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N°6
JANVIER-AVRIL 2016
2016 est l’année du singe : elle se matérialise au musée par un
arbre à notre manière ; nos célébrations seront « à la mode de
Corée », le même zodiaque s’appliquant à plusieurs pays d’Asie
nord-orientale.
Il est encore temps, si vous ne l’avez fait, de prendre un itinéraire coréen, entre « Tigres de papier » dévoilant dans l’espace
d’exposition temporaire les délicates richesses de cinq siècles
de peinture coréenne, la « Carte blanche à Lee Bae », méditation noire et blanche, de charbon et de papier, dans la rotonde
du 4e étage, et enfin « Intérieur coréen », à l’hôtel d’Heidelbach,
lieu magnifié, véritablement redécouvert, à l’occasion de cette
exposition.
Au cœur des collections permanentes, le début d’année vous
offre l’occasion d’aborder à un nouveau parcours des arts déco-
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ratifs chinois, aux 2e et 3e étages. Textiles, céramiques, cloisonnés, laques, jades et agates, meubles, s’y conjuguent, du 7e au
21e siècle. Les œuvres de Chu Teh-Chun, grand maître décédé en
2014, y font leur apparition. L’esprit des lieux est vivifié et l’esprit
même de la visite que nous souhaitons vous proposer est revisité, enrichie qu’elle est de supports qui éclairent désormais les
œuvres et leur contexte. Le même dispositif s’étendra au cours
de l’année à l’ensemble de la présentation de la Corée et du
Japon, puis à tout le musée. Vous découvrirez, nous l’espérons,
la profondeur de nos collections et la vivacité d’une institution
qui continue d’enrichir le patrimoine national, du plus ancien au
plus contemporain. Nous sommes fiers de pouvoir ainsi vous
présenter un trésor national : une émouvante et belle verseuse
de porcelaine bleu et blanc, remontant au premier quart du
15e siècle. Son histoire est extraordinaire et vous est détaillée
dans ces pages. Un médaillon « bleu Guimet », au logo du musée, signalera pendant un an les nouvelles acquisitions, rendant
plus tangible notre action. C’est aussi, sur certaines œuvres emblématiques, la vôtre. Sans vous, nous n’aurions pu acquérir une
remarquable armure japonaise de la fin du 17e siècle. Vous avez
été nombreux à nous soutenir malgré des sollicitations toujours
EXPOSITIONS
MUSÉE
NOUVELLES
ACQUISITIONS
ACTUALITÉS
GRÂCE À VOTRE GÉNÉREUX CONCOURS, NOUS AVONS PU RÉUNIR
LA SOMME COMPLÉTANT LES FONDS NÉCESSAIRES À L’ACHAT
D’UNE EXCEPTIONNELLE ARMURE, QUI FERA SON ENTRÉE DANS
LES COLLECTIONS JAPONAISES DU MUSÉE COURANT 2016.
Classée trésor national en 2014, cette mesure prend à la fois en
compte l’historique de la pièce et sa qualité. Or l’armure récemment acquise fut faite pour un membre du clan des Matsudaira ;
elle porte le mon aux trois pétales de mauves dans un cercle,
associé aux Tokugawa, dynastie shogunale qui établit au tout
début du 17e siècle une paix durable dans l’archipel. Matsudaira
est le nom ancien octroyé comme un privilège par les Tokugawa
à des membres de leur famille.
L’armure, dans un état de conservation remarquable, fut le
fleuron d’une des plus importantes collections d’armures japonaises jamais réunies, celle de l’architecte Pierre Gélis-Didot
(1853-1937), dispersée à sa mort, lors d’une seule vente.
À cette provenance s’ajoutent la qualité de la réalisation et l’exceptionnelle préciosité de ses matériaux : bandes de galuchat,
peau de poisson teinte en vert couvrant les fins clous de fixation
sur le pourpoint de métal, cuir estampé et doré européen à motif de pivoines, laque rouge translucide sur feuille d’or apposée
sur le fer du couvre-nuque.
En 1613, la compagnie anglaise des Indes orientales envoya
depuis sa factorerie d’Hirado, à l’ouest de Nagasaki, une expédition commerciale vers le Siam. Les journaux des capitaines
de la compagnie nous apprennent que le but de l’expédition
était de rapporter, entre autres denrées rares, du cuir de daim
et des peaux de poisson et de requin séchées pour orner les
armements. Chacune de ces expéditions supposait une mise de
fonds importante et une prise de risque proche de celle d’une
partie de dés à l’issue possiblement mortelle.
Ce n’est qu’à l’été 1616 que le Sea Adventure put regagner
Hirado avec sa cargaison précieuse. Témoignage de ces périlleux échanges, ce sont bien ici du cuir de daim, du galuchat et
du cuir gaufré européen qui transfigurent notre armure en une
parure somptueuse des temps de paix.
Souvenir des heures guerrières du Japon
féodal, le superbe casque à lamelles articulées, propre à résister aux tirs d’arquebuse, est datable vers 1520-1530
et attribué à Yoshimichi, l’un des
trois plus grands armuriers du 16e
siècle. On lui ajouta, vers la fin du
17e siècle, alors que le casque
était associé à l’armure, un
couvre-nuque caractérisé par
les mêmes laçages de daim.
Au centre du casque se
pose une libellule de bois
sculpté et doré, emblème
de force. Elle domine un
effrayant demi-masque
articulé de fer, scarifié
de striures parallèles.
Jambières, manches
et jupe sont ornées
de plaques de fer damasquinées d’argent
aux motifs de bon
augure (lions shishi ;
dragons enroulés).
En partenariat avec :
Armure de samouraï, Japon, 16e-17e siècle, galuchat, fer, cuir estampé et doré, laque, feuille d’or,
bois, fibres végétales, ancienne collection Pierre
Gélis-Didot, trésor national
acquis en 2016 © DR
plus fréquentes, nous le savons. Mais forts de votre confiance,
nous reviendrons vers vous, avec un autre projet, aussi important
pour les collections du musée, aussi beau.
Le printemps sera japonais et explorera une facette de la modernité de l’archipel en présentant l’œuvre, majeur, du photographe Araki. Nous sommes heureux de présenter la première
rétrospective de son travail dans un musée français. Une installation originale intitulée « Tokyo Tombeau » sera conçue à cette
occasion, en résonance avec nos collections.
Dans la rotonde, un rendez-vous destiné à devenir pérenne sera
consacré pour trois mois aux trésors photographiques – ils sont
nombreux – du musée. À cette occasion, nous entamons joyeusement une coopération avec de jeunes étudiants en communication et graphisme.
