EN UKRAINE, SUR LE SITE DU CRASH DU VOL MH17, À LA RECHERCHE DES CORPS INTERNATIONAL – LIRE PAGE 4 MOSCOVICI À LA COMMISSION EUROPÉENNE : OUI OU NON ? ÉCONOMIE – LIRE PAGE 8 Mardi 22 juillet 2014 - 70e année - N˚21619 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry Israël-Gaza: la France face au risque de contagion «Le Monde» fête ses 70 ans 1/12 Le jour où... Beuve-Méry recrute son armée des ombres PAGES 18-19 À LIRE AUSSI... Le Monde Festival – Antony Blinken, diplomate des deux rives P.17 Les stars et la pub – Scarlett Johansson et l’affaire Sodastream P. 20 AUJOURD’HUI Après les violences à Sarcelles, dimanche 20 juillet. PIERRE ANDRIEU/AFP t A Paris, puis t Après avoir t Plus de 500 interdit ces défilés, Valls condamne une «nouvelle forme » d’antisémitisme TOUR DE FRANCE Le droit de manifester est un droit UK price £ 1,80 à Sarcelles, les manifestations contre la guerre à Gaza ont dégénéré Romain Bardet, une révélation française Troisième au classement général au début de la dernière semaine, le coureur de 23 ans est classé meilleur « jeune» de l’édition 2014. Les sommets des Vosges puis des Alpes l’ont vu jouer les premiers rôles. Le podium est possible. LIRE PAGE 13 Palestiniens ont été tués par Tsahal à Gaza depuis le début du conflit t L’ONU appelle au F rançois Hollande a raison quand il met en garde contre toute « importation » du conflit israélopalestinien en France. Manuel Valls parle juste quand il martèle que « la France ne laissera pas les esprits provocateurs alimenter je ne sais quel conflit entre les communautés ». Mais en choisissant la voie de l’interdiction de manifester, le président de la République et le premier ministre ont joué aux pompiers pyromanes. Contrairement au droit de grève, le droit de manifester n’est ÉDITORIAL CULTURE Crosby,Stills, Nash & Young, séquence nostalgie Un coffret célèbre la tournée 1974 du groupe de rock américain, la première de l’histoire à être organisée dans des stades. Trois CD et un DVD retracent la saga de concerts devenus mythiques. LIRE PAGE 11 pas inscrit formellement dans la Constitution. Mais la Loi fondamentale se réfère à la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Celle-ci prévoit que toute manifestation doit être déclarée à la Préfecture de police, en indiquant, au moins trois jours avant, sa date, son heure et son parcours. En d’autres termes, le droit de manifester fait partie des libertés publiques, mais il est légitimement encadré. Interdire une manifestation, c’est donc d’abord un aveu d’impuissance de la part du gouvernement. Il reconnaît qu’il n’aura pas les moyens d’éviter les débordements. Le 13 juillet, la manifestation propalestinienne organisée à Paris avait dégénéré, avec des violences totalement inadmissibles aux abords d’une synagogue. C’est pour éviter la répétition de tels incidents que les manifestations prévues le 19 juillet à Paris et le 20 juillet à Sarcelles (Val-d’Oise) ont été interdites. Avec une telle décision, le président a pris un double risque. Il a conforté l’idée, après ses premières déclarations apportant son soutien au gouvernement israélien face aux tirs de roquettes du Hamas, qu’il avait choisi le camp d’Israël, rompant avec le traditionnel équilibre de la diplomatie française. Les images de ces enfants palestiniens tués alors qu’ils jouaient sur une plage de Gaza ont alimenté l’émotion, voire la colère – y compris parmi des amis d’Israël. A l’heure où les réseaux sociaux sur Internet apportent un puissant concours à l’organisation des manifestations, c’ét- cessez-le-feu après l’attaque contre les tunnels de Chadjaiya LIRE P. 2-3 ET 6-7 ait une erreur – ou une naïveté – de croire qu’il suffisait d’interdire un rassemblement pour qu’il n’ait pas lieu. Au lieu d’apaiser, cela n’a fait qu’attiser les tensions. Le résultat est consternant. Là où, en France, les manifestations propalestiniennes ont été autorisées, elles se sont déroulées dans le calme. Là où elles ont été interdites, à Paris et à Sarcelles, elles ont donné lieu à de nouveaux – et inadmissibles – débordements. Dans la cité du Val-d’Oise, où, depuis des années, les communautés musulmane et juive cohabitent en bonne intelligence, des affrontements ont opposé des minorités radicales des deux camps. C’est le vivre- ensemble qui a été mis en péril. Les incidents du week-end sont la preuve de l’inanité de telles interdictions. « Ceux qui veulent exprimer leur soutien à une cause en ont le droit », a expliqué Alain Juppé, en ajoutant : « Mais pas par la violence de rue, la haine de l’autre. » L’ancien premier ministre a raison. C’est en encadrant les manifestations que l’Etat peut affirmer son autorité et éviter que la violence prenne le dessus. En interdisant, il rend d’avance les armes. p Les chrétiens d’Irak ont 24 heures pour quitter Mossoul Le Tchad, plate-forme de la France en Afrique Les partisans du chef islamiste Al-Baghdadi ont lancé un ultimatum aux chrétiens, qui fuient au Kurdistan irakien voisin. François Hollande a présenté à N’Djamena le nouveau dispositif militaire français au Sahel. Baptisé « Barkhane», il sera opérationnel au 1er août. INTERNATIONAL – P. 3 INTERNATIONAL – P. 5 En NouvelleCalédonie, le représentant de l’Etat claque la porte Jean-Jacques Brot, en poste depuis 18mois, entretenait de mauvaises relations avec Paris. Il a quitté son poste avant d’être démis. FRANCE – P. 7 © 2014 BOYHOOD INC./IFC PRODUCTIONS I, L.L.C ALL RIGHT RESERVED. /Boyhood.lefilm Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 international 0123 Mardi 22 juillet 2014 A Gaza, les combats urbains tournent au carnage L’armée israélienne et le Hamas se sont violemment affrontés dans le faubourg stratégique de Chadjaiya Reportage Gaza Envoyée spéciale P remier engagement frontal entre l’armée israélienne et les combattants du Hamas, la bataille de Chadjaiya, faubourg est de Gaza, constituera probablement, par le nombre de tués, un tournant dans l’offensive que mène Israël contre le territoire palestinien,depuis lelancementde sa phase terrestre, jeudi 17juillet. La journée de dimanche a été la plus meurtrière, pour les deux camps. Treize soldats israéliens du corps d’élite Golani ont été tués dans une embuscade aux abords de Chadjaiya. Leur véhicule blindé aurait d’abord été touché par un missile antichar, type RPG7, avant d’être soumis au feu nourri des combattants des brigades Ezzedine Al-Qassam, bras armé du Hamas. Desobus s’abattent sur des cibles invisibles. L’arrêt des combats n’a été, de part et d’autre, qu’une vaine promesse Cette attaque porte à 18 le nombre de tués parmi les soldats israéliens. Les pertes dépassent dès à présent le bilan du dernier engagement au sol de Tsahal à Gaza, l’opération « Plomb durci » de l’hiver 2008.Dix soldats avaient alors perdu la vie. Du côté des civils palestiniens, les combats intenses associés aux bombardementsont fait, en l’espace de quelques heures, 72 morts rien qu’à Chadjaiya, selon des sources médicales de Gaza. Pour la seule journée de dimanche, les pertes humaines ont franchi le seuil des 100 victimes à travers la bande côtière, dépassant les précédents bilans quotidiens relevés depuis le début de l’opération « Bordure protectrice ». La bataille de Chadjaiya marque le premier véritable engagement en zone urbaine et densément peuplée. La campagne de destruction des tunnels « offensifs » du Hamas s’était jusqu’à présent davantage concentrée sur les terres agricoles de la zone frontalière. De source militaire israélienne, les combats livrés contre plusieurs positions du Hamas ont duré plus de sept heures. L’intensité des accrochages s’explique par le caractère stratégique, pour le mouvement islamiste palestinien, du quartier de Chadjaiya, qui relie au plus court la bande de Gaza et Israël. Dans Chadjaiya, quartier de la ville de Gaza frontalier d’Israël, dimanche 20 juillet. ANNIBALE GRECO POUR « LE MONDE » Ce quartier est considéré par l’armée israélienne comme l’un des principaux bastions de la branche militaire du Hamas, d’où auraient été lancées près de 140 roquettes depuis le début des hostilités. Selon Tsahal, de nombreux tunnels débouchant au-delà des lignes frontalières auraient été creusés dans ce quartier situé à l’est de Gaza. Le carnage de Chadjaiya a soulevé de vives réactions en Cisjordanie et dans le monde arabe. L’Autorité palestinienne l’a qualifié de « massacre atroce », tandis que le chef de la Ligue arabe, Nabil Al-Ara- bi, a condamné un « crime de guerre ». Toute la journée de dimanche, des milliers d’habitants de Chadjaiya ont fui l’enfer des combats, marchant hagards sur les axes qui mènent au centre de la ville de Gaza, seul îlot encore relativement épargné par les bombardements. Al’hôpital central Al-Shifa, Monther, 27 ans, erre, le visage ensanglanté par un éclat d’obus, revivant les épreuves de la nuit : « Peu après le premier repas du ramadan, les drones ont commencé à nous bombarder, puis les tanks, et les hélicoptères. On ne voyait plus Barack Obama et l’ONU appellent à l’arrêt des hostilités Le président américain, Barack Obama, s’inquiétant du « nombre croissant de morts » à Gaza, a indiqué que son chef de la diplomatie, John Kerry, allait se rendre au Caire, lundi 21 juillet, et a dit vouloir travailler à un « cessez-le-feu immédiat ». M. Obama a aussi réaffirmé « le droit d’Israël à se défendre ». Dimanche soir, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé sa « grave préoccupation » et a appelé à l’arrêt immédiat des hostilités. