M Le magazine du Monde no 129. Supplément au Monde no 21504 du samedi 8 mars 2014. Ne peut être vendu séparément. Disponible en France métropolitaine, Belgique et Luxembourg. o 8 mars 2014 acteur hanté Joaquin Phoenix 14 octobre 2013, Paris Clément Chabernaud photographié par Jamie Hawkesworth Boutique en ligne : defursac.fr ToileTPaPer pour M le magazine du Monde Carte blanche à Fondé en 2010 par l’artiste Maurizio Cattelan et le photographe Pierpaolo Ferrari, le magazine TOILETPAPER s’amuse de l’overdose d’images et détourne les codes de la mode, du cinéma, de la publicité. Troublant et captivant. 8 mars 2014 -3 Edito. Au programme. 4- Jean-Baptiste Talbourdet / M Le magazine du Monde Parler du destin d’un acteur ou d’une actrice, c’est voir défiler des images au grain usé et entendre la voix un peu désuète d’un présentateur qui relate le cours d’une vie forcément tourmentée… C’est se projeter dans un vieux numéro de « Etoiles et toiles » ou de « Destins », les émissions des années 1980 présentées par Frédéric Mitterrand. Quelque chose aux antipodes de cette ère où les stars sont des people avant d’être des acteurs, avec tout ce que cela comporte de vide et de vulgarité. L’Américain Joaquin Phoenix, lui, est de ceux qui ont un destin. Acteur fétiche de James Gray (The Yards, Two Lovers, The Immigrant), interprète de l’empereur Commode dans Gladiator ou du chanteur Johnny Cash dans Walk the Line, il vit ici et maintenant. Mais son incandescence et son existence accidentée l’inscrivent dans la lignée de ces acteurs fragiles, maudits, immenses qui font l’histoire du cinéma. Une histoire que le journaliste Samuel Blumenfeld connaît par cœur. Il sait aussi de quelle somme d’obsessions et de névroses est nourri chaque rôle, chaque acteur. Chez ceux qu’il interviewe, il cherche toujours les ressorts intimes, les résonances, les correspondances entre la vie et l’écran. Il fut, si on ose écrire, servi. L’entretien avec Joaquin Phoenix pour M Le magazine du Monde fut retardé par la mort par overdose, début février, de son ami Philip Seymour Hoffman, dix ans après celle de son frère River dans les mêmes circonstances. Enfant, Joaquin a vécu dans une secte avec sa famille, entouré de frères et sœurs aux prénoms aussi évocateurs que River, Rain, Liberty et Summer. Entre 6 et 16 ans, il a voulu qu’on l’appelle Leaf, feuille… Quelque chose de fragile qui ne se déchire, pourtant, que par une intervention extérieure. Ce numéro consacre aussi un portrait à l’incroyable Omotola, star de Nollywood, la Mecque du cinéma africain. Femme d’affaires avisée, actrice sexy, activiste charismatique, elle a le verbe haut, les courbes opulentes et un parcours qui ferait un bon scénario de mélo. Obligée de gagner sa vie très tôt, elle roule aujourd’hui dans une voiture dont la plaque d’immatriculation porte son surnom, «Omosexy». Prochaine étape: conquérir Hollywood. Et écrire un nouveau chapitre de son destin… Marie-Pierre Lannelongue 8 mars 2014 8 mars 2014 25 46 Le buzz du net. On n’est jamais si bien selfie… j’y étais… entre les pommes, les poires et les scoubidous. p. 26 La photo. Eclats d’Ukraine. p. 28 Les questions subsidiaires. p. 30 juste un mot. Par Didier Pourquery. LA SEMAINE p. 15 L’ambition d’un Lieutenant. Jérôme Lavrilleux, fidèle bras droit de Jean-François Copé et pièce maîtresse de l’UMP, sortirait volontiers de l’ombre. p. 18 iL faLLait oser. Et 1, et 2, et 3 belles bourdes. p. 20 qui est vraiment… Patrick Drahi ? p. 22 municipaLes. La Garde républicaine vote à l’extrême. LE MAGAZINE p. 31 Les démons de phoenix. A 40 ans, Joaquin Phoenix ne supporte toujours pas de se voir à l’écran. Pourtant auréolé de succès, l’acteur américain n’aime pas son jeu, flou, imprécis. Alors Phoenix travaille, cherche à maîtriser sa peur de l’imperfection. Et n’exclut pas d’arrêter de faire l’acteur. iLs font ça comme ça ! La sérigraphie de couverture a été réaLisée par Kate gibb d’après une photo graphie starcase . 6 p. 23 Chine Le prince rouge, atout de “House of Cards”. p. 24 Royaume-uni Zincs zéro degré. p. 25 marc beaugé rhabiLLe… BHL. Retrouvez “M Le magazine du Monde” tous les vendredis dans “C à vous”, présenté par Anne-Sophie Lapix. Une émission diffusée du lundi au vendredi en direct à 19 heures. Ellen DeGeneres/AP. Corentin Fohlen/Divergence pour M Le magazine du Monde p. 14 Jeff Brown pour M Le magazine du Monde. Maia Flore/Agence Vu pour M Le magazine du Monde 42 8 mars 2014 p. 38 Le coupabLe idéaL. Mis en examen dans l’affaire du meurtre de Chevaline, Eric Devouassoux a été innocenté. Mais il garde la blessure laissée par sa garde à vue : une vie brisée par le harcèlement médiatique et la calomnie. p. 42 vendeur de pLumes. Il est l’agent des plus grands écrivains, de Philip Roth à Salman Rushdie, en passant par Borges. Andrew Wylie, 66 ans, s’impose auprès des maisons d’édition américaines pour négocier à prix fort les à-valoir de ses clients. Son surnom : « le Chacal ». p. 46 omotoLa, pétroLeuse du nigeria. On la surnomme l’Angelina Jolie africaine : comme l’Américaine, c’est une actrice adulée, au glamour revendiqué, qui met sa notoriété au service de causes auxquelles elle croit. p. 50 La banLieue, terre du miLieu. En 2008, ils y ont cru. Des citoyens rassemblés sur des listes autonomes avaient mis en difficulté certaines mairies de gauche de banlieue parisienne. Six ans plus tard, pour les élections municipales, ces mêmes listes s’allient à l’UDI pour tenter de faire bouger les lignes. 54 le portfolio p. 54 génération no(s) futur(s) A partir d’un questionnaire sociologique, auquel ont répondu 210 000 jeunes pour définir la « Génération quoi ? », la jeune photographe Maia Flore a créé des clichés poétiques, élaborés comme des tableaux. -7 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00/25-61 Courriel de la rédaction : Mlemagazine@lemonde.fr Courriel des lecteurs : courrier-Mlemagazine@lemonde.fr Courriel des abonnements : abojournalpapier@lemonde.fr 70 Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus Directrice du Monde, membre du directoire, directrice des rédactions : Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions : Vincent Giret Secrétaire générale du groupe : Catherine Joly Directeur adjoint des rédactions : Michel Guerrin Secrétaire générale de la rédaction : Christine Laget M Le MAGAziNe Du MoNDe Rédactrice en chef : Marie-Pierre Lannelongue Direction de la création : eric Pillault (directeur), Jean-Baptiste Talbourdet (adjoint) Rédaction en chef adjointe : eric Collier, Béline Dolat, Jean-Michel Normand, Camille Seeuws Assistante : Christine Doreau Rédaction : Carine Bizet, Samuel Blumenfeld, Annick Cojean, Louise Couvelaire, emilie Grangeray, Laurent Telo, Vanessa Schneider Style : Vicky Chahine (chef de section), Fiona Khalifa (styliste) Responsable mode : Aleksandra Woroniecka Chroniqueurs : Marc Beaugé, Guillemette Faure, JP Géné, JeanMichel Normand, Didier Pourquery Directrice artistique : Cécile Coutureau-Merino Graphisme : Audrey Ravelli (chef de studio), Marielle Vandamme, avec Aude Blanchard-Dignac et Camille Roy Photo : Lucy Conticello (directrice de la photo), Cathy Remy (adjointe), Laurence Lagrange, Federica Rossi, Alessandro zuffi Assistante : Françoise Dutech Edition : Agnès Gautheron (chef d’édition), Yoanna Sultan-R’bibo (adjointe editing), Anne Hazard (adjointe technique), Julien Guintard (adjoint editing), Béatrice Boisserie, Maïté Darnault, Valérie GannonLeclair, Catarina Mercuri, Maud obels, avec Valérie Lépine-Henarejos, Agnès Rastouil et elodie Ratsimbazafy Correction : Michèle Barillot, Ninon Rosell et Claire Labati, avec Agnès Asselinne et Claire Diot Photogravure : Fadi Fayed, Philippe Laure Le styLe p. 63 La techno se porte bien. Grâce à des composants miniaturisés, vêtements, bijoux ou lunettes transmettent des informations aux smartphones. Ou comment allier l’utile au style. p. 65 Le goût des autres. Le nude perd pied. p. 66 L’icône. Mister Bean, sot british. p. 67 Fétiche. Casque d’or. p. 68 Variations. Retour de flamme. p. 69 La paLette. Pigments layette. p. 70 un peu de tenues… Le pictural. p. 74 3 questions à Sarah Frioux-Salgas. p. 75 ceci n’est pas… Une paire de lunettes. p. 76 être et à Voir. Par Vahram Muratyan. p. 77 en Vitrine… Nendo et BoConcept en Fusion. p. 78 d’où ça sort ? Les égéries quinqua. p. 79 Ma Vie en iMages. Noé Duchaufour Lawrance. p. 80 gastronoMie. Café, thé et plus si affinités. p. 82 La chronique de JP Géné p. 83 Le resto. p. 84 Le Voyage. Le Grenade de Gérard Cortanze. M sur iPAD ET sur lE WEB. “M Le magazine du Monde” se décline sur tous les supports. L’application pour iPad vous propose une expérience de lecture et de visionnage nouvelle. “M” vous est ainsi accessible à tout moment et dans toutes les situations. Sur le site (lemonde.fr/m), vous retrouverez aussi une approche différente de l’actualité et les dernières tendances dans un espace qui fera toute sa place aux images. Les dix choix de La rédaction Cinéma, BD, danse, théâtre, musique… p. 96 Les jeux p. 98 Le toteM Le lézard de Michel Vuillermoz. 8- DiFFuSioN eT PRoMoTioN Directeur délégué marketing et commercial : Michel Sfeir Directeur des ventes France : Hervé Bonnaud Directrice des abonnements : Pascale Latour Directrice des ventes à l’interna tional : Marie-Dominique Renaud Abonnements : abojournalpapier @lemonde.fr ; de France, 32-89 (0,34 € TTC/min) ; de l’étranger (33) 1-76-26-32-89 Promotion et communication : Brigitte Billiard, Marianne Bredard, Marlène Godet, Anne Hartenstein Directeur des produits dérivés : Hervé Lavergne Responsable de la logistique : Philippe Basmaison Modification de service, réassorts pour marchands de journaux : Paris 0805-050-147, dépositaires banlieue-province : 0805-050-146 M PuBLiCiTÉ 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00/38-91 Directrice générale : Corinne Mrejen Directrices déléguées : Michaëlle Goffaux, Tél. : 01-57-28-38-98 (michaëlle.goffaux @mpublicite.fr) et Valérie Lafont, Tél. : 01-57-28-39-21 (valerie.lafont@mpublicite.fr) Directeur délégué digital : David Licoys, Tél. : 01-53-38-90-88 (david.licoys@mpublicite.fr) La cuLture p. 86 Documentation : Sébastien Carganico (chef de service), Muriel Godeau et Vincent Nouvet Infographie : Le Monde Directeur de production : olivier Mollé Chef de la fabrication : Jean-Marc Moreau Fabrication : Alex Monnet Coordinatrice numérique (Internet et iPad) : Sylvie Chayette, avec Aude Lasjaunias Directeur développement produits Le Monde Interactif : edouard Andrieu Publication iPad : Agence Square (conception), Marion Lavedeau et Charlotte Terrasse (réalisation). M Le magazine du Monde est édité par la Société éditrice du Monde (SA). imprimé en France : Maury imprimeur SA, 45330 Malesherbes. Dépôt légal à parution. iSSN 03952037 Commission paritaire 0712C81975. Distribution Presstalis. Routage France routage. 86 Dans ce numéro, un encart « Relance abonnement » sur l’ensemble de la vente au numéro ; un encart « L’eco-Play Bac » destiné aux abonnés France métropolitaine ; un encart « Hermès » broché entre les pp. 50 et 51. 8 mars 2014 Christophe Rihet pour M Le magazine du Monde. Elena Chernyshova 8 mars 2014 Contributeurs. Samuel Blumenfeld est journaliste à M Le magazine du Monde, spécialisé dans le cinéma. Il dresse cette semaine le portrait de l’acteur américain Joaquin Phoenix, éternel insatisfait (p. 31). Un entretien qui dut être décalé, « car Joaquin Phoenix a littéralement perdu sa voix en apprenant la mort de Philip Seymour Hoffman le 2 février. Il lui fallut plus de quinze jours pour pouvoir parler à nouveau. Il m’accorda alors plus de temps que n’importe quel acteur de son rang ». Kate GiBB, illustratrice britannique, a réalisé des sérigraphies à partir de photos de Joaquin Phoenix et de ceux qui ont compté pour lui (p.31). Passée par l’école d’art Saint Martins de Londres, elle réalise des couvertures d’albums de musique, travaille avec de nombreuses marques (Levis, Adidas, etc.) et plusieurs magazines. arthur frayer, 31 ans, est journaliste indépendant. Ses sujets de prédilection : les banlieues et la prison – il est l’auteur de Dans la peau d’un maton (Fayard, 2011). Il s’est intéressé cette semaine aux listes de citoyens qui pourraient réaliser de jolis scores aux municipales dans les banlieues (p. 51). « Il faudrait que les politiques comprennent la méfiance qu’ils suscitent aujourd’hui. Ces listes renouvellent le débat d’idées et bousculent la gauche dans des territoires censés lui être acquis. » 10 joSyane SaviGneau est journaliste au Monde depuis 1977. Elle a été notamment responsable du Mensuel du Monde jusqu’en 2013. Elle signe le portrait d’Andrew Wylie, agent littéraire incontournable aux Etats-Unis (p. 42). « Quand on s’intéresse à Philip Roth et qu’on a souhaité le rencontrer à maintes reprises, on a forcément été en contact avec Andrew Wylie, son agent depuis 1989. Il n’en fallait pas plus pour avoir envie de comprendre qui se cache derrière le surnom que lui a valu son agressivité en affaires, “le Chacal”, et comment cet Américain s’est constitué le plus beau catalogue de la profession.» Le photographe jeff Brown est originaire d’Antelope, en Californie, et vit à New York depuis 2004. Après avoir suivi des études à la Parsons School of Design, conduit des camions pour une entreprise de BTP et travaillé comme garçon de café, il collabore au New York Times Magazine, à Fast Company et à Wired Magazine. Il a réalisé les portraits en noir et blanc, d’Andrew Wylie, businessman des lettres (p. 42). DR. Thingsandpeople.com. Arthur Frayer. Nathalie Mohadjer. DR. Jeff Brown Ils ont participé à ce numéro. nathalie mohadjer, originaire d’Allemagne, est photographe. Elle a suivi les candidats des listes citoyennes d’Ile-de-France qui ont choisi l’alliance avec les centristes (p.51). Diplômée du Bauhaus, elle a posé ses valises à Paris il y a sept ans. Puis a beaucoup voyagé, notamment en Europe de l’Est, pour ses projets. Elle poursuit un travail documentaire poétique dont on peut voir un exemple dans l’ouvrage récemment paru Zwei Bier für Haiti (Kehrer). Le courrier. Les M de la semaine. Sophie et Richard Jacobs «Jeu de jambes dans les remparts d’El Jadida, au Maroc.» Sophie et Richard Jacobs 8 mars 2014 - 11 Le courrier. « Fin février, à Saint-Pétersbourg. Des lettres “néonisées” accrochées à un mur illuminent une petite rue. Un strip bar, ou un bar à hôtesses ? Je m’approche. Non, un théâtre. » Thomas Erber Les M de la semaine. Pour nous écrire ou envoyer vos photographies de M (sans oublier de télécharger l’autorisation de publication sur www.lemonde.fr/m) : M Le magazine du Monde, courrier des lecteurs, 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13, ou par mail : courrier-mlemagazine@lemonde.fr 12 - 8 mars 2014 Nicolas Dubreuil. Thomas Erber «Un matin pluvieux, à Paris, un M se reflète à l’entrée du métro Vavin.» Nicolas Dubreuil J’y étais… entre les pommes, les poires et les scoubidous. Par Guillemette Faure Holt z à l a g u it a re , ou le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, en train de chanter Les ChampsElysées de Joe Dassin. Au Salon de l’agriculture, after hours, seules les vaches semblent avoir gardé leur quant-à-soi. Après la fermeture, ça sent l’alcool dès les couloirs de la station Porte-de-Versailles. Le grand public est parti. On sort les bouteilles sur quelques stands. Mais que fait M. Spanghero au petit cocktail du stand de McDonald’s ? Visite de courtoisie, son fils est éleveur. Le représentant du syndicat du sucre tient sur une petite fiche la liste de tous les ministres et élus qu’il a croisés : « Pendant des années, la gauche ne venait plus parce qu’elle n’était plus au pouvoir. Maintenant elle revient, mais la droite continue à répondre présent. » Le clou de la soirée, c’est le ring bovin. La piste qui servait de podium au défilé des taureaux du concours général dans la journée a été nettoyée. De très, très longues tables y ont été installées, en hommage à la vie à la campagne, ou plus exactement en hommage à la vie à la campagne telle qu’on se l’imagine à Paris. La table partagée rappelle les circuits courts, les endroits où on cueille ses fraises, les ateliers épluchage des haricots avec le seau en zinc au milieu pour mettre les déchets – à l’époque où les haricots avaient des fils –, les tabliers dont on rassemble les coins pour y mettre les pommes qu’on a ramassées sous l’arbre – parce que jadis les pommiers étaient de vrais arbres, qui ne faisaient pas 80 cm de haut. Bref, une ambiance entre la fête des voisins, Le Pain quotidien et Amélie Poulain. Sur la table des officiels, la nappe est rouge à carreaux blancs. Xavier Beulin, le président de la FNSEA, et Stéphane Le Foll lèvent leur verre pour la photo. Valérie Fourneyron, Guillaume Garot, Pascal Canfin. Les ministres qui se sont déplacés sont ceux que l’on ne reconnaît pas à la télévision. Soudain, à la table derrière nous, un monsieur un peu plus âgé qui n’est plus habitué à s’asseoir sur des bancs sans dossier tombe d’un coup, paf, le 14 dos dans la poussière. Chacun fait semblant de croire que le banc n’était pas stable pendant qu’il époussette sa veste. La grande tablée, c’est l’open space de la bouffe. Tout autour du ring, on fait cuire la viande. Ou plutôt des viandes, celles des filières qui ont accepté de se retrouver sous la bannière « Viandes de France ». « C’est un petit animal plus facile à manipuler », explique l’éleveuse de lapins dans le micro de Gérard Holtz, pour justifier que 40 % des élevages soient tenus par des femmes. Les odeurs de viande grillée arrivent au ras du mufle des vaches dans les box voisins. à côté, un homme en tablier blanc fait griller des mor- danse. L’orchestre joue Des pommes, des poires, des scoubidous et seuls les exploitants de scoubidous ne sont pas représentés par leur fédération. Le ministre attaque un rock avec une fonctionnaire du ministère quand, difficile de dire la faute à qui, voilà l’employée par terre, jambes par-dessus tête, dans la poussière du ring. Un exposant en charolaises guette le ministre pour lui dire ce qu’il pense de la taxe sur l’irrigation en Vendée. Mais le ministre danse. « Vous savez, me dit-il, ils ne sont pas tous ici les représentants de la France agricole.» C’est quand l’orchestre attaque « Les raiBoney M que Stéphane Le Foll rejoint les sons affectives, j’accepte, dit-il à propos de ceux que cela employés du ministère sur le mini dance gênerait d’en déguster. Mais floor improvisé. Depuis que le ministre bon, un agneau, c’est mignon aussi. » A Bordeaux, ses fume, tout le monde fume. Depuis que le ventes de cheval ont augministre danse, tout le monde danse. menté de 17 % l’an dernier. Parmi les nouveaux clients, « ceux qui se disent que s’ils en ont mangé dans les lasagnes, ils pourraient aussi en manger directement histoire de savoir quel goût ça a. » Pendant qu’on bavarde, Cyril Lacroix, président des éleveurs de chevaux des Vosges, à la cravate décorée d’une énorme tête de cheval, met le cap, l’assiette pleine, sur la table des officiels. Ce jeune homme jovial leur en fera manger, comptez sur lui. Invitée modèle, Natacha Polony trouve normal de s’en servir un morceau après le fromage. Cyril Lacroix rayonne. Cap sur Stéphane Le Foll. Quelques minutes plus tard, c’est lui qui porte la cravate à tête de cheval, à côté du badge Lapin de France. « Il est beau gars », dit une femme. « Il doit avoir 48 ou 52 ans. » C’est quand l’orchestre attaque du Boney M que Stéphane Le Foll rejoint les employés du ministère sur le mini-dance floor improvisé sur la piste en sciure. Depuis que le ministre fume, tout le monde fume. Depuis que le ministre danse, tout le monde ceaux de cheval. Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde J e ne sais pas quel est le spectacle le plus étonnant. Gérard La Semaine / Il fallait oser / Face à face / Le roman-photo / Le buzz du Net / Ils font ça comme ça ! / / Les questions subsidiaires / J’y étais / L’ambition d’un lieutenant. Albert Facelly/French-politics.com Depuis dix ans, il a su se rendre indispensable à Jean-François Copé comme à Nicolas Sarkozy. Face aux accusations qui pèsent aujourd’hui sur le député-maire de Meaux, Jérôme Lavrilleux est, plus que jamais, en première ligne. Portrait d’un homme discret, qui aspire désormais à sa part de lumière. Par Vanessa Schneider Le 3 mars 2014, Jérôme Lavrilleux escorte JeanFrançois Copé lors de la conférence de presse donnée pour répondre aux accusations de surfacturation portées par l’hebdomadaire Le Point. 8 mars 2014 - 15 La semaine. En 2012, Jérôme Lavrilleux a joué un rôle clé dans la campagne de Nicolas Sarkozy. Il a su rester proche de l’ancien chef de l’Etat. Ici avec Nadine Morano et Brice Hortefeux, membres de l’association Les Amis de Nicolas Sarkozy, le 29 janvier 2014. S’il assume pour l’instant son rôle de bras droit de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux sera tête de liste aux européennes en juin face à Marine Le Pen, dans la criconscription nord-ouest. Le destin de Jérôme LavriLLeux prend un nouveau tour en 2011. queLques pas, sur Le côté, mais Jamais bien Loin. Comme à chaque moment important, Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet de JeanFrançois Copé, promène ce lundi 3 mars sa grande taille, sa mise impeccable et son regard acéré dans la salle de presse de l’UMP bondée pour l’occasion. Ce jour-là, son patron passe solennellement à la contre-attaque après les accusations du Point sur sa gestion aventureuse des finances du parti. Cette conférence de presse, le bras droit du président de l’UMP l’a préparée dans le moindre détail, pesant chaque mot, étudiant chaque argumentaire, calibrant chaque phrase. Une semaine qu’il ne quitte plus Copé pour une guerre qui est aussi la sienne. Car cette histoire de surfacturation supposée à une entreprise dirigée par des proches le concerne de très près. C’est lui qui a organisé tous les meetings de campagne de Nicolas Sarkozy, ces fameuses réunions publiques aujourd’hui dans le viseur parce que jugées trop coûteuses. A la fin de l’allocution du maire de Meaux, il rejoint, sourire en coin, les journalistes pour faire le service après-vente et se vante déjà d’un succès de la prestation du député de Seine-et-Marne. Jérôme Lavrilleux, 44 ans, travaille depuis dix ans avec Jean-François Copé. Originaire de Saint-Quentin dans l’Aisne, issu d’un milieu modeste – son père était garagiste –, il a coutume de se présenter comme un « p’tit gars » dans ce monde de la politique où les énarques et les diplômés des grandes écoles tiennent le haut du pavé. Titulaire d’un simple BTS de commerce international, il est pourtant un pur produit de la politique, le prototype de l’apparatchik biberonné à la vie de parti. Jeune militant RPR, il fait ses premiers pas auprès du sénateur Pierre André, à l’époque maire de Saint-Quentin, et se lie alors à Xavier Bertrand, 16 - Copé a décidé de se mettre au service de Nicolas Sarkozy, candidat à sa réélection. Son directeur de cabinet devient la cheville ouvrière de la campagne de 2012, organise les meetings, compose les salles, orchestre la claque. Loin de se cantonner à un rôle technique, il pénètre le premier cercle des conseillers du président aux côtés de Pierre Giacometti, de Franck Louvrier ou de Patrick Buisson dont il a l’oreille. Nicolas Sarkozy apprécie son efficacité et sa discrétion. Après la défaite, il lui remettra en personne les insignes de l’ordre national du Mérite. Une consécration. Mais la bataille continue, cette fois, elle oppose JeanFrançois Copé à François Fillon pour la présidence de l’UMP. Le grand public découvre alors Jérôme Lavrilleux lors d’une séquence télévisée surréaliste où il accuse le camp Fillon de bourrage d’urnes et de tricherie. Pour ce dernier, il devient l’homme à abattre. Craint, il est accusé d’être l’exécuteur des basses œuvres, un « tueur à sang froid », voire le « mauvais génie » de Jean-François Copé. Il n’en a cure. Car Jérôme Lavrilleux ne se contente plus d’être l’homme de l’ombre. Il veut sa propre carrière. En 2002, il s’est fait élire conseiller général de l’Aisne. En juin prochain, il sera tête de liste aux européennes dans la circonscription du nord-ouest face à Marine Le Pen. Les fillonistes auront pourtant tout tenté pour lui barrer la route, Bernard Accoyer, député de Haute-Savoie, menaçant même de quitter le parti avec 50 députés s’il était investi. L’armistice entre François Fillon et Jean-François Copé lui a permis de passer outre les oukases. Aujourd’hui, Jérôme Lavrilleux occupe donc une position incontournable dans la galaxie UMP. Il a gardé sa ligne directe avec Nicolas Sarkozy qu’il a régulièrement au téléphone et sert de lien entre lui et Jean-François Copé. De là à penser qu’il trahira son patron pour se mettre au service de l’ancien chef de l’Etat s’il se décidait à revenir en 2017, il n’y a qu’un pas que ses adversaires franchissent allègrement. 8 mars 2014 Christophe Morin/IP3. Witt/Sipa A jusqu’à être son témoin de mariage. Les deux hommes se déchirent ensuite, au point de ne plus s’adresser la parole, une rupture dont ni l’un ni l’autre ne veulent parler aujourd’hui. Il se rapproche ensuite de Jean-François Copé, à la mairie de Meaux, dont il devient peu à peu l’homme à tout faire, le fidèle lieutenant, l’organisateur, le facilitateur, le conseiller politique. Son efficacité, sa force de travail (il aime à répéter qu’il travaille seize heures par jour), son intelligence politique et sa fine connaissance des élus et de la carte électorale en font une pièce maîtresse de celui qui aspire à être candidat à la présidentielle. L E VOYAG E I N D I V I D U E L P E R S O N N A L I S É À Naoshima, une amoureuse des perspectives visite l’ile avec une architecte Licence IM075100084 / © R.GUILLOU Selon votre personnalité, votre métier, vos passions et vos rêves, Voyageurs du Monde organise durant votre voyage des moments et rencontres, pensés spécialement pour vous ! voyageursdumonde.fr C O N C I E R G E R I E F R A N C O P H O N E • C A R N E T D E V OYA G E N U M É R I Q U E • B O N N E S A D R E S S E S & G P S • M I L E S F LY I N G B L U E La semaine. Il fallait oser “L’UMP est déterminée à mettre Et 1, et 2, et 3 belles à disposition l’intégralité de bourdes. sa comptabilité, l’intégralité Le décodeur Jean-François Copé, déclaration à la presse, le 3 mars Mis en cause par l’hebdomadaire Le Point pour ses liens étroits avec plusieurs dirigeants, actuels et passés, de la société de communication Bygmalion, soupçonnée d’avoir surfacturé l’organisation de meetings, JeanFrançois copé veut rendre les coups. d’où la convocation de la presse pour une conférence « solennelle », au cours de laquelle le patron de l’uMP a promis de faire toute la transparence sur les dépenses du parti… à certaines conditions. Notamment l’adoption d’une loi obligeant tous les partis à faire de même, ainsi que certains journalistes. une proposition étonnante, venant d’un élu qui n’a jamais été à la pointe en matière de transparence. en attendant, M. copé promet de garder les fameux documents « sous scellés ». La vérification. Ambitieuse promesse que celle de M. copé, sur le papier du moins. car, en réalité, la transparence promise par l’uMP est en très grande partie déjà en place. chaque parti a en effet l’obligation, pour bénéficier de subventions publiques, de faire valider ses recettes et dépenses par un commissaire aux comptes, qui peut les refuser ou émettre des réserves. depuis 1990, la commission nationale des comptes de camL’affirmation. 