Ouvrons portes et fenêtres pour que s’y engouffrent avec l’année, nouvelles espérances, renouveau et inventivité, à tous les
étages.
Sophie Makariou
Présidente du MNAAG
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EXPOSITIONS
EXPOSITIONS
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Furyo © DR
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EXPOSITION
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Nobuyoshi Araki naît à Tokyo en 1940. Il étudie la photographie et la mise en scène de cinéma au
département d’ingénierie de l’université de Chiba dont il sort diplômé en 1963. Il travaille ensuite
pendant neuf ans dans l’agence de publicité Dentsu où il rencontre, en 1968, Yoko Aoki, qu’il
épouse en 1971. Avant « Théâtre de l’amour » (1965), la plus ancienne série présentée dans l’exposition, il réalise « Satchin » (1963), distinguée par le Taiyo Award, sur des enfants de Shitamachi, le
quartier de son enfance à Tokyo qu’il quitta en 1977.
La photographie, c’est la vie…
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Cette série fut suivie de nombreuses autres, plus ou moins étalées dans le temps, car l’ensemble
de son œuvre est ainsi composé. « La photographie, c’est la vie, et la vie est un voyage sentimental
» : pour Araki, photographier est une façon d’exister. L’artiste vit avec son appareil photo comme
son second œil, et produit chaque jour un certain nombre de clichés, documentant ainsi toute
sa vie en « Journal intime » photographié et dont de larges extraits sont exposés. À travers un
parcours en chapitres thématiques et chronologiques, l’exposition montre également des pans
des séries consacrées aux fleurs, aux ciels et à la scène de Tokyo (le contexte de tout l’œuvre
d’Araki) ou encore celles dédiées à l’histoire d’amour passionnelle d’Araki avec son épouse Yoko :
« Voyage sentimental » (1971), qui retrace leur voyage de noce, suivi de « Voyage en hiver » (1990),
photographies, prises au jour le jour, du déclin de Yoko jusqu’à sa mort la même année.
L’art érotique du kinbaku
L’exposition présente également de larges chapitres dédiés à l’érotisme de l’art d’Araki, sur lequel
repose, de façon souvent réductrice, sa notoriété mondiale, et notamment les séries consacrées
aux nus féminins que l’artiste met en scène de façon provocante, voire choquante pour un œil
occidental. Ces photographies de femmes ligotées, parfois suspendues, ne se retrouvent pas
uniquement dans l’œuvre d’Araki mais également dans le travail de photographes japonais, et
même chinois, de sa génération, héritiers comme lui d’une pratique remontant au 15e siècle, le
hojojutsu (technique traditionnelle japonaise pour ligoter une personne à l’aide de cordes) et
considérée comme un art au Japon, l’art du kinbaku (bondage japonais).
Un plasticien de la photographie
Le sexe et la mort sont en effet au cœur du travail d’Araki, qui est cependant bien plus riche
et complexe que ce seul chapitre ; l’exposition entend montrer la profondeur et l’ampleur de
l’œuvre du photographe, empreint de poésie et sa formidable dimension plastique. Véritable
boulimique de la photographie, poursuivant une expérimentation permanente, l’artiste revisite
les stéréotypes du médium, grattant ses négatifs, brisant l’objectif de son appareil, ou recouvrant
ses photographies de grandes calligraphies ou de peinture.
Un face à face inédit
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Cet aspect de son œuvre invite à un rapprochement avec les épreuves coloriées du 19e siècle, dont
les collections photographiques du MNAAG conservent de beaux exemples ; leur présentation en
regard de l’œuvre d’Araki constitue l’une des clefs de l’exposition.
À la suite de photographes de la deuxième moitié du 19e siècle,
Araki traite de sujets conventionnels qui ne sont propres ni au
Japon ni à la photographie. Comme chez d’autres artistes, son
intérêt pour certains sujets est récurrent. Depuis les premiers
temps de la photographie, nous est restitué un regard, une perception de thèmes qui demeurent des invariants : les êtres, les
choses. Nous n’en prendrons pour exemple que les fleurs photographiées par Kazumasa Ogawa (1860-1929, ill. 3) sur un fond
uniforme, en gros plan ou à distance, légèrement coloriées, déployant leurs formes pures, abstraites, évocatrices ; elles nous
font entendre les fleurs d’Araki. Un siècle de développement
photographique s’est écoulé entre les deux et la différence est
là : une précision augmentée, un rendu de matière exceptionnel
ou des couleurs éclatantes, dues à une meilleure qualité des
optiques et à la haute performance technologique des supports
de prise de vue et de tirage. Une plus grande spontanéité dans
la prise de vue, dont Araki fait tout le temps usage, crée également la différence, projetant le sujet au premier plan, comme s’il
allait sortir du cadre dans lequel l’auteur l’a tenu.
Avec plusieurs centaines d’images, dont une collection de cinq
cents Polaroids, des prêts de collections privées et publiques
(Tokyo, New York, Paris, Genève…) ainsi que d’archives de
l’artiste, l’exposition vise à montrer l’intense densité de l’œuvre
d’Araki. L’enracinement de son art dans la culture traditionnelle
japonaise y devient patent et prend tout son sens dans un des
plus importants musées mondiaux dédiés aux arts de l’Asie :
cette dimension particulière de l’exposition conçue et présentée au musée national des arts asiatiques – Guimet enrichit de
nouvelles clefs la lecture de l’œuvre d’Araki.
Exposition du 13 avril au 5 septembre 2016
Catalogue sous la direction de Jérôme Neutres. Coédition
Gallimard/Musée national des arts asiatiques – Guimet, 39,90€
En couverture : Nobuyoshi Araki, 67 Shooting Back (n°226), 2007-2008, impression
numérique © Nobuyoshi Araki /Courtesy Taka Ishii Gallery 1. Renjô Shimooka, Accusé devant un juge, années 1860, Savatier_04 © MNAAG, Paris (Dist. RMN-GP)/
Image musée Guimet 2. Nobuyoshi Araki, Sexy Girls in Color, 1990, acrylique sur
tirage gélatino-argentique, 42,2 x 33,5 cm © Nobuyoshi Araki /Courtesy Taka Ishii
Gallery 3. Kazumasa Ogawa, Fleurs, vers 1895, Dubois 008_18 © MNAAG, Paris
(Dist. RMN-GP)/ Image musée Guimet 4. Nobuyoshi Araki, Feast of Angels : Sex
Scenes, 1992, impression numérique, 36 x 54,9cm © Nobuyoshi Araki /Courtesy
Taka Ishii Gallery 5. Arakimentari et Nobuyoshi Araki © DR - Yukio Mishima © DR
- Tadashi Kawamata, Les Chaises de traverse © DR - Contes cruels de la jeunesse
© DR - Saya-Zamurai © DR - La Pendaison © DR
Le début de la saison 2016 est placé sous le signe de la photographie et du Japon, en parallèle avec la rétrospective que
le musée consacre au photographe japonais Nobuyoshi Araki.
