependant, dans certains cas, seule l’entéroscopie a permis le diagnostic [8]. Dans cette étude
pédiatrique, l’ESB a également été utile pour observer les lésions responsables d’une évolution
défavorable incomprise et améliorer ainsi le traitement et le confort de ces patients.
Enfin, l’entéroscopie apporte une solution diagnostique dans ces cas rares. La surveillance
histologique de l’intestin est ainsi possible chez les porteurs d’une greffe intestinale ou en cas
de réaction digestive du greffon contre l’hôte chez les enfants greffés de moelle. Des cas isolés
rapportent également des diagnostics inattendus de diverticule de Meckel [11,17],
d’entéropathie eosinophilique [13], de duplication digestive [11], de mastocytose digestive
[20]…
L’entéroscopie thérapeutique
Le principal intérêt de l’entéroscopie réside dans sa capacité à réaliser des gestes
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interventionnels. Chez 50 adultes, l’électrocoagulation au plasma Argon de lésions
vasculaires, des angiodysplasies dans la grande majorité des cas, a réduit les besoins
transfusionnels de 60 à 16 % des patients [21].
Les polypectomies sont également couramment réalisées dans l’intestin grêle en
entéroscopie. Le syndrome de Peutz-Jeghers associe une polypose pandigestive mais
prépondérante dans l’intestin grêle, une lentiginose et une mutation du gène STK11.
L’entéroscopie assistée est maintenant la procédure de référence pour réséquer les polypes
intestinaux en remplacement de l’entéroscopie per-opératoire, y compris chez l’enfant [17].
L’accès à l’intestin grêle permet d’envisager des dilatations au ballonnet dans le cadre de
maladies inflammatoires, d’adhérences ou de cancers [22]. Un ballonnet de dilatation est
descendu sur fil guide via le canal opérateur de l’entéroscope. Il est placé au travers de la
sténose sous contrôles entéroscopique et radioscopique avant de réaliser la dilatation. Après
1 an de suivi, l’efficacité est bonne chez 70 % des patients avec une nécessité de dilatations
répétées ou d’une résection chirurgicale chez respectivement 17 % et 9 % des patients atteints
d’une maladie de Crohn. Après transplantation hépatique, l’anastomose jéjunobiliaire peut
se sténoser. L’EDB a été utilisée pour dilater ces sténoses en remontant l’anse en Y de Roux
avec un taux de succès estimé à 56 % [17].
Enfin, de nombreux corps étrangers intra-intestinaux ont été extraits à l’aide d’une
entéroscopie, depuis la VCE bloquée jusqu’aux objets ingérés.
Complications
L’EDB et l’ESB sont en général bien tolérées chez l’enfant. Les maux de gorge et les
ballonnements abdominaux disparaissent en 1 à 5 jours [12,20].
Trois complications principales grèvent le pronostic de ces techniques entéroscopiques,
la perforation digestive, l’hémorragie et la pancréatite. Ces complications surviennent
globalement chez 0,8 à 1,7 % des cas adultes [16,23,24]. Les rares publications pédiatriques
n’ont pas rapportées à ce jour de complications graves.
Les perforations occupent 0,1 à 0,3 % des procédures avec un risque majoré en cas
d’entéroscopie par voie basse, de sténose liée à une maladie de Crohn, d’anastomose
intestinale récente ou de lymphome traité par radiothérapie [24]. Ces perforations nécessitent
toujours un traitement chirurgical.
Les hémorragies surviennent dans environ 0,5 % des cas après électrocoagulation au
plasma argon ou polypectomie [24]. Une seule hémorragie a été rapportée chez l’enfant après
une polypectomie [17]. Un geste endoscopique a suffi à contrôler le saignement.
Comme après une endoscopie conventionnelle haute, les enzymes pancréatiques sont
fréquemment élevés après une entéroscopie chez l’adulte. Une étude pédiatrique ne retrouve
pas ce phénomène chez l’enfant [17]. Par ailleurs, les pancréatites aiguës cliniques sont rares,
entre 0,2 et 0,8 % des séries [24]. L’évolution est en général spontanément favorable en 5
jours, bien que des pancréatites nécrotiques, voire mortelles ont été rapportées après
entéroscopie [24].
CONCLUSION
Les récents progrès technologiques en endoscopie digestive ont repoussé les frontières
de l’exploration de l’intestin grêle. Dorénavant, le pédiatre possède deux outils
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complémentaires capables d’assurer nombre de diagnostics et de traitements non sanglants
des lésions de l’intestin grêle. La vidéocapsule endoscopique a un rôle strictement
diagnostique. Si elle ne peut être ingérée, l’endoscopie peut la déposer dans l’estomac. Son
rendement diagnostique est très utile dans les hémorragies digestives occultes ou avérées, dans
la recherche de maladie de Crohn ou les polyposes. Dans un deuxième temps, l’entéroscopie
est utile au traitement des lésions observées. Sa technique du pousser-tirer peut explorer
l’ensemble de l’intestin grêle et apporte une solution thérapeutique définitive dans de
nombreuses situations. L’émergence de nouvelles technologies endoscopiques devrait
prochainement élargir le champ des possibles avec des capsules robotisées capables de
s’orienter ou des procédures entéroscopiques de résection muqueuse ou de traitement
endoscopique transpariétal.
AUTEURS :
Jérôme Viala, Claire Dupont-Lucas, Marc Bellaïche
AUTEUR CORRESPONDANT :
Jérôme Viala. Service de gastroentérologie. Hôpital Robert Debré. 48 Bd Sérurier. Paris XIX
Tel : 0140033683. Fax : 0140035766. Mail : jerome.viala@rdb.aphp.fr
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INFECTIONS NEONATALES A CYTOMEGALOVIRUS.
PROBLEMES THERAPEUTIQUES
par
Y. AUJARD
INTRODUCTION
L’infection à cytomégalovirus (CMV) est la plus fréquente des infections congénitales
virales du nouveau-né avec une incidence de 2,5 p 1000 naissances en France, soit 2000 cas par
an, dont 1800 sont asymptomatiques à la naissance. Une chimiothérapie antivirale spécifique
est disponible depuis quelques années. Elle est utilisée initialement chez l’adulte infecté par le
CMV, le plus souvent dans le contexte d’une immunodépression acquise (Sida), en particulier
en cas de choriorétinite. Ce traitement est potentiellement utilisable chez l’enfant et le nouveauné malgré l’absence d’AMM. Cette restriction contraste avec les études nord-américaines
publiées tant pour des indications curatives [1,2] que dans le but de réduire les séquelles
neurosensorielles chez le nouveau-né infecté [3]. Les indications de ce traitement sont restreintes
et ne sont pas consensuelles, en particulier en raison d’une génotoxicité dans certains modèles
animaux [4,5].
RAPPEL CLINIQUE
Le risque de contamination fœtale est plus élevé - 31 à 45 % - lors d’une primo-infection
au cours de la grossesse que lors d’une récurrence, 0,5 à 3 %. Lorsque la séroprévalence du
CMV est élevée, la contamination lors d’une récurrence devient plus fréquente que lors d’une
primo-infection. Une sérologie positive en début de grossesse n’est donc pas protectrice. Une
dépression de l'immunité cellulaire vis-à-vis du CMV au cours de la grossesse expliquerait les
réactivations du virus latent et la transmission au fœtus. La contamination s'effectue
principalement in utero par voie transplacentaire comme en témoigne l'identification du virus
dans le liquide amniotique, dans le sang fœtal ainsi que dans le sang et les urines du nouveauné, dès le premier jour de vie [6]. La transmission augmente au cours de la grossesse, passant
de 36 % au premier trimestre à 77 % au troisième. Une contamination postnatale par le lait
maternel est possible car près de 40 % des mères excrètent du CMV dans leur lait [7,8]. Cette
excrétion augmente pendant les 4 premières semaines de l’allaitement et se réduit ensuite.
Les conséquences d’une infection postnatale par le CMV chez le nouveau-né n’ont été
rapportées que chez le prématuré de moins de 32 semaines. L’infection reste habituellement
pauci symptomatique ; toutefois, des atteintes neurosensorielles sévères sont possibles. La
pasteurisation du lait de femme a un effet protecteur.
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Y. AUJARD
DIAGNOSTIC CLINIQUE DE L’INFECTION A CMV
L’infection maternelle à CMV est le plus souvent asymptomatique ; elle est rarement
révélée par une fébricule associée, au plan biologique, à un syndrome mononucléosique. La
sérologie maternelle confirme la positivité des IgG et des IgM ; toutefois ces dernières peuvent
persister plusieurs mois et donc précéder la grossesse [6]. L’atteinte fœtale est évoquée devant
des anomalies échographiques, non spécifiques, mais compatibles avec une infection à CMV
: retard de croissance intra-utérin sans cause vasculaire, microcéphalie, hyperéchogénicités
(« calcifications ») intracérébrales, hépatiques et/ou digestives. L’atteinte cérébrale est de
mauvais pronostic, en particulier lorsqu’elle associe à l’atteinte de la substance blanche, une
atteinte cérébelleuse.
A la naissance, près de 90 % des nouveau-nés sont asymptomatiques. La maladie
congénitale généralisée est rare, atteignant 10 % environ des nouveau-nés contaminés. Elle
complique surtout les infections avant 27 semaines et associe un retard de croissance intrautérin, une microcéphalie, des anomalies oculaires (microphtalmie, cataracte, choriorétinite),
une surdité, des atteintes dentaires, un ictère, un purpura, une hépatosplénomégalie, des
troubles neurologiques,… Les formes dissociées sont les plus fréquentes ce qui implique
d’évoquer une infection prénatale à CMV devant une prématurité inexpliquée (34 %), un
retard de croissance intra-utérin (50 %), des pétéchies (76 %), une hépato-splénomégalie (60
%), un ictère pathologique (67 %), une thrombopénie (77 %), et/ou des hernies inguinales
bilatérales (26 %) [9]. Au plan sensoriel, une choriorétinite complique l’infection dans 2 %
des formes asymptomatiques et 6 % des formes symptomatiques ; elle n’est présente à la
naissance qu’une fois sur deux. Une surdité complique une infection asymptomatique dans
7,2 % des cas et 22 à 33 % des formes symptomatiques. Elle peut être dépistée à la naissance
(otoémissions provoquées et surtout potentiels évoqués auditifs), mais sa survenue peut être
retardée, dans 18,2 % des cas, avec une médiane de 27 mois [9].
L’échographie transfontanellaire peut mettre en évidence des anomalies
parenchymateuses, une dilatation ventriculaire, des hyperéchogénicités périventriculaires
et/ou parenchymateuses, une visibilité anormale des vaisseaux lenticulo-striés donnant une
image en « candélabre » - non spécifique de l’infection à CMV [10] - , des kystes
parenchymateux voire des lésions cérébelleuses. L’IRM cérébrale recherche des atteintes
aiguës - perte de la zone intermédiaire, nécroses focales, hémorragies - et des atteintes
chroniques - dilatations ventriculaires, gliose, atrophie cérébrale, kystes épendymaires,
calcifications, polymicrogyrie.
PRONOSTIC
Les séquelles des infections congénitales à CMV sont 10 fois plus fréquentes au décours des
primo-infections maternelles que des réinfections : surdité unilatérale 85 vs 7,4 % ; surdité
bilatérale, 37,7 vs 2,7 % ; troubles du langage 27 vs 1,7 % ; choriorétinite 27,7 vs 1,7 % ; quotient
intellectuel < 70, 55 vs 3,7 % ; microcéphalie / convulsion / paralysie, 51,9 vs 2,7 %. Il existe une
corrélation entre la charge virale sanguine mesurée à la naissance et le devenir neurologique. Audelà de 1000 copies pour 105 leucocytes, soit 1000 à 10000 copies par ml de sang total, le risque
de séquelles est de 53 % contre 5 % en cas de charge virale inférieure à 1000 copies pour 105
leucocytes [11].
Les principaux facteurs cliniques de mauvais pronostic sont une primo-infection
maternelle, une atteinte fœtale dans les 4 premiers mois, des signes d’appel anténatals (retard
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INFECTIONS NEONATALES A CYTOMEGALOVIRUS. PROBLEMES THERAPEUTIQUES
237
de croissance, microcéphalie, une atteinte du système nerveux central). En postnatal, ce sont
une forme symptomatique à la naissance, une imagerie cérébrale anormale, une prématurité,
un retard de croissance [9].
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L’INFECTION A CMV
En anténatal, la positivité de la sérologie maternelle est complétée par la détermination
de l’avidité des IgG maternelles qui permet de définir trois zones de risque pour le fœtus :
avidité < 30 %, infection récente et risque élevé pour le fœtus ; > 70 %, infection ancienne et
donc risque faible ; entre 30 et 70 %, pas de conclusion possible [6,9]. Les IgM pouvant
persister plusieurs mois ne traduisent pas obligatoirement une infection récente.
Le diagnostic biologique postnatal repose sur l’isolement du CMV dans les urines par
PCR. En cas de positivité, la mise en évidence du CMV dans le sang est recherchée, moins
par l’antigénèmie pp65 – dont la sensibilité est inférieure à 30 %, que par la PCR spécifique
quantitative dont la sensibilité et la spécificité sont proches de 100 % [6].
INDICATIONS THERAPEUTIQUES
Une chimiothérapie antivirale spécifique par le ganciclovir (Cymevan®) est utilisable - hors
AMM - chez le nouveau-né mais ses indications ne font pas encore l’objet d’un consensus [2].
Elles peuvent être séparées en trois catégories : indications certaines, probables et possibles [9].
Les localisations entraînant un risque immédiat, essentiellement choriorétinite [12] et
pneumopathie, sont des indications indiscutables au traitement. Une atteinte hépatique, en
particulier dans sa forme cholestatique, expose au risque de fibrose secondaire, et est une
indication thérapeutique probable [13], de même qu’une atteinte digestive de type œsophagite
ou entérocolite. La prévention de la surdité par le ganciclovir des nouveau-nés infectés est une
indication possible du traitement. En effet, poursuivi pendant 6 semaines, ce traitement permet
une amélioration / stabilisation des potentiels évoqués auditifs, dans 84 % contre 60 % des cas
non traités à 6 mois et un an [3]. Ce traitement prévient surtout les surdités faibles et modérées
; il réduit le risque de détérioration en cas d’atteinte précoce. Les indications de ce traitement
préventif ne sont pas entièrement convaincantes car le nombre d’enfants évalués à un an, dans
cette étude, reste insuffisant, les critères biologiques pronostiques n’ont pas été pris en compte
et la durée du traitement - 6 semaines - a été arbitraire. De plus, le ganciclovir a une toxicité
potentielle, hématologique (neutropénie) mais aussi une génotoxicité chez l’animal avec
l’induction de cassures chromosomiques, de translocation et un risque carcinogène, en
particulier testiculaire [4,5].
La posologie du ganciclovir, IV, est de 6 à 7,5 mg/kg, 2 fois par jour en perfusion d’une
heure [14]. Celle du valganciclovir est de 15 mg/kg/j, 2 fois par jour [15-18]. La bonne
biodisponibilité -50 % - de la forme orale, le valganciclovir (Rovalcyte®) permet a priori
de l’utiliser, en relais, du ganciclovir IV, éventuellement à domicile [18]. En raison de la
variabilité inter- et intra- individuelle, un contrôle de la concentration sérique (taux
résiduel) est nécessaire, de même qu’un contrôle de la virémie dont la baisse confirme
l’efficacité du traitement.
La durée optimale des traitements curatifs n’est pas établie [2]. Quelle que soit leur durée,
une reprise du traitement est nécessaire si survient une rechute symptomatique en particulier
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Y. AUJARD
en cas de choriorétinite. Des protocoles internationaux sont en cours pour évaluer l’intérêt
d’un traitement prolongé, 6 à 12 mois, avec la forme orale, dans le but d’obtenir une meilleure
réduction du risque de surdité. Une surveillance de la NFS, en particulier des globules blancs
et des plaquettes, est nécessaire tous les 8 à 10 jours ; une neutropénie inférieure à 500/mm3
implique la suspension transitoire du traitement. Outre les localisations et les facteurs de
risques cliniques, l’importance de la virémie initiale, prélevée dans les premiers jours de vie,
peut être utilisée comme facteur décisionnel d’un traitement curatif ou préventif. Dans tous
les cas, une information abordant les bénéfices/risques du traitement et un consentement
parental sont nécessaires [19].
CONCLUSIONS
L’efficacité de la chimiothérapie anti CMV est indiscutable mais les indications
thérapeutiques ne sont pas formellement établies chez le nouveau-né, en dehors des situations
de sauvegarde lorsque la localisation est menaçante à court terme. La validation des
indications possibles et probables devraient relever de protocoles prospectifs multicentriques.
Dans l’immédiat, une information parentale objective est nécessaire sachant que la prise en
compte de paramètres pronostiques, dont la virémie quantitative, est importante.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Yannick AUJARD, Service de réanimation et pédiatrie néonatales. AP-HP, Hôpital Robert Debré, 48 boulevard
Sérurier, Paris (75019) et Université Paris 7 Denis Diderot.
Correspondance : yannick.aujard@rdb.aphp.fr
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INFECTIONS NEONATALES A CYTOMEGALOVIRUS. PROBLEMES THERAPEUTIQUES
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES
DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
THERAPIE CELLULAIRE ET THERAPIE GENIQUE
par
C. SEVIN, C. BELLESME, C. LAGNEAUX, P. AUBOURG
INTRODUCTION
Les maladies neurodégénératives cérébrales héréditaires de l’enfant (MNDE) forment
un groupe de pathologies liées à des défauts moléculaires et/ou métaboliques entraînant une
dégradation progressive des cellules du système nerveux central. Le processus dégénératif
peut affecter préférentiellement les neurones, mais aussi les cellules gliales, en particulier les
oligodendrocytes. Ces maladies peuvent affecter préférentiellement la substance blanche
(leucodystrophies) ou la substance grise, mais les deux sont souvent affectées. La conséquence
est une altération progressive irréversible des fonctions motrices et/ou cognitives, plus ou
mois rapide et pouvant conduire au décès. L’âge de début, la sévérité et la rapidité d’évolution
sont variables. Si la fréquence individuelle de chaque pathologie est rare, la prévalence de
l’ensemble des MNDE est de 0,6/1000 à la naissance. Les causes identifiées de MNDE sont
nombreuses, incluant de manière non exhaustive : les maladies de surcharge lysosomales ou
peroxisomales, la maladie de Canavan, la maladie d’Alexander, la maladie de Pelizaeus
Merzbacher, le syndrome CACH, les maladies héréditaires du métabolisme par intoxication
(aciduries organiques, maladies du cycle de l’urée, etc.) ou déficit énergétique (maladies
mitochondriales, déficit de l’oxydation des acides gras, etc.).
A quelques exceptions près (comme l’adrénoleucodystrophie liée à l’X ou certaines
maladies lysosomales), les traitements actuels sont palliatifs pour une grande majorité de ces
pathologies. Cependant, la génération de modèles animaux et une compréhension croissante
de leur physiopathologie ouvrent des perspectives pour le développement de stratégies
thérapeutiques visant à ralentir, stabiliser, voire arrêter le processus neurodégénératif. Les
stratégies « pharmacologiques » seront détaillées dans la section suivante de cet ouvrage
(Bénédicte Héron, Diane Doummar, Diana Rodriguez : Nouvelles possibilités thérapeutiques
dans les maladies neurodégénératives (2): Enzymothérapie et autres approches
pharmacologiques). Nous aborderons dans ce chapitre les perspectives apportées par le
développement de la thérapie cellulaire et de la thérapie génique.
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C. SEVIN, C. BELLESME, C. LAGNEAUX, P. AUBOURG
THERAPIES CELLULAIRES DES MALADIES NEURODEGENERATIVES
DE L’ENFANT
La thérapie cellulaire consiste à remplacer des cellules déficientes ou détruites par des
cellules saines, afin de restaurer les fonctions d’un tissu, ou à apporter dans un tissu des cellules
permettant l’expression de facteurs thérapeutiques (neurotrophiques, neuroprotecteurs…).
Les greffes cellulaires ont déjà une histoire ancienne : la greffe de cellules souches
hématopoïétiques (CSH, greffe de moelle osseuse ou de sang de cordon) est un exemple bien
connu de thérapie cellulaire, utilisée depuis des dizaines d’années pour le traitement de
nombreuses maladies hématologiques (leucémies, anémies, etc.).
De manière moins évidente, la greffe de CSH est également un outil thérapeutique dans
certaines maladies neurodégénératives. En effet, après la prise de greffe, des précurseurs
myéloïdes circulants ont la capacité de traverser la barrière hémato-encéphalique et de se
différencier en cellules microgliales (les « macrophages du cerveau »), remplaçant
progressivement les cellules microgliales du receveur. Cette propriété a été utilisée de deux
manières dans les maladies neurodégénératives.
Dans le cadre des maladies de surcharge lysosomale, il ne s’agit pas à proprement parler
d’une thérapie cellulaire. Cette stratégie utilise la capacité de la majorité des enzymes
lysosomales à être sécrétées par une cellule et recaptées par une cellule voisine. Les cellules
microgliales du donneur vont alors servir de source de production d’enzyme en sécrétant
l’enzyme qui pourra être recaptée par des cellules voisines déficientes (neurones,
oligodendrocytes). La greffe de CSH a montré un certain degré d’efficacité dans des formes
à début tardif (juvéniles ou adultes) de leucodystrophies lysosomales comme la maladie de
Krabbe et la leucodystrophie métachromatique, ou dans certaines mucopolysaccharidoses
comme la mucopolysaccharidose de type I [1,2]. Dans tous les cas, la greffe de CSH doit être
proposée à un stade tout débutant de la maladie. En effet, une limite de cette approche est le
délai important (14-16 mois) nécessaire à un renouvellement suffisant de la microglie corrigée
dans le cerveau et donc à un effet thérapeutique.
Dans le cas de l’adrénoleucodystrophie liée à l’X, maladie peroxysomale due à un défaut
d’ALDP, une protéine transmembranaire impliquée dans l’import et la dégradation des acides
gras à très longue chaîne, la greffe de CSH constitue une véritable thérapie cellulaire, puisque
la protéine déficiente n’est pas sécrétée. Il existe deux formes cliniques principales d’ALD,
une forme cérébrale démyélinisante dévastatrice touchant surtout les garçons entre 4 et 12
ans (plus rarement les hommes adultes) et une forme adulte limitée à une atteinte médullaire
(adrénomyéloneuropathie) [3]. Sur le plan thérapeutique, la greffe allogénique de CSH est
le seul traitement efficace des formes cérébrales d’ALD, chez l’enfant comme chez l’adulte, à
condition d’être effectuée au tout début de la maladie [4,5]. Le mécanisme par lequel la greffe
de CSH, par le biais de la correction des cellules microgliales, permet à elle seule de stabiliser
la maladie est inconnu.
Les exemples que nous avons cités ne concernent qu’un nombre très restreint de maladies
neurodégénératives. De plus, la greffe de CSH ne permet pas de « remplacer » les cellules
neurales (neurones, oligodendrocytes) détruites ou de fonctionnement altéré par le processus
neurodégénératif.
Aujourd’hui, la thérapie cellulaire porte les espoirs de la médecine « neuro-régénérative
», via le potentiel de régénération des cellules souches qui pourrait permettre de « réparer
» le cerveau. Les cellules souches sont des cellules indifférenciées qui donnent naissance à
tous nos organes. Elles ont une capacité d’autorenouvellement, peuvent se différencier en
d’autres types cellulaires et se multiplient en culture. Les cellules souches embryonnaires
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
THERAPIE CELLULAIRE ET THERAPIE GENIQUE
245
(ES), dites « totipotentes », ont la capacité de produire tous les tissus. En aval, les cellules
souches « adultes » (c’est-à-dire de l’individu après sa naissance), présentes dans la plupart
des tissus adultes, ont un moindre potentiel de renouvellement et de différenciation, elles
sont dites multipotentes ou pluripotentes. Enfin, les cellules progénitrices, unipotentes, sont
engagées à générer un seul type cellulaire spécifique.
Des essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules embryonnaires dérivées du
mésencéphale ont ainsi été initiés dans la maladie de Parkinson, montrant l’absence de
bénéfice réel et la survenue d’effets indésirables [6].
Parmi les cellules souches, les cellules souches neurales (CSN) sont des cellules
multipotentes qui représentent la « sauvegarde » cellulaire de notre cerveau. Ces cellules
sont capables d'auto-renouvellement et de se différencier en neurones, astrocytes ou
oligodendrocytes. Les CSN peuvent provenir de cerveaux de fœtus, de nouveau-né ou
d’adulte. Elles prolifèrent en culture et peuvent se différencier dans les différentes lignées de
cellules neurales après transplantation in vivo. Elles constituent de ce fait un outil prometteur
pour le remplacement cellulaire et les thérapies régénératives [7].
A l’heure actuelle, la plupart des recherches en thérapie cellulaire utilisant des cellules
souches neurales en sont au stade de preuve de concept, avec des résultats prometteurs chez
l’animal [8]. Les succès obtenus dans différents modèles animaux de maladies lysosomales
ont conduit à un essai clinique de phase I chez des enfants atteints de maladie de Batten
(ceroïde lipofuscinose, maladie lysosomales liées à des mutations du gène CLN2). Les
résultats ont permis de montrer que la transplantation intracérébrale d'une forte dose de CSN
dans plusieurs sites a été parfaitement tolérée [8,9]. Un essai de phase I, visant à évaluer la
tolérance de la transplantation de cellules souches neurales fœtales est également en cours
chez des enfants atteints de maladie de Pelizeus Merzbacher, une leucodystrophie
hypomyélinisante débutant dans l'enfance, due à des mutations du gène PLP1 localisé sur le
chromosome X, [8,9].
La difficulté d’isolement des CSN, les aspects immunologiques (rejet potentiel des
cellules greffées), les questions d’ordre éthique et réglementaire (utilisation d’embryons ou
de fœtus), les exigences spécifiques pour les cellules greffées (diffusion, migration dans des
sites précis, intégration de circuits neuronaux spécifiques complexes) ou les questions
concernant la « résistance » des cellules greffées à la maladie sous-jacente constituent des
obstacles de taille et limitent aujourd’hui encore l’utilisation de ces cellules pour des
applications chez l’Homme. Étant donné la complexité de l'organisation cellulaire du système
nerveux, en particulier dans les états pathologiques, il semble que l'utilisation de CSN en
tant que vecteurs cellulaires pour prévenir ou atténuer les troubles neurologiques, plutôt que
le remplacement des cellules et la régénération des circuits endommagés semble plus
susceptible de réussir à court ou moyen terme.
En 2007, la recherche a franchi un nouveau pas en produisant une cellule souche
pluripotente à partir d’une cellule adulte (on parle d'IPS pour Induced Pluripotent Stem
cells), par manipulation génétique. Une cellule prélevée chez une personne (cellules de la
peau par exemple) peut être génétiquement modifié pour être « reprogrammée» et être alors
capable de s’auto-renouveler indéfiniment et de se différencier à la demande en n’importe
qu’elle autre cellule de l’organisme. La cellule IPS présenterait donc toutes les caractéristiques
d’une cellule embryonnaire sans en porter les contraintes éthiques. Aujourd’hui, les IPS ont
un intérêt majeur, permettant d’envisager la modélisation pathologique de maladies et le
criblage de molécules thérapeutiques [10]. La manipulation de ces cellules et l’introduction
de gènes de prolifération pour les produire les rendent aujourd’hui encore difficilement
utilisables en clinique.
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246
C. SEVIN, C. BELLESME, C. LAGNEAUX, P. AUBOURG
THERAPIE GENIQUE DES MALADIES NEURODEGENERATIVES
DE L’ENFANT
Parallèlement à la thérapie cellulaire, la thérapie génique des MND a fait des progrès
significatifs ces dernières années. La thérapie génique consiste à délivrer in situ, dans une
cellule cible, un gène thérapeutique pour remplacer un gène déficient, modifier l’expression
de gènes délétères impliqués dans une pathologie ou exprimer un facteur thérapeutique. Pour
introduire ce gène-médicament, on utilise des vecteurs capables de pénétrer les cellules et
d’introduire leur ADN dans le noyau. Ces vecteurs thérapeutiques sont en général dérivés
de virus modifiés et dénués de toute capacité de réplication/infection. Jusqu'à il y a quelques
années, la thérapie génique des maladies neurodégénératives avait largement échoué à tenir
ses promesses. Au cours des dernières années, de nouveaux vecteurs et de nouvelles techniques
ont commencé à résoudre non seulement les problèmes de sécurité qui limitaient la thérapie
génique, mais ont également amélioré significativement l'efficacité du transfert de gènes dans
le cerveau.
Dans le cadre des maladies neurodégénératives, la thérapie génique cherchera à viser une
zone ciblée, restreinte à un groupe de neurones du cerveau comme dans le cas de la maladie
de Parkinson ou la maladie de Huntington, ou au contraire à cibler l'ensemble du cerveau
comme dans la maladie d'Alzheimer, les maladies de surcharge lysosomales ou les
leucodystrophies. Elle visera par ailleurs à faire exprimer le gène thérapeutique dans l'ensemble
des cellules ou plus spécifiquement dans un type cellulaire (par exemple l'oligodendrocyte
dans certaines leucodystrophies). Le choix du vecteur viral et du mode d’administration a
donc un impact évident dans le succès d’une telle approche. Il est important de choisir le
meilleur vecteur disponible pour chaque application spécifique. Un certain nombre de
facteurs doivent être pris en compte : efficacité et spécificité avec lesquelles le vecteur infecte
les cellules cibles (neurones, astrocytes, oligodendrocytes), capacité de diffusion
intracérébrale, degré de toxicité lié au vecteur lui-même ou à la surexpression du gène
thérapeutique.
Il existe deux approches possibles dans le cas des maladies neurodégénératives. La première
consiste à introduire le gène thérapeutique directement dans le cerveau, c’est la thérapie
génique « in vivo ». Pour cette approche, les vecteurs de choix sont les vecteurs adenoassociés (AAV), petits virus à ADN, non pathogènes pour l’homme, retrouvés chez l’homme
et les primates. Les vecteurs dérivés de l’AAV sont très attractifs pour servir de vecteur de
transfert de gènes du fait de leur innocuité, de leur faible immunogénicité et de leur expression
stable dans différents tissus dont le système nerveux où ils transduisent principalement les
neurones. Ce sont des vecteurs non intégratifs (ils ne s’intègrent pas dans le génome, mais
restent dans le noyau à l’état épisomal). Parmi les sérotypes ayant démontré leur potentiel
pour le transfert intracérébral de gènes, les sérotypes 9 et 10 sont actuellement considérés
comme les plus efficaces [11].
Le transfert intracérébral de gènes à l’aide de vecteurs AAV a montré son efficacité dans
de nombreux modèles animaux (rongeurs, gros animal), en particulier dans les maladies
lysosomales [12]. Deux essais cliniques utilisant l’injection intracérébrale d’un vecteur AAV
de sérotype 2 codant le gène déficient ont été menés il y a quelques années dans la maladie de
Canavan (leucodystrophie de l’enfant liée au défaut d’asparto-acylase, ASPA) et dans la
maladie de Batten. Le vecteur thérapeutique utilisé à l’époque était peu performant pour
diffuser largement dans le cerveau. A défaut de conclure à un effet thérapeutique, ces deux
premiers essais ont permis de montrer l’innocuité d’une telle approche chez l’enfant [13,14].
La découverte de vecteurs plus performants, en particulier l’AAV de sérotypes 10 qui diffuse
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
THERAPIE CELLULAIRE ET THERAPIE GENIQUE
247
très largement dans le cerveau, permet d’envisager un effet thérapeutique plus significatif.
Deux essais cliniques utilisant ce vecteur sont en cours dans la maladie de Batten (aux EtatsUnis, ClinicalTrials.gov NCT01161576) et la maladie de San Filippo A (en France,
ClinicalTrials.gov NCT01474343), deux maladies neurodégénératives de l’enfant touchant
principalement les neurones et d’évolution relativement progressive. Nous allons initier d’ici
fin 2012 un essai clinique visant à traiter par injections intracérébrales multiples simultanées
d’un vecteur AAV10 codant le gène déficient (ARSA) des enfants atteints de formes précoces
de leucodystrophie métachromatique (LDM), à un stade débutant de leur maladie. Dans
cette leucodystrophie lysosomale, liée au défaut d’Arylsulfatase A (ARSA), plus de 60 % des
enfants ont des symptômes débutant entre l’âge de 1-2 ans (forme infantile tardive) et une
dégradation motrice et cognitive excessivement rapide conduisant à un état végétatif en
quelques mois et au décès en quelques années. Nous avons fait la preuve de concept de
l’efficacité de cette stratégie dans le modèle murin de LDM et de sa faisabilité et tolérance
chez le primate non humain [15,16]. A la différence des deux essais précités, cet essai concerne
une leucodystrophie où la cellule cible est l’oligodendrocyte. Cinq enfants recevront ce
traitement et seront suivis sur une période de 2 ans, délai suffisant pour évaluer la sécurité et
l’efficacité du traitement dans cette maladie très rapidement progressive. Actuellement, la
recherche se porte sur l’utilisation de voies d’administration moins invasives (voie parentérale,
voie intrathécale) et l’amélioration des outils de vectorologie.
La deuxième approche de thérapie génique envisageable, dite ex vivo, est basée sur
l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) génétiquement corrigées ex vivo.
Les CSH du patient sont prélevées, génétiquement « corrigées » par mise en culture en
présence du vecteur de thérapie génique exprimant le gène déficient, et réintroduites chez le
patient. Il s’agit donc en fait d’une combinaison de thérapie cellulaire et de thérapie génique.
Les vecteurs de choix pour cette approche de greffe de CSH corrigées ex vivo sont les vecteurs
lentiviraux, rétrovirus dérivés du virus HIV, qui ont la capacité d’infecter des cellules qui se
divisent pas. Ce sont des virus intégratifs (leur génome s’intègre dans l’ADN après conversion
en ADN). Ils ont montré leur potentiel dans la transduction de CSH, et sont également
utilisés pour des approches de thérapie génique intracérébrale.
Le premier essai clinique basé sur l’autogreffe de CSH génétiquement corrigées ex vivo
par un vecteur lentiviral codant le gène ABCD1 a débuté en 2006 dans le service du Pr
Aubourg (France). Cet essai vise à traiter des enfants atteints de forme cérébrale d’ALD,
candidats à la greffe de CSH, mais sans donneur identifiable. Quatre patients ont été traités.
Les résultats, sont particulièrement encourageants, puisqu’ils montrent un effet thérapeutique
similaire à l’allogreffe de CSH et l’absence de complications chez les 2 premiers patients
traités. L’efficacité et l’innocuité à long terme sont en cours d’évaluation [17,18]. Il s’agit
d’une avancée majeure puisque qu’il s’agit du premier essai de thérapie génique montrant
l’efficacité d’une telle approche dans une maladie neurodégénérative héréditaire de l’enfant.
Une approche similaire de thérapie génique ex vivo est en cours d’évaluation en Italie
dans la leucodystrophie métachromatique, chez des enfants atteints de formes précoces de la
maladie, à un stade présymptomatique de leur maladie (ClinicalTrials.gov NCT01560182).
Les résultats sont en cours d’évaluation chez les 4 premiers patients traités.
CONCLUSION
La thérapie génique et la thérapie cellulaire ne seront pas adaptées à toutes les maladies
neurologiques, mais progressent considérablement. Dans tous les cas, elles auront d’autant
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C. SEVIN, C. BELLESME, C. LAGNEAUX, P. AUBOURG
plus de chance de succès que la maladie en sera à un stade débutant, soulignant l’importance
considérable de l’amélioration de la connaissance de l’histoire naturelle de ces pathologies
neurodégénératives et la nécessité d’un diagnostic le plus précoce possible. A plus long terme,
la démonstration de l’efficacité de ces approches thérapeutiques dans les maladies
neurodégénératives héréditaires justifierait, sur le plan éthique, le recours au diagnostic
systématique à la naissance, afin de proposer un traitement précoce à un stade encore
asymptomatique, qui pourrait prévenir l’apparition des symptômes.
AUTEURS:
Caroline Sevin1, Céline Bellesme2, Céline Lagneaux3, Patrick Aubourg4
1
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Leucodystrophies, Hôpital Bicêtre Paris Sud, 78, rue du Général Leclerc, 94275 LE KREMLIN-BICETRE Cedex. caroline.sevin@inserm.fr
2
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Leucodystrophies, Hôpital Bicêtre Paris Sud, 78, rue du Général Leclerc, 94275 LE KREMLIN-BICETRE Cedex. celine.bellesme@bct.aphp.fr
3
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Leucodystrophies, Hôpital Bicêtre Paris Sud, 78, rue du Général Leclerc, 94275 LE KREMLIN-BICETRE Cedex. celine.lagneaux@bct.aphp.fr
4
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Leucodystrophies, Hôpital Bicêtre Paris Sud, 78, rue du Général Leclerc, 94275 LE KREMLIN-BICETRE Cedex. patrick.aubourg@inserm.fr
AUTEUR CORRESPONDANT :
Caroline SEVIN - caroline.sevin@inserm.fr
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
THERAPIE CELLULAIRE ET THERAPIE GENIQUE
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES
MALADIES NEURODEGENERATIVES : ENZYMOTHERAPIE
ET AUTRES APPROCHES PHARMACOLOGIQUES
par
B. HERON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
INTRODUCTION
Les maladies neurodégénératives constituent un vaste groupe de maladies responsables
d’une atteinte progressive du système nerveux central et/ou périphérique. Jusqu’à récemment,
la quasi-totalité de ces maladies ne disposait que d’un traitement symptomatique. Si l’on
excepte les encéphalopathies progressives qui font suite à une infection virale ou à prion, et
pour lesquelles le seul traitement spécifique reste préventif, ces maladies sont héréditaires.
Certaines maladies « vitamino-sensibles » sont connues depuis longtemps : convulsions
pyridoxino-dépendantes, ataxie friedreich-like par déficit en vitamine E, déficit en biotinidase
et troubles du métabolisme des cobalamines par exemple. Nous parlerons surtout de celles
qui sont de découverte plus récente : convulsions pyridoxal-P dépendantes, déficits de
synthèse de la créatine et de la sérine, pathologies des transporteurs intracérébraux des folates
et du glucose. Nous aborderons également certains troubles du métabolisme des
neurotransmetteurs, dont le diagnostic et le traitement sont actuellement possibles grâces
aux progrès concernant leur physiopathologie et leur diagnostic biochimique et génétique.
Parmi les maladies héréditaires du métabolisme, des avancées thérapeutiques récentes
emblématiques concernent les maladies lysosomales : les progrès effectués dans leur
caractérisation biochimique et génétique et dans la compréhension de leur physiopathologie,
ainsi que la disponibilité de modèles animaux ont permis de développer des thérapies innovantes
: moléculaires, cellulaires et géniques. Nous détaillerons ici les thérapies moléculaires récentes
disponibles ou à l’étude pour les maladies lysosomales neurodégénératives.
NOUVELLES MALADIES NEURODEGENERATIVES TRAITABLES
Les convulsions vitamines-dépendantes
Les convulsions vitamine B6 (et folate) dépendantes
Cette affection autosomique récessive est décrite depuis 1954 mais ses mécanismes
biochimiques et génétiques sont d’identification récente : elle est due au déficit de l’acide
alpha aminoadipique semi-aldéhyde (alpha AASA) déshydrogénase ou antiquitine, enzyme
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B. HERON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
intervenant dans le catabolisme de la lysine. Le diagnostic repose sur l’élévation de l’acide
pipécolique dans le sang, de l’alpha AASA dans les urines et est confirmé par l’étude du
gène de l’antiquitine ALDH7A1 [1]. Il a été démontré récemment que ce même gène est
responsable des convulsions sensibles l’acide folinique [2]. La réponse à la vitamine B6 per
os 15 à 30 mg/kg/j est souvent spectaculaire mais il faut donc aussi associer de l’acide
folinique 3 à 5 mg/kg/j. Sous vitaminothérapie, on observe soit un contrôle complet des
crises et un développement normal, soit un contrôle complet des crises avec retard mental
avec autisme, soit un contrôle partiel des crises et retard mental.
Convulsions pyridoxal-P (PLP) dépendantes
Cette affection autosomique récessive rare, due au déficit en pyridox(am)ine 5'phosphate oxydase codée par le gène PNPO, est responsable d’une encéphalopathie
convulsivante précoce, survenant souvent chez des enfants prématurés. Le dosage des
neurotransmetteurs dans le LCR (dopa et 3-méthoxytyrosine élevées, diminution du
5HIAA et du HVA) et des acides aminés (élévation de la thréonine et de la glycine)
témoigne du déficit secondaire en plusieurs enzymes dépendant du PLP [3]. L’étude
moléculaire de PNPO confirme le diagnostic. Le traitement par phosphate de pyridoxal
donné précocement (30mg/kg puis 15mg/kg/j per os) améliore l’épilepsie mais pas toujours
le retard psychomoteur.
Les déficits en transporteurs cérébraux
Le déficit en transporteur intracérébral du glucose de type 1 (GLUT-1)
Cette maladie autosomique dominante a été décrite en 1991 par De Vivo. Le déficit en
GLUT- 1 au niveau de la barrière hématoencéphalique (BHE) prive le cerveau de son apport
de base en glucose. Cette maladie est due à une mutation du gène GLUT-1 (ou SLC2A1). Le
phénotype classique comporte une épilepsie précoce, polymorphe souvent pharmacorésistante, une atteinte cognitive variable associée à une microcéphalie acquise, une dysarthrie,
des troubles neuromoteurs stables au cours de l’évolution (ataxie, chorée, dystonie,
tremblement, syndrome pyramidal) : des mouvements anormaux paroxystiques survenant à
jeun avec glycémie normale sont très évocateurs et doivent faire doser la glycorrachie. Le
diagnostic repose en effet sur l’hypoglycorachie relative avec un rapport
glycorrachie/glycémie < 0,6 et en moyenne à 0,4. La glycémie doit être prélevée juste avant
la ponction lombaire à jeun. L’analyse du gène GLUT-1 confirme le diagnostic, en particulier
en cas de phénotype atypique où le rapport glycorachie/glycémie peut être à la limite de la
normale : crises dyskinétiques paroxystiques kinésigéniques induites par l’exercice ou sans
facteur déclenchant, parfois associées à une épilepsie, ou à un léger retard mental ; absences
épileptiques avant 4 ans ; accès « d’hémiplégies alternantes » toniques ou dystoniques avant
l’âge de 18 mois et favorisés par l’exercice ou le jeûne [4, 5]. Le régime cétogène (instauré
précocement et jusqu'à l’adolescence si possible) peut améliorer notablement l’épilepsie et
les mouvements anormaux même s’il est moins efficace sur le déficit cognitif [6].
Le déficit du transport intracérébral des folates
A côté des déficits généralisés en folates, certains patients présentent un déficit en folates
uniquement cérébral lié à la présence d’anticorps anti-récepteurs aux folates, ou secondaire
à d’autres pathologies neurologiques (syndromes de Kearns–Sayre, d’Aicardi–Goutières,
déficit en sérine...). Récemment des mutations récessives du gène FOLR1 (11q13.4), codant
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
ENZYMOTHERAPIE ET AUTRES APPROCHES PHARMACOLOGIQUES
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pour le récepteur aux folates alpha ont été rapportées chez des patients présentant un déficit
en folates profond dans le LCR (< 5 nmol/l) [7, 8] avec dosage des folates sanguins, lignées
sanguines et l’homocystéine normaux. Cette maladie débute avant 3 ans par une régression
psychomotrice, une ataxie ou des crises épileptiques plus souvent myocloniques.
Microcéphalie, signes pyramidaux et troubles du comportement sont fréquents. Une
neuropathie périphérique peut apparaître après 10 ans. La sévérité du phénotype est variable.
L’IRM montre un trouble de la myélinisation et une atrophie prédominant au niveau du
cervelet, et la SRM un déficit en choline et souvent en inositol. Le tableau clinique et les
explorations permettent d’exclure les déficits en folates cérébraux secondaires. Sous
traitement par acide folinique oral 2-5 mg/kg/j, une amélioration est habituelle en 2 mois
et une récupération complète est possible en cas de traitement précoce [9]. Un traitement
intraveineux peut être nécessaire.
Maladie des ganglions de la base sensible à la biotine
Cette maladie autosomique récessive est caractérisée par la survenue d’épisodes
encéphalitiques souvent déclenchés par des maladies fébriles intercurrentes, associant de
façon variable des troubles de la conscience, des crises épileptiques, une ophtalmoplégie
externe, des troubles de la déglutition et parfois un coma sévère pouvant conduire au décès.
L’IRM retrouve des lésions bilatérales des noyaux caudés et du putamen. L’administration
de fortes doses de biotine (5-10 mg/kg/j), et parfois de thiamine, permet une récupération
partielle ou complète en quelques jours [10]. En l’absence de traitement, les patients peuvent
présenter une dystonie permanente. Cette pathologie est liée à des mutations du gène
SLC19A3 codant un transporteur de la thiamine [11]. Le mode d’action de la biotine est
mal compris (possible augmentation de l’expression de SLC19A3) [12].