18 - pagne et des financements politiques (cNccFP) centralise et publie, chaque année, les comptes des partis, qui paraissent également au Journal officiel. Les pièces comptables des partis eux-mêmes ne sont pas consultables en temps normal. Leur publication poserait sans doute des questions juridiques en l’absence d’une loi. Néanmoins, M. copé oublie un détail : l’enquête du Point s’intéresse essentiellement aux factures émises durant la campagne présidentielle de 2012. or, s’agissant des comptes de campagne, la cNccFP, qui les valide, dispose bien de l’intégralité des pièces, qui sont consultables sur simple demande. ce que Le Monde a d’ailleurs pu faire pour constater le coût des meetings de Nicolas Sarkozy. La concLusion. Les propositions révolutionnaires de M. copé sont donc en grande partie déjà en place. Mais on peut s’interroger : si M. copé est épris de transparence, pourquoi ne fournit-il pas directement aux journalistes les factures correspondant à Bygmalion, ou même une simple évaluation de la part de cette société dans les soustraitants de l’uMP, plutôt que d’en renvoyer la publication à une éventuelle loi imposant aux autres partis de faire de même ? Sans doute parce que le fond du dossier n’est pas dans les factures, mais dans les relations de proximité soutenue entre M. copé et certains cadres de Bygmalion, et dans les potentiels conflits d’intérêts qui en résultent. Samuel Laurent et Jonathan Parienté Retrouvez les auteurs du « Décodeur » sur decodeurs.blog.lemonde.fr, un blog réalisé par le service politique du Monde, avec la collaboration des internautes, et à partir du lundi 10 mars, sur www.lemonde.fr/lesdecodeurs En matière de communication, on pourrait parler de but contre son camp, voire de « but casquette », c’est-à-dire assez ridicule. La semaine dernière, adidas a dû retirer de la vente deux tee-shirts d’un parfait bon goût, conçus dans la perspective de la coupe du monde qui se tiendra au Brésil du 12 juin au 13 juillet. sur le premier, le cœur qui accompagne le slogan « I love Brazil » suggérait les fesses inversées d’une femme en string. sur l’autre, une « girl from Ipanema » en maillot de bain tenant un ballon était accompagnée de la formule « Looking to score », qui signifie « cherche à marquer » mais aussi « cherche à conclure ». Pour sa défense, la marque a risqué un troisième trait d’humour, celui-là involontaire : il s’agissait d’une série limitée destinée aux Etats-unis, ça n’était donc pas grave, a-t-elle expliqué. cette promotion du mondial 2014 associant subtilité et nonconformisme a provoqué des réactions peu amènes, de Porto alegre à rio, où l’on a carrément accusé adidas de « lier le Brésil au tourisme sexuel ». même la présidente Dilma rousseff y est allée de son tweet. L’équipementier allemand n’avait visiblement pas saisi que son imagerie basse de plafond constitue – pour reprendre une expression très en vue dans le foot – un évident manque de respect à l’égard d’un pays qui ne veut plus être réduit à un imaginaire à deux balles. Et qui entretient avec les organisateurs du mondial des rapports, disons, complexes… on se demande maintenant ce que la firme aux trois bandes prépare pour l’Euro 2016, qui se déroulera en france. une allusion salace à notre réputation de chauds lapins, une blagounette sur notre fainéantise légendaire ? car la capacité du business sportif à magnifier les clichés nationaux les plus éculés est inépuisable. En hommage au baron de coubertin, qui, en son temps, paya lui aussi son écot aux préjugés sexistes, on dira que l’important, dans le sport, c’est aussi de ne pas raconter n’importe quoi. 8 mars 2014 Cecilia Garroni Parisi pour M Le magazine du Monde. Stephane Mahe/Reuters des pièces comptables, des factures et autres justificatifs.” Par Jean-Michel Normand La semaine. Qui est vraiment Patrick Drahi ? Le patron de Numericable est sur les rangs pour racheter SFR. Discrètement, l’homme a bâti un groupe international qui bouscule Orange, Bouygues et Free. L’ingénieur brillant Bête à concours, il est reçu à l’Ecole polytechnique, à Centrale et aux Mines. Il choisit l’X, promotion 1983, puis rentre au... marketing chez Philips avant de tenter l’aventure du câble dans les années 1980. A 51 ans, ce multimillionnaire vit entre Tel-Aviv, Genève et Paris. Le risque-tout des affaires Sous la bannière d’Altice, sa holding luxembourgeoise, il rachète des réseaux câblés ou des opérateurs de téléphonie au Kenya, au Portugal, au Benelux. Il vient de dépenser 1,1 milliard d’euros pour acquérir la filiale d’Orange en République dominicaine. 20 - Le patron-star en Israël En mettant la main sur l’opérateur Hot en 2009, il devient une star des affaires en Israël. Deux tiers des habitants du pays sont ses clients depuis que Hot, à l’origine détenteur d’une licence mobile, est devenu aussi producteur de contenus avec 25 chaînes de télévision. Le trublion de la téléphonie Il veut désormais racheter l’opérateur SFR, numéro 2 français, au groupe Vivendi et influer sur la concentration du secteur des télécoms en France. Pas si simple... Free, Bouygues et Orange sont désormais sur les rangs tandis que l’Etat, attentif aux éventuelles destructions d’emplois, a encore du mal à se faire une opinion sur ce nouvel entrant. Laurent Telo Aude de Cazenove/REA L’inconnu du câble « Je préfère avancer et grandir dans l’ombre. » En rachetant la quasi-totalité des câblo-opérateurs français, dont Noos, pour fonder Numericable, Patrick Drahi a constitué un empire. Son introduction en Bourse, le 8 novembre 2013, a donné lieu à une levée de fonds de 700 millions d’euros, l’une des plus importantes de ces dernières années. 8 mars 2014 TRAVELTEX .COM > ACTIVITÉS > GRANDAIR RANDONNEZ GRANDE LA SEULE CHOSE PLUS QUE LES VASTES PANORAMAS C’EST NOTRE EHO ! EHO ! EHO ! EHO ! EHO ! IMMENSE Fierte CAMPINGS GRANDS ESPACES DU TEXAS A DECOUVRIR AVEC MILLES AUTRES MERVEILLES SUR VTT E S C A L A D E AU TEXAS FLORE EXTRAORDINAIRE À VO S PAGA IE S ! LO ISIRS EN FA M I L L E O B S E R V E Z L E S O ISEAUX GROT T E S ET C A N YO N S PAR C S NAT IONAUX AT TRAPER L E P LUS GR O S P OISSON © 2014 Office of the Governor, Economic Development and Tourism. TRAVELTEX.COM/GRANDAIR la semaine. trois quarts d’origine étrangère et je ne les vois pas voter FN, estime Baptiste, un jeune cadre croisé devant le bureau de tabac. Ce serait jouer contre leur camp. A mon avis, ça vient plutôt d’en face. » « en face » s’élèvent les six tours de A Municipales La Garde républicaine vote à l’extrême. Alors que le score du FN dans la capitale reste bas, le bureau n 46 du 13e arrondissement fait exception. Explication : c’est là que votent les militaires de la Garde républicaine, qui vivent dans la caserne toute proche. u 84 boulevard Kellermann, dans le l’école maternelle que toisent les projecteurs du stade charléty héberge le bureau de vote no 46. le 22 avril 2012, celui-ci s’est distingué en devenant le burau le plus favorable à Marine le pen de toute la capitale. plus de 18 % des voix, quand les parisiens dans leur ensemble n’apportaient en moyenne que 6,2 % de leurs suffrages à la candidate du Front national. loin des quartiers populaires du nord-est parisien où le chômage culmine plusieurs points au-dessus de la moyenne nationale, ce bureau de vote compte environ 1 700 inscrits domiciliés de part et d’autre du large boulevard Kellermann. un quartier sans histoires, en lisière du périphérique. « Il y a des points chauds dans le 13e, mais ils sont tous situés à deux kilomètres au minimum. Même la “cité rouge” du boulevard ne fait jamais parler d’elle », confie un fonctionnaire de police. la « cité rouge » est un ensemble de résidences en briques rouges de six étages largement composées de logements sociaux, peuplées d’une clientèle métissée parmi laquelle une population d’origine asiatique ou nord-africaine. « Mes voisins sont aux 22 - 13e arrondissement de Paris, Vincent Nguyen/Riva Press Marie-Amélie Dutheil de La Rochère, tête de liste FN dans le 13e arrondissement parisien, avec Wallerand de Saint-Just (à sa gauche), le candidat FN à la Mairie de Paris. la Plus grande caserne Parisienne de la Garde républicaine où vivent plus d’un millier de personnes, dont plus d’une moitié d’électeurs potentiels. « Cette caserne, c’est un peu Fort Knox, témoigne Jérôme coumet, le maire (ps) sortant du 13e. Le commandant m’invite parfois à une sorte d’assemblée générale de locataires mais, autrement, ils ne reçoivent pas l’information municipale. » les campagnes électorales s’arrêtent aux portes de la caserne dont les occupants sont tous soumis au devoir de réserve. « De toute façon, ce serait improo ductif d’aller distribuer des tracts là-bas, explique Didier Béoutis, élu (uMp) au conseil de quartier. Quand on voit arriver au bureau n° 46 un jeune homme en jogging suivi de sa femme et de ses enfants, on se dit : “Tiens, ça, c’est un vote de garde républicain” ». selon lui, cette population de militaires est « très attachée aux valeurs traditionnelles ». De son côté, Marie-amélie Dutheil de la Rochère, 32 ans, diplômée de l’ecole normale supérieure, éditrice, candidate Fn dans le 13e pour sa première campagne électorale, constate que son discours « a souvent bonne réception chez les policiers et les militaires ». « Ce qui leur plaît chez nous, c’est que nous dénonçons le laxisme de la justice », poursuit la tête de liste du Fn, qui évoque « une vraie peur du déclassement ». selon une étude du cevipof, le centre de recherches politiques de sciences po, publiée en janvier 2012, 37 % des militaires avaient l’intention de voter pour Marine le pen au premier tour de la présidentielle. soit autant que les enseignants pour François Hollande. ainsi s’expliquerait donc le vote atypique du bureau de vote no 46 du 13e arrondissement. Julien Marival 8 mars 2014 ils font ça comme ça! chine sino-américain, parle mal le chinois. Dans la vraie vie, un Chinois de son rang serait plus discret », juge Tingting, une ancienne journaliste de 31 ans qui a vécu aux EtatsUnis et se passionne pour les séries américaines à contenu politique. Attribuer un rôle central à un tel personnage dans la deuxième saison de « House of Cards » était « inattendu », a reconnu lors de la conférence de presse de lancement de la série en Chine le patron du géant Internet Sohu, Charles Zhang. Le moins que l’on puisse dire est que le public a adhéré. La première saison fut suivie par 25 millions de personnes, à la plus grande satisfaction des Américains, dont les séries n’ont longtemps été disponibles en Chine que sous forme de DVD pirates. M. Zhang a également assuré qu’aucun des nouveaux épisodes n’avait été vu à l’avance par les régulateurs chinois, et que ceux-ci n’avaient pas « réagi » depuis leur mise en ligne. C’est le privilège – peut-être temporaire – de ce nouveau mode de diffusion, en streaming, moins surveillé que la télévision ou le cinéma. « House of Cards » a aussi bénéficié d’une publicité inattendue : la série est, dit-on, très appréciée du dirigeant Wang Qishan, en charge de la lutte anti-corruption au sein du comité permanent du parti (le collectif suprême). Or celle-ci a pris une telle ampleur qu’elle est en train d’ébranler les fondations morales somme toute fragiles de l’Etat-parti. Peut-être Wang Qishan et ses collègues ont-ils finalement renoncé volontairement à toute censure : « House of Cards » et sa caricature de la démocratie américaine ne vont-elles pas dans le sens de la propagande chinoise ? Elles véhiculent également l’idée que la corruption n’a pas de frontières. Brice Pedroletti Le prince rouge, atout de “House of Cards”. L qui raconte l’irrésistible ascension du congressman Frank Underwood, interprété par Kevin Spacey, prêt à tout pour assouvir ses ambitions derrière une respectabilité de façade, fascine les Chinois. Et ce avant même que la saison 2 (diffusée en Chine dès le 14 février en streaming sur le portail Sohu, en même temps que sa sortie par Netflix aux Etats-Unis) ne fasse entrer en scène un personnage chinois, Xander Feng. Avec son CV de prince rouge – son grand-père était un compagnon d’armes de Mao –, le flamboyant milliardaire à la vie sexuelle peu conventionnelle a ses entrées au comité permanent du parti et semble agir par calcul personnel autant que par instinct nationaliste. Amateur de whiskies rares à 40 000 dollars la bouteille, Mister Feng est rompu aux turpitudes de la vie politique chinoise. « Tous ceux qui en Chine se trouvent à ce niveau paient ce qu’il faut, à qui il faut », entend-on dans l’un des premiers épisodes. Car c’est toute la relation sino-américaine qui s’est invitée dans les coulisses du Capitole pour la saison 2. Les cyberattaques, la faiblesse du yuan face au dollar, les bons du Trésor américain que la Chine détient en abondance sont autant d’occasions pour Frank Underwood d’accroître son influence sur le locataire de la Maison Blanche et ses chances de lui succéder. en république populaire, certains s’étonnent que la série ne soit pas censurée. D’autres se sont amusés à voir dans Xander Feng l’un de ces « fils de » dont les frasques font jaser. Pour les plus avisés des spectateurs chinois, les scénaristes de la saison 2 ont poussé un peu loin la caricature. « Ils ont rassemblé tous les éléments entendus sur les nouveaux riches chinois pour les refondre en un seul personnage : cela fait cliché, en plus l’acteur est a série américaine « House of cards », Nathaniel E. Bell for Netflix La série, qui dresse un tableau peu flatteur de la vie politique américaine, passionne les chinois. L’intrigue de la saison 2, qui met en scène un milliardaire chinois corrompu, ne devrait pas infléchir le phénomène. Xander Feng (Terry Chen) et Frank Under wood (Kevin Spacey) dans la saison 2 de « House of Cards ». 23 la semaine. ils font ça comme ça! Au Redemption, ouvert il y a six mois à Londres, on boit des « mocktails » sans alcool. ressemble à s’y méprendre à un café. Comment nommer autrement un endroit qui sert à manger et à boire, et qui propose d’excellents brownies, le tout dans une agréable musique d’ambiance ? La seule différence est sans doute que l’endroit ferme à 22 heures, donc relativement tard (pour un café), que les lumières sont tamisées, et qu’une boule disco est suspendue au plafond. « Il s’agit simplement de casser l’idée qu’il faut boire pour passer une bonne soirée, se défend Richard Harris. On n’a rien contre l’alcool mais, avec ce bar, on offre une alternative. » Simple café ou vrai bar sans alcool, qu’un tel concept puisse exister en dit long sur le changement de culture qui est en train de s’opérer au Royaume-Uni. D’autres bars sans alcool ont d’ailleurs ouvert à Liverpool et à Nottingham, et deux vont ouvrir à Brighton et Newcastle, villes réputées pour leur vie nocturne agitée. Car l’image glamour de l’alcool est très progressivement en train de s’évaporer. « partout les soirs de week-end, les centres-villes se remplis- s’indigne Richard Harris. Notre relation à l’alcool n’est pas la même qu’en France : on ne mange pas quand on boit, et on boit trop d’un coup. » Si les statistiques montrent que les Français boivent plus que les Britanniques, avec en moyenne 12 litres d’alcool par an et par personne, contre 10,2 litres outre-Manche (chiffres de 2010), la consommation hexagonale est plus régulière et la cuite du samedi soir moins systématique. Le récent engouement pour le « Dry january » – le « janvier à jeun» – en Grande-Bretagne prouve que les mentalités sont peut-être en train de changer : après les excès des fêtes de fin d’année, de plus en plus de Britanniques passent en effet le mois de janvier sans boire une goutte d’alcool. Alcohol Concern, la principale association de lutte contre l’alcoolisme, a soutenu le mouvement cette année. Le gouvernement britannique a par ailleurs annoncé, le 4 février, l’interdiction de vendre de l’alcool à perte, une façon de mettre fin aux superpromotions sur les canettes de bière dans les supermarchés. Un prix plancher est désormais fixé selon la dose d’alcool : 49 centimes pour une bière à 4 % d’alcool, et 10,77 € pour une bouteille de vodka de 70 centilitres. Simple lendemain de gueule de bois, ou véritable virage culturel ? Il faudra probablement encore quelques années avant que les mentalités changent. Il suffit d’écouter Richard Harris, l’homme du bar sans alcool. Ce père de deux adolescents redoute-t-il de les voir se saouler? « Parfois, ça fait du bien de se laisser aller complètement. » A suivre… Eric Albert sent de gens complètement ivres, royaume-uni Zincs zéro degré. A u premier abord, l’idée semble séduisante. Le premier « bar sans alcool » de Londres a ouvert ses portes il y a six mois à Golborne Road, dans un quartier défavorisé de l’ouest de la capitale britannique. Au bien nommé Redemption, on sert des « mocktails » – jeu de mot construit sur mock, «faux» –, des cocktails à base de jus de fruits. Voilà qui va à contre-courant des clichés : les Britanniques boivent moins. Depuis 2004, la consommation d’alcool par personne recule, et elle est même revenue au niveau du milieu des années 1990. Pourtant, en arrivant devant les néons de l’établissement, le doute s’immisce. Bien sûr, le décor est agréable : des tables en bois de bric et de broc, un scooter étonnant à la selle extralongue comme décoration, un petit comptoir derrière lequel Richard Harris, le tenancier, prépare les mocktails… D’agréables odeurs de cuisine végétalienne caribéenne montent aux narines. Seulement voilà : le « bar sans alcool » 24 - 8 mars 2014 www.redemptionbar.com un premier bar sans alcool à Londres, des prix plancher pour les canettes de bière, une opération “Janvier à jeun” très suivie… une minirévolution semble opérer au pays des pubs et du “binge drinking”. Marc Beaugé rhabille… BHL. Ellen DeGeneres/AP P UiSqU’iL nE REChiGnE JAMAiS à quitter Saint-Germaindes-Prés pour sauter dans son jet, débouler au milieu d’un champ de bataille et agiter sa mèche devant les chars et les caméras du monde entier, c’est sans surprise que nous vîmes récemment débarquer, place Maïdan à Kiev, l’illustre philosophe Bernard-Henri Lévy. Naturellement, celui-ci arborait alors le costume de superhéros qu’il ne quitte que pour écrire, nu, en ses humbles demeures de la rive gauche ou de Saint-Paul-de-Vence, allongé, sans doute, sur des draps de soie pendant qu’Arielle se demande si sa taille est encore la plus fine de Paris. Comme autrefois à Sarajevo ou Benghazi, BHL portait à Kiev un costume noir à revers cranté, taillé chez Charvet, illustre maison de la place Vendôme. Sous celuici, l’usuelle chemise virginale à col Danton dévoilait un pan de torse, et rappelait que cet homme-là craint aussi peu le froid que le ridicule. Mais l’essentiel sembla, une fois n’est pas coutume, ailleurs. Sur les cendres ukrainiennes, BHL révéla en effet l’autre secret de sa silhouette hors du commun : le pantalon taille haute. UnE OBSERvATiOn PRéCiSE DES CLiChéS montre que BHL arbore son pantalon de costume à un niveau particulièrement élevé, au-dessus du nombril, à une hauteur que ne renierait pas Jacques Chirac. Comme l’ex-président de la République, le philosophe cabotin a choisi de comprimer son ventre derrière l’étoffe pour mieux le dissimuler, preuve qu’il ne reculera jamais devant rien pour paraître. Car en position assise, ce type de pantalon étrangle le ventre, créant ainsi un véritable inconfort chez celui qui le porte. Mais, pour BHL, l’option recouvre bien des avantages. Ainsi, le philosophe est à l’abri de dévoiler le fameux « sourire du plombier » à chaque fois qu’il ramasse un éclat de mortier ou tend la main à un simple mortel aux abois. De plus, il s’offre, avec ce pantalon taille haute, la possibilité d’un énième coup médiatique retentissant. Il est en effet écrit que, le jour où son pantalon sera remonté assez haut Illustration Peter Arkle pour M Le magazine du Monde pour recouvrir sa chemise ouverte particulièrement bas, l’émoi médiatique sera colossal. Il y a même fort à parier que Paris Match consacre sa couverture à l’événement, avec ce titre : « Mais où est passé le nombril du monde ? » En optant de façon tranchée pour un type de pantalon bien spécifique, BernardHenri Levy prend position dans un débat de générations, aux allures de querelle des anciens et des modernes, les premiers préférant généralement la taille haute, les seconds la taille basse. A tous ceux qui lui reprochent de ne pas avoir d’œuvre ou de pensée, BHL pourra ainsi opposer une réponse cinglante. Au péril de son intégrité, lui, le philosophe taille haute, a pris une position tranchée dans un débat de civilisation majeur. Même Sartre n’avait pas osé s’aventurer sur ce terrain-là. Le buzz du Net On n’est jamais si bien selfie… L a 86e cérémonie des Oscars, le 2 mars à Los Angeles, a vu germer un nouveau record planétaire. En quelques heures, un selfie posté sur Twitter par Ellen DeGeneres, la maîtresse de cérémonie, a été partagé plus de 2,5 millions de fois sur le réseau social. Du jamais-vu depuis le message de réélection de Barack Obama en novembre 2012, « four more years » (« quatre ans de plus »), retweeté – seulement – 810 000 fois. Sur le cliché, immortalisé à bout de bras par l’acteur américain Bradley Cooper, figurent les visages souriants de Julia Roberts, Meryl Streep, Angelina Jolie, Brad Pitt ou encore Kevin Spacey. « La meilleure photo jamais prise », s’enthousiasme Ellen DeGeneres sur son compte Twitter. Une photo surtout réalisée avec un smartphone de la marque Samsung, l’un des sponsors de l’événement récompensant chaque année les meilleures productions mondiales du cinéma. Autant dire qu’il s’agit d’un coup marketing très réussi pour le groupe sud-coréen qui a dépensé depuis 2009 pas moins de 17 millions d’euros pour s’afficher lors de cette soirée. Franck Berteau 25 La semaine. La photo Eclats d’Ukraine. Cette Ukrainienne observe une porte endommagée de l’Assemblée régionale à Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Le lundi 3 mars, des militants pro-Russes ont envahi les locaux du bâtiment officiel et ont hissé le drapeau du pays voisin sur le toit d’un Parlement qu’ils estiment illégitime. Ils exigent un référendum sur le rattachement de la région à la Russie ou sur une plus grande autonomie vis-à-vis de Kiev. Laurent Telo Planète obèse. Les Américains pourraient bien perdre leur titre de champions du monde de l’obésité. Plusieurs études montrent que le surpoids, en particulier chez les jeunes, gagne du terrain en Chine et dans le sud de l’Europe. 26 - Etats-Unis à la diète Aux Etats-Unis, l’obésité a baissé de 43 % ces huit dernières années chez les enfants de 2 à 5 ans, selon une enquête parue le 25 février dans le Journal of the American Medical Association (Jama). Par ailleurs, le taux d’obésité dans les différents groupes de population s’est globalement stabilisé. Europe adipeuse L’Europe est en train de faire de l’obésité « une nouvelle norme », s’inquiète un rapport du 24 février de l’Organisation mondiale de la santé. Jusqu’à 27 % des adolescents de 13 ans et 33 % des enfants de 11 ans y sont en surpoids. La situation est critique en Grèce, au Portugal, en Irlande et en Espagne. Chine bien en chair Selon l’Overseas Development Institute, le taux de surcharge pondérale a doublé en Chine depuis 1980. Les Chinois mangent plus de viande, de sucre et d’aliments gras tout en adoptant un mode de vie sédentaire. Les soldats chinois seraient même à l’étroit dans des tanks conçus il y a trois décennies. J.-M. N. A partir de 2015, les Boy Scouts of America (BSA) ne pourront plus compter sur l’aide financière de la compagnie Walt Disney. L’entreprise américaine, leader mondial du divertissement, n’accepte plus les positions homophobes de l’organisation de jeunesse. Si, depuis le mois de janvier, les BSA ont levé l’interdiction pour les jeunes gays de rejoindre leurs rangs, les adultes homosexuels en sont toujours bannis. La maison mère de Mickey Mouse, qui avait pris l’habitude de subventionner quelques troupes en échange de travaux bénévoles, juge cette mesure contraire à sa politique de lutte contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle. De l’autre côté, les organisations religieuses n’ont pas apprécié l’ouverture des scouts américains aux jeunes homos. L’Eglise mormone, l’un des principaux partenaires financiers des BSA, a ainsi décidé de geler la moitié de ses souscriptions. Franck Berteau 8 mars 2014 Reuters. MCT/Zuma/REA. Xinhua/Zuma/REA. François Perri/REA. Jonathan Ernst/Reuters Mickey trouve les scouts trop homophobes. SÉLECTION DE ROSIERS PARFUMÉS DAVID AUSTIN 1 2 3 4 5 SELECTION DE ROSIERS PARFUMÉS – ECONOMISEZ 25% OU PLUS Appelez le 00 44 1902 376370 ou visitez www.davidaustinroses.com (en mentionnant LM12) DAVID AUSTIN® R O S E S A N G L A I S E S PA R F U M É E S Nos Rosiers Anglais sont réputés pour leurs parfums puissants et variés, et nous vous proposons ici une sélection de nos variétés les plus délicieusement parfumées. Ces superbes rosiers arbustifs sont idéals idéaux dans une roseraie, en grands conteneurs ou dans un mixed-border. A planter par trois pour un effet de masse optimal. Non contents d’être beaux, ils fleurissent abondamment, sont très sains et fiables. Certaines de ces variétés peuvent aussi être conduites en petits rosiers grimpants. OFFRE SPECIALE : Economisez 25% sur le prix habituel pour toute commande de Rosiers Anglais parfumés présentés ici. 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Chaque année, une centaine de chiens, furets, zèbres, dromadaires, lamas… reçoivent une bénédiction. Sauf que l’édifice doit être démoli pour laisser place à des logements sociaux. Les fidèles se mobilisent pour tenter de trouver les 3,3 millions d’euros nécessaires à son rachat. Laurent Telo Accordéon et ballon rond s’accordent-ils ? 