À l’auditorium, le cinéma est à l’honneur avec un cycle consacré à Nagisa Oshima, cinéaste de la révolte et du désir, dont le
radicalisme et la provocation affichent un intéressant parallèle
avec l’art d’Araki.
le MNAAG accueillera cette saison chercheurs et céramistes
d’Arita pour des conférences et des ateliers destinés à faire
découvrir ou redécouvrir l’alliance subtile entre l’art de la porcelaine et le choix des mets, du thé et du saké au Japon.
Toute la programmation sur www.guimet.fr et dans le programme des activités février-aôut 2016.
Hitonari Jinsei Tsuji, Hitoshi Matsumoto et Satoshi Miki, trois
cinéastes japonais peu connus du public, seront l’objet d’un
autre cycle, plus court, qui permettra de découvrir des œuvres
souvent récentes, de jeunes créateurs parfois inclassables, qui
sont aussi musicien, écrivain, humoriste.
Enfin, plusieurs documentaires aborderont l’œuvre de différentes personnalités japonaises du monde de la création moderne et contemporaine : photographes, plasticiens, écrivains,
couturiers et architectes complèteront l’image d’une modernité
liée à l’Occident mais qui fait aussi largement appel à ses racines japonaises.
Le 27 mai, une « Nuit du cinéma érotique japonais » conduira
vers un monde spécifique, proche des sources d’inspiration
d’Araki. Une conférence d’Agnés Giard sur le thème « L’érotisme japonais est-il érotique ? » ouvrira les festivités.
La saison photographique du MNAAG sera, quant à elle, dans
le cadre d’ateliers, déployée en trois nouveaux « Exercices du
regard », permettant à chacun de développer ses talents créatifs à partir d’un appareil photo numérique.
Ils seront conduits par trois artistes contemporains, dont deux
Japonaises, qui, en contrepoint de l’exposition « Araki », porteront leur regard de femme sur le corps féminin japonais.
Pour les jeunes publics, des séances de cinéma en accès libre
sont proposées le premier dimanche du mois, jour de gratuité
pour les publics du musée.
Deux nouveaux ateliers ainsi qu’un parcours musical seront désormais proposés aux très jeunes enfants. Par le jeu, la création et
l’émerveillement, ils permettront ainsi également aux plus petits
d’aborder les différents imaginaires des cultures asiatiques.
Enfin, dans le cadre d’une semaine consacrée aux saveurs
japonaises, à l’esthétique culinaire et aux porcelaines d’Arita,
18 SEPTEMBRE 2015
25 JANVIER 2016
Lee Bae, 2015 - Issu du feu © photographie Seo-dong Yeun. Conception graphique : Pauline Roy, MNNAG
Première rétrospective en France consacrée à l’un des plus grands maîtres de la photographie
contemporaine japonaise, l’exposition retrace quelque cinquante années de travail d’Araki, de
la série « Théâtre de l’amour » (1965) à des œuvres inédites, dont l’installation « Tokyo Tombeau » (2016) spécialement réalisée par l’artiste pour cette présentation au MNAAG.
Musée national des arts asiatiques − Guimet
6 place d’Iéna, 75116 Paris
Manifestations organisées
dans le cadre de l’Année
France-Corée 2015-2016 /
www.anneefrancecoree.com
www.guimet.fr
Avec le concours
des Galeries Hyundai
Hwarang et Société
P&C Gallery
Réservations : fnac.com / tickenet.fr
En partenariat avec :
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EXPOSITIONS
Le MNAAG dévoile ses trésors photographiques du 19e siècle à l’époque contemporaine et invite
à un voyage dans l’espace et dans le temps qui témoigne de l’apport d’un savoir-faire, celui de la
photographie, de l’Europe vers l’Asie et d’un retour d’images en sens inverse.
Des régions qui étaient en partie représentées dans les collections du musée Guimet des origines,
alors « musée des Religions », demeurent des photographies de l’Algérie, du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. Plusieurs panoramas sont exposés pour la première fois : Athènes, le
Pirée, Constantinople ou encore Aden. Un album unique de 1860 sur l’Iran clôt cette première
partie du voyage qui se poursuit par une série de rares photographies d’Afghanistan prises par
B. Simpson en 1880-1881. Une cinquantaine d’années les sépare de celles des époux Hackin, alors
qu’ils travaillaient pour la Délégation archéologique française en Afghanistan. Le visiteur découvre
ensuite Peshawar au Pakistan et pénètre en Inde par Srinagar au Cachemire. Plus d’une vingtaine
d’épreuves montrent le continent indien à travers l’œuvre de photographes célèbres comme Beato, Tripe et Bourne. Après un détour par Ceylan, le voyage se continue en Birmanie, puis avec les
toutes premières photographies du Siam, avant celles des découvreurs d’Angkor, de la Cochinchine et du Tonkin. À cette étape du parcours, est présenté un panorama de Singapour vers 1874,
attribué à Sachtler, et des photographies prises en Indonésie et aux Philippines. Puis, la Chine
ouvre grand ses portes sur l’Extrême-Orient avec son architecture impériale et ses mandarins.
Deux nouveaux panoramas, l’un de Macao par W. P. Floyd, et l’autre de Hong Kong par le photographe chinois Lai Fong, rappellent la présence des Portugais et des Britanniques dans la région.
L’avant-dernière étape de ce grand périple est la Corée en 1908, vue par un jeune photographe
amateur J. Corpet. Le Japon, pays pour lequel le MNAAG conserve une collection exceptionnelle,
est représenté par plusieurs albums de différents auteurs comme Le Bas, Beato, ou J. Jansen
lorsque ce dernier photographie depuis Nagasaki et Kobe le passage de Vénus devant le soleil le
9 décembre 1874, mais également Tamamura, Suzuki – dont un album accordéon est déployé sur
plusieurs mètres – et quelques petits albums de poche à destination des touristes. Afin de montrer
la qualité des plats en laque dont ils sont recouverts, deux albums sont exposés fermés.