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a débuté une tournée dans la région. rien sauf la lumière des bombes. » Monther entame sa lente et terrible fuite, se faufilant à travers les trous des maisons bombardées. « Il y avait des blessés, des morts, mais je ne pouvais pas m’arrêter pour les aider. Les maisons étaient devenues des cimetières. » Autre rescapé de Chadjaiya, Walid Habib est encore hanté par le « sifflement » paralysant des obus de chars, quelques secondes avant qu’ils ne transpercent les frêles habitations surpeuplées. « Nous avions reçu des tracts pour évacuer, ily aquelquesjours, mais je nem’attendais pas à un tel carnage. C’est comme si nous étions à Alep [ville martyre de la guerre en Syrie]. » Depuis plusieurs heures, il cherche l’un de ses frères, disparu au cours de la nuit, alors que la famille tentait de quitter le guêpier mortel de Chadjaiya : « Je n’ai plus d’espoir. Je vais aller directement à la morgue», souffle-t-il, glacial. Durant leur fuite, son autre frère a eu la jambe déchiquetée par des éclats d’obus. Il est 14 h 30, un cessez-le-feu humanitairede deux heures, réclamé par la Croix-Rouge, est entré en vigueur une heure plus tôt, afin d’évacuer les blessés et les cadavres qui jonchent les rues et les décombres de Chadjaiya. Le délai est court. Les minutes filent et la colère grandit devant l’entrée de l’hôpital Al-Shifa. Un ambulancier est pris violemment à partie : « Que fais-tu encore là ? Va chercher les blessés piégés là-bas ! Pourquoi les laisses-tu tomber ? » Aux abords du quartier, les ambulances se relaient, sirènes hurlantes, sans pour autant se risquer à entrer en profondeur. Des rafales régulières d’armes automatiquess’échappent encore des ruelles transversales. Au loin, des obus de chars continuent de s’abattre sur des cibles invisibles. L’arrêt des combats n’a été, de part et d’autre, qu’une vaine promesse. Pris en étau dans cette bataille urbaine, des rescapés de Chadjaiya continuent à fuir. Parmi eux, plusieurs hommes portent en ban- Mer Méditerranée Gaza BANDE DE GAZA Chadjaiya ISRAËL Khan Younes 10 km Rafah BANDE DE GAZA É GY PT E doulière une couverture, sous laquelle on devine une arme d’assaut. Des combattants du Hamas qui profitent du calme précaire de la trêve pour se replier. L’armée israélienne assure avoir eu face à elleplusieurs centaines de cescombattants, dimanche. Le soir même, les brigades Ezzedine Al-Qassam revendiquaient à la télévision l’enlèvement d’un soldat israélien, provoquant des scènes de liesse dans les rues de Gaza et de Ramallah. Une information démentie ensuite par Tsahal. p Hélène Prudhon La destruction des tunnels, objectif complexe de l’offensive terrestre israélienne Ashkelon (Israël) Envoyée spéciale Dans le kibboutz de Nir Am, à moins de trois kilomètres de la frontière nord de la bande de Gaza, les habitants ont entendu des tirs nourris, lundi 21juillet. L’armée leur a ordonné de rester chez eux, et les routes de la région ont été fermées à la circulation. Deux nouvelles tentatives d’infiltration, menées par des combattants palestiniens depuis des tunnels reliant la bande de Gaza à Israël, ont été repoussées. Une dizaine de combattants palestiniens auraient été tués et des soldats israéliens touchés par un tir de missile antichar, selon un bilan provisoire. Il y aurait des morts côté israélien, selon un porte-parole de l’armée. La veille, deux soldats en patrouille ont déjà été tués lors d’une infiltration près du kibboutz d’Ein Hashlosha, plus au sud. Un combattant palestinien a été tué, les autres ont réussi à regagner le tunnel qu’ils avaient emprunté. Israël a pourtant évité le pire des scénarios, à savoir une attaque terroriste de grande ampleur contre des habitants ou des soldats. Tsahal a en mémoire l’enlèvement, en 2006, par des combattants du Hamas infiltrés en Israël par un tunnel, du soldat Gilad Shalit, relâché cinq ans après en échange de la libération de 1 027 prisonniers palestiniens, l’une des plus grandes victoires du Hamas. Ces nouvelles infiltrations sont perçues comme la confirmation du bien-fondé de la décision prise par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, de lancer une opération terrestre «limitée ». La menace des tunnels avait été évoquée pour justifier, auprès de l’opinion publique israélienne et de la communauté internationale, cette opération qui s’annonçait d’emblée meurtrière. Israël anticipait une multiplication des tentatives d’infiltration par les mouvements palestiniens, après leur échec à infliger de lourdes pertes israéliennes par les tirs de roquettes. Après s’être circonscrite à une incursion sur deux kilomètres, dans des zones principalement inhabitées le long de la frontière, la campagne s’est muée dimanche en opération de grande envergure. Fortifications en béton «Nous avons découvert que le réseau souterrain était bien plus sophistiqué que nous le croyions », explique une source militaire israélienne. Un véritable «Gaza souterrain » aurait été mis au jour. Côté défensif, il se compose d’un réseau complexe de tunnels reliés entre eux, qui permettent aux combattants d’évoluer sous la bande de Gaza et d’accéder aux postes de commandement, aux lanceurs de roquettes et aux entrepôts de munitions cachés sous terre. L’opération au sol viserait principalement la partie « offensive » de cette infrastructure : des «dizaines de tunnels » pénétrant en territoire israélien, parfois jusqu’à des localités, permettant aux combattants de mener des attaques sans être détectés. Des tunnels fortifiés en béton armé, éventuellement raccordés à l’électricité et à une ligne téléphonique. «L’entrée des tunnels se trouve principalement dans des habitations, des bâtiments agricoles ou des serres. Ils peuvent faire plusieurs centaines de mètres, voire un kilomètre, et se trouvent parfois à vingt mètres de profondeur », explique Shlomo Brom, expert à l’Institut national des études stratégiques israélien. Depuis jeudi 17 juillet, treize tunnels ont été découverts et trente-neuf entrées identifiées le long de l’enclave. « Nous savons qu’il y en a bien plus que cela. Nous avons trouvé de nombreuses entrées et il est difficile de se faire une idée exacte de leur raccordement aux tunnels, qui ont beaucoup de ramifications », indique la source militaire. Seule une opération au sol peut permettre de détecter et de détruire l’ensemble du réseau, estime-t-il. Plusieurs techniques ont été éprouvées par le passé, et une unité a été spécialement dévolue à cette mission. « Le meilleur moyen est de chercher les entrées de tunnel en effectuant des fouilles au sol dans les immeubles suspects », indique Shlomo Brom. Cette méthode expose les soldats. Pour détruire entièrement un tunnel, du matériel de forage et des centaines de kilos d’explosifs sont nécessaires. Les repérages à l’intérieur s’effectuent avec l’appui de robots et de chiens. Le ministre de la défense, Moshe Yaalon, a estimé, dimanche, que l’opération pourrait prendre encore deux à trois jours. Beaucoup plus, selon des experts militaires. La réussite de cette mission permettrait de contrer cette menace pour plusieurs années. Il faudrait jusqu’à trois ans à une équipe spécialisée pour construire un tunnel. « Nous devons aller au bout de notre mission et détruire autant de tunnels que nous pouvons. On a besoin de temps pour finir le travail, c’est une priorité. On peut faire ce travail même si un cessez-le-feu est déclaré », indique la source militaire. Parallèlement, l’armée israélienne poursuit au sol ses autres objectifs militaires. Le ministre aux affaires stratégiques, Youval Steinitz, a estimé, dimanche, que 50 % des stocks de roquettes avaient été détruits ou lancés. p Hélène Sallon 0123 international Mardi 22 juillet 2014 «Mes enfants ont déjà la haine des juifs» Menacés de mort par l’Etat islamique, les chrétiens d’Irak fuient au Kurdistan En dépit de la colère des Palestiniens, aucun incident majeur n’a eu lieu à Jérusalem-Est Bagdad Envoyé spécial Jérusalem Envoyée spéciale D ans moins de dix jours, ce sera l’Aïd el-Fitr, la fête familiale qui marque la fin du ramadan. D’habitude, ils s’y préparent. Pas cette fois. La guerre qui endeuille Gaza leur fait monter les larmes aux yeux, et, disent-ils, leur coupe l’appétit, le soir, au moment de la rupture du jeûne. « On n’a rien mangé ni bu de la journée, et pourtant on n’a même plus faim », disent-ils, l’air accablé. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, les Palestiniens de Jérusalem-Est suivent de près les événements de Gaza. Beaucoup les vivent même par procuration et sont suspendus jour et nuit aux radios et télévisions arabes. Fait surprenant : la Vieille Ville n’est pas quadrillée par l’armée israélienne. On accède facilement au Kotel, ce vaste espace qui borde le mur des Lamentations. De nombreux juifs continuent de s’y recueillir, sous l’œil rieur de touristes américains en short. En toile de fond, juste au-dessus du mur, le dôme de la mosquée Al-Aqsa brille sous le soleil. Tout le monde redoute une étincelle, mais jusque-là, elle ne s’est pas produite, en dépit de troubles sporadiques, certains soirs à la périphérie de Jérusalem-Est. Dans les souks de la Vieille Ville, toutes les échoppes sont ouvertes, mais les clients sont rares. La principale occupation des commerçants est de regarder les images de Gaza sur de vieux postes de télévision. « Chaque matin, je pleure quand j’apprends le nombre des morts palestiniens de la veille, mais ce qui me révolte le plus, ce sont les enfants. Le Hamas ? C’est l’excuse donnée par les Israéliens pour commettre ces massacres », s’indigne Abou Zied, pour qui le monde entier devrait dénoncer la « punition collective » infligée à Gaza. « Nos frères ne réclament que la levée du blocus et avoir de quoi se nourrir. Mais là, on leur donne trente secondes pour évacuer leur logement,autrement dit pour les exécuter. Vous vous rendez compte ce que c’est, 30 secondes, pour dégringoler cinq étages avec des petits en bas âge ? », demande-t-il, s’étranglant de colère. Dans une ruelle, deux jeunes femmes en abayas noires s’expriment, elles aussi, avec une rage contenue. « Les Israéliens parlent tout le temps de paix, mais ils tuent nos enfants ! Chaque soir, nous regardons la télévision en famille. Mes enfants comprennent tout et ils ont déjà la haine des juifs », dit l’une, en montrant sa fillette de 5 ans. « Les Israéliens traitent mieux leurs animaux que les Palestiniens. Nous valons mieux que ça, tout de même ! », ajoute son amie avec amertume. « Bravo aux Algériens » Dans sa boutique de sculptures en bois d’olivier – exclusivement des Vierge à l’Enfant et des chameaux – Nabil se félicite de l’attitude de la France. Il sait qu’un ministre français, Laurent Fabius, a tenté une médiation, mais surtout, il n’ignore rien des manifestations de Barbès et de Sarcelles. « Bravo aux Algériens [de France] pour leur solidarité avec nous ! Ça nous remonte le moral », lance-t-il avec un sourire. Son voisin, Nidal Sharabati, tient une échoppe de sandales