28 - 8 mars 2014 Y a-t-il un âge limite pour donner un coup de rein ? Capture écran du site du projet Liberté de Lars Ramberg. Vladislav Galgonek/AFP Considérant qu’elle n’avait pas besoin de ses deux reins « pour rester à la maison à tricoter et à regarder la télé », une Anglaise âgée de 85 ans est devenue la donneuse la plus âgée du pays, a annoncé l’hôpital de Preston (Lancashire), dans le nord de l’Angleterre. Après lui avoir fait subir des tests, les médecins ont conclu que la femme, qui a requis l’anonymat, était apte à céder l’un de ses reins. Chanterat-on “La Marseillaise” sur le trône ? Trois toilettes publiques importées de Paris, peintes en bleu, blanc, rouge et surmontées de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » vont être installées à Oslo pour le 200e anniversaire de la Constitution norvégienne, inspirée des textes français et américain. Les usagers de ces Sanisette pourront y entendre des discours de personnalités historiques (dont Charles de Gaulle), ainsi que l’hymne national des trois pays. L. T. C’est encore loin l’Amérique ? Une carte, diffusée le 28 février sur la chaîne américaine d’information continue MSNBC, a ressuscité la Tchécoslovaquie, présentée comme délimitant la frontière ouest de l’Ukraine. Or cet ancien satellite de Moscou a disparu le 31 décembre 1992, remplacé par la République tchèque et la Slovaquie (photo). Un journaliste de la chaîne avait déjà situé le Kenya « sur la côte nord de l’Afrique ». J.-M. N. Jean-Michel Normand 29 Juste un mot Addict. D ans la série des extensions abusives de sens, aujourd’hui, l’addiction, s’il vous plaît ! D’abord, les « shopping addicts » : ces jeunes femmes (surtout des femmes, désolé, ce n’est pas du sexisme) qui font chauffer la carte de crédit à tout bout de champ pour des achats compulsifs. Ensuite, il y a les « sex addicts », dépendants au sexe, aux sites porno (surtout des hommes, désolé, ce n’est pas du sexisme) ou aux rencontres de hasard ; aussi nommés sexooliques. Pas drôle. Après, nous avons, en vrac, les addicts au poker, les addicts aux jeux en ligne, addicts au tchat, addicts à Facebook. Et, pour finir, les addicts… au chocolat. Oui au chocolat. Il existe d’ailleurs des tas de sites, de forums, de coachs, de gens qui peuvent vous aider à vous défaire de votre dépendance à la tablette tentatrice, au Rocher vicieux et au carré infernal. Arrivé à ce stade dans la liste, un doute nous étreint, forcément. N’est-ce pas un peu exagéré de mettre toutes ces dépendances dans le même sac, de parler d’addiction et d’addicts pour tous ces problèmes ? Passons sur le fait qu’il s’agit d’un terme anglais, lui-même venant du latin addictus (adonné à, assujetti). La sociologue Joëlle Menrath, dans une note de son groupe de recherche Discours et Pratiques du 27 février, remarque : « La terminologie psychopathologique de l’addiction est aujourd’hui dans toutes les bouches : dans une enquête récente, nos 30 interviewés se disent volontiers “addicts” (à leur des nouvelles des boys bands chaque semaine, téléphone mobile, à Facebook, à Twitter, aux séries passa à autre chose. « Fan de » s’est arrêtée en télé…) et des études quantitatives mesurent désor- 2011 sur W9 : le mot fan a tenu de Sylvie Vartan mais combien de Français se déclarent “dépen- jusqu’à Beyoncé. Pas mal. dants”. Face à la fortune de ce terme, il est impor- Fan a une sorte de fraîcheur que l’on ne tant de rappeler que l’invocation de cette pathologie trouve pas dans « addict ». Addict traduit bien pour qualifier le besoin que les individus ressentent la période actuelle, faite de nerds ou de geeks à l’égard de certains outils et services numériques est scotchés à leurs écrans, de fashion victims (vicun abus de langage. » Toute sa note – très sé- times !) « accros » à la mode et de binge drinrieuse – démontre clairement ce point que kers, jeunes apprentis alcooliques qui se dénous sentons confusément, nous autres simples truisent méthodiquement dès le jeudi soir avant d’aller en boîte. mortels écouteurs de mots. Prenons les séries Par exemPle. L’addict d’une Les temps sont-ils drogués ? Là où, il y a série pratique désormais le binge watching quelques années, on entendait une chanteuse à quand il s’enfile trois ou quatre saisons d’une voix beugler « je t’ai dans la peau », aujourd’hui série (culte, forcément culte) sur Netflix ou en on chante « addict de toi » (Mademoiselle Lynn), streaming dans une seule nuit et qu’il explique « je suis accro » (Kim) ou « tu es ma came » (Carla le lendemain à ses collègues qui lui trouvent Bruni). Comme diraient les addicts à ce genre une petite mine : « Ch’suis complètement accro à d’images : non mais j’hallucine! GoT. » Pour ceux qui se poseraient la question : c’est de Game Of Thrones que parle l’addict, encore sous le choc de l’épiLes temps sont-ils drogués? Là où, sode 9 de la saison 3. Addict certes, accro sans il y a quelques années, on entendait une doute, mais est-il pour chanteuse à voix beugler ‘je t’ai dans la autant un drogué ? Avant on disait fan – et peau’, aujourd’hui on chante ‘addict de même « fana » dans les toi’, ‘je suis accro’ ou ‘tu es ma came’. années 1930. Ce petit mot vient du français « fanatique », pour dire qu’on aime vraiment beaucoup une musique ou une émission. Ou une star (une « idole »). Par exemple: « Je suis fan de Johnny », disait la jeune fille qui en 1961 collectionnait ses 45-tours et les billets de ses concerts au Golf Drouot. « Je suis fan de Thierry la Fronde », disait le garçon qui en 1964 piquait chez Félix Potin les figurines du feuilleton (on ne disait pas série) en cadeau dans les paquets de café. Récemment encore, la jolie Séverine Ferrer animait l’émission « Fan de » sur M6 qui, après avoir donné Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde Par Didier Pourquery Le Magazine / Portrait / Analyse / Reportage / Enquête / Portfolio / D’après une photo de Rue des Archives/BCA Les démons de Phoenix. A bientôt 40 ans, l’Américain Joaquin Phoenix enchaîne les films à succès et les rôles marquants, comme celui qu’il incarne dans “Her”, de Spike Jonze. Une jolie carrière qui laisse l’acteur perplexe, lui qui se trouve toujours mauvais à l’écran. S’il a déjà songé à tout arrêter, Phoenix l’insatisfait se “soigne” en échappant à son image le temps des tournages. Par Samuel Blumenfeld/ Sérigraphies Kate Gibb 8 mars 2014 - 31 I le magazine. l y a encore six mois Joaquin Phoenix n’avait Sur un écran s’entend. Il était bien sûr apparu au comédien que son alter ego au cinéma intéressait bon nombre de spectateurs. Dont il ne fait pas partie. Mais il tenait à rester éloigné de ce double encombrant, le laisser vivre, voire l’ignorer, dans une sorte de cohabitation pacifique. Cette mise en quarantaine a fonctionné pendant près de trente-neuf ans. Rester dans ce flou permettait à l’acteur de maintenir un équilibre intime et fragile. Jusqu’à ce que Spike Jonze, le réalisateur de Dans la peau de John Malkovich (1999) et de Max et les maximonstres (2009) insiste pour que son acteur découvre la copie de travail de leur nouveau film, Her (qui sortira en France le 19 mars). Cela n’aurait tenu qu’à lui, Joaquin Phoenix aurait détourné discrètement les yeux pendant la projection, regardé ses chaussures d’ordinaire privées de lacets, mis sa tête en arrière et placé ses mains dans ses cheveux, qu’il porte en ce moment exceptionnellement longs. Mais la demande de son réalisateur était ferme. «Non négociable ». Le metteur en scène apparaissait à ce point déterminé qu’il était prêt à prendre la tête de sa vedette entre chacune de ses mains, pour la diriger vers le rectangle blanc illuminé par le projecteur. Joaquin Phoenix n’a guère apprécié le spectacle. « Fuck it! Fuck it! », a-t-il répété pour désigner le désastre. «Fait chier! », dans sa traduction française, se révèle la devise du personnage de détective qu’il incarne dans Vice caché, le prochain film de Paul Thomas Anderson, adapté du roman de Thomas Pynchon. « Le juron me trotte dans la tête depuis», explique l’acteur. Et sert de mot-clé pour désigner ce qui ne va pas dans sa vie. Sa présence dans Her est comme une tache sombre sur un plan immaculé. Il reconnaît, à raison, que le film est très bon. Mais lui, non. Trop d’imprécisions dans son jeu. Un flou endémique dans l’approche de son personnage… Un problème récurrent que l’acteur diagnostique depuis son premier rôle significatif au cinéma dans Prête à tout (1995) de Gus Van Sant. Il n’est jamais parvenu à corriger cette absence de rigueur dans ses films ultérieurs : Gladiator (2000) de Ridley Scott ; Walk the Line (2005) de James Mangold; ses quatre opus sous la direction de James Gray, The Yards (2000), La nuit nous appartient (2007), Two Lovers (2008), The Immigrant (2012) et The Master (2012) de Paul Thomas Anderson. «Je souhaiterais tant refaire ces films, il y a tellement d’endroits où j’ai merdé, où je sais que la prochaine fois, j’aurai vraiment la possibilité de m’améliorer.» Plus jeune, il passait d’un film à l’autre, espérant effacer le souvenir désastreux du précédent pour enfin obtenir une prestation décente. C’était le mirage de l’enfance. Adulte, il a compris que la vie n’offre jamais de seconde chance. Jamais vu Joaquin Phoenix. l’idée de tout arrêter lui traverse régulièrement l’esPrit. Il en a même fait un film, I’m Still Here (2010), réalisé par son beaufrère, le comédien Casey Affleck. Le principe était celui d’un faux documentaire où un Joaquin Phoenix hirsute, un bonnet sur la tête, lunettes de soleil, barbe fournie, lesté d’une brioche informe, sale comme un pou, défoncé, annonçait sa retraite pour se concentrer sur une nouvelle carrière de musicien hip-hop. Une blague, mal comprise par la communauté hollywoodienne dont il voulait tester les limites. « J’avais envie d’exprimer une réalité simple. Lorsque vous êtes sportif, on 32 - s’attend à ce que vous preniez votre retraite, et on le comprend d’autant mieux si vous le faites au sommet de votre gloire. Ce n’est pas acceptable pour un comédien. Ce qui en dit long sur le système où nous évoluons et notre valeur marchande. Je voulais aussi lâcher plusieurs ballons d’essai. Que se passe-t-il si, comme dans le film, je déclare que le métier de comédien ressemble à celui d’un pantin à qui l’on demande de s’habiller de telle manière, de s’asseoir où on lui ordonne et de répéter ce qu’on lui demande? En fait, pas grand-chose. Je suis resté, seul, avec mes démons.» A bientôt 40 ans, Joaquin Phoenix en a conclu qu’il passait d’un écueil à un autre, pour ajouter à chaque fois une nouvelle page à sa catastrophe intime. Il a du mal à comp r e n d r e qu’une partie du public ne prenne pas la mesure du désastre que constitue sa carrière. «Je ne saisis pas ce qui se passe dans la tête des spectateurs. Il me faut pourtant saluer ce désaccord entre eux et moi, car s’ils me trouvaient mauvais, je n’aurais plus de travail. » Spike Jonze a écrit le scénario de Her avec Joaquin Phoenix en tête, dans le rôle d’un cadre d’entreprise vivant à Los Angeles dans un futur proche, et tombant amoureux de la voix féminine d’un programme informatique ultramoderne, en l’occurrence celle de Scarlett Johansson. Une voix capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. Le réalisateur s’est rendu spécialement à Los Angeles, dans la maison de l’acteur située sur Mulholland Drive, pour lui remettre en main propre le scénario. L’initiative a figé le comédien. Il n’en a pas dormi de la nuit, pour répondre positivement à l’aube. Il était tombé amoureux du scénario, un assentiment comparable au coup de foudre de son personnage pour la voix synthétique. Une décision qui ne relève pas chez le comédien d’un acte raisonné. Joaquin Phoenix ne réfléchit pas. « Lorsque je me mets à penser, tout s’effondre. C’est l’effet inverse, j’envisage le désastre. Pas celui du film. Mais moi à l’intérieur de ce même ••• “Lorsque je me mets à penser, tout s’effondre. Et j’envisage le désastre. Pas celui du film. Mais moi à l’intérieur de ce même film. Un effondrement intime.” Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 33 D’après une photo de Prod DB/Twentieth Century Fox/DR le magazine. ••• film. Un effondrement intime. » Quand il accepte un rôle, c’est avec le désir de prolonger une expérience, en refusant toute rationalisation, toute analyse. « Lorsque je m’engage avec une fille, c’est pour mieux la connaître. Je ne saurais vous dire si c’est quelqu’un de bien. Mais elle me plaît, et je veux passer un moment de ma vie avec elle. C’est similaire avec un scénario. » Sur un plateau, son malaise existentiel devient corporel. Le temps du tournage, son corps tremble. Il découvre des terreurs d’enfant que même, plus jeune, il ignorait. Sujet à des nausées, l’acteur transpire exagérément, au point que ses habits, trempés, réclament de la part des accessoiristes une intendance serrée. « La phrase: “j’ai trouvé la clé du rôle” me fait sourire. Moi, je ne trouve rien, et je fais dans mon froc. » L ’acteur habite tout en haut des collines L’endroit lui plaît tant il trace une frontière visuelle entre la ville et le désert, l’activité débordante d’une mégalopole et le vide apparent de la San Fernando Valley. Il vivait là gamin, dans ce qu’il appelle « la cuvette la plus profonde de la planète», où ses parents avaient élu domicile. Ils avaient fait de ce lieu improbable une rampe de lancement pour leurs cinq enfants, qui se rendaient, à bord d’une camionnette, dans les bureaux de Warner, Columbia, MGM, Paramount et Fox pour participer à des castings. Joaquin Phoenix est le troisième d’une famille de cinq frères et sœurs. Son enfance ne ressemblait à aucune autre. « Si c’était à refaire, je ne l’échangerais pas. » Ses parents étaient membres de la secte Les Enfants de Dieu, dont la mission consistait à transmettre la parole divine dans les communautés hippies. Sa famille, qui portait alors le nom de Bottom, avait quitté la Californie pour une mission d’évangélisation au Venezuela, avant de rompre brutalement les liens avec sa communauté à la suite de plusieurs affaires de prostitution de mineurs impliquant le fondateur de la secte. « Nous sommes restés en Amérique du Sud, dans une chambre accolée à une maison. Mes parents prenaient soin de la propriétaire, alors à la retraite, qui nous offrait une chambre en échange. Vous n’avez pas idée de notre niveau de pauvreté. C’était au point où nous avons volé de la nourriture dans la cuisine de la propriétaire. » Le souvenir reste vivant et pénible. Il y avait la peur de se faire prendre. De voir arriver la police. Plus pénible encore, la honte de décevoir la personne lui procurant le gîte. Les parents ont plié armes et bagages pour retourner en Californie. C’était un nouveau départ. Nécessitant un acte symbolique fort. La famille Bottom (en français le « fond » ou «le derrière») s’est rebaptisée Phoenix, faisant de son nom un programme où, après la chute, elle s’efforcerait de côtoyer les étoiles. Joaquin Phoenix ne se souvient plus de l’objet de sa première audition. « Je serais incapable de vous dire si l’on m’a pris ou non. » Mais il se souvient de son âge, 8 ans, et de la sensation au moment de lire son texte. Une poussée d’adrénaline sans équivalent.Avec la compréhension, innée, que jouer la comédie touchait à l’authenticité. Il n’avait jamais connu d’émotion aussi forte. A cette période, son frère aîné plus vieux de quatre ans, River, voyait déjà sa carrière prendre son envol. Elle se terminera brutalement, en 1993, après une overdose. L’ombre tutélaire de ce grand frère n’a jamais perturbé Joaquin Phoenix. Il avait compris que le talent de son aîné, au-delà de sa beauté hors 34 - d’hollywood. du commun, résidait dans cette dimension tragique qu’il avait offerte à ses meilleurs rôles, Stand by me de Rob Reiner, A bout de course, de Sidney Lumet, My own Private Idaho, de Gus Van Sant. « Je ne sais pas si ces rôles étaient tragiques car écrits ainsi, ou le devenaient car mon frère leur apportait son ADN. » Joaquin se regardait autrement, plus sombre, moins séduisant, pas aussi engageant. « Nous avions évoqué ces différences ensemble, et nous nous disions qu’il serait formidable de poursuivre cette discussion sur notre métier quand nous aurions dépassé la cinquantaine. Seulement, voilà, River est mort. » Autant son frère bénéficiait de facilités, autant Joaquin Phoenix devait travailler son intensité. Etre acteur devenait une mission à laquelle il fallait apporter tout le soin nécessaire. Il se souvient avoir atteint la cote d’alerte quand il incarnait le chanteur de country Johnny Cash, dans Walk the Line de James Mangold. Pour une séquence dans laquelle son personnage, abandonné par sa femme, en proie à l’alcoolisme, dépendant de ses médicaments, détruisait son vestiaire, James Mangold avait demandé à l’acteur qu’il détruise sa guitare, prenne une pilule, une rasade de bière et pose ses fesses sur un tabouret. Sans plus de dégâts. La scène étant tournée dans une école primaire de Memphis, il fallait respecter le mobilier. Joaquin Phoenix s’est emparé de la guitare, pour la réduire en miettes. Il s’est occupé ensuite de l’évier, l’arrachant du mur, provoquant une inondation. Puis il s’est rassis, a pris ses pilules et terminé sa bière. Il n’y avait plus d’autre prise à faire, le décor ayant été fracassé… Il fallut des mois à l’acteur pour se remettre de ce rôle, dont un passage aux Alcooliques anonymes. « J’ai compris qu’en continuant ainsi j’allais crever. Je devais trouver un moyen de me dissocier de mes personnages, de prendre ce métier moins au sérieux, au risque de sombrer. » Aujourd’hui, il n’applique plus les ••• Il se souvient de la sensation lors de sa première audition, à 8 ans. Une poussée d’adrénaline sans équivalent. Avec la compréhension, innée, que jouer la comédie touchait à l’authenticité. Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 D’après une photo de Nancy R. Schiff/Archive Photos/Getty L’ombre de River, le grand frère acteur ultradoué, mort d’une overdose à 23 ans, continue de planer sur Joaquin Phoenix. “Je ne sais pas si ses rôles étaient tragiques car écrits ainsi, ou le devenaient car mon frère leur apportait son ADN.” 35 D’après une photo de Larry Busacca/Getty Images/AFP Dans The Master, Joaquin Phoenix incarnait un vétéran tombé sous la coupe d’un leader sectaire, joué par Philip Seymour Hoffman. Un tournage difficile, pendant lequel un lien fusionnel s’est installé entre les deux acteurs. A la mort d’Hoffman, le 2 février dernier, Phoenix a été profondément marqué. 36 Le magazine. ••• méthodes de l’Actor’s Studio, ni l’identification absolue à un rôle. Mais sur le plateau de Her, il a demandé à ce qu’on l’appelle uniquement par le nom de son personnage, Théodore Twombley. Il procède toujours ainsi. Cesser de s’appeler Joaquin Phoenix le temps d’un tournage comporte un avantage de taille. Plus de passe-droits, de fauxsemblants, ni de courbettes. « J’ai négocié mon absence de statut pour mon plus grand soulagement.» Oublier qui il est. A un moment précis de sa carrière, cette exigence est passée par la soumission. Sur le plateau de The Master, de Paul Thomas Anderson, Joaquin Phoenix avait exigé, et obtenu, le statut de paillasson humain. Dans cette histoire, il incarne un vétéran de la seconde guerre mondiale tombant sous la coupe d’un leader religieux. Celui-ci, interprété par Philip Seym o u r H o ff man, était modelé sur le fondateur de l’Eglise de scientologie. D’emblée, s’installa entre les deux acteurs une relation de dépend a n c e , affective et sadique, où le corps massif de Philip Seymour Hoffman s’imposait de facto au corps frêle de son partenaire. Le lien fusionnel a dépassé le simple cadre du tournage. Quand il apprit le décès accidentel d’Hoffman, le 2 février chez lui, à Manhattan, d’une overdose, Phoenix a disparu, pris le premier avion pour la Côte est, et entamé une longue période de deuil. Sur le plateau de The Master, l’acteur avait demandé à ce qu’on l’appelle « Bubbles », du nom du singe de Michael Jackson. Ce n’était ni un geste de bonne humeur ni une marque d’humour. Mais la constatation lucide que ce à quoi consentait son personnage – se flageller dans une cellule par exemple – était proche du comportement animal. « J’avais regardé des vidéos de daims ou d’ours échoués dans un environnement urbain. La police Alors que Phoenix devait embrasser Nicole Kidman, il constata l’effet baroque provoqué par la petite déformation de sa lèvre. Un mélange d’attirance et de répulsion. 8 mars 2014 – Sérigraphies Kate Gibb pour M Le magazine du Monde leur administrait des tranquillisants. Leur cerveau semblait se mettre en veille. Ils se cognaient dans les murs. La patte gauche avançait mais celle de droite partait dans la direction opposée. Ils étaient gouvernés par la peur et le chaos. » Dans les moments de plus intense soumission à son maître, il avait poussé la métaphore animalière jusqu’à jouer un chien sauvage, avec des poils hérissés, décharné, affamé, dégoulinant de bave. Pendant ce tournage, il reconnaît avoir touché à quelque chose de viscéral et d’authentique. « Il faut l’admettre, je crois que j’étais bon. » D ans Her, Joaquin Phoenix a insisté Pour que son Personnage Porte une moustache. En général, quand il suggère des idées, discute un point de scénario, il se trompe. « Combien de fois ai-je relu mes notes – j’écris en permanence sur un plateau – pour constater qu’il s’agissait d’un tissu d’âneries ? Cela ne vaut rien, c’est inepte, stupide. J’ai comme ça des suggestions imbéciles sur des accents. Et, si l’on m’écoute, c’est foutu. » Sur la question de la moustache, en revanche, l’acteur a eu raison. L’objectif: masquer, une fois n’est pas coutume, sa marque distinctive. Ce philtrum, trait d’union entre son nez et sa bouche, qui présente chez lui une forme disharmonique, un ersatz de bec-de-lièvre qu’il a eu, plus jeune, tant de mal à gérer. Il se souvient encore du visage interloqué de Nicole Kidman quand il a dû s’approcher d’elle dans Prête à tout. Lui, adolescent manipulé par une femme mariée décidée à se débarrasser de son mari, tenait l’actrice par la taille et devait l’embrasser. Il constata l’effet baroque provoqué par son signe particulier. Un mélange d’attirance et de répulsion. Phoenix comprit alors la réaction complexe, ambivalente, sexuelle, qu’il produisait auprès de ses partenaires. C’est dans La nuit nous appartient, de James Gray, que l’acteur a eu la certitude d’être un objet de désir. La scène d’ouverture le plaçait collé à Eva Mendes, la main entre ses jambes, remontant toujours plus haut sur ses cuisses. Il se souvient de la sensation enthousiasmante de se trouver collé à cette comédienne à l’érotisme insolent. « On ne m’avait jamais regardé ainsi devant une caméra.» Puis s’est imposée une autre évidence. A la plastique idéale de sa partenaire, il opposait son visage accidenté. Et cette marque juste au-dessus de sa lèvre qui, à partir de ce jour, possédera le même pouvoir de séduction que le nez de Cléopâtre. Dans Her, pour incarner une histoire d’amour différente, Joaquin Phoenix a donc voulu dissimuler cette particularité par une moustache. Pourquoi montrer ce que son interlocutrice ne pourra jamais distinguer ? «J’ai aussi demandé à ce que l’équipe soit réduite à chaque fois que mon personnage et la voix avaient une conversation intime. On ne fait pas autrement quand des comédiens se mettent nus devant la caméra.» Il en convient, ce n’est guère évident de faire l’amour à une voix. Si quelqu’un devait y arriver, c’était lui. «J’ai passé ma vie à parler tout seul.» Il n’y a pas un jour sans que Joaquin Phoenix se demande si le film qu’il vient de finir n’est pas le dernier. En attendant, ce qu’il aime, c’est passer du temps avec ses amis, sa petite amie, aller voir des comédies au cinéma. Mais très souvent, il fait ce qu’il assure faire le mieux : arpenter les couloirs de sa maison en parlant tout seul. - 37 Le coupable idéal. Pendant quatre jours, il a été le principal suspect dans l’affaire de la tuerie de Chevaline, qui a coûté la vie à quatre personnes en septembre 2012. Aujourd’hui, Eric Devouassoux est libéré. Mais détruit après avoir dû affronter le harcèlement médiatique, la calomnie, le licenciement brutal. Une vie brisée en 96 heures. Par Stéphanie Marteau/Photos David Wagnières Interpellé le 18 février, Eric Devouassoux a été libéré le 22. Jugé non coupable dans le quadruple meurtre, il est mis en examen pour trafic d’armes. 