UNE DÉCOUVERTE INOUBLIABLE
C’est en 1997, à l’occasion du déménagement des services du MNAAG pour réaliser les travaux
de rénovation, que le chargé des collections photographiques découvrit le courrier d’un particulier, daté du mois d’avril 1979, dans lequel celui-ci proposait au musée de faire l’acquisition de
110 négatifs verre au collodion de différents formats pris en 1866 par le photographe Émile Gsell
(1838-1879), lors de la Commission d’exploration du Mékong, dirigée par le commandant Ernest
Doudart de Lagrée.
Ce panorama des trésors photographiques du MNAAG ne serait pas complet sans la présentation
des photographes contemporains comme Marc Riboud, avec une vingtaine de photographies
prises en Chine, Inde et Japon, Suzanne Held, le Coréen Bohnchang Koo ou encore le daguerréotypiste japonais Takashi Arai.
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Dix-huit ans après l’envoi de ce courrier, le propriétaire put heureusement confirmer qu’il conservait toujours à son domicile ces négatifs verre dont la plupart étaient signés et numérotés par
Gsell.
Il était entré en possession de cet ensemble exceptionnel par un incroyable hasard. Examinant le
contenu de déblais et décombres des immeubles anciens démolis au centre de Marseille, il trouva
plusieurs petites caisses en bois, celles-là mêmes dans lesquelles les négatifs étaient conservés.
Parmi ceux-ci, figurait la photographie de Doudart de Lagrée et de ses cinq collaborateurs, dont
Francis Garnier et Louis Delaporte, les « inventeurs d’Angkor », assis sur le perron nord de la terrasse du temple d’Angkor Vat.
Curieux d’identifier les protagonistes de ces négatifs, il consulta l’hebdomadaire Le Tour du
Monde et découvrit le récit de Garnier accompagné de nombreuses gravures précisément réalisées d’après les photographies d’Émile Gsell.
Son souhait de voir cette collection intégrer celles du musée lui tenait toujours à cœur. Elle fut
acquise par la société des Amis du musée Guimet, qui en fit don au musée.
Du 13 avril au 27 juin 2016, rotonde du 2e étage
Pour accompagner l’exposition : La photographie ancienne en Asie, sous la direction de Jérôme
Ghesquière, coédition Nouvelles éditions Scala/MNAAG, collection Sentiers d’art, 15,50€
Cet ensemble exceptionnel a depuis été restauré et numérisé. À ce jour, ce sont les seuls négatifs
d’Émile Gsell connus, dont le MNAAG conservait déjà par ailleurs de nombreuses épreuves à
l’albumine sur papier.
Samuel Bourne (1834-1912), Inde, Cascade, 1863-70, épreuve originale à l’albumine sur papier, AP15458 © MNAAG (Dist. RMNGP)/ Image MNAAG
Émile Gsell, Les membres de la Commission d’exploration du Mékong, AP9095 © MNAAG (Dist. RMN-GP)/ Image MNAAG
Émile Gsell, Temple de Vat Banon, AP9094 © MNAAG (Dist. RMN-GP)/ Image MNAAG
Au cours du dernier tiers du 18e siècle, durant l’époque d’Edo (1603-1868), l’émergence du surimono renouvelle considérablement le genre de l’estampe japonaise. Cette nouvelle typologie,
littéralement « chose imprimée », est le fruit d’une étroite collaboration entre poètes et artistes et
réunit illustration et poème sur une même page. Produits en édition limitée, ils étaient destinés à
un usage privé – offerts à l’occasion du Nouvel An ou lors de commémorations, de fêtes, d’anniversaires – et souvent commandités par des cercles de lettrés et de poètes parfois concurrents.
Ces gravures, réalisées sur du papier de qualité supérieure (hosho), dont la prohibition en 1840
marque la fin de cette production, se distinguent à la fois par l’emploi de pigments métalliques
tels que la poudre d’or, ainsi que par une technique d’impression spécifique, le gaufrage, permettant d’imprimer les illustrations en relief et en creux.
L’exposition « Surimono, meilleurs vœux du Japon » en présente une sélection exceptionnelle
qui témoigne de la grande variété des sujets : animaux symboles de bon augure (carpe, tigre,
tortue), acteurs, courtisanes, personnages historiques ou légendaires sont autant de thématiques
privilégiées par les plus grands artistes de l’estampe, parmi lesquels figurent Katsushika Hokusai
(1760-1849), Utagawa Kunisada (1786-1865), Yashima Gakutei (actif 1815-1852) ou encore Totoya
Hokkei (1780-1850).
Cette savoureuse production se distingue notamment par les représentations d’objets inanimés, véritables « natures mortes » qui furent particulièrement développées par les élèves de
Hokusai.
Du 20 janvier au 4 avril 2016, rotonde du 2e étage
Attribué à Yashima Gakutei (1780-1869), Navets, jeunes herbes et radis daikon 1810-1820, Surimono, MA 12211b © RMN-GP
(musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier
LE MNAAG PROCÈDE À UN ÉCHANGE
DE DÉPÔT AVEC LE MUSÉE NATIONAL DU CAMBODGE
DES NOMS POUR DES ESPACES,
DES LIEUX POUR UNE MÉMOIRE PARTAGÉE
Le musée national des arts asiatiques – Guimet souhaite rendre hommage à de grandes figures
d’intellectuels, chercheurs, conservateurs ou archéologues qui ont contribué à construire sa renommée et à faire progresser la connaissance de l’Asie auprès du public.
Le salon boisé de l’hôtel d’Heidelbach, magnifique pièce aux boiseries du 18e siècle, ornée de
peintures animalières, ouvrant par de larges fenêtres à la française sur une terrasse distribuant le
jardin et le pavillon de thé, prend le nom de Salon Pelliot.
Paul Pelliot est nommé, dès 1899, à 21 ans, pensionnaire de la Mission archéologique en Indochine. Il est ensuite envoyé en mission à Pékin, en 1900, en vue de constituer une bibliothèque
chinoise. Pour sa conduite héroïque durant le siège des Légations (les « 55 jours de Pékin »), Paul
Pelliot reçoit la Légion d’honneur. En 1906, il rapporte de Dunhuang de nombreux manuscrits, des
œuvres d’art et plusieurs milliers de photographies. L’ensemble constitue un véritable trésor que
se répartissent, suivant leurs compétences, la Bibliothèque nationale de France et le MNAAG. À
33 ans, il est titulaire au Collège de France d’une chaire de langues, histoire et archéologie de
l’Asie Centrale créée spécifiquement pour lui. Il meurt en 1945 laissant de nombreux manuscrits,
articles et études, pour certains encore inédits.