et babouches. Il gagne en ce moment une centaine de shekels (20 euros) par jour, au lieu des 2 000 habituels. « Ce qui se passe à Gaza, ce n’est pas une guerre contre le Hamas, mais une guerre contre le peuple palestinien », gronde-t-il. Ce soir, comme tous les soirs, ce père de cinq enfants rentrera rompre le jeûne en famille, mais le cœur n’y est plus. Hier, un incident s’est produit chez lui. « Mon fils de 18 ans est arrivé à table avec une nouvelle paire de chaussures. Des Renuar [une marque israélienne], raconte-t-il. Ma femme a piqué une colère, les lui a confisquées et les a flanquées à la poubelle. Elle lui a dit : “Même si tu as acheté cette paire chez un Arabe, tu as eu tort !” Mon fils a pleuré, non pas d’avoir perdu 180 shekels, mais tellement il se sentait coupable. » p Florence Beaugé Dérapages antisémites en Turquie Istanbul Correspondance Depuis vendredi 18 juillet, Recep Tayyip Erdogan s’est lancé dans une violente diatribe contre «l’Etat terroriste» d’Israël, accusé de commettre « un génocide à chaque ramadan depuis 1948» contre la population palestinienne. « Ils n’ont pas de conscience, pas d’honneur, pas de fierté. Ils condamnent Hitler jour et nuit mais surpassent Hitler en barbarie », a-t-il lancé au cours d’un meeting électoral, à Ordu (Nord). Après les condamnations de ses propos par Washington, le premier ministre turc a étendu dimanche ses critiques aux Etats-Unis. «Si l’Amérique dit encore qu’Israël utilise son droit à l’autodéfense, alors c’est elle qui est insultante», a-t-il déclaré dimanche. Comme en 2009 au moment de l’opération « Plomb durci », puis à Davos lorsqu’il avait pris à partie le président israélien Shimon Pérès, M.Erdogan veut tirer un profit politique de la vague de réprobation, à travers la Turquie, des opérations militaires israéliennes. Quitte à encourager les dérapages. Une manifestation organisée vendredi par des organisations islamistes devant le consulat d’Israël à Istanbul, en présence de plusieurs députés du parti au pouvoir et de l’opposition, a dégénéré, au point de nécessiter l’intervention de la police antiémeute. Les manifestants ont attaqué la représentation diplomatique à coups de pierres et ont tenté de pénétrer dans le bâtiment. Dans la presse turque, les propos antisémites fleurissent. «Que Dieu bénisse Hitler », a lancé un éditorialiste du quotidien progouvernemental Yeni Akit. Menaces de représailles Parmi les plus virulents figure aussi la Fondation pour l’aide humanitaire (IHH), l’organisation proche du Hamas qui avait affrété le navire pour briser le blocus de Gaza en 2010, opération qui s’était terminée par la mort de dix militants turcs. Son président, Bülent Yildirim, a menacé les juifs de Turquie de représailles et appelé « les touristes juifs» à ne pas venir en vacances dans le pays. L’opposition kémaliste a elle aussi réclamé une série de mesures de rétorsion diplomatiques contre Israël. p Guillaume Perrier 3 Abou Bakr Al-Baghdadi a donné vingt-quatre heures aux non-musulmans pour quitter Mossoul L es hommes d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef djihadiste qui se présente comme le « calife Ibrahim », n’ont guère laissé le choix aux chrétiens d’Irak qui avaient, en onze ans de chaos et de montée de l’islamisme radical, résisté au départ en exil. Ils leur ont donné une journée, de vendredi 18 à samedi 19 juillet à midi, pour quitter le territoire du califat, les autres options étant de se convertir à l’islam, de payer un impôt spécial pour les non-musulmans, ou de périr « par le glaive ». L’annonce concernait principalement les chrétiens de Mossoul, devenue le quartier général du califat qui s’étend désormais des faubourgs d’Alep, en Syrie, à ceux de Bagdad. La seconde ville d’Irak, où l’Etat islamique a installé son quartier général, et certains villages environnants abritaient encore une communauté de plusieurs milliers de chrétiens (de 5 000 selon diverses sources irakiennes à 25 000 selon Louis Sako, le patriarche de l’Eglise catholique chaldéenne). Depuis la proclamation du califat par l’Etat islamique, le 29 juin, au premier jour du ramadan, des milliers d’Irakiens sont morts, exécutés par les djihadistes ou tués au combat, et environ 600 000 personnes auraient quitté leurs foyers. La première destination des réfugiés, et ces derniers L’Etat islamique instaure un régime de terreur, dictant sa loi aux minorités et à la communauté sunnite jours des chrétiens de Mossoul, est le Kurdistan irakien, région voisine des territoires conquis par l’Etat islamique mais qui reste la plus stable et la plus prospère du pays. Avant l’expiration de l’ultimatum, selon des témoignages recueillis par téléphone par les agences de presse internationales et des médias irakiens, les maisons des chrétiens de Mossoul ont été marquées de la lettre N, pour « nassarah », nom utilisé pour désigner des chrétiens dans le Coran, et les croix des églises ont été détruites et remplacées par le drapeau de l’Etat islamique. Sur la route, aux points de contrôle à la sortie de Mossoul, les djihadistes ont volé l’argent et les bijoux des réfugiés, ainsi que certaines voitures. A Bagdad, le premier ministre, Nouri Al-Maliki, a condamné l’expulsion des chrétiens de Mossoul et en a profité pour réclamer une aide internationale contre l’Etat islamique, « groupe criminel et terroriste ». Du pape François aux Etats-Unis, les condamnations sont unanimes. La question qui se pose pour lacommunauté internationale est l’éventuel accueil des 400 000 derniers chrétiens d’Irak, dont la vaste majorité, de l’aveu même du clergé local, est candidate au départ. La présence de chrétiens est avérée dans la région depuis le Ier siècle. Ils étaient encore un million au moment de la première guerre du Golfe en 1991, et 800 000 lors de l’invasion américaine de 2003 (dont 100 000 dans la région de Mossoul). Depuis onze ans, un millier de chrétiens ont été tués, environ 400 000 ont quitté le pays, et une soixante d’églises ont été détruites par les islamistes. L’Etat islamique, parallèlement à des avancées qu’aucune contreoffensive de l’armée irakienne ne parvient à stopper, consolide son Une chrétienne de Mossoul, ici dans une église de Tel Kepe, après avoir quitté la ville, le 20 juillet. REUTERS pouvoir sur les territoires conquis depuis la prise de Mossoul, le 10 juin. Après avoir assassiné soldats et policiers chiites irakiens, ses miliciens ont également tué des religieux sunnites, pourtant proches de l’insurrection antigouvernementale, notamment dans la province occidentale d’AlAnbar, pour avoir refusé de prêter allégeance au califat. A Mossoul, l’état-major du calife Ibrahim a installé ses bureaux au consulat de Turquie, qu’il a réquisitionné dès son entrée dans la ville, prenant en otage 49 Turcs, dont le consul général, toujours prisonniers à ce jour. Les combattants de l’Etat islamique, après avoir dans un premier temps mis l’accent sur des programmes humanitaires, instaurent un régime de terreur, dictant leurloi non seulement aux minorités mais aussi à la communauté sunnite, comme ils l’ont fait précé- demment à Rakka et dans les territoires conquis en Syrie. L’offensive djihadiste se poursuit actuellement sur au moins six fronts, à la fois en direction de Bagdad et du Kurdistan, et six attentats coordonnés à la voiture piégée ont secoué les quartiers chiites de la capitale irakienne, le même jour que celui du départ des chrétiens de Mossoul, faisant 24 morts. p LE 25 JUILLET, À BRAZZAVILLE LE MAGAZINE FORBES AFRIQUE ORGANISE LE LE RENDEZ-VOUS AFRICAIN DES DÉCIDEURS INTERNATIONAUX avec, cette année, pour thème : « LES DÉFIS DE LA BANCARISATION : construire le modèle africain » Une journée d’échanges et de débats pour our o ou urr : • comprendre l’Afrique en mutation ; • rencontrer les acteurs de son développement ement em men me ntt ; • saisir les opportunités d’investissement. . forumforbesafrique.com com c co om m Rémy Ourdan 4 0123 international & europe Mardi 22 juillet 2014 Au-dessus de l’Ukraine, «c’était une pluie d’humains» Sur le site du crash, la collecte des corps et des débris du Boeing devient un enjeu stratégique Reportage Hrabove (Ukraine) Envoyée spéciale L ’endroit est presque idyllique, avec ces champs de blé à perte de vue, le ciel bleu, la chaleur sèche, la jolie petite route quifendlepaysagejusqu’auminuscule village de Hrabove. Une vache broute tranquillement à côté d’un potager, un chien aboie dans le silence. A se demander ce que font ces hommes armés de grenades et de kalachnikovs, certains encagoulés, postés sur des check-points alentour. Le Boeing du vol MH17 de Malaysia Airlines, abattu jeudi 17juillet,probablementpar unmissile sol-air, a explosé là, à quelques dizainesdemètres duvillage:dommage collatéral et monstrueux de la guerre entre l’armée ukrainienne et les rebelles séparatistes de la région du Donbass, qui ont pris le contrôle des lieux. Il y a quelque chose d’effrayant à contempler ces vastes étendues de blé non moissonné. Car sur les 298 passagers, seuls quelque 200 corps ont été retrouvés. Dans l’explosion du Boeing, cadavres, bagages, objets et morceaux de carlingue ont été transformés en projectiles et dispersés jusqu’à 20 kilomètres à la ronde, sur huit lieux distincts. Le cockpit et la queue de l’avion repo- B I É LO RUSS I E RUSS I E Louhansk Kiev Lieu du crash U K R A I NM OEL D. M O L D. ROUMANIE Donetsk Zone prorusse Crimée Mer Noire B U LGA R I E 50 km sent à 6 kilomètres de distance, une des ailes s’est affalée seule dans un champ. Les cadavres sont disséminés. « C’était une pluie d’humains ! Une pluie d’humains ! », répète en sanglotant la vieille Katioucha, devant sa maison de Hrabove. Des corps tombés du ciel ont atterri dans les jardins. Il y en avait partout,côteàcôte,entassés,déchiquetés, le long de la route et dans les prés.Lesplusvisiblesontétéramassés. Reste une centaine de disparus, quelessauveteurs s’efforcentencore de retrouver. Quelque part par là sans doute, en morceaux, enfouis dans les herbes hautes. Devant l’ampleur de la tâche, les autorités de Novorossia – fusion des autoproclamées « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk – ont mobilisé les tra- Des secouristes ukrainiens transportent des corps, dimanche 20 juillet, près de Hrabove. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » vailleurs des mines de charbon, puissance économique de la région. A leur arrivée à la mine, dimanche 20 juillet, la plupart se sont portés volontaires pour participer à la recherche des corps. Plusieurs bus déglingués les ont déposés au bord de la route. Des sauveteurs les ont fait s’aligner face au champ, côte à côte, séparés de quelques mètres. Leurs visages noircis par la poussière de charbon, enfoncés dans les gerbes de blé jusqu’aux cuisses,ilss’avancent enligne,comme des chasseurs pour une battue. Soudain,le portabledel’undes sauveteurs sonne : c’est l’un des mineurs, à l’extrémité, qui appelle. Il a trouvé un corps. Miliciens séparatistes et observateurs de l’OSCE, le 18 juillet, près de Hrabove. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Il y a deux trous dans les blés. Deux endroits distincts où les gerbessont aplaties.Lepremier,vide,a servi de tremplin. Le corps a rebondi là avant d’atterrir dans le second, cinqmètresplusloin.C’estunefemme affalée sur le côté, la tête repliée sous son buste où l’on devine les restesd’unerobe.Lesauveteurs’approche, un masque sur le nez pour affrontercettepuanteurâcre si particulière, qui soulève le cœur. Il plante une branche qu’il orne d’un chiffon rouge, signal de reconnaissance pour ceux qui viendront récupérerle cadavreet l’entreposer avecles autres, chacun dans sonsac de plastique noir. Le contrôle de la collecte et de l’analyse des corps, comme celui de l’examen de l’épave, est une guerre dans la guerre. Gouvernement ukrainien et séparatistes prorusses se renvoient la responsabilité de la destruction du Boeing. Or celui-ci s’est écrasé au cœur d’une zone contrôlée par les rebelles. Dans le conflit qui oppose les Occidentaux à la Russie, et alors que les combats continuent sans relâche dans cette région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avoir la main sur les indicessusceptiblesdedéterminerl’origine des tirs est un enjeu majeur. L’enquêteinternationaletantattendue semble déjà compromise. Les débris et les corps ont été maniés par les séparatistes. Autant d’éléments de preuve qui pourraient manquer à l’équipe d’experts malaisiens et aux enquêteurs d’Interpol envoyés sur place. L’ambiance qui règne sur les lieux de l’accident est pleine d’étrangetés, entre la présence des miliciens surarmés qui contrôlent vos papiers d’un air mauvais, et le laisser-aller total sur une grande partie des champs où l’explosion a pourtant disséminé ses projectiles. D’un côté, les observateurs de l’Organisationpourlasécuritéetla coopération en Europe (OSCE) se plaignent de ne pouvoir examiner les lieux que sous le regard des hommes armés et des sauveteurs ; de l’autre, les corps sont restés deux jours sans surveillance avant d’être ramassés. La zone entièrement calcinée où la partie principale de l’avion a échoué est protégée par Cadavres, bagages, objets et morceaux de carlingue ont été dispersés jusqu’à 20kilomètres à la ronde un ruban de plastique. D’autres morceaux de la carcasse restent à portée de main. Et aussi ces tas de souvenirs intacts et déchirants de vies interrompues : un singe en peluche, des livres sur le foot, un tee-shirt « I love Amsterdam », un cahier de notes en néerlandais… Nul ne sait où seront analysés les corps retrouvés. Ils sont actuellement entreposés dans cinq wagons gris et sans fenêtres, à la gare de Torez, pas loin de Hrabove. Le moteur de la locomotive tourne pour maintenir la réfrigération. Les observateurs de l’OSCE y ont eu accès et n’yont pas repéré d’anomalies. De son côté, le « premier ministre » de la république populaire de Donetsk, Alexandre Borodaï, a expliqué en conférence de presse, dimanche à Donetsk, que le déplacement des cadavres avait été nécessaire : « Nous ne pouvions plus attendre, à cause de la chaleur et aussi des bêtes sauvages etdes chiens», a ditle chef rebelle, qui a ajouté : « Nous avons trouvé plusieurs éléments techniques de l’avion qui pourraient être des boîtes noires (…). Elles sont à Donetsk, sous notre contrôle. » La vieille Katioucha, dans sa maison de Hrabove, n’en peut plus deces histoires. Tout ce qu’elle voudrait, c’est ne plus entendre les tirs et les bombardements qui la terrifient. Et aussi ne plus appartenir à l’Ukraine. L’ouest, l’Europe, l’OTAN, rien de cela ne lui plaît. « Le Donbass a toujours été la vache à lait de Kiev. A l’ouest, on danse, on boit et on ne travaille pas. Nous, on travaille et ils nous tirent dessus », dit-elle en fondant à nouveau en larmes. La destruction de l’avion aurait pu laisser espérer une trêve. Kiev et les séparatistes ont l’un et l’autre évoqué la possibilité d’un cessez-le-feu. Mais non. Les combats continuent dans les villes du Donbass et dans la zone frontalière de la Russie. Lundi matin, des bombardements étaient signalés autour de la gare de Donetsk. Sur la petite route qui repart vers Donetsk, les mineurs font une halte devantun bar. Ils exposent au soleil leur torse nu noir de charbon. «Ce sont les Ukrainiens qui ont tiré surl’avion !» commence l’und’eux. Les autres renchérissent. « Nous, on ne veut être ni russes ni ukrainiens : la Russie n’a pas besoin de charbon et l’Ukraine nous traite de terroristes. On veut la République du Donbass, et on se battra jusqu’à ce qu’ils nous tuent tous. Quand on est allé 12 000 fois sous terre à la mine, on n’a peur de rien. » p Marion Van Renterghem Le drame de la Malaysia Airlines pousse l’UE à plus de fermeté à l’égard de Moscou Bruxelles Bureau européen Jusqu’au drame du vol Amsterdam-Kuala Lumpur, sans doute abattu par un missile au-dessus de l’Ukraine, les Pays-Bas étaient ancrés dans le camp de ceux qui prônaient la modération à l’égard de Moscou. De ceux qui, au sein de l’Union européenne, tentaient de retarder au maximum les sanctions économiques. L’explosion du Boeing de Malaysia Airlines, qui a tué 193Néerlandais jeudi 17juillet, a changé la donne. La « relation amicale » que prônait le gouvernement du pays à l’égard de la Russie a sans doute cessé dès l’instant où leministre de la justice, Ivo Opstelten, a évoqué l’hypothèse d’un missile tiré par les séparatistes prorusses, et porté son regard vers Moscou. Les Néerlandais figurent parmi les principaux partenaires commerciaux de la Russie, dont ils importent massivement du gaz, du pétrole et de l’acier. Shell, le géant pétrolier anglo-néerlandais, a des intérêts considérables dans ce pays, et le patron du groupe, Ben van Beurden, assurait encore en avril à Vladimir Poutine qu’il ne renoncerait à aucun de ses projets en Russie. Quant au gouvernement de La Haye, il défendait l’idée que l’importance de ces relations économiques lui permettrait de mieux peser sur les autorités russes. Une source diplomatique estime désormais que « la tragédie du vol MH 17 va obligatoirement faire passer notre diplomatie dans le camp des durs ». C’est-à-dire les partisans de sanctions fermes, ciblant directement l’entourage de M. Poutine et de grandes entreprises, comme l’ont encore fait les Etats-Unis mercredi 16 juillet. Le ton, les demandes, les menaces : tout semble, de fait, plus ferme à Washington que dans les capitales européennes. Les EtatsUnis n’ont pas désigné ouvertement la Russie comme responsable du drame du vol MH 17, mais le secrétaire d’Etat, John Kerry, a évoqué, dimanche 20 juillet, « un faisceau extraordinaire de présomptions » désignant les séparatistes prorusses. Le président Obama a, quant à lui, parlé d’« un acte aux proportions épouvantables » et indiqué, visant implicitement M. Poutine, qu’il ne convenait plus de « plaisanter » mais de permettre qu’une enquête sérieuse puisse démarrer. Washington, qui compte déjà un train d’avance sur l’UE, évoque de nouvelles sanctions, moins d’une semaine après avoir ciblé de grandes entreprises – Gazprombank, la banque du géant gazier, la banque publique VEB, dont le premier ministre Dmitri Medvedev est l’un des dirigeants, et le pétrolier Rosneft, qui pourrait notamment voir ses projets communs avec l’américain Exxon menacés. L’Europe suivra-t-elle cette ligne plus sévère ? Les ministres « La tragédie du vol MH 17 va faire passer notre diplomatie dans le camp des durs » Un diplomate néerlandais des affaires étrangères des VingtHuit doivent se réunir, mardi, à Bruxelles. A la fin de la semaine dernière, ils s’en tenaient officiellement à l’idée qu’il faut « mettre fin à la violence » et appliquer le plan de paix du président ukrainien, Petro Porochenko. Une position intenable et un débat pres- que dérisoire après la tragédie du Boeing 777. Les ministres n’échapperont donc pas à une discussion difficile sur le troisième volet de sanctions, des mesures censées viser directement des secteurs-clés de l’économie russe. Jusqu’ici, les pays de l’Union n’ont pu s’entendre sur un texte de la Commission européenne, sans cesse adapté, tenu sous le boisseau, et ressorti au cours du week-end. Dimanche, un accord entre la France, l’Allemagne et le RoyaumeUni s’est dégagé. Selon un communiqué de l’Elysée, il s’agit d’obtenir de M. Poutine qu’il exerce son influence auprès des séparatistes pour qu’ils cessent d’entraver l’enquête et les secours. Et pour qu’ils remettent les boîtes noires aux experts internationaux. A défaut de ces mesures « nécessaires », les conséquences seront tirées mardi à Bruxelles. Plus ferme, le premier ministre britannique, David Cameron, évoquait d’ores et déjà un accord sur un nouveau projet de sanctions. Tandis que la chancelière allemande, Angela Merkel, avait indiqué, la veille, qu’elle préférerait attendre le résultat de l’enquête sur les causes exactes de l’explosion. Autant dire que la teneur de la réunion de mardi reste incertaine. D’autant que, fidèle à son habitude, M. Poutine, sentant que la situation se tend, a fait un pas en avant. Dans la soirée de dimanche, il a eu une conversation téléphonique avec le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et lui a garanti son «entière coopération » pour la récupération des corps et des boîtes noires. La veille, M. Rutte avait indiqué avoir eu une conversation «très intense » avec le président russe, lui demandant de «prendre ses responsabilités ». p Jean-Pierre Stroobants 0123 international & planète Mardi 22 juillet 