38 C le magazine. e vendredi après-midi 28 février, c’est la deuxième fois qu’il retourne au café de la Place depuis sa sortie de garde à vue, une semaine plus tôt. A peine Eric Devouassoux passe-t-il la tête dans le troquet de Menthon-SaintBernard, son QG depuis des années, que les cris de joie fusent, que les bras se serrent autour de ses épaules encore voûtées. L’ex-agent de sécurité de 48 ans, soupçonné dans le cadre de l’enquête sur le quadruple meurtre de Chevaline le 5 septembre 2012, décompense après une épreuve qui l’a « brisé ». Les enquêteurs, qui ont trouvé chez lui une quarantaine d’armes à feu, l’ont mis en examen, avec l’un de ses amis, pour trafic d’armes. Mais ils savent désormais que ce n’est pas lui qui a vidé deux chargeurs sur l’ingénieur anglais d’origine irakienne Saad Al-Hilli, 50 ans, sa femme Iqbal, 47 ans, sa belle-mère Suhaila et sur le cycliste Sylvain Mollier, 45 ans, retrouvé étendu à côté de la voiture des touristes. Les médias, qui avaient déferlé sur le village et pris d’assaut son pavillon quatre jours durant, sont repartis depuis que le coupable présumé, vilipendé par l’opinion locale pendant ses quatre-vingt-seize heures de garde à vue à Chambéry, n’est plus jugé coupable de rien. Depuis une semaine, Eric Devouassoux et sa famille ramassent, seuls, les cendres de leur vie partie en fumée. Son employeur suisse n’a pas attendu la fin de sa garde à vue pour licencier le père de trois enfants, qui ne sait pas comment il va rembourser ses 1 000 euros de crédit immobilier le mois prochain. Pas plus qu’il ne sait comment apaiser sa famille, toujours en état de choc… Mais ce vendredi glacial, ses copains sont tous là, un demi à la main, pour lui dire combien il a « raison de revenir » au café. « Eric a tout perdu, il faut qu’il se reconstruise », lance un paysagiste. Bonnet de laine enfoncé sur la tête, amaigri, l’intéressé sourit faiblement, le regard gris délavé. Eric Devouassoux est épuisé. Il ne quitte pas sa doudoune bleue, même à l’intérieur. Il cherche la chaleur de ceux qui n’ont jamais cru qu’il pourrait être le tueur malgré sa ressemblance frappante avec le portrait-robot. Ils sont accoudés au zinc, posent des questions naïves, souvent maladroites. A chaque poignée de main, accompagnée d’un mécanique « Ça va ? », l’ex-suspect no 1 ne peut que hausser les épaules en pinçant les lèvres. « Ils ne peuvent pas comprendre, les excuse-t-il. Les discussions de comptoir, ça me semble loin. » « Je vous préviens, lui avait dit son avocat marc dufour en sortant de chez le juge, dehors ça se passe mal. Les médias s’acharnent. Il faut vous attendre à des choses pas très gentilles de la part des gens de Menthon. Il faudra être fort. » En recouvrant la liberté, samedi 22 février, Devouassoux va en effet découvrir consterné que, alors qu’il répondait aux enquêteurs, les habitants de Menthon-Saint-Bernard, eux, répondaient aux journalistes… « Il y en avait partout, explique Maxime, patron du Café de la Place. C’était malsain. » Certains ont même pensé monnayer leur « scoop ». Emmanuelle, l’épouse d’Eric Devouassoux, a dû acheter des rideaux en catastrophe au Leclerc de Chambéry le jour de la perquisition, parce que son voisin, un sexagénaire en peignoir bordeaux, prenait des photos du salon depuis sa chambre. Résultat : trois fenêtres, trois imprimés différents, et faute de tringle, des morceaux de scotch pour tenir l’un d’entre eux. Il y eut aussi Gérard, 81 ans, en veste polaire ••• 8 mars 2014 - 39 le magazine. Amateur d’armes anciennes et de souvenirs du IIIe Reich, il tombe dans la nasse des enquêteurs, qui cherchent à étayer l’hypothèse du crime raciste. ••• bleue, qui a dépeint face caméra Devouassoux en « gars belliqueux, taiseux, borné ». Bien que l’affaire se soit dégonflée, et qu’il vienne de remporter le tiercé dans le désordre avec ses copains, le tapissier à la retraite persiste : « C’est un sale type, voilà deux ans que je l’évite, il me fait peur et m’avait menacé à plusieurs reprises. » Après sa garde à vue, quand la police le ramène chez lui, dans son lotissement du Clos des Revieux, Eric Devouassoux prend sur lui mais il est terrifié: « J’imaginais que tout le village voulait ma peau. Je voulais déménager dans le centre de la France, où j’ai une maison de campagne. » Et puis il a retrouvé Emmanuelle, sa femme, dame de service dans une école du village. « On s’est serrés, sans se parler. On a pleuré », confie la blonde quadragénaire. Ensuite, il est allé prendre une douche, lui qui n’avait pas pu se laver pendant quatre jours. Les textos se sont succédé et les amis ont débarqué : « T’as dû en chier », ont-ils répété, avant d’accabler les médias, accusés de l’avoir condamné trop vite. Les gendarmes ont placé en garde à vue quelques proches d’Eric Devouassoux, dans le cadre de l’enquête sur le trafic d’armes (essentiellement des armes de chasse et de collection, pas toutes neutralisées ni déclarées). Quand la rumeur de ces nouvelles arrestations s’est répandue, beaucoup de gars du village ont vérifié qu’ils n’avaient pas adressé de SMS compromettant à Devouassoux le jour de la tuerie… Peu après son retour chez lui, son père l’a appelé, des sanglots dans la voix: « Tu te rends compte, ils sont allés voir la grand-mère à la maison de retraite ! » Le soir même, son fils cadet, 13 ans, est rentré de chez ses grands-parents : « Il m’a demandé comment ça allait, les larmes aux yeux. Etrangement, il n’est pas resté longtemps avec moi. Pour l’instant, on n’a pas vraiment parlé », raconte le père, démuni. L’ado n’est pas allé à l’école pendant une bonne semaine. Mais depuis sa chambre, il a su que dans le bus du club de ski dont il est membre, alors que l’animatrice s’enquérait de son absence, l’un des gosses a lancé : « Il risque pas de venir, son père a buté quatre mecs ! » Ces « blagues » d’adolescents tranchent singulièrement avec l’ambiance qui règne désormais dans les coquettes rues commerçantes de MenthonSaint-Bernard. La bourgeoise bourgade des abords du lac d’Annecy, égayée par son épicerie fine, son Palace 4-étoiles et son salon de thé, n’a pas franchement l’habitude des faits divers et a aujourd’hui du mal à se regarder dans la glace… C’est que nombre d’habitants ont collaboré à l’enquête qui visait Eric Devouassoux. L’ex-policier municipal, qui a officié de 1989 à 2012, sait qu’il n’a jamais été très populaire – « c’est le métier qui veut ça ». Pourtant, il n’arrive pas à se départir du malaise qui l’étreint depuis son retour chez lui. Devouassoux a été dénoncé par quelqu’un du village, une semaine après la diffusion du portrait-robot du meurtrier de Chevaline, en novembre 2012. Mais il ne sait pas par qui… Cette même personne a contacté une chaîne de télévision. Et elle a obligeamment fourni aux enquêteurs un catalogue d’une dizaine de 40 - pages, trouvé dans le tiroir de son bureau, à la mairie, où figuraient les photos de ses armes anciennes, ainsi qu’une casquette aux couleurs des tankistes SS, parmi d’autres souvenirs du IIIe Reich. Une « révélation » qui l’a fait tomber dans la nasse, à l’heure où les enquêteurs cherchaient, entre autres pistes, à étayer l’hypothèse d’un crime raciste… Les analyses balistiques avaient établi que l’arme du crime était un pistolet automatique Luger P 06, utilisé par l’armée suisse au début du xxe siècle. Dès l’automne 2012, l’étau s’est res- autour du collectionneur d’armes anciennes, passionné par l’histoire des première et seconde guerres mondiales. D’autant qu’au même moment, son employeur, le maire de la commune, Antoine de Menthon, contactait les gendarmes après la diffusion du portrait-robot : « Je suis quand même troublé, il y a une forte ressemblance… », aurait alors lâché l’édile, selon une source proche du dossier. Finalement, le policier municipal a été contraint à la démission et radié de la fonction publique territoriale en juin 2013 pour avoir détourné des bons d’essence destinés aux véhicules de la municipalité. « J’ai tout remboursé, plaide-t-il aujourd’hui, et aucune plainte n’a été déposée. » Pourtant, interrogés sur l’emploi du temps d’Eric Devouassoux le 5 septembre 2012, les services municipaux l’ont à nouveau « plombé » en assurant aux enquêteurs que ce dernier était en congé, « comme tous les mercredis ». Or le jour de repos de l’ex-gardechampêtre était le jeudi, ainsi que l’enquête l’a démontré. « Et le maire le savait, puisqu’on se voyait tous les mercredis en réunion ! », s’emporte l’ex-employé de la commune. Aujourd’hui, Eric Devouassoux pense que beaucoup, à la mairie, l’ont trahi, que « des élus (l’)ont donné. Le Français est un collabo dans l’âme », lâche-t-il, amer. Dans ce Clochemerle huppé, où les 4×4 stationnent non loin des voiliers, les langues s’étaient donc déliées bien avant la garde à vue et l’arrivée des caméras. Les témoignages recueillis ces derniers mois par les gendarmes auprès des 2 000 habitants décrivent « quelqu’un qui n’aime pas les étrangers, qui a eu des gestes violents envers des touristes », « un type qui partait en vrille depuis quelques années, et qui s’était aigri depuis qu’il avait quitté son poste à la mairie ». Ou encore une personnalité irascible, qui venait récupérer des pièces détachées à la déchetterie, terrorisant le responsable. « Au village, deux tiers des gens ont dû être ravis de ce qui lui arrivait », estime un magistrat. Au fond, il n’y avait pas grand-chose à dire sur l’ancien policier municipal, admettent ceux qui se sont épanchés, mais ça n’a pas empêché les uns et les autres de lâcher par bribes ce qui, mis bout à bout, a fini par étoffer le portrait du coupable idéal : « Tout le monde se sent un peu mal, maintenant, reconnaît une habitante, une trentenaire qui requiert l’anonymat. On n’avait rien de vraiment méchant à dire, mais on est en hiver, on n’avait pas de quoi parler, et on se disait que si ça faisait tant de battage, c’est qu’il y avait forcément quelque chose. » serré Photos David Wagnières pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 Devant les caméras, certains habitants de Menthon-Saint-Bernard, en Haute-Savoie, n’ont pas hésité à « enfoncer » Eric Devouassoux, décrivant, comme Gérard (à gauche), « un gars belliqueux, taiseux et borné ». Une fois sorti, l’ancien policier municipal (en haut, chez lui) imaginait « que tout le village voulait sa peau ». 41 Andrew Wylie dans son bureau new-yorkais, en décembre 2013. 42 - 8 mars 2014 l le magazine. ou Reed, Andy WARhol, BoRges, nABokov, PhiliP Roth, ces illustres personnages ont en commun un homme, un nom. Andrew Wylie, dit « le Chacal ». Inconnu du grand public, mais célèbre dans le monde des arts et des lettres, cet Américain de 66 ans officie depuis une trentaine d’années en qualité d’agent, défendant avec une férocité affichée les intérêts de ses clients, morts ou vivants. Une figure quasi romanesque, toujours sur la brèche, sur les bons coups comme les mauvais, et dont le nom émerge régulièrement dans l’actualité culturelle. A la mort de Lou Reed, le 27 octobre 2013, il a été immédiatement désigné pour gérer sa succession. Il y a quelques mois, en France, il a soustrait l’œuvre d’Italo Calvino (1923-1985) à son éditeur de toujours, Seuil, pour la transférer chez Gallimard, passant au pilon tous les exemplaires du Seuil, jugés mal traduits. Dans un entretien récent au magazine Vanity Fair, la fille de l’écrivain rendait hommage à l’action deWylie: en négociant avec Gallimard une nouvelle traduction de l’auteur à succès italien, Wylie a défendu les finances autant que l’œuvre de Calvino. Un miniscandale dans le monde de l’édition. Cet homme au physique d’acteur de cinéma et au carnet d’adresses monumental exerce un métier banal dans les pays anglo-saxons : agent littéraire, c’est-à-dire intermédiaire entre les auteurs et les éditeurs. Tandis qu’en France cette profession est presque inexistante, les éditeurs favorisant les relations directes avec les écrivains, le système pratiqué – entre autres – par Wylie se généralise partout ailleurs. Etendant de fait son pouvoir exponentiel. La règle est simple: l’agent essaie de faire publier ses clients chez les meilleurs éditeurs, aux conditions financières les plus confortables, et prélève au passage ses honoraires, de 15 à 20 %. En principe, les à-valoir perçus sAlmAn Rushdie… par un auteur avant publication sont proportionnels à ses ventes passées et à celles espérées. Et c’est là que Wylie joue les perturbateurs, avec un culot et un sens du panache indéniables. Il estime que les écrivains doivent être rétribués selon leur valeur et non sur les chiffres des ventes. Et, sur le sujet, l’homme est intraitable. « Grâce à lui, assure Philip Roth, au lieu d’être payé comme un vendeur de grand magasin, je suis payé comme un chirurgien prestigieux. Un bon professionnel. En outre, Wylie est un homme cultivé. » C’est là l’autre de ses principaux atouts : Andrew Wylie sait lire. Ce qui fait de lui plus qu’un simple intermédiaire, mais le place au cœur de la création et de la diffusion de la littérature dans le monde. Comment « le ChACAl » A-t-il Bâti sA RéPutAtion? S’il parle volontiers affaires, assez fier de ses succès, il est peu disert sur lui-même, sur la manière dont il a surgi, brutalement, dans ce cercle prestigieux des grands agents littéraires, qui se seraient bien passés de la séduction intellectuelle et financière qu’il exerce sur de plus en plus d’écrivains. Rien ne prédisposait ce fils de bonne famille de Nouvelle-Angleterre à devenir un redoutable homme d’affaires. Etudiant, il s’ennuyait à Harvard, mais sait encore par cœur des passages de Finnegans Wake de Joyce. Son père était éditeur chez Houghton Mifflin et si le jeune Andrew, lecteur boulimique, appréciait sa bibliothèque, il n’avait aucune envie, en abordant les années 1970, de se ranger. Il vivait à New York, plutôt fauché. « Oui, je glandais », concède-t-il aujourd’hui. Très lié à Lou Reed, il passait des nuits blanches dans le fameux night-club Max’s Kansas City, fréquentait la bande d’Andy Warhol. Défonce, alcool, petits trafics… Mais il faut bien un jour décider si on va se perdre ou changer de vie. Ce jour est venu en 1980. Finis les cheveux longs et les blousons de cuir. « J’ai d’abord voulu être éditeur, se souvient Wylie. Je me suis présenté dans ••• Vendeur de plumes. Dans le milieu littéraire américain, on l’appelle “le Chacal”. Andrew Wylie, l’agent des plus grands auteurs – Philip Roth, Salman Rushdie, Jorge Luis Borges – a imposé sa griffe aux maisons d’édition : des conditions financières (très) confortables pour l’écrivain et de généreux honoraires pour son agent. Un businessman éclairé, qui a aussi et surtout le goût des belles-lettres. Par Josyane Savigneau/Photos Jeff Brown 43 le magazine. ••• plusieurs maisons. A chaque fois on me demandait quels best-sellers du moment j’avais lus. Quand je répondais: aucun, on me regardait d’un œil soupçonneux. Que venais-je faire là ? Je n’étais pas taillé pour ce métier. En effet. Si je devais lire et m’occuper de livres pour moi sans intérêt, autant aller à Wall Street faire de l’argent. Avant de me décider pour la finance, je me suis demandé si je pouvais gagner ma vie en lisant les livres que j’aimais, en rencontrant les auteurs que j’admirais. J’ai décidé d’ouvrir une agence littéraire. » T “Il faut contraindre les éditeurs à payer cher les écrivains, ce qui les incitera à mieux défendre leurs œuvres, et donc à mieux les vendre.” out a commencé dans un petit bureau, avec les 10 000 dollars donnés par sa mère, puis dans son appartement, pour ne pas cumuler deux loyers. Quand un enfant est né, il a dû déménager. « J’ai loué une pièce dans l’immeuble actuel de l’agence. Maintenant nous avons un étage et demi. » Et il est passé de douze à quelque neuf cents écrivains représentés. Mais le succès ne fut pas immédiat. En 1986,Wylie a dû se lier à une grande agence londonienne,Aitken and Stone. « Je leur ai emprunté 100000 dollars, ma mère s’est portée caution. Au début, je n’avais même pas de quoi payer des enveloppes. J’ai tout remboursé en dix-huit mois. En 1996, on a envisagé une alliance 50-50. Mais finalement, j’ai repris ma liberté. » D’où vient cette réussite, lente au départ, fulgurante ensuite ? « D’un constat très simple, mais qu’il fallait parvenir à imposer, avec une certaine agressivité, aux éditeurs : les bons écrivains sont sous-payés, alors que les auteurs de best-sellers gagnent très bien leur vie. Il faut donc contraindre les éditeurs à payer cher les écrivains, ce qui les incitera à mieux défendre leurs œuvres, et donc à mieux les vendre. » En parallèle, une certitude : les maisons d’édition ne savent pas promouvoir leurs auteurs à l’étranger. « Moi, je veux que chaque écrivain que je représente soit, dans chaque pays où il est traduit, publié chez le meilleur éditeur. En France: Gallimard. Sans doute la plus belle maison au monde. » De cette volonté d’Andrew Wylie, et de sa dureté, Teresa Cremisi, actuelle puissante directrice générale de Madrigall – la structure créée après le rachat de Flammarion par Gallimard –, peut témoigner. Elle entretient depuis longtemps des relations amicales avec lui, mais « tout avait très mal commencé ». Quand, à la fin des années 1980, Wylie a fait sortir Salman Rushdie du giron de Cremisi, alors éditrice en Italie chez Garzanti, pour le faire éditer par le géant Mondadori. Sans lui permettre la moindre négociation… Quand les écrivains sont, selon lui, chez de bons éditeurs, ils doivent y rester mais à de meilleures conditions. Ainsi, dans Hothouse, une enquête sur Farrar Straus & Giroux, la maison d’édition américaine (parue en 2013 chez Simon and Schuster), l’auteur, Boris Kachka, évoque dans un chapitre intitulé « La journée du “Chacal” » le terrible bras de fer qui opposa la maison d’édition à Wylie, agent de deux auteurs maison, Susan Sontag et Philip Roth. Un épisode édifiant quant aux pratiques du « Chacal » et à son rapport décomplexé à l’argent. A l’époque, Roger Straus donnait à Roth 150000 dollars par livre, et possédait les droits mondiaux. Wylie en a exigé 900000, rien que pour les Etats-Unis. L’éditeur, qui ne répugnait pas à être grossier, a envoyé Wylie « se faire foutre », en concluant : « Ce type est une merde. » « Roger s’est très mal comporté, se souvient Philip Roth. Il a donné un entretien au New York Times en affirmant qu’Andrew et moi étions cupides. » Maintenant que Philip Roth n’écrit plus, il adore parler et, quand il raconte comment Wylie est devenu son agent, c’est comme s’il 44 écrivait, en direct, une petite nouvelle. L’écrivain américain n’avait jamais été représenté et refusait de l’être. Mais lors d’un pot de départ chez son éditeur Farrar Straus, « Andrew était là et je me suis senti courtisé comme une jeune fille. J’ai eu envie de fuir ». Après plusieurs rendez-vous, Roth a succombé au redoutable charme de Wylie et l’affaire fut conclue. « C’est la meilleure décision de toute ma vie. » Un choix déterminant que ne regrette pas non plus Salman Rushdie. « Andrew est devenu mon agent en 1987, alors qu’il était encore un jeune homme qui avait faim. Parmi les choses que j’aime en lui, il y a le souci de ne pas entretenir des relations complices avec les éditeurs. Et bien sûr, grâce à lui, je gagne plus d’argent [Wylie avait obtenu une avance de 850000 dollars pour Les Versets sataniques]. Aujourd’hui, je ne me sens plus vraiment comme son client, c’est un ami. Un frère. » Le Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul évoque également une relation d’amitié et de confiance avec Wylie. Tout comme l’Anglais Martin Amis, qui a quitté en 1995 son agent Patricia Kavanagh pour une avance record de 500000 livres et qui salue aujourd’hui le travail réalisé par Wylie pour ses traductions et pour son père, le romancier Kingsley Amis (1922-1995). « On disait que l’œuvre de mon père n’intéressait plus personne. Andrew a prouvé le contraire. » Redoutable homme d’affaiRes, Wylie est aussi un sincère ami des lettres qui sait parler aux auteurs. Christine Angot, l’une des rares Françaises à son catalogue, voit en lui « la personne en qui on peut avoir confiance immédiatement, et qui fait comprendre à un écrivain que son travail est d’écrire, que c’est la chose la plus importante de toutes, et que lui s’occupe du reste ». Mais le plus beau compliment vient peut-être, paradoxalement, de l’éditeur Roger Straus, dans le grand portrait que lui a consacré The New Yorker en 2002 : « Je vais vous dire la vérité sur Wylie. C’est un emmerdeur, il a tous les défauts, mais il est très brillant, c’est vraiment le plus intelligent de tous les agents. Il sait lire. Il a bon goût. » En France,Wylie assure aux auteurs qu’il courtise un rayonnement international. « Wylie promet d’ouvrir les portes de l’Amérique, donc du monde, mais l’Amérique est fermée », objecteAntoine Gallimard,PDG du groupe du même nom. « Faux, répond Wylie. Si la littérature française est mal représentée à l’étranger, c’est parce que les éditeurs français essaient de limiter la présence des agents. J’insiste, seuls les agents peuvent vendre les livres dans de nombreux pays. » « Pression » est sans doute le mot qui revient le plus souvent chez les éditeurs au sujet de Wylie. Que ce soit en France, avec Olivier Cohen – les Editions de l’Olivier publient Raymond Carver –,en Allemagne, avec Michael Krüger, des éditions Carl Hanser. Si Bernard Comment, qui dirige « Fiction & Cie » au Seuil, a publié Lou Reed « pour presque rien », il admet que c’est une exception. « Puisqu’il aime tant les livres, pourquoi Wylie ne prend-il pas le risque d’être éditeur? », poursuit Antoine Gallimard. Il a essayé, voilà deux ans, de devenir éditeur numérique.Immédiatement les grandes maisons,dont Random House, ont menacé de ne plus faire d’affaires avec lui. Il a reculé.Alors ont surgi des rumeurs de vente de son agence, qu’il dément : « J’ai envisagé de me lier à une agence d’acteurs et j’ai renoncé. » Aujourd’hui, il reste seul maître à bord, avec ses deux bureaux, à New York et à Londres, et espère afficher prochainement mille écrivains à son palmarès. A 66 ans, Andrew Wylie est un homme confiant. En lui-même et en l’avenir. « Le livre imprimé représente en Amérique 70 % des ventes de livres et ça va durer. Les lecteurs sérieux lisent sur papier et vont continuer. Je ne suis pas inquiet pour l’avenir du livre. » A 66 ans, Andrew Wylie espère bientôt afficher mille écrivains à son palmarès. 8 mars 2014 – Photos Jeff Brown pour M Le magazine du Monde - 45 46 Omotola, pétroleuse du Nigeria. le magazine. Elle figure parmi les 100 personnes les plus influentes du monde en 2013 selon le magazine “Time”… L’actrice Omotola Jalade-Ekeinde est la reine de Nollywood, l’industrie du cinéma nigériane. Superstar en son pays, ambassadrice glamour de causes humanitaires, cette Angelina Jolie africaine aimerait désormais conquérir l’Occident. Par Julien Blanc-Gras/Photos Corentin Fohlen Q uand le magazine américain « Time » l’a désignée comme l’une des 100 personnes les plus influentes du monde en 2013, elle s’est déclarée « heureuse, mais pas surprise » de figurer sur cette liste, où elle côtoie le pape et Beyoncé. Omotola Jalade-Ekeinde n’a aucun doute sur son statut de superstar. Il faut dire qu’elle est la première personnalité africaine à atteindre le million de fans sur Facebook. Et que l’émission de télé-réalité relatant son quotidien, Omotola : the Real Me, diffusée dans 52 pays, se targue de réunir plus de 50 millions de spectateurs. A 36 ans, Omotola Jalade-Ekeinde n’est pas seulement l’actrice phare de Nollywood, ce cinéma nigérian dont les productions low-cost sont parties à la conquête du monde.Chanteuse, entrepreneuse, philanthrope et mère de famille, celle qu’on appelle simplement Omotola, ou Omosexy, incarne un modèle de réussite individuelle de l’Afrique contemporaine. « Elle sert d’exemple à beaucoup de femmes. Tout le monde la connaît, c’est un phénomène », confirme Serge Noukoué,l’organisateur du festival NollywoodWeek à Paris. Voici donc le cas singulier d’une femme idolâtrée en Afrique, reconnue outre-Atlantique, mais quasiment inconnue en France. Il était temps de faire les présentations. C’est en jean et baskets, sans maquillage, qu’Omotola sort de son 4×4 aux vitres teintées. Nous sommes à deux heures de Lagos, la frénétique capitale économique du Nigeria, dans un coin reculé où elle doit tourner une scène pour une série télé dont elle est la tête d’affiche. Drôle d’endroit pour une rencontre : c’est un parc d’attractions qu’elle est en train de faire construire. Le chantier est à peine entamé. Au centre de ce futur « aquatic jungle park » trônent deux avions qu’on a dû faire venir de Lagos par une route fatiguée, provoquant le chaos dans une circulation automobile qui n’a pas besoin de ça. « C’était toute une histoire », s’amuse la star au début de l’interview, qui se tient donc à l’intérieur d’un jet privé égaré en pleine brousse. 