L’auditorium du musée essentiellement dévolu au cinéma et au spectacle prend le nom d’Auditorium Jean-François Jarrige, disparu en 2014.
Conservateur, directeur puis président du musée national des arts asiatiques – Guimet où se déroule sa carrière de 1986 à 2008, Jean-François Jarrige était orientaliste, protohistorien, spécialiste
de l’archéologie des confins indo-pakistanais. Commissaire de nombreuses expositions, il s’est
voué avec passion au rayonnement du MNAAG. Il contribua au fil des années à sa reconnaissance
nationale et internationale exceptionnelle, dirigeant sa rénovation complète au seuil des années
2000 qui en fit le musée que nous connaissons aujourd’hui.
Parallèlement, les salles du musée sont peu à peu renommées, dessinant une géographie sentimentale à travers l’évocation des grandes figures – archéologues, donateurs, conservateurs – qui
ont fait l’institution.
Toute
l’actualité sur
En 1874 et 1882, Étienne Aymonier (1844-1929), alors administrateur colonial au Cambodge, avait
eu l’occasion de séjourner dans la partie méridionale du pays, la région d’Angkor Borei (province
de Ta Kéo) et de parcourir les quelques mamelons qui rythment, au sud de la ville, des plaines
en partie inondées lors de la saison des pluies. Sur la colline du Phnom Da et dans ses environs
immédiats, diverses grottes aménagées en ermitages brahmaniques et des sanctuaires en ruine,
abandonnés depuis des siècles, avaient livré diverses sculptures envoyées en France à l’Exposition universelle de 1889. Celles-ci rejoignirent les salles du musée des Religions d’Émile Guimet
dès la clôture de l’Exposition.
Parmi ces œuvres, la tête de Harihara d’une grande qualité témoigne de l’art khmer des 6e-7e
siècles. Son iconographie ne laisse pas de doute : la lourde coiffure faite de tresses réunies en
chignon sur le sommet du crâne, d’un côté, laissant la place à une mitre cylindrique pour une autre
moitié de la tête, la présence d’un troisième œil dont seule une moitié apparaît sur le front et le
croissant de lune figurant dans les cheveux, sont autant d’éléments désignant avec certitude Harihara, divinité hindoue réunissant sous une forme anthropomorphe les aspects de Visnu et de Siva.
Cette tête admirable était depuis longtemps conservée en France, quand un corps acéphale,
signalé par Henri Parmentier en 1913 sur le même site, allait être envoyé au musée national de
Phnom Penh par Henri Mauger en 1944, avec les nombreuses sculptures mises au jour dans le
cadre des travaux archéologiques qu’il effectuait sur le Phnom Da. Quelques années plus tard,
en 1955, c’est le savant Pierre Dupont qui allait, par hypothèse, rapprocher les deux fragments
conservés dans deux institutions différentes.
Cette hypothèse est désormais une certitude. Aujourd’hui, grâce à l’aide de l’atelier de restauration du musée de Phnom Penh dirigé par M. Bertrand Porte de l’École française d’ExtrêmeOrient, qui a procédé au moulage de la partie supérieure du corps, on sait que les deux parties
correspondent.
Soucieux de retrouver l’intégrité d’une œuvre aussi insigne, le musée national des arts asiatiques –
Guimet a souhaité collaborer avec le musée national du Cambodge. La tête, qui demeurera dans
les collections nationales françaises sera désormais exposée au Cambodge, sous la forme d’un
dépôt, et replacée sur son corps d’origine. En retour, le musée national du Cambodge et ses autorités de tutelle ont souhaité déposer à Paris le fragment d’une sculpture retrouvée récemment au
Cambodge à la faveur de fouilles archéologiques. Cet élément important permettra de compléter
une œuvre khmère majeure, conservée dans nos collections depuis 1873, et sur laquelle nous
reviendrons prochainement.
Harihara, Cambodge, Phnom Da, district de Prei Krabas, province de Takeo, style du Phnom Da, 7e siècle, grès, mission
Étienne Aymonier, 1882-1883. Musée Guimet, 1890, MG 14899 © RMN-GP (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier
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MUSÉE
NOUVELLES ACQUISITIONS
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UNE AIGUIÈRE À LA PIVOINE
L’arrivée du cobalt d’Iran à partir du début du 14e siècle autorise la création des premiers bleu et
blanc dans l’histoire de la porcelaine chinoise. Ces œuvres se caractérisent par un bleu profond
infiniment nuancé. Sur l’élégante panse piriforme, typiquement chinoise, de cette aiguière
exceptionnelle, la pivoine, motif rare sur ce type de pièce, prend place dans une composition
aérée et est traitée en lavis spontané sans contour, évoquant la peinture académique. Le bleu fait
vibrer le corps d’un blanc pur et d’une facture parfaite.
La pièce présente une forme à long bec montant droit puis s’incurvant, relié au col par un renfort
chantourné ; à même hauteur naît l’anse qui, après un coude, s’élève en une courbe élégante
sommée d’un anneau de fixation pour une chaîne aujourd’hui disparue. L’aiguière était complétée
par un couvercle. Deux autres rares exemplaires identiques sont conservés pour l’un au Palais-musée de Topkapi, résidence des sultans ottomans, pour l’autre à Ardebil, sanctuaire dynastique des
Safavides, souverains dominant l’Iran.
2
3
1
Cette sculpture de Sasai Fumie (née en 1973), représente, selon
l’artiste, son jeune fils endormi sous une couverture, à l’âge de
trois ans. Elle est réalisée selon la technique du laque sec creux,
qui consiste à appliquer des couches successives de laque sur
une âme qu’on extrait avant la finition. Utilisée au Japon aux
7e et 8e siècles pour réaliser des sculptures bouddhiques, elle
connaît un regain d’intérêt depuis les années 1940, lorsque l’art
du laque a voulu s’affranchir de l’artisanat d’art pour s’engager
dans la création d’objets non-utilitaires, et se rapprocher de l’art
d’avant-garde. Le rouge vermillon intense, associé au Japon à la
notion de joie et de festivité, est la couleur favorite de l’artiste,
parce que c’est aussi la couleur du sang. Sasai Fumie préfère
garder au laque cet aspect mat et velouté qu’il prend lorsqu’il
n’est pas poli ; il évoque pour elle la douceur de la peau ou de
la chair.
Son œuvre est donc le fruit d’une réflexion sur un matériau, le
laque japonais (urushi), sur son rapport au corps humain, sur les
liens entre la création et l’enfantement, sur le statut de femmeartiste, et sur la place de la tradition dans le Japon d’aujourd’hui.