2014 5 Le Tchad, pivot du dispositif militaire français au Sahel A N’Djamena, François Hollande a dévoilé l’opération «Barkhane» N’Djamena Envoyé spécial Q uelque part sur la route entre Abidjan et N’Djamena, François Hollande a troqué son costume de promoteur de « la diplomatie économique » vantant le savoir-faire des entreprises françaises en Côte d’Ivoire contre son uniforme de commandant en chef des armées montant au front sahélien contre le « terrorisme ». Ainsi, samedi 19 juillet, c’est sur une Marseillaise chantée a cappella par des soldats français en treillis camouflage, réunis dans un hangar de la base aérienne 172-Adji Kosseï à N’Djamena, que le président français a clos sa mini-tournée africaine (Côte d’Ivoire, Niger, Tchad). Une visite express – 57 heures – entamée sous les dorures des salons présidentiels d’Abidjan en devisant de « la ville durable » avec d’élégants hommes d’affaires. «Il fallait relever le défi de la mobilité, de l’efficacité et de la réactivité» François Hollande Au Tchad samedi, comme au Niger la veille, François Hollande a plutôt parlé de guerre contre le terrorisme et de sécurité dans la bande sahélo-saharienne. Il a expliqué comment et pourquoi la « réorganisation du dispositif militaire français en Afrique doit répondre aux menaces croissantes » qui, a précisé le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, « suivent un arc allant de la Guinée-Bissau [à l’ouest] jusqu’à la Corne de l’Afrique [à l’est] ». Cette réorganisation porte un nom : opération « Barkhane », mot d’origine turque qui désigne ces dunes de sable qui se déplacent au gré des vents dans le Sahel. L’opération française aura, quant à elle, un point d’ancrage fixe. « L’Etat-major de Barkhane, opérationnel dès le 1er août, sera basé à N’Djamena », a annoncé JeanYves Le Drian. Il sera placé sous les ordres du général Jean-Pierre Palasset, ex-commandant des forces françaises Licorne, en Côte d’Ivoire (2010-2011) puis en Afghanistan (2011-2012). Barkhane « comprendra 3 000 hommes et intégrera quatre bases régionales : un groupement tactique désert à Gao, au Mali ; un autre à N’Djamena avec les forces aériennes et terrestres ; des forces spéciales à Ouagadougou [Burkina Faso], et un pôle de renseignement à Niamey, au Niger, avec des drones », a détaillé le ministre. Des bases avancées temporaires seront installées à Madama (nord du Niger), Tessalit (nord du Mali) et dans le nord du Tchad, « sans doute à Faya- Largeau», a-t-il précisé. « Ce seront des petites unités – 30 à 50 personnes – susceptibles de pouvoir accueillir une opération si nécessaire», a-t-ilexpliqué. Parallèlement, les effectifs déployés à Djibouti et Libreville (Gabon) seront légèrement revus à la baisse, tandis que ceux basés à Abidjan gonfleront un peu. Face à des menaces multipliées, «il fallait relever le défi de la mobilité, de l’efficacité et de la réactivité », a justifié le président Hollande. Finies les opérations Licorne (Côte d’Ivoire), Serval (Mali) ou Epervier (Tchad) : Barkhane reconcentre le commandement régional. Depuis la base aérienne 172-Adji Kosseï de N’Djamena, le général Palasset « déclenchera ces opérations ciblées et appuiera les armées africaines », a précisé François Hollande. « Il faut être au plus près des sources de menaces et plus mobiles», a-t-il ajouté. Ces menaces s’appellent, entre autres, Boko Haram ou Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ce sont aussi les katibas djihadistes qui se regroupent dans le sud libyen et menacent la stabilité régionale. Ce sont également tous les groupes criminels qui empruntent « ces autoroutes du trafic au François Hollande, samedi 19 juillet, dans un hangar de la base aérienne 172 - Adji Kosseï, à N’Djamena. ALAIN JOCARD/AFP Sahel et financent le terrorisme », explique M. Le Drian. La nécessité de réorganiser les forces françaises dans la région s’est imposée le 11 janvier 2013. « Ce jour-là, tout a changé », explique-t-il. Les djihadistes qui tenaient depuis un an le nord du Mali lancent une attaque en direction de Bamako, déclenchant en réaction l’intervention française Serval. Serval fut une opération malienne, Barkhane couvrira, elle, toute la zone du « G5 du Sahel » (Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Mali, Tchad). Planifié depuis plusieurs semaines, son lancement officiel avait été retardé par les affrontements meurtriers à Kidal (nord Mali), en mai, entre l’armée malienne et des groupes armés touareg. Il restait aussi quelques détails à régler. « Ma visite au Tchad avait pour but d’informer le président Idriss Déby de notre décision de LIBYE MALI M AU R I TA N I E Madama Tessalit Gao Bamako GU I N É E LIBER IA BURKINA FASO Faya-Largeau (localisation probable) NIGER TCHAD Niamey N’Djamena Ouagadougou BÉNIN TO GO CÔTE D’ I VO I R E GHAN A NIGER IA CA M E ROU N R É PU B L I QU E C E N T RA FRICAINE Golfe d e G uinée Base régionale de l’opération « Barkhane » GA B O N CO N G O RDC 400 km Base avancée temporaire Sida: les progrès doivent désormais passer par la fin des discriminations des populations vulnérables Homosexuels, prostitués et toxicomanes, toujours stigmatisés, sont particulièrement fragiles Melbourne Envoyé spécial L ’onde de choc du crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines s’est fortement fait sentir lors de la cérémonie d’ouverture de la 20e conférence sur le sida, qui s’est ouverte, dimanche 20 juillet, à Melbourne. La gorge serrée, le professeur Françoise Barré-Sinoussi, coprésidente du congrès, a invité unetrentainedemembresdesinstitutions et associations auxquelles appartenaient six des 298 victimes de la tragédie aérienne à monter surla scèneimmensedu Centre des conférences de Melbourne, avant de faire observer une minute de silence pour ceux qui auraient dû rejoindre les 12 000 congressistes. Présidente sortante de l’International AIDS Society (IAS), Françoise Barré-Sinoussi a brossé les lignes de force de cette conférence dont le slogan est « Accélérer l’allure» («Stepping up the pace»).Il faudra un changement d’échelle pour permettre à un plus grand nombre de personnes d’accéder aux traite- ments antirétroviraux (ARV) qui répriment le virus du sida et sauver ainsi des millions de vie. Des progrès considérables ont déjà été accomplis. En 2014, près de 14 millions de personnes des pays pauvres avaient accès à ces antirétroviraux, contre 1,3 million seulement en 2005. « Impératif moral » « Au cours des trois dernières années, nous avons permis l’accès au traitement de 5,6 millions d’individus, soit plus qu’au cours des vingt-cinq années précédentes », s’est réjoui le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé. Quelque 10 millions de nouvelles infections et 7,6 millions de décès ont été évités depuis 2002 grâce à la réponse apportée face à la pandémie. Sur le front des bonnes nouvelles,la découvertede nouveaux traitements contre l’hépatite C, une maladie qui coexiste souvent avec l’infectionpar le VIH,pourrait marquer un bond en avant. Car près de 7 millions de personnes à travers le monde sont touchées à la fois par le VIH et l’hépatite C et le traitement simultané des deux infections est difficile. Malgré ces progrès indéniables, la lutte contre le sida butte encore sur la stigmatisation des populations les plus vulnérables, notamment les homosexuels en Afrique, le continent le plus touché par le sida, ou les toxicomanes en Russie. « Dans de nombreux pays, les personnestouchées par leVIH sontlaissées-pour-compte. La répression ou la stigmatisation et la discrimination demeurent des obstacles à l’accès aux soins », a affirmé Françoise Barré-Sinoussi. En outre, « plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH ignorent qu’elles sont infectées», a rappelé Michel Sidibé. Ne laisser aucune personne touchéepar leVIH surle bordde laroute. C’est le thème de la Déclaration de Melbourne qu’ont signée des figures de la lutte contre le sida, mais aussi des personnalités tels les Prix Nobel Aung San Suu Kyi et l’archevêque Desmond Tutu, l’industriel Richard Branson ou le chanteur de rock Bob Geldof. Ils dénoncent notamment les lois qui, « dans plus de 80 pays, criminalisent les individus selon leur orientation sexuelle ». Les signataires de la pétition, accessible en ligne, affirment que « la fin du sida n’est possible que si nous surmontons les barrières de la criminalisation, de la stigmatisation et de la discrimination, qui demeurent les moteurs essentiels de l’épidémie ». Les responsables de l’Onusida estimentpossible lafin delapandémie d’ici à 2030 : « Nous avons une fenêtre d’opportunité fragile de cinq ans, a alerté Michel Sidibé. Si nous changeons d’échelle d’ici à 2020,nousseronssur lavoiedestopper l’épidémie en 2030. Nous devons adopter un objectif ambitieux : 90 % des personnes traitées, 90 % des personnes vivant avec le VIH traitées et 90 % des personnes traitées avec une charge virale indétectable[signe d’une infection sous contrôle]. Ce n’est pas qu’un objectif quantifié, c’est un impératif moral et économique.» p Paul Benkimoun réorganiser la présence française, il a bien voulu s’y associer », a dit François Hollande. On ne peut évidemment croire que le président tchadien, dont les troupes combattent aux côtés des Français au Mali, ignorait les plans français. « Il y avait encore quelques points à régler », précise une source proche du dossier. « Il fallait notamment réactualiser le statut juridique des forces armées françaises engagées dans des opérations, définir le mode d’identification de cibles potentielles, obtenir des assurances sur le statut d’éventuels prisonniers alors quela peinede mort existe toujours au Tchad », ajoute cette source. Tous ces points « techniques » sont maintenant « réglés », ajoute-t-elle. L’installation du QG de Barkhane au Tchad confirme que ce pays demeure un lieu géostratégique essentiel pour les forces françaises en Afrique. François Hollande fut d’ailleurs applaudi par des officiels tchadienslorsqu’ildéclaraenconférence de presse qu’il « ne peut y avoir de stabilité en Afrique sans un Tchad fort et stable ». Et le « porteavions» tchadien tient aujourd’hui le cap. Surtout si l’on regarde son environnement : Soudan, Libye, Centrafrique, Nigeria, Cameroun… Des défenseurs des droits de l’homme