8 mars 2014 Enjouée et volubile, Omotola parle fort et ponctue ses phrases d’éclats de rire tonitruants. Elle dégage l’énergie, à la fois solaire et épuisante, de ceux qui tracent des parcours hors du commun. Venue du mannequinat, elle fait ses débuts à l’écran en 1995, à 17 ans. « C’était tabou pour une jeune fille de jouer dans des films. On était considérées comme des prostituées. A l’époque, notre cinéma n’existait pas encore vraiment. » Depuis, Omotola a tourné dans plus de 300 longsmétrages et Nollywood est devenu la deuxième industrie cinématographique mondiale (en nombre de productions, jusqu’à 2500 par an) derrière l’Inde, mais devant les EtatsUnis. Des films qui, pour la plupart, sont tournés à la va-vite pour quelques milliers de dollars et sortent directement en DVD. Aujourd’hui, Nollywood n’inonde plus seulement le marché africain, mais aussi les Caraïbes et les diasporas africaines anglophones, principalement aux Etats-Unis, au Canada et en Angleterre. Omotola, elle, est devenue l’incontournable emblème de ce cinéma. Pourquoi elle et pas une autre ? « Le public me connaît depuis très longtemps », répond l’intéressée. « Il a grandi avec moi et peut s’identifier car je suis actrice mais aussi mère de quatre enfants. C’est très rare en Afrique dans le milieu du cinéma. » OmOTOla n’hésiTe pas à meTTre en scène son bonheur familial avec une touche de glamour. Son époux, Matthew Ekeinde, est pilote de ligne. Elle aime rappeler qu’ils se sont (re)mariés en 2001, lors d’une cérémonie en plein vol. Ce même mari, propriétaire de l’avion dans lequel nous nous trouvons, intervient quand notre photographe souhaite faire poser l’actrice sur l’aile : « Surtout pas ! Elle est trop grosse, c’est dangereux ! » Il semble plus inquiet pour son avion que pour son épouse. Omotola ne s’offusque pas une seconde. Ses formes généreuses font partie de son personnage et participent de son sex-appeal. « Elle représente quelque chose physiquement », estime Serge Noukoué. « Ses rondeurs plaisent car au Nigeria on assimile la femme forte à la femme puissante, celle qui réussit et qui domine. » D’ailleurs, l’actrice passe outre les instructions de son mari et monte avec ses talons hauts sur l’aile de l’avion ••• - 47 Le magazine. Omotola, ou Omosexy, comme on la surnomme, a plus de 300 films à son actif. Elle dispose d’une émission de télé-réalité sur mesure, a déjà commis quelques morceaux de R’n’B et prête son image à une marque de cosmétiques. Elle prépare enfin l’inauguration d’un parc d’attractions à deux heures de Lagos. ••• rendue glissante par la pluie. Il en faut plus pour l’arrêter. L’histoire d’Omotola contient aussi la part de tragique indispensable à l’édification des contes de fées. Issue d’une famille plutôt aisée de cinq enfants, son enfance est tranquille jusqu’au drame fondateur de la mort du père. « J’avais 12 ans. Il a eu un accident de voiture, parce que les routes étaient mauvaises. J’ai été en colère pendant très longtemps. Ça a façonné ma vie. Mon père nous nourrissait et, du jour au lendemain, on a dû subvenir à nos besoins. Adolescente, j’ai commencé à travailler dans le divertissement pour aider ma mère à nourrir la famille. Si je n’avais pas perdu mon père, je ne serais pas actrice. » Cette colère motive également ses multiples engagements philanthropiques et militants. Ambassadrice des Nations unies pour le Programme alimentaire mondial depuis 2005, elle fait aussi campagne pour Amnesty International dans son action de lutte contre la mortalité maternelle en Sierra Leone. En 2012, toujours avec Amnesty International, elle interpelle le gouvernement nigérian et la compagnie Shell pour leur demander de « payer et nettoyer » la pollution causée par l’extraction pétrolière dans le delta du Niger. Environnement, droits des femmes, injustice sociale : elle embrasse les causes tous azimuts. C’est que la tâche ne manque pas au Nigeria. Le pays le plus peuplé d’Afrique (174 millions d’habitants), s’il est en plein boom économique, reste miné par la corruption et les inégalités, sans même parler de la guérilla du groupe djihadiste Boko Haram qui ensanglante le nord du territoire. « Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Parce que l’argent circule seulement dans le cercle des élites corrompues de notre pays. On n’a pas besoin de continuer à souffrir comme ça, on est un pays riche. » Dopé au pétrole qui représente l’essentiel de ses revenus, le Nigeria connaît un taux de croissance de 7 % et fait figure d’eldorado des affaires en Afrique de l’Ouest. A Lagos, les 48 - nouveaux riches étalent leur opulence, roulent en Porsche et s’offrent des virées shopping à Dubaï. A deux pas des bidonvilles se dressent des panneaux publicitaires géants pour du champagne de luxe. Cette caste de nantis constitue le sujet de The Island, série télé parmi les plus abouties d’Afrique. Une sorte de Dallas local, où s’entremêlent amours, complots et trahisons dans la jet-set pétrolière. Omotola y joue une matriarche : « La série montre la vanité, la frime, la corruption et la folie de ce monde autour d’Ikoyi et Victoria Island [les quartiers cossus de Lagos, ndlr]. Moi, je suis une rebelle. Je peux me payer tout ça, mais je ne veux pas. Je possède une maison là-bas, je n’y habite pas. Je ne veux pas être parmi les riches. Tous les endroits devraient être assez bons pour y vivre. » Notons qu’il lui arrive toutefois de céder au bling-bling qu’elle dénonce, avec son penchant prononcé pour les voitures de luxe, dont l’une arbore une plaque d’immatriculation « Omosexy ». « En Afrique, ce n’est pas facile d’avoir du succès sans corrompre et sans voler. Quand les gens voient notre lutte, ils sont encouragés. Ils savent qu’il est possible de faire carrière, d’avoir une famille et de se battre pour des causes justes. » Pas frileuse, elle tweete régulièrement pour dénoncer l’immunité des puissants et les entorses aux droits de l’homme dans la jeune et imparfaite démocratie nigériane. Pourrait-elle, forte de sa popularité, se lancer en politique? Ça ne la tente pas. « Je refuse toute allégeance. En dépit des sollicitations, je ne soutiens aucun politicien. » En 2010, elle crée sa propre fondation, l’Omotola Youth Empowerment Programme, qui défend la veuve et l’orphelin, littéralement. Quand elle l’évoque, son ton devient quasiment messianique : « Je mène une croisade. Mon cœur bat pour les gens, je suis restée du côté des masses. Je veux unir les jeunes, leur montrer qu’il y a de l’espoir, que leurs voix peuvent être entendues. Il y aura une lumière au bout du tunnel. » Avec autant de foi dans le discours, on Photos Corentin Fohlen/Divergence pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 “Récemment, je suis allée faire du shopping à Londres. Ils ont dû fermer le magasin à cause de la foule.” n’est pas surpris de l’entendre dire qu’elle « tient sa force de Jésus-Christ ». Presque une évidence dans ce pays à la religiosité exaltée, partagé entre l’islam au nord et la ferveur évangélique au sud, où se multiplient comme des petits pains les pasteurs entrepreneurs et les méga-églises pouvant accueillir des dizaines de milliers de fidèles. L’alliance de la célébrité, du glamour et de la conscience sociale a valu à Omotola Jalade-Ekeinde d’être surnommée « l’Angelina Jolie africaine ». Comme la femme de Brad Pitt, elle choisit des prénoms incongrus pour ses enfants (l’aînée se nomme Princess et le petit dernier M.J.). Comme Jolie, Omotola est l’actrice la plus célèbre de sa génération, sans forcément être la plus talentueuse. « Même si elle est excellente dans certains rôles, je ne pense pas qu’elle soit la meilleure comédienne à Nollywood », estime Serge Noukoué. « Elle est le produit d’un système qui a besoin de stars et elle a su le manier à son avantage. Elle cultive son image de ménagère sexy et de femme d’affaires, ses actions sociales renforçant son aura. Son branding est très efficace. » E n effet, la « marque » OmOtOla se décline à tOut-va. Elle vient de conclure un contrat de représentation avec une marque de cosmétiques ghanéenne. Son nouveau single, une ballade R’n’B oubliable, est sorti en janvier. La prochaine saison de son show télé, inspiré de celui des Kardashian, sera diffusée au second semestre (un photographe et un journaliste de M devraient y apparaître…). Enfin, elle a investi dans le parc d’attractions où se déroule l’interview. D’ici à quelques années, il devrait abriter « un hôtel 5-étoiles et un village du cinéma avec des studios ». Si le projet se concrétise, ce sera un nouveau pas en avant pour Nollywood, produit d’exportation redorant le blason culturel du Nigeria et suscitant une certaine fierté nationale. « Notre cinéma a fait ce qu’aucune autre industrie n’a fait dans ce pays. Beaucoup d’Africains regardent le Nigeria comme un modèle. » La mutation actuelle du secteur devrait accentuer le phénomène. Si la plupart des films restent désastreux sur le plan technique, une poignée de jeunes réalisateurs nigérians constituent un « new Nollywood » qui se distingue par sa volonté de faire du cinéma de qualité, et qui en a désormais les moyens. Des films comme Phone Swap de Kunle Afolayan ou Ijé de Chineze Anyaene (avec Omotola) ont raflé quelques récompenses dans les festivals internationaux. La faiblesse de la distribution des films nigérians en salles est désormais compensée par la télévision (comme Nollywood TV en France, accessible par les bouquets africains des opérateurs) et surtout par les plateformes de streaming. IrokoTV, le « Netflix africain », permet aujourd’hui aux productions nigérianes d’être diffusées dans le monde. « On est regardés et connus partout », s’enflamme Omotola. « J’ai plein de fans en Inde. Récemment, je suis allée faire du shopping à Londres, ils ont dû fermer le magasin à cause de la foule. Et la plupart des gens n’étaient pas africains, c’était des Blancs », précise-t-elle. Nollywood pourrait-il un jour intéresser Hollywood ? Tête de pont du cinéma nigérian, Omotola a mis un pied aux Etats-Unis en 2013, avec une apparition dans la série Hit the Floor sur VH1. Le rôle n’est certes pas encore au niveau de son rêve, tourner avec Leonardo DiCaprio. Mais sait-on jamais ? Lors du dîner du magazine Time réunissant les « 100 personnes les plus influentes du monde », elle a pris le numéro de son voisin de table, un certain Steven Spielberg. « Il n’avait pas vraiment entendu parler de Nollywood », avoue Omotola. « Je lui ai expliqué. Maintenant il sait. » Fest val Nollywood Week, du 5 au 8 juin 2014 au cinéma L’Arlequin à Paris 6e. www.nollywoodweek.com 49 A Bobigny (en haut et à droite), en SeineSaint-Denis, d’anciens membres de la liste indépendante LIBR, dont Rachid Chatri (lunettes), se sont associés à Stéphane De Paoli, candidat UDI à la mairie. A Grigny, dans l’Essonne, le Parti des Grignois de Kouider Oukbi (ci-dessus) est soutenu par Vincent Delahaye, sénateur-maire de Massy et patron de l’UDI en Essonne. 50 L Le magazine. térans de LIBR, le troisième fait partie de l’an- – Oui mais ton truc, là, c’est bien la droite, non ? cienne équipe municipale PCF. Des visages J’y comprends plus rien. » connus à Bobigny, que l’UDI s’est empressée Les militants Rachid Chatri et Youssef Zaoui d’imprimer en quadrichromie sur ses prospec- disent comprendre la confusion. « Mais avoir tus de campagne. Rachid Chatri a longuement une étiquette politique reconnue, ça rassure la réfléchi avant de faire alliance avec le parti de plupart des gens, dit Rachid Chatri. Ce qu’on apcentre droit, pas franchement connu pour son porte en échange, c’est la connaissance du terrain implantation dans les banlieues. « La gauche que les partis traditionnels ont perdue depuis nous a toujours pris pour acquis, explique-t-il. longtemps. » « C’est plutôt nous, les associatifs, On est beaucoup à avoir une expérience dans ses qui encadrons l’UDI que l’inverse, même s’ils c’est pour les municipales. – Je ne peux pas voter, je ne suis pas française. » rangs et on s’est rendu compte que nous, les asso- dirigent la liste : dessus, les deux tiers des gens sont Silence de réflexion de l’homme au bonnet. ciatifs des quartiers, on leur servait de caution des indépendants. Si on se retire, il n’y a plus « Tu es européenne au moins ? Si t’es européenne, populaire. »Il ajoute : « Sauf que la gauche nous personne », ajoute Youssef Zaoui. Pour autant, a habitués à la démocratie participative, même si tous les clivages idéologiques entre ces listes tu peux voter ! ça ne l’a été que dans les mots. Aujourd’hui on « populaires » et l’UDI ne sont pas gommés. – Non. – Aahh… C’est pas grave, madame, ça vien- commence à agir de notre côté et ça leur revient Comme sur le droit de vote des étrangers aux dra », se console l’homme qui remet son tract dans la figure. » A deux reprises, en 2012 et élections locales, par exemple. « Je suis clairesur le haut de la pile. 2013, lui et son association La Balle au centre ment pour, mais je sais que le maire de Massy est Il fait un froid de canard ce dimanche matin sur se sont présentés à l’hôtel de ville avec une contre », observe Dawari Horsfall. Vincent Dele marché Edouard-Vaillant à Bobigny. Le ciel trentaine d’habitants pour faire entendre leurs lahaye a en effet voté contre la proposition de loi est blanc. Presque douloureux pour les yeux. demandes sur l’emploi et le logement. « La lors de l’étude du texte au Sénat en 2011: « On Les allées grouillent de monde: Noirs, Arabes, maire communiste nous a envoyé la police à la a 80 nationalités à Massy et personne n’est jamais venu me voir pour se plaindre de ne pas Indiens, Blancs en foule compacte se déplacent place ! », raconte-t-il. à pas minuscules entre les étals de légumes et A Massy (Essonne), Dawari Horsfall a lui aussi pouvoir voter. Je pense qu’il n’y a pas vraiment de produits ménagers.A chaque coin de marché, fusionné sa liste indépendante, « Massy plus de demande », juge l’édile. A Bobigny, Djafar Hamoum montre du des militants tendent doigt les immeubles des prospectus violets de l’autre côté de aux passants. Beaul’avenue Edouardcoup sont jetés sur le Vaillant, des tours sol, quelques mètres rondes qui pointent plus loin, dans la boue vers le ciel et ressemdes fanes de radis et blent à des craies de de carottes. Les districouleur qu’on aurait buteurs de tracts viofait tenir en équilibre. lets défendent la liste « Je me bats depuis des Rendez-nous Bobigny années contre les expulemmenée par un ensions locatives dans les carté UDI (Union des Dans plusieurs villes d’Ile-de-France, des listes immeubles. Il n’était démocrates et indécitoyennes s’associent aux centristes de pas question de revenir pendants), Stéphane là-dessus. On s’est mis De Paoli, concurrent l’UDI pour les municipales. Une union contre d’accord pour limiter sérieux de la maire nature ? Pas forcément. Déçus par la gauche, l’endettement en amont communiste sortante, et intervenir quand les Catherine Peyge. au pouvoir dans leurs villes depuis longtemps, familles ont 2 000 € de C’est à cette liste que les habitants des quartiers populaires loyers impayés, et pas se sont unis les an20 000, quand ça deciens membres de la veulent bousculer l’échiquier politique local. vient difficile de déliste issue des quarPar Arthur Frayer/ fendre leur cas. On va tiers populaires LIBR voir ce que ça donne. » (liste indépendante Photos Nathalie Mohadjer Autre sujet de disbalbynienne de rascorde: la police munisemblement), qui cipale, qui ne fait pas avait réalisé 4 % aux municipales de 2008. Parmi les dizaines de listes juste », avec celle de Vincent Delahaye, le non plus l’unanimité au sein des listes indépensimilaires nées dans les banlieues en 2008, maire UDI sortant. Il avait obtenu 9,1 % en dantes. Ainsi, à Sainte-Geneviève-des-Bois, Yasquelques-unes se sont aujourd’hui rapprochées 2008. « Les socialistes se disent que les Blacks, les sine Lamaoui, qui avait recueilli 8,2% des voix des centristes, représentés au niveau national Arabes, les gars de quartier sont avec eux. Sur les aux cantonales de 2011 avec sa liste du Parti des par Jean-Louis Borloo. Une alliance à première questions nationales peut-être, mais à l’échelle lo- Génovéfains, ne voit aucune objection à la prévue détonante : depuis le début des années cale on s’en fout, c’est le concret qui compte, pas les sence d’une police municipale et de la vidéosur1980, les militants associatifs des quartiers po- logos des partis. » Sauf que l’étiquette centre veillance. « Ce sont les habitants des quartiers droit peut gêner certains électeurs. « Je vais pas populaires qui sont les premières victimes de la pulaires se sont plutôt associés à la gauche. Plantés au début de la rue de Vienne, à proxi- me mettre à voter pour la droite, quand même ! », délinquance. » A Bobigny, Rachid Chatri a très longtemps été opposé à l’idée des caméras et des mité d’un vendeur de fruits, Rachid Chatri, lance un passant du marché de Bobigny. Youssef Zaoui et Djafar Hamoum patientent « Mais c’est moi, Djamel, qui suis dessus, tu me uniformes dans les rues, une proposition portée par la liste UDI. « Pas de Robocop chez moi », ••• dans le froid. Les deux premiers sont des vé- connais, est-ce que je suis de droite, moi ? ’homme guette à l’angle du marchand de chaussettes, anorak fermé jusqu’au menton, bonnet en lisière des yeux, des prospectus plein les mains. « Prends un papier, La banlieue, terre du milieu. 8 mars 2014 – Photos Nathalie Mohadjer pour M Le magazine du Monde - 51 Le magazine. ••• disait celui qui a cofondé un collectif contre cette initiative. Puis il a changé d’avis après avoir fait un tour à Drancy, la ville voisine, tenue par Jean-Christophe Lagarde, responsable UDI et rare élu de droite à bien connaître les banlieues. « Les policiers de Drancy font de la proximité, de la présence de terrain. Ils viennent si un type fait trop de bruit avec son scooter. Ça me va. Ce que je ne veux surtout pas, c’est des cow-boys. Je serai jamais d’accord pour les cow-boys. » coup plus intéressée. En 2008, à la surprise gé- A Massy, Dawari Horsfall raconte que c’est le nérale, la liste autonome du PDG constituée en maire Delahaye qui l’a approché il y a huit mois. à peine deux mois avait remporté 27 % des suf- Alors avec son équipe, ils ont « comparé [leurs] frages, provoquant un second tour. Seules propositions de 2008 aux réalisations du maire. 1 000 voix la séparaient de la liste communiste, Les trois quarts ont été faits et il était prêt à intéautant dire rien au regard des 6 000abstention- grer des balayeurs, des jeunes de cité, des gens pas nistes de la commune. Si la liste du PDG conti- du tout politisés sur sa liste. On a accepté ». Rénue à se dire indépendante, elle n’a pas boudé sultat, huit postes réservés sur les 43 de la liste. le soutien apporté par le centriste Vincent De- Ces alliances marquent une nouvelle étape lahaye, sénateur-maire de Massy et patron de dans la jeune histoire des listes autonomes de l’UDI en Essonne. Celui-ci lui a publiquement banlieue. Pour les régionales de 2010, elles donné sa bénédiction, au grand dam de Daniel avaient décidé de se réunir au sein d’Emere soir de février, à Grigny (EsMourgeon, investi officiellement par le parti de gence, un mouvement de « citoyens entrés en sonne), les onze étages du nu- Jean-Louis Borloo en novembre 2013, qui a dé- résistance contre les partis traditionnels ». Les méro 9 de la rue des Sablons noncé dans la presse locale des « magouilles scores prometteurs des municipales de 2008 ne résonnent d’un drôle de tohu- politiciennes ». « On accepte tous les soutiens, s’étant pas confirmés aux régionales de 2010 ni bohu. Six hommes portant des d’où qu’ils viennent, justifie Kouider Oukbi, tête aux législatives de 2012, la question du rapprosweats bleus estampillés « PDG » (Parti des de liste du PDG. Si l’UDI veut nous soutenir, chement avec les grands partis a donc fini par se tant mieux, on ne va pas leur dire non. Malek poser en vue des municipales de 2014. Ethique Grignois) frappent aux portes. « Bonjour madame, il y a des gens qui votent Boutih aussi nous a dit qu’il était avec nous. » de conviction contre éthique de responsabilité : dans l’appartement ? Vous êtes contente des De son côté, Vincent Delahaye estime que du Max Weber dans les cités. « Avec les autres « c’est bien de soutenir des jeunes comme eux. membres d’Emergence, on se retrouvait dans un charges que vous payez ? – 1 600 € tous les trimestres, comment pourrais-je C’est une voie d’avenir pour intéresser les gens café du quartier des Halles à Paris et on débattait issus de la diversité à la politique, même si nous de la question. On s’est engueulé pendant des être contente?» Omar, un des hommes en bleu, explique que, ne sommes pas d ’accord sur tout ». Egalement heures », raconte en souriant Rachid Chatri. pour changer tout ça, Deux chemins se il faut voter pour le sont alors dessinés : Parti des Grignois, le les réfractaires à 23 mars prochain. toute alliance sont « Pour faire partir le restés au sein maire et les commud’Emergence, les nistes qui sont là deautres ont créé un puis 1925 », argunouveau collectif, mente-t-il. La dame Citoyen 2014 (dont donne son numéro fait partie « Massy de portable pour plus juste »), présent qu’on l’appelle le aujourd’hui dans une jour du vote, parce quarantaine de villes. « On a pris des voies que c’est le genre de différentes sur les stratruc qu’elle oublie tégies locales, mais on tout le temps. Le se rejoint sur les luttes quartier de Grigny-2, à l’échelle nationale », dont font partie les pondère Dawari Sablons, est l’une Horsfall. Ces listes des plus grandes coautonomes risquentpropriétés d’Euelles d’être absorrope ; les charges y bées par les gros parsont astronomiques tis ? « On ne se fera et le sujet enflamme Rachid Chatri, ancien de la liste LIBR à Bobigny pas avoir une seconde les conversations. fois, veut croire RaQuelques étages chid Chatri à Bobiplus bas, une femme gny. On a vu ce que le enceinte d’origine un bon ticket d’entrée pour l’UDI dans les ci- PS a fait dans les années 1980 avec la Marche pour martiniquaise ouvre sa porte. « C’est pour les élections… tés? « Non, assure Vincent Delahaye. Il n’y a eu l’égalité et SOS Racisme. Ils ne pourront pas nous – Ah non ! J’en ai rien à faire, moi, de tes aucune concertation à l’échelle nationale. Lorsque la faire à l’envers comme avec Mitterrand. On a élections ! Qu’est-ce que ça va changer ? » des rapprochements se sont faits, c’est au cas par gagné en expérience et on est majoritaires dans pluLe militant change son angle d’attaque: cas. » Rachid Chatri (à Bobigny) confirme : sieurs de ces listes. » Yassine Lamaoui, à Sainte« Votre appartement est-il propre ? « Chacun [du côté des indépendants] a fait ses Geneviève-des-Bois, abonde: « On sait mainte– Tu te moques de moi ? Y a plein de cafards et de alliances dans son coin. C’est à la fin qu’on s’est nant que si on doit monter aux responsabilités avec punaises de lit ! T’as vu ma peau ? » rendu compte qu’on avait tous trouvé un accord un parti traditionnel, il faut le faire à plusieurs Elle montre son bras tout cloqué de petites pi- avec les centristes. Mais il ne faut pas trop s’en pour être sûr de ne pas être récupérés comme Malek qûres. « Nous, on propose de faire nettoyer les étonner. Dans la plupart de nos villes de ban- Boutih, Rama Yade ou Rachida Dati. Et il faut immeubles. Regardez, c’est écrit dans nos tracts. » lieue, la gauche est au pouvoir. On a fait alliance qu’on exige d’autres postes que la culture ou la jeuElle va y réfléchir, dit-elle, tout d’un coup beau- avec ce qu’il y avait en face. » nesse pour montrer qu’on sait faire autre chose. » C “On a vu ce que le PS a fait dans les années 1980 avec la Marche pour l’égalité et SOS Racisme. Ils ne pourront pas nous la faire à l’envers comme avec Mitterrand.” 52 - Photos Nathalie Mohadjer pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 A Bobigny (ci-dessus et ci-contre), Rachid Chatri (lunettes) l’assure : « Chacun a fait ses alliances dans son coin. C’est à la fin qu’on s’est rendu compte qu’on avait tous trouvé un accord avec les centristes. » Kouider Oukbi de Grigny (ci-dessous au milieu) justifie : « On accepte tous les soutiens d’où qu’ils viennent. Si l’UDI veut nous soutenir, on ne va pas leur dire non. » A quoi ressemble la génération Y ? Lancée en octobre 2013, une grande enquête sociologique a invité les 18-34 ans à parler d’eux. Résultat : trois documentaires et une étude inédite, mise en images pour “M” par Maia Flore. Du haut de ses 25 ans, la photographe exprime avec poésie les doutes d’une jeunesse à la fois désabusée et optimiste. Par Pascale Krémer/Photos Maia Flore Veste, Gauchere. Top, Cos Génération no(s) futur(s). 54 L’avenir Seuls 25 % des 18-34 ans ont la conviction que leur vie sera meilleure que celle de leurs parents, 45 % pensent qu’elle sera pire. Ils sont 43 % à imaginer que leurs enfants auront une existence encore moins bonne que la leur. 8 mars 2014 - 55 L’indépendance Que signifie «devenir adulte» pour cette génération ? 36 % des jeunes interrogés estiment qu’il est important de prendre le temps de « se trouver ». Pour 30 %, il s’agit plutôt de « se placer », donc de s’intégrer le plus vite possible sur le marché du travail. « S’installer » n’est en revanche une priorité que pour 7 % des répondants. Maia Flore, 25 ans, a d’abord « senti peser un poids » sur ses épaules. C’est à cette toute jeune photographe de l’agence Vu que M Le magazine du Monde a demandé de saisir en images sa propre génération. Des clichés qui devaient faire écho à l’enquête « Génération quoi ? », lancée en octobre 2013 par France Télévisions, une société de production audiovisuelle (Yami 2) et un concepteur de sites Web (Upian), avec l’ambition d’amener les 1834 ans à dresser eux-mêmes le portrait de leur génération. Ravis, semble-t-il, d’avoir enfin leur mot à dire, pas moins de 210000 jeunes ont rempli en ligne un long questionnaire conçu par deux sociologues de la jeunesse, qui portait aussi bien sur leur vie que sur leurs valeurs. L’exploitation de ce trésor inédit de 21 millions de réponses, qui vient d’être réalisée (Le Monde du 26 février), fait apparaître une génération foncièrement pessimiste quant à son destin collectif, qui se qualifie plus spontanément de 56 sans les trahir ? « génération sacrifiée » ou « perdue » que de « génération Y ». Pas écoutés, pas considérés: les nombreux répondants ont exprimé leur exaspération de piétiner au seuil d’une société vieillissante. Leur envie de départ, très loin, et aussi de révolte. Ils sont 61 % à s’être déclarés prêts à participer à un mouvement de type Mai-68. La politique n’est plus un espoir, ils n’y croient plus. Ils vivront, pensent-ils, moins bien que leurs parents, ne s’estiment reconnus à leur juste valeur ni à l’école ni dans le travail. Ils aiment leur famille, qui les aide et partage leurs angoisses, mais en veulent à cette génération aînée de ne pas leur faire de place. lande, en Californie) a déposé son fardeau en concevant des images libres d’interprétation. Chacune d’entre elles peut se lire avec des lunettes optimistes ou pessimistes, expliquet-elle, « de la même manière qu’il était possible de répondre oui ou non au questionnaire ». Le bandeau sur les yeux au moment de l’accès au travail, malgré l’énergie déployée pour gravir les marches. Oui, mais des marches ont tout de même été gravies ! La longue robe offre un cocon protecteur, comme un logement… mais le tissu est fin, fragile, il peut s’envoler. Les livres sur le dos, autant de savoirs accumulés. Ou de traditions culturelles dont on ne peut se défaire? Les liens tissés, fils, laines, extrémités de le « poids » de maia Flore… Englober, dans chaussettes, entre amoureux, parents, amis, souquelques photos, une génération tout entière, dent les énergies. Tout en bridant les libertés… rendre compte visuellement de sa diversité, de A chacun de projeter ce qu’il souhaite dans ces ses difficultés comme de ses ambivalences – photos poétiques élaborées comme des taprès des deux tiers de ces 18-34 ans, qui se des- bleaux – la photographe commence d’ailleurs sinent eux-mêmes un avenir collectif si sombre, par dessiner avant les prises de vue. Paisible au se disent plutôt ou très optimistes quant à leur premier coup d’œil, mais dérangeante à y regardevenir personnel. La photographe globe-trot- der de plus près: la jeunesse dépeinte par Maia teuse (elle a déjà travaillé en Suède, en Fin- Flore s’approche peut-être de la réalité. Veste, Marina Rinaldi C omment parler des siens Chemise et derbys, COS. Pantalon, Viktor & Rolf. Gants, Agnelle Le portfolio. Le travail Fainéants, les jeunes ? Au contraire, ils mettent en avant la valeur travail. D’autant qu’ils peinent à accéder au monde de l’emploi : un quart d’entre eux est au chômage. 81 % des répondants à l’enquête disent que le travail est important dans leur vie. 62 % s’estiment épanouis dans leur emploi, mais cette proportion tombe à 43 % chez les intérimaires. 8 mars 2014 – Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde - 57 Les diplômes Chemise, COS. Veste, Uniqlo S’ils jouent le jeu de la compétition et des études, les 18-25 ans ne font pas confiance au système scolaire français. 61 % estiment qu’il ne récompense pas le mérite. Le même pourcentage pense qu’il ne donne pas sa chance à tous. Une fois le diplôme obtenu, nombreux sont ceux qui doutent de son utilité : 60 % des répondants ne se croient pas payés à la hauteur de leur qualification. 58 Le portfolio. Le mariage (pour tous) Robes, Courrèges. Chaussettes, DD S’ils sont une minorité à imaginer pouvoir trouver le bonheur sans fonder une famille – 34 % –, les jeunes ne sont pas attachés aux valeurs traditionnelles : 36 % estiment que le divorce est « un mal moderne », 64 % qu’il est « parfois nécessaire ». Quant aux relations homosexuelles, elles sont largement acceptées : 80 % des sondés ne sont pas choqués de voir un couple gay s’embrasser dans la rue. 8 mars 2014 – Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde - 59 La famille Jupe, Guy Laroche. Sandales, Christian Louboutin Plus que jamais, la famille est la valeur refuge des jeunes. 27 % décrivent leurs relations avec leurs parents comme « idéales », 53 % comme « cool », 10 % seulement comme « bof » ou « hypertendues ». 91 % disent que leurs parents les soutiennent dans leurs choix. 63 % les pensent angoissés par l’avenir de leurs enfants. 