Or, cette rarissime aiguière fut conservée dans la famille du baron François 1er de Fumel, envoyé
en 1547 du roi de France Henri II auprès du sultan ottoman Soliman le Magnifique à Constantinople. On peut sans peine imaginer que l’objet fut offert en cadeau diplomatique par une cour
friande de porcelaine chinoise.
© MNAAG / Thierry Ollivier
Outre sa rareté, l’aiguière de Fumel est à ce jour la pièce de céramique chinoise conservée le plus
anciennement sur le territoire national. Elle a ainsi unanimement été classée trésor national.
BOÎTE À DÉCOR
DES 53 STATIONS DU TOKAIDO
(Japon, ill. 1)
Il y a près de quinze ans, le musée rénové faisait entrer la collection des arts décoratifs chinois
dans une nouvelle ère. Concentrés au 2e étage, ils étaient séparés d’une approche plus thématique des arts et de la statuaire chinois au 1er étage. Le 2e étage, contraint par une faible hauteur sous plafond, accueillit les ensembles exceptionnels et parfaitement complémentaires de
céramiques réunis par Ernest Grandidier (1833-1912) et Michel Calmann (1880-1974). Ils excèdent
ensemble 7 000 pièces et appellent à de constantes explorations.
Cependant, la présentation n’avait pas changé depuis la réouverture du musée ; le parti pris
presque monacal de files de bols Song de la collection Calmann et celui de la présentation exclusive des bleu et blanc chinois de la collection Grandidier, pour forts qu’ils aient été, avaient épuisé
la curiosité des visiteurs. Enfin, ils laissaient de côté des pans entiers de la collection de porcelaines Grandidier, proprement incomparable.
À l’occasion de l’exposition « Sublimes matières », présentée dans le parcours des collections
en 2014, nécessité se fit d’une refonte complète de la salle Grandidier, puis, de fil en aiguille, de
l’ensemble de la présentation du parcours du 2e étage.
La disparition, cette année, de Mme Carven, et l’arrivée au musée du superbe ensemble d’oiseaux
de porcelaine qu’elle avait rassemblé avec son époux (donation Grog-Carven) justifiait de dégager un espace nécessaire à cette présentation. Au 3e étage quelques pièces illustres, dont le plus
beau vase « mille-fleurs » qui soit, a laissé la place à une véritable volière, palpitant hommage à
Mme Carven. La présentation, sur un fond jaune très pâle, en accord avec l’esthétique délicate du
18e siècle, est désormais plus animée.
Au 2e étage, dans la salle de peinture, trop basse pour les rouleaux verticaux, sont présentés
des textiles et costumes de la trop méconnue mais riche collection chinoise de Krishnâ Riboud.
Dans la salle Calmann, l’argument de la présentation s’est simplifié et souligne essentiellement la
recherche concentrée sur quelques couleurs de glaçure : l’émergence des céladons, la recherche
du blanc, les couvertes noires, mates ou brillantes, et ceci quels que soient les fours concernés.
La porcelaine prend son envol. Les dialogues de forme entre matériaux sont mis en valeur. Peu à
peu la bichromie et les liens avec la peinture (production champlevée de Cizhou) s’affirment, les
recherches sur les glaçures produisent, après les sobres variations des « fourrures de lièvre » Song
(960-1279), les céladons nuageux des fours de Jun aux taches de couleurs diffuses. La domination
mongole des Yuan (1279-1368), cousins des Mongols Ilkhanides en Iran, facilite l’arrivée du bleu
de cobalt, importé d’Iran, et un renouvellement esthétique fécond, toujours perceptible sous le
règne des premiers Ming. Une grande vitrine présente une sélection de Fahua, produits de fours
non impériaux, mais qui ne furent pas sans interaction avec les manufactures officielles de Jingdezhen. L’entrée en force de la couleur, au tournant des 14e et 15e siècles, clôt la salle Calmann.
À l’entrée de la salle Grandidier on retrouve, pour commencer, les bleu et blanc : un vase « de
neige et d’azur » de Chu Teh-Chun (1920-2014) incarne leur longue histoire en pleine revitalisation.
Puis vient la recherche constante d’enrichissements de la palette et de la fusion avec la peinture.
De prestigieuses armoires laquées rythment la présentation. Sous les Ming (1368-1644) se font
jour de nouvelles recherches en céramique ; présentées dans l’espace adjacent, elles amènent les
couleurs opaques (« émaux ») sur glaçure, auxquelles s’ajoutent ensuite des rehauts de glaçures
colorées. La période est aussi à la splendide variation des glaçures monochromes colorées. Enfin,
illustrant les parentés entre céramique et peinture sous les Qing (1644-1911), un espace est consacré à la présentation de pièces famille verte évoquant les quatre grands romans classiques chinois.
Partout, les limites techniques semblent totalement repoussées, favorisant le dialogue entre tous
les arts : céramiques, pierres dures, cloisonnés, laques, meubles, etc.
La nouvelle présentation, premier chapitre d’une refonte progressive de toutes les salles du musée, est éclairée pour le visiteur d’une carte et d’un texte général par vitrine, en français, anglais
et chinois, et signale également les acquisitions récentes faites par le MNAAG.
SASAI FUMIE
BELOVED 8
(Japon, ill. 2)
Ce contenant, qui a pu servir de boîte à documents, muni d’un
couvercle et d’un plateau, est une œuvre remarquable tant par
sa qualité technique exceptionnelle que par son iconographie.
Réalisée en bois laqué d’or et d’argent formant une surface
plane ou en relief, rehaussé de parcelles d’or, son décor évoque
la route du Tokaido qui reliait la capitale shogunale, Edo, à la
capitale impériale, Kyoto.
Cette voie de communication essentielle était jalonnée de
postes frontières dont les noms sont inscrits dans des cartouches qui accompagnent les scènes de paysages sur le pourtour de l’objet. Sur le couvercle, figure le pont Nihonbashi,
point de départ de la route, bordé de boutiques et d’entrepôts,
avec le mont Fuji dans le lointain, tandis que le pont de Sanjo,
point d’arrivée à Kyoto, est, lui, représenté sur le dessus du plateau. Ce thème des 53 stations du Tokaido, particulièrement à
la mode au milieu et à la fin de l’époque d’Edo (1603-1868),
était notamment célébré par la littérature ou l’estampe. Cette
boîte, qui date de la fin de l’époque d’Edo, est un remarquable
exemple du passage des motifs et des thèmes d’un art à un
autre, et de leur expression à travers différents matériaux.