craignent d’ailleurs que «le resserrement des liens en matière de sécurité » célébré par François Hollande, ne se fasse au prix d’une forme d’indulgence de Paris vis-à-vis des atteintes aux droits fondamentaux commises au Tchad. Pays qu’Idriss Déby Itno dirige d’une main de fer depuis son coup de force de 1990 appuyé par la France. L’installation du QG de Barkhane au Tchad confirme que ce pays demeure unlieugéostratégique essentiel pour les forces françaises « Déby nous a aidés au Mali et en Centrafrique, il se sent fort », reconnaît une source diplomatique française. Un fort qu’il faut donc ménager. L’étape tchadienne a d’ailleurs été rajoutée au programme du président français quelques jours seulement avant son départ de Paris. Comme le glisse un diplomate : « Il n’aurait pas aimé que l’on s’arrête à Niamey sans venir à N’Djamena, et nous avons besoin de lui. » p Christophe Châtelot IRAN Selon l’AIEA, Téhéran a éliminé son stock nucléaire sensible VIENNE. L’Iran a éliminé l’essentiel de son stock de matériel nucléaire sensible, selon le dernier rapport confidentiel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que Reuters a pu consulter, dimanche 20 juillet. Selon ce rapport, remis aux Etats membres de l’AIEA, l’Iran a mis fin à l’aspect le plus controversé de son programme nucléaire : l’enrichissement de l’uranium à 20 %, considéré comme proche d’un combustible de qualité militaire. Téhéran a également achevé l’élimination de son stock sensible par conversion ou dilution, qu’il s’était engagé à accomplir avant la date butoir du 20 juillet, selon l’accord intérimaire conclu en novembre 2013, à Genève, entre l’Iran et les pays du « P5 +1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne). L’Iran dit enrichir l’uranium pour alimenter ses centrales nucléaires ou réacteurs de recherche et dément vouloir se doter de l’arme atomique. – (Reuters.) Pakistan Vingt huit morts dans des frappes aériennes contre des rebelles ISLAMABAD. L’armée pakistanaise a bombardé six cachettes dans un district tribal, tuant au moins 28 personnes, ont annoncé, dimanche 20 juillet, les autorités. Une offensive contre le bastion taliban au Waziristan du Nord a été lancée à la mi-juin après une attaque contre l’aéroport de Karachi, qui a tué des dizaines de personnes et marqué la fin d’un processus de paix chancelant avec les talibans pakistanais. Plus de 400 rebelles et 25 soldats ont été tués depuis le début des opérations, selon les autorités militaires. – (AFP.) Philippines Près de cent morts après un typhon MANILLE. Le bilan du typhon Rammasun, le premier de la saison à avoir frappé les Philippines, dans la nuit du 15 au 16 juillet, a atteint 94 morts et 6 disparus, ont indiqué les autorités, dimanche 20 juillet. Le typhon poursuit maintenant sa route vers la Chine du Sud. – (AFP.) 6 france 0123 Mardi 22 juillet 2014 Gaza: l’exécutif pris au piège de la contagion Après les violences du week-end, l’interdiction de manifester fait débat. Le gouvernement campe sur ses positions A lorsquel’engrenagedelaviolence se poursuit à Gaza, l’exécutif éprouve les pires difficultés à s’extraire du piège de la contagion en France du conflit israélo-palestinien. Au lendemain des violences commises en marge de deux manifestations de soutien aux Palestiniens de Gaza, pourtant interdites, samedi 19 juillet dans le quartier parisien de Barbès et dimanche 20 juillet à Sarcelles (Vald’Oise), la position du gouvernement, coincé entre la polémique politique sur sa stratégie de maintien de l’ordre et l’extrême inflammabilitédestensionsintercommunautaires, s’avère délicate. PlaceBeauvau,on défendfermement la stratégie de l’interdiction, au motif que celle-ci aurait permis d’éviter des heurts directs entre communautés. « Il n y a pas eu d’affrontements communautaires à Paris et l’ordre a été maintenu », se défend-on au ministère de l’intérieur. On y recensait néanmoins, après les incidents de Barbès, une cinquantaine de blessés parmi les policiers et 48 interpellations à l’issue d’affrontements considérés Polémique autour de sa stratégie de maintien de l’ordre, extrême inflammabilité des tensions : le gouvernement est coincé comme fomentés par des « islamistes radicalisés des quartiers». QuantauVal-d’Oise,où desvéhicules ont été brûlés et plusieurs commerces appartenant à la communauté juive incendiés à Sarcelles – dont la supérette casher déjà visée par un engin explosif en 2012, et où une synagogue a été la cible d’un cocktail Molotov à Garges-lesGonesse–, la police a recensé « 150 à 200 personnes allant d’un commissariat à une synagogue, d’un commerce à une école, des acteurs de la violenceurbaine avecpeut-êtreparmi eux des gens radicalisés ». Le ministère de l’intérieur recensait 11 blessés parmi les policiers et 12 interpellations. D’autres devraient intervenir rapidement. Au-delà de la polémique intentée par certains responsables de l’opposition, qui brocardent l’incapacitédel’équipeVallsàfaireappliquer ses propres mesures d’interdictions et plus généralement à maintenir l’ordre, le gouvernement sait avancer là, au cœur de l’été,surunterrainbrûlant.Ilachoisi de l’aborder en invoquant l’esprit A Sarcelles (Val-d’Oise), dimanche 20 juillet, lors de la manifestation propalestinienne. HERVÉ LEQUEUX/HANS LUCAS POUR « LE MONDE » républicaineten affichantlafermeté. Le calendrier mémoriel a fourni à François Hollande et à Manuel Valls, dimanche 20 juillet, deux occasions hautement symboliques. Le premier ministre, lors de la commémorationdu72e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv, a tenu un discours vibrant contre l’antisémitisme, cette « vieille maladie de l’Europe », qui a selon lui pris aujourd’hui « une nouvelle forme ». « Il se répand sur Internet, dans nos quartiers populaires, auprès d’une jeunesse sans repères, sans conscience de l’Histoire, qui se cache derrière un antisionisme de façade », a-t-il décrit depuis le square de la place des martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver. «S’en prendre à un juif parce qu’il est juif, c’est s’attaquer à la France », a-t-il soutenu, promettant « la plus grande force » et « la plus grande intransigeance » à quiconque s’y risquerait. M. Valls a par ailleurs fustigé «des débordements inacceptables » à Barbès qui, selon lui, « justifient d’autant le choixd’interdire »la manifestation. La France «ne laissera pas » agir « je ne sais quel esprit provocateur », a-t-il ajouté. S’il n’a pas directement évoqué l’interdiction, François Hollande, au moment où la situation dégénérait à Sarcelles, a répété sa volonté «Laliberté demanifester nepeutêtre instrumentaliséepour répandrelahaine» Bernard Cazeneuve ministre de l’intérieur « que ne soient tolérés aucun acte, aucuneparolequipuissentfaire ressurgir l’antisémitisme et le racisme», a-t-il martelé. « La République, c’est la capacité de vivre ensemble, de regarder son histoire et en même temps d’être toujours prêts à défendre les valeurs démocratiques, de ne pas se laisser entraîner par des querelles qui sont trop loin d’ici pour être importées, de ne pas se laisser emporter par les déflagrations du monde», a maintenu M. Hollande, lors d’une remise de décorations aux chasseurs de nazis Beate et Serge Klarsfeld à l’Elysée. Cettepositionn’a pas éteint, loin de là, le débat qui s’est fait jour sur l’opportunité de cette interdiction, plusieurs voix ayant dénoncé celleci, à droite comme à gauche. Une «formedeprovocation »dugouvernement qui n’a pas « su affirmer l’autorité de l’Etat » pour l’UDI Yves Jégo ; une « erreur » qui « est venue nourrir une certaine radicalité », pour le député socialiste de SeineSaint-Denis Razzy Hammadi, y voyant une «erreur » du gouvernement. Mais l’exécutif ne varie pas. «Le gouvernement est très attaché à la liberté de manifestation, indique au Monde le ministre de Violents affrontements à Sarcelles Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est rendu à Sarcelles (Val-d’Oise) lundi 21 juillet, où des violences ont éclaté la veille en marge d’une manifestation contre l’intervention des troupes israéliennes à Gaza qui avait rassemblé plusieurs centaines de personnes. Une épicerie casher a été incendiée, de même qu’une pharmacie. Une personne de 91 ans a été intoxiquée par les fumées de l’incendie, précise la place Beauvau. Un engin incendiaire a aussi été lancé sur une synagogue de la ville voisine de Garges-les-Gonesse, sans prendre feu. Douze personnes ont été interpellées et onze policiers blessés au cours d’affrontements entre les forces de l’ordre et une partie des manifestants. Ils ont duré jusqu’aux alentours de 20 heures. l’intérieur Bernard Cazeneuve. Maiscetteliberténepeutêtre instrumentalisée par une minorité pour répandre la haine, l’antisémitisme et la confrontation entre communautés dans l’espace public. Si l’on cède sur ces principes fondamentaux, il n’y a plus d’unité républicaine, mais seulement un vaste vacarme qui laisse les confrontations racistes et antisémites ronger la République de l’intérieur. » M. Cazeneuve justifie ainsi les mesures d’interdiction du week-end par les violences intervenues le 13 juillet à proximité d’une synagogue de la rue de Roquette, à Paris, en marge d’une manifestation pro-Gaza. « Si les manifestations du weekend n’avaient pas été interdites, il y aurait eu de nouveaux affrontements, non pas entre manifestants etforces de l’ordre, maisentremanifestants eux-mêmes, aveuglés par leurs haines », affirme M. Cazeneuve.Leministredel’intérieur,s’ils’affirme«indignéde voirl’antisémitisme prendre les proportions qu’il prend en Belgique et en France », entend démentir toute partialité gouvernementale et toute inclination pro-israélienne. « Il y a une manipulationet uneinstrumentalisation, poursuit M. Cazeneuve. Tous ceux qui, aujourd’hui, expliquent à grand renfort de communicationquelegouvernementa choisi un camp mentent : le gouvernement français n’a choisi qu’un camp, celui de la paix et du dialogue. » En attendant que ce dernier l’emporte, l’exécutif, un œil attentif sur un possible embrasement des cités, considère avec la plus vive attention les manifestations programmées pour mercredi et samedi prochains, dénonçant par avance l’« irresponsabilité » des organisateurs, si d’aventure ceuxci bravaient à