Les déficits de synthèse de petites molécules
Déficits en créatine
Seuls les déficits de la synthèse de la créatine (guanidino-acetate méthyltransférase
(GAMT) et en arginine-glycine amidinotransférase (AGAT), autosomiques récessifs sont
traitables, mais pas le déficit en transporteur de la créatine, récessif lié à l’X (SLC6A8). Le
tableau clinique comporte un retard psychomoteur précoce, et une épilepsie souvent pharmacorésistante associée à des troubles autistiques parfois sévères avec automutilations (déficit
en GAMT) et des signes pyramidaux ou extrapyramidaux (déficit en AGAT). La SRM met
en évidence le déficit cérébral en créatine. Le dosage urinaire (et plasmatique) de l'acide guanidinoacétatique (AGA) et de la créatine permet d’orienter le diagnostic : créatine et AGA
sont diminués dans le déficit en AGAT ; créatine basse et AGA élevé dans le déficit en
GAMT. La mesure de l’activité enzymatique ou l’étude moléculaire confirmeront le diagnostic. Le traitement repose sur l’apport de créatine anhydre orale (200 à 400 mg/kg/j)
pour augmenter le taux cérébral en créatine. Une supplémentation en ornithine et une restriction de l’apport en arginine sont nécessaires dans les déficits en GAMT pour diminuer
la synthèse de l’AGA [13]. Dans le déficit en transporteur de la créatine, les traitements sont
inefficaces chez les garçons atteints ; chez une fille atteinte, une épilepsie réfractaire aux antiépileptiques a répondu à des fortes doses de L-arginine et de L-glycine.
Déficits de synthèse de la sérine
Autosomiques récessives, ces déficits impliquent trois enzymes différentes : la phospho-
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B. HERON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
sérine phosphatase, la phosphoglycérate déshydrogénase et la phosphosérine aminotransférase [14]. Elles associent une microcéphalie (congénitale sévère ou parfois acquise), un retard psychomoteur, une hypertonie spastique et dystonique et une épilepsie
pharmaco-résistante. Une concentration basse de sérine (et parfois de glycine) dans le plasma
mais surtout dans le LCR évoque le diagnostic, confirmé par le déficit enzymatique ou
l’étude moléculaire. La supplémentation en L-sérine orale de 200 à 500 mg/kg/j (avec Lglycine 200 à 300 mg/kg/j), stabilise l’épilepsie mais n’a pas d’effet sur le retard psychomoteur, chez les enfants traités après un an. Un traitement in utero a permis de prévenir les
symptômes chez deux patients.
Pathologies des neurotransmetteurs et ptérines
Elles sont dues à des désordres du métabolisme primaires des neurotransmetteurs ou de
leur transport. Elles comprennent les pathologies de la synthèse des monoamines biogènes
(dopamine, sérotonine, adrénaline, noradrénaline) et des ptérines (Figure 1) dont certaines
sont accessibles à un traitement. L’étude des neurotransmetteurs, ptérines (et folates) dans le
LCR oriente l’étude génétique. Le tableau clinique comporte des troubles non spécifiques :
retard mental, troubles du tonus, épilepsie, troubles du comportement. Les fluctuations
diurnes avec amélioration après le repos sont un facteur évocateur de déficit des amines biogènes. Une dystonie focale ou généralisée, un syndrome parkinsonien, des crises oculogyres,
une hypersalivation évoquent un déficit en dopamine (de même que l’augmentation de la
prolactine). Des troubles de la régulation thermique, une hypersomnie, une hyperphagie, un
syndrome dépressif sont observés en cas de déficit en sérotonine. Ptosis, myosis et hypotension
orthostatique évoquent un déficit en noradrénaline.
Les dystonies dopa-sensibles sans hyperphénylalaninémie
La forme dominante la plus fréquente est due au déficit hétérozygote en GTPCH, décrite initialement par Segawa sous le terme de « dystonie héréditaire avec fluctuations diurnes
» [15]. Le phénotype est âge dépendant et présente des variations inter- et intra-familiales :
la forme classique débute chez l’enfant par une dystonie de posture d’un pied en varus équin,
puis s’étend avec parkinsonisme ; les formes de l’adulte sont plus souvent focales (crampe de
l’écrivain, torticolis) ou à type de tremblement et dystonie posturale des mains ; des formes
précoces rares débutent dans la première année avec hypotonie axiale et rigidité des membres.
De faibles doses de L-dopa permettent une disparition spectaculaire des symptômes sans dyskinésie, ni perte d’efficacité.
Les formes récessives :
Le déficit en tyrosine hydroxylase : son phénotype varie selon l’activité résiduelle en
TH : forme semblable à la dystonie dominante classique ; formes précoces avec hypotonie
hypokinétique, ou parkinsonisme infantile, ou encéphalopathie progressive avec retard mental variable. Les épisodes dysautonomiques avec crises oculogyres, sudation, dysrégulation
thermique, hypersalivation, somnolence sont fréquents et évocateurs. La réponse à la L-dopa
souvent partielle, limitée par des dyskinésies, justifie une posologie initiale faible (0,5
mg/kg/j) avec augmentation très progressive de la dopathérapie jusqu'à 5-10 mg/kg [16].
Le déficit en sépiaptérine réductase débute dès les premiers mois de vie par un retard
moteur avec hypotonie, puis rigidité-dystonie progressive, signes pyramidaux et retard mental
léger ou modéré [17]. Le traitement améliore plus ou moins partiellement les signes moteurs
et cognitifs. Les doses de L-Dopa/Carbidopa sont augmentées progressivement en raison de
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
ENZYMOTHERAPIE ET AUTRES APPROCHES PHARMACOLOGIQUES
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fréquentes dyskinésies. Le déficit sérotoninergique peut être amélioré par des
sérotoninergiques et la mélatonine.
Les dystonies dopa-sensibles avec hyperphénylalaninémie par déficit en BH4
Ces affections sont dépistées à la naissance par le test de Guthrie qui révèle une
hyperphénylalaninémie en général modérée par déficit en BH4 secondaire à 3 déficits
enzymatiques connus : GTPCH homozygote, PTPS et DHPR [18]. Le traitement doit être
précoce : le régime hypoprotidique ne suffit pas et nécessite de la levodopa, du 5-OH-Trp et
de la BH4. Ce diagnostic doit être évoqué chez des enfants nés à l’étranger n’ayant pas pu
bénéficier du dépistage néonatal.
Le déficit en acide aromatique L amino décarboxylase (AADC)
Cette affection débute dès la naissance par une hypotonie axiale, un retard psychomoteur,
des accès de crises oculogyres et/ou de mouvements anormaux avec dystonie des extrémités,
secousses myocloniques non épileptiques. Des crises épileptiques sont possibles. Les troubles
dysautonomiques, une tendance à l’hypoglycémie et les fluctuations diurnes sont fréquents.
De rares patients peuvent acquérir la marche. Le diagnostic est suggéré par la baisse du HVA
et 5HIAA, la normalité des bioptérines, et l’élévation de la 3OMD dans le LCR (son dérivé
l’acide vanillactique est élevé dans les urines). L’étude du gène confirme le diagnostic. Le
traitement reste difficile associant du pyridoxal 5’phosphate, des agonistes de la dopamine,
des inhibiteurs de la Mono Amine Oxydase, et du 5MTHF [19]. La réponse au traitement
est meilleure dans les formes modérées.
THERAPIES INNOVANTES MOLECULAIRES DES MALADIES
LYSOSOMALES NEURODEGENERATIVES
La plupart des maladies de surcharge lysosomale sont dues à un déficit enzymatique : les
thérapies récemment développées visent soit à apporter l'enzyme déficiente par thérapie
enzymatique substitutive (TES) ou par thérapies cellulaire ou génique (détaillées dans la 1ère
partie), soit à rétablir une enzyme fonctionnelle par correction de mutations spécifiques
(translecture de codon stop ou modulation de l'épissage) ou utilisation de molécules
chaperonnes, soit à empêcher l'accumulation en amont des composés non dégradés dans ces
maladies de surcharge (inhibiteurs de la biosynthèse des substrats), ou bien encore à freiner
les conséquences secondaires de ce stockage excessif (anti-inflammatoires, ...) [20]. Certaines
de ces approches thérapeutiques sont disponibles chez l’homme, la plupart sont à l’étude en
essais cliniques ou en phase expérimentale.
La TES
Elle vise à apporter l’enzyme manquante ou déficiente, sous forme d’une protéine
recombinante produite par génie génétique soit en cellules CHO, soit en fibroblastes
humains, soit en cellules végétales. Ces protéines recombinantes sont dégradées par le système
digestif et doivent être administrées par voie parentérale. Elles bénéficient ensuite d’un
recaptage tissulaire grâce aux résidus mannose-6-P ciblant des récepteurs cellulaires
spécifiques, mais leur courte demi-vie nécessite une administration répétée à intervalles
réguliers pendant toute la vie. Par ailleurs elles sont dans l’incapacité de traverser la BHE en
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B. HERON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
quantité efficace : cela rend nécessaire une administration in situ pour traiter le système
nerveux central. Ainsi la TES est d’une grande efficacité sur les symptômes viscéraux des
mucopolysaccharidoses (MPS) de type I et II, mais ne modifie pas significativement le
pronostic neurologique des formes sévères [21, 22], faisant préférer en particulier la
transplantation de cellules souches hémotopoiétiques chez le nourrisson de moins de 2 ans
atteint de maladie de Hürler [23]. De même, la TES est inefficace sur les formes neurologiques
précoces de la maladie de Gaucher (type 2). Elle n’a pas non plus fait la preuve de son efficacité
sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux dans la maladie de Fabry. De nouvelles
TES sont en essais cliniques pour le déficit en sphingomyélinase (maladie de Niemann-Pick
A/B) où l’efficacité attendue concerne les atteintes non neurologiques, et l’alphamannosidose où l’enzyme recombinante semblerait avoir une capacité non négligeable à
traverser la BHE. Certaines modifications de la chimie ou de la structure enzymatique sont
à l’étude chez la souris, dans le but de favoriser le ciblage de la BHE. Plusieurs essais cliniques
avec administration intrathécale itérative de TES sont en cours chez l’enfant : pour la
leucodystrophie métachromatique, la forme sévère de la maladie de Hunter (MPS IIS) et la
maladie de Sanfilippo A (MPS IIIA).
Correction de mutations spécifiques
Translecture de codons stop
Les mutations de type non sens entraînent l'apparition d'un codon stop prématuré
responsable de la synthèse de protéines tronquées ou surtout de la dégradation des ARNm
anormaux correspondants [24]. Certains antibiotiques comme la gentamycine peuvent
diminuer la fidélité de reconnaissance des codons stop, permettant ainsi de restaurer la
synthèse d'un minimum de protéine fonctionnelle. Des résultats encourageants ont été
obtenus in vitro sur certains codons stop dans la maladie de Hürler. Mais l’utilisation de la
gentamycine est limitée par sa toxicité néphrologique et rénale. Un autre composé chimique
appelé PTC124® favorisant la translecture de codons stop est à l’étude.
Modulation de l’épissage à l’aide d’ARN antisens
De nombreuses mutations d'épissage ont été décrites dans les maladies lysosomales, soit
au niveau des sites consensus donneur ou accepteur d'épissage, soit dans les introns créant des
sites alternatifs entraînant la rétention de séquences introniques dans l'ARNm mature. Des
oligonucléotides antisens peuvent être utilisés pour bloquer ces sites aberrants et restaurer un
épissage normal : cette approche a été testée in vitro dans la maladie de Niemann-Pick C [25]
mais le principal obstacle est l'instabilité des oligonucléotides dans la circulation et les tissus.
Molécules chaperonnes
Des analogues de substrats ou des inhibiteurs compétitifs réversibles peuvent se fixer sur
le site actif d’une enzyme mal conformée, empêcher ainsi sa reconnaissance par les systèmes
de contrôle de qualité de la cellule, et lui permettre d’atteindre le lysosome qui est son lieu
d’action. Cette stratégie n’est possible que chez des patients ayant une activité enzymatique
résiduelle c'est-à-dire des mutations peu sévères. Elle utilise de petites molécules très
diffusibles, notamment à travers la BHE, et est testée dans des affections neurodégénératives
comme les gangliosidoses : ainsi la pyriméthamine semble stabiliser les formes tardives de
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NOUVELLES POSSIBILITES THERAPEUTIQUES DANS LES MALADIES NEURODEGENERATIVES :
ENZYMOTHERAPIE ET AUTRES APPROCHES PHARMACOLOGIQUES
257
gangliosidose à GM2 dues à certaines mutations, sous réserve d’un maniement délicat, cette
même molécule devenant inhibitrice à certaines doses [26].
Inhibiteurs/modulateurs de la biosynthèse des substrats
Une autre stratégie thérapeutique consiste à inhiber la biosynthèse des composés non
dégradés du fait du déficit enzymatique, afin d'éviter leur stockage excessif. Cette approche est
surtout utilisée dans les sphingolipidoses, maladies impliquant les enzymes de la voie de
dégradation des glycosphingolipides (GSL), grâce à des inhibiteurs de la glucosyltransférase,
enzyme clé de la biosynthèse du glucosylcéramide (précurseur des GSL). Les inhibiteurs de la
biosynthèse des substrats ont l'avantage d'être de petites molécules administrables par voie orale
et susceptibles de passer la BHE, ce qui les rend théoriquement utilisables dans des maladies
avec atteinte neurologique. Une amélioration clinique significative a été obtenue chez certains
patients atteints de maladie de Niemann-Pick C avec l’iminosucre N-butyldeoxynojirimycine
(Miglustat) [27,28]. L'utilisation du Miglustat chez des patients avec maladie de Gaucher type
3 n’a pas d’efficacité démontrée, mais a pu améliorer l’épilepsie myoclonique de rares patients.
Les résultats sont décevants dans les gangliosidoses à GM2. Concernant les MPS, différents
inhibiteurs ont été décrits, comme la rhodamine B, ou la génistéine qui réduit la surcharge en
glycosaminoglycanes dans un modèle murin de MPSIIIB. Des petites molécules freinant la
synthèse des glycanes pourraient rendre les substrats plus facilement dégradables : elles
pourraient être plus spécifiques, moins toxiques et constituer une source de molécules
thérapeutiques pour les MPS et les sphingolipidoses.
Autres approches moléculaires
Grâce aux modèles animaux, les mécanismes physiopathologiques des maladies
lysosomales commencent à être décryptés : l'inflammation, le stress oxydatif, la réponse autoimmune, une altération de l'homéostasie du calcium ou de l'autophagie sont impliqués dans
un grand nombre de ces affections. Différentes molécules ont donc été étudiées sur ces
modèles animaux afin de tester leur capacité à freiner ces cascades pathologiques : les antiinflammatoires non stéroïdiens prolongent la survie des souris Sandhoff présentant une
réponse inflammatoire secondaire à l’accumulation de gangliosides ; la cyclodextrine prolonge
la survie des souris Niemann-Pick de type C en réduisant la surcharge lipidique neuronale
par un mécanisme d’action restant à élucider [31] : un essai clinique utilisant la cyclodextrine
par voie intrathécale va débuter.
CONCLUSION
Ces dernières années, de nouvelles maladies traitables ont été identifiées et pour un certain
nombre de maladies neurodégénératives connues, des traitements spécifiques ont été
découverts, d’autres sont à l’étude. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils sont débutés
précocement dans le cours évolutif de la maladie. En l’absence de dépistage néonatal
systématique, il reste essentiel de faire le plus tôt possible le diagnostic de ces maladies pour
lesquelles il existe une option thérapeutique spécifique.
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B. HERON, D. DOUMMAR, D. RODRIGUEZ
AUTEURS :
Bénédicte Héron1, Diane Doummar2, Diana Rodriguez2
1
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Maladies Lysosomales, APHP Hôpital Trousseau, 26 avenue du
Dr Arnold Netter, Paris 12è. benedicte.heron@trs.aphp.fr
2
Service de Neuropédiatrie, Centre Référence des Maladies Neurogénétiques, APHP Hôpital Trousseau, 26
avenue du Dr Arnold Netter, Paris 12è. diane.doummar@trs.aphp.fr, diana.rodriguez@trs.aphp.fr
Figure 1. La synthèse des amines biogènes et ptérines : déficits enzymatiques connus sur la voie de
synthèse des amines biogènes et de leur cofacteur BH4.
GTPCH = guanosine triphosphate cyclohydrolase 1 ; PTPS = 6 pyruvoyl tétrahydroptérine synthas ; SR = sépiaptérine réductase ; 5MTHFR = 5 méthyl tétrahydrofolate réductase ; TH = tyrosine hydroxylas ; AADC = acide
aromatique L amino décarboxylase ; DHPR = diyhydroptéridine réductase ;
Autres abréviations : BH4 = tétrahydrobioptérine ; BH2 = dihydrobioptérine ; HVA = acide homovanillique ;
MHPG = 3-méthoxy-4-hydroxyphénylglycol ; 5HIAA = 5 hydroxyindolacétique ; 3OMD = 3 ortho-méthyldopa
; Phe = phénylalanine ; Tyr = tyrosine ; Trp = tryptophane ; 5-OH-trp = 5 hydroxytryptophane ; Arg =arginine ;
5MTHF = 5 méthyl tétrahydrofolate. Les métabolites en bleu sont dosés dans le LCR.
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ENZYMOTHERAPIE ET AUTRES APPROCHES PHARMACOLOGIQUES
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PEUT-ON RACCOURCIR LE DELAI DIAGNOSTIQUE DES
LESIONS HYPOTHALAMO-HYPOPHYSAIRES DE L’ENFANT ?
par
M. TAYLOR-MARCHETTI, M. CHALUMEAU, R. BRAUNER
METHODOLOGIE GENERALE
Pour analyser l’ensemble des symptômes révélateurs et symptômes présents au diagnostic
et leurs délais respectifs d’apparition, nous avons réalisé une étude de cohorte rétrospective
monocentrique visant à inclure tous les patients pédiatriques ayant une lésion HP et suivis
par un pédiatre endocrinologue (R. Brauner) entre 1981 et 2010. A partir de chaque dossier
médical, nous avons recueilli les données suivantes : âge, sexe, type histologique de la lésion
HP, poids, taille, stade pubertaire au diagnostic et l’ensemble des symptômes ou signes
rapportés et précédant le diagnostic. Les symptômes révélateurs ont été définis comme étant
le ou les premiers signes ou symptômes attribuables à la lésion HP et conduisant aux
explorations qui ont confirmé le diagnostic. Tous les signes et symptômes présents au
diagnostic ont aussi été notés. Les signes cliniques ou symptômes ont ensuite été classés
comme d’ordre neurologique (par exemple céphalées, signes en rapport avec une HTIC,
convulsions), ophtalmologique (strabisme, nystagmus, diminution de l’acuité visuelle) ou
endocriniens. Les signes cliniques ou symptômes endocriniens étaient : un syndrome polyuropolydipsique (pouvant être imputable à un DI), une PP, une cachexie diencéphalique, une
anomalie de taille, de vitesse de croissance staturale, de poids ou d’indice de masse corporelle
(IMC). Une anomalie de taille a été définie comme une grande taille (≥ 2DS), une petite
taille (≤ -2DS) ou une vitesse de croissance staturale anormale selon les recommandations
internationales [18]. Une anomalie de l’IMC a été définie comme une obésité (IMC ≥ 97e
percentile pour l’âge) ou un IMC ≤ 3ème percentile pour l’âge selon les courbes de référence
française [19]. De plus, nous avons défini de façon arbitraire une anomalie de progression
de l’IMC comme étant une modification de plus de 1 DS sur une année et survenant à un
moment donné avant le diagnostic. Toutes les anomalies de taille, de vitesse de croissance
staturale, de poids et d’IMC ont été calculées à partir des courbes de croissance disponibles
pour chaque patient inclus et ce pour les cinq années précédant le diagnostic. Le délai
diagnostique a été défini comme la durée entre le premier symptôme révélateur et attribuable
à la lésion HP et la date du diagnostic. Ce délai diagnostique, exprimé en années, a été calculé
pour chaque patient. Nous avons aussi calculé la durée de tous les symptômes survenus avant
et présents au diagnostic. Nous avons comparé les symptômes révélateurs et les symptômes
présents au diagnostic ainsi que leurs délais d’évolution respectifs.
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M. TAYLOR-MARCHETTI, M. CHALUMEAU, R. BRAUNER
RESULTATS
Cent soixante-seize patients (93 garçons) ont été inclus. Les lésions HP étaient un
craniopharyngiome (n = 56), un gliome des voies optiques (n = 54), un kyste arachnoïdien
suprasellaire (n = 25), un hamartome (n = 22), une tumeur germinale maligne (n = 12), et
un astrocytome hypothalamique (n = 7) (Tableau 1). L’âge médian au diagnostic était de
5,1 ans [EIQ, 2,5-8,8]. Le délai diagnostique médian des symptômes révélateurs de toutes
les lésions HP était de 0,3 ans [EIQ, 0,1-1].
Le symptôme révélateur de la lésion HP était le plus souvent des manifestations
neurologiques (50 %), suivies de troubles visuels (38 %) ; de façon globale, des troubles neuroophtalmiques étaient révélateurs de la lésion dans deux tiers des cas (Tableau 1). Dans près
d’un tiers des cas (28 %), c’est un symptôme endocrinien isolé et non associé à des troubles
neurologiques ou ophtalmiques qui a conduit au diagnostic. Le symptôme endocrinien
révélateur de lésion HP le plus fréquent était une PP, survenant à un âge plus jeune chez des
patients ayant un hamartome par rapport à ceux ayant un gliome des voies optiques. Les
symptômes révélateurs étaient différents selon le type de lésion HP : par exemple un DI était
le symptôme révélateur exclusif d’une tumeur germinale maligne, alors qu’une cachexie
diencéphalique était spécifique de la présence d’un gliome des voies optiques.
Au moment du diagnostic, tous les patients avaient à l’examen clinique des symptômes
autres que les symptômes révélateurs, en particulier des signes ou symptômes endocriniens.
Parmi les patients pour lesquels les itinéraires staturo-pondéraux pré-diagnostiques étaient
disponibles, l’évaluation de l’évolution pondérale de 158 patients a montré que 61 % avaient
une progression anormale de leur IMC et ce depuis en moyenne 2,5 ans avant le diagnostic.
Un tiers des patients évalués au diagnostic étaient obèses. Une anomalie de l’évolution du
poids ou de l’IMC était le motif de consultation qui avait conduit au diagnostic dans
seulement 8 % des cas. De même, 70 % des patients évalués au diagnostic pour leur itinéraire
de croissance staturale pré-diagnostique (165 patients) avaient une anomalie de taille ou de
vitesse de croissance staturale depuis 1,5 an, alors que moins de 5 % des patients avaient
consulté pour ce motif. La différence entre la durée de l’anomalie de progression de l’IMC
ou de l’anomalie de croissance staturale et le délai diagnostique du symptôme révélateur était
statistiquement significative (P < 0,0001), les anomalies staturo-pondérales observées ayant
précédé de façon le symptôme révélateur d’environ 1,1 à 1,5 an. Nous nous sommes alors
intéressés particulièrement aux patients ayant une lésion HP révélée par des troubles
neurologiques ou ophtalmiques afin de déterminer si un signe ou symptôme endocrinien
était survenu plus tôt et aurait pu permettre de raccourcir le délai diagnostique.
Pour 122 patients, le symptôme révélateur de la lésion HP était un trouble neuroophtalmique, avec un délai diagnostique médian de 0,3 an [EIQ, 0,1-0,8], soit environ 4
mois. Deux tiers de ces patients avaient des signes ou symptômes endocriniens au diagnostic
qui étaient méconnus et étaient survenus avant le début du symptôme révélateur (Figure 1).
Par exemple, 20 % des patients ayant un craniopharyngiome avaient un DI depuis 0,8 an, et
donc déjà présent au moment de la survenue des troubles neuro-ophtalmiques qui ont
conduit au diagnostic. Une PP a été retrouvée chez 6 patients (3 patients avec un kyste
arachnoïdien suprasellaire, 2 avec un gliome des voies optiques et 1 avec un hamartome)
évoluant depuis 1,5 an avant le diagnostic et non explorée alors que les délais diagnostiques
du symptôme révélateur neuro-ophtalmique étaient toujours inférieurs à 5 mois pour ces
patients. Des anomalies de la progression de l’IMC étaient observées chez 62 % des patients
évalués (108 patients), survenant avec un délai médian de 2,5 ans avant le diagnostic (Figure
1). Nous avons calculé la différence entre le délai d’apparition de l’anomalie de progression
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PEUT-ON RACCOURCIR LE DELAI DIAGNOSTIQUE DES
LESIONS HYPOTHALAMO-HYPOPHYSAIRES DE L’ENFANT ?
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de l’IMC et le délai diagnostique et avons trouvé que cette différence était significative et de
presque 2 ans (1,9 an (IC 95 %, 1,5 à 2,4) (P < 0,0001). En d’autres termes, les patients ayant
une lésion HP révélée par un trouble neuro-ophtalmique avaient dans 2/3 des cas une
anomalie de la progression de leur IMC depuis près de 2 ans, signe qui aurait pu peut-être
alerter le clinicien ou le patient et ses parents. De même, nous avons observé des anomalies
de taille et de croissance staturale chez 66 % des patients (114 patients), évoluant depuis 1,1
an avant le diagnostic (Figure 1). La différence entre le délai d’apparition de cette anomalie
de la croissance staturale et le délai diagnostique était, là aussi, significative et de 1,4 an (IC
95 %, 1 à 1,8) (P < 0,0001). Nous pouvons donc émettre l’hypothèse que ces anomalies de
la progression du poids, de l’IMC et de la taille méconnues auraient pu conduire à un
diagnostic plus précoce dans près de 2/3 des cas, et ce peut être 1,5 voire 2 ans avant le
diagnostic.
Pour les patients ayant une lésion HP révélée par des troubles neuro-ophtalmiques et
présentant une anomalie de la progression de l’IMC, 41 (38 %) étaient obèses avant ou au
moment du diagnostic. L’obésité était présente depuis un délai médian de 2,2 ans avant le
diagnostic. Nous nous sommes donc intéressés aux recommandations de la prise en charge
de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent afin de savoir si l’application de ces recommandations
aux patients obèses inclus ici aurait pu permettre de raccourcir le délai diagnostique. Les
recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) proposent qu’une pathologie
secondaire (à savoir, endocrinienne ou tumorale) doit être suspectée lorsque « l’obésité est
associée à une mauvaise vitesse de croissance staturale » [20]. Pour les recommandations
américaines, « une cause exogène d’obésité » peut conduire à une mauvaise croissance
staturale, et « une croissance staturale normale rend ces causes exogènes peu probables »
[21] ; l’examen clinique doit rechercher une « petite taille » ou « cessation de la croissance
staturale », suggérant l’existence d’une pathologie (endocrinienne) sous-jacente [22]. Les
recommandations françaises et américaines s’appuient uniquement sur l’examen clinique et
la mesure de la taille ou de la vitesse de croissance staturale pour discriminer les enfants et
adolescents ayant une obésité « commune » de ceux ayant une obésité secondaire. Nous
avons donc testé la sensibilité de ces recommandations en analysant spécifiquement la taille
et la vitesse de croissance staturale des patients obèses et ayant une lésion HP révélée par un
trouble neuro-ophtalmique. Nous avons observé que 35 des 41 patients obèses évalués (85
%) avaient une taille ou une vitesse de croissance staturale normale au moment où l’obésité
est survenue (Figure 2). Parmi eux, 25 patients (71 %) ont conservé une taille ou vitesse de
croissance normale associée à l’obésité au moment du diagnostic. Sur notre cohorte, la
sensibilité des recommandations françaises et américaines n’était que de 14 % (95 % CI, 629 %) à 39 % (95 % CI, 25-54 %) et donc très faible. Autrement dit, l’obésité survenue près
de 2 ans avant le diagnostic n’était pas associée à un ralentissement statural ou une petite
taille dans plus de 2/3 des patients obèses ayant une lésion HP, signes qui selon les
recommandations auraient dû permettre de dépister les enfants ayant une obésité secondaire
et nécessitant des examens complémentaires.
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M. TAYLOR-MARCHETTI, M. CHALUMEAU, R. BRAUNER
DISCUSSION
Notre étude met en lumière plusieurs points : 1) les symptômes révélateurs et la
présentation clinique des lésions HP diffèrent selon la nature de la lésion ; 2) pour la majorité
des patients, le diagnostic a été fait au stade de signes neuro-ophtalmiques pouvant menacer
le pronostic vital ou fonctionnel ; 3) dans un tiers des cas, le diagnostic a été fait sur la présence
de signes endocriniens avec un délai diagnostique médian de plus de 6 mois ; 4) tous les
patients, et en particulier ceux pour lesquels la lésion HP était révélée par des troubles neuroophtalmiques, avaient des signes et symptômes endocriniens avant le diagnostic, parfois
précédant celui-ci de 1 à 2 ans. De plus, l’analyse des courbes de croissance staturo-pondérale
de ces patients montre l’existence d’anomalies plusieurs mois voire plusieurs années avant
l’apparition du symptôme révélateur. Les signes endocriniens observés dans notre étude, à
savoir une PP, un changement de couloir de croissance staturale ou d’IMC, peuvent être
décelés de manière simple à l’examen clinique du médecin traitant.
FREQUENCE DES SIGNES ET SYMPTOMES ENDOCRINIENS :
COMMENT MIEUX LES RECONNAITRE ET LES PRENDRE EN CHARGE ?
Les courbes d’évolution de la taille, de vitesse de croissance et de l’IMC sont les
documents clés qui permettent de savoir si un enfant donné est bien portant et a une
croissance normale. A tout âge, au cours de l’examen clinique, il est important d’évaluer et
de rechercher : (1) taille, poids, IMC (rapportés sur les courbes d’évolution) ; (2) périmètre
crânien (macrocrânie ou augmentation anormale du périmètre crânien) ; (3) développement
pubertaire à comparer à l’âge ; (4) signes cutanés de neurofibromatose de type 1 ; et (5)
troubles fonctionnels : vomissements, anorexie, polyurie, céphalées, changement de
comportement, asthénie voire léthargie.
Puberté précoce et anomalies de la puberté
La puberté précoce est définie par le développement des seins avant l’âge de 8 ans chez la
fille, et par un développement pubertaire avant l’âge de 10 ans chez le garçon. Les PP sont le
plus souvent centrales, dépendantes des gonadotrophines (LH et FSH). Dans de rares cas,
elles sont périphériques et indépendantes des gonadotrophines. Le problème de l’étiologie
d’une PP centrale se pose différemment selon qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille [23].
Chez la fille : une PP centrale nécessite un bilan comprenant un test au GnRH
(gonadotrophine releasing hormone), un dosage de l’estradiol, associé à une échographie
pelvienne à la recherche de signes d’estrogénisation et de l’absence d’une anomalie ovarienne.
La PP centrale est confirmée par la réponse des gonadotrophines (pics de LH et de FSH) à
l’injection du GnRH avec un rapport pic LH/pic FSH supérieur à 0,6. Même si la PP centrale
est le plus souvent idiopathique chez la fille, une IRM cérébrale permettra d’éliminer une
lésion HP, en particulier un hamartome, un gliome des voies optiques, ou un kyste
arachnoïdien suprasellaire. Les facteurs prédictifs indépendants de l’existence d’une tumeur
cérébrale devant une PP centrale chez la fille sont : un démarrage de la PP avant l’âge de 6
ans, et/ou un taux d’estradiol > 110 pmol/l ou pg/ml [24].
Chez le garçon : le développement d’une pilosité sexuelle, d’une augmentation de la taille
de la verge et du volume testiculaire avant l’âge de 10 ans est le plus souvent pathologique.
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PEUT-ON RACCOURCIR LE DELAI DIAGNOSTIQUE DES
LESIONS HYPOTHALAMO-HYPOPHYSAIRES DE L’ENFANT ?
265
Le volume testiculaire est l’élément qui guide vers l’origine centrale ou périphérique de la PP.
Les dimensions testiculaires pubertaires (supérieures à 3 x 2 cm) indiquent une origine
centrale. La réponse des gonadotrophines (LH et FSH) à l’injection du GnRH test est de
type pubertaire, avec un rapport pic LH/pic FSH supérieur à 2. L’IRM cérébrale est
nécessaire car une cause lésionnelle est retrouvée dans 70 % des cas. Si les dimensions
testiculaires sont pré-pubères (2 x 1 cm) en présence d’une pilosité sexuelle, le taux
plasmatique de testostérone guide l’enquête étiologique. Si le taux plasmatique de testostérone
est supérieur à 0,5 ng/ml, il faut rechercher une lésion centrale ou périphérique. La production
périphérique de testostérone peut être alors d’origine surrénalienne (avant tout une
hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive ou une tumeur) ou d’origine
testiculaire (testotoxicose, tumeur testiculaire ou sécrétant de hCG).
Le diabète insipide
L’apparition d’une énurésie ou d’un syndrome polyuro-polydipsique, surtout nocturne,
sera d’autant plus un signe d’alerte qu’il s’accompagne de céphalées, d’un changement de
comportement ou de modifications de la croissance staturale ou de l’IMC. Il faut d’abord
rechercher une glycosurie. Lorsque cette recherche est négative, il faut mesurer les osmolalités
sanguine et urinaire à jeun couplées à la natrémie. Si l’osmolalité urinaire est < à 700-800
mosmol/kg et l’osmolalité plasmatique est > à 300 mosmol/kg avec une natrémie > à 144
mEq/l, une épreuve de restriction hydrique devra être faite sous surveillance en milieu
hospitalier. Si celle-ci montre un trouble de la concentration qui est sensible à l’hormone
anti-diurétique et confirme un DI, une IRM de la région HP recherchera une pathologie de
la tige pituitaire ou de la région HP.
Les anomalies de la croissance staturale
Les éléments qui font rechercher une anomalie sont : (1) un niveau de taille situé en
dehors des limites de -2 et +2 DS ; (2) une discordance (de plus de 1,5 DS) entre le niveau
de taille de l’enfant et celui de sa taille cible calculée à partir des tailles de ses parents ; (3)
surtout une vitesse de croissance anormale pour l’âge, ce qui conduit à un changement de
couloir de croissance. Deux cas de figures se présentent alors : soit un retard de croissance
et/ou une vitesse de croissance inférieure à la norme, soit une grande taille et/ou une vitesse
de croissance supérieure à la norme. Dans tous les cas, l’évolution de l’IMC et le stade
pubertaire sont à analyser en parallèle afin de comprendre le contexte et orienter les examens
complémentaires.
Il est important de rechercher une lésion HP par une imagerie cérébrale lorsqu’un
ralentissement de la vitesse de croissance en taille est associé à : (1) une prise de poids
entraînant un changement de couloir de croissance authentifiée par la courbe d’IMC, qu’elle
soit préexistante ou concomitante du ralentissement statural ; (2) une anorexie ou une
cachexie ; (3) une PP ou retard pubertaire ; (4) un syndrome polyuro-polydipsique ou une
énurésie secondaire. L’association d’un ralentissement statural à une prise de poids fera aussi
rechercher une hypothyroïdie et un hypercorticisme. A côté de ces situations, si le
ralentissement statural est isolé et inexpliqué, l’IRM cérébrale recherchera une tumeur HP
ou un syndrome d’interruption de la tige pituitaire.
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266
M. TAYLOR-MARCHETTI, M. CHALUMEAU, R. BRAUNER
Les anomalies de la croissance pondérale et de l’IMC
Des recommandations ont été publiées par l’HAS sur la prise en charge de l’obésité de
l’enfant et l’adolescent, et ne seront pas traitées ici. Le plus souvent, l’obésité est due à un
excès d’apport calorique et/ou à une insuffisance d’activité physique. Elle s’accompagne dans
ce cas d’une vitesse de croissance en taille normale ou accélérée, surtout chez l’enfant de moins
de 7 à 8 ans. L’interrogatoire peut retrouver une obésité familiale.
Lorsque la vitesse de croissance staturale est ralentie, avant ou en même temps que la
survenue d’une anomalie de l’évolution de l’IMC, il est important de rechercher (1) un
hypercorticisme par une cortisolurie des 24 h (norme < 50µg/24h), (2) une hypothyroïdie
par un dosage de la TSH et la T4L, et (3) une lésion HP, en particulier un
craniopharyngiome. Dans notre série, nous avons observé qu’une obésité ou une évolution
anormale de la prise de poids avec augmentation de l’IMC pouvaient être due à une lésion
HP en l’absence d’un ralentissement de la vitesse de croissance staturale. La spécificité de ces
signes est probablement extrêmement basse puisque 30 % de la population pédiatrique est
en surpoids et 16 % des enfants sont obèses. Néanmoins, notre étude met en lumière aussi la
faible sensibilité des recommandations actuelles pour discriminer les enfants et adolescents
ayant une obésité « commune » de ceux ayant une obésité secondaire.
Inconstance des signes classiques de tumeur cérébrale
L’association « céphalées-vomissements » est inconstante, rapportée comme présente
chez moins de 40 % des patients ayant une tumeur cérébrale, et peut apparaître tardivement
dans l’évolution, s’amender temporairement, surtout chez les enfants jeunes [11, 13]. Le
caractère matinal, persistant ou évoluant vers l’aggravation de ces signes, est aussi rapporté
comme souvent absent. L’œdème papillaire au fond d’œil est inconstant ou tardif. C’est par
la recherche d’autres signes ou symptômes associés, comme décrit ci-dessus, que le clinicien
peut être alerté par la suspicion d’une lésion HP [15].
CONCLUSION
Savoir répéter l’examen clinique dans un délai raisonnable
Afin de réduire le délai diagnostique des lésions HP de l’enfant et de l’adolescent, une
plus grande attention pourrait être portée aux signes et symptômes endocriniens, notamment
les anomalies de la croissance staturo-pondérale. En cas d’apparition d’une PP, d’un DI, d’une
obésité, d’une anomalie de la progression de l’IMC ou de la vitesse de croissance staturale
apparemment isolée et non suspecte, il est nécessaire de réévaluer l’enfant dans un délai
raisonnable. Certains auteurs proposent de répéter l’interrogatoire et l’examen clinique dans
un délai de 4 semaines [15]. Dans tous les cas, si un doute a été soulevé lors du premier
examen, le fait de revoir l’enfant 3 mois après pour rechercher l’apparition d’autres signes et
symptômes (céphalées, troubles visuels, polyuro-polydipsie, aggravation de la prise de poids)
est une précaution raisonnable.
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PEUT-ON RACCOURCIR LE DELAI DIAGNOSTIQUE DES
LESIONS HYPOTHALAMO-HYPOPHYSAIRES DE L’ENFANT ?
267
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier les différents centres qui ont permis de réaliser ce travail : les
services d’explorations fonctionnelles et de neurochirurgie pédiatrique de l’Hôpital NeckerEnfants Malades, Paris, 75743; le Département d’oncologie pédiatrique de l’Institut Curie,
Paris, 75248, et le Département de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent, de l’Institut
Gustave Roussy, Villejuif, 94805.
Une partie du texte présentée a récemment été publiée :
M. Taylor, A-C. Couto-Silva, L. Adan, C. Trivin, C. Sainte-Rose, M. Zerah, D. ValteauCouanet, F. Doz, M. Chalumeau, R. Brauner. Hypothalamic-pituitary lesions in pediatric
patients: endocrine symptoms preceed neuro-ophthalmic symptoms in two thirds of cases.
J Pediatr June 2012 (in press).
A. Rogol. Pediatricians and Hypothalamic/Pituitary Tumors : What is it about them in
Children and Adolescents that alert us to their presence ? J Pediatr June 2012 (in press)
AUTEURS :
M. Taylor-Marchetti : 3ème année de thèse de sciences, Laboratoire de Recherche Translationnelle, Inserm U981,
Institut Gustave Roussy, Villejuif, France.
M. Chalumeau : Université Paris Descartes, AP-HP, Hôpital Necker-Enfants Malades, Service de pédiatrie
générale, Paris, France
R. Brauner: Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, et Fondation Ophtalmologique Adolphe de
Rothschild, Paris 19, France
AUTEUR CORRESPONDANT :
M. Taylor-Marchetti - Courriel : melissa.taylormarchetti@gmail.fr
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Légende de Figure 1: Schéma de la durée des signes cliniques et symptômes endocriniens au
diagnostic par rapport au délai diagnostique du symptôme révélateur chez les patients ayant une
lésion HP révélée par des symptômes neuro-ophtalmiques. Les durées des symptômes sont
présentées en tant que valeur médiane et exprimées en années pour chaque type de lésion HP ainsi
que pour l’ensemble des lésions HP. Les pourcentages de patients ayant les symptômes sont
présentés. (extrait de Taylor et al. J Pediatr 2012)
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PEUT-ON RACCOURCIR LE DELAI DIAGNOSTIQUE DES
LESIONS HYPOTHALAMO-HYPOPHYSAIRES DE L’ENFANT ?
269
Légende de Figure 2 : Test des recommandations de prise en charge de l’obésité de l’enfant. En haut :
Diagramme de flux de l’analyse de la taille et de la vitesse de croissance pré-diagnostique parmi les
patients obèses ayant une lésion HP révélée par des troubles neuro-ophtalmiques. En bas : Courbe de
gauche : croissance staturo-pondérale ; de droite : courbe de corpulence. Apparition d’une obésité à
l’âge de 4 ans. Diagnostic de lésion HP (craniopharyngiome) à l’âge de 10 ans. Taille > à +2DS et
aucun ralentissement de la vitesse de croissance staturale. (extrait de Taylor et al. J Pediatr 2012)
14
25
22
12
7
Kyste arachnoïdien
suprasellaire
Hamartome
Tumeur germinale
Astrocytome HP
93
53%
3
2
5.1 [2.5-8.8]
4.5 [2.5-7.5]
10.3 [8-11.7]***
2.7 [1.1-8.1]
1.9 [1.4-6]**
3.6 [2.5-7.7]*
7.0 [4.9-9.9]
0.3 [0.1-1]
0.2 [0.1-0.3]
1.1 [0.5-2]
0.4 [0-1.2]
0.3 [0.1-0.5]
0 [0-0.3]
0.5 [0.1-1]
88
50%
7
0
4
18
12
47
67
38%
0
0
0
9
31
27
122
69%
7
0
4
23
39
49
60
34%
0
12
17
3
16
12
50
28%
0
12
17
2
15
4
25
19%α
0
0
17
1
7
0
17
9%
0
12
0
0
0
5
15
8%
0
0
0
1
9
5
9
5%
0
0
0
0
9
0
9
5%
0
0
0
2
0
7
21
12%
0
0
1
17
0
3
Légende du Tableau : Les âges au diagnostic et les délais diagnostiques sont exprimés en années et en valeur médiane [IQR, interquartile range].
α
: nombre total des patients d’âge pré-pubère, n = 131 (37 craniopharyngiomes, 46 gliomes des voies optiques, 21 kystes arachnoïdiens suprasellaires, 18 hamartomes, 3 tumeurs germinales
malignes, et 6 astrocytomes HP); β : autres signes cliniques et symptômes sont 4 diagnostics fortuits (3 craniopharyngiomes et 1 hamartome) et 17 macrocrânies (kystes arachnoïdiens
suprasellaires).
*: P < 0..0001 pour l’âge médian au diagnostic des patients ayant une neurofibromatose (4.5 ans [2.6-7.7]) vs. l’âge médian au diagnostic des patients n’ayant pas de neurofibromatose
(3.yr [2.5-7.2]). **: P < 0.01 pour l’âge médian des patients ayant un kyste arachnoïdien suprasellaire vs. l’âge médian de tous les patients. ***: P < 0.01 pour l’âge médian des tumeurs germinales vs.
l’âge médian de tous les patients.
Abréviations : IMC : indice de masse corporelle ; HP : hypothalamo-hypophysaire ; IQR : Interquartile range ; PP : puberté précoce ; PU-PD : polyurie ou polydipsie.
Total
176
% du total des lésions HP
29
Gliome des voies optiques 54
9
36
56
Craniopharyngiome
Lésions HP
Symptômes révélateurs
Symptômes et signes cliniques endocriniens
Autres β
neurologiques ou ophtalmiques
N Garçon(s) Age au Délai diagnostique
Les Symptômes Symptôme
IMC
Taille ou
diagnostic
années,
Neurologique Ophtalmique deux endocriniens endocrinien PP α PU-PD anormal Cachexievitesse de
années
(médiane [EIQ])
seul
croissance
(médiane [EIQ])
anormale
Tableau 1. Symptômes révélateurs et délais diagnostiques des lésions HP
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271
LUPUS SYSTEMIQUE DE L’ENFANT :
ACTUALITES GENETIQUES ET THERAPEUTIQUES
par
B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
Le lupus érythémateux systémique (LES) est une pathologie auto-immune, résultant de
l’interaction complexe de facteurs environnementaux et génétiques. Le LES à début
pédiatrique (LESp) une maladie rare, diagnostiquée avant l'âge de 16 ans dans 15 à 20 % des
cas [1]. Il est considéré classiquement comme une pathologie polygénique, mais certaines
formes de transmission mendélienne ont été récemment identifiées. Il se différencie du LES
de l’adulte notamment par sa plus grande sévérité liée à la plus grande fréquence d’atteintes
rénales, hématologiques et neurologiques sévères. Il nécessite une corticothérapie dans la
majorité des cas, souvent associée à un traitement par immunosuppresseur. De nombreux
progrès thérapeutiques ont vu le jour durant ces dernières années.