POIGNÉE DE DAGUE
À TÊTE DE CHEVAL
(Inde, ill. 3)
À la cour moghole, les poignées de dagues – armes d’apparat
offertes par le souverain aux nobles et aux dignitaires en signe
de faveur impériale – étaient généralement taillées dans le jade
(néphrite) blanc, gris ou vert, doté de vertus talismaniques et
considéré comme la « pierre de la victoire ». Œuvres d’art à
part entière, les poignées de ces dagues cérémonielles étaient
souvent sculptées en forme de têtes de cheval, de bélier ou
d’antilope d’une remarquable expressivité et, à partir du règne
de l’empereur Aurangzeb (1658-1707), fréquemment enrichies
d’incrustations de pierres fines ou précieuses serties d’or.
D’une élégante sobriété et dépourvue de toute ornementation superflue, cette poignée de dague à l’effigie d’un cheval
frémissant de vie peut être datée de la première moitié ou du
milieu du 17e siècle. Elle est exceptionnelle par la nervosité de
son modelé.
ROULEAU POÉTIQUE
DE KÔETSU
(Japon, ill. 4)
Ce rouleau est une sélection de poèmes tirés d’une anthologie
composée en 1201 sur ordre impérial. Les caractères, en
« écriture éparse », se détachent sur un fond végétal à l’or et
au mica ; ils se mêlent harmonieusement au thème végétal
qui décline fougères, herbes folles, glycines, etc., évoquant,
comme l’anthologie, une division en quatre saisons. Au revers
quelques feuilles de ginkgo ornent la partie enroulée visible lors
de la lecture. La couleur, appliquée au bloc sur une autre encore
humide, se mélange et forme des effets aériens et évocateurs :
caractéristique du style de Sôtatsu (? – vers 1640), elle entretient
une connivence étroite avec la calligraphie de Kôetsu (15581637). Le rouleau porte au revers de chaque feuille le sceau
du papetier Kamishi Sôji, actif avec Kôetsu et Sôtatsu dans le
village-phalanstère de Takagamine. C’est là que naquit, il y a
juste quatre siècles, l’art rimpa, à la source d’une esthétique
japonaise toujours moderne, mêlant hasard et liberté créatrice.
Ce rouleau, long de 9,50 m, qui semble être complet et n’avoir
jamais été remonté, en est un chef-d’œuvre.
1. Boîte à décor des 53 stations du Tôkaidô, Japon, milieu du 19e siècle, bois laqué, 23,7 x 19,5 x 13 cm, MA 12715, achat 2015 2. Sasai Fumie, Beloved 8, Japon, 2013,
laque sec creux, 48 x 31 x 23 cm, MA 12716, don de la galerie Mizen, 2015 3. Poignée de dague à tête de cheval, Inde moghole, 17e siècle, néphrite, H. 13 cm, MA12713,
achat 2015 4. Rouleau poétique, calligraphie de Kôetsu Hon’ami (1558-1637), attribué à Tawaraya Sôtatsu (mort en 1640), Japon, début de l’époque d’Edo, 1er quart du
18e siècle, soie, papier, encre, or, argent, 32,4 x 949,2 cm, achat 2015 © RMN-Grand Palais (musée Guimet)/ Thierry Ollivier
4
Aiguière à la pivoine, Chine, fours de Jingdezhen (province du Jiangxi), dynastie Ming (1368-1644), règne de Yongle (14031424), porcelaine, décor au bleu de cobalt sous glaçure transparente, ancienne collection de François 1er de Fumel (1547),
achat avec l’aide du fonds du Patrimoine, 2015, MA 12714 © RMN-GP (musée Guimet, Paris)/Thierry Ollivier
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ACTUALITÉS
Macao, enfer du jeu
Maurice Dekobra
Le musée programme depuis octobre 2015
un nouveau rendez-vous dans le salon Pelliot
de l’hôtel d’Heidelbach pour tous les curieux
désireux de découvrir une littérature qui nous
parle d’Asie.
Après le Japon de Roland Barthes, la Corée de
Yi Munyol, c’est au tour de la Chine d’embarquer le 29 janvier dans cette traversée.
Macao : comptoir portugais sur les rivages de
la mer de Chine à quelques heures de navigation de Hong Kong. Cosmopolitisme des
villes portuaires, tripots clandestins et casinos luxueux, exotisme et tragédie, violence
et passion, Macao, enfer du jeu est un roman
de Maurice Dekobra paru en 1938. Gloire littéraire de l’entre-deux-guerres, archétype de
l’écrivain globe-trotter, journaliste et homme
d’affaires, il sera l’un des auteurs français les
plus lus des années 1920 et 1930, acquérant
en 1925 une notoriété fulgurante avec un best
seller mondial, La Madone des Sleepings. De
ses voyages et de son goût d’un romanesque
truffé de péripéties et de sentiments pathétiques où les retournements font s’affronter dans un rythme débridé les bons et les
méchants, Dekobra rapporte ce récit simple
et efficace, aventure criminelle et histoire
d’amour.
Nicole Croisille et Romain Apelbaum seront les
interprètes de cette lecture sous la coordination artistique de Brice Hillairet.
Le cycle de lectures se poursuivra chaque dernier vendredi du mois jusqu’en juin avec entre
autres au programme Victor Segalen, Yunishiro
Tanizaki, Jules Verne et Yukio Mishima.
Mavin Khoo © D.R
Macao, enfer du jeu de Maurice Dekobra, 29
janvier 2016, 13h, hôtel d’Heidelbach, Salon
Pelliot, 19 avenue d’Iéna, Paris 16e. Tarif unique :
5 euros. Réservations : lectures@guimet.fr
C’est à l’occasion de prêts
exceptionnels que vous pourrez
retrouver les œuvres du MNAAG
dans diverses expositions tant en
France qu’à l’étranger.
Tibet’s Secret Temple : Body, Mind
and Meditation in Tantric Buddhism
Manuscrit, thang-ka et sculptures des collections tibétaines du MNAAG sont présentés au
sein de cette exposition consacrée au bouddhisme tibétain.
Wellcome Collection, Londres,
jusqu’au 28 février 2016
Du Nô à Mata Hari, 2000 ans de théâtre en Asie
Après leur présentation au MNAAG, les parures, costumes, masques, marionnettes et estampes des théâtres d’Asie font escale à Nice
pour célébrer cet art du spectacle millénaire.