60 - Photos Maia Flore/Agence VU pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 Veste et pantalon, Paule Ka. Chemise, Peuterey. Costume short, COS Le portfolio. La solidarité Si 50 % des jeunes interrogés estiment ne pouvoir compter que sur eux-mêmes, ils pensent pourtant à 77 % que, dans la vie, on ne peut pas s’en sortir sans solidarité. Ils sont par ailleurs prêts à s’engager: 81 % sont favorables à l’instauration d’un service civil obligatoire alternatif à l’armée. 61 Le Style / Mode / Beauté / Design / Auto / / High-tech / Voyage / Gastronomie / Culture / Britta Pedersen/DPA/Abaca La techno se porte bien Un bracelet qui prévient en cas de coup de soleil, un body qui mesure la température du bébé, un tee-shirt de yoga qui vibre à chaque faux mouvement… Vêtements et accessoires connectés se développent. Et misent sur le style autant que sur la technologie. Par Marie Godfrain 8 mars 2014 Une robe incrustée de LED signée Angela Date et présentée lors du dernier salon CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas. - 63 Le body Mimo, ci-dessus, mesure grâce à un capteur le rythme respiratoire, la température, le niveau d’activité du bébé, et transfère les informations sur le smartphone des parents. Grâce à la miniaturisation des composants, les bijoux connectés se développent. Le bracelet June, ci-contre, mesure le taux d’UV absorbés par le corps, tandis que le Tactilu peut transmettre des caresses à distance. A vant même de prendre Sa douche, le premier geste de François Garcia, après sa course quotidienne, est de vérifier sur son téléphone portable ses performances du jour… Grâce à des capteurs placés dans un bracelet, ce fan de running peut quantifier la progression de ses performances de mois en mois, le nombre de calories brûlées, se mesurer à ses amis et se comparer à une cohorte d’hommes de la même tranche d’âge… Voilà vingt ans que les futurologues promettent l’avènement du vêtement connecté. « L’hybridation corps-machine est un vieux fantasme que la technologie rend chaque jour plus tangible », explique Emma Fric, directrice de recherche et prospective à l’agence de tendance Peclers Paris. Lors du récent Mobile World Congress de Barcelone, qui fait figure de baromètre sur le marché du high-tech mobile, les objets connectés étaient partout, notamment sur les stands des ténors du secteur (Samsung, Sony…). Reliés à un smartphone, ces bracelets, turbulettes pour bébé, broches, bagues ou souliers permettent principalement d’accéder à une information ou de la transmettre sans même avoir à sortir son combiné et à trouver la bonne application. Depuis le début des années 2000 et la révolution du mobile, les smartphones ont concentré de plus en plus de fonctions : Web, e-mail, GPS, appareil photo, agenda, réseaux sociaux… Malgré les efforts des industriels pour leur conférer plus d’ergonomie, un utilisateur déverrouille son combiné en moyenne 110 fois par jour, selon une étude effectuée par l’application Locket. Un geste qui demeure mal accepté socialement, que ce soit dans un dîner ou une réunion. Le vêtement connecté permet, lui, d’afficher ailleurs certaines informations et, donc, de les consulter plus discrètement ou de les collecter par des capteurs (des composants électroniques sensibles à la vitesse, à la température, aux battements du cœur…) dont la taille de plus en plus réduite 64 - permet de les dissimuler dans des habits et des bijoux. Le bracelet June, de Netatmo, mesure par exemple le taux d’ensoleillement quotidien et avertit la personne qui le porte lorsqu’elle dépasse la dose d’UV conseillée. Quant aux fameuses lunettes Google Glass, qui seront commercialisées dans le cours de l’année, elles affichent, dans un coin de leur verre, e-mails, plans et renseignements. Et permettent ainsi de garder les mains libres. Ces dernières années, grâce à une production importante de smartphones, le prix des composants miniaturisés (processeurs, capteurs de vitesse, de position, de température…) a fondu. Conjuguée à l’essor du financement participatif de projets grâce à des appels lancés sur Internet, qui permet de cibler les utilisateurs de ces nouveaux produits, assoiffés d’un monde toujours plus connecté, cette chute du coût des composants autorise des acteurs microscopiques à lancer des projets d’envergure quasiment sans capital. Mais la maturité de la « tech-àporter » correspond aussi à l’explosion des réseaux sociaux qui favorisent le partage d’expériences. « Il fallait réunir certaines conditions pour que la “technologie qui se porte” explose, estime-t-on chez Nike. Ludique, simple d’utilisation et esthétique. Ce sont les trois clés du succès d’un vêtement connecté, comme notre bracelet FuelBand. » Sur ce marché qui exploSe, acteurS et produitS vont Se multiplier. Néanmoins, conquérir le cœur du grand public ne sera pas chose aisée. Pour cela, géants comme nouveaux venus vont devoir intégrer les codes d’un secteur qu’ils ont toujours ignoré: la mode. A la peine sur le secteur mobile, le géant Intel a mis en place au début de l’année une plateforme commune avec la marque américaine de mode Opening Ceremony, les magasins Barneys et l’association de professionnels Council of Fashion Designers of America (conseil des créateurs de mode américains). Ensemble, ils veulent inventer le style de demain, qui intégrera la dernière génération de puce miniaturisée. Selon Stéphane Nègre, président d’Intel France, l’entreprise négocie en ce moment en Europe avec des grands noms du luxe « pour développer la même synergie de ce côté de l’Atlantique ». Il lui faudra alors se confronter au consortium Smart Sensing, composé d’entreprises françaises du tissu et de l’électronique, qui développe des vêtements où les capteurs sont intégrés aux fibres. « Autrefois, on acceptait que la technologie soit laide. Sa fonction seule nous suffisait. Aujourd’hui, elle doit être désirable, à plus forte raison quand il s’agit d’un vêtement ou d’un accessoire, renchérit Emma Fric. Les valeurs de customisation et de sur-mesure du luxe contaminent le secteur. » Mais pour se faire une place au soleil, la tech-à-porter doit aussi démontrer son utilité. Destinés aux adeptes du yoga et de la méthode Pilates mais aussi du golf, les vêtements de sport Move, d’Electricfoxy, disposent de capteurs à différents points stratégiques du corps pour repérer précisément la position de chaque membre. Des vibreurs intégrés dans le tissu permettent de détecter les zones où les mouvements doivent être améliorés. Le bracelet Tactilu pousse, lui, le concept encore plus loin. Equipé de capteurs, il transfère les caresses d’un être cher à distance et fait ressentir la présence de l’autre. Plus qu’une histoire de style, c’est en se faisant passeur d’émotions que la tech-à-porter saura se rendre incontournable. 8 mars 2014 Mimo. Tactilu. Netatmo le style. Le goût des autres Le nude perd pied. Par Carine Bizet L a mode s’est amourachée du beige. Depuis cinq saisons environ, les collections égrènent les dégradés de chair, peau et autres « nude » avec la précision d’un nuancier de fond de teint. Les accessoires n’ont pas échappé à cette vague du « déshabillé » et les souliers couleur « épiderme » se sont multipliés. Mais l’escarpin nu est un faux ami, une fourberie vestimentaire. D’abord parce qu’il ne supporte rien : ni chaussettes ni collants. Il se porte « à cru ». Et tant pis si une vague de froid polaire s’est invitée en ville, laissant derrière elle des températures peu clémentes jusqu’aux portes du printemps. Les adeptes de ces stilettos restent cependant nombreuses. Pourquoi ? Parce qu’elles jurent qu’ils ont des vertus de trompe-l’œil, qu’ils se fondent avec la jambe pour en étirer sa ligne. A condition d’avoir du temps et de la patience. Il faut d’abord trouver un escarpin d’une couleur qui approche le plus possible de celle de la jambe. Un vrai travail de coloriste, qui oblige à des déshabillages périlleux et fondamentalement injustifiés dans les boutiques de chaussures. Vient ensuite la phase « finition » : il s’agit d’optimiser le raccord couleur grâce à un autobronzant ou un fond de teint de corps. Là encore, l’opération s’avère critique : sortir un escarpin de son sac pour comparer son cuir aux nuanciers de maquillage fait rarement rire les vendeuses des parfumeries, intoxiquées aux brumes de fragrances et autres soins odoriférants. Grâce aux excès de zèle, l’autobronzant classique a tendance à virer à l’orange semiphosphorescent. Une fois que l’on a les jambes teintes de cette nuance peu discrète, ne reste qu’à s’acheter des escarpins couleur corail. Ou à porter un pantalon pendant plusieurs semaines. En moyenne, après environ deux semaines de recherche en colorimétrie très ciblée quoique superficielle, le but est atteint. Ou à peu près. Reste à régler quelques menus détails : assortir son teint à ses jambes, histoire de ne pas être la femme bicolore de service dans une soirée. Regardez bien autour de vous, c’est statistique : il y a au moins une victime de cette asymétrie de peau malheureuse qui fait tache (bicolore) dans la foule. Même après ce parcours de combattante du style, le subterfuge demeure malheureusement un peu gros. Car il y a une surface qui résiste encore et toujours à l’invasion du beige : les semelles de l’escarpin, qui trahiront toujours la vraie nature du soulier. En matière d’illusion optique, rien ne vaut le noir pour faire une belle jambe. Sans angoisse colorimétrique. le Théorème Acne Studios. Liberty. Acne Studios Acne Studios et Liberty se content fleurette. Quand un suédois pointu rencontre une londonienne preppy, ce ne peut être que de bon augure. Dans cet esprit, Acne Studios et Liberty of London se sont unis pour créer une collection particulière, apposant sur les pièces parfaitement coupées de la marque de prêt-à-porter née à Stockholm les tissus de la fameuse boutique d’héritage britannique (imprimé cachemire, tissu animalier et impression japonisante) datant du xixe siècle. A l’arrivée, un vestiaire complet allant de l’emblématique blouson de cuir à une paire de slippers. Un mariage mixte élégant. Lisa Vignoli 3 000 € le blouson Mape, 2 500 € la salopette. En vente depuis le 14 février chez Liberty à Londres et chez Acne Studios à Paris, 3, rue Froissart, dès le 5 mars prochain. Illustration Johanna Goodman pour M Le magazine du Monde 65 Les compensées. Mister Bean, sot british. Mister Bean est la preuve vivante qu’on peut avoir une jolie tenue et ne pas savoir se tenir. le personnage loufoque créé par rowan Atkinson peut s’agiter et grimacer à tout-va sans desserrer le nœud de sa cravate ni froisser sa chemise. son style classique obéit à la tradition britannique du gentleman-farmer reposant sur quelques fondamentaux que Bean maîtrise. seul lui manque le flegme. Ca. R. Stylisme F. K. Le bLazer. En laine et angora, Ermenegildo Zegna, 833 €. www.farfetch.fr Le pantaLon. En laine et mohair, PS by Paul Smith, 265 €. www.paulsmith.co.uk La cravate. En soie brodée de pois, Charvet, 165 €. Sur Mrporter. com vu sur le net L’architecture, un jeu d’enfant. l’architecte laurence Calafat a voulu rendre sa spécialité plus ludique en lançant la collection Cinq Points. les coffrets Archiblocks (disponibles en trois typologies : City, Factory et House, 59 €) contiennent d’élégants blocs en tilleul à assembler pour créer ses propres bâtiments. Quant aux versions du jeu des 7 familles (17 €) et du Memory (25 €), elles permettent de s’amuser en améliorant sa connaissance des figures de l’architecture contemporaine. M. Go. Jeux Cinq Points, de 17 € à 59 €. Frais de port à partir de 3,50 €. www.cinqpoints.com 66 À l’origine Les chaussures compensées sont portées en Grèce antique par les acteurs et actrices de tragédie (photo). Une hiérarchie s’établit aussitôt : plus la chaussure est haute, plus le rôle est important. Du xve au xviie siècle, les femmes de la haute société les portent pour illustrer leur rang social et se protéger de la boue. Au fur et à mesure que les villes s’urbanisent, les compensées ne sont plus nécessaires. Dans les années 1930, le chausseur italien Salvatore Ferragamo leur apporte une touche nouvelle avec des matériaux comme le liège et le bois. Mais le vrai retour s’opère dans les années 1970, grâce aux réinterprétations d’Yves Saint Laurent et à la popularité du pantalon pattes d’éléphant : avec des compensées, il ne traîne pas par terre. Associées à la culture disco, elles disparaissent au début des années 1980. À l’arrivée Depuis quelques saisons, les compensées tentent un retour sans vraiment s’imposer. Elles représentent encore un défi pour bon nombre de femmes, la démarche n’étant pas vraiment facilitée si haut perchée. Mais celles qui surmontent la difficulté ne laissent pas indifférent. Une paire de talons estivale Christian Louboutin (photo) ou Charlotte Olympia, pleine de couleurs et d’humour, se remarque. Si on veut laisser de côté le style pop et bariolé, on peut regarder chez Givenchy, où les compensées sont vues comme l’équivalent des bottes de combat masculines : imposantes et résistantes. L’élégance en plus ? J. N. Patrick Riviere/Getty Images. Ermenegildo Zegna. Charvet. Paul Smith. Mary Evans/Rue des Archives. Christian Louboutin. Cinq points l’icône Le style. fétiche Casque d’or. Après avoir forgé son succès avec des casques au look tapageur et au son saturé de basses, Beats by Dr. Dre a opéré un virage à 180°. Décision emblématique de ce retour à plus de sobriété – à la fois dans le style et la qualité audio –, la marque californienne a confié l’habillage d’une édition limitée du Studio, son dernier modèle de casque haut de gamme, à Alexander Wang. A tout juste 30 ans, ce natif de San francisco qui a un temps évolué dans l’ombre de Marc Jacobs est lui aussi un touche-àtout talentueux, directeur artistique, entre autres, de Balenciaga. Son casque noir et or affiche une finition soignée. et le son, même s’il n’est pas encore à la hauteur des ténors du secteur, est chaud et précis, sans basses excessives. M. Go. Casque studio by alexander Wang. disponible en exClusivité Chez Colette, 449 €. 8 mars 2014 - photo bastien lattanzio pour M le magazine du Monde. stylisme Fiona Khalifa - 67 VARIATIONS Retour de flamme. Nation phare du design scandinave, le Danemark excelle dans les accessoires de décoration simples, attachés à l’humilité de la vie domestique, comme le démontrent ces quatre bougeoirs. Une typologie souvent délaissée par les grands noms du design. Proposés par de jeunes éditeurs emblématiques d’une scène locale en perpétuelle ébullition, ils imposent leur douce présence dans les intérieurs contemporains. M. Go. En haut, dE gauchE à droitE, bougEoir En hévéa, boconcEpt, 19 €. www.boconcEpt.com bougEoir Folk En zinc, normann copEnhagEn, 20 €. www.FlEux.com bougEoir En bois, blossom, chEz homE autour du mondE, 44 €. www.applicata.dk bougEoir En bois, string FErm living, 100 €. www.FlEux.com 68 - photo bastien lattanzio pour m le magazine du monde. stylisme Fiona khalifa – 8 mars 2014 Le style. LA PALETTE Pigments layette. Déjà utilisées par de nombreux créateurs de mode cet hiver, les teintes pastel inspirent à présent les marques de maquillage. Une déclinaison de couleurs directement issue de l’univers de la décoration scandinave, qui mélange depuis quelques saisons les lavandes, les rose dragée et les bleus les plus pâles avec du bois brut. Cependant, si ces pigments apaisants évoquent la douceur du ciel et les listes de naissance, ils sont très difficiles à appliquer sur les paupières. On se contentera d’une touche discrète dans le coin interne de l’œil, ou bien juste de vernis sur les ongles. Le moindre surdosage pourrait être interprété comme une envie refoulée de participer au casting d’une émission de télé-réalité. L. B.-C. Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde. Fernando Javier Urquijo/StudioMilou Architecture So Laque Glossy Ciel Mon Vernis, Bourjois, 9,99 €, www.bourjois.fr Vernis Infatuated, Formula X chez Sephora en avril, 12,90 €, www.sephora.fr Vernis Porcelaine, Dior, 25 €, www.dior.com Color Riche Le Vernis Menthe Glace, L’Oréal, 6,50 €, www.loreal-paris.com Vernis Tenue & Strong Pro Uptown Blue, Maybelline, 7,60 €, www.gemey-maybelline.com Ombre à Paupières no 19, Bourjois, 11,50 €, www.bourjois.fr événementiel Le « Carreau », nouveau Temple de la mode C’est dans ses halles fraîchement restaurées qu’a eu lieu le dernier défilé parisien Saint laurent Paris. les silhouettes d’Hedi Slimane ont foulé un plateau en parquet blond de près de 1 800 mètres carrés, sous l’architecture gris métallique des trois nefs qui laissent entrer une lumière zénithale. De ce lieu historique en plein quartier du marais parisien, son directeur général Jean-luc Baillet compte faire un espace croisant mode et arts, « assez haut de gamme, pour ne pas dire assez chic, pour ne pas dire assez luxe ». le lieu tirera 65 à 70 % de son chiffre d’affaires de sa location pour diverses manifestations. Salons d’art contemporain, événements du Fooding ou concerts de talents émergents se succéderont au « Carreau ». Une année de fouilles archéologiques et trois ans de travaux auront également permis de relancer un lieu de vie : le sous-sol accueille un gymnase pour les habitants du quartier. Arts martiaux, taï-chi et gym suédoise y ont leurs espaces réservés, dojo et tatami inclus. L. V. Le Carreau du Temple, 2, rue Eugène-Spuller, Paris 3e. Du 26 au 30 mars, Salon du dessin contemporain. Du 4 au 6 avril, Salon du luxe durable. Week-end d’ouverture du 25 au 27 avril. www.carreaudutemple.eu 69 Le style. un peu de tenues… Le pictural. Imprimés géométriques façon Klimt, coups de pinceau nerveux… Des volumes mis en couleur pour une garde-robe arty. Par Marine Chaumien/Photos Christophe Rihet 70 page de gauche, Robe en cRêpe de soie, joncs en plexi, et boots en laine et cuiR, Chanel. au centRe, pull en coton technique et soie, Maje. jupe en coton lamé et collieR en caoutchouc, Kenzo. joncs en aRgent, MarC DeloChe. petit sac 2 jouRs en cuiR de veau multicoloRe à effet géométRique 3d, FenDi. ci-contRe, top en satin de laine, jupe en viscose côtelée, manchette en métal et émail, Céline. 8 mars 2014 - 71 72 Le style. page de gauche, Veste en soie, AmericAn VintAge. Robe chemise en coton et soie, PAul Smith. sautoiR en métal, h & m. chaîne aVec pendentif magic ball en aRgent plaqué oR, OrigAmi jewellery chez BOticcA.fr. manchette en métal et émail, céline. sandales compensées en cuiR, minelli. au centRe, manteau en fouRRuRe de lapin tRicoté, zAdig & VOltAire. tee-shiRt en coton, SAtu mAArAnen et le feStiVAl de hyèreS POur Petit BAteAu. Jupe en soie, gérArd dArel. Jonc en VeRmeil, emmAnuelle zySmAn. bRacelet en oR blanc et coRne, mAiyet. ceintuRe en cuiR, mAiSOn BOinet. sac Z.54 en cuiR gRainé, zAPA. sandales compensées en cuiR VeRni, flAmingOS. ci-contRe, manteau en laine, PrAdA. chemise et pantalon en popeline de coton, PAule KA. sandales compensées en cuiR, minelli. mannequin : lika @ silent coiffuRe : hélène bidaRd maquillage : tRacey gRay mann assistante styliste : ana li mRaoVitch pRoduction : White dot 8 mars 2014 - 73 Le style. Responsable des archives du Musée du quai Branly et commissaire de l’exposition « L’Atlantique noir », l’historienne s’est penchée sur le destin de Nancy Cunard (1896-1965). Cet écrivain à l’engagement hors du commun a publié en 1934 Negro Anthology, véritable monument de 850 pages sur l’histoire des Noirs. Femme d’une grande beauté, muse, amie ou maîtresse des grands hommes de son temps, elle est morte seule, presque dans la rue. Qui était Nancy Cunard? Une femme libre. Une icône de mode certes – elle fut un symbole de la mode garçonne, Poiret, Schiaparelli, Coco Chanel l’ont habillée. Mais celle qui reste pour beaucoup « la maîtresse d’Aragon » était avant tout une grande intellectuelle, passeuse de textes – elle a traduit des extraits de Nadja, publié Beckett et ezra Pound, etc. Quelle photo la caractérise le mieux? il y a bien sûr l’emblématique photographie de Man ray, mais elle ne révèle qu’une facette de sa personnalité. Pour moi, c’est celle où elle se trouve avec son compagnon Henry Crowder en train d’imprimer un ouvrage dans sa boutique-imprimerie parisienne du 15, rue guénégaud (ci-contre). elle racontait souvent que c’est grâce à Henry Horlogerie Entrez dans la ronde. Cartier est le spécialiste des montres dites « de forme ». On entend par là toutes les formes sauf le cercle. Ses nouveautés sont généralement carrées, rectangulaires, coussin, tonneau, voire inclassables. Mais quand la marque se livre à cet exercice, elle s’impose une obligation de classicisme dans lequel elle distille ses codes : chiffres romains, aiguilles pomme, cadran à motif concentrique… La Ronde Louis Cartier, l’une des lignes les moins connues de la maison parisienne, vient de s’enrichir d’une nouvelle taille de 40 mm, faite d’or rose, parfaitement mixte. Les femmes la choisiront pour sa grande taille et son aspect feutré. Les hommes apprécieront son aspect classique, son diamètre très raisonnable et son mouvement. Ce dernier est à remontage automatique, entièrement pensé et fabriqué par Cartier. D. C. Ronde Louis Cartier. Boîtier en or rose de 40 mm de diamètre, fond en verre saphir transparent, mouvement à remontage automatique avec date, calibre 1904-PS MC. Prix sur demande. Tél. : 01-42-18-43-83. 74 Crowder qu’elle s’est lancée dans cette aventure éditoriale, et c’est à lui qu’elle dédia Negro Anthology. Pourquoi cette exposition? il y avait deux enjeux : parler à la fois du parcours d’une femme sur lequel on projette beaucoup de stéréotypes, et aborder l’histoire intellectuelle et politique des Noirs dans les années 1930. Nancy Cunard était une femme engagée : contre le racisme, la ségrégation raciale, le colonialisme et le fascisme. D’ailleurs, la publication à londres de son anthologie lui valut les compliments des militants afro-américains qui comptaient à l’époque en Amérique. J’espère aussi que l’exposition sensibilisera un éditeur afin que cette anthologie soit enfin publiée en français. Propos recueillis par Emilie Grangeray « L’Atlantique noir », de Nancy Cunard, Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris 7e. Tél. : 01-56-61-70-00. Jusqu’au 18 mai. www.quaibranly.fr Cartier. Cyril Zannettacci/Musée du quai Branly. Les héritiers de Nancy Cunard Connue surtout comme la maîtresse d’Aragon, Nancy Cunard (ci-dessous) était un écrivain engagé contre le racisme. Son destin est retracé au Musée du quai Branly. 3 questions à Sarah FriouxSalgaS. CeCi n’est pas... une paire de lunettes. Surréalisme et illusion d’optique ne cessent d’inspirer la mode. Il y a eu la légendaire collaboration entre Elsa Schiaparelli et Salvador Dalí, plus récemment les minaudières livres d’Olympia Le-Tan ou les accessoires trompe-l’œil de Maison Martin Margiela. La créatrice anglaise Charlotte Olympia s’est déjà illustrée avec ses ballerines « chaton », ses pochettes « cadran téléphonique rétro » ou encore ses escarpins « demoiselle en détresse » montés sur des talons en forme de donjon médiéval. Dernière pièce émanant de son studio déjanté : ce sac mégalo façon lunettes glamour tout droit sorties d’un film hollywoodien des années 1950. J. N. Charlotte Olympia Sac Charlotte Olympia en cuir verni et PVC, 685 €. Existe en rouge, noir, doré ou rose. Disponible au Bon Marché, au Printemps Haussmann et chez Colette. www.charlotteolympia.com 8 mars 2014 - 75 Le style. être et à voir Mark. Illustration Vahram Muratyan pour M Le magazine du Monde Par Vahram Muratyan Mark Zuckerberg, homme de réseaux. 76 - 8 mars 2014 EN VITRINE… La sculpture oiseau Nendo et BoConcept en Fusion T rès proches dans leur conception épurée et fonctionnelle de l’objet, les designs scandinaves et japonais se rencontrent grâce à la collaboration du studio Nendo et de l’éditeur de mobilier danois BoConcept. Oki Sato, à la tête de Nendo, explique comment cette collection Fusion opère la synthèse entre ces deux écoles. 