LE LUPUS ERYTHEMATEUX SYSTEMIQUE DE L’ENFANT :
UNE PATHOLOGIE POLYGENIQUE OU MONOGENIQUE ?
Le LESp se différencie du LES de l’adulte par un sex-ratio fille/garçon moins élevé que
chez l'adulte de 1/5 à 1/18, par sa plus grande sévérité liée notamment à la plus grande
fréquence d’atteintes rénales, hématologiques et neurologiques sévères et par la plus grande
fréquence d’anticorps anti-DNA et anti-RNP [1,2].
Plusieurs arguments suggèrent que des facteurs génétiques jouent un rôle important dans
la physiopathologie du LES :
- L’existence d‘agrégation de LES chez plusieurs membres d’une même famille, notée
dans 10-15% des cas [1,3].
- Les études de fratrie de patient atteint de LES :
• Chez des jumeaux dont l'un a un LES, le second jumeau a un risque 10 fois plus élevé
de développer la maladie lorsqu'il s'agit de jumeaux homozygotes que s’il s’agit de jumeaux
dizygotes.
• Les frères et sœurs de sujets atteints ont un risque relatif de développer un LES 15
fois supérieur à la population générale [1,4].
- L’incidence et la sévérité de la maladie varient selon les ethnies, avec une incidence et
une atteinte rénale sévère plus grande chez les patients africains et les asiatiques que chez les
blancs caucasiens.
La plus grande sévérité du LES pédiatrique comparée au LES de l’adulte pourrait être
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272
B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
due à une implication plus grande de facteurs génétiques. Une étude récente du nombre
d’allèles de susceptibilité à la survenue de LES, identifiés par une approche fondée sur la
détection de marqueurs polymorphiques de type SNPs, retrouve un nombre d’allèles de
risque de LES plus élevé avant 18 ans qu’après chez les patients afro-américains [5]. On peut
également supposer que les variations génétiques associées au LES pédiatrique pourraient
avoir un impact plus important sur l’expression ou la fonction des gènes concernées. Ainsi,
des mutations monogéniques pourraient être associées au développement de lupus précoce
et expliquer sa sévérité, tandis que des facteurs environnementaux, hormonaux et
polygéniques interviennent plutôt dans le développement du LES du sujet plus âgé, comme
cela est proposé pour la prédisposition génétique aux infections sévères par exemple.
Le LES est classiquement considéré comme une pathologie polygénique, et de
nombreuses études de tour du génome ou GWAS (genome wide association studies) ont
permis la détection d’une cinquantaine de marqueurs polymorphiques de type SNPs, associés
à un risque de développer un LES. Certains d’entre eux sont associés à une probabilité de
développer plusieurs maladies auto-immunes dont le LES (STAT4, PTPN22). D’autres sont
associés plus spécifiquement au développement d’un LES chez l’adulte et interviennent
notamment dans les fonctions lymphocytaires B et T, dans les interactions entre ces deux
cellules, dans les fonctions des cellules dendritiques, dans la voie de signalisation de
l’interféron , dans la clearance des immuns complexes, dans l’immunité innée et dans le
cycle cellulaire et l’apoptose [6].
Cependant ces polymorphismes n’expliquent que moins de 15% des formes familiales
de LES, et plusieurs exemples soulignent qu’une approche de type GWAS peut échouer à
mettre en évidence des mutations de certains allèles rares. Le LES est une maladie hétérogène,
susceptible d’atteindre tous les organes. Cette hétérogénéité phénotypique pourrait
correspondre en partie à l’existence de plusieurs pathologies distinctes de transmission
mendélienne, qui serait associée à telle ou telle atteinte d’organe plus particulièrement. On
peut raisonnablement faire l’hypothèse que ces lupus monogéniques sont plus fréquents dans
les lupus à début pédiatrique que dans les lupus commençant chez l’adulte, pour les raisons
exposées dans le paragraphe précédent. L’identification en 2011 de deux entités de
transmission mendélienne associées au développement d’un LESp, dont l’une est associée à
la survenue de néphrite lupique, est en faveur de cette hypothèse et s’ajoute aux deux autres
entités connues. En effet, à côté de l’existence de facteurs de prédisposition mis en évidence
sur de larges cohortes, il existe essentiellement quatre cadres connus à ce jour de LES de
transmission mendélienne :
- Certains déficits homozygotes en facteurs du complément (C1q, C1 r, C1s, C4, C2,
C3 avec une prévalence de survenue d’un LESp de 93 %, 57 %, 80 % et 32 % et 16 %
respectivement) [8].
- Le syndrome d’Aicardi-Goutières (AGS) [9] : l’AGS comporte une atteinte
neurologique précoce évoluant vers une encéphalopathie sévère et une calcification des
noyaux gris centraux, associées à des pathologies inflammatoires et/ou auto-immunes de
survenue précoce (lupus engelure, arthrite, cytopénie auto-immune, lupus systémique
pédiatrique). Des mutations de cinq gènes ont été identifiées dans l’AGS : TREX1 (principale
exonucléase de l’ADN 3’-5’), RNASEH1, RNASEH2, RNASEH3 (endonucléases) et
SAMHD1 de fonction inconnue.
- La spondylenchondrodysplasie (SPENCD), que nous avons contribué à identifier [10],
comporte constamment une dysplasie osseuse (spondylenchondrodysplasie) parfois associée
à une atteinte neurologique (retard mental, spasticité, calcification des noyaux gris centraux)
et la survenue de pathologies inflammatoires et/ou auto-immunes de survenue précoce
(myosite, lupus engelure, hypothyroïdie, cytopénie auto-immune, LESp). Ce syndrome est
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LUPUS SYSTEMIQUE DE L’ENFANT : ACTUALITES GENETIQUES ET THERAPEUTIQUES
273
secondaire à des mutations du gène codant pour une enzyme lysosomale TRAP (Tartraseresistant acid phosphatase).
La survenue d’un LES dans ces deux derniers syndromes est associée à une signature
cytokinique classique de type interféron  et à une augmentation de la sécrétion d’interféron
 sérique (SPENCD) ou dans le LCR (AGS) [14-17]. Une mutation hétérozygote du gène
TREX1 a été retrouvée dans 0,5 et 2 % des cohortes de patients porteurs de LES [18,19].
Ces deux pathologies sont donc des causes monogéniques de lupus, et sont associées à la
survenue d’un LES précoce, survenant souvent dans les premières années de vie dans la
majorité des cas.
- Une mutation du gène codant pour la DNASE1L3 associée à la survenue d’un LES à
début pédiatrique avec présence fréquente de néphrite et d’ANCA [11].
QUELLE PRISE EN CHARGE EN 2012 : L’ANCIEN OU LE NOUVEAU ?
Le traitement repose sur la prise en charge et la prévention des poussées, la prévention
des complications et séquelles et l’éducation thérapeutique. Il n'existe aucun essai randomisé
concernant le traitement du LES pédiatrique, et les recommandations sont issues d'études
extrapolées du traitement de LES de l'adulte. Récemment, la mise en évidence de nombreuses
propriétés bénéfiques du Plaquénil® a remis à l’honneur cet ancien traitement, et le cellcept
prend une place croissante dans le traitement des atteintes sévères.
Prise en charge et la prévention des poussées
L’hydroxychloroquine (Plaquénil®)
Ce traitement a longtemps été considéré comme un traitement d’appoint mineur, réservé
aux manifestations peu sévères du LES : atteinte cutanée, notamment le lupus discoïde, aux
manifestations articulaires et aux signes généraux non contrôlés par les AINS. Cependant, plus
récemment, de nombreux effets bénéfiques de l’hydroxychloroquine ont été mis en évidence
[11] : prévention des rechutes, effet bénéfique sur la survie, activité antithrombotique, limitation
de l’ostéoporose induite par les corticoïdes, amélioration du bilan lipidique, effet
protecteur/survenue d’insuffisance rénale. L’intérêt de l’adjonction précoce d’un traitement par
Plaquenil® est donc maintenant bien établi chez l’adulte, et incite à proposer aussi ce traitement
systématiquement chez l’enfant. Un dosage plasmatique bas est le seul facteur prédictif de
survenue de rechute chez l’adulte. Le principal effet secondaire est représenté par la survenue
d'une rétinopathie, rare aux doses recommandées. Ses modalités de surveillance ne sont pas
standardisées. Les recommandations récentes de surveillance comportent la réalisation d’un fond
d’œil, d’un champ visuel automatisé et si possible d’un électrorétinogramme multifocal ou clichés
du fond d’œil en auto-fluorescence ou OCT (Optical Coherent Tomography )-SD au début du
traitement, après 1 à 5 ans de traitement puis tous les ans au-delà de 5 ans de traitement. Les
autres effets secondaires sont plus rares : cutanés, neuromusculaires, cardiaques, hématologiques
et digestifs. Cependant, les conséquences ophtalmologiques à long terme d’un traitement précoce
et prolongé par Plaquénil® chez l’enfant demandent à être précisées.
La corticothérapie
Elle est souvent nécessaire chez l'enfant. Elle ne doit être utilisée qu'après échec des AINS
et du Plaquenil® dans les formes peu sévères à la plus petite dose efficace, et précocement à
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B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
fortes doses dans les formes graves. La posologie est de 5 à 15 mg/j de prednisone ou
prednisolone (sans dépasser 0,5 mg/kg chez les jeunes enfants) dans les formes peu sévères
et de 1 à 2 mg/kg–1 j–1, voire en bolus intraveineux de méthylprednisolone dans les formes
sévères (rénale, neurologique, hématologique, pulmonaire), mais il n'existe aucune étude
contrôlée à ce sujet ; quelques cas d'arythmie et d'arrêt cardiaque, d'hypertension artérielle
sévère et de psychose aiguë ont été rapportés comme effets secondaires des bolus. Les autres
effets secondaires de la corticothérapie sont bien connus et ne seront pas abordés dans cet
article. La décroissance de la corticothérapie doit être très progressive, à adapter en fonction
essentiellement d’éléments cliniques, des effets secondaires et pour certains de données
biologiques. La persistance d’anomalies isolées immunologiques à des valeurs stables
(anticorps anti-DNA, hypocomplémentémie) ne doit pas inciter à une modification
thérapeutique ; de même la VS est un mauvais reflet de l’évolutivité de la maladie. La
corticothérapie discontinue est à déconseiller.
L'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ils sont indiqués dans les formes mineures avec atteinte cutanée et/ou articulaire. Ils sont
contre-indiqués en cas de thrombopénie et doivent être arrêtée 8 à 10 j avant une biopsie rénale
ou autre geste invasif. Les fortes doses prédisposent aux accidents d'hépatite cytolytique et
surtout d'insuffisance rénale. Ils doivent donc être utilisés avec une extrême prudence chez les
patients ayant une atteinte rénale lupique. Quelques cas de méningite aseptique ont été
rapportés chez des adultes lupiques recevant des AINS, surtout avec l’ibubrofène, et plus
rarement avec le diclofénac.
Les immunosuppresseurs
- Le mycophénolate mofetyl (Cellcept®) (MMF) est un inhibiteur réversible de l'inosine
monophosphate déshydrogénase qui inhibe sélectivement l'activité des lymphocytes. Son
intérêt a été démontré dans le traitement d’attaque de certaines néphropathies lupiques
prolifératives et dans le traitement d’entretien de celles-ci (cf ci-dessous). Ce traitement a une
place importante actuellement dans les atteintes sévères lupiques
- Le cyclophosphamide (Endoxan®). La plupart des études suggèrent que le pronostic
rénal est amélioré grâce au traitement précoce intensif des glomérulonéphrites de classe IV
et de classe III sévères par une association de corticoïdes et de cyclophosphamide intraveineux,
mais il n'existe aucune étude pédiatrique prouvant formellement la supériorité d'une telle
association sur une corticothérapie isolée. Plus récemment, le mycophénolate mofétyl, moins
toxique, a également été proposé dans le traitement d’attaque de certaines néphropathies de
classe III et IV. à long terme la toxicité gonadique est la principale complication : chez les
patientes âgées de moins de 25 ans le risque d'aménorrhée est faible en cas d'administration
pendant 6 mois uniquement, mais s'élève à 17 % si le nombre de perfusions est supérieur à
15. Chez les enfants porteurs d'un syndrome néphrotique, une toxicité gonadique peut
s'observer pour des doses cumulatives supérieures à 200 mg/kg. Une congélation de sperme
doit être proposée à partir de l'adolescence.
- L’azathioprine (Iimurel®) (2 à 3 mg/kg/j per os) est utilisé depuis longtemps comme
traitement de seconde ligne comme thérapeutique d’épargne cortisonique dans les atteintes
non rénales, et comme traitement d’entretien en association avec la corticothérapie en relais du
cyclophosphamide dans les néphrites de classe III ou IV ou les atteintes neurologiques sévères.
- Le méthotrexate à faible dose (5 à 15 mg/semaine). Les manifestations les plus sensibles
au méthotrexate sont les atteintes articulaires et certaines atteintes cutanées.
- La ciclosporine n’est quasiment pas utilisée.
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LUPUS SYSTEMIQUE DE L’ENFANT : ACTUALITES GENETIQUES ET THERAPEUTIQUES
275
Les biothérapies
- L'efficacité d’un traitement par anticorps monoclonal anti-CD20 (rituximab),
entraînant une déplétion en lymphocytes B, dans des LES réfractaires aux thérapeutiques
usuelles est controversée. Elle a été mise en évidence dans des essais non contrôlés chez environ
une cinquantaine d’enfants et trois cent adultes. Cependant cette efficacité n’a pas été
confirmée dans deux études randomisées rituximab versus placebo dans le traitement des
atteintes lupiques rénales et extra-rénales, possiblement en raison de la conception des essais
[12]. Ce traitement entraîne une susceptibilité accrue aux infections. Les principaux autres
effets secondaires sont la survenue de réactions anaphylactiques parfois sévères lors des
perfusions, atténuées par une prémédication, la survenue de maladie sérique, de neutropénie
précoce ou tardive et de pneumopathie ; quelques cas de leuco-encéphalopathie multifocale
progressive ont été rapportés chez des adultes porteurs de LES après traitement par rituximab
sans qu’un lien de causalité ait pu être clairement défini. La place du rituximab dans le LES
réfractaire reste donc à définir.
- L’efficacité du Belimumab (anticorps monoclonal inhibiteur de Blys, cytokine activatrice
du lymphocyte B) a été rapportée depuis 2011 dans une étude randomisée dans le traitement
d’atteintes lupiques peu sévères de l’adulte [13]. Sa place reste également à définir.
Traitement des atteintes sévères rénales et extra-rénales
Les glomérulonéphrites de classe II ne nécessitent pas de traitement spécifique.
En revanche, les glomérulonéphrites de classes IV et III sévères avec signes d’activité
doivent être traitées précocement et « agressivement ». Le retard diagnostique, l’absence de
rémission et la survenue de rechutes sont des facteurs de mauvais pronostic de ces atteintes.
L’objectif du traitement est donc l’obtention de rémission rapide, la prévention des rechutes
et de la survenue d’insuffisance rénale chronique, la réduction de la mortalité, et la survenue
de la plus faible toxicité possible. Il n’existe aucune étude spécifiquement pédiatrique, et tous
les schémas thérapeutiques sont extrapolés d’études effectuées chez l’adulte. Les indications
du traitement de la néphropathie lupique chez l’enfant varient en fonction, non seulement,
de la classe histologique mais également d’un certain nombre de facteurs de moins bon
pronostic (patients noirs, élévation initiale de la créatininémie, absence de baisse de la
créatininémie après 1 an de traitement, index d’activité et de chronicité élevés sur la biopsie
initiale, poussées rénales de la maladie, hypertension artérielle persistante). Le traitement
repose sur la corticothérapie sous la forme de perfusions de méthylprednisolone relayées par
une corticothérapie orale quotidienne à la dose de 30 à 60 mg/m2 avec ensuite une diminution
progressive. L’association à un traitement immunosuppresseur est indiqué car celui-ci
améliore le pronostic à long terme et permet de réduire la corticothérapie dont les effets
secondaires sont importants chez l’enfant et l’adolescent. Les recommandations européennes
actuelles sont de proposer un traitement d’induction par MMF en traitement d’attaque dans
un premier épisode de néphropathie lupique III-IV en l’absence de facteurs de mauvais
pronostic, sans insuffisance rénale chez l’adulte. Cependant les indications respectives du
cyclophosphamide et du MMF restent à préciser et doivent être discutées avec une équipe
spécialisée. Le traitement d’entretien a pour but de maintenir la rémission, de prévenir les
rechutes et de réduire le risque de progression vers l’insuffisance rénale. Le traitement optimal
et sa durée sont encore débattus. Une étude récente montre que le MMF est plus efficace que
l’azathioprine et mieux toléré pour maintenir la rémission [15]. L’intérêt de l’adjonction
précoce d’un traitement par Plaquénil® a été souligné ci-dessus.
Le traitement des atteintes sévères lupiques non rénales n’est pas codifié et doit être
discuté au cas par cas.
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276
B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
Traitement des atteintes peu sévères
Dans le LES cutané et/ou articulaire peu sévère, les anti-inflammatoires non stéroïdiens
ou l’aspirine sont indiqués. L’adjonction de corticoïdes systémique à faible dose ou d’une
corticothérapie locale en cas de lupus cutané subaigu et discoïde peut être utile, ainsi que
l’adjonction de méthotrexate en cas d’atteintes articulaires sévères résistant aux corticoïdes.
L’éducation thérapeutique
Elle comporte 1) la connaissance des symptômes de la maladie, en précisant les signes
évocateurs de poussée lupique, 2) l’explication du profil évolutif du LES et la nécessité d’un
suivi prolongé avec dépistage de l’atteinte rénale, 3) la connaissance des effets indésirables
possibles des traitements prescrits, 4) l’information sur les risques de l’arrêt intempestif du
traitement, 5) l’information sur la nocivité du tabac, 6) la nécessité d’adapter la contraception,
7) la nécessité d’une protection passive et active (protection vestimentaire, application toutes
les 3 à 4 heures d’un écran solaire d’indice très élevé sur les régions découvertes), 8) la nécessité
de respecter les recommandations vaccinales.
Comme toute maladie chronique sévère, le LES peut être difficile à prendre en charge à
l’adolescence, avec une fréquente mauvaise compliance. Des explications longues et répétées
sur la pathologie et sur les modalités d’une éventuelle contraception sont souvent nécessaires,
au cours de consultations en « tête-à-tête », parfois longues. La mise en place de consultations
de transitions lors de la prise en charge en médecine interne est souhaitable pour assurer une
continuité de suivi. Le problème de la contraception doit être systématiquement abordé avec
les adolescentes. L’emploi éventuel des oestroprogestatifs ne peut être envisagé qu’après une
évaluation individuelle précise. Les oestroprogestatifs même faiblement dosés, ont longtemps
été considérés comme contre-indiqués en raison de l’aggravation du lupus murin par les
oestrogènes et de l’accroissement du risque de survenue d’un LES associé à leur emploi. Deux
études randomisées prospectives ont cependant montré qu’ils ne majorent pas le risque de
poussée chez des malades indemnes d’antécédents thrombotiques dont l’affection était
préalablement stabilisée ; la présence d’anticorps antiphospholipides constituait un critère
d’exclusion dans l’une de ces études. En raison de leurs avantages théoriques les progestatifs
sont employés depuis plusieurs décennies en France malgré l’absence d’études prospectives
dédiées. Il s’agit principalement de micropilules progestatives, les norstéroïdes à forte dose
étant récusés en raison de leurs risques vasculaires. L’acétate de chlormadinone ou l’acétate
de cyprotérone sont utilisés fréquemment comme contraception orale. La fertilité des femmes
lupiques est globalement comparable à celle de la population générale, en dehors de
l'aménorrhée et des périodes d'infertilité accompagnant les poussées sévères de la maladie.
En dehors de certaines atteintes sévères, la grossesse peut être envisagée lorsque le LES est
stable depuis un an ; il s'agit cependant d'une grossesse à risque nécessitant une prise en charge
spécialisée qui doit être idéalement planifiée dans les meilleures conditions possibles [16].
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LUPUS SYSTEMIQUE DE L’ENFANT : ACTUALITES GENETIQUES ET THERAPEUTIQUES
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Prévention des complications
Les mesures de photoprotection
Elles sont essentielles. Il convient d’éviter toute exposition solaire intensive. Lorsque cette
éviction est impossible, une photoprotection des zones exposées est nécessaire : port de
chapeau et vêtement à manches longues, application très régulière de crème solaire écran total
(coefficient de protection au moins égal à 15) est indispensable lors de l’exposition au soleil.
Prévention des infections
Une prophylaxie de la pneumocystose par Bactrim® est recommandée chez les sujets
lymphopéniques recevant un traitement immunosuppresseur. Les vaccins utilisant une
anatoxine ou un micro-organisme tué sont indiqués selon le calendrier vaccinal. Toute
vaccination avec un micro-organisme vivant est contre-indiquée en période
d'immunosuppression. Les vaccinations contre le pneumocoque, la grippe et les
papillomavirus sont recommandées.
Lutte contre les facteurs de risque d’athérosclérose
La principale cause de mortalité dans le LES est la survenue d’athérome précoce. Il est
nécessaire de lutter contre les facteurs de risque secondaires d’athérosclérose dès l’enfance :
lutte contre le tabagisme, l’obésité, la dyslipidémie dès la prise en charge pédiatrique. Une
étude récente n’a pas permis de démontrer l’intérêt de la prise de statine dans la prévention
de survenue d’un épaississement de l’intima de la carotide, avec cependant une évaluation
qui n’a été effectuée qu’après 3 ans de recul [17].
Prévention de l’ostéoporose et prise en charge du retard statural
Une ostéoporose précoce est rapportée au cours du LES pédiatrique non nécessairement
secondaire à la corticothérapie [18]. Il convient donc de prévenir celle-ci par un apport
calcique et en vitamine D suffisant. Enfin la prescription d’hormone de croissance doit être
discutée en cas de retard statural cortico-induit.
Prévention de la survenue de thromboses [19]
La prévention secondaire des thromboses repose sur la prise d’un traitement
anticoagulant pour une durée à discuter au cas par cas chez l’enfant. L’INR cible est de 2,5
en cas de syndrome des antiphospholipides (SAPL) veineux, et de 3 en cas de SAPL artériel.
Il n’y a en la matière aucun consensus pour la prévention primaire des thromboses en cas
d’APL asymptomatiques. Une prescription d’acide acétylsalicylique à faible dose est acceptable.
Modalités de suivi
Le suivi pédiatrique doit être fréquent et régulier, tous les deux à trois mois, avec notamment
détection régulière d’une atteinte rénale par la recherche de protéinurie à la bandelette [20].
De nombreux progrès thérapeutiques ont donc vu le jour dans la prise en charge du LES
de l’adulte, probablement extrapolables au LES de l’enfant au cours des 5 dernières années.
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B. BADER-MEUNIER, F. RIEUX-LAUCAT
La mise en évidence récente de plusieurs causes de LES monogénique va permettre une
meilleure compréhension du LES ; nous avons un programme de recherche en cours pour
identifier de nouvelles mutations.
AUTEURS :
Brigitte Bader-Meunier 1, 2, Frédérique Rieux-Laucat2
1
Service d’Immunologie et Rhumatologie pédiatriques, Centre de référence « Arthrites juvéniles »
2
INSERM U768
AUTEUR CORRESPONDANT :
Brigitte Bader-Meunier - brigitte.bader-meunier@nck.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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[19] http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_931697/ald-n-21-lupus-erythemateux-systemique
[20] Bader-Meunier B, Haddad E, Niaudet P et al. Disseminated lupus erythematosus in children: guidelines about
investigations during the initial evaluation and follow-up. Arch Pediatr 2004 ; 11: 941-4.
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279
LUPUS ET SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES
CHEZ LA FEMME ENCEINTE
par
N. COSTEDOAT-CHALUMEAU, G. GUETTROT-IMBERT,
V. LE GUERN, F. GOFFINET
La survenue d’une grossesse au cours d’un lupus systémique et/ou d’un syndrome des
antiphospholipides (SAPL) est une situation devenue habituelle. L’amélioration du pronostic
obstétrical passe par la mise en place de consultations pré-conceptionnelles et par une
meilleure prise en charge avec notamment une collaboration étroite entre les différents
intervenants (médecin interniste ou rhumatologue, obstétricien, anesthésiste et pédiatre).
Ces consultations pré-conceptionnelles permettent d’évaluer les risques liés à la grossesse et
à la maladie systémique mais aussi d’adapter le traitement médical au projet de grossesse.
La gestion d’une grossesse dans ce contexte nécessite la prise en charge de 4 aspects
différents :
- le lupus et son activité,
- la présence d’une biologie antiphospholipides (anticoagulant circulant, anticorps
anticardiolipine, anticorps antiβ2GP1) voire d’un syndrome des antiphospholipides
(lorsqu’un évènement clinique est également présent),
- la présence d’anticorps anti-SSA et/ou anti-SSB,
- les traitements (contre-indiqués ou au contraire indiqués).
Nous aborderons donc successivement ces différents points.
OBJECTIFS DE LA CONSULTATION PRE-CONCEPTIONNELLE
La consultation pré-conceptionnelle permet de dépister les rares contre-indications à une
grossesse : poussée lupique actuelle ou récente, hypertension artérielle pulmonaire,
hypertension artérielle non contrôlée, valvulopathie mal tolérée. Une clairance de la créatinine
inférieure à 40 ml/min est une contre-indication relative qui est à discuter avec les
néphrologues au cas par cas.
Elle permet d’expliquer au couple les risques potentiels pour le bébé et pour la mère ainsi
que les modalités du traitement et du suivi. Celles-ci seront déterminées par l’histoire clinique
de la patiente, son profil biologique et immunologique. En effet, un antécédent de
complications au cours de grossesses antérieures, une poussée récente, la présence d’une
biologie voire d’un syndrome des antiphospholipides (tableau 1) et/ou d’un anticorps antiSSA ou anti-SSB sont des situations à risque de complication. Si la grossesse peut être
envisagée, les médicaments déconseillés ou interdits pendant la grossesse sont alors arrêtés et
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280
N. COSTEDOAT-CHALUMEAU, G. GUETTROT-IMBERT,
V. LE GUERN, F. GOFFINET
remplacés si nécessaire. Une supplémentation en folates est nécessaire, indispensable en cas
de traitement antérieur par méthotrexate ou d’anémie hémolytique même bien compensée
pour limiter le risque d’anomalie de fermeture du tube neural. Les vaccinations seront mises
à jour si nécessaire (rubéole, rougeole et varicelle en l’absence d’immunisation antérieure et
d’immunodépression, coqueluche si le rappel date de plus de 10 ans, et grippe selon la période
de l’année).
PRISE EN CHARGE D’UNE GROSSESSE AU COURS DU LUPUS
Une atteinte rénale pré-existante et un SLEDAI (Systemic Lupus Erythematous Disease
Activity Index qui est un index d’activité du lupus) › 4 dans les 6 mois précédant la grossesse
sont des facteurs de risque de complications maternelles. En effet, un lupus actif en début de
grossesse est associé à une augmentation de la mortalité périnatale (risque multiplié par trois)
en partie due à un taux de prématurité et de retard de croissance in utero (RCIU) plus
importants [1].
Si les manifestations articulaires sont moins fréquentes au cours de la grossesse, les
manifestations rénales sont plus fréquentes et plus sévères pendant cette période. Le risque
de poussée, notamment rénale, dépend de l’activité du lupus avant la conception et de
l’existence ou non d’un antécédent d’atteinte rénale. Les patientes avec une
glomérulonéphrite récente sont ainsi plus à risque que celles dont le lupus est quiescent de
façon prolongée et sans atteinte rénale préexistante. Il est d’ailleurs parfois difficile de
différencier une poussée rénale d’une pré-eclampsie, ces deux complications pouvant
coexister. La présence de manifestations lupiques cliniques, une baisse du C3, une hématurie,
un taux élevé d’anticorps anti-ADN sont évocateurs d’une poussée lupique. Il est parfois
nécessaire d’aller jusqu’à la biopsie rénale lorsque le stade de la grossesse ne permet pas
d’envisager un déclenchement sereinement, ceci afin de différencier une poussée lupique
accessible à un traitement d’une pré-eclampsie nécessitant un arrêt de la grossesse.
Le traitement comporte habituellement le maintien du traitement antérieur :
hydroxychloroquine, voire corticoïdes ne dépassant idéalement pas 10 mg/j. Lorsque
l’utilisation d’un immunosuppresseur est nécessaire, l’azathioprine est la molécule de choix.
De l’aspirine à dose antiagrégante est indiquée lorsqu’il existe un antécédent de
glomérulonéphrite lupique ou de pré-éclampsie mais est finalement fréquemment prescrite
de manière empirique chez toutes les femmes lupiques enceintes.
BIOLOGIE OU SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES
Les complications maternelles liées à la présence d’une biologie antiphospholipides
(anticoagulant circulant, anticorps anticardiolipine, antiβ2GP1, dissociation TPHA-VDRL)
sont [2] :
- la pré-éclampsie voire l’éclampsie. Celle-ci peut être précoce, dès 16 semaines
d’aménorrhée (SA). Sa prévention repose sur l’aspirine à dose antiagrégante dans les situations
à risque (biologie antiphospholipides, antécédent de pré-éclampsie, hypertension artérielle
(HTA), atteinte rénale préexistante) [3] ;
- un syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver, Low platelets) : il peut survenir dès
le premier trimestre mais également au cours du post-partum. Il n’est pas toujours associé à
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LUPUS ET SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES CHEZ LA FEMME ENCEINTE
281
une pré-éclampsie et peut révéler le SAPL ;
- des thromboses artérielles ou veineuses voire un syndrome catastrophique des
antiphospholipides (CAPS) défini par l’atteinte d’au moins 3 organes en moins d’une
semaine avec confirmation histologique de la présence de thrombi dans les capillaires [4].
Une complication obstétricale, une infection, une poussée lupique, une interruption de
l’anticoagulation au cours du travail peuvent précipiter sa survenue [5]. Le traitement repose
sur l’extraction fœtale en urgence associée à une anticoagulation efficace, une corticothérapie,
des échanges plasmatiques et/ou des immunoglobulines intraveineuses [6].
Les complications fœtales liées à ces anticorps sont les pertes fœtales, le RCIU, une
naissance prématurée (souvent induite médicalement devant une insuffisance placentaire
sévère). En l’absence de traitement du SAPL, le taux de grossesse menée à terme est d’environ
10 %. Sous traitement, ce taux avoisine les 70 % [7].
La décision thérapeutique est adaptée au risque maternel et obstétrical. L’aspirine à dose
antiagrégante et l’héparine sont le traitement de choix (tableau 2). S’il existe une biologie
antiphospholipides isolée, un traitement par aspirine peut être proposé.
LUPUS NEONATAL
Les anticorps maternels anti-SSA/Ro et anti-SSB/La passent la barrière placentaire
comme toutes les IgG et peuvent être responsables d’un lupus néonatal chez le fœtus ou le
nouveau-né. Il s’agit d’un modèle d’auto-immunité acquise « passivement ». La gravité du
lupus néonatal est liée à l’atteinte cardiaque, la plus fréquente étant le bloc auriculoventriculaire (BAV) survenant sur cœur sain. Le BAV complet est par définition un bloc de
conduction du troisième degré, congénital, donc défini par un diagnostic in utero ou pendant
le premier mois de vie. Il survient sur un cœur d’architecture normale ou s’associe à des
malformations minimes n’expliquant pas en elles-mêmes le BAV. Le risque de BAV est de 1
à 2 % en l’absence d’antécédent et de 10 à 17 % lorsqu’il existe un antécédent de lupus
néonatal dans la fratrie [8]. Le BAV est le plus souvent découvert entre 20 et 24 SA, au cours
d’une échographie systématique ou lors de la découverte d’une bradycardie fœtale à
l’auscultation des bruits du cœur. Il est le plus souvent complet, se manifestant par une
bradycardie inférieure à 100/min. D’après les données les plus récentes du registre américain
du lupus néonatal, la mortalité est évaluée à 17 %, les décès survenant in utero dans 1/3 des
cas. La probabilité de survie à 10 ans est de 86 % chez les enfants nés vivants. Soixante dix
pour cent des enfants nécessitent l’implantation d’un pace-maker [9].
Les lésions engendrées par le passage transplacentaire des anticorps maternels sont
généralement situées au niveau du nœud auriculo-ventriculaire (à l’origine du BAV), mais
elles peuvent s’étendre au myocarde et être responsables d’une fibrose myocardique (à
l’origine de la fibroélastose endomyocardique). L’existence d’une fibroélastose
endomyocardique doit être évoquée devant une hyperéchogénicité myocardique à
l’échographie cardiaque. L’association BAV complet et fibroélastose endomyocardique est
de mauvais pronostic avec un risque de mort fœtale in utero (MFIU) ou d’indication à une
transplantation cardiaque [10]. Des cardiomyopathies tardives et des fibroélastoses
endomyocardiques sans BAV associé [11] ont également été rapportées. En l’absence
d’atteinte étendue du ventricule gauche, le pronostic est bon à moyen terme [11].
Le BAV est le plus souvent complet et irréversible, mais il peut être du premier ou second
degré, parfois spontanément réversible. Ceci justifie la réalisation d’un électrocardiogramme
chez les nouveau-nés à risque, donc chez tous les enfants nés de mère ayant un anticorps anti-
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282
N. COSTEDOAT-CHALUMEAU, G. GUETTROT-IMBERT,
V. LE GUERN, F. GOFFINET
SSA/Ro ou anti-SSB/La.
L’atteinte cutanée du lupus néonatal touche généralement les zones photoexposées,
l’atteinte péri-oculaire étant fréquente. Les lésions apparaissent parfois dès la naissance ou
aux alentours de la sixième semaine de vie, durent en moyenne 17 semaines et guérissent
spontanément sans séquelles dans les trois quarts des cas. Le caractère transitoire du rash
cutané reflète l’effet du passage passif des anticorps dans un organe dont les cellules se
régénèrent. Elles peuvent laisser un trouble de la pigmentation.
D’autres atteintes du lupus néonatal ont été décrites, certaines étant exceptionnelles. Elles
incluent des manifestations hématologiques, hépatiques et neurologiques : thrombopénie,
neutropénie, perturbation du bilan hépatique avec une cytolyse ou une hyperbilirubinémie
et/ou une hépatomégalie modérée, hémochromatose néonatale, anomalies de la substance
blanche, calcifications des ganglions de la base, hydrocéphalie ou macrocéphalie.
Le traitement curatif du BAV complet est basé sur les corticoïdes fluorés (bétaméthasone
voire dexaméthasone) qui passent la barrière placentaire contrairement à la prednisone et à
la methylprednisolone. La corticothérapie semble principalement efficace sur les BAV
incomplets et sur la myocardite (parfois responsable d’un tableau d’anasarque). En raison
d’une efficacité inconstante des corticoïdes fluorés et des effets secondaires potentiels, il est
recommandé d’arrêter cette thérapeutique si aucune amélioration n’est objectivée sur les
échographies de contrôle. En présence d’une péricardite, d’une ascite, d’une diminution de
la fraction de raccourcissement, d’une régurgitation valvulaire ou de nombreuses extrasystoles
ventriculaires et si le terme de la grossesse le permet, la délivrance doit être plus précoce avec
implantation rapide d’un pace maker. Une césarienne est généralement programmée compte
tenu de la difficulté du monitoring fœtal pendant le travail.
Le risque de BAV étant de 1 à 2 %, aucun traitement prophylactique n’est indiqué chez
les femmes ayant un anticorps anti-SSA sans antécédent particulier. Le risque est en revanche
plus élevé chez les femmes ayant déjà eu un enfant avec BAV ou avec manifestations cutanées
d’un lupus néonatal, ce qui explique que différents traitements aient été essayés en prévention
secondaire. La corticothérapie notamment fluorée n’est pas recommandée car elle est sans
efficacité et est associée à des complications obstétricales [12]. Récemment, deux études
cliniques n’ont pas montré d’efficacité des immunoglobulines intraveineuses dans cette
indication [13,14]. L’hydroxychloroquine pourrait diminuer le risque de développement de
BAV chez les enfants de femmes ayant des anticorps anti-SSA/Ro ou anti-SSB/La [15]. Une
étude prospective internationale a donc commencé en 2011 pour évaluer l’intérêt de ce
traitement en prévention du risque de récidive des BAV (ClinicalTrials.gov Identifier:
NCT01379573 ; contact : nathalie.costedoat@gmail.com).
Nous rappelons qu’un observatoire français des grossesses avec lupus néonatal, institué
sous l’égide de la Société Nationale Française de Médecine Interne, est en cours (contact :
idem).
LES MEDICAMENTS ET LA GROSSESSE
En cas de question ou de cas difficiles (délai entre l’arrêt d’un traitement et conception,
exposition à un traitement contre-indiqué), le site du Centre de Référence sur les Agents
Pathogènes (CRAT) peut être consulté (http://www.lecrat.org).
Une corticothérapie supérieure à 10 mg par jour est associée à une augmentation du risque
d’HTA, de diabète, de pré-éclampsie, d’oligoamnios, de RCIU et de prématurité. Le risque
infectieux est également plus important et en particulier le risque de réactivation de la
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LUPUS ET SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES CHEZ LA FEMME ENCEINTE
283
toxoplasmose et du cytomégalovirus [16]. En relais des antivitamine K, les héparines de bas
poids moléculaire (HBPM) sont privilégiées, le plus souvent en deux injections, adaptées à
l’activité anti Xa [17].
Une supplémentation en calcium et en vitamine D est souhaitable, en particulier en cas
de corticothérapie et de traitement par HBPM associés.
SURVEILLANCE
La surveillance doit être multidisciplinaire et comporte une évaluation clinique,
biologique et échographique régulière et systématique (tableau 3) à la recherche de signes
évocateurs de poussée lupique, de pré-éclampsie ou de HELLP. Cette surveillance est
généralement mensuelle voire plus rapprochée en fin de grossesse.
L’accouchement est programmé dans la majorité des cas aux alentours de 38 SA, voire
plus tôt selon les antécédents de la patiente et le risque de pré-éclampsie. L’aspirine est
généralement interrompue vers 36 SA afin de permettre une analgésie péridurale dans de
bonnes conditions. Ce délai est raccourci à 24-48 heures chez les patientes ayant un
antécédent de thrombose artérielle car plusieurs cas de CAPS ont été observés au cours de
cette période d’arrêt. L’héparine doit être interrompue au cours d’une période la plus courte
possible. Si nécessaire, l’HBPM peut être relayée par une héparine non fractionnée qui
permettra une fenêtre thérapeutique plus courte. La surveillance du risque de poussée et du
risque de HELLP doit être poursuivie au cours du post-partum. En présence d’une biologie
antiphospholipides sans antécédent de thrombose, une HBPM à dose préventive devra être
prescrite pour les 6 semaines de post-partum. Ensuite, un relais par aspirine sera proposé chez
les patientes avec un SAPL obstétrical [18].
Au cours de l’allaitement, l’hydroxychloroquine peut être poursuivie sans risque de
complications notamment oculaires. Lorsque la posologie des corticoïdes est supérieure à 50
mg/j, il est recommandé d’espacer l’allaitement de 3 à 4 heures après la prise [16]. Concernant
les antivitamines K, seule la coumadine est autorisée [16]. L’allaitement n’est pas
recommandé sous immunosuppresseurs y compris l’azathioprine compte tenu du peu de
données disponibles et du risque de déplétion lymphocytaire chez l’enfant [16].
CONCLUSION
Ces dernières années ont permis d’acquérir une meilleure connaissance des facteurs de
risque de complications obstétricales et fœtales au cours d’une grossesse survenant chez des
femmes avec un lupus systémique et/ou un syndrome des antiphospholipides. Le pronostic
de la mère et de l’enfant a été nettement amélioré par un arsenal thérapeutique plus large
permettant une meilleure prise en charge des poussées lupiques notamment rénales associée
à la poursuite systématique de l’hydroxychloroquine au cours de la grossesse et surtout à une
surveillance optimisée multidisciplinaire.
AUTEURS :
Nathalie Costedoat-Chalumeaua, b, Gaëlle Guettrot-Imbertc. Véronique Le Guernb, François Goffinetd.
a
Centre de référence national pour le lupus systémique et le syndrome des antiphospholipides, service de médecine
interne, hôpital Pitié-Salpêtrière, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
b
Centre de référence maladies auto-immunes et systémiques rares, service de médecine interne Pôle médecine, Hôpital Cochin, AP-HP, 27 rue du Faubourg Saint Jacques, 75679 Paris cedex 14.
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284
N. COSTEDOAT-CHALUMEAU, G. GUETTROT-IMBERT,
V. LE GUERN, F. GOFFINET
c
Service de médecine interne, Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Montpied, 58, rue Montalembert, 63000
Clermont-Ferrand, cedex 1.
d
Service de gynécologie-obstétrique, Maternité Port-Royal, 53 Bd de l'Observatoire, 75014 Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
Pr Nathalie COSTEDOAT-CHALUMEAU - E-mail : nathalie.costedoat@gmail.com
RÉFÉRENCES
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LUPUS ET SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES CHEZ LA FEMME ENCEINTE
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Tableau 1 : Consensus international sur les critères de classification du SAPL défini [19]
Critères cliniques
1.Thrombose vasculaire (artérielle, veineuse, ou microcirculatoire)
≥ 1 épisode clinique confirmé par l’imagerie ou l’histologie à l’exception des phlébites superficielles
2. Morbidité obstétricale
≥ 1 mort inexpliquée d’un fœtus morphologiquement normal à partir de la 10ième semaine d’aménorrhée OU
≥ 1 naissance prématurée d’un nouveau-né morphologiquement normal à ou avant la 34ième semaine d’aménorrhée
due à une pré-éclampsie sévère ou une insuffisance placentaire* OU
≥ 3 fausses couches consécutives inexpliquées avant la 10ième semaine d’aménorrhée, après exclusion des causes anatomiques, hormonales et chromosomiques.
Critères biologiques
1. Anticorps anticardiolipine IgG et/ou M, à un titre moyen ou élevé (> 40 GPL ou MPL ou > 99° percentile par
une méthode standardisée ELISA)
2. Anticoagulant circulant de type lupique présent dans le plasma selon les recommandations internationales (ISTH).
3. Anticorps anti-béta2 glycoprotéine 1 IgG et/ou M à un titre > 99° percentile, par une méthode standardisée ELISA
*L’insuffisance placentaire correspond à la présence d’un retard de croissance in utero, d’un oligoamnios, d’anomalies
du doppler ombilical ou du rythme cardiaque fœtal.
Il suffit d’un critère clinique et d’un critère biologique avec les restrictions suivantes. Le critère biologique doit
être présent sur 2 examens au moins à 12 semaines d’intervalle, entre 12 semaines et 5 ans après l’évènement
clinique.
Tableau 2 : Traitement du SAPL au cours de la grossesse
SAPL avec antécédent de thrombose
Aspirine1 à faible dose (100 mg/j) associée à une HBPM2 curative
(ex : enoxaparine 100 UI antiXa/kg toutes les 12 heures en sous-cutané)
avec adaptation régulière à l’activité anti-Xa.
SAPL sans antécédent de thrombose
mais avec FCS à répétition
Aspirine1 à faible dose (100 mg/j) associée à une HBPM2 à dose
prophylactique (ex : enoxaparine 0,4 ml par jour en sous-cutané).
SAPL sans antécédent de thrombose
mais avec antécédent de MFIU,
pré-éclampsie, HELLP ou autre
manifestation d’insuffisance placentaire
En l’absence de traitement antérieur : Aspirine1 à faible dose (100 mg/j)
associée à une HBPM2 à dose préventive (ex: enoxaparine 0.4 ml par
jour en sous-cutané). Malgré un traitement antérieur (ou parfois
d’emblée) : Aspirine1 à faible dose (100 mg/j) associée à une HBPM2 à
dose curative (ex : enoxaparine 100 UI antiXa/kg toutes les 12 heures en
sous-cutané) avec adaptation régulière à l’activité antiXa.
SAPL : syndrome des antiphospholipides, FCS : fausses couches spontanées, MFIU : mort fœtale in utero, HELLP
: Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low platelets, HBPM : héparine de bas poids moléculaire, ex : exemple.
1
L’aspirine sera commencée avant la conception.
2
L’héparine sera introduite dès le diagnostic de grossesse.