nouveau une possible interdiction. p Deux nouvelles manifestations propalestiniennes annoncées à Paris MALGRÉ LES VIOLENCES qui ont suivi les manifestations propalestiniennes à Paris et à Sarcelles (Vald’Oise) samedi 19 et dimanche 20juillet, deux nouvelles manifestations pourraient avoir lieu à Paris cette semaine – sans que l’on sache encore si ces rassemblements seront autorisés. Les organisateurs du défilé interdit du 19 juillet, qui s’est transformé en affrontements entre forces de l’ordre et manifestants dans le quartier de Barbès, lancent un appel national à un nouveau rassemblement samedi 26 juillet. La déclaration n’a pas encore été déposée en préfecture mais le sera au plus vite, ont expliqué dimanche les représentants de ce collectif, sans nom officiel, qui agrège plusieurs mouvements propalestiniens et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Selon Youssef Boussoumah, du Parti des indigènes de la République, l’un des porte-parole du collectif, cette manifestation parti- rait à 15 heures de la place de la République. Samedi 19, les manifestants – 2 000 selon la police – s’étaient donné rendez-vous à Barbès. Un endroit qualifié de « souricière » par M. Boussoumah car, explique-t-il, « il y avait 6 000 ou 7 000 personnes confinées sur 300 mètres. Les forces de police étaient à gauche, à droite, partout ». Débutée dans le calme, la manifestation, interdite par la préfecture de police par crainte de « troubles à l’ordre public», a rapidement dégénéré après que des casseurs s’en sont pris aux forces de l’ordre. Celles-ci ont répliqué avec des grenades lacrymogènes. 17 policiers et gendarmes ont été blessés et 44 personnes interpellées. Dimanche, les organisateurs ont rejeté sur le gouvernement la responsabilité des violences. Youssef Boussoumah établit ainsi un lien direct « entre l’interdiction de la manifestation et la façon dont ça s’est passé. Nous avions dit que ça se passerait comme ça ! ». Faisant état de violences policières, il déplore l’usage de « gaz vomitifs et de tirs de Flash-ball sur des personnes assises par terre en train de faire un sitting ». Selon Alain Pojolat, membre du NPA, lui aussi porte-parole du col- Les organisateurs auront-ils davantage, samedi 26 juillet, les moyens d’éviter les débordements ? lectif, la manifestation de samedi s’est déroulée «dans les meilleures conditions possibles » compte tenu de l’interdiction. Il est difficile de «contrôler ce mouvement citoyen », mais pas question pour autant de cesser d’exprimer son soutien aux Palestiniens : « On ira manifester samedi 26juillet ». Ces organisations auront-elles davantage, samedi 26 juillet, les moyens d’éviter les débordements ? Pas sûr. Le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, composé de structures rompues à l’organisation de manifestations, comme le Parti communiste et la CGT, mais aussi d’Europe EcologieLes Verts, de la Ligue des droits de l’homme et de l’Association France Palestine solidarité (AFPS), n’a pas appelé à se joindre à ce cortège – et ne l’avait pas fait samedi 19. Ce collectif a pour l’heure déposé sa propre demande de manifestation, mercredi 23 juillet, à 18 h 30, entre République et Opéra. Pour Taoufiq Tahani, président de l’AFPS, l’interdiction de la manifestation de samedi a empêché la présence « d’un service d’ordre composé de militants aguerris, membres du Collectif pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. C’est la seule garantie pour contenir les déborde- ments ». C’est uniquement parce que le rassemblement était interdit que l’AFPS et ses partenaires n’ont pas appelé à manifester avec le premier collectif samedi 19, explique M. Tahani : « Ça ne veut pas dire que nous ne voulons pas manifester avec eux. Les conditions n’étaient pas réunies. Si la manifestation avait été autorisée on aurait défilé ensemble. » Une divergence sépare malgré tout les deux mouvements : le soutien au Hamas, que refuse le Collectif national pour une paix juste et durable. « Nous n’avons aucun problème à soutenir le Hamas comme mouvement de résistance. Il a des contradictions mais sa revendication est juste », défend au contraire Youssef Boussoumah. Son collectif annonce son intention de participer à toutes les manifestations de soutien aux Palestiniens, qu’elles soient autorisées ou non. p Faïza Zerouala Olivier Faye et David Revault d’Allonnes 0123 france Mardi 22 juillet 2014 Le préfet de police tétanisé par ses échecs en matière de maintien de l’ordre L’interdiction de manifester samedi faisait suite à des incidents répétés depuis 2012 L a scène se déroule à la Préfecture de police, sur l’île de la Cité, le mardi 14 mai 2013. Manuel Valls, encore ministre de l’intérieur, est venu tenter de comprendre comment la célébration du titre de champion de France du PSG a pu dégénérer en bataille rangée entre le Trocadéro et la tour Eiffel. Pour lui, pas question de faire sauter le préfet de police, Bernard Boucault, nommé à peine un an auparavant. Pas question, non plus, de l’épargner. Les réprimandes du ministre traversent les portes capitonnées de la préfecture : « Cela ne peut pas se reproduire. » Samedi 19 juillet, cela s’est reproduit, lors d’une manifestation pro-palestinienne interdite. En pire. Les violences du PSG pouvaient commodément être attribuées à des voyous et des supporteurs ultra, et il ne s’agissait que d’un rassemblement festif mal géré. Ce qui s’est produit samedi ramène au contraire au principe fondamental de l’ordre public dans une démocratie: celui d’encadrer la liberté de manifester, pour permettre la liberté d’expression. En renonçant à ce principe, le gouvernement a exacerbé les tensions qu’il prétendait glisser sous le tapis. Et fait preuve de naïveté, en croyant que le simple fait d’interdire une manifestation à laquelle des milliers d’internautes s’étaient déjà inscritspouvait suffire. Si le choix d’interdire le rassemblement est politique, la responsabilité de M. Boucault et de son équipe est aujourd’hui difficile à évacuer pour le gouvernement. Depuis sa nomination, le 1er juin 2012, le préfet de police n’a cessé de buter sur les questions de maintien de l’ordre, centrales à Paris : la capitale accueille en moyenne plus de 3 500 manifestations revendicatives par an. A 66 ans, l’ancien directeur de cabinet de Daniel Vaillant Place Beauvau (2000-2002) paraît répéter sans fin les mêmes erreurs. En septembre 2012, 200 salafistes mobilisés via les réseaux sociaux organisent une manifestation sauvage devant l’ambassade américaine et créent le scandale. Puis, lors des mobilisations contre la loi sur le mariage gay, la préfecture joue la stratégie de la tension. L’interdiction des Champs-Elysées pour la grande mobilisation du 24 mars 2013 provoque la polémique. Mais surtout, la préfecture ne comprend pas qu’elle s’est laissée imposer un parcours qui passe devant l’avenue. Incidents, échauffourées, les images pour les « 20 heures » sont désastreuses. Dos au mur Jusqu’à la fête du PSG, mal organisée, mal évaluée, mal gérée, le 13mai2013. Avec, déjà, comme seule réaction, l’annonce d’une interdiction des « manifestations festives sur la voie publique » pour le club de football. Devenu une cible privilégiée de la droite, M. Boucault devient impossible à limoger pour Manuel Valls. Seule victime : le numéro deux de la direction de l’ordre public, de permanence pour le PSG, est muté discrètement au cœur de l’été. Tétanisée par la perspective d’un nouvel échec, la Préfecture de police déploie, depuis, une simple stratégie : la mobilisation massive de forces mobiles. Le problème reste de les déployer à bon escient. La preuve, une fois de plus, dimanche 13 juillet, lors de la manifestation de soutien aux Palestiniens : aucun dispositif fixe n’avait été prévu autour des synagogues situées en fin de parcours, aux environs de la place de la Bastille. Pourtant, depuis quelques jours, la tension entre radicaux de la Ligue de défense juive et propalestiniens était montée d’un cran, sur le Net et dans la rue. Mais la préfecture n’a rien vu et, après les incidents, s’est retrouvée dos au mur, avec l’interdiction comme seul horizon. p Laurent Borredon 7 En Nouvelle-Calédonie, le représentant de l’Etat part avant d’être démis Arrivé en février2013 à Nouméa, M.Brot entretenait des relations orageuses avec l’exécutif Nouméa Correspondante S on geste a jeté un froid. Le haut-commissairedela République en Nouvelle-Calédonie, Jean-Jacques Brot, a demandé, vendredi 18 juillet, à être relevé de ses fonctions. Cette décision, plutôt rare dans l’administration préfectorale – le corps de rattachement de M. Brot –, a été notifiée par lettre au moment même où la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin, setrouvait dans l’archipel pour une visite officielle de trois jours. Un coup d’éclat qui survient sur un territoire engagé dans un délicat processus de décolonisation, balisé par l’accord de Nouméa de 1998. Le départ de M. Brot n’est pas tout à fait une surprise. Connu pour sa forte personnalité – trop forte même au goût de certains de ses pairs qui le jugent « caractériel» –, le « haussaire » (contraction de « haut-commissaire ») entretenait des relations de plus en plus dégradées avec sa tutelle à Paris. Au premier trimestre, il s’était fâché avec le cabinet de Victorin Lurel – le ministre des outre-mer de l’époque – à propos d’un dossier ultrasensible, objet de tensions entre loyalistes et indépendantistes : celui de la composition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Certains, au sein du gouvernement, s’interrogeaient sur ce haut fonctionnaire « qui s’expose trop et parle trop ». « L’Etat peut-il prendre le risque d’avoir à Nouméa un représentant aussi inflammable ? », se demandait récemment un proche du dossier. Selonnosinformations, l’exécutif avait l’intention d’attribuer, dansles prochainsjours, denouvelles fonctions à M. Brot en le nommant préfet hors cadre. Une décision synonyme d’exfiltration, dont l’intéressé aurait eu connaissance et qu’il aurait préféré devancerendemandant àquitterleHautCommissariat. L’annonce par ManuelValls, le 16juillet, de la désignation de deux experts reconnus Jean-Jacques Brot en 2010. BLANDINE LEMPERIERE/MAXPPP du dossier néo-calédonien, Alain Christnachtet