1. « J’ai toujours aimé l’idée de cacher des petits objets sous des chapeaux, je voulais aussi introduire un objet en bois dans la collection… Mon imagination a relié les deux pour produire cet oiseau au fondement concave fabriqué en chêne. J’étais embarrassé de le proposer à BoConcept car il était très personnel et pas vraiment utile mais ils l’ont immédiatement adopté. » 49 €. Propos recueillis par Marie Godefrain 2. Le fauteuil L’assiette « Nous avons souhaité intégrer des éléments graphiques, je me suis donc tourné vers l’origami que j’ai dessiné déplié sur des petites assiettes. Un motif dont on ne connaît pas la signification. La réponse se trouve dans les tasses à café au fond desquelles on découvre le dessin des animaux pliés. » 3. Set de 6 assiettes, 49 €. « L’objectif était de dessiner un fauteuil enveloppant, confortable, large mais suffisament bas pour qu’il n’ait pas une apparence trop massive. Proposé dans des centaines de tissus et cuirs, il devait se marier avec différentes finitions et se fondre dans divers environnements. Pour toutes ces raisons, ce fauteuil est sans doute la pièce la plus complexe de la collection. » 1 472,70 €. TÊTE CHERCHEUSE BoConcept x3. Eric Chevallier x2 Les aménagements millimétrés d’Eric Chevallier Après les boutiques Carven, le décorateur Eric Chevallier applique son style à la conception d’intérieurs et de mobilier. Chacun de ses projets est une immersion dans un univers dessiné au cordeau. Cette vision d’une ambiance au service de ses clients, Eric Chevallier l’a développée chez Colette, le concept-store où il a démarré en 1999. En 2008, la direction lui confie l’image du magasin. Ces années dans les rayons ainsi qu’un sens aigu de l’observation l’aident à imaginer un espace où la circulation est réglée avec minutie. «Je visite toujours les lieux que je vais aménager afin de proposer un scénario pertinent mais aussi ajusté au millimètre», explique-t-il. Rien d’étonnant donc à ce qu’il collabore avec des maisons qui cultivent la même obsession, comme Domeau & Pérès. Les selliers ont réalisé ses bancs Saint-Sulpice et son canapé au mètre, «un rond sur un rectangle». Cette collaboration va donner naissance à de nouvelles pièces: «J’aime montrer que le mobilier peut fonctionner par saison et par envie.» M. Go 77 D’Où ÇA SORT ? Les égéries quinqua. Longtemps absentes des spots de pub et ignorées par l’industrie cosmétique, les femmes de plus de 50 ans sont aujourd’hui une cible marketing. Leur atout : pouvoir d’achat et puissance démographique. D ans dix ans, un Français sur deux aura 50 ans. En 2050, deux milliards de personnes dans le monde auront plus de 55 ans. Cette partie de la population est une véritable manne, qu’aucune marque ne peut se permettre d’ignorer », observe Stéphane Gouin, maître de conférences en marketing à Agrocampus Ouest, à Rennes. Dans l’univers de la beauté, si le lancement des produits anti-âge visant les quinquas s’est accéléré ces dix dernières années, les marques sont longtemps restées pudiques quant à la manière de s’adresser à ce segment de la population. Jusqu’à présent exclues des publicités cosmétiques, les femmes de 50 ans colonisent progressivement le territoire du soin. A l’instar de Sharon Stone, ancienne égérie de Dior, Andie MacDowell ou Inès de La Fressange pour L’Oréal Paris, des femmes nées avant 1964 ont commencé à remplacer les mannequins de 18 ans métamorphosés en trentenaires. « Les quinquas étaient invisibles dans les publicités, ou tellement retouchées qu’elles ne se retrouvaient pas dans ces images, explique Lana Glazman, vice-présidente marketing du groupe Estée Lauder en Europe et au Moyen-Orient. Désormais, elles sont en mesure d’exiger des marques un changement. » D’où l’apparition de rides ostensibles dans le spot télévisé de la dernière crème Clarins. « On nous questionne beaucoup sur ce choix, répond Hugh 78 D’autant qu’ils n’ont plus rien De la présentée dans les années 1990. « Désormais, à 50 ans, les couples se refont et le besoin de séduire est beaucoup plus grand qu’auparavant », ajoute Stéphane Gouin. Ainsi les marques de beauté sont contraintes de modifier leur discours. « Si l’on compare l’espérance de vie en 1850 avec les prévisions de 2050, on s’aperçoit qu’on a gagné trente-quatre ans, remarque Lana Glazman. De plus, les femmes de 50 ans prennent mieux soin d’elles et paraissent donc plus jeunes que les générations précédentes. Elles ne supportent plus que les marques s’adressent à elles comme si leur âge était une maladie. Elles ont horreur de l’injonction contradictoire qui consiste à dire : vous êtes bien comme vous êtes, mais soyez plus jeunes. » Le terme « anti-âge » disparaît peu à peu des étiquettes cosmétiques au profit de l’anglicisme « lift » (chez Chanel, Crème de la Mer ou L’Oréal Paris) ou du mot « rénovateur » (chez Darphin), ou encore de la « haute exigence » chez Clarins. « Dans les années qui viennent, les quinquas vont être surexposées, prévoit Stéphane Gouin. Les marques vont avoir un positionnement de plus en plus tourné vers cette génération. » A suivre… Lili Barbery-Coulon caricature Des papy-boomeurs Crème de jour Haute Exigence Multi-Intensive, Clarins, 97,50 € les 50 ml, www.clarins.fr Sérum Divin Remodelant Stimulskin Plus, Darphin, 195 € les 30 ml, www.darphin.fr Crème Le Lift, Chanel, 107 € les 50 ml, www.chanel.com Sérum Lifting Contour, Crème de la Mer, 265 € les 30 ml, www.cremedelamer.fr Gamme Revitalift Laser X 3, L’Oréal Paris, 18,50 € les 50 ml, www.loreal-paris.fr Sébastien Muylaert/Wostok Press. Patrick Aventurier/Sipa. FayesVision/wenn.com/Sipa. Darphin. Clarins Inès de La Fressange (en haut) pour L’Oréal, Tilda Swinton (ci-dessus) pour Chanel, Sharon Stone (à droite) pour Dior… Les marques n’hésitent plus à faire appel à des icônes quinqua pour vanter leurs produits anti-âge. Un terme d’ailleurs banni des packagings. Clarins préfère parler de « haute exigence », Darphin de sérum « remodelant ». Wilson, directeur de l’image du groupe Clarins. Il s’inscrit pourtant dans les valeurs de sincérité de notre marque qui n’a jamais promis de miracle. Au fond, l’étonnement vient surtout de la comparaison avec les autres enseignes, qui ont pris l’habitude d’effacer les signes de vieillesse. » Mais pourquoi s’intéresser autant à cette tranche d’âge ? « Aujourd’hui, les quinquas jouissent d’un pouvoir d’achat bien supérieur à celui des trentenaires, précise Stéphane Gouin. Les deux tiers sont propriétaires de la maison qu’ils ont fini de rembourser. Leurs enfants travaillent et ne sont plus à leur charge. Ils constituent les premiers acheteurs de véhicules, de voyages de luxe et de cosmétiques. » Le style. 1 - « Sur cette photo, qui date de 1968, on voit mon père (assis) et ses sculptures. Il a lâché ses études à Polytechnique pour s’adonner à son art, au cœur de l’Aveyron. Ce paysage, c’est le point de départ de mon travail sur les volumes. » 1 2 - « J’ai 4 ans, à Paris. Sur cette photo, je rêve, le nez collé à une vitrine. Je suis longtemps resté plongé dans mon monde. Aujourd’hui encore, je veux conserver cette part d’imaginaire et d’émerveillement. » 2 MA VIE EN IMAGES NOÉ DUCHAUFOUR LAWRANCE. Le designer français s’est illustré aussi bien chez Baccarat, pour qui il a signé le candélabre Rémanence, que chez Paco Rabanne, dont il a dessiné le flacon One Million en 2009. Ancien élève de l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) et de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), Noé Duchaufour Lawrance s’est de nouveau fait remarquer fin janvier en signant la scénographie de certains espaces du salon Maison et Objet, dont la mise en scène poétique faisait la part belle aux jeux de lumière. Il évoque ici des moments importants de son parcours. Propos recueillis par Catherine Maliszewski 3 - « Mon père est mort quand j’avais un an et demi. Mon beau-père m’a adopté quand j’avais 18 ans : c’est de lui que je tiens le nom de Lawrance. C’est un personnage formidable, doté d’un flegme et d’un humour typiquement anglais. Récemment, il s’est mis à réaliser ces carnets de voyage que je trouve très réussis. » 3 4 - « Créé en 1996, le bureau Manta est mon premier vrai meuble : il fut édité en bois par Ceccotti Collezioni. Jusque-là, mon diplôme des Arts décoratifs me portait à réaliser des sculptures. Le Manta représente un tournant dans ma carrière. » 5 - « Jusqu’à mes 18 ans, j’ai grandi dans les paysages bretons de l’île de Térénez d’où l’on aperçoit d’autres îles, qui semblent fusionner avec l’océan. Cette horizontalité et ces couleurs fondues, grisées, marquent aujourd’hui encore mon travail. » www.noeduchaufourlawrance.com 6 - « Mes deux filles et mon garçon, qui sont issus de trois mariages différents, s’entendent à merveille: le mouvement peut avoir du bon ! Quand je travaille autour d’enjeux créatifs ou financiers irrationnels, la famille me rattache à la simplicité. » 4 7 - « Depuis que je suis installé à Paris, la mer me manque. Alors j’ai recréé dans mon bureau une ligne d’horizon en prenant des photos de la mer dans la baie de Somme, où je possède une résidence secondaire, à 100 mètres de la plage. J’espère pouvoir bientôt y passer plus de temps. » 7 Noé Duchaufour Lawrance 5 6 8 mars 2014 - 79 gastronomie Café, thé et plus si affinités. Sur le modèle des sommeliers, des experts en thé et café proposent de découvrir des variétés rares et des méthodes de dégustation subtiles. Les buveurs d’arabica ou de darjeeling sont appelés à exiger l’excellence. D epuis peu, une nouvelle génération d’amateurs de thé et de café investit Paris, avec l’intention d’éduquer les palais habitués aux expressos amers avalés au comptoir et aux sachets de poussière de thé noir baignant dans un pot en inox. rayon arabica, l’arrivée des baristas, ces « sommeliers du 80 café », est récente. « Le mouvement s’est développé aux Etats-Unis, explique antoine nétien, cofondateur du café parisien Coutume Café. Quelques amateurs ont associé leur intérêt pour les petits producteurs, le commerce équitable, leur soif de bons produits, avec un service à l’italienne. » Déjà présente en australie, puis à Londres, cette tendance arrive à Paris en 2005 avec l’ouverture de La Caféothèque, un lieu où l’on découvre des cafés du monde entier, torréfiés et préparés dans les règles de l’art. « Bien sûr, la chaîne Starbucks comme les capsules Nespresso ont beaucoup aidé à éveiller l’intérêt pour cette boisson. Cependant, nous ne vendons pas les mêmes produits et nos clients sont très surpris lorsqu’ils goûtent nos variétés pour la première fois », poursuit antoine nétien. Depuis 2011, le rythme des ouvertures d’adresses – branchées – comme télescope, Café Lomi, ten Belles Nico Alary. Karl Hab. Betjeman & Barton. André Morin. Robin Delestrade Venue des Etats-Unis ou de l’Australie, la mode est aux cafés du monde entier que l’on prend le temps de déguster, comme ici à l’Holybelly. Le style. Grande variété de saveurs chez Betjeman & Barton ou Jugetsudo, institution du thé japonais (en haut). Les puristes de Coutume Café proposent torréfaction et dégustation de cafés (ci-contre). et The Broken Arm s’est accéléré. Et Coutume Café, qui forme des baristas et distribue ses propres spécialités dans tout Paris, ouvrira bientôt au Japon et aux Etats-Unis, à Boston. DU CôTé DES THéS, LE SUCCèS est le même avec un nouvel intérêt pour le matcha mousseux, le darjeeling vintage ou le pu’er boisé. « Le thé bénéficie d’une réputation bienfaisante et s’inscrit dans le prolongement du courant bio et des préoccupations de santé actuelles », analyse Constance Braud, qui sélectionne des variétés rares pour sa marque, Les Thés de Constance, et qui vient de créer les thés vendus dans le nouveau salon de thé parisien Guerlain. Si des maisons célèbres comme Mariage Frères, Le Palais des Thés ou Dammann ont ouvert la voie, la très ludique marque Kusmi Tea a aussi participé à ce phénomène avec ses emballages colorés et ses messages attractifs axés sur le bien-être, diffusés 8 mars 2014 CARNET D’ADRESSES POUR LES AMATEURS D’ARABICA Kitsuné Un troquet épuré ouvert par la marque de mode francojaponaise. On y boit un café brésilien torréfié à Londres, en regardant le jardin du Palais-Royal. Pour les bobos assumés. 51, galerie Montpensier, Paris 1er. www.kitsune.fr Holybelly Encore des Australiens à la conquête de Paris. Ouvert mi-octobre 2013, ce repaire à hipsters soigne autant ses cafés que les plats qui les accompagnent. 19, rue Lucien-Sampaix, Paris 10e. holybel.ly Coutume Café Torréfacteurs militants, les deux fondateurs de ce café de puristes ont la passion communicative. Avec un brunch délicieux à la carte. 47, rue de Babylone, Paris 7e. www.coutumecafe.com Fondation Café A deux pas de la librairie 0fr., ce café, qui a ouvert en novembre 2013, a pour objectif d’éduquer les palais et met en avant chaque jour une variété différente. 16, rue Dupetit-Thouars, Paris 3e. www.facebook. com/fondationcafe aussi bien dans ses boutiques écrin que dans la grande distribution. « On remarque que certains clients commencent par des thés parfumés, puis se tournent vers des produits bruts à mesure que leur palais se forme », note Agnès Defontaine, directrice du marchand de thé Betjeman & Barton. Quant au temps d’infusion ou au choix de la tasse, ils virent au cérémonial chez ces nouveaux experts. « Comme avec un vin qu’on met en carafe, le thé n’a pas la même saveur selon l’eau choisie ou la finesse de la porcelaine », assure Constance Braud. Des détails qui ont leur importance et qui passionnent les aficionados. Car, thé ou café, l’idée n’est plus de boire mais de faire l’expérience du bon goût à chaque instant. Lili Barbery-Coulon POUR LES AMATEURS DE THé L’essence du thé Trois cents variétés signées George Cannon à découvrir dans ce salon, qui propose aussi des pâtisseries au thé vert Sadaharu Aoki et, au sous-sol, des massages. 12, rue Notre-Damedes-Champs, Paris 6e. www.georgecannon.fr Jugetsudo C’est l’institution du thé japonais à Paris. On y trouve des sencha, des matcha, des thés grillés, mais aussi de nombreux accessoires utiles à la préparation du thé. 95, rue de Seine, Paris 6e. www.jugetsudo.fr Betjeman & Barton Ce bar à thé offre la possibilité de tester n’importe quelle saveur de la « bibliothé-que ». 24, boulevard des Filles-du-Calvaire, Paris 11e. www.betjemanandbarton. com Salon de thé Guerlain Inspirés des parfums mythiques de la maison, ces thés exclusifs peuvent être achetés ou consommés sur place dans le restaurant dont le chef est Guy Martin. 68, avenue des ChampsElysées, Paris 8e. www.le68guymartin.com The Tea Caddy Plutôt confidentiel, ce salon de thé typiquement anglais sert du thé bio dans de la porcelaine fine avec des pâtisseries. 14, rue SaintJulien-le-Pauvre, Paris 5e. www.the-tea-caddy.com - 81 Le style. U SALON DE L’AGRI- à la Porte de Versailles, le hall 3 est mon préféré. Celui qui sent la vache. La bouse et la paille dans Paris pour la présentation des collections bovines printemps-été. Parfum d’étable bien présent, fins arômes de litière fraîche, senteurs de cuir avec des notes poilues, le cheptel s’apprécie comme un grand cru. Elles sont venues de toutes les provinces, arrachées à leurs prés pour la parade. Le museau brillant, les fesses propres et la robe peignée comme pour la communion du gamin. Voici la jersiaise et la montbéliarde, la bleue du Nord et la parthenaise, la rouge des prés et la rouge flamande, la mirandaise et la nantaise, la vosgienne et la normande, stoïques dans leurs box de salon. Races de terroir, subsistant grâce à des éleveurs qui défendent le patrimoine et la diversité génétique, face à l’emprise des prim’holstein (lait), charolaises et autres limousines (viande). Comme le périphérique voisin, le hall 3 bouchonne sur le coup de 18 h 30, lorsque les mamelles de toutes les régions font la queue pour une expérience inoubliable : la traite du soir en milieu urbain, 82 - CULTURE sous les applaudissements du public. A pas lents, la voie ouverte par un commis soucieux du bien-être animal, tenue à la bride par un autre, la bretonne pie noir ou l’abondance défilent sur des allées de moquette verte, éclaboussant d’une bouse les mocassins du passant, avant de se faire tirer le pis à la machine. Elles ignorent les larges enseignes qui illuminent le fond du hall 3 : Charal et McDo. Les poids lourds de la barbaque sont embusqués au coin du ring bovin où sont jugées les plus belles bêtes. Des marques qui affirment faire durable et traçable pour le bien du consommateur et de la planète. Elles feront bientôt français. C’est l’événement du jour : le retour de la viande française avec logo et tutti quanti. Quatre filières interprofessionnelles (Uniporc, APVF, Interbev, Clipp) viennent en effet de signer un accord pour promouvoir sous un même label les viandes issues d’animaux nés, élevés, abattus et transformés en France. Sept productions animales (volailles, ovins viande, lapins de chair, bovins viande, porcs, chevaux et veaux) se sont lancées dans cette démarche de filières et la signature « Viandes de France » (VDF) sera déclinée en sept logos distinguant chacune d’elles. Pour le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, « Viandes de France » offre « une double garantie » : la certitude de l’origine des produits, et une garantie sanitaire, environnementale, de respect du bien-être animal et de la protection sociale des salariés. Ce label, qui n’en est pas vraiment un et s’ajoute à beaucoup d’autres – Les vegan (végétariens militants) n’y étaient pas conviés. Début février ils avaient organisé place de la Bastille un « banquet troublant », avec de vraies têtes de veau, d’agneau ou de porc pour dénoncer le meurtre des animaux. Devant le hall 3, ils ont renoncé au « banquet » – les éleveurs auraient pu se fâcher –, se contentant de brandir CE N’EST PAS PARCE QUE C’EST FAIT EN têtes de bétail et pancartes proclaFRANCE que c’est obligatoirement mant : « Aujourd’hui les caresses, demain bon : les poulets de batterie aux os l’abattoir ». A noter un débat pasen caoutchouc, les cochonneries sionnant au sein du mouvement à porcines qui déversent leur lisier et propos de l’utilisation d’animaux les lapins bourrés d’antibiotiques morts dans ces happenings. Comsont aussi de nationalité française. ment peut-on être vegan et congeler La lecture du cahier des charges une tête ? Comment peut-on être pour les bovins viande confirme vegan, ouvrir la porte d’un congélaqu’il s’agit avant tout de contraintes teur et y placer une partie d’un être techniques pour l’identification, le assassiné ? Que sont devenues ces AOC, label rouge, AB –, constitue avant tout un geste commercial pour redonner confiance aux consommateurs sérieusement échaudés par l’affaire des lasagnes au cheval. Le lire comme une garantie de qualité – ce qu’ont laissé entendre les ministres Le Foll, Garot et Hamon lors de sa présentation – paraît cependant exagéré. Les poids lourds de la barbaque sont embusqués au coin du ring bovin où sont jugées les plus belles bêtes. Des marques qui affirment faire durable et traçable pour le bien du consommateur et de la planète. Elles feront bientôt français. transport, l’abattage, la découpe, la traçabilité, le commerce et la distribution. Le mode d’élevage et l’alimentation du bétail ne sont pas concernés. L’opération a été saluée au Salon par une Grande Tablée, un banquet réunissant tous les acteurs sous la présidence de Stéphane Le Foll sur le ring bovin du hall 3. têtes ? Ont-elles été enterrées dignement ou bien simplement jetées à la poubelle ?, s’interrogent certains amis des bêtes qui voient dans cette théâtralisation une insulte fondamentale à la dignité animale. Graves questions, à méditer au moment du pot-au-feu. jpgene.cook@gmail.com 8 mars 2014 Cecilia Garroni Parisi pour M le magazine du Monde. A JP Géné Label et les bêtes. Le resto. Un studio divin. la seconde fois de ma vie que je vais manger au métro Botzaris ! la première, c’était à la Verrière, le bistrot d’eric Fréchon avant son retour au Bristol, et cette fois, à Ô divin, une cantine minimaliste de 18 couverts au nom et au décor prometteur : les bouteilles sont pendues en devanture. Phénomène rare, Ô divin est l’excroissance d’un célèbre studio d’enregistrement fréquenté jadis par serge gainsbourg, david Bowie ou joe cocker. le studio Plus 30 est devenu studio talk over, propriété de redha Zaïm, qui a installé son frère naoufel au rez-de-chaussée. ce fin dégustateur de vins nature, avec mathieu moity au piano, propose une cuisine proche des produits, aux associations originales, qui gagnerait cependant à plus de clarté. chinchard (mi-cuit), courge, tarama, fenouil, joue de bœuf au vin rouge, endive, coco, tamarin et clémentine, chocolat, yuzu ; pour 20 €, le déjeuner est une affaire dans ces quartiers déserts. jolie carte des vins nature, service amical et souriant, le lundi soir Ô divin propose son fameux couscous au porcelet et tous les derniers mardis du mois un dîner-dégustation de grands vins. Plats à emporter également disponibles. Autant de raisons d’aller au métro Botzaris. JPG Ô Divin, 35, rue des Annelets, Paris 19e. Tél. : 01-40-40-79-41. Fermé dimanche, samedi midi et lundi midi. www.odivin.fr banc d’essai L’anjou blanc sec. coquilles saint-jacques, sole, saumon ou même veau ou poularde ? l’anjou blanc, issu principalement du chenin, avec ses parfums tendres, étirés et caressants, s’impose. Par Laure Gasparotto Domaine De BaBLuT, cuvée orDovicien 2010 Le tonique Un blanc élevé sous bois, qui a gagné à être gardé : ce 2010 est désormais bien fondu. Il fallait cela pour dompter sa tension et son énergie (bio). Tél. : 02-41-91-22-59. 10,90 €. Domaine PaTrick BauDouin, cuvée eFFusion 2012 Le câlin Un vin fin, riche, plein de saveurs, aux notes épicées, mais aussi citronnées, bien équilibrées. Ensemble élégant, pur et long. Tél. : 02-41-74-95-03. 14,50 €. châTeau De Bois Brinçon, cuvée Terre De grès 2012 Le précis Il y a une verticalité évidente qui se dégage de ce blanc minéral, quasi salin. Un travail d’artisan autant que d’architecte, qui en fait un vin splendide (bio). Domaine Du cLos De L’éLu, cuvée BasTingage 2012 Le caressant Un anjou séduisant, voire séducteur, parce qu’il dévoile une certaine jeunesse. On aime son côté spontané et fougueux. Domaine FL, cuvée Le Tour D’FL 2011 Le taillé On est proche de la réalité, des sols. Et, c’est drôlement simple et parfaitement bon (bio). Tél. : 02-72-73-59-85. 5,25 €. Tél. : 02-41-78-39-97. 14,50 €. Tél. : 02-41-57-19-62. 10 €. Les coordonnées Elodie Petit. DR x5. de la série Un peu de tenues... Le pictural, p. 70. AmericAn VintAge : www.am-vintage.com céline : 01-56-89-07-91 chAnel : 0800 255 005 emmAnuelle ZysmAn : www.emmanuellezysman.fr Fendi : 01 49 52 84 52 FlAmingos : http://flamingos.fr gérArd dArel : 01 45 48 54 80 h & m : www.hm.com KenZo : 01-40-39-72-03 mAison Boinet : www.maison-boinet.fr mAiyet : http://maiyet.com mAje : 01-42-36-26-26 mArc deloche : 01-49-27-03-79 minelli : 0810-007-191 origAmi jeWellery : 01-42-71-77-52. PAul smith : 01-53-63-13-19 PAule KA : 01-42-97-57-06 Petit BAteAu : 0820-200-203 PrAdA : 01-53-23-99-40 ZAdig & VoltAire : 01-42-21-88-88 ZAPA : 01-42-86-63-99 Pages réalisées par Caroline Rousseau et Fiona Khalifa (stylisme). Avec Carine Bizet, Lili Barbery-Coulon, David Chokron, Laure Gasparotto, JP Géné, Marie Godfrain, Emilie Grangeray, Catherine Maliszewski, Vahram Muratyan, Julien Neuville et Lisa Vignoli. 83 Le style. EspagnE Le Grenade de Gérard de Cortanze. Que fait donc ce descendant d’aristocrates italiens du côté de grenade ? « J’aime ces villes où l’on sent l’empreinte de l’histoire », dit-il. C’est sans doute pour cela que, après avoir publié Le Goût de Grenade (Mercure de France, 2011), il revient du côté de cette ville avec son nouveau roman, L’An prochain à Grenade (albin Michel) : « J’ai beaucoup travaillé sur l’Italie de ma famille – Fra Diavolo, du côté napolitain de ma mère, Roero di Cortanze, aristocrate italien, du côté de mon père – mais l’hispanité est ma troisième patrie. » Il la retrouve avec bonheur dans ce roman couvrant plusieurs siècles d’histoire, qui est aussi une méditation sur la naissance du mal, sur la persistance de la haine. Propos recueillis par Josyane Savigneau Surplomber la ville depuis l’Alhambra Palace «Chacun a son Grenade. On peut partir à la recherche de Federico García Lorca, verser une larme sur la fin du dernier Abencérage en compagnie de Chateaubriand, relire Le Fou d’Elsa à la fraîcheur du patio de la Acequìa, mourir de nostalgie avec Washington Irving, choisir les volutes baroques du Sancta Sanctorum… Mon Grenade est celui que j’observe, une soirée d’été, de la terrasse de l’Alhambra Palace Hôtel, chef-d’œuvre rococo surplombant la ville, un verre de pedro ximénez dulce à la main.» Remonter à l’aube le labyrinthe du Realejo 84 - Witi de Tera/Opale/Editions Albin-Michel «L’ancien quartier juif, rebaptisé Realejo par les rois catholiques, est un labyrinthe de rues et de ruelles. Y voisinent, pêle-mêle, des manufactures de guitares et des artisans de marqueterie, des bars à tapas et des ateliers de tenues flamencas. Mon conseil : s’y promener quand le jour commence à se lever, et remonter de la partie basse à la partie haute de la ville vers l’Alhambra. Odeurs subtiles, chaleur à venir, brise légère. On se croirait transporté plusieurs siècles en arrière : bonheur absolu.» Photos Pablo Castilla Heredia pour M Le magazine du Monde – 8 mars 2014 Festoyer en paix à La Mimbre « Sur la carte de visite de ce restaurant en plein air, on précise: “Bosques de la Alhambra”. A quelques mètres des hautes murailles, sous les frondaisons vert sombre, on dîne dans la paix et la volupté : salade de morue à l’orange, boquerones (anchois) frits, gaspacho, jamón ibérico aux fèves, avec, en prime, un gros chat surnommé hombre rubio, l’homme blond. Je pense à un poème de Juda Halévi, poète juif andalou qui, chassé par les Almoravides en 1140, part pour la Judée: “Comment goûter tous ces mets et comment les aimer, quand je suis dans les liens où m’enchaîne le More?” » CARNET PRATIQUE 1/Quartier de Realejo Autour de la Cuesta del Realejo. 2/L’Alhambra Palace Hôtel Plaza Arquitecto Garcia de Paredes www.h-alhambrapalace.es 3/Restaurant La Mimbre Paseo del Generalife Tél. : (00-34) 958-22-22-76 www.restaurantelamimbre.es 4/Alhama de Granada prendre la C 340 direction Armilla ou l’A 92 par Santa Fe. 5/Museo Sefardi placeta Berrocal, 5. Tél. : (00-34) 958-22-05-78 Entendre des voix à Alhama de Granada « Située à une quarantaine de kilomètres de Grenade, cette localité, construite sur un site escarpé, est d’une beauté à couper le souffle. C’est aussi la ville des vestiges : romains, arabes, chrétiens, et celle des pósitos, ou greniers à grains, toujours construits à des endroits stratégiques. Très peu sont encore debout. Celui de la plaza de Los Presos a une histoire qui m’est particulièrement chère : il fut au xiiie siècle une synagogue. Une impression étrange s’en dégage. Comme si des voix anciennes vous parlaient au creux de l’oreille.» Comprendre l’influence juive au Museo Sefardi «Il a fallu attendre mai 2013 pour qu’une initiative privée rappelle enfin la présence juive à Grenade. Dans une maison grenadine typique, la vie, les personnages, les traditions du peuple juif sont minutieusement recréés. Une bibliothèque permet d’approfondir ses connaissances sur le sujet. Des lectures de poèmes et des spectacles musicaux y sont régulièrement organisés. On peut y écouter les voix de Salomon Ibn Gabirol, de Moïse Ibn Ezra, et sans doute de Halim Al-Labbana, poète prodige de 14 ans et personnage de L’An prochain à Grenade.» 85 1. Focus Bergman, maître à filmer Studiocanal Sept longs-métrages du cinéaste suédois sortent en salles et en DVD. L’occasion de revenir sur la puissance et la modernité des œuvres du maître, mort en 2007, avec l’un de ses disciples, le réalisateur Olivier Assayas. Par Thomas Sotinel 86 Avec Persona (1966), Ingmar Bergman réinvente son cinéma. Ici, les deux actrices phares du film, Bibi Andersson et Liv Ullmann. 8 mars 2014 - 87 C omme de « à La recherche du de la Tétralogie de Wagner ou des galeries mésopotamiennes du Louvre, on se dit qu’on trouvera un jour le temps de se plonger dans l’œuvre de Bergman. Et voici que sortent en salles, en DVD et Blu-ray, sept des films d’Ingmar Bergman (1918-2007). Si ce n’est déjà fait, c’est maintenant qu’il faut aller voir les chefs-d’œuvre du maître suédois. Sept longs-métrages donc, un échantillon hétérogène qui va de l’une des rares comédies de Bergman, Sourires d’une nuit d’été (1955), à sa seule collaboration avec son homonyme, Ingrid, Sonate d’automne (1978) – duo cruel et douloureux entre mère et fille, Ingrid Bergman donc, et Liv Ullmann, qui fut la muse du réalisateur. Entre les deux, trois films de la période dite « classique », celle qui a imposé à la planète cinéma la statue du commandeur Bergman, inventeur d’images gravées depuis dans l’imaginaire collectif : le vieux professeur des Fraises sauvages qui contemple son enfance, le chevalier du Septième Sceau qui joue aux échecs avec la mort – deux films sortis en 1957. Une période dont a aussi jailli La Source (1960), légende médiévale située au tournant du paganisme et du christianisme, film honni par la critique, quasiment renié par son réalisateur. Et enfin, deux des œuvres avec lesquelles Bergman a réinventé son cinéma : Persona (1966), dont la modernité est encore saisissante, et Scènes de la vie conjugale (1973), minisérie télévisée faite film, soap opera mué en chef-d’œuvre. Admirateur constant du maître, Olivier Assayas a longuement rencontré Ingmar Bergman en 1990. Jeune cinéaste (il avait alors deux films à son actif), ancien journaliste aux Cahiers du cinéma, il a tiré un livre de ces deux après-midi d’entretiens, Conversation avec Bergman (cosigné avec Stig Björkman). L’auteur de L’Heure d’été était allé voir, la veille de notre rencontre, la version théâtrale de Scènes de la vie ingmar Bergman (ci-dessus, en 1948) sait, selon olivier assayas, faire durer les gros plans et « capter les mouvements infimes du visage ». Comme dans Sonate d’automne (1978), dans lequel liv ullmann et ingrid Bergman incarnent un duo cruel mère-fille. 