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Tableau 3 : Surveillance d’une grossesse lupique
Clinique
Signes d’évolutivité du lupus et signes annonciateurs de toxémie gravidique / HELLP
Poids, TA, BU +++
Articulations
Lésions cutanées, ulcérations buccales, alopécie
Œdèmes des membres inférieurs
Douleurs thoraciques, barre épigastrique
Céphalées, acouphènes, phosphènes
Biologique
Numération, Plaquettes
Créatininémie
Protéinurie
C3 (voire CH50, C4)
Anticorps anti-ADN
Uricémie
Transaminases
Haptoglobine
Sérologie de la toxoplasmose si négative initialement
Glycémie en particulier si corticothérapie
Echographique
Echographie fœtale trimestrielle
Si biologie antiphospholipides : doppler mensuel des artères utérines et de l’artère ombilicale dès 20 SA
Si présence d’anticorps anti-SSA : échocardiographie cardiaque fœtale tous les 15 jours entre 16 et 24 SA
Si présence d’anticorps anti-SSA et antécédents de BAV ou d’une autre manifestation de lupus néonatal dans la
fratrie : échocardiographie cardiaque fœtale toutes les semaines entre 16 et 24 SA
TA: tension artérielle, BU: bandelette urinaire, HTA: hypertension artérielle, PAS: pression artérielle systolique,
PAD; pression artérielle diastolique, SA : semaines d’aménorrhée, BAV : bloc auriculo-ventriculaire
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MISES AU POINT
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289
ALLERGIE AU BLE ET INTOLERANCE AU GLUTEN
par
D. DE BOISSIEU, C. DUPONT, D. TURCK
ALLERGIE AU BLE
Le blé est l’un des six aliments impliqués dans 90 % des allergies alimentaires [1],
responsable de 5,2 % des cas d’anaphylaxie sévère déclarées entre 2002 et 2005 au réseau
d’allergo-vigilance (CICBAA, Nancy). La fréquence de l’allergie au blé apparaît en forte
augmentation ces dernières années [2]. Les différentes études épidémiologiques colligent
essentiellement les cas d’allergie IgE-médiée et les études épidémiologiques explorant la
fréquence des manifestations plus chroniques de l’allergie au blé manquent. En effet, les
manifestations cliniques de l’allergie à la farine de blé sont extrêmement variées (Tableau 1).
Selon le mécanisme immunologique en cause, allergie IgE- ou non IgE-médiée, les
symptômes, le diagnostic et la prise en charge diffèrent. L’allergie au blé se singularise
également par la possibilité d’une allergie alimentaire induite par l’effort.
L’allergie au blé IgE-médiée
Comme les autres allergies alimentaires, l’allergie au blé IgE-médiée se traduit par des
réactions cliniques immédiates, dans les 2 heures suivant l’ingestion de l’aliment. Elle débute le
plus souvent dans la première année de la vie, peu après l’introduction du blé dans l’alimentation,
sous forme de céréales avec gluten ou de pain. Chez le petit nourrisson, elle est rarement
responsable de réactions anaphylactiques sévères, mais le plus souvent de réactions de type
urticaire, rhino-conjonctivite allergique ou bronchospasme. En présence d’une réaction
immédiate après ingestion de blé, le diagnostic est confirmé par la positivité des tests cutanés
(prick tests) et des IgE spécifiques à la farine de blé. Pour les IgE spécifiques au blé, il n’existe pas
de valeur prédictive positive (VPP) de 95 % (valeur au-delà de laquelle 95 % des enfants font une
réaction immédiate), mais un taux d’IgE spécifique < 5 KUI/L aurait une valeur prédictive
négative de 95 % [3].
Le dosage des IgE spécifiques à la farine de blé sera régulier lors de l’évolution afin de décider
des réintroductions en milieu hospitalier pour voir si la tolérance est acquise.
L’anaphylaxie au blé induite par l’effort est une forme particulière de l’allergie au blé IgEmédiée. Cette pathologie, rare chez le petit enfant, a été décrite chez l’adolescent ou l’adulte
jeune. Il existe souvent des IgE spécifiques positives pour l’w5-gliadine. La particularité de cette
allergie est qu’elle survient lors d’un effort physique, uniquement si le patient a ingéré du blé dans
les heures qui précèdent. L’ingestion de blé est parfaitement tolérée si elle n’est pas suivie d’effort
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D. DE BOISSIEU, C. DUPONT, D. TURCK
physique. Les manifestations cliniques, débutant après 10-15 minutes d’effort physique, sont
volontiers graves, associant urticaire généralisée et bronchospasme, évoluant vers un choc
anaphylactique. Il faut savoir y penser car le diagnostic est avant tout clinique à l’interrogatoire
[4]. Le traitement repose sur l’éviction du blé dans les 4 heures précédant un exercice physique.
L’éducation du patient est primordial, celui-ci devant être muni d’une trousse d’urgence avec un
stylo auto-injecteur d’adrénaline.
Dermatite atopique et allergie au blé
L’allergie au blé aurait une fréquence de 14 à 18 % au cours de la dermatite atopique de
l’enfant [5,6]. Elle a la particularité de se manifester dans les ¾ des cas par des réactions
retardées, responsables d’une exacerbation de l’eczéma, parfois associé à des symptômes
digestifs à type de douleurs abdominales et/ou diarrhée chronique. Lors de réactions
immédiates, les symptômes sont volontiers cutanés avec une urticaire ou un rash
érythémateux associé à un prurit intense [7]. Le patch test au blé semble le meilleur examen
de dépistage, se révélant positif chez 86 % des patients ayant un test de provocation positif
[8], alors que le prick test n’est positif que chez 23 % de ces patients. Le patch test au blé chez
les patients ayant une dermatite atopique a une bonne spécificité, 89 %, mais une faible
sensibilité, 27 % [5]. Il n’existe pas actuellement de patch test au blé prêt à l’emploi. Il est
donc réalisé de façon non standardisée par le médecin, à l’aide de farine placée dans une
cupule d’aluminium (Finn Chamber®). Le diagnostic de certitude est apporté par l’efficacité
du régime d’exclusion durant 1 mois, suivi d’un test de provocation, prolongé sur plusieurs
jours, qui déclenche une poussée d’eczéma et/ou une récidive des troubles digestifs. L’allergie
au blé doit être évoquée chez un enfant ayant une dermatite atopique sévère et résistante aux
traitements locaux, d’autant plus qu’il s’y associe des symptômes digestifs chroniques.
Manifestations digestives chroniques de l’allergie au blé non IgE-médiée
Les manifestations digestives chroniques de l’allergie au blé semblent actuellement en
augmentation, ou tout du moins sont mieux reconnues et prises en charge. Une étude récente
portant sur 33 enfants ayant une allergie au blé d’expression digestive permet d’en cerner les
symptômes (Tableau 2) [9]. L’âge d’apparition des premiers signes est en moyenne de 17
mois, âge de révélation plus tardif que celui de l’allergie aux protéines du lait de vache, et
correspond à un âge où la consommation de blé devient plus importante. Il est à noter qu’il
existe un certain délai avant que le diagnostic ne soit porté (en moyenne à l’âge de 2 ans), du
fait probablement de l’installation insidieuse des symptômes et de leur chronicité. La diarrhée
chronique est généralement faite de 3 à 4 selles molles et abondantes par jour, parfois décrites
comme « graisseuses ». Les trois symptômes prédominants sont la diarrhée chronique, la
cassure de la courbe de poids et le ballonnement abdominal, triade qui ressemble de façon
troublante à la maladie cœliaque. Il s’y associe parfois des difficultés alimentaires. Ce tableau
correspond à celui d’une entéropathie, forme clinique de l’allergie alimentaire non IgEmédiée [9], qui peut aboutir à une malabsorption et à une atrophie villositaire partielle sur
les biopsies duodénales [10]. Le plus souvent les biopsies ne retrouvent qu’une duodénite
avec un infiltrat inflammatoire non spécifique ou à éosinophiles. Les prick tests et le dosage
des IgE spécifiques sont peu contributifs dans cette allergie non IgE-médiée. Seul un patch
test positif à la farine de blé oriente le diagnostic. La fiabilité du patch test dans l’allergie
digestive au blé n’a pas été étudiée. Il semble que la spécificité et la sensibilité varient avec
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ALLERGIE AU BLE ET INTOLERANCE AU GLUTEN
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l’âge, les faux positifs étant plus fréquents chez le petit enfant et les faux négatifs plus fréquents
chez le grand enfant [4, 5]. Quoi qu’il en soit, ce test non standardisé n’a qu’une valeur
d’orientation et seule l’efficacité du régime d’exclusion pendant 1 mois, suivie d’une rechute
lors de la réintroduction du blé, fera le diagnostic de certitude. Il est à noter que la diarrhée
ne récidive généralement qu’après 2 à 5 jours de consommation du blé, et de façon progressive.
Les gaz sont souvent les premiers symptômes observés. Dans tous les cas, une maladie
cœliaque doit être éliminée avec un dosage des anticorps anti-transglutaminases de type IgA
avant de débuter un régime d’exclusion du blé.
Traitement de l’allergie au blé
Le traitement repose sur le régime d’éviction du blé et des céréales qui lui sont proches
comme l’épeautre, le kamut et les dérivés du blé. Les autres céréales sont autorisées et il existe
de nombreux aliments farineux de remplacement : riz, maïs, sarrasin, quinoa, tapioca, manioc,
pomme de terre. Il n’est en général pas nécessaire d’exclure les sirops de glucose et les dextroses
de blé. Pour l’allergie au blé induite par l’effort, le régime d’exclusion n’est pas utile en
permanence, mais le patient doit s’abstenir de consommer du blé dans les 4 à 5 heures qui
précédent un effort physique.
Evolution de l’allergie au blé
L’évolution naturelle de l’allergie au blé est favorable dans de nombreux cas. Qu’elle soit
IgE- ou non IgE-médiée, elle guérit spontanément avec l’âge chez la plupart des enfants. Une
étude récente chez des enfants finlandais allergiques au blé, tous mécanismes immunologiques
confondus (IgE ou non IgE-médiée), retrouve une acquisition de tolérance chez 59 % des
enfants à 4 ans, 69 % à 6 ans, 84 % à 10 ans et 96 % à 16 ans [11]. Il est donc important de
suivre régulièrement ces enfants, de refaire les examens initialement positifs (prick tests, patch
test ou dosage des IgE spécifiques au blé) et d’envisager des réintroductions du blé. Un
élargissement progressif du régime à la dose tolérée est parfois possible au cours de l’évolution,
favorisant probablement l’acquisition de la tolérance. De plus, le risque toujours possible de
confusion de cette entité avec la maladie cœliaque impose le dosage régulier des anticorps
anti-transglutaminase au décours de la réintroduction du blé.
Au total
L’allergie au blé est une pathologie assez fréquente chez l’enfant. Les manifestations
cliniques sont très diverses et de sévérité variable. Le régime d’exclusion du blé est rarement
source de carences mais est difficile d’un point de vue social. L’évolution naturelle de cette
allergie est de guérir spontanément dans la plupart des cas, des réévaluations et des
réintroductions doivent donc être régulièrement envisagées et discutées au cas par cas.
INTOLERANCE AU GLUTEN
Le gluten est la masse élastique obtenue en pétrissant longuement de la farine de blé ou
d’autres céréales sous un filet d’eau, de façon à en éliminer son constituant principal, l’amidon.
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D. DE BOISSIEU, C. DUPONT, D. TURCK
Le gluten est notamment constitué de gliadines qui représentent près de la moitié des
protéines du blé et sont susceptibles de déclencher l’intolérance au gluten ou maladie
cœliaque (MC) chez les sujets génétiquement prédisposés [12]. Les gliadines des céréales les
plus proches génétiquement du blé sont également toxiques pour les sujets atteints de maladie
cœliaque, qu’il s’agisse du seigle et de l’orge. Par contre, l’avoine ne semble pas toxique chez
la très grande majorité des patients atteints de MC. Il faut toutefois rester vigilant car l’avoine
contenue dans les produits du commerce est fréquemment contaminée par du blé. La MC,
décrite pour la première fois par Samuel Gee en 1888, est responsable dans sa forme classique,
« historique », d’un syndrome de malabsorption avec diarrhée chronique et malnutrition
qui mettaient encore en jeu le pronostic vital au milieu du XXème siècle. En 1950, des auteurs
néerlandais démontraient le rôle pathogène de la fraction protéique de la farine de blé. En
1957, était mise en évidence pour la première fois sur une biopsie intestinale, l’atrophie
villositaire totale caractéristique. La MC est apparentée aux maladies auto-immunes, mais
elle est strictement dépendante d’une exposition aux gliadines du blé, du seigle et de l’orge.
La toxicité de ces protéines pour la muqueuse intestinale est due à leur capacité à déclencher
une réponse immune intestinale chez les sujets prédisposés sur le plan génétique, porteurs
des groupes tissulaires HLA-DQ2 et DQ8, identiques à ceux identifiés au cours du diabète
insulino-dépendant [12]. Chez l’enfant, l’incidence de la MC cliniquement symptomatique
est de l’ordre de 1 sur 500 à 1 sur 2000 en Europe ; elle serait de l’ordre de 1 sur 2500 en
France. La prévalence de la MC silencieuse, asymptomatique ou pauci-symptomatique, est
beaucoup plus élevée. Elle est de l’ordre de 1 sur 100 en Italie, de 1/200 aux Etats-Unis, et
même 1 sur 85 en Hongrie.
Quand faut-il recommander l’introduction de gluten dans l’alimentation
du nourrisson ?
Seule une faible partie des sujets portant les groupes tissulaires à risque développent la
MC, ce qui suggère que d’autres facteurs entrent en compte dans l’apparition de la maladie.
On peut émettre l’hypothèse que la période d’introduction du gluten joue un rôle dans le
risque d’apparition de MC chez un sujet à risque, même s’il ne pourrait s’agir que d’un simple
retard dans l’apparition des symptômes de la MC et non pas d’une protection permanente
tout au long de la vie. Il est communément admis qu’il ne faut pas introduire le gluten avant
l’âge de 4 mois révolus (c'est-à-dire avant le début du 5ème mois), pour au moins 2 raisons : 1)
le fait que l’introduction d’aliments avant l’âge de 4 mois révolus augmente le risque d’allergie
ultérieure, non seulement chez les enfants à risque mais aussi dans la population générale [13]
; 2) la maturation retardée, vers l’âge de 4-6 mois, des processus de digestion et absorption
intestinales nécessaires à une bonne tolérance du gluten, qu’il s’agisse de l’amylase pancréatique, de la glucoamylase intestinale, et des peptidases pancréatique et intestinal.
Une étude prospective américaine a établi une relation entre le moment d’introduction
du gluten contenu dans le blé, l’orge et le seigle, et l’apparition de marqueurs sériques de la
MC (IgA anti-transglutaminase) chez des sujets à risque de MC, soit parce qu’ils étaient
porteurs des groupes tissulaires décrits ci-dessus, soit parce qu’ils étaient frères ou sœurs
d’enfants atteints de MC [14]. L’introduction du gluten avant l’âge de 3 mois révolus ou
après l’âge de 7 mois révolus était associée à une augmentation du risque de développer des
marqueurs biologiques de la MC chez ces enfants pendant les 10 premières années de la vie
par rapport aux enfants où l’introduction du gluten était réalisée entre 3 et 7 mois. Il a été
également suggéré que la quantité de gluten introduite jouait un rôle non négligeable. Le
paradoxe scandinave, c'est-à-dire la différence a priori surprenante dans les années 1980 entre
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ALLERGIE AU BLE ET INTOLERANCE AU GLUTEN
293
une prévalence élevée de MC en Suède et une prévalence beaucoup plus basse au Danemark,
est également en faveur de l’influence délétère de la quantité de gluten introduite. A cette
période, la quantité de gluten ingérée était beaucoup plus élevée chez les enfants suédois que
chez les enfants danois [15]. Cette véritable « épidémie » de MC en Suède était due à des
recommandations qui étaient à cette époque très en faveur de l’introduction de quantités
élevées de gluten dans l’alimentation des jeunes nourrissons suédois [16]. La prévalence de
la MC était alors estimée à 1,03 % contre 0,39 % quelques années plus tard, après la
disparition de ces recommandations [17].
L’allaitement maternel réduit-il le risque de maladie cœliaque ?
La quasi-totalité des études publiées ont conclu à un rôle protecteur de l’allaitement
maternel, et à une corrélation négative entre la durée de l’allaitement et le développement de
la MC. Dans une étude suédoise, la durée médiane d’allaitement chez 627 enfants suédois
atteints de MC âgés de moins de 2 ans était de 5 mois, contre 7 mois chez 1254 enfants
contrôles du même âge (p < 0,001). La consommation de lait maternel par le nourrisson au
moment de l’introduction du gluten dans son alimentation jouait un rôle protecteur vis-àvis de la MC [OR : 0,59 ; IC 95 % : 0,42-0,83] [18]. Une méta-analyse de 6 études colligeant
1131 cas de MC et 3493 sujets contrôles a conclu à une réduction de moitié du risque
d’apparition d’une MC chez les enfants allaités au moment de l’introduction du gluten par
rapport aux enfants non allaités [19]. Il est néanmoins impossible à ce stade de savoir si cet
effet protecteur est permanent (toute la vie durant) ou si la MC s’exprimera plus tard dans la
vie chez ces enfants qui ont été allaités. Plusieurs hypothèses ont été émises pour rendre
compte de cet effet protecteur du lait maternel, au moins à court et moyen terme : 1) moindre
quantité de gluten consommée en raison de la poursuite de l’allaitement maternel, avec en
corollaire un moindre risque de développer des symptômes de MC ; 2) prévention des
infections gastro-intestinales qui pourraient jouer un rôle de cofacteur dans l’apparition de
la MC ; 3) effet immunomodulateur du lait de femme interférant entre les peptides toxiques
du gluten et le système muqueux intestinal, et favorisant ainsi le développement de la
tolérance vis-à-vis du gluten.
Comment confirmer le diagnostic de maladie cœliaque en 2012 ?
La mise en route d’un régime sans gluten n’est justifiée que si le diagnostic de MC est
certain [20]. En cas de suspicion de MC, une étude sérologique est réalisée dans un 1er temps.
La Haute Autorité de Santé a recommandé de réaliser en 1ère intention un dosage d’IgA antitransglutaminase. Si ce dosage est négatif, en cas de forte suspicion de MC, il faut rechercher
un déficit en IgA et effectuer un dosage d’IgG anti-transglutaminase, car le déficit en IgA
(1,5 % à 2 % des cas de MC, soit 10 fois plus que dans la population générale) peut bien sûr
rendre négative la recherche des anticorps de type IgA. Le dosage des IgA anti-endomysium
n’est recommandé qu’en 2ème intention en cas de suspicion diagnostique de MC, si la
recherche des anticorps anti-transglutaminase est négative. La recherche des anticorps antigliadine et anti-réticuline n’a plus aucune indication dans le diagnostic de la MC. Cette
recherche d’anticorps anti-tranglutaminase a entre autres pour intérêt de réduire de façon
considérable le recours à la biopsie intestinale.
Le caractère indispensable de la biopsie intestinale pour confirmer le diagnostic est
actuellement discuté, en raison de l’amélioration de la fiabilité des anticorps anti-
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D. DE BOISSIEU, C. DUPONT, D. TURCK
transglutaminase associée à l’identification des groupes HLA à risque (DQ2 et DQ8).
L’ESPGHAN a publié en janvier 2012 de nouveaux critères diagnostiques de la MC [21].
La biopsie intestinale n’est plus indispensable pour les patients ayant des symptômes cliniques
évocateurs de MC et un taux d’IgA anti-transglutaminase très élevé (supérieur à 10 fois la
limite supérieure de la normale). La mise en évidence concomitante d’une élévation des IgA
anti-endomysium et d’un génotype à risque, HLA-DQ2 ou DQ8 chez ces patients
symptomatiques permettent de retenir le diagnostic de MC, sans recourir à la biopsie. Par
contre, la biopsie reste absolument indispensable pour toutes les autres situations, en
particulier dans les formes atypiques ou asymptomatiques.
Au total
Le traitement de la maladie coeliaque repose à ce jour exclusivement sur le régime sans
gluten, c'est-à-dire l’exclusion de tous les aliments contenant du blé, de l’orge et du seigle.
L’avoine serait tolérée par la très grande majorité des patients, mais la prudence s’impose.
L’Association française des intolérants au gluten (AFDIAG, 15 rue d’Hauteville, 75010 Paris,
Tél : 01.56.08.08.22 ; Fax : 01.56.08.08.42 ; e-mail : afdiag@gmail.com ; www.afdiag.fr)
fournit des informations sur les produits industriels dont la consommation est sans risque.
Le régime sans gluten est une source de contraintes très importantes pour l’enfant et sa famille,
tant sur le plan psycho-social qu’économique. Ce régime ne doit jamais être débuté sans que
le diagnostic de maladie coeliaque n’ait été confirmé avec certitude.
AUTEURS :
Delphine de Boissieu1, Christophe Dupont1, Dominique Turck2
1
Gastroentérologie pédiatrique ambulatoire, Allergie alimentaire et Explorations fonctionnelles digestives,
Hôpital Necker Enfants-Malades et Université Paris V René Descartes, Paris
2
Unité de Gastro-entérologie, Hépatologie et Nutrition, Département de Pédiatrie, Hôpital Jeanne de Flandre et
Faculté de Médecine, Université de Lille 2 ; Inserm U995, Lille
AUTEUR CORRESPONDANT :
Christophe Dupont - christophe.dupont@nck.aphp.fr
Tableau 1. Les différentes formes cliniques de l’allergie au blé.
Réaction de type immédiat
- Débute chez le nourrisson
- IgE-médiée
Anaphylaxie induite par l’effort
- Chez l’adolescent
- IgE-médiée
- Nécessite la séquence ingestion puis effort pour déclencher la réaction
Dermatite atopique
- Allergie au blé dans 14-18 % des cas
- Manifestation retardée dans les ¾ des cas
- Meilleur examen de dépistage : patch test
Formes digestives chroniques
- Chez le nourrisson
- Non IgE-médiée
- Diagnostic différentiel principal
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ALLERGIE AU BLE ET INTOLERANCE AU GLUTEN
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Tableau 2. Données concernant 33 enfants ayant une allergie au blé non IgE-médiée,
d’expression digestive [9]
Age moyen d’apparition des symptômes
Age moyen au diagnostic
17 mois (4 à 78 mois)
24 mois (8-108 mois)
Symptômes cliniques
Diarrhée chronique
Cassure de la courbe de poids
Ballonnement abdominal
Douleurs abdominales
Difficultés d’alimentation, anorexie
Vomissements
Infections ORL à répétition
Constipation
Reflux gastro-œsophagien
76 %
70 %
55 %
27 %
18 %
15 %
9%
3%
3%
Biopsie duodénale (n = 12)
Atrophie villositaire partielle
Duodénite inflammatoire
Infiltration à éosinophiles
2/12
10/12
4/12
RÉFÉRENCES
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PLAIES ET DELABREMENT DES MEMBRES CHEZ L'ENFANT
par
F. FITOUSSI, C. ROMANA, R. VIALLE
Les accidents de la voie publique ainsi que la diffusion des pratiques sportives à risque
chez les enfants (équitation, escalade, 2 roues, Quad...) ont abouti à l’augmentation du
nombre des traumatismes à haute énergie rencontrés dans les services d’orthopédie
pédiatrique. Les traumatismes ouverts avec délabrement majeur des parties molles posent de
nombreux problèmes souvent difficiles à résoudre [1]. On distingue trois grands types de
traumatisme :
• Les traumatismes par choc direct non appuyé, où l’agent vulnérant peut être responsable
de plaies plus ou moins étendues des parties molles ;
• Les traumatismes appuyés, tels les écrasements par pneumatiques, où les parties molles
sont non seulement le siège de plaies mais également de contusions plus ou moins étendues,
avec des décollements cutanés larges ;
• Les traumatismes par écrasement prolongé réalisant le «crush syndrome» caractérisé
par une nécrose musculaire étendue responsable de désordres rénaux et parfois d’un choc
mortel.
LESIONS CUTANEES DES TRAUMATISMES SEVERES
Les lésions contuses
Elles témoignent toujours d’un traumatisme direct : la lésion évolue au cours des heures
qui suivent et un revêtement cutané d’apparence presque normale peut laisser apparaître une
lésion plus large. Parfois la lésion est ouverte réalisant une plaie dont les berges sont contuses
et mal vascularisées. Il est alors impossible en urgence, sur les données de la simple inspection,
de faire la part du tissu qui va se nécroser de celui qui évolue favorablement. S’il existe une
fracture sous-jacente, le risque infectieux est majeur et un traitement d’urgence s’impose. Il
faut éviter dans ce cadre une suture sous tension qui évoluera inévitablement vers la nécrose.
Le décollement sous-cutané
C’est une lésion grave lorsqu’elle est étendue, le décollement entre peau et tissus sousjacents passant en sus-aponévrotique. La souffrance cutanée tient à trois facteurs : l’avulsion
des perforantes (artérioles venant de la profondeur, perforant l’aponévrose et assurant la
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F. FITOUSSI, C. ROMANA, R. VIALLE
vascularisation de la peau), la contusion et l’importance en surface du décollement, qui
génèrent une diminution de la perfusion tissulaire. Cette lésion comporte un risque
important de nécrose.
LESIONS MUSCULAIRES
Ce sont les plus importantes à considérer. La destruction des masses musculaires est
responsable d’exposition du foyer de fracture et d’ischémie osseuse compromettant la
consolidation des foyers. Les lésions sont très variables et tout peut se voir, depuis l’attrition
musculaire localisée jusqu’au broiement avec dilacération nécessitant l’amputation en
urgence. Un point très important doit être souligné à ce stade : il faut distinguer les lésions
musculaires à aponévrose ouverte de celles à aponévrose fermée, responsables d’hématome
compressif et de syndrome de loge. La règle est d’ouvrir largement toutes les aponévroses lors
du traitement chirurgical.
LESIONS VASCULO-NERVEUSES
Il peut s’agir de contusion, compression ou de rupture vasculaire. Les nerfs peuvent être
le siège de lésions variées (neurapraxie, axonotmésis et neurotmésis).
LESIONS OSSEUSES
Il s’agit de lésions majeures où tous les facteurs de gravité sont réunis : comminution,
perte de substance osseuse, contamination du foyer fracturaire.
CONDUITE THERAPEUTIQUE
La conduite thérapeutique nécessite une véritable stratégie d’ensemble dans laquelle tous
les problèmes doivent être pris de front :
• assurer la stabilisation des foyers fracturaires pour pouvoir espérer leur consolidation
et la cicatrisation des parties molles ;
• pratiquer une excision complète des parties molles dévitalisées tout en sachant qu’il est
parfois difficile en urgence de faire la différence entre les parties molles vivantes et celles dont
la vitalité est plus douteuse ;
• prévenir l’infection par un geste d’excision chirurgicale précoce avant la pullulation
microbienne, par l’antibiothérapie systématique et par la séroprophylaxie antitétanique ;
• assurer la couverture du foyer fracturaire : elle peut être réalisée de façon légèrement
différée par rapport aux gestes précédents mais sans toutefois dépasser 48 à 72 heures. C’est
ici que les techniques de chirurgie réparatrice des membres avec la réalisation de lambeaux
de couverture prennent tout leur intérêt.
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PLAIES ET DELABREMENT DES MEMBRES CHEZ L'ENFANT
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Premier temps : le débridement
La conduite thérapeutique vis-à-vis des lésions des parties molles est guidée par deux
impératifs contradictoires : exciser les tissus dévitalisés ou de vitalité douteuse, mais en
conserver suffisamment en vue du recouvrement du foyer de fracture.
L’ostéosynthèse
Le but est d’obtenir un os bien aligné et maintenu par un montage chirurgical solide.
Ces fractures avec délabrement musculo-cutané sont une indication quasi exclusive du
fixateur externe. Les avantages sont nombreux :
- obtenir un montage solide dans la plupart des cas
- minimiser le risque infectieux par l’absence de matériel interne au niveau du foyer
- maintenir le membre en suspension en postopératoire, évitant la compression des parties
molles et permettant la réfection aisée des pansements.
Quelques vis à compression peuvent être utilisées pour réduire de gros fragments osseux,
en association avec un fixateur externe.
Deux types de fixateurs sont habituellement utilisés en pédiatrie :
- le fixateur Orthofix : il permet de réaliser des montages solides grâce à son rail rigide. Il
doit être posé sur une fracture réduite, ce qui rend nécessaire l’abord du foyer.
- le fixateur externe d’Ilizarov a comme avantage sa facilité d’application sur un foyer qui
n’est pas encore réduit. La réduction est alors assez facilement obtenue grâce à sa grande
maniabilité.
Parmi les ostéosynthèses internes, l’enclouage centro-médullaire par clous de Métaizeau
est réalisable chez l’enfant mais les risques infectieux sont plus importants et la stabilité
moindre au niveau de la jambe.
La couverture du foyer fracturaire
Ces deux temps de parage et d’ostéosynthèse étant accomplis se pose le problème du
recouvrement. Deux cas de figure peuvent se poser :
- soit la fermeture cutanée et la suture des lambeaux vivants est réalisable sans tension,
- soit un élément noble (os, articulation, tendon, pédicule vasculo-nerveux) reste exposé
: il ne faut surtout pas chercher à refermer la plaie en suturant avec tension sous peine de voir
s’étendre la perte de substance par nécrose des berges cutanées. La couverture sera réalisée
après 24 à 48 heures par la réalisation d’un lambeau de couverture. Le lambeau est composé
du tissu prélevé dont la survie va dépendre de deux éléments : une artère afférente et une ou
deux veines de drainage contenues dans le pédicule du lambeau. Différents types de lambeaux
sont utilisés pour la réparation des pertes de substance des parties molles: lambeaux cutanés,
fascio-cutanés (Photos 1, 2 et 3), lambeaux musculaires, lambeaux composites (muscle +
peau, peau + os …).
Les lambeaux peuvent être pédiculés, et permettent alors de réparer une perte de
substance locorégionale [2-5]. Ils peuvent être libres, c'est-à-dire déconnectés de leurs attaches
vasculo-nerveuses. Le site receveur du lambeau doit alors disposer au minimum d’une artère
et d’une veine dont les anastomoses avec les vaisseaux du lambeau assureront sa
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F. FITOUSSI, C. ROMANA, R. VIALLE
vascularisation. Pour la jambe par exemple, les pertes de substances exposant l’extrémité
supérieure du tibia seront recouvertes à l’aide d’un lambeau musculaire de gastrocnémien [6]
et les pertes de substance du tiers moyen à l’aide d’un lambeau de muscle soléaire [7].
Lutte contre l’infection
Parallèlement est mise en œuvre la lutte contre l’infection. Outre le parage soigneux des
parties molles, les antibiotiques doivent être administrés à fortes doses par voie veineuse dès
l’admission du blessé et poursuivis en per- et postopératoire. L’antibiotique le plus utilisé est
l’Augmentin. L’antibioprophylaxie ne doit pas être poursuivie au-delà des 5 jours
postopératoires.
Cas particulier des morsures
Les zones le plus souvent touchées sont les mains et la face [8-10]. Deux problèmes
majeurs sont posés par les morsures de chien :
• Infectieux : le risque bactérien comporte la contamination par des germes pyogènes
cutanés (Staphylocoque doré, clostridium, streptocoque…), et la pasteurellose. Le risque viral
comprend le risque de transmission du virus rabique impose la prise en charge de l’enfant et
de l’animal.
• Esthétique dans le cas des morsures de la face.
L’âge moyen des enfants mordus est de 4 ans. Qu’elles soient d'origine animale ou
humaine, les morsures sont à l'origine de plaies hautement contaminées. Le pansement doit
se faire, surtout chez le jeune enfant, sous Mélange Equimoléculaire de Protoxyde d’Azote
(MEOPA) avec nettoyage soigneux de la plaie à l’eau et au savon, rinçage, séchage puis
désinfection cutanée par un antiseptique local (Bétadine*, Chlorexhidine* ; le Dakin* serait
plus efficace contre le virus rabique). La vaccination antitétanique de l’enfant doit être vérifiée
de même que la vérification de la vaccination antirabique de l’animal.
Le risque de transmission de la rage impose, selon la législation sanitaire française,
d’instituer une surveillance de l’animal, que celui soit vacciné ou non.
La suture doit être réalisée sous MEOPA et anesthésie locale, voire sous anesthésie
générale si l’étendue ou la localisation de la plaie le nécessite. Dans les localisations peu visibles
et en cas de petites plaies, les séquelles esthétiques sont minimes : la suture est donc inutile
voire dangereuse car elle augmente le risque infectieux. Si une suture doit être réalisée en
raison de l’importance de la plaie, elle doit être non étanche avec simple rapprochement des
berges cutanées. Les plaies du visage doivent par contre être suturées correctement pour
limiter les séquelles esthétiques, le risque infectieux y étant en outre moins important du fait
de l’hypervascularisation de la face.
L’antibioprophylaxie est systématique, par Augmentin* per os pendant 7 jours. Il ne faut
pas prescrire d’anti-inflammatoires, ceux-ci augmentant le risque infectieux.
Cas particulier des plaies de la main
Le principe chez l‘enfant est que toute plaie profonde de la main doit être explorée sous
anesthésie au bloc opératoire, l’examen clinique pouvant être faussement rassurant. Les plaies
palmaires sont les plus fréquentes avec comme agent vulnérant un verre ou un couteau. Les
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PLAIES ET DELABREMENT DES MEMBRES CHEZ L'ENFANT
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éléments nobles lésés sont les tendons fléchisseurs et les pédicules vasculo-nerveux digitaux
qui devront faire l’objet d’une réparation micro-chirurgicale.
AUTEURS :
Frank Fitoussi, Claudia Romana, Raphael Vialle
Hôpital Trousseau - Service de Chirurgie Orthopédique et Réparatrice de l’Enfant
AUTEUR CORRESPONDANT :
Email : franck.fitoussi@trs.aphp.fr
Photo 1 : Ecrasement du pied par un pneumatique de bus chez un enfant de 13 ans, exposant
l’articulation de cheville
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F. FITOUSSI, C. ROMANA, R. VIALLE
Photo 2 : Réparation de la perte de substance et couverture de l’articulation par un lambeau
fascio-cutané pédiculé sural (pris en arrière de la jambe)
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PLAIES ET DELABREMENT DES MEMBRES CHEZ L'ENFANT
303
Photo 3 : Résultat après cicatrisation
RÉFÉRENCES
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HYPNOSE MEDICALE CHEZ LES ENFANTS QUI NE PEUVENT
PAS AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
par
F. AUBER, C. NOIROT-NERIN, P. RICHARD
INTRODUCTION
Chez l’enfant, la plupart des interventions chirurgicales sont réalisées sous anesthésie
générale. Cependant, dans certaines situations, celle-ci est contre-indiquée en raison des
risques majeurs de mortalité ou de morbidité (par exemple les patients dont le score ASA est
égal ou supérieur à 3 ont une surmortalité péri-opératoire importante) [1].
Chez les patients récusés, on constate une incidence péjorative sur l’évolution clinique
de leur pathologie, à laquelle se surajoute l'apparition d'un retentissement psychologique
délétère au niveau individuel et familial avec notamment un sentiment d’abandon.
Le recours à l'anesthésie locale ou loco-régionale est alors une alternative possible.
Toutefois, chez l'enfant, ce type d'anesthésie n’est pas toujours réalisable, ou suffisant pour
permettre de réaliser sereinement le geste chirurgical. Dans ce contexte l’apport de l’hypnose
est une option intéressante, voire salvatrice.
HYPNOSE MEDICALE
A l’état d’éveil, les sujets exercent habituellement leurs capacités cognitives avec une attention
diffuse ou sélective, et avec des perceptions de leur être et/ou de l'environnement, qui leur
permettent d’avoir une notion du réel.
L’objectif du processus hypnotique est d’ouvrir le sujet sur son imaginaire et ainsi lui
permettre de manière réversible, tout en étant physiquement présent ici et maintenant, d’être
mentalement ailleurs dans le temps et l’espace. C’est grâce à la capacité d’accès à l’imagerie
mentale que le sujet peut exercer cette faculté. Elle lui permet de retrouver des sensations, des
émotions, des souvenirs et d’imaginer de nouvelles situations. Le sujet peut ainsi passer d’une
relation de lien et d’attention au réel à une relation qui se déroule dans la virtualité de l’imagerie
mentale. L’alternance ou le changement graduel entre ces deux pôles, le réel et le virtuel, soustend la notion de processus. Sur ce chemin, le processus hypnotique permet de modifier les
perceptions par un accès à une autre réalité.
Le processus hypnotique a été médicalement exploité en Occident depuis le 18e siècle, et a
connu un très large engouement et un grand développement clinique tout au long du 19e siècle
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F. AUBER, C. NOIROT-NERIN, P. RICHARD
avant de s’effacer progressivement au 20e siècle. Le 21e siècle, avec le développement des
neurosciences et de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, est en train de redécouvrir l’hypnose et
d’objectiver ce qui était auparavant uniquement du domaine du subjectif.
HYPNOSE MEDICALE ET CHIRURGIE
L’hypnose fut initialement développée sous le nom de « magnétisme animal » par A.
Mesmer (1734-1815), puis a été utilisée pour la réalisation de procédures chirurgicales dès
la fin du 18ème siècle. Son recours comme modalité d’anesthésie a décliné à partir de l'introduction de l'éther en chirurgie en 1846 et durant toute la seconde moitié du 19e siècle.
Depuis une dizaine d'années, on assiste à une redécouverte de l'hypnose. Dans le domaine
des neurosciences, de nombreux travaux, dont ceux de P. Rainville, et de E. Faymonville, ont
permis d'apporter des pistes pour localiser ses sites d'actions centraux et des hypothèses pour
expliquer les effets cliniques [2-7]. Dans l'hypno-analgésie, à une substitution perceptive dépendante du cadre de la transe s'associerait un effet modulateur et anti-nociceptif propre.
Ainsi, l’hypnose a comme particularité de pouvoir modifier de manière bénéfique le vécu du
patient pendant une chirurgie, mais aussi de limiter le recours aux anesthésiques.
Classiquement, on distingue deux types de pratiques : l’hypnose médicale utilisée seule
sans sédatif, dénommée hypno-anesthésie, et l’hypnose médicale avec utilisation de sédatifs,
dénommée hypno-sédation par E. Faymonville [8].
Dans le premier cas d’hypno-anesthésie, l’induction d’une transe hypnotique est la seule
technique mise en œuvre pour permettre la réalisation de l’acte chirurgical. A titre d’exemple,
Marmer a rapporté en 1959 la réalisation d’une commissurotomie mitrale sous hypnose seule
chez une femme de 42 ans très suggestible [9]. Ces descriptions anciennes donnent un aperçu
des limites de cette technique chez les sujets très sensibles, De nos jours, l’utilisation de l’hypnose comme unique moyen d’anesthésie reste cependant exceptionnelle dans les actes invasifs
lourds. Cette pratique est plutôt réservée à l’accompagnement d’actes peu invasifs dans un
but antalgique.
Dans le second cas d’hypno-sédation, l’hypnose est utilisée en association avec des analgésiques. Le principe de cette technique consiste à utiliser la potentialisation réciproque de
l’association entre l'hypnose et des quantités minimes de produits anesthésiques ou analgésiques.
Des conditions particulières sont requises pour pouvoir réaliser une intervention chirurgicale sous hypnose. Elles doivent prendre en compte les conditions liées au patient, à l’acte
réalisé et à l’organisation de la prise en charge. Une simple liste d’actes est donc inadéquate
et les indications et la sélection des patients doivent être réalisées au cas par cas par l'équipe
anesthésio-chirurgicale.
La réalisation d’un acte chirurgical sous hypnose doit prendre en compte les contraintes
du triptyque acte/patient/organisation.
Acte : la chirurgie doit pouvoir être pratiquée sous anesthésie locale ou locorégionale,
Elle ne doit pas exposer à un risque brutal de décompensation des fonctions vitales ni
nécessiter la mise en route de manœuvres de réanimation.
Patient : le sujet doit être suffisamment suggestible et d’accord pour que l’acte chirurgical
soit effectué sous hypnose. L'hypnose reste réalisable chez des sujets avec handicap mental
léger.
Organisation : l'anesthésiste entraîné à exercer l’hypnose au bloc opératoire doit pouvoir
proposer d’autres stratégies thérapeutiques, en cas de difficulté en per opératoire. L'exercice
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HYPNOSE MEDICALE CHEZ LES ENFANTS QUI NE PEUVENT PAS AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
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hypnotique nécessite une disponibilité et un investissement conséquent et prolongé en termes
d’énergie et d’attention. Le chirurgien pour sa part doit donner son accord pour opérer le
patient sous hypnose et être entraîné à opérer sous anesthésie locale. L'équipe paramédicale
doit avoir connaissance des contraintes que nécessite cette technique en terme d’organisation.
La gestion du temps d’occupation de la salle d’opération doit aussi tenir compte du délai
supplémentaire consacré à l’installation de l’hypnose.
En raison de ces contraintes, on peut comprendre que l’hypno-analgésie ne se place pas
en rivale de l’anesthésie générale ou loco-régionale qui remplissent bien leurs fonctions pour
la plupart des sujets et des interventions, mais qu’elle peut répondre à des situations ou des
besoins propres par un abord différent de celui que permet la pharmacologie.
Chez les patients adultes, les techniques d’hypno-sédation en chirurgie ont été
particulièrement développées et utilisées au CHU de Liège en Belgique [8]. Cette équipe a
montré lors d’une étude prospective randomisée comparant l’hypno-sédation à l’anesthésie
générale, chez 2 groupes de 20 patients opérés de lobectomie thyroïdienne, que l’hypnosédation permettait d’obtenir une moindre consommation d’antalgiques en post-opératoire,
une moindre réponse inflammatoire biologique, une meilleure stabilité hémodynamique, une
moindre fatigue à J1, moins de douleurs post-opératoires, et une meilleure satisfaction des
patients [8]. Toujours chez l’adulte, l’hypno-sédation a également été utilisée pour réaliser
des interventions maxillo-faciales, des cures de hernie de l’aine ou encore des
cholécystectomies sous cœlioscopie [10].
HYPNOSE EN PEDIATRIE
L’hypnose a été utilisée chez l’enfant depuis une quarantaine d’années, dans un but
antalgique pour traiter des douleurs chroniques ou lors de petites procédures
interventionnelles [11]. Les enfants sont plus répondeurs à l’hypnose que les adultes. La
réponse à l’hypnose est limitée chez les enfants de moins de 3 ans, atteint un pic entre 7 et
14 ans, décroît durant l’adolescence, puis reste stable toute la vie adulte avant de décroître à
nouveau chez les personnes âgées [12].
Des études chez l'enfant ont montré son efficacité dans plusieurs indications : chez les
brûlés [13], pour traiter les douleurs chroniques et récurrentes [14], l’arthrite juvénile [15],
pour traiter des céphalées [16]. Une étude de Calipel et al. a étudié l’utilisation de l’hypnose
en prémédication chez les enfants, et a observé une baisse de l’anxiété pré-opératoire et une
diminution des désordres comportementaux en post-opératoire [17]. Les interventions qui
sont aisément réalisables sous hypno-sédation sont de plusieurs types : cure de hernie
ombilicale, de hernie inguinale, d’ectopie, de nævus, de phimosis, ablation de broches,
otoplasties.
Il existe deux pré-requis avant l’utilisation de l’hypnose chez les enfants : établir une
bonne relation thérapeutique, et adapter les techniques d’hypnose à l’âge de l’enfant et à son
niveau de développement cognitif. L’expression clinique de la transe est dépendante chez
l’enfant de son niveau de développement cognitif. De la période de l’objet permanent à l’évocation, les capacités mnésiques et l’expérience de vie de l’enfant s’enrichissent. Toutefois, le
moindre développement des capacités cognitives, l'esprit critique limité, la notion lâche du
réel, ainsi que l'absence d’idées préconçues, rendent chez l'enfant l'induction hypnotique plus
facile. Pour lui le virtuel devient facilement le réel. A l’opposé chez l'adulte, le développement
de la richesse sémantique des mots, la valeur évocatrice des images, l’intégration de concepts
permet à l’hypno-thérapeute un entretien plus simple de la transe.
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F. AUBER, C. NOIROT-NERIN, P. RICHARD
COMMENT SE DEROULE UNE HYPNOSE CHEZ L’ENFANT ?
Elle se déroule selon différentes phases d’un processus relationnel dont on peut isoler
plusieurs étapes.
- Le lien : la base du processus hypnotique s’initie par la création d’un lien. Il s’agit d’une
relation de confiance qui s’établit en prenant en compte avec l’enfant des différents points
qu’il désire ou redoute. Le contact avec l’enfant, doit être personnalisé, cordial et positif et
susciter l’intérêt. La démarche relationnelle de l’hypnose nécessite de savoir déterminer et
sentir la portée métaphorique des mots, des évocations, des gestes afin de permettre un
échange en accord avec l’univers de l’enfant.
- L’accordage : cela signifie savoir sentir où est l’enfant pour faire les choses « en accord
» avec ce qu’il perçoit ou ressent dans l’instant. L’accordage suppose l’établissement d’une
interactivité dynamique qui est nécessaire à l’ouverture vers l’imaginaire. Dans l’accordage,
c’est l’anesthésiste qui s’adapte à l’enfant et non plus ce dernier qui doit s’adapter au soin.