Musée des arts asiatiques, Nice,
jusqu’au 25 avril 2016
Amedeo Modigliani. L’œil intérieur
Peintre et sculpteur du 20e siècle, Amadeo
Modigliani était un fervent admirateur des
sculptures khmères, qu’il avait pu découvrir au
musée Guimet, et dont il emprunta parfois le
vocabulaire plastique.
LAM, Lille, du 26 février au 5 juin 2016
Carambolages
Des œuvres de l’Asie du Sud-Est, de la Chine
et du monde himalayen des collections du
MNAAG illustreront ce parcours inédit qui vise
à décloisonner l’approche traditionnelle de
l’art, dépasser les frontières des genres ou des
époques et parler à l’imaginaire collectif.
Galeries nationales du Grand Palais,
Paris, du 2 mars au 4 juillet 2016
En cette fin d’hiver, la programmation embrasse un horizon qui va de l’Iran au Japon, en passant
par l’Altaï et la Malaisie.
De l’Iran à l’Inde
La poésie persane du grand maître du 14e siècle, Hafez, l’odeur du safran et les effluves du thé
noir du Djilan, nous invitent à un voyage au cœur de la musique iranienne d’hier et d’aujourd’hui.
La pratique pluriséculaire de la vièle du nord de l’Inde est illustrée cette saison par Dilshad Khan,
appuyé par le sitar d’Imran Khan et les percussions de Nihar Mehta. Nous les suivrons en terres
indiennes.
Le luth du nord de l’Inde ou « sarod » raisonnera sous les doigts de Soumik Datta, mêlant recours
à la tradition et écho de la « World music », dans une fusion propre à sa génération.
LE COUP
DE CŒUR
DE LA LIBRAIRIE
DU MNAAG
De la Mongolie au Japon, éloge de l’immatériel
Flûte et cithare japonaises sont à l’honneur en mars grâce à Teruo Furuya et Mizuka Onishi.
Ils conjuguent avec un égal bonheur musique ancienne de la pratique méditative et création
contemporaine. Une composition de Aoi Takabatake sera donnée en première mondiale à
l’auditorium du musée.
L’ethnomusicologue Johanni Curtet et le spécialiste du patrimoine culturel immatériel Nomindari
Shagdarsuren nous introduiront au projet de captation de témoins de la musique mongole
diphonique. Accompagnant la sortie d’un disque, premier volet de ce projet d’« Anthologie du
khöömii mongol », deux spectacles présenteront tour à tour la jeune génération de musiciens
diphoniques et un hommage aux maîtres. Technique vocale toujours vivante, le chant diphonique
dérive, selon les légendes, de l’imitation du vent, des bruits de l’eau ou du chant des oiseaux.
DEVENEZ MEMBRE
DE LA SAMG
Danses d’Asie
Né en Malaisie, Mavin Khoo a été formé à la danse classique indienne avant de compléter sa
formation à la danse contemporaine en Occident. Danseur inclassable, proche du chorégraphe
Akram Khan, Mavin Khoo ne cesse de réinventer les territoires de la tradition dansée de l’Inde du
Sud.
Maï Ishiwata témoigne pour Carlotta Ikeda, grande introductrice de la danse butô en Occident.
Forme d’une expressivité critique née dans le Japon d’après-guerre, le butô a touché un large
public par sa portée universelle. Maï Ishiwata reçut de Carlotta Ikeda la chorégraphie « Utt »
comme « un voyage, l’itinéraire d’une femme de la vie à la mort, ou peut-être de la mort à la
naissance ; (...) un cri, une onomatopée », selon les propres mots de Carlotta Ikeda.
Fêtes de toutes les musiques
La musique est une création sans frontières ; c’est le message qu’entend faire passer le musée
national des arts asiatiques – Guimet dans sa programmation revue et corrigée cette année par
quelques nouveautés ; son auditorium accueillera pour la première fois de jeunes musiciens
classiques asiatiques, en partenariat avec le Conservatoire National Supérieur de Musique et de
Danse de Paris. Ils trouveront au musée un foyer musical lors de leur formation à Paris. C’est bien
d’Asie que nous viennent, de plus en plus nombreux, les jeunes prodiges de demain, au service
de siècles de musiques savantes européennes.
Enfin, pour célébrer la Fête de la musique, l’ensemble Zeppin conjuguera musique japonaise,
mélodies populaires et minyô contemporains.
Renseignements et réservations : 01 40 73 88 18 ou auditorium@guimet.fr, dans le programme des
activités février-août 2016 et sur guimet.fr
newbleu.indd 1
Dès sa création, la Société des Amis du
Musée Guimet a attiré de grands orientalistes : A. Foucher, J. Hackin, S. Levi, P. Pelliot, E.Sénart ... ; elle a contribué à l’enrichissement des collections du musée et l’a
accompagné dans ses activités culturelles
et scientifiques.
contact@lesamisdeguimet.fr
S.A.M.G. Fondée en 1926
Reconnue d’Utilité Publique en 1971
6, place d’Iéna 75116 Paris
Tél. 01 45 63 08 77
Yeruldelgger, de Ian Manook
(Mongolie)
Ian Manook nous entraîne dans un thriller
haletant, des bas-fonds d’Oulan Bator aux
immensités de la steppe Mongole. À travers
son héros tourmenté au nom imprononçable,
Yeruldegger Khaltar Guichyguinnkhen, le
lecteur plonge dans une Mongolie en pleine
mutation, entre coutumes ancestrales, mixité
sociale et violence extrême.
Dans les pas de ce commissaire sans foi ni loi,
le lecteur découvre un pays dont l’histoire est
méconnue et où les coutumes et les traditions
chamaniques affrontent parfois la fureur du
monde moderne.
Yeruldelgger, de Ian Manook, Le Livre de
poche, 8,30 €
Publication quadrimestrielle du musée national des arts asiatiques
– Guimet, 6 place d’Iéna – 75116 Paris. Tél : 01 56 52 53 00, www.guimet.fr – Directrice de la publication : Sophie Makariou – Coordination éditoriale : Anne Leclercq – Conception graphique et identité
visuelle : Pauline Roy – Ont contribué à ce numéro : Pierre Baptiste,
Jérôme Ghesquière, Thierry Jopeck, Hubert Laot, Michel Maucuer,
Marie-Catherine Rey, Daniel Soulié, Amina Taha-Hussein Okada,
Maïté Vicedo, Claire Vidal, Anne-Véronique Voisin – Impression :
Imprimerie Chartrez – 62055 Saint-Nicolas-lez-Arras – © Musée
national des arts asiatiques – Guimet, Paris, 2016 – ISSN 2273 - 7553
28/01/13 09:50