88 - temps perdu », conjugale que proposait la troupe belge Tg Stan, et il présentera, le 25 mars, Monika à l’Institut Lumière de Lyon, à l’occasion d’une rétrospective du cinéaste. Il s’est fait notre guide vers les sommets bergmaniens. Le cinéaste, qui met la dernière main à son prochain film, Clouds of Sils Maria, avec Juliette Binoche, rappelle quelques principes de compréhension de l’art de Bergman. L’exploration des visages d’abord : « Faire durer les gros plans pendant des séquences entières, pour capter les mouvements infimes du visage, qui seraient imperceptibles au théâtre. » On y pense en voyant Sonate d’automne. Le visage d’Ingrid Bergman, filmé avec une attention cruelle, raconte chaque année passée et l’atteinte du temps, de la maladie, avec une précision de géomètre et une admiration de poète. Tout comme celui de Liv Ullmann, enlaidi, banalisé pour mieux révéler sa douleur. Au sujet de Bergman, Olivier Assayas revient sans cesse sur cette double nature de l’artiste : homme de théâtre et de cinéma. On connaît la grandeur du metteur en scène, du directeur de théâtre. Et il suffit de voir ses films pour comprendre que ce scénariste-là fut aussi l’un des plus grands dramaturges de son temps. Une situation que résume ainsi Assayas : « Il aurait été Prix Nobel de littérature s’il n’avait pas fait de cinéma. » Chez lui « tout commence par la parole, comme chez Guitry ou Tarantino », poursuit-il en un rapprochement inattendu. La compLexité de ce prophète sombre, qui, se souvient Assayas, était un interlocuteur drôle et chaleureux, ne s’arrête pas à cette dualité entre la scène et l’écran. Cet homme nourri de la culture du xixe siècle, qui revient sans cesse à un auteur comme Strindberg, est devenu, au milieu des années 1960, à partir de Persona, l’inventeur de la forme moderne du cinéma qui « efface la frontière entre la fiction et l’autobiographie ». A moins de maîtriser chaque inflexion de la chronologie d’une œuvre redéfinie à chaque étape, il vaut donc mieux voir les films d’Ingmar Bergman comme ceux d’un cinéaste inconnu, dont l’univers se dévoile pour la première fois. C’est une ruse pour éviter de ne voir dans Le Septième Sceau que les figures tant de fois parodiées, dans Les Fraises sauvages une de ces chroniques biographiques d’inspiration freudienne qui se sont multipliées en un demi-siècle. Ce dernier film « a donné naissance à un genre à part entière », regrette un peu Olivier Assayas. Pour rappeler aussitôt que ce monument est aussi un chant d’amour à un maître révéré, Victor Sjöstrom, à qui Bergman avait confié le rôle du vieux professeur. Victor Sjöstrom, le père fondateur du cinéaste suédois, l’homme qui a le plus fait pour rapprocher Bergman d’un art qui n’était pas le sien et dont il est devenu le maître. SourireS d’une nuit d’été, Le Septième Sceau, LeS FraiSeS SauvageS, La Source, perSona, ScèneS de La vie conjugaLe, Sonate d’automne, Sortie le 5 marS, en DVD et Blu-ray, StuDio Canal éDiteur. à la Filmothèque Du quartier latin, à PariS : Six FilmS De Bergman en ProjeCtion numérique, juSqu’au 18 marS. www.laFilmotheque.Fr rétroSPeCtiVe Bergman à l’inStitut lumière De lyon, juSqu’au 8 aVril. www.inStitut-lumiere.org 8 mars 2014 1948 Sjöbergs bilder. Studiocanal La culture. Au programme Des installations > DANS L’OEIL DU CYCLOPE avec Brüno, Gwen de Bonneval, Cyril Pedrosa, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann > CECI N’EST PAS UNE BANDE DESSINÉE avec David B, Dash Shaw, Jason, Frederik Peeters, Jochen Gerner, Ludovic Debeurme > LA FERME DES ANIMAUX de Blexbolex et Loo Hui Phang Des spectacles > LA FILLE de Barbara Carlotti et Christophe Blain > LE MORAL DES MÉNAGES de Stéphanie Cléau, Eric Reinhardt et Blutch, avec Mathieu Amalric > HISTOIRE D’AMOUR de Régis Jauffret par le Teatrocinema… + Des conférences, un cinéLounge, une librairie éphémère… Accès par RER A à 20 min de Paris Nation (arrêt Noisiel) / Tarifs des spectacles de 3€ à 10€ www.arteboutique.com La culture. Réédition iDées De génies les Danse machines D’anne nguyen Dans le petit studio de répétitions de la Ménagerie de verre, à Paris, les danseuses de hip-hop de la Compagnie par Terre ont troqué joggings et baskets contre robes dos nu et talons aiguille. Quant aux hommes, ils arborent chemises, gilets et pantalons droits. Le répétiteur Bouzid Aït-Atmane cale un morceau de Brahms sur son ordinateur. « Il s’agit du quintette pour clarinette et cordes que j’adore, précise la jeune breakeuse et chorégraphe Anne Nguyen. Cette musique m’a donné l’idée d’une danse décalée, mécanique. » Par couples, les huit interprètes se plantent face à face et enchaînent des pas désarticulés. Les corps, secoués de spasmes, explosent comme du pop-corn, expression d’une étrange nervosité. Ils se touchent, se séparent. « Comme dans un duel, explique Anne Nguyen. C’est une danse de couple, mais empêchée par l’utilisation de différents styles hip-hop, comme le popping, qui travaille sur la contraction des muscles, et la robotique, qui mime la gestuelle des robots. » La concentration exigée par cette danse conflictuelle est compensée pendant la répétition par des éclats de rire. Trois mois déjà qu’ils répètent ce nouveau style chorégraphique baptisé « looping pop » par Anne Nguyen. « J’étudie toujours la contrainte, confie la chorégraphe. J’ai eu envie d’imaginer une manière d’être ensemble un peu froide et distante comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Les interprètes sont programmés comme des machines pour danser. » D’où le titre du spectacle inspiré du vocabulaire informatique : bal.exe. « C’est un bal des robots un peu désenchanté, qui tente tout de même de renouer le contact avec l’autre. » Avis aux amateurs : Anne Nguyen compte bien apprendre le looping pop au grand public. R. Bu BaL.exe, d’anne nguyen, Les 20 et 21 maRs, CentRe ChoRégRaphique nationaL de Caen, Les 28 et 29 maRs, tRemBLay-enFRanCe, Les 1er et 2 avRiL, théâtRe 71, sCène nationaLe, maLakoFF. La touRnée suR : www.CompagniepaRteRRe.FR 90 - LES CRéATEURS, de danieL BooRstin, tRaduit de L’angLais (états-unis) paR BéatRiCe vieRne, RoBeRt LaFFont, « Bouquins », 960 p., 28 €. 3. photos Chiara santarelli pour m Le magazine du monde – 8 mars 2014 Robert Laffont En coulisses Et si les catastrophes stimulaient les artistes, comme la crainte du feu amena Jenney à inventer le gratte-ciel à Chicago? Après avoir campé l’épopée des Découvreurs, paru en 1990, Daniel Boorstin (1914-2004), poursuivit sa saga des grands aventuriers avec Les Créateurs, ces « héros de l’imagination » tous arts confondus: Cervantès et Bramante, Isadora Duncan et Proust, Picasso et Kafka, Eschyle et Wagner… Dans cette réédition (publié en 1992, le livre est paru en français en 1995), ni concurrence ni hiérarchie, mais un hymne à l’audace. Deuxième volet d’un triptyque dont le dernier tome (The Seekers), reste à traduire, ces Créateurs sont une formidable invitation à célébrer le génie, singulier et universel. Un essai enthousiaste au ton de roman-fleuve. P.-J. C. 3 questions à… Clovis CornillaC Dans “La Contrebasse”, le comédien reprend avec talent le rôle créé par Jacques Villeret en 1991. Seul en scène, il livre une partition poignante sur la solitude. Bernard Richebé L’interprétation de Jacques Villeret était marquante. Comment avezvous travaillé ce rôle? Au théâtre, le héros a toujours été le texte. Quand il est beau, on ne se pose pas la question des interprètes précédents, ce n’est pas une compétition. Je ne me suis jamais mis la pression par rapport à Jacques Villeret. Jacques était un ami mais je ne l’ai pas vu dans cette pièce. Il m’avait dit à l’époque à quel point ce texte l’avait marqué. Mon sentiment aujourd’hui est de partager quelque chose de très intime avec lui. C’est comme si un pote m’avait dit : « J’ai fait la face Nord du Mont-Blanc et c’était génial. » Maintenant, je comprends de quoi il me parlait. 4. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet? Le texte de Patrick Süskind – qui évoque la solitude, la frustration, le désir – a quelque chose d’universel et de profondément humain. Certains moments de cette pièce me bouleversent parce qu’ils nous entraînent dans le recoin de nos âmes. Vous n’avez jamais joué seul en scène… C’est une aventure un peu étrange, une expérience dangereuse mais finalement très agréable. Et puis, je ne suis pas complètement seul, la contrebasse est un personnage. Chaque soir, j’ai le sentiment d’avoir vécu un moment de partage très fort avec le public : finalement, c’est lui mon partenaire. Propos recueillis par Sandrine Blanchard La contrebasse, de PatRick SüSkind, miSe en Scène de danieL Benoin, avec cLoviS coRniLLac. théâtRe de PaRiS, 15, Rue BLanche, PaRiS 9e. téL. : 01-48-74-25-37. du maRdi au Samedi à 21 h, Le Samedi à 16 h. JuSqu’au 3 mai, 30 € et 40 €. 91 La culture. Ailleurs Franck Scurti est de cette génération d’artistes français nés dans les années 1960 qui s’impose aujourd’hui. On le qualifie parfois d’artiste néo-pop parce qu’il détourne volontiers des objets quotidiens et ne perd jamais de vue la réalité économique actuelle. Mais, à la différence de nombre de ses contemporains, il n’abuse pas des effets spectaculaires. Ses œuvres sont des systèmes complexes où tout compte, dans un processus de création longuement réfléchi. Les matériaux sont d’une extrême variété, de la peau de serpent à la feuille d’or ou au débris récupéré dans la rue sur le chemin de l’atelier. Les références artistiques ne sont pas moins nombreuses et il en est de même des sous-entendus politiques et des allusions scientifiques. Au Mamco de Genève, il présente ses travaux les plus récents qui se placent sous les signes conjugués – et savants – du mouvement brownien et de la métamorphose incessante (Robert Brown est un botaniste anglais découvreur, au XIXe siècle, du mouvement incessant des particules de matière). Pour autant, ces références graves sont loin d’exclure l’ironie, la dérision, la parodie même. Ph.D. « FRANCK SCURTI, THE BROWN CONCEPT & NOUVELLES LUMIÈRES DE NULLE PART », MAMCO, 10, RUE DES VIEUX-GRENADIERS, GENÈVE (SUISSE). TÉL. : (00/41)22-320-61-22. DU MARDI AU VENDREDI DE 12 H À 18 H, SAMEDI ET DIMANCHE DE 11 H À 18 H. JUSQU’AU 18 MAI. ENTRÉE : 8 CHF (8,55 €). WWW.MAMCO.CH 92 Franck Scurti récupère et détourne des matériaux abandonnés par d’autres. Ici, Sans titre, 2014 (cannage, polystyrène et feuille d’or). Franck Scurti, ADAGP, Paris 2014/photo Ilmari Kalkkinen Mamco, Genève SCURTI DÉTOURNE GENÈVE 6. Jeune pousse Autumn Northcraft.Capture d’écran Web ANGEL OLSEN, TAILLÉE DANS LE FOLK La trentaine d’artistes présentée du 18 mars au 4 avril, à l’occasion de la 17e édition du festival itinérant Les femmes s’en mêlent, démontrent une fois de plus la richesse protéiforme de la scène féminine indépendante. A 27 ans, l’Américaine Angel Olsen peut incarner à elle seule les fêlures les plus émouvantes du folk, les colères électriques d’une rebelle grunge ou la drôlerie (dé)complexée des héroïnes de « Girls », l’irrésistible série de Lena Dunham. Enfant de Saint-Louis, dans le Missouri, l’ado a défoulé son hyperactivité dans un groupe de ska-punk chrétien, avant de tracer une route moins catho vers Chicago où la cité du blues ne lui offrit d’abord que petits boulots et déceptions amoureuses. Une rencontre avec Will Oldham, figure de la country-folk alternative sous le nom de Bonnie Prince Billy, lui permit ensuite de se révéler en choriste excentrique avant de bricoler un premier album solo, Half Way Home (2012), rempli de séduisantes écorchures. Fidèle à l’esthétique lo-fi (de low-fidelity, soit d’une rugosité à l’antithèse du perfectionnisme hi-fi), Angel Olsen émerveille dans un deuxième opus, Burn Your Fire For No Witness, où sa voix peut prendre les accents caverneux d’un Leonard Cohen, rudoyer les garçons, rire d’elle-même ou aguicher les anges. S.D. BURN YOUR FIRE FOR NO WITNESS, D’ANGEL OLSEN, 1 CD JAGJAGUWAR/PIAS. CONCERT LE 26 MARS, AU FESTIVAL LES FEMMES S’EN MÊLENT, AVEC EMILY JANE WHITE ET ELENI MANDELL. DIVAN DU MONDE, 75, RUE DES MARTYRS, PARIS 18e. TÉL. : 01-40-05-06-99. 19 H 30. DE 17 À 22 €. TOURNÉE EN FRANCE ET EN EUROPE : ANGELOLSEN.COM Vu sur le Net SINUSOÏDES MUSICALES Un océan avec des vagues multicolores, voilà à quoi ressemble au premier abord la Music Timeline développée par Google. Cette frise chronologique interactive permet de naviguer dans les différents genres musicaux des soixante dernières années. Grâce à un système de data visualisation (représentation visuelle des données), chaque style de musique – pop, rock, jazz, country, metal, hip-hop, reggae, etc. – est figuré par une courbe de couleur dont l’épaisseur varie en fonction de sa popularité au fil du temps. En cliquant sur l’une des courbes, on affiche les sous-catégories d’un genre musical. Et un simple survol de la timeline fait apparaître des pochettes d’albums d’artistes représentatifs de chaque courant. On pourra regretter que les données utilisées proviennent uniquement du service Google Play Music (écoute de musique en streaming), ainsi certains genres musicaux, comme la musique classique, n’y figurent pas. 7. C. Mo RESEARCH.GOOGLE.COM/BIGPICTURE/MUSIC 8 mars 2014 - 93 Parmi les jeunes photographes exposant au festival Circulation(s), Helena Chernyshova (ci-contre, Norislk), Marie Hudelot et ses masques (ci-dessous), et Marlous van der Sloot et ses images oniriques (en bas). Chambre noire cliquez jeunesse Elena Chernyshova. Marie Hudelot. Marlous van der Sloot Pour sa quatrième édition, le festival Circulation(s) et ses jeunes pousses de la photographie européenne s’installent au 104, à Paris. Un lieu moins plaisant et plus difficile à habiter que les jardins de Bagatelle, leur ancien point de chute, mais on est au cœur de la ville, dans le bruit et la vie. Ce qui sied à ces images, qui vont du documentaire à la photo plasticienne, du souvenir personnel aux constructions sophistiquées. Dans cette belle sélection, les images les plus intéressantes sont aussi les plus fantaisistes : les masques de Marie Hudelot, qui mélangent les registres et les lectures, les « pom-pom grannies » d’Antony Todd, ou les corps et objets mutants inventés par Marlous Van der Sloot. Sans oublier les images impressionnantes d’Elena Chernyshova, collectées au bout du monde : à Norilsk, ville minière de Sibérie, marquée par le froid, la nuit et la pollution, elle a fabriqué des photographies à la fois monumentales et intimes. Cl. G. CirCulatiOn(S), fEStival dE la jEunE PHOtOgraPHiE EurOPéEnnE, juSqu’au 16 MarS, du Mardi au vEndrEdi dE 13 HEurES à 19 HEurES, lE wEEk-End dE 12 HEurES à 19 HEurES, gratuit. CEntquatrE, 5, ruE Curial, PariS 19e. tél. : 01-53-35-50-00. www.104.fr 94 - 8 mars 2014 La culture. Bio express Jean-Loïc Portron 9. Editions de l’Olivier. Béatrice Chauvin. Program 33 A vue d’œil abus d’absurde Une dame avec un gros nez, assise sur une chaise, les mains posées l’une sur l’autre. Des personnages secondaires interchangeables qui viennent discuter avec elle : une petite fille, un poulet, un canard, un vieux monsieur, un singe en costume, un escargot… et même son double à elle, rigoureusement identique. Un trait réduit à sa plus grande simplicité. Des dialogues, enfin, sur tout et n’importe quoi et qui font mouche par leur concision. Né à Buenos Aires en 1939, mort à Paris du sida en 1987, le dramaturge, romancier et dessinateur argentin Copi a créé l’une des bandes dessinées les plus minimalistes qui soient, aux confins du non-sens et de la psychanalyse. Sous le label Olivus, les éditions Cornélius et L’Olivier inaugurent une anthologie des planches que l’auteur a publiées dans des magazines français (Le Nouvel Observateur, HaraKiri, Charlie Hebdo…) à partir du milieu des années 1960. « Si vous m’aviez connue autrefois! Deux rolls, une rivière de diamants, Valentino à mes pieds… », rêve à voix haute la dame. « Et moi alors, qui jouais au tennis avec le pape! », surenchérit l’escargot. « Menteur! », conclut la dame en écrasant du poing le gastéropode. F P. Le documentariste français cosigne une fascinante monographie de Braddock, ville fantôme de la sidérurgie américaine. A découvrir sur grand écran le 12 mars. 1979. « Passionné d’histoire, j’ai fait, étudiant, la rencontre du cinéaste et ethnologue Jean Rouch à l’université de Nanterre. » A plusieurs, ils monteront les Ateliers Varan, centre de formation à la réalisation documentaire, dans le 11e arrondissement de Paris. 1992. Jean-Loïc Portron fait ses classes chez Arte et tourne pour la chaîne les séries de programmes culturels « Paysages » et « Les foyers de création ». « Je me suis formé à la télévision, Braddock America est sûrement mon cinquantième film, mais le premier à sortir au cinéma. » 2011. En surfant sur Google, il tombe sur la ville de Braddock, en Pennsylvanie. « Je découvre ce lieu, pivot pour la guerre de Sept Ans [une guerre entre Anglais et Français, de 1756 à 1763]. C’est ensuite le berceau de toute la sidérurgie américaine pendant cent ans et un bastion du syndicalisme. L’Amérique s’est faite là. Jusqu’à la fermeture des usines, dans les années 1980. Depuis, les habitants sont comme des naufragés. » Il va alors s’installer sur place avec sa coréalisatrice, l’Américaine Gabriella Kessler. N’ayant pas le droit de filmer dans les aciéries, ils se tournent vers les habitants, une communauté qui s’organise et témoigne de la mémoire de la ville. 2014. Le film, peinture de la classe ouvrière dans cette enclave sinistrée, bouleverse : « En Bretagne, comme à Pittsburgh, les spectateurs se disent “Braddock, c’est nous”. » Toujours en contact avec les personnages de son film, il assure que « si là-bas les caisses de l’Etat sont vides, les laisséspour-compte de Braddock n’ont pas fini de se battre ». Propos recueillis par Clémentine Gallot braddock america, dE JEan-lOïC POrtrOn Et GaBriElla KESSlEr. dOCuMEntairE. En SallES lE 12 MarS. 1 H 41. BandE-annOnCE : www.yOutuBE.COM/watCH?v=xKquyxH6lPq Les fiLLes n’ont pas de banane, dE COPi, éditiOnS dE l’OliviEr, COllECtiOn « OlivuS », 272 P., 21,50 €. Pages réalisées par Emilie Grangeray, avec Sandrine Blanchard, Rosita Boisseau, Philippe-Jean Catinchi, Philippe Dagen, Stéphane Davet, Clémentine Gallot, Claire Guillot, Cristina Marino, Frédéric Potet et Thomas Sotinel. 95 Les jeux. Mots croisés 1 2 3 Sudoku Grille No 129 Philippe Dupuis No 129 très difficile 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Compléter toute la grille avec des chiffres allant de 1 à 9. Chacun ne doit être utilisé qu’une seule fois par ligne, par colonne et par carré de neuf cases. 1 2 3 4 5 6 7 Solution de la grille précédente 8 9 10 Bridge No 129 Fédération française de bridge 11 12 13 14 15 Horizontalement 1 Toujours prêt pour un nouvel essai. 2 Au départ une révolution, aujourd’hui elle va dans tous les sens. Association du lion et des chevrons. 3 Long discours qui a commencé avec le papa d’Œdipe. Dépassait en cours. 4 Epuiserez. Envoyé promener. 5 Ardente.A l’entrée d’Issoudun. Pas à l’aise dans les pompes. Points opposés. 6 En Bosnie-Herzégovine. Quelle quantité. 7 Démonstratif. Au centre du Péloponnèse. Possessif. 8 Salit tout ce qu’il touche. Point de départ. 9 Fait le singe en Amérique du Sud. Faux si leurs fleurs sont blanches. Sur place. 10 Devenir imbuvable. Complètement épuisé. D’un auxiliaire. 11 Protections. S’amusera si ce n’est pas avec l’amour. 12 Se nourrit dans la vase. Cri au cirque. Beau travail. Assure la liaison. 13 Grande page d’histoire. Maintiennent en place. Entendrai comme hier. 14 Négation. Hirondelle de mer. Patron en Manche. 15 Spasme musculaire. Est passé des obus aux chevrons Verticalement 1 Facilite la compréhension. 2 Parlé au Hunan. Livrée au public. 3 Insistent dans leur demande. Prennent les choses en main. 4 Pique-assiette. Rouge et frétillant. Propos enfantin. 5 Empruntiez des chemins détournés. Protège la cité romaine. Du bleu en campagne. 6 Queue de persil. Reste en dehors de toute confession. Personnel. 7 Le pouvoir entre les mains des dames. Blesse. 8 Dispositions dans le bâtiment. Crient comme des perdrix. 9 Refusez la vérité. Apportera un peu de lustre. Risque de casser. 10 Oncle d’Amérique. Cap d’Amérique.Apporta son soutien. Gai participe. 11 Dévoilées pour être croquées. Se rendront. 12 Sur l’Adour. N’admet pas les compromis. 13 Ferme la porte. Disciple de Paul. 14 Bien employées. Une base de notre alimentation. 15 Permet aux moyens de coller aux objectifs. Solution de la grille no 128 Horizontalement 1 Incompréhension. 2 Roulure. AM. Topo. 3 Rune. Opacité. En. 4 Ere. Nullité. Arc. 5 Tripotage.Tchao. 6 Rifle.Tunnel. Sn. 7 Etoile. Edison. 8 Curé. Nd.AG. Sumo. 9 IRM. Otés. Eté. Ir. 10 Seersucker. ULM. 11 Si. Bois. Amati. 12 As. Aber. Scie. Is. 13 Bielle. Pianotât. 14 Leste. Crème. Ode. 15 Entourloupettes. Verticalement 1 Irrétrécissable. 2 Nourriture. Sien. 3 Cunéiformes. Est. 4 Olé. Plie. Rialto. 5 Mu. Noël. Os. Bleu. 6 Prout. Entubée. 7 Replat. Décor. Cl. 8 Algue. Ski. Pro. 9 Hacienda. Essieu. 10 Emit. Niger. Camp. 11 Têtes. Aînée. 12 Ste. Close. Méo. 13 Io. Ah. Nu. Ua. Tôt. 14 Opéras. Miltiade. 15 Non-conformistes. 96 - 8 mars 2014 0123 *Chaque volume de la collection est vendu au prix de 9,99 €, sauf le n° 1, offre de lancement au prix de 3,99 €. Offre réservée à la France métropolitaine, dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels - Photo Thinkstock- agencejem.com La plus belle perspective sur 5 000 ans d’histoire Une collection présentée par Jacques LE GOFF L’œuvre historique de référence www.histoire-et-civilisations.fr Cette semaine, le volume 7 : LA GRÈCE CLASSIQUE DÈS LE JEUDI 6 MARS CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX En partenariat avec Le totem. Le lézard de Michel Vuillermoz. “ En mai 2013, à la fin du tournage d’Aimer, boire et chanter, Alain Resnais a offert un lézard en plastique à chacun des acteurs. J’ai hérité du rouge. Il a accompagné son cadeau d’un sourire coquin et d’une citation d’Apollinaire : « Les lézards aiment les arts ». Tout Alain est dans ce geste délicat, surprenant et malicieux. Il nous disait pouvoir rester des heures à regarder sur une terrasse un lézard se prélasser au soleil, regrettant seulement qu’il ne puisse parler : « Il aurait tant de choses à raconter… » Petit lézard poète qui regarde le monde inlassablement 98 - jusqu’au jour où… Jusqu’au jour où le grand cœur du petit lézard s’arrête de battre. Même les lézards poètes meurent un jour. Quelle absurdité ! Alain avait la richesse imaginaire d’un enfant de 8 ans. Sans doute petit garçon, a-t-il croisé Méliès vers 1930 dans son kiosque à la gare Montparnasse. Je suis sûr qu’Alain lui a acheté quelques bonbons. Ils ont dû se regarder longtemps. Et Méliès de murmurer à l’oreille d’Alain : « Vas-y petit lézard, à toi de jouer ! » Au-delà de l’admiration pour le magicien qu’il est, réinventant chaque fois le cinéma, « son » cinéma, j’ai beaucoup de tendresse pour Alain. Son élégance, sa grâce, sa curiosité du monde et des autres m’ont très souvent saisi, à m’en laisser immobile et sans voix, comme un petit lézard. Maintenant, le petit lézard en plastique est sur le piano, chez moi. Chaque jour, ma fille de 21 mois frappe les touches avec le lézard rouge, joue avec. Il se met à vivre dans ses petites mains. Chaque jour, je pense donc à Alain. Et j’ose lui dire aujourd’hui : « Alain, je vous aime ! Merci. » Propos recueillis par Jérôme Badie ” A voir Le Songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare, à la ComédieFrançaise jusqu’au 15 juin. Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais, en salles le 26 mars. Jérôme Badie Il est le 515e sociétaire de la Comédie-Française depuis le 1er janvier 2007. Plusieurs fois récompensé aux Molières, Michel Vuillermoz interprète Thésée dans “Le Songe d’une nuit d’été” de Shakespeare jusqu’à la fin de la saison. Egalement très présent au cinéma, il sera ce mois-ci au côté de Sabine Azéma et d’Hippolyte Girardot à l’affiche du nouveau film d’Alain Resnais, disparu la semaine dernière. Il lui rend hommage à travers ce lézard, cadeau du « maître ». 8 mars 2014 Publicité CLASSIQUE revisité En 2014, OMEGA propose une Speedmaster Mark II revisitée, équipée d’un mouvement automatique et d’une échelle tachymétrique visible dans l’obscurité la plus complète. Une première dans l’emblématique collection Speedmaster. La nouvelle Speedmaster Mark II se différencie du modèle de 1969 qui l’a inspirée par la présence du calibre Co-Axial 3330, mouvement à remontage automatique muni d’un spiral en silicium Si14 et d’un mécanisme à roue à colonnes. Commerciale CLIN d’œil BENEFIT lance le mascara They’re Real, jet black, qui crée en un clin d’œil un regard si intense et au-delà du réel ! Grâce à sa texture innovante et à une technologie avancée de brosse, les cils sont plus longs, plus recourbés pour un effet volume infini ! Prix conseillé : 24 € www.benefitcosmetics.fr www.omegawatches.com BON & gourmand Aucun doute possible sur la qualité des deux Miels de nos Régions vendus en exclusivité chez MONOPRIX. Ils affichent clairement leur provenance jusqu’à l’identité de l’apiculteur qui les a produits. Parfum délicat et onctuosité pour le Miel des Charentes, notes florales et saveurs plus corsées pour le Miel de Provence. Une texture crémeuse pour les deux ! Comment résister ! Les Miels de nos Régions sont ouvertement engagés et soutiennent l’association « Les Compagnons du Miel » qui défend les abeilles et la biodiversité. Prix de vente public : 4,90 € TTC le pot de 250 g. www.monoprix.fr SO british Citron Lemon Curd de MAMIE NOVA : « so British » ! Ce yaourt gourmand et crémeux est agrémenté d’une crème de citron douce et onctueuse aux notes pâtissières. 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