- L’imaginaire : lorsque l’anesthésiste est en accord avec l’enfant alors dans ce partenariat
s’ouvre un champ de possibilités. A ce stade, l’échange doit rester ouvert et ne pas figer l’enfant
dans un rapport concret et restreint à un objet ou dans une attitude. Le but est au contraire
de l’ouvrir sur les capacités de son imaginaire. Dans le cas des enfants, l’imaginaire est toujours
présent et les notions et limites du réel et du virtuel sont longtemps floues. Par le jeu l’enfant
a appris à s’approprier, à ressentir en imitant ou en faisant « comme si ». Dans le cadre du
bloc opératoire, ses capacités pourront être utilisées pour modifier son « vécu ». La démarche
consiste alors à monopoliser son attention et à la déplacer de l’environnement vers
l’imaginaire. Les moyens qui peuvent lui permettre de quitter par l’esprit le cadre du bloc
sont multiples. Pour les plus âgés, la focalisation sur les sensations du corps dans un exercice
de relaxation en est un, pour les plus jeunes, la simple fixation de l’attention sur un objet
point de départ d’une histoire en est un autre. Ce recadrage sur « autre chose » permet
d’entraîner très rapidement l’enfant dans des évocations familières d’un lieu, d’une odeur,
d’un moment ou dans une histoire où il peut devenir l’acteur. L’enfant va ainsi tranquillement
oublier et abandonner les liens à son environnement réel pour pénétrer dans son imaginaire
et laisser s'ouvrir un nouveau monde virtuel. Au fur et à mesure de son immersion dans ce
monde virtuel, sa réalité se déplace et au final ce monde virtuel devient pour lui sa nouvelle
réalité.
- La suggestion : dans l’hypnose, la suggestion est aisée chez l’enfant et facilitée par rapport
à l’adulte du fait de la diminution de l’esprit critique. Elle sert de guide pour induire des
modifications perceptives et permet d’orienter l’imaginaire et donc le vécu avant, pendant
et après l’anesthésie et la chirurgie.
HYPNOSE MEDICALE CHEZ LES ENFANTS QUI NE PEUVENT PAS
AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
En pratique quotidienne, l’hypno-analgésie et l’hypno-sédation sont des techniques très
intéressantes à utiliser dans les situations où le risque anesthésique est majeur, par exemple,
chez un patient présentant une compression médiastinale, ou encore chez un sujet atteint de
myopathie ou de mucoviscidose avec insuffisance respiratoire sévère.
Une situation exemplaire est illustrée par les indications de gastrostomie chez les enfants
atteints de pathologies musculaires telles que les myopathies. Ce sont souvent des enfants en
situation de dénutrition. L’échec de la supplémentation calorique par voie orale conduit à
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HYPNOSE MEDICALE CHEZ LES ENFANTS QUI NE PEUVENT PAS AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
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l’indication d’une gastrostomie, méthode privilégiée pour leur apporter un support
nutritionnel. Ces mêmes enfants ont fréquemment une insuffisance cardio-respiratoire liée
à leur myopathie, ce qui est souvent un obstacle à une anesthésie générale. Ces enfants sont
dans une situation d’impasse quand ils sont « récusés » pour une gastrostomie sous
anesthésie générale.
Dans cette situation, le choix de réaliser la gastrostomie sous anesthésie locale et hypnose
est offert à l’enfant et sa famille en consultation. Dans tous les cas le consentement doit être
accordé par l’enfant et ses parents pour cette procédure. Notre prise en charge pour cette
indication consiste à administrer systématiquement à l’enfant une prémédication par Atarax®,
associée à l’application topique d’un mélange de lidocaïne et de prilocaïne (Emla®) sur le site
opératoire, une heure avant l’intervention. L’hypnose débute en salle d’opération avec un
anesthésiste entraîné à l’hypnose médicale. Dans certains cas pour faciliter l'induction, une
hypno-sédation par administration des doses minimes d'analgésiques ou d'hypnotiques est
réalisé par voie générale. Une fois l’état hypnotique installé, une anesthésie locale par
infiltration sous-cutanée du site opératoire à la xylocaïne ou à la ropivacaine est réalisée par
le chirurgien. Durant l'intervention, les patients reçoivent le plus souvent un traitement
antalgique de complément à base de doses infimes de morphine ou du rémifentanyl
(inférieures à 0,05µg/kg/min).
La gastrostomie est réalisée par mini-laparotomie : incision transversale sous-costale,
écartement des fibres musculaires du muscle rectus abdominis gauche, extériorisation de la
paroi antérieure de l’estomac, réalisation de 2 bourses circulaires, incision gastrique,
introduction du bouton de gastrostomie, resserrement des bourses, fixation de l’estomac par
4 points cardinaux à l’aponévrose postérieure, fermeture plan par plan aux fils résorbables.
En fin d’intervention, le chirurgien réalise à nouveau une infiltration d’anesthésique local
en sous-cutanée pour l’analgésie post-opératoire.
La prise en charge post-opératoire de la douleur est conventionnelle (paracétamol
éventuellement associé sur ce terrain fragile à une titration par de faibles doses de morphine).
ETUDE RETROSPECTIVE CONCERNANT LA FAISABILITE ET LA SECURITE
DE L'HYPNOSE POUR LES PROCEDURES DE GASTROSTOMIE CHEZ LES
ENFANTS ATTEINTS DE MYOPATHIE CONGENITALE QUI NE PEUVENT
PAS AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
Nous avons étudié rétrospectivement tous les enfants pour qui une gastrostomie sous
hypnose a été tentée dans notre institution. L'hypnose a été envisagée pour les enfants sans
handicap mental, et pour lesquels une anesthésie générale a été récusée. De l’Emla® a été appliqué sur le site opératoire. L'hypnose a été réalisée par un anesthésiste expert en hypnose
médicale. Tous les patients ont reçu une anesthésie locale et une analgésie par voie intraveineuse avec du paracétamol et de la morphine. Un bouton de gastrostomie a été inséré par
une mini-incision transverse dans l’hypochondre gauche. Le critère d’évaluation principal
était la proportion de procédures menées à terme sans nécessité le recours à une anesthésie
générale. Les critères secondaires étaient les douleurs post-opératoires et le taux de complications. Le consentement du patient et des parents a été obtenu pour tous les patients.
Résultats : une gastrostomie sous hypnose a été tentée chez sept patients depuis Janvier
2008. Toutes les procédures ont été menées avec succès, sans anesthésie générale. Tous les patients avaient un statut nutritionnel compromis et étaient dépendant de l'oxygène. L'âge médian lors de la chirurgie était de 15 ans (8 à 17 ans) et la médiane de suivi était de 30 mois.
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Bien qu’un traitement par morphine post-opératoire ait été jugé nécessaire en salle de réveil
pour deux patients, aucun patient n'a eu besoin de morphine par la suite. Aucune complication liée à l'intervention n’a été observée.
Notre étude a montré que l’association d’une hypnose à une anesthésie locale était une
approche efficace pour les procédures de gastrostomie chez les enfants qui ne peuvent pas
avoir d’anesthésie générale.
AUTRES APPLICATIONS ET PERSPECTIVES
En dehors de cette indication exemplaire, nous avons réalisé une grande variété de procédures sous anesthésie locale et hypnose ou hypno-sédation : fermeture de gastrostomie,
changement de bouton de gastrostomie, pose ou ablation de chambre implantable, hernies
inguinales, exérèses de lésions cutanées ou sous-cutanées. Cette option est offerte prioritairement aux enfants « récusés » pour une anesthésie générale, mais également pour des patients ASA 1 ou 2, en particulier les adolescents. Les freins au développement de ces
techniques d’hypno-analgésie ou d’hypno-sédation sont nombreux : le faible nombre de praticiens formés à l’hypnose médicale, la méconnaissance de ces méthodes par les chirurgiens,
les réticences de certains parents pour une technique vue comme non médicale dans l’imaginaire populaire. Toutefois le frein principal est d’ordre organisationnel. A l’heure de la T2A
et de l’efficience, la priorité est souvent à l’optimisation des temps d’occupation des salles
d’opération, et des personnels qui leurs sont affectés. Par conséquent l’investissement en
temps et en personnel que représente la réalisation sous hypnose de gestes peu valorisés en
terme de rémunération T2A peut apparaître comme très pénalisant et n’encourage pas les
équipes à développer ces techniques en dehors de situations d’exception.
CONCLUSION
L’hypnose médicale est une méthode de choix qui s’intègre dans une approche multimodale de l’anesthésie combinant une pharmacopée à visée analgésique et sédative, des techniques d’anesthésie locale ou loco-régionale. En particulier l’hypno-analgésie et
l’hypno-sédation sont des méthodes efficaces et bien adaptées pour réaliser des gestes invasifs
chez des patients qui ne peuvent pas avoir d’anesthésie générale. Une collaboration étroite
entre anesthésistes, chirurgiens et personnels du bloc opératoire est nécessaire.
AUTEURS :
Frédéric Auber1, Claire Noirot-Nérin1, Patrick Richard2
1
Service de Chirurgie Pédiatrique Viscérale et Néonatale,
2
Service d’Anesthésie Pédiatrique
AP-HP – Hôpital Armand Trousseau-La Roche-Guyon – Hôpitaux Universitaire Est Parisien, et Université
Pierre et Marie Curie, Paris, France
AUTEUR CORRESPONDANT :
F. Auber, Service de Chirurgie Pédiatrique Viscérale et Néonatale.
Hôpital Armand Trousseau – La Roche-Guyon, Hôpitaux Universitaires Est Parisien (AP-HP)
26 Avenue du Dr Arnold Netter, 75012, Paris, France.
e-mail : frederic.auber@trs.aphp.fr
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HYPNOSE MEDICALE CHEZ LES ENFANTS QUI NE PEUVENT PAS AVOIR D’ANESTHESIE GENERALE
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DECLARATION D’INTERET
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêt en relation avec cet article.
RÉFÉRENCES
[1] Le score ASA, établi par l’American Society of Anesthesiologists, est utilisé pour évaluer le risque de
morbidité/mortalité péri-opératoire. C’est un indicateur utilisé pour catégoriser les patients susceptibles d’être
anesthésiés en fonction de leur risque. Ce score comporte 6 grades : 1, Patient normal ; 2, Patient avec anomalie
systémique modérée ; 3, Patient avec anomalie systémique sévère ; 4, Patient avec anomalie systémique sévère
représentant une menace vitale constante ; 5, Patient moribond dont la survie est improbable sans l'intervention
; 6, Patient déclaré en état de mort cérébrale dont on prélève les organes pour greffe.
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313
INTERET DE LA DETERMINATION DES VIRUS
RESPIRATOIRES DANS LES BRONCHIOLITES AIGUËS
par
C. MEYZER, N. BEYDON, C. VAULOUP-FELLOUS, R. EPAUD,
P. LABRUNE, V. GAJDOS
INTRODUCTION
La bronchiolite aiguë du nourrisson est une infection respiratoire virale, épidémique et
saisonnière. Elle touche les nourrissons âgés de moins de deux ans avec un pic de fréquence
entre l’âge de 2 et 7 mois. Le principal pathogène impliqué dans cette affection respiratoire
est le Virus Respiratoire Syncitial (VRS). Il est retrouvé dans 50 à 80 % des bronchiolites
aiguës du nourrisson et survient classiquement entre les mois d’octobre et de février en France.
95 % des enfants ont un premier contact avec le VRS dans leurs deux premières années de
vie et un tiers d’entre eux environ développeront une bronchiolite. Cette pathologie est donc
extrêmement fréquente, motivant de nombreuses consultations aux urgences. Le taux annuel
d’hospitalisation augmente régulièrement, ce qui en fait désormais la première cause
d’hospitalisation des nourrissons de moins de 6 mois et pose des problèmes importants en
période hivernale [1].
Un grand nombre de bronchiolites sévères survient chez des nourrissons nés à terme sans
comorbidité. Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés (l’âge inférieur à 6 mois, la
naissance avant ou au début de l’épidémie de VRS, le sexe masculin, l’existence d’une fratrie,
le mode de garde en collectivité, l’exposition au tabagisme maternel, ou la pollution
atmosphérique), mais le rôle joué par les agents viraux restait peu étudié ces dernières années
(puisque seul le VRS était recherché et détecté). L’amélioration rapide des techniques de
détection virale et plus particulièrement des techniques de Polymerase Chain Reaction
(PCR) ont permis d’accroître considérablement le taux de détection de virus anciennement
connus difficiles à cultiver, comme les virus Influenzae, Parainfluenzae, ou l’Adénovirus. Elles
ont également révélé l’implication de plusieurs « nouveaux virus » dans les infections des
voies respiratoires de l’enfant : certains Rhinovirus (RhV), le Métapneumovirus humain
(hMPV), le Bocavirus (hBoV), ou les Coronavirus (hCoV) [2]. De nombreuses études se
sont intéressées à ces agents viraux dans la bronchiolite à visée épidémiologique, mais peu
d’entre elles ont permis d’établir un lien entre la présence d’un ou plusieurs de ces virus et la
sévérité de l’atteinte respiratoire. Cette question reste actuellement controversée.
L’objectif de notre travail était de déterminer la prévalence de 16 virus respiratoires chez
des nourrissons hospitalisés pour un premier épisode de bronchiolite aiguë et d’évaluer
l’influence du type et du nombre de virus impliqués sur la sévérité de la maladie.
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PATIENTS ET METHODES
Type d’étude
Dans cette étude ancillaire, nous avons étudié les sécrétions nasopharyngées de 434
nourrissons âgés de 15 j à 24 mois, hospitalisés pour un premier épisode de bronchiolite aiguë.
Elles avaient été recueillies au cours d’un précédent essai comparatif qui évaluait de manière
prospective l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire sur le délai de guérison des nourrissons
[3]. Elle s’est déroulée dans 7 centres de la région parisienne durant 4 hivers consécutifs entre
octobre 2004 et janvier 2008.
Objectif et critères de jugement
L’objectif principal de l’étude était d’analyser la sévérité de la bronchiolite aiguë en
fonction du type et du nombre de virus détectés. La sévérité de la bronchiolite était évaluée
sur plusieurs critères : le délai de guérison (défini par l’absence d’oxygène, l’autonomie
alimentaire et l’absence de signes de lutte marqués) et l’existence de critères de gravité à
l’admission (saturation transcutanée en oxygène inférieure à 92 %, nécessité d’un soutien
nutritionnel parentéral, difficultés alimentaires).
Collection des données
Les sécrétions nasopharyngées ont été recueillies par lavage-aspiration nasale, par des
soignants formés à ce geste, dans les 24 h qui suivaient l’admission. L’analyse par PCR
multiplex (Respifinder®) [4] permettait la détection de 15 virus respiratoires grâce à la
présence d’amorces et de sondes spécifiques de plusieurs virus (14 virus à ARN et 1 virus à
ADN) : Virus Respiratoire Syncitial (VRS) type A et B, Adénovirus, virus Influenzae A,
Influenzae A H5N1 et Influenzae B, virus Parainfluenzae type 1 (PIV-1), type 2 (PIV-2),
type 3 (PIV-3) et type 4 (PIV-4), Rhinovirus (RhV), Coronavirus 229E (Cor-229E), OC43
(Cor-OC43), NL 63 (Cor-NL63) et Métapneumovirus (hMPV). Une PCR en temps réel
a également permis la détection du Bocavirus (hBoV). Cette étude a été approuvée par le
Comité Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale (CCPPRB)
de Saint-Germain-en-Laye.
Analyses statistiques
Une analyse descriptive des caractéristiques démographiques de la population a été
réalisée et les méthodes adaptées au type de variables et à leur distribution. Le délai de
guérison (exprimé en jours) a été résumé par des courbes de survie établies selon la méthode
de Kaplan-Meier. Nous avons ensuite comparé la sévérité des bronchiolites en fonction du
type et du nombre de pathogènes identifiés par les tests appropriés : les délais de guérison
ont été comparés par le test du Log-rank, les autres critères de gravité exprimés sous forme
de proportions ont été comparés par un test exact de Fischer. L’ensemble des calculs a été
réalisé à l’aide du logiciel Stata 11.
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INTERET DE LA DETERMINATION DES VIRUS
RESPIRATOIRES DANS LES BRONCHIOLITES AIGUËS
315
RESULTATS
Caractéristiques des patients
Les prélèvements nasopharyngés de 434 des 496 nourrissons de l’essai thérapeutique
initial ont pu être analysés. L’âge médian de la population était de 2,1 mois [range : 1,4 – 4,0
mois]. Huit pour cent des nourrissons présentaient une prématurité moyenne entre 34 et 37
SA. Des antécédents personnels ou familiaux d’atopie ont été retrouvés chez 40,3 % des
nourrissons. A l’admission, 43,1 % des nourrissons étaient hypoxémiques et 19,6 % ont
nécessité d’emblée un support nutritionnel parentéral. L’interrogatoire rapportait des
difficultés alimentaires chez 88,3 % des nourrissons avant l’admission.
Prévalences virales
Le taux de détection virale était de 99,3 %. Seuls trois prélèvements n’ont pas permis de
révéler la présence d’un virus. Le VRS a été identifié chez 361 nourrissons (83,2 %). Le
Rhinovirus est le 2ème virus le plus fréquemment détecté (21 %), suivi du Bocavirus (16,4 %).
Les autres virus ont été retrouvés dans moins de 10 % des prélèvements : Métapneumovirus
(7,1 %), Parainfluenzae (6,5 %), Adénovirus (5,3 %), Coronavirus (3 %), Grippe (0,5 %)
(Tableau 1). Les analyses en PCR ont révélé la présence d’un seul virus chez 64,3 % des
nourrissons de notre étude. Deux, trois voire quatre virus ont été retrouvés chez 35,7 % des
nourrissons (2 virus dans 121 cas, 3 virus dans 30 cas et 4 virus dans 3 cas). Les principales
associations virales étaient les suivantes : VRS et RhV (40/434 soit 9,3 %), VRS et hBoV
(32/434 soit 7,4 %) et l’association des trois VRS, RhV et hBoV (11/434 soit 2,6 %). Certains
virus étaient impliqués principalement en co-infection plutôt qu’en mono-infection :
Rhinovirus, Bocavirus, Adénovirus et Coronavirus. En particulier le Bocavirus, qui n’a été
retrouvé qu’en co-infection, à l’exception de 2 prélèvements. A contrario, le VRS et l’hMPV
étaient plus fréquemment impliqués dans des mono-infections.
Influence du type et du nombre de virus identifiés sur la sévérité de la maladie
Les délais de guérison pour les trois principaux pathogènes identifiés en mono-infection
étaient respectivement de 2,1 jours [1,2-3,7] pour le VRS ; 2,4 jours [0,7-3,4] pour le
Rhinovirus ; et 1,8 jours [0,7-2,4] pour le Métapneumovirus, et ne différaient pas de manière
statistiquement significative (p = 0,47). Concernant le nombre de virus détectés, les délais
de guérison étaient de 2,0 jours [1,1-3,6] si un seul virus était détecté et de 2,4 jours [1,34,3] si plus d’un virus étaient détectés (p = 0,51). Enfin, le délai de guérison ne différait pas
que le VRS soit identifié seul ou avec d’autres virus (p = 0.43).
La comparaison des critères de sévérité à l’admission (hypoxémie, difficultés alimentaires
ou nécessité d’un soutien nutritionnel parentéral) n’a également pas permis de mettre en
évidence de différence significative (Tableau 2).
Sur les quatre années d’étude, 14 patients ont été admis secondairement en réanimation.
Sept ont nécessité un support ventilatoire (ventilation mécanique (n = 4) ou ventilation non
invasive (n = 3)). Le VRS est impliqué chez 12 patients (85,7 %). Il a été détecté seul dans 7
cas et en co-infection dans 5 cas : VRS/RhV (n = 3) et VRS/hBoV (n = 2).
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DISCUSSION
Cette étude nous a permis de décrire de manière exhaustive les virus respiratoires
impliqués dans les bronchiolites aiguës des enfants de moins de 2 ans hospitalisés. Le nombre
important de patients et la longue période d’étude renforcent la validité de nos données.
Le taux de détection virale élevé était superposable à ceux d’autres études portant sur la
même population. Quatorze virus différents ont été mis en évidence dans les sécrétions nasales
de nos patients. Le VRS était très largement majoritaire, confirmant la prédominance de ce
virus lors d’un premier épisode de bronchiolite aiguë. Sa prévalence était un peu plus élevée
que dans les autres études où elle varie approximativement entre 65 et 75 %. L’identification
d’autres nombreux virus nous a permis de « démembrer » le groupe des bronchiolites
considérées jusque-là comme « non à VRS ». Ainsi le Rhinovirus est désormais le deuxième
virus le plus fréquemment identifié après le VRS. Sa prévalence varie entre 15 et 25 % selon
les études. Il a été démontré depuis qu’il pouvait être responsable d’infections respiratoires
basses et notamment de bronchiolites aiguës. Il a également été mis en évidence chez des
patients asymptomatiques. Plusieurs études enfin ont retrouvé une association entre
bronchiolites ou épisodes sifflants à Rhinovirus et la survenue d’asthme dans l’enfance. Le
Métapneumovirus, découvert en 2001 par Van den Hoogen constitue l’un de ces « nouveaux
» pathogènes des voies respiratoires. Plusieurs études ont montré qu’il pouvait être
responsable d’un spectre assez large de pathologies respiratoires chez l’enfant et le nourrisson,
comprenant les bronchiolites aiguës. Ce virus est rarement détecté chez des patients
asymptomatiques. Son pic de prévalence se situerait plutôt aux mois de mars, avril et mai
dans l’hémisphère Nord, et se trouve donc un peu décalé par rapport à l’épidémie de VRS.
Ceci explique que sa prévalence ait été peu élevée dans notre étude, dépassant rarement 10
% des prélèvements. Un dernier virus est de plus en plus fréquemment identifié grâce à la
PCR, le Bocavirus. Un grand nombre d’études a mis en évidence la présence de ce virus chez
des enfants présentant une infection respiratoire. Cependant, l’existence d’un lien de causalité
entre la présence de ce virus dans les voies respiratoires et les symptômes observés reste
controversée. Sa mise en évidence chez des patients asymptomatiques est plus fréquente que
pour les autres « nouveaux virus » et la coexistence de plusieurs virus sur la plupart des
prélèvements positifs à Bocavirus interroge sur le pouvoir pathogène de ce dernier. Pour
Schildigen [5], le Bocavirus est tantôt un simple passager tantôt un pathogène.
Parmi les différents virus identifiés chez nos patients, certains étaient-ils plus pathogènes
que d’autres ? Dans notre étude, les bronchiolites n’étaient pas plus sévères selon qu’elles
impliquent le VRS seul, le Rhinovirus seul ou le Métapneumovirus seul. Ceci s’est vérifié
pour le délai de guérison comme pour la sévérité clinique à l’admission. Nous n’avons pas
analysé l’impact d’autres virus en mono-infection en raison du trop faible effectif dans ces
autres catégories virales. Dans la littérature, le VRS est pourtant classiquement considéré
comme un virus très pathogène touchant de jeunes nourrissons. Dans une étude américaine
ayant évalué chez 4285 nourrissons la sévérité de bronchiolites VRS+ (n = 2840) ou VRS−
(n = 1445) de manière rétrospective [6], l’auteur a rapporté une évolution significativement
moins bonne dans le groupe VRS+, évaluée sur la durée d’hospitalisation, les besoins en
oxygène, la nécessité d’intubation ou l’admission en réanimation (p < 0,001). Ces résultats
restent néanmoins difficilement comparables aux nôtres car l’âge moyen de leur population
(6 à 8 mois) est très différent de celui de nos patients. Notre étude n’ayant pas permis de
démontrer une plus grande sévérité du VRS, peut-être faut-il le voir davantage comme un
facteur de risque d’hospitalisation des nourrissons jeunes, plutôt que comme un facteur
prédisant la sévérité chez des patients déjà hospitalisés. En effet des études ont montré que
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RESPIRATOIRES DANS LES BRONCHIOLITES AIGUËS
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les infections respiratoires à VRS étaient associées à des symptômes plus sévères et à un recours
plus fréquent au médecin généraliste que les autres virus et que le VRS était plus fréquemment
identifié chez les enfants hospitalisés que chez ceux suivis en ambulatoire [7,8]. En étudiant
les bronchiolites de nourrissons hospitalisés nous ne pouvions pas prendre en compte ce
paramètre.
Le chevauchement des épidémies virales sur une même période rend possible l’existence
d’infections multiples. Environ un tiers des nourrissons de notre étude présentaient une
infection multiple. Ce taux était un peu plus élevé que dans les autres études où il varie de 14
à 30 %. La co-infection la plus fréquente associait le VRS au Rhinovirus (9,3 %), comme dans
les études de Marguet (14,3 %) [9], Papadopoulos (8,4 %) [10] et Richard (7,2 %) [11]. Si
pour les mono-infections le lien de causalité entre le virus identifié et les symptômes observés
paraît peu discutable, il est loin d’être évident pour les co-infections. Comment interpréter
la coexistence de trois voire quatre virus dans les voies respiratoires de jeunes nourrissons sans
facteur de risque apparent ? Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : celle d’infections
respiratoires successives, par des virus ayant chacun un effet pathogène. Le portage viral
prolongé de l’un d’eux dans les voies respiratoires à des taux proches de la limite de détection
des PCR expliquerait la présence de plusieurs virus sur le même prélèvement. Certains auteurs
évoquent l’hypothèse du portage nasopharyngé asymptomatique de certains virus, favorisé
par leur circulation dans des environnements particuliers (existence d’une fratrie, garde en
collectivité, conditions de vie défavorables, etc). Tous les virus identifiés ne participeraient
pas directement aux symptômes observés et il ne serait pas correct de parler de co-infection
mais plutôt faudrait-il employer le terme de « co-détection ». Notons que des cas de « codétections virales » ont été également décrits chez des enfants asymptomatiques [12].
Ainsi, la présence de plusieurs virus dans les voies respiratoires pourrait aggraver
l’évolution des bronchiolites ou des infections respiratoires soit par un effet pathogène
cumulatif (l’effet cytopathogène de chaque virus « s’additionnerait » aggravant le tableau
clinique), soit par un effet pathogène synergique (certains agents viraux latents dans les voies
respiratoires voire non pathogènes joueraient le rôle de « co-pathogène » viral et viendraient
initier ou stimuler le processus infectieux dû à un autre virus, rendant certaines associations
virales plus pathogènes que d’autres). Cependant, peu d’études ont montré qu’il existait une
association entre infections multiples et bronchiolite ou infections respiratoires basses sévères.
Richard et al. ont comparé les données virologiques de 180 nourrissons admis pour
bronchiolite aiguë soit en Unité d’Hospitalisation de Courte Durée soit en Réanimation
[11]. Les patients coinfectés avaient un risque 2,7 fois plus élevé d’être admis en réanimation
que les patients ne présentant qu’un seul virus (IC 95 %: 1,2 - 6,2, p = 0,02). Cette étude
comporte cependant d’importantes limitations : son caractère rétrospectif et la proportion
importante de patients inclus (20 %) présentant des pathologies associées susceptibles de
favoriser la survenue d’infections respiratoires plus sévères et répétées (impliquant donc
plusieurs micro-organismes). Dans une autre étude, l’association VRS/hMPV confèrerait
un risque 10 fois plus élevé d’admission en réanimation pour ventilation mécanique (RR :
10,99 [IC95 %: 5,0 – 24,12]; p < 0,001) que les infections à VRS ou hMPV seuls [13]. Ce
résultat très significatif doit être relativisé car cette étude était rétrospective ; les auteurs y ont
de plus comparé des résultats virologiques provenant de prélèvements nasopharyngés avec
ceux de lavages broncho-alvéolaires (pour les enfants hospitalisés en réanimation). Aucune
étude n’a vraiment démontré une plus grande sévérité en cas d’association VRS/RhV. Dans
notre étude, comme dans plusieurs autres [14-16], les bronchiolites impliquant plus d’un
virus n’étaient pas plus sévères que les infections simples. De même, l’association du VRS à
d’autres virus n’était pas associée à des pathologies plus sévères.
Dans ces cas de co-infections virales, la mesure de la charge virale par PCR quantitative
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pourrait permettre de mieux corréler la présence d’un virus à un véritable processus infectieux
avec réplication virale active et différencier ainsi portage asymptomatique et infection [17].
De plus, certains travaux ont pu établir une association entre des charges virales élevées et
des infections respiratoires plus sévères. Jansen et al. rapportent une réduction de la charge
virale significativement plus importante chez les patients qui guérissent de leur infection
respiratoire [18].
LIMITES DE L’ETUDE
Cette étude ancillaire n’a pas été conçue pour déterminer l’influence de co-infections ou
de certains virus sur la sévérité d’un premier épisode de bronchiolite et manque donc de puissance pour cet objectif. Par ailleurs, nos résultats ne peuvent être extrapolés à l’ensemble des
bronchiolites aiguës puisque nos patients étaient très sélectionnés et donc non représentatifs
de l’ensemble des nourrissons présentant cette pathologie.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Malgré la grande diversité des virus identifiés par PCR, la bronchiolite aiguë du
nourrisson reste une maladie virale principalement due au VRS. Ni le type ni le nombre de
virus n’ont d’influence sur la sévérité de l’atteinte respiratoire évaluée sur des paramètres
cliniques. Dans ce contexte, l’intérêt du diagnostic virologique par PCR multiplex n’est pas
évident puisqu’il ne permet pas d’améliorer la prévention ni la prise en charge des nourrissons
atteints de bronchiolite.
En dépit du nombre et de la diversité des agents isolés, les différentes infections virales
déterminent des tableaux cliniques souvent similaires et face à la possibilité d’identifier
toujours plus de micro-organismes, il incombe aux cliniciens de décider de quelle manière
intégrer ces tests à leurs pratiques. Ces techniques restent en effet coûteuses, nécessitent un
personnel spécialisé et sont rarement réalisées en urgence. Harris et al. [19] ont rappelé
l’intérêt de la détection virale dans les situations suivantes : faciliter l’isolement des patients
et minimiser le risque de transmission d’agents viraux à d’autres patients vulnérables ; réduire
les prescriptions inutiles d’antibiotiques ; identifier les virus pour lesquels une thérapie
antivirale est disponible ; repérer les début et fin d’épidémies de bronchiolites afin d’adapter
la période d’administration du Palivizumab ; évaluer l’efficacité des mesures de prévention ;
et enfin cartographier et évaluer le poids des infections nosocomiales dans les services de soins
intensifs.
Comme nous le montre cette étude, la présence d’un ou plusieurs virus ne permet pas
d’expliquer la sévérité de certaines bronchiolites, le problème n’est donc pas « l’hôte ou le
virus » mais « la réponse d’un hôte à un agent viral ». Le développement d’une pathologie
pulmonaire est le résultat d’un équilibre entre la réponse immunitaire des enfants infectés et
la capacité d’un ou plusieurs virus à se répliquer dans les voies respiratoires. Certaines études
suggèrent par exemple le rôle d’un déficit de l’immunité innée dans la survenue de tableaux
de bronchiolites sévères. D’autres études ont incriminé un déséquilibre dans la balance
Th1/Th2 (réponse Th1 altérée ou Th2 exacerbée). Enfin, de nombreux polymorphismes des
gènes impliqués à toutes les étapes du processus infectieux (gènes de cytokines pro ou antiinflammatoires, de transducteurs de signal, de protéines du surfactant, etc) ont été associés à
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INTERET DE LA DETERMINATION DES VIRUS
RESPIRATOIRES DANS LES BRONCHIOLITES AIGUËS
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des infections à VRS plus sévères [20]. Ainsi l’infection à VRS chez certains nourrissons ne
serait-elle pas que le révélateur d’une susceptibilité individuelle pré-existante à développer
des pathologies respiratoires plus sévères ?
AUTEURS :
C.Meyzer, N.Beydon, C.Vauloup-Fellous, R.Epaud, P.Labrune , V.Gajdos
AUTEUR CORRESPONDANT :
C. Meyzer - Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Antoine Béclère, 157 rue de la porte de Trivaux, 92140 Clamart.
Email : candicemeyzer@gmail.com
Tableau 1 : Virus identifiés en mono-infection et en co-infection
Virus
Total ( %)
(n = 434)
VRS A
VRS B
Rhinovirus
Métapneumovirus
Bocavirus
Adénovirus
Parainfluenzae-1
Parainfluenzae-2
Parainfluenzae-3
Parainfluenzae-4
Coronavirus 229E
Coronavirus OC43
Coronavirus NL63
Grippe A
Pas de virus identifié
214 (49,3)
147 (33,9)
(21,0)
31 (7,1)
71 (16,4)
23 (5,3)
2 (0,5)
3 (0,7)
11 (2,5)
12 (2,8)
2 (0,5)
3 (0,7)
8 (1,8)
2 (0,5)
3 (0,7)
Mono-infection
(n = 277)
Co-infection
(n = 154)
230 (53,4)
131 (30,4)
18 (4,2)
16 (3,7)
2 (0,5)
2 0,5)
73 (16,9)
15 (11,6)
69 (16)
21 (4,9)
8 (1,9)
20 (4,6)
1 (0,2)
12 (2,8)
0
-
2 (0,5)
-5-36
Abréviations :
VRS : Virus Respiratoire Syncitial
Tableau 2 : Critères de gravité à l’admission en fonction du type de virus et du nombre de virus.
Critères de sévérité
à l’admission
SpO2 ≤ 92 %
Perfusion IV
Difficultés alimentaires
VRS seul
(n = 230)
RhV seul
(n = 18)
hMPV seul
(n = 16)
p*
72 (32,6 %)
44 (19,8 %)
196 (88,3 %)
7 (43,7 %)
4 (25,0 %)
13 (81,2 %)
5 (33,3 %)
2 (13,3 %)
13 (86,7 %)
0,65
0,72
0,60
Critères de sévérité
à l’admission
1 virus
(n = 264)
> 1 virus
(n = 148)
P*
SpO2 ≤ 92 %
Perfusion IV
Difficultés alimentaires
86 (32,6)
52 (19,6)
232 (87,6)
49 (32,5)
33 (22)
135 (89,4)
1
0,61
0,64
*Test exact de Fischer.
Abréviations :
SpO2 : Saturation pulsée de l’hémoglobine en oxygène ; Perfusion IV : Perfusion Intra-Veineuse ;
VRS : Virus Respiratoire Syncitial ; RhV : Rhinovirus ; hMPV : Métapneumovirus humain.
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SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE A L’AGE ADULTE
DES GREFFES RENAUX PEDIATRIQUES
par
C. LOIRAT, H. MELLERIO, M. LABEGUERIE, B. ANDRISS, C. ALBERTI
INTRODUCTION
La transplantation rénale est devenue le traitement de routine de l’insuffisance rénale
terminale (IRT) de l’enfant. En France, environ 100 enfants âgés de moins de 18 ans sont
greffés chaque année [1]. La greffe offre à ces enfants des résultats incomparablement
meilleurs en termes de mortalité et de morbidité que la dialyse chronique [2]. Mais la vie
socioprofessionnelle à l’âge adulte des sujets ayant eu une insuffisance rénale suffisamment
précoce et sévère pour nécessiter un traitement par dialyse et greffe de rein dès l’enfance est
mal connue. Une étude réalisée par Broyer et al. chez 244 adultes greffés dans l’enfance à
l’hôpital des Enfants Malades entre 1973 (année des premières greffes pédiatriques en France)
et 1985 avait montré que le niveau d’éducation de ces patients était inférieur à celui de la
population générale française (PGF) et que le niveau d’éducation et le fait d’avoir une activité
professionnelle salariée, une vie maritale et un logement indépendant de celui des parents
étaient corrélés à la taille finale [3]. Une autre étude chez 144 adultes greffés dans l’enfance
en Hollande entre 1972 et 1992 trouvait également que le niveau d’éducation était plus bas
que dans la population générale hollandaise, mais que le quotient intellectuel et le niveau
d’éducation faibles ainsi que le fait de vivre chez les parents étaient corrélés avec une durée
prolongée de la période de dialyse [4,5]. D’autres études étaient de type monocentrique, avec
un nombre limité (28 à 120) de patients [6-11]. Depuis les années 1990, le traitement par
hormone de croissance recombinante humaine a amélioré la taille finale de ces patients
[12,13] et la durée en dialyse avant greffe a fortement diminué en France et dans de nombreux
pays grâce à la priorité accordée aux enfants pour l’accès aux greffons de donneurs décédés
[1]. Il était donc important de réévaluer les conséquences de l’insuffisance rénale chronique
grave et de la transplantation rénale dans l’enfance sur le devenir socioprofessionnel de ces
patients arrivés à l’âge adulte, dans les conditions actuelles de prise en charge, instituées
progressivement depuis 1985.
Le but de notre enquête était de décrire les conséquences de l’IRT traitée en France par
greffe de rein dans l’enfance entre 1985 et 2002, sur l’éducation, la vie sociale et
professionnelle à l’âge adulte, et d’identifier les facteurs prédictifs de difficultés d’insertion
socioprofessionnelle. Ceci avait pour but d’avoir des données précises pour renseigner les
parents confrontés à l’annonce d’une insuffisance rénale grave chez leur enfant, et de définir
les domaines sur lesquels des efforts doivent si besoin être faits pour améliorer le devenir
socioprofessionnel à long terme de ces patients.
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PATIENTS ET METHODES
890 patients éligibles ont été identifiés dans le registre CRISTAL de l’Agence de la
Biomédecine, qui inventorie toutes les greffes réalisées en France. Les critères d’éligibilité
étaient : première greffe de rein réalisée en France avant l’âge de 16 ans entre 1985 et 2002,
et âge ≥ 20 ans lors de l’enquête.
Parmi les 890 patients éligibles, 625 étaient connus pour être en vie, avec une adresse
postale valide et un suivi mis à jour pendant les 12 mois précédant l’enquête (pour éviter
d’envoyer le questionnaire à la famille de sujets décédés). Ces 624 sujets ont reçu un
questionnaire par la poste. Ce questionnaire comportait 199 items, dont 93 concernaient
l’éducation, le statut professionnel, la vie familiale, les activités sociales et la santé générale.
Les autres items portant sur la qualité de vie, la vie sexuelle et reproductive et le passage des
services de pédiatrie aux services d’adultes feront l’objet d’autres analyses. 374 (191 hommes,
183 femmes) des 624 sujets éligibles ont répondu au questionnaire (taux de réponse 60 %),
constituant ainsi la plus grande cohorte jamais étudiée en ce domaine.
Les données démographiques et médicales ont été collectées à partir de registre CRISTAL
de l’Agence de la Biomédecine : date de naissance, sexe, néphropathie initiale, durée cumulée
en dialyse, date de greffe(s) et centres où la première greffe a été réalisée.
Les comorbidités ont été définies par la présence d’un ou plusieurs des critères suivants :
insuffisance cardiaque ou respiratoire chronique ; douleurs osseuses chroniques ; antécédents
d’infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou hémorragie cérébrale, diabète, cancer,
hépatite chronique, cirrhose. Les handicaps sensoriels ont été définis par la présence d’une
cécité ou d’une baisse importante de l’acuité visuelle ou d’un déficit auditif nécessitant un
appareillage. Le questionnaire demandait aux patients s’ils recevaient une pension pour
incapacité de travail. Il ne leur a volontairement pas été demandé s’ils avaient un retard
mental.
ANALYSES STATISTIQUES
Les comparaisons avec la PGF ont été faites par calcul du taux d’incidence standardisé
après ajustement sur la période concernée, l’âge, le sexe et/ou le niveau d’éducation des
parents. Les données pour la PGF sont issues des bases de données de l’Institut national de
la statistique et des études économiques (INSEE), l’Institut national de prévention et
d'éducation pour la santé (INPES), la Société française d'enquêtes par sondages (SOFRES),
l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et la Documentation
Française. Ces données sont accessibles sur le web.
RESULTATS
Caractéristiques de participants
Le début clinique de la maladie rénale (rapporté par 363 des 374 participants) était à la
naissance chez 167 (46 %), dans l’enfance chez 162 (44,6 %), à l’adolescence chez 34 (9,4
%). La néphropathie était une malformation congénitale (38 %), une néphropathie
héréditaire (27 %), une néphropathie acquise (27 %), diverses (7 %) ou inconnue (1 %). L’âge
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DES GREFFES RENAUX PEDIATRIQUES
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médian à la première greffe était 12,3 ans (0,9 à 16,0) et l’âge médian lors de l’enquête 27,1
ans (20,6 à 39,2). 303 patients (81 %) avaient un greffon fonctionnel lors de l’enquête, les
autres étant retournés en dialyse. 156 patients (41,7 %) avaient eu au moins 2 greffes. La durée
cumulée en dialyse était de 2,0 ans (0 à 24,8). La taille (documentée chez 362 participants)
était de 165,7 ± 8,8 cm (130-185) chez les hommes (-1,6 ± 1,5 DS), 152,9 ± 8,2 cm (130173) chez les femmes (-1,9 ± 1,5 DS). 44 % des participants avaient une taille < 2DS. Un
tiers (123/356) avait reçu un traitement par hormone de croissance. La moitié (186/359,
50,4 %) a déclaré avoir au moins une comorbidité et 45/368 (12,2 %) un handicap sensoriel
sévère [surdité appareillée 17 (4,6 %), cécité ou amblyopie sévère 23 (6,25 %), surdité et cécité
associées 5 (1,35 %)].
La vie familiale
1. Ces jeunes adultes ont plus de difficultés pour construire leur propre vie familiale que la
PGF
En effet, un tiers (31,1 %) des participants vivait avec un partenaire contre 52,2 % dans
la PGF (p < 0,01 dans les 2 sexes) (Tableau 1). 27,6 % des participants étaient célibataires et
vivaient seuls dans un logement indépendant, contre 20,3 % pour la PGF (p < 0,01), la
différence par rapport à la PGF n’étant toutefois significative que pour les hommes (31,4 %
versus 19,1 %, p < 0,01 (Tableau 1).
Quarante de 331 participants (12,1 %) avaient au moins un enfant, dont 21/168 hommes
(12,5 %) et 19/163 femmes (11,7 %).
2. Ces jeunes adultes vivent plus souvent chez leurs parents que la PGF
La proportion de patients vivant chez leurs parents (37,5 %) était plus importante que
dans la PGF (21 %) (p < 0,01 pour les 2 sexes) (Tableau 1). 5,6 % des participants vivaient
en institution pour un taux attendu < 1 % (INSEE, Enquête Handicaps-IncapacitésDépendance, 1999).
Niveau d’éducation
1. Environ 10 % des enfants atteints d’une maladie rénale conduisant à la greffe dès l’enfance
nécessitent une éducation spécialisée et un retard scolaire est fréquent dès le primaire
10,5 % des patients n’avaient jamais été scolarisés dans le système scolaire normal ou
l’avaient quitté avant la fin du primaire, proportion significativement plus importante que
dans la PGF (3,6 %, p < 0,01). La proportion de patients ayant au moins une année de retard
au cours préparatoire et en dernière année de primaire était significativement plus importante
que dans la PGF (18,8 % versus 10,8 %, p < 0,01 et 34 % versus 25,8 %, p < 0,01,
respectivement) (Tableau 2).
La majorité des patients (305/370, 82,4 %) avait suivi sa scolarité en milieu scolaire
normal, tandis que 17,6 % (63/370) avaient été scolarisés dans des établissements offrant une
éducation spécialisée. La moitié des patients (195/352, 55,4 %) a déclaré avoir eu des arrêts
de scolarité pendant une durée médiane cumulée estimée à 1 an.
2. Le plus haut diplôme obtenu n’est pas différent de celui de la PGF, hormis un taux plus
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important de sujets sans diplôme et un taux plus faible de sujets ayant un diplôme universitaire
de haut niveau (≥ 3 années universitaires)
Parmi les patients ayant terminé leurs études, le plus haut diplôme obtenu n’était pas
significativement différent de celui de la PGF, excepté une plus grande proportion de patients
sans diplôme (20,5 % versus 12,3 %, p < 0,01) et une proportion plus faible ayant un diplôme
de haut niveau (≥ 3 années universitaires) (14 % versus 21,6 %, p < 0,01). Toutefois les
différences par rapport à la PGF n’étaient significatives que pour les femmes (Tableau 2).
3. L’effet du niveau d’éducation des parents est important
Après ajustement au niveau d’éducation des parents, le taux de patients sans diplôme
n’était plus significativement différent de celui de la PGF. Seuls le taux des femmes avec le
baccalauréat et le taux d’hommes et de femmes avec un diplôme universitaire de haut niveau
(≥ 3 années universitaires) était significativement plus faible que ce qui était attendu dans la
PGF après ajustement au diplôme le plus élevé des parents (p < 0,01 versus taux attendu
compte tenu du diplôme le plus élevé du père et de la mère) (Tableau 2).
Vie professionnelle
La moitié des 371 sujets qui ont documenté leur vie professionnelle avait un emploi salarié
(n=199, 53,6 %), 43 étaient étudiants et 129 (34,8 %) n’avaient pas d’activité professionnelle
(incluant 60 sujets au chômage, 49 recevant une pension pour incapacité de travail, 13 pères
ou mères au foyer et 7 pour causes diverses).
1. Les catégories professionnelles sont similaires à celles de la PGF
Parmi les patients salariés, la répartition des catégories d’activité professionnelle n’était
pas significativement différente de celle de la PGF (Tableau 3).
2. L’insertion dans le monde du travail est plus difficile que pour la PGF
En effet, les contrats d’apprentissage et les contrats à durée déterminée étaient significativement plus fréquents que dans la PGF (respectivement 7 % versus 3,1 %, p < 0,01 et 21,1
% versus 11,8 %, p < 0,01) et les contrats à durée indéterminée significativement moins fréquents (66,8 % versus 81,8 %, p = 0,02) (Tableau 3).
Si l’on prend en considération l’ensemble de la cohorte, exclusion faite des étudiants, le taux
de chômage était significativement plus important que dans la PGF (18,5 % versus 10,4 %,
p < 0,01), dans les deux sexes (Tableau 3).
Revenus
Les revenus mensuels des patients ayant une activité salariée étaient inférieurs à 1000 €
chez 25,6 % d’entre eux (50/195), entre 1000 et 1600 € chez 54,9 % (107/195) et supérieurs
à 1600 € chez 19,5 % (38/195). Ils étaient inférieurs à 1000 € chez 90,7 % (49/54) des sujets
au chômage et 95,7 % (44/46) des sujets recevant une pension d’invalidité.
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Discrimination
La moitié des participants [47,6 %, 176/370, versus 6,2 % dans la PGF (INSEE, Enquête
Handicap Santé 2008) (p < 0,01)] a déclaré souffrir ou avoir souffert de discrimination liée
à leur maladie ou leur handicap, principalement à l’école (60,8 %), et de la part de leur
employeur (27,8 %), collègues de travail (19,9 %), amis (19,3 %) ou membres de leur famille
(15,3 %).
Permis de conduire, consommation de tabac, alcool et cannabis
Le taux de patients ayant le permis de conduire était significativement moins important
que dans la PGF (SOFRES, Enquête Parc Auto 2008) (65 % (241/371) versus 83,4 % ;
p < 0,01).
Le tabagisme quotidien était 2 fois moins fréquent (20,5 % versus 40,3 %, p < 0,01) et la
consommation occasionnelle d’alcool également significativement moins fréquente (11,1 %
versus 44,5 %, p < 0,01) chez les patients, dans les deux sexes, que dans la PGF (INPES,
Baromètre santé 2005 et 2010). L’expérience du cannabis était moins fréquente chez les
hommes que dans la PGF (INPES, Baromètre Santé-Exploitation OFDT 2005) (36,2 %
versus 55,4 %, p = 0,04), tandis qu’elle n’était pas significativement différente chez les femmes.
Les facteurs corrélés aux indicateurs de l’insertion socioprofessionnelle
Une analyse multivariée a été réalisée afin d’identifier les facteurs qui interviennent de
manière indépendante dans l’insertion socioprofessionnelle. Cette analyse montre que les
facteurs prédictifs sont i. Pour l’absence de vie maritale : néphropathie héréditaire, début dès
la naissance, faibles revenus (<1000 €/mois) ii. Pour le faible niveau d’éducation (pas de
diplôme ou < baccalauréat versus ≥ baccalauréat) : petite taille, présence de comorbiditées
ou d’handicap sensoriel, faible niveau d’éducation d’un ou des deux parents iii. Pour le
chômage : handicap sensoriel, faible niveau d’éducation, absence de vie maritale iv. Pour les
revenus faibles (<1000 €/mois) : sexe féminin, patient en dialyse, présence de comorbiditées,
faible niveau d’éducation personnel ou d’un des parents v. Pour l’absence de permis de
conduire : petite taille, néphropathie héréditaire, handicap sensoriel, absence de vie maritale,
faible niveau d’éducation, pension pour incapacité de travail. Nous n’avons pas trouvé de
corrélation entre la durée cumulée en dialyse et les indices d’insertion socioprofessionnelle.
DISCUSSION
Cette enquête fournit des données sur la vie sociale et professionnelle à l’âge adulte de
patients ayant eu une maladie rénale suffisamment précoce et grave pour nécessiter une greffe
de rein pendant l’enfance, ceci au début du 21ème siècle.
Il apparaît d’abord que ces patients rencontrent plus de difficultés pour fonder une famille
que la population normale, comme le suggère le taux plus faible de patients vivant en couple
et le taux plus élevé de patients vivant chez leurs parents que dans la PGF. Des constatations
similaires ont été faites dans la plupart des études précédentes, sans changements notables
au cours des 3 ou 4 dernières décennies [3,4,6,7,9]. Mais nous montrons ici pour la première
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fois, par l’analyse multivariée, que l’absence de vie maritale est significativement associée à
des critères de maladie rénale sévère, à savoir un début dès la naissance et le caractère
héréditaire de la maladie. Ces constatations rappellent qu’en dépit des progrès dans la prise
en charge des insuffisances rénales graves du très jeune enfant et de certaines maladies
héréditaires, les conséquences à long terme de ces problèmes ne peuvent pas toujours être
complètement jugulées. Il apparaît également que la proportion d’hommes, mais pas de
femmes, vivant seuls dans un logement indépendant est plus élevée que dans la PGF, ce qui
peut traduire plus de solitude, mais peut-être aussi une meilleure aptitude des hommes que
des femmes à y faire face, tant sur le plan moral que matériel. Par ailleurs, seulement 12 %
des hommes et des femmes participant à l’enquête avaient au moins un enfant. D’autres
auteurs ont rapporté des taux similaires d’hommes transplantés dans leur enfance ayant des
enfants [3,4,7] ou des taux plus élevés (17 à 27 %) chez les femmes [3,4,7,10]. L’interprétation
du taux plutôt faible de sujets ayant des enfants dans notre cohorte est difficile, faute de
données dans la PGF d’âge similaire à celui des patients. Ceci pourrait être lié au relativement
jeune âge des patients lors de l’enquête, mais peut-être aussi à l’absence fréquente de
partenaire. L’association entre l’absence de permis de conduire et la petite taille, une
néphropathie héréditaire, un handicap sensoriel et le fait de recevoir une pension pour
incapacité de travail confirme le poids de la sévérité de l’histoire médicale dans l’insertion
socioprofessionnelle.
Les conduites à risque, telles que le tabagisme, la consommation d’alcool et de cannabis
se sont avérées moins fréquentes chez les patients que dans la PGF de même âge et même
sexe. Une constatation similaire a été faite chez des adultes ayant reçu une greffe de foie dans
l’enfance [14,15]. La moindre fréquence du tabagisme et de la consommation d’alcool chez
ces patients témoigne sans doute de leur sens des responsabilités et de leur prise en compte
des informations qui leur sont données quant aux dangers pour leur greffe et leur santé de
ces conduites à risque.
Pour des raisons éthiques, nous n’avons pas demandé aux patients via le questionnaire
s’ils avaient un retard mental. Mais certaines données concernant la scolarité (10,5 % des
patients n’ayant jamais fréquenté le système scolaire normal ou l’ayant quitté avant la fin du
primaire, c’est-à-dire 3 fois plus que dans la PGF ; 17,5 % scolarisés dans des établissements
offrant une éducation spécialisée), l’attribution d’une pension pour incapacité de travail (15
% des patients) ou la vie en institution (5,6 %) suggèrent qu’au moins 15 % des patients
pourraient avoir un handicap mental. Un handicap sensoriel, physique et/ou mental (associé
à la maladie rénale dans certaines affections héréditaires et certains syndromes) ou acquis lors
de complications intercurrentes (hyponatrémie sèvère, hypovolémie/collapsus avec séquelles
cérébrales, hémorragie cérébrale lors de poussées hypertensives…) a été rapporté chez 9 à 18
% des adultes transplantés dans l’enfance et 15 à 18 % recevaient une pension d’invalidité
[3-5,7]. Il est clair que ce groupe de patients nécessite une éducation spécialisée, des emplois
protégés et l’aide de la société pour la vie entière.
L’analyse du niveau d’éducation montre que le taux de patients sans diplôme est presque
le double de celui de la PGF. Toutefois, après ajustement au niveau d’éducation des parents,
la différence par rapport à la PGF n’est plus significative. Il a été montré que l’intelligence
des adolescents [16] et des adultes [5] transplantés dans l’enfance, exclusion faite des cas avec
handicap neurologique flagrant, se situe entre la normale et -1DS. Mais les contraintes liées
à l’insuffisance rénale chronique et la dialyse, l’absentéisme scolaire confirmé par les patients
dans cette enquête, peuvent pénaliser la scolarité et le développement neurocognitif et
psychosocial [17]. La discrimination ressentie par la moitié des patients (7 fois plus que dans
la PGF), en particulier en milieu scolaire, est un autre facteur potentiel d’entrave à un
développement psychosocial harmonieux. La fréquence du retard scolaire dès les premières
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DES GREFFES RENAUX PEDIATRIQUES
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années du primaire illustre bien les difficultés au démarrage de la scolarité. Malgré tous ces
problèmes, il est remarquable de constater que le niveau final d’éducation diffère peu de celui
de la PGF puisque seul le taux de femmes ayant le baccalauréat et le taux d’hommes et de
femmes ayant un diplôme de haut niveau (≥ 3 années universitaires) est significativement
plus bas que dans la PGF. Pour tous les autres niveaux d’éducation, les performances des
patients sont les mêmes que dans la PGF, comme cela a été observé dans 3 séries
monocentriques chez des patients greffés après 1984 [7,9,10]. Deux enquêtes chez des adultes
greffés dans l’enfance avant 1985 [3] ou 1992 [4,5] avaient montré un impact négatif de
l’IRT dans l’enfance sur le niveau d’éducation et Broyer et al. avaient trouvé une corrélation
significative entre le bas niveau d’éducation et la petite taille [3]. La taille médiane des patients
de notre cohorte est supérieure à celle des patients étudiés par Broyer et al, avec un gain de 9
cm (1,4 DS) chez les hommes et 5 cm (0,6 DS) chez les femmes, résultat sans doute lié aux
progrès dans la prise en charge du trouble de croissance de l’IR chronique et au traitement
par hormone de croissance chez un tiers des patients. Néanmoins, dans notre cohorte, une
corrélation significative persiste en analyse multivariée entre la taille et le niveau d’éducation
(meilleure est la taille, meilleures sont les chances d’avoir un diplôme ≥ baccalauréat).
Groothoff et al. avaient, quant à eux, constaté que la faiblesse du niveau d’éducation et du
quotient intellectuel était corrélée à une durée en dialyse plus longue [5]. Cette corrélation
entre faible niveau d’éducation et longue durée en dialyse n’est pas retrouvée dans notre
enquête ni celle de Rocha et al. portant également sur des patients greffés après 1984 [7], ce
qui traduit sans doute l’impact positif de la priorité accordée aux enfants pour l’accès aux
greffons de donneurs décédés, permettant de réduire la durée d’attente en dialyse et
d’améliorer le niveau d’éducation de ces patients.
Pour la première fois, nous montrons que la catégorie d’occupation professionnelle des
adultes greffés dans l’enfance, jamais analysée jusqu’ici, n’est pas différente de celle de la PGF,
ce qui est cohérent avec l’amélioration du niveau d’éducation. Toutefois, ces jeunes adultes
semblent rencontrer plus de difficultés dans leur vie professionnelle que ce qu’ils seraient en
droit d’attendre. En effet, le taux de chômage est presque double de celui de la PGF, comme
cela a été rapporté dans toutes les séries [4,6-11] sauf une [3]. Les contrats à durée déterminée
sont aussi plus fréquents que dans la PGF. Ces résultats traduisent une précarité
professionnelle qui contraste avec un niveau d’éducation et une répartition des catégories
professionnelles quasiment normaux. Ceci illustre le challenge que reste l’intégration dans
le monde du travail pour ces jeunes adultes transplantés dans l’enfance. Dans le même esprit,
la corrélation significative entre célibat et bas revenus souligne l’importance de l’intégration
dans le monde du travail pour la vie sociale et l’estime de soi pour ces patients comme pour
la population normale.
L’analyse multivariée n’a pas montré de corrélation significative entre le fait d’être en
dialyse et le chômage ou l’absence de vie maritale. Mais la corrélation très significative entre
dialyse et pension pour incapacité de travail rappelle qu’un greffon fonctionnel est un facteur
déterminant pour l’insertion professionnelle. Par ailleurs, contrairement à Groothoff et al.
[4], la durée cumulée en dialyse n’est apparue dans notre enquête comme prédictive d’aucun
indice d’insertion socioprofessionnelle. A nouveau, ceci peut être lié à la réduction du temps
d’attente en dialyse grâce à la priorité pédiatrique pour l’accès aux reins de donneurs décédés.
Enfin, nous n’avons pas retrouvé de corrélations entre la taille finale et le statut marital, le
chômage, l’occupation professionnelle et les revenus, bien que la taille finale des patients reste
inférieure à la taille normale et qu’il soit reconnu que la taille participe à la position sociale
dans la population générale [18]. Ceci pourrait suggérer que la taille de ces patients a été
suffisamment améliorée pour ne plus être un facteur prédominant de leur devenir social et
professionnel. Toutefois, la corrélation retrouvée dans notre enquête entre taille (plus élevée)
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et niveau d’éducation (plus haut) et entre niveau d’éducation (plus haut) et emploi (moins
de chômage) et revenus (plus élevés) ne doit pas être oubliée.
Au total, notre enquête montre qu’une large proportion des enfants transplantés a la
capacité d’atteindre un niveau d’éducation et un niveau professionnel similaires à ceux des
sujets bien portants de leur génération. Ceci ne peut qu’encourager les familles, les enseignants
et les patients à ne pas limiter leurs efforts et leurs ambitions. Des difficultés persistent pour
fonder une famille et intégrer le monde du travail, nécessitant, particulièrement pour ceux
qui n’ont pas le support d’un haut niveau d’éducation des parents, un soutien psychologique
et social renforcé et continu.
REMERCIEMENTS
Cette étude a été financée par la Fondation Pfizer pour la Santé des Enfants et Adolescents
(Paris, France).
Nous remercions le Dr C. Jacquelinet, E. Savoie et M. Lassale, Agence de la Biomédecine,
St Denis, qui ont activement participé à ce travail.
AUTEURS
Chantal Loirat1, Hélène Mellerio2, Marylène Labéguerie2, Béatrice Andriss2 et Corinne Alberti2
1
Service de Néphrologie, 2 Unité d’Epidémiologie Clinique, Hôpital Robert Debré, Paris, France
AUTEUR CORRESPONDANT :
C.Loirat : Service de Néphrologie, Hôpital Robert Debré, 48 Boulevard Serurier, 75019 Paris
Tel : 01 40 03 21 46 - Fax : 01 40 03 24 68
Email : chantal.loirat@rdb.aphp.fr
RÉFÉRENCES
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SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE A L’AGE ADULTE
DES GREFFES RENAUX PEDIATRIQUES
331
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Tableau 1. Vie familiale, avec comparaison à la population générale française(1) par standardisation
indirecte ajustée à l’âge, au sexe et la période.
Observé
n ( %)
Attendu
n ( %)
P
Vie maritale
Hommes
Femmes
116
51
65
(31,1)
(26,7)
(35,7)
195
90
105
(52,2)
(46,9)
(57,8)
< 0,01
< 0,01
< 0,01
Célibataire vivant seul
(logement indépendant)
Hommes
Femmes
103
60
43
(27,6)
(31,4)
(23,6)
76
36
39
(20,3)
(19,1)
(21,7)
< 0,01
< 0,01
0,62
Célibataire vivant chez ses parents
Hommes
Femmes
133
70
63
(35,7)
(36,6)
(34,6)
78
51
28
(21,0)
(26,5)
(15,2)
< 0,01
< 0,01
< 0,01
(1) INSEE, Recensement de la population 2008.
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332
C. LOIRAT, H. MELLERIO, M. LABEGUERIE, B. ANDRISS, C. ALBERTI
Tableau 2. Niveau d’éducation, avec comparaison à la population générale française(1-4)
par standardisation indirecte ajustée à l’âge, au sexe et la période,
et au plus haut diplôme obtenu par le père ou la mère.
Observé
n ( %)
Attendu
n ( %)
P
33 (10,5)
11 (3,6)
< 0,01
64 (18,8)
116 (34)
37 (10,8)
88 (25,8)
< 0,01
< 0,01
63 (20,5)
23 (7,5)
62 (20,1)
66 (21,4)
51 (16,6)
160 (51,9)
43 (14,0)
93 (57,8)
67 (45,6)
38 (12,3)
17 (5,7)
62 (20,1)
68 (22,2)
56 (18,2)
191 (62,1)
66 (21,6)
93 (57,7)
98 (66,8)
< 0,01*
0,23
0,97
0,81
0,54
0,03
< 0,01**
0,97
< 0,01
Diplôme le plus élevé ajusté au diplôme le plus élevé du père(4) (n = 307)
Aucun
47 (15,3)
CEP, BEPC/Brevet des Collèges
18 (5,9)
BEP ou CAP
62 (20,2)
Bac technique ou professionnel
82 (26,7)
Bac +2
50 (16,3)
≥ Bac +3
48 (15,6)
≥ Baccalauréat
180 (58,6)
Hommes (n = 164)
103 (62,8)
Femmes (n = 143)
77 (53,8)
48(15,8)
25 (8,3)
80 (26,1)
71(23,2)
59 (19,2)
90 (29,2)
220 (71,7)
111(67,9)
109 (76,0)
0,89
0,17
0,05
0,23
0,26
< 0,01
0,03
0,46
< 0,01
Diplôme le plus élevé ajusté au diplôme le plus élevé de la mère(4) (n = 313)
Aucun
50 (16,0)
CEP, BEPC/Brevet des Collèges
19 (6,1)
BEP ou CAP
62 (19,8)
Bac technique ou professionnel
83 (26,5)
Bac +2
51 (16,3)
≥Bac +3
48 (15,3)
≥ Baccalauréat
182 (58,1)
Hommes (n = 164)
103 (62,8)
Femmes (n = 149)
79 (53,0)
48 (15,3)
84 (26,8)
82 (26,1)
73 (23,3)
61(19,4)
98 (31,4)
232 (74,0)
119 (72,7)
112 (75,5)
0,82
< 0,01
0,03
0,26
0,24
< 0,01
< 0,01
0,15
< 0,01
Jamais scolarisé dans le système scolaire normal ou l’a quitté
avant la fin du primaire(1) (n = 315)
Retard scolaire (≥ 1 an)(2) (n = 341)
En 1ère année de primaire
En dernière année de primaire
Diplôme le plus élevé(3) (n = 308)
Aucun
CEP, BEPC/Brevet des Collèges
BEP ou CAP
Bac technique ou professionnel
Bac +2
≥Bac +3
≥ Baccalauréat
Hommes (n = 161)
Femmes (n = 147)
(1)
INSEE 2004(2) La Documentation Française 2004(3) INSEE, Enquêtes Emploi 2008(4) INSEE, Enquête Formation
et Qualification Professionnelle 2003
* p = 0,11 pour les hommes, < 0,01 pour les femmes, **p = 00,7 pour les hommes, 0,04 pour les femmes
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SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE A L’AGE ADULTE
DES GREFFES RENAUX PEDIATRIQUES
333
Tableau 3. Activité professionnelle, avec comparaison à la population générale française(1,2)
par standardisation indirecte ajustée à l’âge et la période.
Observé
n ( %)
Chômage(1) (n = 325)
Si salariés
Occupation(1) (n = 192)
Agriculteurs exploitants
Artisans, commerçants,
chefs d’entreprise
Cadres et professions
intellectuelles supérieures
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers
Contrat de travail(2) (n = 199)
Apprentissage
Interim
Contrat à durée déterminée
Contrat à durée indéterminée
Temps partiel (n = 184)
(1)
Attendu
n ( %)
P
60
(18,5)
34
(10,4)
< 0,01
2
(1,0)
2
(1,0)
0,89
7
(3,6)
7
(3,6)
0,93
21
47
70
45
(10,9)
(24,5)
(36,5)
(23,4)
26
50
56
51
(13,7)
(26,1)
(29,0)
(26,6)
0,36
0,70
0,07
0,43
14
10
42
133
42
(7,0)
(5,0)
(21,1)
(66,8)
(22,8)
6
6
23
163
31
(3,1)
(3,2)
(11,8)
(81,8)
(16,7)
< 0,01
0,21
< 0,01
0,02
0,05
INSEE, Enquête emploi 2008(2) INSEE, Enquête Emploi 2009
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334
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335
LE SYNDROME DU BEBE SECOUE
par
M. NATHANSON
Le syndrome du bébé secoué fait partie des traumatismes crâniens infligés ou traumatismes crâniens non accidentels. Il a été identifié par J Caffey en 1972 [ ]. Le secouement est
suffisant pour provoquer à lui seul les lésions ; il peut être associé à un impact.
Le secouement constitue une forme très grave de maltraitance, souvent mortel, laissant
dans la plupart des autres cas des séquelles.
TERRAIN, FREQUENCE
Ce syndrome atteint les enfants de moins de 1 an, et la plupart du temps de moins de 6
mois, c’est-à-dire à un âge où la tenue de la tête est non ou incomplètement acquise, et où le
poids relatif de la tête par rapport à celui du corps est supérieur à ce qu’il sera ultérieurement.
Les garçons sont plus souvent touchés que les filles. Les cas sont statistiquement plus fréquents
chez les prématurés ou chez les enfants issus de grossesses multiples.
L’auteur du secouement est plus fréquemment, mais non toujours, un homme : père de
l’enfant ou compagnon de la mère ; les gardiens de l’enfant sont en cause dans environ 1 cas
sur 5. On n’a pas décrit de cas en crèche.
Le secouement succède habituellement à des pleurs prolongés de l’enfant : l’adulte exaspéré empoigne le bébé par les bras ou le thorax, et le secoue violemment. Un seul secouement
peut suffire à créer les lésions.
Tous les milieux socio-économiques, culturels, intellectuels peuvent être concernés, mais
on note souvent un isolement social et familial des parents.
La fréquence de ce syndrome est difficile à déterminer. Mais le nombre de nouveaux cas
est très probablement en France supérieur à 200 par an [ ] : nombre de cas ne sont pas diagnostiqués ou ne sont pas signalés et les publications ne recensent pas tous les cas.
Cette forme de maltraitance est très grave : elle entraîne la mort dans de nombreux cas
(de 13 à 36 % selon les auteurs [ ] ; la plupart des enfants qui survivent gardent des séquelles
lourdes, physiques, psychologiques, cognitives ; si le diagnostic n’est pas fait et si des mesures
de protection ne sont pas prises, la récidive est fréquente [ ].
Une audition publique a été organisée pour définir les signes, les critères diagnostiques
et la conduite à tenir ; les conclusions ont été publiées en septembre 2011 par la Haute Autorité de Santé (HAS) [ ].
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336
M. NATHANSON
TABLEAUX CLINIQUES PERMETTANT D’EVOQUER LE DIAGNOSTIC
- Dans la grande majorité des cas, sinon dans tous les cas, il n’y a pas d’intervalle libre
entre le secouement et les premiers signes. Ceci est bien sûr différent du délai de consultation,
dont l’existence constitue un signe évocateur de maltraitance.
- L’enfant peut avoir été trouvé mort ; en ce cas, certains indices doivent attirer l’attention
: explications non plausibles ou changeantes, maltraitance antérieure soupçonnée chez le bébé
ou dans la fratrie, antécédents de morts subites inattendues dans la famille.
Il est essentiel de suivre les recommandations de la HAS [ ] en cas de mort inattendue du
nourrisson : l’examen clinique doit être complété par une radiographie du squelette, une
imagerie cérébrale ; la pratique d’une autopsie est essentielle, elle nécessite l’accord écrit des
deux parents, mais en cas de doute sur une maltraitance, le signalement immédiat au
Procureur de la République permet à celui-ci de demander une autopsie médico-légale, à
laquelle les parents ne peuvent s’opposer.
- Certains signes évoquent immédiatement une atteinte neurologique : malaise grave,
convulsions, troubles de la vigilance pouvant aller jusqu’au coma, plafonnement du regard ;
des apnées sévères ont une grande valeur diagnostique. La constatation de ces signes imposera
de faire un scanner en urgence.
- Un enfant ayant un moins bon contact ou dont les compétences ont diminué est
également suspect d’atteinte neurologique.
- Certains symptômes ne font pas évoquer a priori une atteinte neurologique et peuvent
égarer le diagnostic : vomissements, modifications du sommeil ou des prises alimentaires,
pâleur, bébé qui semble douloureux, irritable.
Dans ces cas, l’association de certains de ces signes prend une grande valeur [ ] : des
vomissements peuvent être associés à des convulsions, une hypotonie axiale, un trouble de la
vigilance ; des convulsions peuvent s’accompagner de parésies ou de paralysies, d’une
hypotonie axiale, d’une tension de la fontanelle.
- L’examen complet du nourrisson peut apporter des arguments majeurs. On pourra
noter, en l’absence de fièvre, un bombement de la fontanelle, une augmentation du périmètre
crânien avec, sur la courbe, changement de couloir récent vers le haut ; on recherchera
soigneusement des ecchymoses sur l’ensemble du corps, dont le cuir chevelu [ ]. D’éventuelles
lésions traumatiques seront notées avec précision et dans la mesure du possible,
photographiées.
- Un point essentiel est que, interrogés, les adultes qui accompagnent l’enfant ne donnent
la plupart du temps aucune explication à l’état de l’enfant [ ], ou bien donnent des explications
non plausibles (invoquant par exemple le fait que leur nourrisson de 3 mois a dû se cogner
contre les parois de son lit, alors que sa motricité ne le lui permet évidemment pas), ou des
explications variables selon le moment ou l’interlocuteur.
Une certitude : évoquer la possibilité d’un syndrome du bébé secoué impose
l’hospitalisation immédiate en pédiatrie, avec deux buts : faire les examens complémentaires
en urgence et protéger l’enfant.
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LE SYNDROME DU BEBE SECOUE
337
QUELS SONT LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES NECESSAIRES ?
Devant un tableau neurologique aigu non fébrile et sans explication claire, a fortiori si
on soupçonne un secouement, des examens doivent être pratiqués en urgence :
- Le scanner cérébral est essentiel : il peut montrer des lésions hémorragiques extra-axiales
: hématomes sous-duraux (unifocal ou plurifocaux) ou hémorragies sous-arachnoïdiennes ;
il peut mettre aussi en évidence un œdème cérébral.
Si le scanner est normal et que les signes persistent, il peut être répété 12 à 24 heures plus
tard. Cependant, dans 7 à 18 % des cas de secouement, il n’y a pas d’hémorragie intracrânienne.
Dès que l’état de l’enfant le permet, une IRM cérébrale et médullaire doit être faite. Elle
peut montrer des lésions non visibles sur le scanner ; elle permet de plus de bien visualiser
non seulement le cerveau, mais aussi le tronc cérébral, la moelle, la région cervicale.
- L’examen ophtalmologique fait après dilatation par un ophtalmologue expérimenté
doit être pratiqué dans les 48 ou 72 heures après l’apparition des signes, car certaines
hémorragies se résorbent rapidement. Il révèle, dans environ 80 % des cas, la présence
d’hémorragies rétiniennes, uni- ou bilatérales, et permet de décrire leur localisation et leur
étendue.
- Seront faites également une numération formule sanguine, une étude de l’hémostase,
une radio de tout le squelette (et non une « radio corps entier ») ; les cals costaux,
arrachements métaphysaires, appositions périostées sont très spécifiques d’une maltraitance.
On complètera éventuellement par une scintigraphie osseuse (qui peut détecter des lésions
inapparentes sur les radios).
LES DONNEES DE L’ANAMNESE, DE L’EXAMEN CLINIQUE ET
LES RESULTATS DES EXAMENS COMPLEMENTAIRES PERMETTRONT,
APRES AVOIR ECARTE LES DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS (QUI SERONT
ENVISAGES PLUS LOIN), D’APPRECIER LE DEGRE DE CERTITUDE
DIAGNOSTIQUE. SELON CES DONNEES :
- Un traumatisme crânien infligé par secouement est hautement probable voire certain s’il y a :
Tableau 1 : diagnostic hautement probable, voire certain
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338
M. NATHANSON
- Le diagnostic est probable s’il y a :
Tableau 2 : diagnostic probable
- Le diagnostic est possible s’il y a :
Tableau 3 : diagnostic possible
- Le diagnostic est parfois écarté :
Tableau 4 : diagnostic écarté
La datation des lésions est très difficile et souvent peu précise, sauf dans les cas où, l’enfant
étant mort, on dispose des données d’une autopsie complète.
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LE SYNDROME DU BEBE SECOUE
339
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
- Le principal diagnostic différentiel est le traumatisme crânien accidentel.
En dehors d’un traumatisme accidentel survenu en présence de témoins neutres, il est important de savoir que les chutes de faible hauteur entraînent exceptionnellement la mort, ne
donnent aucune manifestation clinique dans la majorité des cas, et ne sont qu’exceptionnellement à l’origine d’hématome sous-dural et d’hémorragies rétiniennes [ ].
- D’autres causes qu’un secouement peuvent, de façon rare voire exceptionnelle, être responsables d’un saignement intra-crânien :
*troubles de l’hémostase, congénitaux ou acquis,
*malformation artério-veineuse intra-crânienne (exceptionnellement symptomatique
avant un an).
- Maladies métaboliques : acidurie glutarique (le diagnostic est fait par la chromatographie
des acides organiques urinaires devant un tableau clinique et radiologique caractéristique),
maladie de Menkes, touchant les garçons et diagnostiquée par le dosage de la cuprémie et de
céruléoplasminémie.
QUELS SONT LES MECANISMES CONNUS, POSSIBLES OU ALLEGUES
FAUSSEMENT, A L’ORIGINE D’UN SYNDROME DU BEBE SECOUE ?
- Le mécanisme des hémorragies intra-crâniennes est une rupture des veines-ponts allant
du bord interne des hémisphères au sinus veineux sagittal supérieur dans lequel elles se jettent
après avoir successivement traversé l’arachnoïde et les couches profondes de la dure-mère.
- Il a été prouvé qu’un secouement sans impact peut être à l’origine du syndrome du
bébé secoué.
- Les chutes d’une faible hauteur sont souvent invoquées par l’entourage comme causes
des symptômes de l’enfant. Or ces chutes n’entraînent qu’exceptionnellement la mort [ ] et
donnent rarement des manifestations cliniques. La littérature ne signale aucun cas d’enfant
de moins de un an qui, après une telle chute ait présenté l’association d’un hématome sousdural et d’hémorragies rétiniennes.
- Les « jeux » (lancer un enfant en l’air, « lui faire faire l’avion ») sont souvent incriminés
par les auteurs du secouement. Seul un secouement violent peut être à l’origine des lésions
du bébé secoué ; il ne peut donc s’agir d’un « jeu » ou d’une manœuvre considérée comme
telle par les parents.
- Des manœuvres de réanimation n’entraînent pas non plus les lésions décrites.
- A la suite d’un accouchement, on peut observer des hématomes sous-duraux
asymptomatiques qui se résorbent spontanément en 1 mois ou moins, et des hémorragies
rétiniennes qui disparaissent en moins d’un mois, en général en quelques jours.
- La responsabilité d’une expansion des espaces sous-arachnoïdiens (« hydrocéphalie
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340
M. NATHANSON
externe ») dans la survenue d’hématomes sous-duraux est probablement à exclure [ ].
- On admet qu’un nouveau saignement peut survenir à partir des capillaires d’une
membrane néoformée, qu’il y ait nouveau secouement ou pas.
ATTITUDE PRATIQUE
Selon la clinique, les résultats de l’imagerie et les lésions du fond d’œil, le diagnostic de
syndrome de bébé secoué peut donc être considéré comme hautement probable, probable ou
possible.
Les articles 226-14, 223-6 du Code pénal, l’article 44 du Code de déontologie médicale
énoncent la levée possible du secret professionnel en cas de maltraitance à mineur et
l’obligation de protéger l’enfant en transmettant le cas à l’autorité adéquate.
Selon le degré de certitude, l’attitude de l’équipe médicale doit être :
- soit un signalement direct et rapide au Procureur de la République si le diagnostic est
hautement probable ou probable, ou s’il y a urgence à protéger l’enfant.
Le signalement au Procureur est parfois fait en urgence pour protéger l’enfant si les
parents refusent de le laisser à l’hôpital (on demande alors que soit délivrée une Ordonnance
de Placement Provisoire) ; un complément à ce signalement initial sera envoyé dès qu’une
réunion pluridisciplinaire (médecin, assistante sociale, psychologue ou psychiatre) faite sans
tarder aura permis de l’étayer.
Le signalement permet au Procureur de faire faire une enquête pénale, et de nommer un
administrateur ad hoc, qui défendra les intérêts de l’enfant. Une copie du signalement doit
être envoyée à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) du Conseil
Général.
- soit une transmission à la CRIP si le diagnostic est possible. Il est en tout cas exclu de
ne rien faire et de laisser l’enfant en danger, car il a été montré que la récidive est fréquente.
FORMATIONS NECESSAIRES
Tout professionnel susceptible de rencontrer des situations de secouement doit bénéficier
d’une formation sur ce problème : professionnels médico-sociaux, cadres de l’aide sociale à
l’enfance, magistrats, policiers, gendarmes, etc.
PRISE EN CHARGE
En urgence, les hématomes sous-duraux doivent parfois être drainés par le service de
neuro-chirurgie. L’anémie doit être corrigée si elle est sévère.
PREVENTION
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LE SYNDROME DU BEBE SECOUE
341
- Lorsque les situations le justifient, il est recommandé de rechercher toutes les ressources
mobilisables dans l’environnement familial pour aider au mieux les parents dans leurs
fonctions parentales. D’une façon générale, les difficultés liées au contexte de vie des
personnes s’occupant de l’enfant doivent attirer l’attention du professionnel qui en a
connaissance.
- Il est souhaitable d’organiser régulièrement des campagnes de sensibilisation et
d’information en direction de toutes les personnes au contact des bébés sur les dangers du
secouement pour l’enfant et les précautions à prendre.
Une sensibilisation des parents au danger du secouement, à la maternité et dans les jours
qui suivent le retour de la maternité, devrait être systématique.
Il est important de mettre en œuvre des aides appropriées aux parents qui le demandent
ou de le leur proposer. Le recours à des professionnels de la protection maternelle et infantile,
notamment par des visites à domicile, doit être envisagé. Il en est de même des différentes
formes d’aide à domicile (assurées par des travailleurs d’intervention sociale et familiale par
exemple).
Les « lieux d’accueil enfants-parents » au sein desquels pourra s’améliorer ou se
construire la relation enfant-parent sont des réponses à privilégier.
- De façon très pratique, les adultes doivent être informés que, quand leur enfant ou celui
qui leur est confié, pleure de façon prolongée sans qu’ils puissent le consoler, et s’ils se sentent
démunis ou énervés, après s’être assurés qu’il ne présente ni fièvre, ni signe inquiétant, et s’ils
ne peuvent le confier à aucun proche, il est souhaitable qu’ils le couchent sur le dos dans son
lit, et qu’ils quittent la pièce.
- Des études ont montré que la prévention du syndrome du bébé secoué est possible et
efficace [ ] : un programme poursuivi pendant 5,5 ans en Pennsylvanie a fait diminuer les
traumatismes crâniens non accidentels de 47 %.
AUTEUR & AUTEUR CORRESPONDANT :
Mireille Nathanson - 61 rue Manin 75019 Paris
Email : mireille.nathanson@wanadoo.fr
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LES TENTATIVES DE SUICIDE
CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 12 ANS
par
C. STORDEUR, R. DELORME
INTRODUCTION
Les tentatives de suicide (TS) sont fréquentes chez les adolescents mais plus rares chez les très
jeunes enfants. Le suicide représente la quatrième cause de mortalité dans le monde chez les 1024 ans (6 % des décès dans cette tranche d’âge) [1]. Il n’existe pas de définition consensuelle de la
tentative de suicide. Dans la littérature anglo-saxonne, le terme « deliberate self-harm » est
fréquemment employé, il englobe aussi bien les tentatives de suicide que les automutilations. Selon
l’ANAES, une tentative de suicide est une conduite ayant pour but de se donner la mort sans y
aboutir [2,3]. Pour l’OMS, la tentative de suicide désigne tout acte délibéré, visant à accomplir un
geste de violence sur sa propre personne (ex : phlébotomie, précipitation, pendaison, arme à feu,
intoxication au gaz) ou à ingérer une substance toxique ou des médicaments à une dose supérieure
à la dose reconnue comme thérapeutique. Pour cet article, nous avons choisi de retenir cette
définition en excluant les cas d’automutilations (blessures auto infligées et répétées sans
intentionnalité suicidaire), choisissant de nous focaliser exclusivement sur les tentatives de suicide.
Le caractère intolérable des décès par suicide chez les enfants et les adolescents entraîne
périodiquement une médiatisation importante comme ce fut le cas au début de l’année 2011 avec
3 décès par suicide chez des 9-12 ans. La publication du rapport de B. Cyrulnik [4] a mis en lumière
la réalité des tentatives de suicide chez les enfants. Cependant, les études chez les enfants sont peu
nombreuses, et le plus souvent réalisées en dehors de l’Europe. Aussi, nous avons eu pour objectif
d’explorer la prévalence et les caractéristiques cliniques des enfants âgés de moins de 18 ans se
présentant suite à une TS, aux Urgences Pédiatriques de l’hôpital Robert Debré, parmi les plus
importantes en Europe. Nous avons porté un intérêt particulier aux tentatives de suicide réalisées
par des enfants de moins de 12 ans.
METHODE
Les enfants et adolescents suicidants qui se sont présentés aux urgences à l’hôpital Robert
Debré (Paris) ont été inclus rétrospectivement entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2010,
soit 232 patients ayant réalisé 249 tentatives de suicide. Tous ont été évalués par un
pédopsychiatre. La liste des patients suicidants a été établie à partir des registres de l’activité de
la pédopsychiatrie de liaison des années 2007 à 2010 inclus. Les données ont été recueillies
rétrospectivement, à partir des dossiers des patients en passant en revue les observations du
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344
C. STORDEUR, R. DELORME
psychiatre, l’observation de l’urgentiste et le(s) compte(s)-rendu(s) d’hospitalisation le cas
échéant. Rappelons que la létalité évalue la dangerosité du moyen utilisé tandis que
l’intentionnalité évalue le désir de mort du suicidant [basée sur les critères de la Suicide Intent
Scale [5]].
RESULTATS
Données sociodémographiques
Nos patients sont âgés de 8 à 17 ans. La figure 1 détaille la répartition par sexe et par âge
de cette population de suicidants. La moyenne d’âge est de 13,7 ± 1,5 an. 5,6 % sont des
enfants de moins de 12 ans avec un sex ratio de 1 garçon pour 1 fille dans cette tranche d’âge.
Chez les adolescents de 13 ans et plus, on compte 1 garçon pour 4 filles. Seuls 38,4 % des
jeunes suicidants vivent avec leurs deux parents. L’immense majorité de ces jeunes (87,3 %)
est scolarisée dans une classe ordinaire de l’Education Nationale. Cependant, 9,9 % d’entre
eux ne sont pas scolarisés.
Description des tentatives de suicide
Dans notre étude, 89,6 % des tentatives de suicide sont liées à des intoxications
médicamenteuses volontaires. Les médicaments les plus souvent responsables sont les
psychotropes (49 %) et les antalgiques (45,8 %). Il nous semble important de souligner que
le paracétamol est impliqué dans 39,5 % des TS. Les moyens utilisés sont détaillés dans le
tableau 1. Un quart des tentatives de suicide (24,1 %) présente une létalité élevée, un peu plus
d’un tiers (36,5 %) une létalité modérée et près de 40 % une létalité faible ou nulle.
Approximativement un quart des patients ayant réalisé une tentative de suicide (24,1 %) avait
une forte intentionnalité suicidaire, 59 % avaient une intentionnalité modérée et 16,9 % une
intentionnalité faible. La majorité des enfants et adolescents suicidaires sont donc ambivalents
quant à leur désir de mort. La majorité (71,1 %) sont des primo suicidants, 15,5 % effectuent
leur 2nde tentative, 8,6 % la 3ème, 3 % la 4ème et 1,7 % en sont à la 5ème ou plus. Treize patients
ont réalisé plus d’une tentative de suicide sur la période étudiée (2007-2010) et sont passés
plus d’une fois aux urgences du CHU Robert Debré pour ce motif, soit 5,6 % de l’effectif.
88 % des récidives sont survenues dans les 6 mois suivant le premier geste avec un pic (2/3)
lors du troisième et du quatrième mois suivant la TS. Le facteur précipitant le plus fréquent
est la dispute avec l’un des deux parents (49 % des cas).
Antécédents somatiques et psychiatriques au jour de l’évaluation pour TS
Sur le plan somatique, 5,6 % des suicidants ont une maladie invalidante chronique
(diabète, épilepsie, obésité morbide…)
Le diagnostic psychiatrique le plus fréquent le jour de l’évaluation est l’épisode dépressif
majeur (22,5 %), les troubles du comportement externalisés (trouble déficit attentionnel
hyperactivité, trouble oppositionnel avec provocation, trouble des conduites), les addictions
et les troubles anxieux sont également fréquents. Cependant, pour près de 40 % d’entre eux
on ne retrouve pas de troubles psychiatriques sur l’axe 1 [du DSM IV- TR [6]].
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LES TENTATIVES DE SUICIDE CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 12 ANS
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Au cours de leur vie et avant leur TS, 60,2 % des sujets avaient déjà consulté un médecin
pour un motif psychiatrique, 21,3 % avaient déjà été hospitalisés pour un motif psychiatrique,
15,3 % avaient déjà pris des médicaments psychotropes (antidépresseurs 7,2 %, neuroleptiques
7,2 %, anxiolytiques 2,8 %, autres 3,6 %). Lors des 30 derniers jours, 27,7 % des sujets avaient
déjà consulté un médecin pour un motif psychiatrique, 6,8 % avaient déjà été hospitalisés
pour un motif psychiatrique, 12,9 % avaient pris des psychotropes (neuroleptiques 6,8 %,
antidépresseurs 4,6 %, anxiolytiques 2,0 %, autres 3,6 %).
Antécédents médicaux et psychiatriques familiaux
44 % des patients ont des antécédents psychiatriques familiaux (chez les apparentés du
premier ou du deuxième degré). Le plus souvent une alcoolodépendance et/ou une dépression
est présente chez un parent ou chez les deux parents. 11,3 % des patients ont des antécédents
familiaux de tentatives de suicide ou de suicide. 16,7 % des patients ont des antécédents
familiaux du 1er degré de maladie somatique invalidante chronique.
Prise en charge au décours de la TS
Plus de la moitié des suicidants (56,6 %) ont été hospitalisés plusieurs jours (plus de 48h).
38,2 % des suicidants ont été hospitalisés uniquement aux lits portes (durée d’hospitalisation
comprise entre 12 et 24h le plus souvent, parfois entre 24 et 48h). 5,2 % des suicidants n’ont
pas été hospitalisés mais ont été adressés vers un(e) psychologue et/ou un(e) pédopsychiatre
pour une prise en charge ambulatoire. 4,8 % sont sortis contre avis médical dans les 48
premières heures à la demande de leur(s) parent(s) ou de leur représentant légal.
Comparaison des tentatives de suicide en fonction de l’âge
Comme le montrent la Figure 2, les intoxications médicamenteuses volontaires
représentent l’écrasante majorité des tentatives de suicide à partir de 12 ans (plus de 90 %
des tentatives chez les 12 ans et plus) et non chez les moins de 12 ans (37,5 %). De manière
surprenante, les tentatives de suicide à létalité élevée sont majoritaires chez les enfants de
moins de 11 ans. Cependant, la détermination à mourir et les tentatives de suicide
d’intentionnalité élevée n’apparaissent qu’à partir de l’âge de 12 ans. Ce type de tentatives
de suicide ne représente jamais plus de 30 % des tentatives de suicide quel que soit l’âge. A
partir de 11 ans, les suicidants avec une intentionnalité suicidaire moyenne sont majoritaires.
DISCUSSION
Toutes les études dont nous avons eu connaissance [7,8,9,10] montrent que chez les
adolescents, les filles réalisent davantage de TS que les garçons. Chez les moins de 13 ans,
nous retrouvons 34,2 % de garçons et 65,8 % de filles, soit 1 garçon pour 2 filles, tandis que
Delamare et al. [11] retrouvaient dans cette même tranche d’âge 42,7 % de garçons et 58,3
% de filles.
L’éclatement de la cellule familiale est un phénomène extrêmement fréquent chez nos
jeunes suicidants puisque seuls 38,4 % d’entre eux vivent avec leurs deux parents. Garfinkel
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C. STORDEUR, R. DELORME
et al. [7] aux Etats-Unis, Le Heuzey et al. [8] en France, avaient déjà constaté, à l’époque, que
moins de la moitié des patients inclus dans leur étude vivait avec leurs deux parents. La relation
problématique des jeunes avec leur scolarité semble être un facteur prédictif du risque de TS.
Près de 10 % de nos jeunes patients ne sont pas scolarisés contre 1 à 2 % dans la population
générale française [12]. 1/3 a des résultats scolaires en baisse, 1/3 présente un refus scolaire
et 11,2 % ont été exclus de leur établissement de manière temporaire ou définitive. Kerfoot
et al. [9] retrouvaient 47 % de refus scolaire chez les 11-16 ans. Delamare et al. [11]
constataient une chute récente des résultats scolaires chez 39 % des suicidants de moins de
13 ans. Hawton et al. [10] rapportaient des difficultés avec le travail scolaire pour un tiers
des suicidants, tandis que Le Heuzey et al. [8] décrivaient un « conflit scolaire » chez 27 %
des patients de leur étude.
Dans notre étude, la prévalence des TS par intoxication médicamenteuse volontaire (89,6
%) est assez similaire à celle retrouvée dans des études antérieures [7]. Les familles de
médicaments les plus souvent responsables sont d’une part les psychotropes, hypnotiques,
sédatifs et antiépileptiques (49 % des TS) et d’autre part, les analgésiques, antipyrétiques et
antirhumatismaux (45,8 % des TS). Il nous semble important de souligner que le paracétamol
est impliqué dans 39,5 % des TS. Or, cette molécule peut, en cas de surdosage, induire une
insuffisance hépatique voire une hépatite fulminante dans les cas les plus graves. Cet
antalgique antipyrétique, en vente libre, conditionné par boîte de huit grammes, est présent
dans toutes les pharmacies familiales et bien souvent à portée des enfants et des adolescents,
y compris de ceux ayant réalisé récemment une tentative de suicide. Il en est de même des
psychotropes, et notamment des benzodiazépines, souvent prescrits à leurs parents et laissés
à la vue de tous à la maison. Un travail d’éducation et de prévention auprès des familles afin
de rendre moins accessibles ces traitements nous semble nécessaire, a fortiori dans le cadre
de la prévention secondaire. Cette simple précaution peut s’avérer très efficace notamment
pour prévenir les intoxications médicales volontaires très impulsives, fréquentes dans cette
population pédiatrique.
La dispute avec l’un des parents est de très loin le facteur précipitant le plus souvent
retrouvé. Elle est présentée comme responsable du passage à l’acte dans la moitié des cas et
s’est produite au cours des six derniers mois dans les deux tiers des cas. Nos résultats viennent
renforcer ceux d’autres études soulignant la fréquence des problèmes relationnels
intrafamiliaux dans cette population [9,10]. L’ensemble de ces données suggère l’importance
d’un travail avec les familles dans ce contexte.
Au cours du dernier mois, 12,9 % des patients inclus dans notre étude ont pris un
traitement psychotrope dont 4,8 % un antidépresseur. Ces résultats sont similaires à ceux
obtenus par Delamare et al. [11]. Les suicidants semblent donc avoir des difficultés à solliciter
de l’aide non seulement dans le cercle familial mais également auprès des professionnels. Une
autre étude avait constaté que près de deux tiers des suicidants avaient déjà bénéficié d’une
prise en charge psychosociale [7].
Dans notre étude, 22,5 % des suicidants présentent un épisode dépressif majeur. Il s’agit
du diagnostic le plus fréquemment retrouvé, comme dans d’autres études [8,9]. Les troubles
du comportement externalisés, les addictions et les troubles anxieux sont également fréquents.
Soulignons cependant que 39,2 % des suicidants ne présentent pas de trouble psychiatrique
de l’axe 1. Le rôle des stress psychosociaux apparaît donc comme majeur dans l’apparition
de comportements suicidaires, même s’il existe également des formes sub-syndromiques de
troubles psychiatriques.
5,6 % des sujets inclus dans notre étude présentent une maladie somatique invalidante
chronique (diabète de type 1, obésité…). D’autres études ont montré que certaines
pathologies somatiques constituaient des facteurs de risque de TS [13].
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LES TENTATIVES DE SUICIDE CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 12 ANS
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Les familles des suicidants de notre étude présentent des taux élevés de maladies
somatiques invalidantes, d’antécédents psychiatriques familiaux et d’antécédents de
comportements suicidaires (tentative de suicide ou suicide). De telles particularités avaient
été mises en évidence notamment par Garfinkel et al. [7]. Les enfants de parents atteints de
maladie somatique invalidante chronique (sclérose en plaques, diabète…) pourraient avoir
tendance à vouloir protéger leurs parents en ne leur parlant pas de leurs difficultés. Cela
pourrait expliquer cette association. Quant à la fréquence élevée des antécédents
psychiatriques chez les parents, elle pourrait être liée d’une part à des effets biologiques,
comme l’implication de facteurs génétiques [14], d’autre part à des effets plus psychologiques
comme les difficultés de communication au sein de la famille.
Tous les suicidants se présentant aux urgences ont systématiquement bénéficié d’une
évaluation sur le plan psychiatrique. 94,8 % des suicidants ont été hospitalisés à leur sortie
du service d’accueil des urgences et ce taux est plus élevé que dans toutes les études dont nous
avons eu connaissance, mais notons que seulement 56,6 % ont été hospitalisés plus de 48h.
Concernant la tentative de suicide en elle-même, nous constatons que les intoxications
médicales volontaires ne sont nettement majoritaires qu’à partir de l’âge de 12 ans. De même,
c’est à cet âge-là qu’apparaissent les tentatives de suicide avec intentionnalité élevée. A
contrario, les TS à létalité élevée sont majoritaires chez les moins de 11 ans. Toutes ces
données suggèrent des mécanismes différents, en fonction de l’âge, dans la genèse du passage
à l’acte suicidaire.
Les tentatives de suicide en population pédiatrique sont fréquentes [chez les 12-18 ans, 8,3
% des filles et 6,9 % des garçons ont déjà effectué une tentative de suicide [15]], récurrentes et
graves. En effet, les tentatives de suicide représentent 0,4 % des motifs de recours aux soins aux
urgences chez les 8-17 ans dans notre étude et 0,6 % chez les 11-15 ans. La récidive est fréquente,
surtout en présence de troubles psychiatriques associés. 1 à 2 % se suicident dans l’année [2],
10 à 24 % réalisent une nouvelle tentative de suicide dans l’année [16], près de la moitié récidive
dans les 10 ans qui suivent [17]. Dans notre étude, on constate que 5,6 % des patients récidivent
et 88 % de ces récidives surviennent dans les 6 mois après la TS index, dont 2/3 durant le
troisième et quatrième mois. Le suicide est la 4ème cause de mortalité dans le monde chez les 1024 ans [1]. Enfin, chez les moins de 12 ans, les tentatives de suicide sont caractérisées par une
plus grande létalité, une moindre intentionnalité, une plus grande diversité des moyens utilisés
: les intoxications médicamenteuses volontaires ne sont pas majoritaires dans cette tranche d’âge.
Les tentatives de suicide dans cette tranche d’âge sont certes moins fréquentes, mais sûrement
davantage sous diagnostiquées, que chez les plus grands.
LIMITES
Notre étude se heurte à un problème de représentativité. En effet, de nombreux enfants
et adolescents suicidants ne sont pas adressés à l’hôpital. Ainsi, l’étude doit réfléchir
uniquement à la population adressée à l’hôpital. De plus, elle concerne la population du nordest de Paris et du nord-est de la petite couronne. Il s’agit donc d’une population urbaine.
Nous avons là un biais de recrutement et donc des difficultés d’extrapolation. L’évaluation
rétrospective constitue également une limite, ainsi que l’absence d’évaluation psychiatrique
standardisée : K-SADS ou autre instrument de screening. Il en va de même concernant les
facteurs environnementaux. Nous sommes ainsi confrontés à un biais de sous déclaration.
Enfin, l’absence de groupe contrôle rend plus difficile les conclusions concernant certains
facteurs de risque environnementaux.
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C. STORDEUR, R. DELORME
CONCLUSION
En conclusion, nos résultats apportent à une meilleure connaissance de la suicidologie
en population pédiatrique française et actualisent les résultats des études antérieures
[7,8,9,10]. Cela pourra à terme contribuer ainsi à la prévention des comportements suicidaires
et à une meilleure prise en charge des enfants et adolescents suicidants.
L’instauration d’une véritable politique de prévention du suicide chez les enfants et les
prépubères est indispensable en France [18]. Par ailleurs, aux urgences, il nous paraît
important d’améliorer la prise en charge avec un recueil d’informations standardisé. Pour les
jeunes suicidants, la recherche systématique des facteurs de risque est indispensable.
Egalement, elle devra inclure une évaluation systématique de la dépression, en plus de
l’évaluation somatique.
AUTEURS :
Dr Coline Stordeur & Dr Richard Delorme
AUTEUR CORRESPONDANT :
Coline Stordeur - coline.stordeur@wanadoo.fr
Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Robert Debré,
48, boulevard Sérurier, 75935 Paris Cedex 19, France
Tableau 1 : Moyens utilisés lors de la tentative de suicide
Moyen utilisé
Intoxication médicamenteuse volontaire (tous types confondus)
Intoxication médicamenteuse volontaire aux analgésiques,
antipyrétiques et antirhumatismaux
Intoxication médicamenteuse volontaire aux psychotropes, hypnotiques,
sédatifs et anti-épileptiques
Intoxication médicamenteuse volontaire aux narcotiques et psychodysleptiques
Intoxication médicamenteuse volontaire à d’autres médicaments
Tentative de suicide avec prise d’alcool associée
Auto-intoxication par des produits chimiques et substances nocives
Lésion auto infligée par pendaison et strangulation
Lésion auto infligée par noyade
Lésion auto infligée par l’utilisation d’objet tranchant
Lésion auto infligée par saut dans le vide
% (n = )
89,6 (223)
45,8 (114)
49,0 (122)
8,8 (22)
23,7 (59)
3,6 (9)
2,8 (7)
2,8 (7)
0,4 (1)
5,6 (14)
1,6 (4)
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LES TENTATIVES DE SUICIDE CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 12 ANS
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Figure 1 : Répartition des effectifs par sexe et par âge
Figure 2: Répartition des effectifs par âge et par mode de tentative de suicide (intoxication médicamenteuse volontaire versus autres moyens)
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C. STORDEUR, R. DELORME
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351
LES HYPERCHOLESTEROLEMIES DE L’ENFANT
par
S. VIOLA, J.-P. GIRARDET
INTRODUCTION
Les hypercholestérolémies (HC) sont les plus fréquentes des dyslipidémies de l’enfant
et, dès cet âge, leur prise en charge doit être adaptée à l’importance du risque cardiovasculaire
qui leur est associé. Si les complications cardiovasculaires de l’HC ne surviennent pas pendant
l’enfance, on sait cependant que l’athérosclérose est un processus qui débute très précocement,
dès l’âge de 2 ou 3 ans et se développe ensuite silencieusement jusqu’à l’âge adulte. Dès
l’enfance, l’athérosclérose est très étroitement corrélée au taux de LDL-cholestérol (LDLC) plasmatique. Les HC de l’enfant justifient donc dans tous les cas au minimum des conseils
diététiques d’équilibre alimentaire et une surveillance [1,2].
Mais toutes les HC de l’enfant ne comportent pas le même risque. Certaines d’entre elles,
transmises de façon héréditaire sur un mode dominant, comportent un risque important
d’accidents cardiovasculaires prématurés à l’âge adulte et une diminution de l’espérance de
vie. Ces formes monogéniques graves d’HC peuvent relever d’un traitement
hypocholestérolémiant dès l’enfance afin de stopper ou ralentir le développement de lésions
d’athérosclérose encore silencieuses et de prévenir l’insuffisance coronarienne prématurée de
l’adulte [3,4]. L’identification de ces HC monogéniques particulièrement athérogènes
constitue donc un temps essentiel de l’évaluation d’un enfant hypercholestérolémique [5].
PREVALENCE ET DIAGNOSTIC
L’HC se définit chez l’enfant par des valeurs de cholestérol total (CT) et de LDLcholestérol (LDL-C) supérieure au 95ème percentile de leur distribution dans la population
pédiatrique générale. Par définition, 5 % des enfants sont donc hypercholestérolémiques.
Les seuils définissant les valeurs normales et pathologiques du CT plasmatique, du HDLcholestérol (HDL-C), du LDL-C et des triglycérides (TG) chez l’enfant dans la plupart des
travaux et recommandations d’experts figurent sur le tableau N°1. Cependant, ces valeurs
ont été établies par des études nord américaines. Chez les enfants français, la distribution des
valeurs du CT a été évaluée par 2 études de cohorte : une cohorte lorraine [6], et une cohorte
provenant de différents centres de l’ouest de la France entre 2006 et 2008 [7]. Dans ces études,
le 95ème percentile de la distribution du CT chez les enfants et adolescents, se situe entre 2,31
et 2,34 g/l pour les garçons et entre 2,23 et 2,44 g/l pour les filles. Le 95ème percentile du LDLC se situe entre 1,49 et 1,64 g/l pour les garçons et entre 1,55 et 1,74 g/l chez les filles. Ces
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352
S. VIOLA, J.-P. GIRARDET
valeurs, qui constituent un état des lieux chez les enfants français sont plus élevées d’environ
15 % que les valeurs nord américaines établies durant les années 1999-2006 [8].
Le diagnostic d’HC demande deux contrôles espacés de quelques semaines. Le LDLcholestérol est calculé à partir des valeurs mesurées du cholestérol total, du HDL-cholestérol
et des triglycérides selon la formule de Friedewald :
LDL-cholestérol (mg/dL) = cholestérol total – HDL-cholestérol – triglycérides/5.
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE HC DE L’ENFANT
La première étape est d’affirmer le caractère primitif de l’HC. Cela nécessite d’examiner
soigneusement l’enfant à la recherche d’une pathologie causale. Les principales situations
pédiatriques susceptibles de se compliquer d’HC figurent sur le tableau N°2.
Une fois confirmés l’élévation du LDL-C et son caractère primitif, il est nécessaire
d’identifier les HC qui présentent un risque élevé de complications cardiovasculaires
prématurées et nécessitent par conséquent une prise en charge ou une surveillance spécifiques
dès l’enfance.
Des données épidémiologiques ont montré que certaines HC héréditaires, monogéniques
transmises sur le mode dominant, sont associées à une augmentation du risque d’accident
cardiovasculaire prématuré et à une diminution de l’espérance de vie par rapport aux formes
sporadiques ou polygéniques d’hypercholestérolémie [3,4,8]. La plus fréquente des HC
monogéniques est l’HC familiale (HF) causée par une anomalie du gène du récepteur du
LDL (mutation, délétion) [3]. La forme homozygote est très rare (1/1 million) et se reconnaît
facilement et précocement par la présence de xanthomes et de manifestations athéromateuses
avant l’âge de 10 ans. A l’inverse, les formes hétérozygotes sont fréquentes. Leur prévalence
est estimée à 1/500 [3,9] et elles sont cliniquement silencieuses pendant l’enfance. Leur seule
expression constante et détectable dès le plus jeune âge est l’élévation isolée du LDL-C qui
peut atteindre des valeurs supérieures à deux fois la normale [10]. Bien qu’ils soient
asymptomatiques, les enfants ayant une HF vont développer une athérosclérose progressive
authentifiée par les techniques d’imagerie non invasive, qui montrent une augmentation de
l’épaisseur intima-media (EIM) artérielle et des signes de dysfonction endothéliale, connus
pour être prédictifs de complications cardiovasculaires ultérieures [11]. L’HF hétérozygote
est en effet une maladie grave, associée à un risque élevé de complications cardiovasculaires
prématurées chez le jeune adulte. Chez les sujets hétérozygotes, la probabilité de morbidité
coronarienne 50 ans est de 50 % chez les hommes et de 20 % chez les femmes [3].
L’augmentation du risque coronarien prématuré a été confirmée par l’étude britannique du
Simon Broome Register Group [12] qui montre que le risque de mortalité coronarienne avant
l’âge de 40 ans est multiplié par 125 chez les femmes hétérozygotes et par 48 chez les hommes.
D'autres HC héréditaires monogéniques dominantes s'exprimant dès l'enfance ont été
identifiées, et s'accompagnent également d'un risque vasculaire élevé. C'est le cas notamment
de la déficience familiale en apolipoprotéine B, due à une mutation du gène codant
l’apolipoprotéine B100 (Arg3500Gln ou Arg3527Gln dans la nouvelle nomenclature), dont
la prévalence dans la population générale française est de l'ordre de 1/1200 [13].
En pratique, le diagnostic d’HF repose sur la recherche des antécédents familiaux et sur le
profil biologique de l’enfant avant et après quelques mois d’un traitement diététique bien suivi.
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LES HYPERCHOLESTEROLEMIES DE L’ENFANT
353
La transmission étant dominante, un des deux parents et, statistiquement, la moitié des
frères et sœurs sont également hypercholestérolémiques. L’enquête familiale doit donc
comporter un dosage du cholestérol chez les apparentés du 1er degré et rechercher la prise de
médicaments hypocholestérolémiants et/ou l’existence d’accidents cardiovasculaires
prématurés dans les familles paternelle et maternelle. Certains critères cliniques et biologiques
sont statistiquement prédictifs d’une forme héréditaire. Ce sont : 1) l’existence de
complications cardiovasculaires prématurées chez un parent ou un grand parent et/ou la
notion d’un traitement hypocholestérolémiant chez un des deux parents ; 2) un LDLcholestérol initialement supérieur à 250 mg/dl et restant supérieur à 190 mg/dl après 4 à 6
mois de traitement diététique [14].
Au terme de cette enquête, il est possible de distinguer ces formes monogéniques des
formes polygéniques. Au cours de ces dernières, le LDL-C est souvent moins élevé et surtout,
on ne retrouve pas dans la famille les caractéristiques d’une transmission mendélienne
dominante. Leur risque à l’âge adulte n’est pas connu de façon précise [15].
Quand le diagnostic est difficile, le test génétique à la recherche d’une mutation sur le
récepteur LDL ou sur l’apolipoprotéine B est essentiel. Certains proposent cette recherche
plus systématiquement [5].
TRAITEMENT
Le traitement diététique
Le traitement diététique constitue la première étape de la prise en charge de toute
hypercholestérolémie de l’enfant, quels que soient son niveau et son mécanisme [5,15].
Correctement appliqué, ce traitement est efficace et permet de diminuer d’environ 10 %
le LDL-cholestérol dans les HF et souvent de le normaliser dans les HC polygéniques [14].
Il ne doit en aucun cas donner lieu à un régime restrictif mais doit maintenir des apports
équilibrés, adaptés à l’âge. Il consiste principalement à corriger les erreurs alimentaires les
plus fréquentes [16].
Les principales recommandations concernent la quantité et le choix des matières grasses
ainsi que les apports en fibres :
- limitation de la consommation de graisses animales riches en acides gras saturés
(charcuteries, viandes grasses, beurre, crème fraîche, lait entier, fromages….) au profit des
viandes maigres, des volailles, des laits et laitages partiellement écrémés, des poissons, ainsi
que de certaines matières grasses végétales : huiles d’olive, d’arachide, de tournesol, de maïs,
ou de colza, riches en acides gras mono ou polyinsaturés ;
- réduction des graisses cachées dans les aliments industriels souvent riches en acides gras
saturés et trans (viennoiseries, pâtisseries, biscuits, barres chocolatées, plats cuisinés, …) ;
- cuisson des aliments sans graisse, les huiles et margarines étant rajoutées crues au
moment de servir ;
- encouragement à consommer des légumes et des fruits, proposés à chaque repas, crus
ou cuits, frais, congelés ou en conserve. L’apport en fibres est complété par la consommation
de pain, riz ou céréales complètes et de légumes secs (lentilles, haricots blancs ou rouges,
flageolets…).
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S. VIOLA, J.-P. GIRARDET
Le traitement médicamenteux
Les indications du traitement médicamenteux sont limitées aux enfants porteurs des
hyper LDL-cholestérolémie les plus sévères (c'est-à-dire en pratique les enfants ayant une HC
monogénique) lorsque, après 6 à 12 mois de traitement diététique le taux de LDL-cholestérol
reste élevé, supérieur à 190 mg/dl [5,15]. Ce seuil peut être abaissé à 1,60 g/l s’il existe d’autres
facteurs de risque (HTA, obésité, tabagisme passif ou actif, diabète, HDL-cholestérol bas,
Lp(a) supérieure ou égale à 0,50 g/l).
L’âge de début du traitement reste débattu. La plupart des recommandations préconisent
de débuter le traitement à partir de 8 ans mais un traitement plus précoce peut être justifié
dans des formes sévères, en cas d’autres facteurs de risque cliniques ou biologiques ou surtout
s’il existe des antécédents familiaux d’accidents cardiovasculaires majeurs et précoces
[5,15,17,18]. L’objectif thérapeutique est d’abaisser la concentration plasmatique de LDLC le plus près possible des valeurs normales pour l’âge, et dans tous les cas au dessous de 1,60
g/l. L’obtention de cet objectif est évaluée après 1 à 3 mois de traitement, puis sa pérennisation
tous les 3 à 6 mois [5].
Lorsqu’un traitement médicamenteux est indiqué, les statines peuvent être, comme chez
l’adulte, prescrites en première intention. Les statines sont des inhibiteurs de l’HMG CoA
réductase, enzyme clé de la synthèse endogène du cholestérol. Elles entraînent une diminution
dose dépendante du LDL-C et de façon moins marquée une diminution des TG plasmatiques
et une augmentation modeste du HDL-cholestérol. Leur bonne tolérance et leur efficacité
tant sur le LDL-C que sur les anomalies fonctionnelles artérielles [19,20] ont été montrées
sur de larges populations d'enfants âgés de 8 ans et plus atteints d’HF, même s’il persiste
encore une incertitude sur leur tolérance à long terme [21-23]. Une surveillance clinique et
biologique (transaminases, CPK) doit être effectuée 1 à 3 mois après le début du traitement
médicamenteux, puis au minimum chaque année. Les valeurs seuils devant conduire à
l’interruption du traitement sont de 3 fois la limite supérieure de la norme pour les
transaminases et de 5 fois la limite supérieure de la norme pour la CPK. Les adolescentes
doivent être informées des risques des statines en cas de grossesse et de la nécessité
d’interrompre le traitement à l’arrêt de la contraception en vue d’une grossesse [5].
Les études récentes ont justifié l’Autorisation pour l’enfant de Mise sur le Marché pour
trois statines : la pravastatine 10 et 20 mg, l’atorvastatine 10 mg et la rosuvastatine 5 mg. Les
posologies conseillées sont : pour la Pravastatine, de 20 mg par jour avant 14 ans et de 40 mg
par jour ultérieurement ; pour l’Atorvastatine, de 10 mg par jour, cette dose pouvant être
augmentée à 20 mg par jour après 4 semaines en fonction de l'évolution de la cholestérolémie
et de la tolérance [5].
Les résines (cholestyramine), dont la palatabilité très désagréable est responsable chez
l’enfant d’une mauvaise observance thérapeutique et, souvent, d’un arrêt intempestif du
traitement sont aujourd’hui à réserver aux rares contre-indications des statines [5,24].
Quant aux fibrates, ils n’ont fait l’objet d’aucune étude contrôlée en pédiatrie. Il en est de
même de la nouvelle classe d’inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol (Ezétimibe)
dont l’efficacité et la bonne tolérance chez l’adulte, notamment en association avec les statines,
demandent à être confirmées par des essais cliniques chez l’enfant.
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LES HYPERCHOLESTEROLEMIES DE L’ENFANT
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Une place à part doit être faite aux phytostérols. La consommation de margarines ou de
yaourts enrichis en stérols végétaux permet en effet une baisse de 7 à 8 % du LDL-C
plasmatique. Elles peuvent donc potentialiser les effets du traitement diététique ou être un
complément utile au traitement médicamenteux. Cependant, il n’a pas été mis en évidence
d’effet propre des phytostérols sur la fonction artérielle ou le risque cardiovasculaire ni chez
l’enfant ni chez l’adulte [25,26]. Par ailleurs, il convient de ne pas multiplier les prises
d’aliments enrichis en phytostérols car le seuil maximal acceptable des apports journaliers
n’est pas déterminé de façon précise, en particulier chez l’enfant.
DEPISTAGE : QUAND FAUT IL DOSER LE CHOLESTEROL
CHEZ L’ENFANT ?
Les HC monogéniques, et notamment l’HF, sont des affections qui réunissent l’ensemble
des caractéristiques justifiant un dépistage. Ce sont des maladies fréquentes, graves, donnant
lieu à des complications sévères et précoces, et qui bénéficient d’une méthode de dépistage
simple et peu onéreuse ainsi que d’un traitement efficace.
Les modalités du dépistage restent débattues. Comme il s’agit d’une affection dominante,
un dépistage individuel ciblé en fonction des antécédents familiaux est habituellement
recommandé [15,17]. Dans ce cadre, il est proposé de doser le cholestérol chez les enfants de
plus de 3 ans dans les familles :
- où surviennent des accidents cardiovasculaires prématurés – avant 55 ans chez les
hommes et 60 ans chez les femmes - à type d’insuffisance coronarienne, d’artérite ou
d’accident vasculaire cérébral ;
- et/ou avec une hypercholestérolémie supérieure à 240 mg/dl chez un des parents.
Cependant, le dépistage ciblé a une efficacité médiocre : la moitié seulement des enfants
ayant une HF aurait été dépistée en appliquant les critères ci-dessus, et 30 à 60 % des enfants
HF sont « manqués » par cette stratégie de dépistage [27]. Aussi les dernières
recommandations françaises préconisent de généraliser le dépistage de l’HC à tous les enfants
par une détermination du LDL-C entre les âges de 3 et 9 ans [5]. Cela constitue en outre
une opportunité supplémentaire pour dépister plus précocement le parent transmetteur qui
ignore souvent le niveau de sa cholestérolémie [27].
AUTEURS :
Sheila Viola et Jean-Philippe Girardet
Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques - Hôpital Armand Trousseau. 26 Avenue Arnold Netter, 75012 Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
Sheila Viola - Mail : sheila.viola@trs.aphp.fr
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LES HYPERCHOLESTEROLEMIES DE L’ENFANT
357
Tableau n°1 : Valeurs normales et pathologiques (g/l) des lipides et lipoprotéines plasmatiques
chez l’enfant (d’après [15,17])
Cholestérol total
LDL-cholestérol
HDL-cholestérol
ApoB
Triglycérides
- avant 10 ans
- après 10 ans
souhaitables
élevées
< 1,70
< 1,10
> 0,40
< 0,90
> 2,00
> 1,30
< 0,75
< 0,90
> 1,00
> 1,30
> 1,10
Tableau n°2 : Principales étiologies des hypercholestérolémies secondaires chez l’enfant
1-Causes endocriniennes et métaboliques :
- Obésité
- Hypothyroïdie
2- Maladies de surcharge :
- Glycogénose
- Sphingolipidose
3- Maladies viscérales :
- Hépatiques : cholestases
- Rénales : syndrome néphrotique
4- Médicaments :
- corticostéroïdes,
- trétinoïnes,
- bêta-bloquants,
- contraceptifs oraux,
-…
5- Autres :
- Anorexie mentale
- Klinefelter
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MISES AU POINT
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LES MALADIES CACHéES PAR LA GRANDE OBéSITé
par
N. BOUHOURS-NOUET, D. WEIL, G. PODEVIN, R. COUTANT
Le surpoids, défini par un IMC > IMC25iotf, et l’obésité, définie par un IMC >
IMC30iotf, touchent entre 10 et 30 % des enfants et adolescents dans le monde, autour de
18 % en France [1,2] (www.invs.sante.fr). La plupart de ces obésités sont d’origine
polygénique, et s’expriment dans un environnement prédisposant : on estime, à partir de
l’étude de jumeaux monozygotes, que la part génétique rend compte de 30 % à 80 % de la
variance de l’obésité. Les études pédiatriques ont montré la plus forte héritabilité,
probablement parce que la part environnementale a moins de temps pour s’exprimer chez
l’enfant que chez l’adulte [3,4]. La plupart des obésités ne demandent pas d’investigation
étiologique systématique, en dehors du recueil précis de l’histoire familiale et personnelle, et
d’une évaluation clinique soigneuse.
Chez l’enfant, les obésités sévères peuvent être définies arbitrairement par un IMC >
IMC35iotf, et, de manière plus pratique, par une valeur > à 120 % de l’IMC30iotf [5]. Ces
obésités sévères, surtout si elles sont de constitution précoce, méritent plus d’attention, sur
le plan étiologique comme sur celui des complications : d’une part, la contribution génétique,
et parmi elle, la part des formes syndromiques ou monogéniques, est plus importante que
chez l’adulte, et les complications, celles propres à la maladie causale, et celles liées à l’extrême
IMC, vont avoir du temps pour s’exprimer. Enfin, les formes sévères sont également celles
où les pathologies socio-familiales ont le plus de chance d’être mises en évidence.
LES FORMES MONOGENIQUES D’OBESITE
Les formes monogéniques représentent environ 5-10 % des obésités sévères [6, 7, 8, 9, 10],
jusqu’à 20 % dans les pays à consanguinité forte [11].
Les mutations de MC4R
La cause monogénique la plus fréquente d’obésité correspond aux mutations hétérozygotes,
homozygotes, ou hétérozygotes composites de MC4R, récepteur de type 4 de la mélanocortine
[7, 9]. Le récepteur MC4R est impliqué dans les mécanismes de faim et de satiété (figure 1).
Dans les populations européennes, les mutations perte de fonction de MC4R ont été
retrouvées chez près de 2 % des sujets obèses adultes, 4-6 % des sujets obèses enfants, contre
0,15 % des sujets non obèses [6, 7, 9, 10, 11]. Près de 150 mutations ont été décrites.
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362
N. BOUHOURS-NOUET, D. WEIL, G. PODEVIN, R. COUTANT
Un comportement d’hyperphagie a été démontré chez les sujets obèses porteurs de
mutation par comparaison à des sujets obèses non porteurs, et parfois, mais pas constamment,
des compulsions alimentaires [8, 9]. Il n’y avait pas de retard mental. Le rebond d’adiposité
chez les enfants obèses porteurs de la mutation se produisait vers 2 ans, contre 5 ans chez les
enfants obèses non porteurs [9], mais les différences d’IMC entre les porteurs hétérozygotes
et les non porteurs étaient peu visibles dans l’enfance, et à l’âge de 20 ans, les sujets obèses
porteurs avaient un IMC moyen supérieur de 3 kg/m2 aux sujets obèses non porteurs [9].
Ces sujets avaient une croissance accélérée (similaire ou supérieure à celle observée dans
l’obésité commune), des taux élevés de leptine et d’insuline (similaires ou supérieures à ceux
observés dans l’obésité commune), et une minéralisation osseuse augmentée (similaire ou
supérieure à celle observée dans l’obésité commune). En revanche, les sujets homozygotes ou
héterozygotes composites avaient une obésité sévère très précoce, déjà présente à l’âge de 1
an (mais n’influençant pas le poids de naissance) [9, 14, 15].
Les techniques de chirurgie bariatrique n’entraînant pas de malabsorption (comme
l’anneau gastrique) pourraient être moins efficaces (1 seul sujet rapporté) que les techniques
malabsorptives (comme le bypass, plusieurs sujets rapportés) [12, 13], alors que la perte de
poids associée à ces dernières a été aussi forte chez les sujets obèses porteurs ou non porteurs
de mutation.
La pénétrance de la mutation était de 60 % chez les porteurs hétérozygotes adultes et
enfants, et de près de 100 % chez les porteurs homozygotes ou hétérozygotes composites [9].
Dans une étude transversale européenne, elle était de près de 80 % chez les enfants, de 60 %
chez les adultes de moins de 50 ans, et de 40 % chez les adultes de plus de 50 ans, suggérant
que l’environnement « obésogénique » plus fort actuellement favorisait la pénétrance de la
maladie [9]. Le suivi longitudinal d’adultes porteurs de la mutation a montré que la
pénétrance augmentait avec l’âge, de 40 % à l’âge de 20 ans à 60 % après 40 ans, suggérant
également que le temps d’exposition avec l’environnement « obésogénique » favorisait la
pénétrance de la mutation [9].
Les autres formes monogéniques d’obésité
Il existe quelques autres causes identifiées d’obésité monogénique à ce jour. Elles restent
exceptionnelles (ou leur fréquence est encore mal évaluée). La plupart de ces gènes sont
impliqués dans les mécanismes moléculaires de la faim et de la satiété (figure 1).
Les mutations homozygotes ou hétérozygotes composites du gène de la leptine (moins
de 10 mutations décrites, moins de 30 sujets atteints) [6, 10, 11] ont entraîné une obésité
sévère très précoce associé à un comportement d’hyperphagie, un déficit gonadotrope partiel
ou un retard pubertaire, une susceptibilité aux infections (Déficit fonctionnel T). Les taux
circulants de leptine, indétectables, contrastaient avec l’excès de masse grasse.
Les mutations homozygotes ou hétérozygotes composites du gène du récepteur de la
leptine (moins de 10 mutations décrites, moins de 30 sujets atteints) ont entraîné un tableau
analogue à celui des mutations du gène de la leptine [15, 16]. Les taux circulants de leptine
étaient élevés, ou adaptés à l’excès de masse grasse. Dans une étude de 300 sujets avec obésité
sévère précoce et hyperphagie, des mutations du gène du récepteur de la leptine ont été
identifiées dans 3 % des cas [16].
Les mutations homozygotes ou hétérozygotes composites du gène de la POMC (moins
de 10 mutations décrites, moins de 10 sujets atteints) ont entraîné une obésité sévère précoce,
une insuffisance corticotrope (donc surrénalienne), et une pigmentation rouge des cheveux
(pas toujours présente) [17]. Dans une cohorte d’obésité sévère précoce, une mutation
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hétérozygote de la POMC a été retrouvée dans 0,88 % des cas [18], sans insuffisance
surrénalienne ni « cheveux rouges ».
Des mutations d’autres gènes [prohormone convertase 1 (obésité et anomalie de clivage
de prohormones), BDNF (obésité précoce hyperphagique, hyperactivité, retard de
développement), TrKB (récepteur de BDNF : obésité précoce sévère hyperphagique et retard
de développement)] ont été identifiées à l’origine d’obésité monogénique [19, 20]. La
prévalence des mutations de ces gènes dans des cohortes d’obésité sévère n’a pas été étudiée.
LES AUTRES FORMES D’OBESITE
Les formes syndromiques
De nombreux syndromes (plus d’une vingtaine) ont été associés à une obésité précoce,
souvent sévère. Ils représentent ensemble à peine 1 % des obésités adressées à un centre
universitaire [21]. Nous ne ferons pas ici une description exhaustive de chacun : les principaux
sont résumés dans le tableau 1. Parmi les syndromes en cause, certains ont été décrits il y a de
nombreuses années, d’autres sont d’identification plus récente ; d’autres, correspondant à
des microdélétions, ont été isolés par CGH array.
Les formes endocriniennes
Les causes endocriniennes d’obésité représentent moins de 1 % des obésités adressées à
un centre universitaire [21]. Les causes endocriniennes d’obésité correspondent à
l’hypothyroïdie, l’hypercorticisme, le déficit en hormone de croissance, et les lésions
hypothalamiques acquises. En dehors des signes propres à chaque endocrinopathie, le retard
statural (ou la croissance staturale inadaptée en regard de la croissance pondérale) était une
constante dans ces maladies.
OBESITE SEVERE ET PATHOLOGIES SOCIO-FAMILIALES
Les obésités sévères, en dehors des formes monogéniques, syndromiques, ou secondaires
à une endocrinopathie, pourraient témoigner plus fréquemment d’une maltraitance familiale,
physique [22, 23], sexuelle, ou par carence de soin.
QUAND RECHERCHER UNE CAUSE A UNE OBESITE ?
La démarche diagnostique devant un enfant avec obésité est résumée dans le tableau 2 :
la démarche est guidée à la fois par la recherche d’éléments indicateurs d’une obésité
secondaire, mais aussi par la recherche d’éléments suggérant la présence de complications
actuelles ou à venir.
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N. BOUHOURS-NOUET, D. WEIL, G. PODEVIN, R. COUTANT
CONCLUSION
Une obésité sévère de l’enfant et de l’adolescent pourrait recevoir une explication dans
près de 10 % des cas, surtout si elle est de constitution précoce : les causes monogéniques
d’obésité, jugées exceptionnelles il y a quelques années, ne sont pas si rares. Les mutations de
MC4R sont présentes dans près de 5 % des obésités sévères de l’enfant, et ne donnent pas un
phénotype très différent des obésités « communes », sauf dans les formes homozygotes ou
double hétérozygotes (où l’obésité sévère est très précoce, présente avant l’âge de 1 an). Les
autres causes monogéniques ou syndromiques d’obésité peuvent être évoquées devant un
tableau clinique ou paraclinique évocateur (retard statural, retard mental, dysmorphie, déficits
endocriniens). Le taux circulant de leptine, s’il est effondré, évoque une mutation du gène
de la leptine. En dehors de ces situations, la démarche diagnostique doit être guidée par
l’histoire familiale et personnelle, par les signes et symptômes que présente l’enfant.
Dans un avenir proche, il est possible que le diagnostic « moléculaire » des formes
mendeliennes d’obésité soit possible en routine, en raison de la réduction des coûts et de la
progression des techniques de biologie moléculaire [6].
AUTEURS :
N. BOUHOURS-NOUET, D. WEIL, G. PODEVIN, R. COUTANT
AUTEUR CORRESPONDANT :
Régis COUTANT
E-mail : Recoutant@chu-angers.fr
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Tableau 1 : Principaux syndromes associés à une obésité
Syndrome et Gène
SIM1 (6q16.13)
Délétion 16p11.2 (SH2B1)
Prader Willi (15q11q13)
GNAS 1 (20q13.2)
ROHHAD
Bardet-Biedl (ciliopathie avec
15 gènes identifiés : BBS1 à 15)
Alström (2p13 ; ALMS1)
Carpenter (6p11 ; RAB23)
Cohen (8q22 ; COH1)
Monosomie 1p36
Phénotype
Prader-Willi like (gène impliqué dans le développement de l’hypothalamus)
Obésité et retard de développement
Hypotonie néonatale, retard de développement, petite taille, hyperphagie et
compulsions alimentaires, hypogonadisme hypogonadotrope, DT2,
étroitesse bitemporale, yeux en amande
Obésité, retard statural, bradymétacarpie, résistance plurihormonale
(résistance à la parathormone et à la TSH), déficit cognitif modéré
Obésité de début rapide, dysfonction hypothalamique, hypoventilation,
dysrégulation autonome
Dystrophie rétinienne, polydactylie postaxiale, kystes rénaux, dyslexie,
troubles des apprentissages, hypogonadisme
Dystrophie rétinienne, surdité, néphropathie, myocardiopathie, retard
statural, obésité, DT2, cirrhose
Retard mental, retard statural, polydactylie, syndactylie des pieds,
Retard mental, incisives centrales proéminentes, microcéphalie
Obésité, retard psychomoteur, hypotonie
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Tableau 2 : Histoire et examen clinique de l’enfant obèse : orientation vers des causes d’obésité,
orientation vers des complications de l’obésité
Histoire, signes, et symptômes
Obésité sévère avant 2 ans
Retard de développement
Retard statural
Dysmorphie (cf tableau 1)
Retard pubertaire
Cryptorchidie, micropenis
Vergetures pourpres
Obésité facio tronculaire
Comportement d’hyperphagie franc
Histoire, signes, et symptômes
FDR CV personnels et/ou familiaux
Dyslipidémie
Tabagisme
HTA (50 % des adolescents)
Ronflements
Hypertrophie des amygdales
Somnolence diurne
Céphalée
Douleur abdominale,
Hépatomégalie
Douleur de hanche, de genou, boiterie
Oligoménorrhée, aménorrhée, Hirsutisme
Acanthosis nigricans
Obésité abdominale
Polyuro-polydipsie, nycturie
Compulsions alimentaires, vomissement
Insomnie, anhédonie
Signification possible : les causes
Obésité monogénique ou syndromique
Obésité syndromique ou monogénique
Obésité syndromique ou monogénique
Endocrinopathie
Obésité syndromique
Hypogonadisme suggérant une obésité monogénique ou
syndromique ou endocrinienne
Hypercorticisme (ou obésité d’aggravation rapide)
Endocrinopathie
Obésité monogénique ou sndromique
Signification possible : les complications
Athérome précoce (détecté sur des séries autopsiques ; détectable
par la mesure de l’épaisseur intima-media (IMT) aortique
et carotidien
Syndrome d’hypoventilation
Apnée du sommeil
HTIC
Lithiase vésiculaire,
NASH (10-30 %)
Epiphysiololyse, Maladie de Blount
SOPK
Insulinorésistance, DT2 (0,2 % en France)
Insulinorésistance, syndrome métabolique
DT2 (0,2 % des obésités pédiatriques en France)
Troubles du comportement alimentaire
Dépression
Figure 1 : Principales causes d’obésité monogénique
(les mutations des gènes identifiées chez l’homme sont soulignées)
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GRANDE OBESITE : QUEL TRAITEMENT PROPOSER
AUX GRANDES OBESITES DE L'ADOLESCENCE ?
par
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Y. REVILLON, P. BOUGNERES
4 % des adolescents français sont franchement obèses et environ 0,05 % entrent dans la
définition de la grande obésité (‘superobésité’, obésité morbide un terme mal adapté à la
jeunesse, obésité sévère) définie chez l’adulte par un IMC à 50 kg/m2, ce qui correspond chez
l’adolescent à un IMC voisin de 40 kg/m2 (90 kg pour une taille de 150 cm, 100 kg pour 160
cm), étant donné la sveltesse physiologique propre à cet âge de la vie [1]. C’est à ces grands
obèses que cet exposé est consacré. Depuis les années 80 la fréquence des obésités les plus
sévères a été multipliée par 4 [2]. Ces obésités persistent toutes à l’âge adulte et sont une
source certaine de complications cardiovasculaires et métaboliques, d’autant plus que l’IMC
est plus élevé [3].
Pendant les quinze dernières années, des efforts de santé publique considérables ont visé
la prévention de l’obésité. Ils se sont parallèlement détournés du traitement de l’obésité
installée, pour laquelle les structures de prise en charge restent embryonnaires dans notre
pays, où il reste difficile pour une famille de trouver un pédiatre, libéral et même hospitalier,
compétent dans la prise en charge d’enfants obèses et capable de les prendre en charge
assidument sur des années. Le surpoids évolue donc inéluctablement chez l’immense majorité
d’entre eux, échec patent pour le regard de toute la société de la stratégie de prise en charge.
Il n’est guère besoin des méta-analyses de la littérature, à la mode depuis 5 ans, pour
s’apercevoir de l’efficacité très limitée de l’approche dite « hygiéno-diététique » dans
l’obésité de l’adolescent. Avec un surpoids de 40 kg déjà constitué et bien ancré dans le
métabolisme du patient avec toutes ses conséquences hormonales et énergétiques, ainsi que
les dérégulations de la prise alimentaire, il faudrait dans un monde idéal pouvoir obtenir une
perte de 360 000 calories pour retrouver un poids normal : la durée de l’effort si on pensait
possible de créer un compte déficitaire [prise alimentaire calorique-dépense énergétique] de
150 calories par jour (un peu inespéré) serait de 2400 jours, soit 6 ans et demi, sans que se
relâche un seul jour la pression sur la volonté de l’adolescent. Ces 150 calories, il ne les
obtiendra pas en défaut en courant ou en faisant du vélo, de la gymnastique quotidienne, ni
de la piscine où il a honte de se montrer en maillot de bain. Ni en se privant de manger dans
les conditions de la vie quotidienne, à moins de l’enfermer dans des établissements «
spécialisés » où la perte de poids est réelle et importante mais ne résiste jamais au retour à la
vie familiale.
Chez les sujets de plus de 12 ans, les études randomisées testant le régime montrent une
baisse de l’IMC de 2 kg après 1 an (résultat déjà obtenu après 6 mois). Les résultats chez les
enfants de moins de 12 ans sont plus médiocres encore [4].
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Les données de la littérature, comme l’expérience de tous, indiquent qu’un enfant qui
dépasse 70 kg à l’âge de 12 ans, et qui prend plus de 7 kg/an n’a quasiment aucune chance
réelle de limiter significativement sa prise de poids excessive au cours de l’adolescence. Ce
poids de 70 kg à 12 ans, filles comme garçons, devrait sonner l’alarme de l’inefficacité
médicale, pour tous les pédiatres réalistes et honnêtes. Pendant la puberté, l’adolescent peut
prendre facilement 20 à 40 kg : par simple prolongation de la courbe on le retrouvera à 100
kg à 16 ans et il dépassera souvent largement 120-140 kg à l’âge adulte.
Dans la base de données de notre service, une file active de 2000 patients qui bénéficient
d’une prise en charge de l’obésité selon les recommandations courantes, nous avons tiré au
sort pour réaliser cet exposé 230 patients (89 garçons et 141 filles) dont nous connaissons la
cinétique de croissance staturo-pondérale de la naissance à l’âge de 16 ans. Quarante quatre
garçons (49 %) et 50 filles (35 %) avaient un poids supérieur à 75 kg à 12 ans. Pour ce groupe
d’enfants ayant une obésité sévère, la cinétique de la prise pondérale annuelle entre 8 et 12
ans était en moyenne proche de 10 kg pour les garçons, et de 11 kg pour les filles. Seulement
5 garçons et 1 fille ont stabilisé ou diminué leur IMC. Ces patients conjugueront une obésité
de degré extrême dès l’adolescence avec une durée d’exposition à l’obésité particulièrement
longue, avec un risque majeur de morbidité-mortalité dans le futur [5,6].
Les complications métaboliques liées à l’obésité, peuvent être présentes même à un âge
précoce et dans des contextes d’obésité encore « modérée », comme a été démontré chez une
cohorte européenne de sujets âgés entre 6 et 14 ans : une hypertension artérielle était présente
dans presque 24 % des cas, et seulement 27 % étaient libres de tout désordre métabolique
connu pour être lié à l’obésité (hyperglycémie, hypertension artérielle, dyslipidémie) [7,8].
L’obésité sévère de l’adolescent est également associée à une diminution de la qualité de
vie déjà chez les adolescents les plus jeunes, entre 12 et 14 ans [9] et à une augmentation
significative des conduites à risque (fort tabagisme, consommation d’alcool et de drogues,
dépressions et attitudes suicidaires) [10].
Il nous paraît donc indispensable de faire d’autres propositions que celles en cours en vue
d’une thérapeutique plus active pour l’obésité morbide des adolescents. Depuis maintenant
plus de 2 ans le service est investi dans une approche médico-chirurgicale pour ce problème
majeur de santé publique.
Cette décision repose sur de solides études menées chez l’adulte, où la chirurgie bariatrique
est utilisée depuis longtemps dans les obésités sévères (IMC > 35 kg/m2) et morbides (IMC
> 40 kg/m2). Elle y a fait ses preuves, montrant qu’elle diminuait l’IMC, les complications
cardiovasculaires et métaboliques et la mortalité globale. Dans l’étude SOS chez l’adulte, la
perte de l’excès de poids durant les 6 mois de prise en charge hygiéno-diététique était de 0 ±
2 %, alors qu’elle était de 20 ± 10 % dans les deux ans suivant la pose de l’anneau [11].
Dans une méta-analyse parue en 2004, la chirurgie bariatrique (anneau gastrique ou bypass) entraînait une amélioration de l’intolérance au glucose, de la dyslipidémie, de
l’hypertension et des apnées du sommeil [12].
Dans ce contexte, nous pensons que seule une chirurgie bariatrique pourrait stopper la
prise de poids majeure pendant l’adolescence chez ce type de patients. L’intérêt de cette prise
en charge chirurgicale à court (2 ans) et à moyen (5 et 10 ans) termes est de prévenir les
complications somatiques et psychosociales constantes à l’âge adulte jeune (entre 20 et 30
ans), et d’améliorer la qualité de vie.
Quelques petites, mais encourageantes études pédiatriques ont confirmé que la perte
d’excès de poids suivant la chirurgie bariatrique chez l’adolescent était semblable à celle
publiée chez l’adulte. Dans une méta-analyse récente, la chirurgie bariatrique chez 352
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GRANDE OBESITE : QUEL TRAITEMENT PROPOSER
AUX GRANDES OBESITES DE L'ADOLESCENCE ?
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adolescents obèses âgés de 16 ans en moyenne (9 à 20 ans), et d’IMC moyen initial 45 kg/m2
entraînait une réduction de l’IMC 1 à 2 ans après la pose d’un anneau gastrique ajustable de
12 kg/m2, ce qui équivaut à passer de 120 à 85 kg [13].
Les complications décrites restent très modestes : aucun décès n’a été observé dans les
séries pédiatriques d’anneau gastrique. Les événements indésirables sont un serrage excessif
(vomissements), un glissement de l’anneau, une dilatation gastrique, une migration
intragastrique, une intolérance psychologique à l’anneau, une hernie hiatale, une cholécystite,
une fuite du réservoir. Des problèmes liés à des carences de vitamines et/ou oligoéléments,
sont facilement évitables par une supplémentation systématique avant l’acte chirurgical et
un monitorage attentif par la suite. Dans une étude randomisée chez des adolescents de 14 à
18 ans, le taux de reprise chirurgicale pour réglage de l’anneau a été de 33 %, essentiellement
pour dilatation de la poche en amont de l’anneau [14].
Actuellement, la pose d’un anneau gastrique à un adolescent obèse est envisagée dans des
situations d’échec avéré et/ou de premières complications, en général vers 16-18 ans ; nous
préconisons plutôt ce geste chirurgical simple à un stade plus précoce de l’obésité, lorsque la
prise de poids annuelle est vraiment majeure et conduit le patient, inexorablement, malgré la
prise en charge classique, vers une obésité morbide de la fin de l’adolescence (figure).
Les données provenant d’un groupe pilote de 14 patients pour lesquels on a maintenant
un recul de plus de 12 mois, nous ont donné des résultats très encourageants. Des 12 patients
portant encore leur anneau (2 ont eu leur anneau enlevé pour intolérance psychologique en
un cas et pour glissement de l’anneau pour l’autre), tous sauf un ont eu une perte de poids
significative. Le poids moyen au moment de l’intervention chirurgicale était de 106 kg à l’âge
de 15,8 ans : il est devenu 87,5 kg après 12 mois, avec une diminution de l’IMC de 39 à 31
kg/m2. Une cholélithiase est apparue après une perte de 18 kg en 6 mois et deux patientes
ont nécessité un desserrage de l’anneau à cause d’une dilatation de la poche gastrique, liée à
un comportement boulimique [15].
Dernièrement, la gastrectomie verticale par laparoscopie (sleeve gastrectomy) a été
proposée pour les adolescents, avec des résultats, là aussi, encourageants [16]. Proposée au
début comme une alternative raisonnable à la dérivation gastrique chez l’adulte, parce qu’elle
ne comporte pas de risque de complication de malabsorption, nous la préconisons maintenant
dans les obésités les plus graves et évolutives de l’adolescence, d’autant plus qu’elle ne
compromet pas la possibilité d’un éventuel acte chirurgical ultérieur. La gastrectomie verticale
semble destinée à supplanter l’anneau gastrique dans la chirurgie bariatrique de l’adolescent
[17].
La chirurgie bariatrique n'est autorisée, à l'heure actuelle, que chez l'adulte atteint d'obésité
extrême. Chez l'enfant, elle n'est possible que par dérogation, réservée en pratique au milieu
hospitalier. Ce n’est pas un traitement idéal, mais il limite la prise alimentaire et est le seul à
avoir montré son efficacité à court et moyen terme. Lorsque ces enfants perdent 40 kg, on
leur ouvre un horizon complètement nouveau qu'ils ne s'autorisaient plus à envisager et qui
peut contribuer à déterminer l'adulte qu'ils seront.
AUTEURS :
G. De Filippo1, I. Gueourguieva2, G. Pourcher3, N. Khen-Dunlop4, Y. Révillon4, P. Bougnères1
1
Service d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
2
Service d’Endocrinologie Pédiatrique, CHRU de Lille, Hôpital Jeanne de Flandre
3
Service de Chirurgie Digestive Minimale Invasive, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart
4
Service de Chirurgie Pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
G. De Filippo - gianpaolo.defilippo@bct.aphp.fr
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G. DE FILIPPO, I. GUEOURGUIEVA, G. POURCHER, N. KHEN-DUNLOP,
Y. REVILLON, P. BOUGNERES
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371
LE REMPLACEMENT DU CARYOTYPE
PAR LA CGH ARRAY POUR LE DIAGNOSTIC
DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES EN
PATHOLOGIE CONSTITUTIONNELLE
PAR
V. MALAN, S. ROMANA
INTRODUCTION
Le développement récent de la technique de CGH array (ou l’hybridation génomique
comparative sur réseau d’ADN) a conduit à un changement important de la pratique de la
cytogénétique médicale. En effet, son pouvoir de résolution est 10 à 1000 fois supérieur à
celui du caryotype qui est resté pendant près de 50 ans le seul examen permettant une étude
globale du génome. Actuellement, la CGH array ou l’hybridation génomique comparative
sur réseau d’ADN a supplanté le caryotype en doublant le nombre d’anomalies
chromosomiques décelées chez les patients avec une déficience intellectuelle et/ou des
malformations congénitales (DI et/ou MC). De plus, la taille d’un segment chromosomique
remanié peut être déterminée avec précision ce qui permet de connaître son contenu génique
et d’établir des corrélations phénotype-génotype fines. La détection d’une perte ou d’un gain
de matériel chromosomique chez des patients présentant une DI et/ou MC mais aussi chez
des patients avec des pathologies neuropsychiatriques permet dans certains cas d’identifier
le(s) gène(s) impliqué(s). Avec l’avènement de cette technique, le cytogénéticien devient un
« interniste » de la pathologie génomique.
PRINCIPE DE LA TECHNIQUE DE CGH ARRAY
Le principe de la technique de CGH array consiste à cohybrider la même quantité d’ADN
d’un patient et d’un témoin, marqué chacun par un fluorochrome différent, sur une lame de
verre sur laquelle sont fixées des séquences d’ADN (appelées sondes). L’ensemble du dispositif
s’appelle «puce à ADN» ou microarray. Après avoir hybridé les deux ADN sur la puce à
ADN, un rapport de fluorescence est calculé au niveau de chaque fragment d’ADN fixé. Un
traitement statistique des données est ensuite réalisé grâce à des logiciels dédiés et les résultats
sont donnés sous forme de représentation graphique. L’existence d’un gain ou d’une perte
d’un segment génomique du patient sera détectée par une variation du rapport d’intensité
de fluorescence au-delà d’un seuil déterminé. La technique de CGH array peut être réalisée
à partir de cellules non cultivées (leucocytes, cellules amniotiques..). L’ensemble du processus
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372
V. MALAN, S. ROMANA
a une durée d’environ 72 h. La résolution de la puce (c’est-à-dire sa capacité à détecter un
déséquilibre génomique) dépend du nombre de sondes et de leur localisation sur le génome.
Grâce au séquençage humain, il a été possible de fixer ou de synthétiser directement sur des
lames des séquences d’ADN de taille variable dont on connaît la localisation sur le génome
avec précision. De nombreux types de puces sont aujourd’hui commercialisés. Les plus
utilisées sont les puces dites à oligonucléotides. Certaines contiennent des oligonucléotides
de 60 bases environ qui sont régulièrement espacées sur le génome (on les appelle puces
pangénomiques). Le nombre d’oligonucléotides couvrant l’ensemble du génome varie de
quelques dizaines de milliers à quelques millions. Ainsi, certaines puces offrent une résolution
de quelques centaines de paires de bases (pour rappel, la taille moyenne d’un gène est
d’environ 30 000 paires de base et le génome contient 3 milliards de paires de bases). D’autres
puces sont dites ciblées car elles contiennent principalement des séquences d’ADN qui
correspondent à des régions particulières du génome (régions subtélomériques, région
péricentromériques, régions correspondant à des syndromes génétiques connus …). Enfin,
d’autres sont un combiné de puces ciblées et pangénomiques.
Les déséquilibres génomiques détectés par CGH array sont appelés CNVs (Copy Number
Variants), un terme introduit avec l’apparition de cette nouvelle technique. Ils correspondent
donc à des variations quantitatives du génome d’un individu en comparaison avec un génome
de référence diploïde. Les CNVs ont une taille d’un kilobase (1 Kb) à plusieurs mégabases
(une mégabase = 1 Mb = un million de paires de bases) et correspondent à des délétions,
duplications ou remaniements complexes.
Par ailleurs, d’autres types de puces dites « à SNPs » ont été développés. Ce sont des
puces qui comprennent des oligonucléotides contenant des Single Nucléotides Polymorphisms
ou SNPs. Ces SNPs sont des variations portant sur une seule paire de base et survenant tous
les 100 à 1000 paires de bases (il y en a environ 10 millions dans le génome humain). Ces
puces utilisées à l'origine à des fins d’haplotypage et d’analyse de liaison peuvent renseigner
aussi sur les variations de nombre de copies d’ADN aux loci étudiés. L’avantage de ces puces
SNPs est de pouvoir détecter les situations d’isodisomie uniparentale et de déterminer
l’origine parentale d’un remaniement. En France, le terme d’Analyse Chromosomique sur
Puce à ADN (ACPA) a été choisi par le réseau français « AChro-Puce » pour désigner aussi
bien les techniques de CGH array que les techniques de SNP (http://www.renapa.univmontp1.fr/). La CGH array offre l’avantage d’être un examen automatisable permettant une
meilleure fiabilité, reproductibilité des résultats ainsi qu’une étude d’un plus grand nombre
de patients. Cette technique a cependant des limites car elle ne détecte pas les remaniements
chromosomiques équilibrés c'est-à-dire sans perte ni gain de matériel chromosomique (tels
que les translocations ou les inversions) ni les anomalies chromosomiques en faible mosaïque
(inférieur à 10-20 %). Une étude récente a montré qu’une translocation ou inversion de novo
équilibrée ne serait pas détectée dans environ 0,23 % des cas.
L’EXPLORATION PAR CGH ARRAY DES PATIENTS PRESENTANT
UNE DEFICIENCE INTELLECTUELLE ET/OU DES MALFORMATIONS
CONGENITALES
Depuis 2005, de nombreuses études ont montré que la CGH array permettait de détecter
10 à 15 % de déséquilibres génomiques non visibles sur le caryotype chez les patients avec
une DI et/ou MC. Ainsi, l’étude globale du génome par caryotype puis par CGH array décèle
environ 20-30 % d’anomalies considérées comme causales chez ces patients. La plupart des
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LE REMPLACEMENT DU CARYOTYPE PAR LA CGH ARRAY POUR LE DIAGNOSTIC
DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES EN PATHOLOGIE CONSTITUTIONNELLE
373
anomalies détectées par CGH array sont dispersées au sein du génome et ne sont pas
récurrentes. Par ailleurs, l’utilisation élargie de la CGH array à d’autres indications a révélé
des anomalies associées à des maladies neuropsychiatriques telles que les troubles autistiques,
la schizophrénie, les troubles bipolaires ou l’épilepsie isolée. Dans ces pathologies, il existe
une très grande variabilité phénotypique intra- et interfamiliale associée à une pénétrance
incomplète (tous les individus porteurs du CNV ne développent pas la symptomatologie).
Ainsi, les indications de la CGH array dépassent aujourd’hui celles du caryotype. Elles
concernent en plus des patients présentant une DI et/ou MC, ceux ayant des troubles
neuropsychiatriques mais aussi dans certains cas, des anomalies cardiaques, rénales,
squelettiques ou autres isolées.
La caractérisation au niveau moléculaire des anomalies chromosomiques dans le but
d’établir des corrélations phénotype-génotype c'est-à-dire des corrélations entre la position
physique des réarrangements chromosomiques et les manifestations cliniques a été rendue
possible par le pouvoir de résolution de la CGH array. Du fait de la connaissance du contenu
en gènes du segment remanié, le cytogénéticien peut rechercher le(s) gène(s) potentiellement
impliqué(s) dans le phénotype. Par ailleurs, la comparaison d’anomalies chevauchantes chez
plusieurs patients permet d’identifier des régions et/ou des gènes contribuant à un signe
clinique spécifique voire à l’ensemble des symptômes du syndrome. Par exemple, l’étude par
CGH array de 151 patients porteurs d’une délétion 18q a permis de définir des régions
minimales délétées impliquées dans la survenue des malformations rénales, des anomalies de
la myélinisation cérébrale, du défaut de réponse à l’hormone de croissance et de l’atrésie des
conduits auditifs externes. Très récemment, le gène (TSHZ1) responsable de cette dernière
malformation a pu être identifié par cette même approche.
La recherche systématique d’anomalies chromosomiques cryptiques chez les patients
présentant une DI et/ou MC a été à l’origine, par l’analyse rétrospective des patients, de la
description de nouveaux syndromes associés à des microdélétions ou microduplications.
Classiquement, les syndromes ont été initialement décrits cliniquement et les bases génétiques
n’ont été découvertes que secondairement. La CGH array permet un processus inverse où
l’indentification de l’anomalie chromosomique précède la description phénotypique. Ainsi,
la CGH array permet d’aller du génotype au phénotype. De nombreux syndromes ont été
ainsi décrits cliniquement comme la délétion 17q21.31.
LE PROBLEME D’INTERPRETATION DES CNVS
L’impact clinique d’un CNV identifié peut parfois être difficile à déterminer. La
technologie a devancé les progrès concernant l’interprétation des données générées. On
distingue schématiquement 4 types de CNVs : les CNVs pathogènes, les CNV prédisposant
à des pathologies, les CNVs bénins et les CNVs de signification inconnue.
Certains CNVs sont clairement pathogènes comme la délétion 17q21.3 ou la délétion
15q11q13 car associés à des pathologies connues. La majorité des CNVs pathogènes à
l’origine le plus souvent d’une DI et/ou MC ne sont pas récurrents et sont dispersés dans le
génome. Il s’agit habituellement d’une délétion, survenant de novo et dont la taille est
supérieure à 400 kb. Le phénotype est d’autant plus sévère que la taille du déséquilibre
génomique est grande et contient de nombreux gènes. A partir d’environ 1.5 Mb, un CNV
est pratiquement toujours délétère pour l’individu porteur.
Il existe aussi des CNVs qui prédisposent à la survenue de pathologies constituant ainsi
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374
V. MALAN, S. ROMANA
un facteur de risque plus ou moins important selon le CNV impliqué. Des études cas - témoins ont montré que ce type de CNVs était associé de façon significative à une pathologie.
Néanmoins, ils peuvent être retrouvés chez des individus sains ou des parents sains d’enfants
atteints. C’est par exemple le cas de la délétion 16p11.2 qui est associée à des troubles autistiques. Dans ces situations, le conseil génétique est difficile car la prédiction du phénotype
s’avère impossible.
D’autres CNVs sont considérés comme bénins. Ils sont retrouvés chez des individus normaux. Ce sont de segments d’ADN d’une taille de 1 kb à plus de 300 kb pouvant contenir
de nombreux gènes et qui sont répétés de une à des dizaines de fois en tandem dans le génome.
Des études récentes ont permis d’établir une carte de 11 700 CNVs bénins. Certains de ces
CNVs sont associés à des maladies multifactorielles fréquentes (comme le lupus) ou sont le
témoin de l’adaptation humaine à l’environnement.
Enfin, il existe aussi des CNVs qui soulèvent des difficultés d’interprétation car il existe
une incertitude quant à leur pathogénicité. Ces CNVs sont appelés VOUS (Variation Of
Uncertain Significance ou variation de signification incertaine). Ces CNVs correspondent
souvent à une duplication (70 % des cas), d’une taille de moins 700 kb et sont plus fréquemment retrouvés chez l’un des parents.
Du fait de la difficulté d’interprétation de certains CNVs ou de la possible détection d’un
CNV ayant un impact médical sans lien avec l’indication initiale, il est important de souligner
qu’une information claire doit être fournie aux parents. Le recueil d’un consentement spécifique en vue de la réalisation de cette analyse est nécessaire.
NECESSITE DE CONFIRMER PAR FISH (FLUORESCENCE IN SITU
HYBRIDIZATION) UN CNV IDENTIFIE PAR CGH ARRAY
L’identification d’un déséquilibre génomique par CGH array nécessite obligatoirement
l’utilisation d’une technique indépendante pour confirmer l’anomalie d’une part (bien que
le nombre de faux positif soit devenu très faible avec les puces à oligonucléotides) et d’autre
part pour déterminer le mécanisme sous-jacent du remaniement. La FISH (Fluorescence In
Situ Hybridization) est la technique de choix car elle renseigne sur la localisation physique
du segment remanié. Par exemple, un gain de matériel chromosomique peut être la conséquence d’une duplication au locus de la région concernée (sur le même chromosome) ou de
la présence de cette région sur un autre chromosome (dérivé d’insertion ou de translocation).
Seul un examen FISH à l’aide d’une sonde spécifique de la région impliquée permettra de
comprendre le mécanisme sous-tendant l’anomalie.
Une étude par FISH des parents sera aussi réalisée pour déterminer le caractère de novo
ou hérité de l’anomalie. Par exemple, en cas de perte de matériel chromosomique, il peut
s’agir d’une simple délétion « accidentelle » ou d’un dérivé d’insertion hérité d’un parent.
L’étude par FISH des parents est donc indispensable pour le conseil génétique. En effet, le
risque de récurrence est élevé s’il existe un remaniement parental équilibré alors qu’il est très
faible si l’anomalie est survenue de novo. Par ailleurs, l’étude par FISH des parents s’avère
aussi utile pour déterminer le caractère pathogène ou non de certains déséquilibres génomiques.
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LE REMPLACEMENT DU CARYOTYPE PAR LA CGH ARRAY POUR LE DIAGNOSTIC
DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES EN PATHOLOGIE CONSTITUTIONNELLE
375
CARYOTYPE OU CGH ARRAY EN PREMIERE INTENTION ?
Depuis 2007, la CGH array s’est largement imposée en France pour explorer les patients
avec une DI et/ou MC grâce au soutien financier de la Direction Générale de l’Offre de Soin
(DGOS). Cette technique est actuellement disponible dans 44 centres répartis sur l’ensemble
du territoire national. Ces centres sont organisés en un réseau dénommé « AChro-Puce »
(http://www.renapa.univ-montp1.fr/). Compte tenu du pouvoir de résolution de la CGH
array comparé à celui du caryotype, de sa robustesse technique et de la possibilité d’une automatisation totale des techniques, le passage à la CGH array en première intention est une
question posée et à résoudre dans les plus bref délais. Actuellement, très peu de centres en
France proposent cet examen d’analyse globale du génome en première intention contrairement à de nombreux pays européens. La CGH array est aujourd’hui hors nomenclature ce
qui constitue un frein pour de nombreux laboratoires. Une discussion avec l’agence de la biomédecine et la CNAM sur ce sujet est nécessaire.
CONCLUSION
La technique de CGH array, s'affranchissant d'une analyse morphologique des chromosomes, offre l’avantage d’être un examen automatisable permettant une meilleure fiabilité,
reproductibilité des résultats ainsi qu’une étude d’un plus grand nombre de patients. Elle
permet non seulement de détecter les anomalies chromosomiques déséquilibrées détectées
par le caryotype mais aussi celles qui sont cryptiques. Tous ces éléments conduisent les cytogénéticiens a remplacé le caryotype par la CGH array comme examen de première intention
pour l’étude globale du génome chez les patients présentant une DI et/ou MC, des troubles
envahissants du développement et des troubles neurologiques comme l’épilepsie.
AUTEURS
V. Malan, S. Romana
Service de Cytogénétique, Université Paris Descartes, Hôpital Necker-Enfants Malades
149 rue de sèvres, 75015 Paris
AUTEUR CORRESPONDANT :
V. Malan - valerie.malan@nck.aphp.fr
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377
VARIABILITé DE LA RéPONSE IMMUNITAIRE INNéE,
RéCEPTEURS DE TYPE TOLL ET INFECTIONS
par
J. TOUBIANA, A-L. ROSSI, D. GRIMALDI, J-P MIRA, J-D CHICHE
INTRODUCTION
Avec plus de 50000 décès par an et une importante morbidité associée, les infections
graves constituent un réel problème de santé publique. Elles représentent des syndromes
complexes et variables selon le pathogène, l’organe cible et le patrimoine génétique de l’hôte.
L’expression phénotypique va dépendre de la réponse immunitaire innée, première ligne de
défense contre les pathogènes, et de l’induction secondaire d’une immunité adaptative. Des
mécanismes complexes de reconnaissance, de signalisation pro- et anti-inflammatoire et de
régulation vont organiser cette réponse immune innée visant à éradiquer le pathogène. La
découverte des récepteurs de type Toll (TLRs) constitue une avancée majeure dans la
compréhension de la physiopathologie des infections graves [1]. Chaque membre de cette
famille est impliqué dans la détection d’un ou plusieurs « marqueurs moléculaires des
pathogènes » (LPS, lipoprotéines…). L’initiation et l’organisation de la réponse immunitaire
innée nécessite la coopération entre différents TLRs et la formation de complexes
multimoléculaires qui déterminent une réponse spécifique et adaptée au pathogène [1]. Cette
mise en œuvre coordonnée de l’immunité peut cependant être déséquilibrée par la perte de
régulation précise ou de facteurs génétiques influençant les molécules de signalisation. Ce
déséquilibre peut aboutir à un défaut d’éradication du pathogène, ou à une exacerbation de
la réponse inflammatoire engageant des lésions tissulaires sévères. La variabilité de la réponse
immunitaire après engagement des TLRs est aujourd’hui abordée par différentes techniques
innovantes et complémentaires de génomique et de protéomique intégrant les différentes
composantes de la relation hôte-pathogène.
IMMUNITE INNEE : LES RÉCEPTEURS DE L’IMMUNITÉ INNÉE
Après les barrières cutanée et muqueuse, l’immunité innée représente la première ligne
de défense contre les infections. Elle est responsable d’une réponse inflammatoire rapide,
quasi immédiate, dans le but d’éradiquer le pathogène, de limiter les lésions tissulaires et
d’initier et orienter la réponse immunitaire adaptative. L’étape clé de la réponse immunitaire
innée est constituée par la reconnaissance de déterminants moléculaires très conservés
exprimés par les pathogènes (Pathogen-Associated Molecular Patterns, PAMPs) par des
récepteurs spécifiques (Pattern-Recognition Receptors, PRRs) [2]. Essentiels à la survie des
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378
J. TOUBIANA, A-L. ROSSI, D. GRIMALDI, J-P MIRA, J-D CHICHE
pathogènes, les PAMPs sont retrouvés sur la paroi des bactéries Gram positif et Gram négatif,
des mycobactéries des virus ou bien des champignons.
La reconnaissance des différents pathogènes constitue l’un des aspects essentiels de la
réponse innée. Il existe plusieurs types de récepteurs de reconnaissance selon leur localisation
: i) les récepteurs solubles et récepteurs solubles opsonisant comme le complément, la famille
des lectines (protéines du surfactant, Mannose Binding Lectin), ii) les récepteurs
cytoplasmiques tels que les Nod Like Receptors (NODs) qui reconnaissent des produits
dérivés de la paroi des bactéries Gram négatif (NOD1) ou le Muramyl Dipeptide (NOD2),
et les RIG-1-like receptors (RLRs) qui reconnaissent les ARN viraux ; et enfin iii) les
récepteurs membranaires.
Parmi les récepteurs membranaires, les TLRs sont exprimés par les PNN, monocytes,
macrophages, les cellules dendritiques et par les cellules épithéliales naturellement en contact
avec des pathogènes. Les TLRs jouent un rôle majeur dans l’initiation de la réponse immune
innée à l’infection, mais également dans l’organisation et l’orientation de la réponse
immunitaire adaptative en favorisant l’interaction entre les cellules présentatrices d’antigènes
et les lymphocytes T [3]. De manière plus inattendue, des travaux récents impliquent les
TLRs dans les processus inflammatoires non directement infectieux comme le cancer,
l’athérosclérose ou les maladies auto-immunes [4].
Les TLRs font partie de la grande famille du récepteur de l’interleukine 1 (IL1-R). Ce
sont des protéines transmembranaires dont la région C-terminale cytoplasmique comporte
un domaine très homologue à celui de l’IL1-R, appelé domaine TIR et qui est indispensable
à l’initiation de la signalisation cellulaire. La partie extracellulaire des TLRs est constituée
par la répétition de motifs riches en leucine impliqués dans la reconnaissance du ligand. Cette
reconnaissance implique aussi d’autres récepteurs ou molécules co-activatrices tels que LBP
(LPS-Binding Protein), CD14, CD36 et MD-2 [5].
à ce jour, 13 récepteurs TLRs ont été identifiés chez les mammifères, dont 10 chez
l’homme. Les ligands de TLR1-9 ont été identifiés, alors que les fonctions de TLR10
demeurent imparfaitement comprises. Les TLRs sont doués d’une certaine spécificité et sont
capables de reconnaître un large éventail de pathogènes (Tableau 1). Les PAMPs reconnus
par les TLRs incluent les lipoprotéines et les lipopeptides di- et tri-acétylés bactériens ainsi
que de nombreuses protéines et acides nucléiques issus d’une large variété de microbes
(bactéries, virus, parasites et champignons) [6].
JPP 2012 04 09_Mise en page 1 11/09/2012 23:39 Page 379
VARIABILITÉ DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE INNÉE, RÉCEPTEURS DE TYPE TOLL ET INFECTIONS 379
Tableau 1. Reconnaissance des PAMPs par les TLRs
Récepteur
TLR1
TLR2
TLR3
TLR4
TLR5
TLR6
TLR7
TLR8
TLR9
TLR10
Motif moléculaire
Triacyl lipopeptides
Lipoprotéines
Acide lipoteichoïque
Lipoarabinomannane
Glycolipides
Zymosan
Protéines virales
LPS "atypique"
dsRNA (ARN double-brin)
LPS "classique"
Flagelline
Acide lipoteichoique
Diacyl lipopeptides
ssRNA (ARN simple-brin)
ssRNA (ARN simple-brin)
ADN (CpG non méthylés)
?
Pathogène
Bactéries, Mycobactéries
Bactéries
Bactéries à Gram positif
Mycobactéries
Spirochètes
Levures
Herpes simplex virus
Porphyromonas gingivalis
Virus
Bactéries à Gram négatif
Bactéries flagellées (S. typhimurium,
P. aeruginosa, L . pneumophila)
Bactéries à Gram positif
Mycoplasmes
Virus
Virus
Bactéries, virus, Mycobacterium tuberculosis
?
La localisation cellulaire de ces récepteurs est adaptée à leur spécificité. Les récepteurs
TLR1, TLR2, TLR6, TLR4 et TLR5 sont exprimés à la surface des cellules et détectent
majoritairement des composants membranaires des pathogènes comme les lipides,
lipoprotéines et protéines. En revanche, les TLRs reconnaissant les acides nucléiques (TLR3,
7, 8 et 9) sont localisés au niveau des compartiments intracellulaires où sont présents les acides
nucléiques microbiens après endocytose, mais où sont normalement absents les acides
nucléiques de l’hôte.
La dimérisation des récepteurs (Homo- ou hétérodimérisation) est nécessaire à la
reconnaissance des différents ligands. La capacité de TLR2 à s’hétérodimériser semble lui
donner la particularité de reconnaître un grand répertoire de PAMPs bactériens, fungiques,
parasitaires et viraux [6]. TLR2 reconnaît en effet les lipopeptides, l’acide lipotéichoïque et
le peptidoglycane bactérien, le lipoarabinomanane des mycobactéries, le zymosan fongique,
la mucine-tGPI de Trypanosma cruzei et l’hemaglutinine du virus de la rougeole.
Hormis les constituants microbiens, les TLRs peuvent répondre à divers signaux de
danger produits lors de processus inflammatoires et de dommages tissulaires. Les récepteurs
TLR2 et TLR4 peuvent ainsi reconnaître des alarmines comme HMGB1 (High-mobility
group box 1), des protéines de type heat-shock, des fragments d’acide hyaluronique ou des
composants relargués en réponse à une inflammation ou à la mort cellulaire [7]. Ces médiateurs
endogènes de danger sont capables d’activer le système immunitaire en l’absence d’infection
et d’induire un syndrome inflammatoire systémique. Au cours de l’infection, ces signaux de
danger agissent sur le système immunitaire de façon synergique avec les dérivés bactériens pour
contrôler, amplifier, prolonger la réponse immunitaire induite par les PAMPs [8].
Signalisation des TLRs. Les TLRs sont des récepteurs transmembranaires qui activent des
voies de signalisation complexes aboutissant à l’engagement des facteurs de transcription NF-kB
(Nuclear Factor kappa B), AP-1 (activator protein 1) et les IRFs (interferon regulatory factors)
[1]. Ces facteurs de transcription contrôlent l’expression de nombreux gènes impliqués dans
l’inflammation et l’immunité. Ils induisent notamment l’expression de molécules impliquées
dans le recrutement et l’activation cellulaires au site de l’infection, notamment des cytokines
(TNFa, IL1, IL6, IL10, IL12, IFN), chémokines (IL8, MCP-1, MIP-1a, MIP-1b, RANTES)
ou des molécules d’adhésion (VCAM, ICAM, P-selectin). L’expression des molécules du
Complexe Moléculaire d’Histocompatibilité est également sous la dépendance de NF-kB.
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Il existe schématiquement deux voies de signalisation respectivement dépendantes des
protéines adaptatrices MyD88 et TRIF et qui contrôlent des fonctions cellulaires différentes
(Figure 1). La voie dépendante de MyD88 est commune à tous les TLRs à l’exception de
TLR3, et aboutit à l’activation des facteurs de transcription NF-κB et AP-1 par
l’intermédiaire des kinases IRAK1 et IRAK4. La voie de signalisation dépendante de TRIF
est utilisée par TLR3 et TLR4 pour aboutir à l’activation d’IRF-3 et à une activation retardée
de NF-κB. La production de la plupart des cytokines est dépendante de MyD88 alors que la
production d’Interféron β est sous la dépendance de TRIF.
Par ailleurs, une voie parallèle à la voie dépendante de MyD88 est nécessaire à l’activation
de NF-kB après stimulation de TLR2 [9, 10]. Cette seconde voie, initiée par l’activation de
la RhoGTPase Rac1, stimule la phosphatidylinositol-3 kinase (PI3-K) et conduit à la
phosphorylation de la sous-unité p65 de NF-kB. Le blocage de cette voie inhibe totalement
l’activation de NF-kB suite à la reconnaissance microbienne par TLR2.
Figure 1. Signalisation des récepteurs de type Toll (TLRs). Après stimulation par son ligand spécifique, les
TLRs (ici TLR4) vont engager une voie de signalisation dépendante de MyD88 (commune à tous les TLRs sauf
TLR3) qui aboutit à l’activation de NF-κB. Par ailleurs, TLR4 et TLR3 engagent une voie de signalisation dépendante de TRIF entraînant l’activation des gènes de la famille des IFNs. L’activation de la voie de signalisation passant
par MyD88 permet le recrutement des IRAKs et l’activation secondaire de TRAF6 puis de TAK1 et des TABs. La
phosphorylation de TAK1 va activer les MAP kinases, et la dégradation de IκB qui permet ainsi la translocation
nucléaire de NF-κB. La voie indépendante de MyD88 engage TRIF et TRAF3 afin d’activer IRF-3. Mal et TRAM
sont 2 molécules adaptatrices nouvellement identifiées, essentielles à l’activation de la voie MyD88 et TRIF respectivement. D’après Mogensen, Clin Microbiol Rev 2009
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VARIABILITÉ DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE INNÉE, RÉCEPTEURS DE TYPE TOLL ET INFECTIONS 381
VARIABILITE DE LA REPONSE IMMUNITAIRE INNEE REGULATION MOLECULAIRE DES TLRs
La réponse immunitaire innée résulte de l’engagement d’une multitude de voies de
signalisation par des motifs microbiens et signaux de danger. Ces voies interagissent entre
elles à différents niveaux et entraînent une régulation complexe, soit activatrice visant à
éradiquer le pathogène, soit inhibitrice afin d’éviter un effet délétère de l’inflammation sur
l’hôte. Les mécanismes de contrôle sont caractérisés par la régulation fine des molécules de
signalisation et de l’expression des gènes de l’inflammation. La régulation des voies de
signalisation des TLRs implique : 1) des molécules solubles, comme le CD14 soluble
(sCD14), LBP (LPS-binding protein) ou MD2 pour TLR4 [11] ; 2) des récepteurs
membranaires potentialisant l’effet des TLRs, comme le récepteur Dectin-1 avec TLR2
après reconnaissance des molécules des parois fongiques, ou bien des récepteurs qui inhibent
l’activité pro-inflammatoire induite par les TLRs comme le récepteur transmembranaire
d’adhésion CEACAM1 engagé par les protéines de surface de N. meningitis [12] ; 3) des
molécules de la signalisation intracellulaire, comme IRAKM et TOLLIP qui altèrent la
formation des complexes d’activation après engagement des TLRs, ou des protéines
kinases/phosphatases modifiant le profil de phosphorylation des TLRs et des protéines d’aval,
véritables interrupteurs de la réponse immunitaire [13] ; et enfin 4) des facteurs de
transcription et facteurs épigénétiques jouant sur les profils d’expression des gènes pro- ou
anti-infammatoires [14].
VARIABILITÉ DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE INNÉE GÉNÉTIQUE HUMAINE
La reconnaissance du pathogène par les récepteurs de reconnaissance permet de mettre
en place une réponse immunitaire innée permettant l’éradication du pathogène. En revanche,
une réponse inflammatoire incontrôlée peut aboutir à la constitution de lésions tissulaires et
à l’apparition d’un état de choc et de défaillances d’organes [15]. Des facteurs peuvent
perturber l’équilibre d’une réponse appropriée en influençant la fonction des molécules de
reconnaissance du pathogène ou des molécules impliquées dans la régulation des mécanismes
d’activation des voies de signalisation de l’immunité. Ces facteurs vont déterminer le
phénotype infectieux. En dehors des cas particuliers et rares où existe une virulence
particulière du pathogène qui atteint uniformément toute une population, la grande
variabilité d’expression clinique observée au cours des maladies infectieuses suggère fortement
le rôle de facteurs constitutionnels liés à l’hôte qui pourraient expliquer l’apparente inégalité
existante face au risque infectieux. Cette variabilité concerne aussi bien le risque de développer
l’infection (facteurs de susceptibilité : seuls certains individus vont développer l’infection
ou seront résistants à cette pathologie malgré l’exposition au micro-organisme), que le niveau
de sévérité de la maladie infectieuse.
Une équipe scandinave a réussi à analyser l’influence respective des facteurs génétiques
et celle des facteurs environnementaux dans le risque de mortalité par infection [16]. Sorensen
et al. ont comparé l’incidence de décès par infection chez 960 enfants danois adoptés, chez
leurs parents adoptifs et chez leurs parents biologiques. Ils ont montré que le risque relatif de
décès par infection d'un individu était 5,8 fois supérieur si un de ses parents biologiques était
décédé d’une maladie infectieuse avant l’âge de 50 ans, alors que ce risque pour l’enfant
adopté n’était pas augmenté lorsqu’un de ses parents adoptifs était mort d’une infection,
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concluant à la primauté des facteurs génétiques par rapport aux facteurs environnementaux.
Le rôle des facteurs génétiques de prédisposition aux infections a initialement été mis en
évidence par l’étude des déficits immunitaires héréditaires, définis comme une atteinte
monogénique affectant le système de défense de l’hôte. Ces déficits sont en général rares, et
l’on retrouve souvent un terrain de consanguinité. Le premier déficit immunitaire héréditaire
« classique » fut décrit par Ogden Bruton en 1952, et correspond à une atteinte récessive
du gène Btk situé sur le chromosome X. Depuis, plus de 200 phénotypes ont été observés
conduisant à la caractérisation d’une centaine de mutations génétiques, et depuis une dizaine
d’années, des maladies génétiques d’expression mendélienne touchant la voie des récepteurs
TLRs ont été identifiées [17].
Récemment, un certain nombre d’études se sont intéressées aux facteurs génétiques «
non mendéliens » dans la susceptibilité aux infections. En effet, la majorité des infections
font en effet partie des pathologies multifactorielles, déterminées par l’interaction de facteurs
génétiques et environnementaux. Ces maladies sont en général caractérisées par leur
hétérogénéité phénotypique et leur complexité physiopathologique. Les facteurs génétiques
impliqués dans ces pathologies ne sont ni nécessaires ni suffisants à leur survenue, mais
constituent des facteurs de risque ou de gravité. Les infections sévères, au même titre que
l’asthme, l’hypertension artérielle et le diabète, peuvent relever de ce type de déterminisme
génétique qui est secondaire à la présence de polymorphismes génétiques, c’est-à-dire une
variation de séquence du génome dont la fréquence est supérieure à 1 % dans la population
générale. Parmi ces polymorphismes, les SNPs (pour Single Nucleotide Polymorphism) sont
des variations isolées de la séquence d’ADN dues à la substitution d’un nucléotide.
L’initiation en 2002 du projet HapMap dont l’objectif est la construction d’une base de
données permettant de définir les SNPs les plus représentatifs des haplotypes humains, a
permis d’estimer à plus de 10 millions le nombre de SNPs existant dans le génome humain
et il existe plus de 3 millions de variations de type insertion délétion. Les SNPs sont localisés
sur l’ensemble du génome, aussi bien dans les séquences intergéniques que dans les exons. Ils
sont dits SNPs « fonctionnels » ou « non synonymes » s’ils changent la fonction ou la
quantité de la protéine.
De nombreuses études d’association génétique ont été conduites chez l’homme à la
recherche de polymorphismes génétiques influençant la survenue et/ou la sévérité des
infections. Parmi eux, les polymorphismes situés dans des gènes codant pour les protéines
importantes pour la reconnaissance des pathogènes dont le récepteur TLR, des protéines de
l’inflammation ou de la coagulation sont des candidats fréquemment étudiés. Ces études se
heurtent cependant aux critères de qualité requis pour une étude d’association et nécessitent
une validation par la répétition des résultats. Deux études ont trouvé une corrélation entre
les variants Asp299Gly et Thr399Ile de TLR4, entraînant une diminution de la réponse au
LPS, et une susceptibilité aux infections à bactérie Gram négatif [18] ; le SNP Asp299Gly
semble associé à une prédisposition aux infections à méningocoque chez les nourrissons [19].
Un polymorphisme de TLR5 au niveau du site de liaison au ligand (392STOP) altère la
signalisation après stimulation par la flagelline et augmente la susceptibilité à la légionnellose,
sans être associé aux infections à Salmonella typhi, autre bactérie flagellée [20]. Le SNP
Arg753Gln, qui empêche la signalisation de TLR2 au niveau de la voie PI3-K – Akt, est
associé à une susceptibilité à la tuberculose. Des variations sur le gène du récepteur TLR1
(TLR1602Ile et TLR2705G) augmentent la réponse inflammatoire et sont associées à une
susceptibilité aux infections à Gram positif et à la gravité clinique de patients septiques [21].
Une nouvelle voie de recherche prometteuse concerne les variants des gènes des protéines
de signalisation conduisant à l’activation du facteur transcriptionnel NF-κB. En effet, ces
protéines sont essentielles à la réponse de l’hôte à l’infection car elles interviennent après la
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reconnaissance des agents pathogènes et sont nécessaires à l’organisation des mécanismes
d’inflammation et de coagulation engagés dans le sepsis. Le variant TIRAP180L, affectant
l’activation de NF-kB après stimulation de TLR2, a un effet protecteur à l’état hétérozygote
contre les infections invasives à pneumocoque, les bactériémies, le paludisme et la tuberculose,
suggérant le rôle délétère de l’inflammation exagérée au cours des infections [22]. Par ailleurs,
il existe association entre la sévérité du choc septique et un variant fonctionnel d’IRAK1
(IRAK1-1595C) [23], ce variant entraînant une hyperactivation de NF-κB suite à la
stimulation de TLR4. Deux variants sur les gènes de IkBa et IkBe, protéines inhibitrices de
NF-kB, ont été associés à un effet protecteur dans le développement des infections invasives
à pneumocoques [24].
Cette stratégie dite « protéine candidate » fondée sur une connaissance préétablie des
molécules impliquées dans les voies de signalisation de l’immunité limite cependant le
nombre de gènes et de polymorphismes susceptibles d’être associés au développement d’une
infection ou à sa sévérité. Les études sur génome entier (Genome wide association studies,
GWA) ouvrent un large répertoire de facteurs génétiques. Les progrès techniques actuels
permettent effectivement de génotyper jusqu’à un million de SNPs en parallèle, et un certain
nombre d’études ont déjà révélé de nouvelles voies de signalisation contribuant au
développement des maladies infectieuses. Une étude récente sur génome entier a retrouvé un
certain nombre de SNPs associés à une susceptibilité aux méningites à méningocoque. Ces
SNPs sont situés sur un locus au niveau de la région génique du facteur H, protéine
indispensable à la régulation du complément [25].
CONCLUSION
L’étude de la reconnaissance des micro-organismes par les TLRs et des mécanismes de
régulation des messages pro- ou anti-inflammatoires permettent de définir de nouvelles cibles
thérapeutiques au cours des infections graves. Il convient néanmoins d’intégrer toute la
complexité des systèmes biologiques qui résultent de la redondance des signaux
inflammatoires, de l’implication de la même molécule sur des réseaux cellulaires différents,
de l’action du même médicament sur des cibles biologiques distinctes et enfin de la variabilité
du patrimoine de l’hôte. Les progrès de la bio-informatique, qui permettent déjà le
développement de technologies d’exploration du génome, du transcriptome ou du protéome,
seront indispensables à la modélisation des interactions qui déterminent aujourd’hui le
phénotype clinique et orienteront demain les stratégies thérapeutiques.
AUTEURS :
J. TOUBIANA1, A-L. ROSSI2, D. GRIMALDI2, J-P MIRA2,3, J-D CHICHE2,3
1
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker Enfants Malades, Université Patis Descartes, APHP
2
Unité Inserm U1016, Biologie Cellulaire et Interaction Hôte Pathogène – Institut Cochin
3
Service de Réanimation polyvalente, Hôpital Cochin, Université Paris Descartes, APHP
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Livre des communications JPP 2012