Jean-François Merle, pour une mission d’écoute et de conseil, a achevé de le convaincre qu’il était mis sur la touche. « C’est une décision personnelle, commente-t-on sobrement à Matignon. Aucun événement, aucune difficulté ne doit venir détourner M. Brot est connu pour sa forte personnalité – trop forte même, au goût de certains de ses pairs les signataires de l’accord de Nouméa du travail qui reste à accomplir ensemble. » Dès son arrivée en NouvelleCalédonie en février 2013, Jean-Jacques Brot défraye la chronique. Invité en mars de la même année au cocktail d’inauguration du nouvel aéroport international, il s’en prend, sabre au clair, au dérapage financier de l’infrastructure et au faste indécent de la soirée qui y est organisée, reprochant aux convives, médusés, de « se goberger » avec l’argent des contribuables. Alors que ses prédécesseurs avaient coutume d’observer une prudence de Sioux, la sortie de M. Brot détonne, tout en suscitant l’adhésion de la population calédonienne, satisfaite que soit dit tout haut ce qu’elle pense tout bas. Très vite, ce catholique, gaulliste social, s’investit dans sa mission. Présent sur tous les fronts, bavard dans les médias, il prône un Etat actif et interventionniste. Son accrochage avec l’équipe de M. Lurel, en février, l’affecte. Victime d’un « burn-out », il se déclare « contraint de renoncer pendant une semaine à tous ses engagements publics ». A Nouméa, les réseaux sociaux s’enflamment pour soutenir « ce haussaire qui, pour une fois, a des couilles ». JeanMarc Ayrault lui renouvelle par la suite publiquement sa confiance. Il s’implique dans le jeu politique local, nouant amitiés ou hai- nes dans chaque camp, loyaliste et indépendantiste. En mai, Gilbert Tyuienon, membre indépendantiste du gouvernement et ténor de l’Union calédonienne, porte plainte contre lui pour diffamation après plusieurs différends. En privé, M. Brot assure ne pas vouloir « cautionner le largage de la Calédonie par des représentants de la frange la plus sectaire du PS ». Un comportement irresponsable, juge une source proche du dossier : « Cela peut tendre la situation locale car ses propos accréditent l’idée que le gouvernement prendrait des libertés avec l’accord de Nouméa. » DéputéUDI de Nouvelle-Calédonie, Philippe Gomes lui a apporté un soutien appuyé, saluant un haut fonctionnaire « connu pour sa liberté de ton, l’importance de ses convictions et sa manière très engagée d’assumer son rôle ». « Peut-être qu’en Nouvelle-Calédonie, cela a été moins bien perçu qu’ailleurs », s’est-il interrogé. p Claudine Wéry (avec Bertrand Bissuel) De Londres à Barcelone, des Trois rugbymen de l’ASM Clermont agressés à Millau rassemblements pacifiques La police a interpellé quatre hommes suspectés d’avoir attaqué les joueurs à l’arme blanche En dehors de France, les manifestations n’ont donné lieu à aucun débordement L e climatpacifique des rassemblements organisés dans plusieurs pays européens pour demander la fin de l’opération israélienne à Gaza offreun contraste saisissant avec les images des débordements en marge des manifestations de Paris et Sarcelles (Vald’Oise), les 19 et 20 juillet. A Londres, le défilé organisé entre le 10, Downing Street et l’ambassade d’Israël à l’appel de sept organisations parmi lesquels Stop The War, Palestine Solidarity Campaign ou Islamic Forum of Europe, a réuni « plusieurs dizaines de milliers de personnes », selon les organisateurs. La police, de son côté, s’est refusée à donner le moindre décompte officiel, et a seulement déclaré que la manifestation s’était déroulée au soleil, sans heurts ni arrestations. Dublin, Bruxelles et Barcelone Des orateurs, parmi lesquels la députée travailliste Diane Abbott, qui a salué « la plus importante manifestation propalestinienne depuis des années », se sont succédé à la tribune, plusieurs d’entre eux dénonçant l’interdiction de la manifestation parisienne. « Honte au gouvernement français », a clamé l’un d’eux, provoquant les huées de la foule. Les autres manifestations organisées ces derniers jours dans d’autres capitales et grandes villes européennes, comme Dublin, Bruxelles et Barcelone, se sont déroulées dans le même climat apaisé et n’ont donné lieu à aucun débordement particulier. D’autres rassemblements ont été organisés dans plusieurs métropoles de pays musulmans, de l’Indonésie au Maroc. Cependant, la mobilisations de la rue reste de moindre ampleur que lors des précédentes crises entre Israël et Gaza, qui avaient donné lieu à de nombreuses émeutes dans le monde arabe. A Istanbul, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant le consulat israélien après la rupture du jeûne, samedi soir. Le bâtiment était protégé par un imposant dispositif anti-émeute et des canons à eau : deux jours plus tôt, lors d’une autre manifestation, des pierres avaient été lancées, tandis que des manifestants avaient tenté de pénétrer à l’intérieur de l’immeuble. En raison du climat dans le pays, le gouvernement israélien a décidé de réduire au minimum sa présence diplomatique en Turquie. p Service international L a stupeur passée viennent les premières questions. Comment expliquer cette agression d’une « extrême violence », selonlestermesdel’ASMClermontAuvergne ? Dimanche 20juillet au soir, la police indiquait avoir interpelléetplacéengardeàvueaucommissariat de Millau (Aveyron) quatre « jeunes connus des services de police » et suspectés d’avoir attaqué à la machette et au sabre trois rugbymen du club, le talonneur Benjamin Kayser, le deuxièmeligne Julien Pierre et le centre et capitaine Aurélien Rougerie. Les joueurs, sélectionnés en équipe de France, ont été pris à partie dans la nuit de samedi à dimanche. L’incident aurait éclaté vers 3 heures du matin, à la suite d’une sortie en boîte de nuit, dans la souspréfecturedel’Aveyron,oùunepremière altercation verbale aurait pu avoir lieu avec d’autres occupants de l’établissement. « Dans l’équipe, tout le monde a été surpris de cette attaque. On ne pouvait pas s’attendre à ça, surtout dansune villecomme Millau,apriori plutôt calme », explique au Monde le directeur sportif de l’équipe, Jean-Marc Lhermet, lundi 21 juillet. Selon lui, les joueurs auraient été une quinzaine lors de l’agression. L’ASM Clermont-Auvergne avait fait étape à Millau pour une halte au cours du voyage qui devait les menervers Falgos,stationdesPyrénées-Orientales où le club finaliste de la Coupe d’Europe 2013 et demifinaliste en 2014 effectuera un stagede pré-saison,du lundi21 auvendredi 25 juillet. « Entaille importante » La reprise du championnat de France, programmée le 16 août contre Grenoble, approche. Aurélien Rougerie, blessé au bras, pourra participer à ce rassemblement. « Le joueur est sorti de l’hôpital dès dimanche vers 19 heures, indique Jean-Marc Lhermet. Il pourra participer à quelques entraînements techniques, mais sans faire d’effort cardiaque. » Egalement touché au bras, Benjamin Kayser a choisi de « repartir à Clermont pour se ressourcer auprès de sa famille». L’état est plus sérieux pour Julien Pierre, blessé à la hanche. «Il a une entaille plus importante, il devrait rester quelques jours », ajoute une source proche du club. Le club a prévu de déposer plainte danslasemaine àveniraucommissariat de Millau. « Et on n’exclut pas de faire appel à des préparateurs mentaux si des joueurs en éprouvent le besoin », poursuit le président du club, Eric de Cromières. p Adrien Pécout - CESSATIONS DE GARANTIE LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait : Monsieur René AMBRIGOT Le Clos Lemenc 160 Avenue d’Aix 73000 CHAMBÉRY RCS : 400619623 depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de Monsieur René AMBRIGOT LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait : Monsieur Hubert LARCHER 2 rue Gabriel Péri 97200 FORT DE FRANCE RCS : 303153415 depuis le 01 Janvier 2004 pour son activité de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de Monsieur Hubert LARCHER LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 ( RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : DE LA COUR AU JARDIN SARL 127 Avenue de Clichy 75017 PARIS SIREN : 419 441 779 depuis le 1er janvier 2008 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL DE LA COUR AU JARDIN. 8 éco&entreprise 0123 Mardi 22 juillet 2014 Clash franco-allemand sur la Commission Juncker Paris défend la nomination de Pierre Moscovici aux affaires économiques et monétaires, Berlin la juge inopportune Bruxelles Bureau européen P ierre Moscovici n’est pas encore fixé sur son sort de commissaireeuropéen. François Hollande et Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission, doivent s’entretenir cettesemaine à ce sujet. Depuis son départ du gouvernement au printemps, l’ancien ministre français des finances fait campagne à Bruxelles pour piloter les affaires économiques et monétaires, une desfonctionslesplusenvueduprochain collège après quatre ans de Moscovici gardien du pacte de stabilité, «c’est chasser le diable avec Belzébuth» Norbert Barthle membre (CDU) du Bundestag crise des dettes. Mais cette ambition, d’abord personnelle, puis soutenue avec quelques réserves par l’Elysée, suscite de vives tensions entre Paris et Berlin. En position d’arbitre, M.Juncker caresse l’idée d’accéder au souhait de M. Moscovici. Il veut nommer auxaffaires économiquesetmonétairesunsocialiste,quiseraitl’interlocuteur du président de l’eurogroupe,un poste promis auconservateur espagnol Luis de Guindos, en remplacement de son actuel titulaire, Jeroen Dijsselbloem. Quelle que soit son identité, le prochain commissaire aux affaires économiques et monétaires devra évaluer, voire sanctionner, les choix budgétaires des Etats de la zone euro et leurs réformes. Or les Allemandsconsidèrentque laFrance n’est pas crédible dans ce domaine, puisqu’elle a le plus grand mal à respecter le pacte de stabilité et de croissance. Et ce, en dépit du délai de deux ans accordé au printemps 2013 – quand M. Moscovici était encore ministre des finances de François Hollande – pour ramener le déficit sous les 3 % du produit intérieur brut d’ici à fin 2015. L’affaire est d’autant plus délicate que Paris n’est pas à l’abri de sérieuses remontrances, voire de sanctions dès l’automne prochain. « Quelle serait la réaction de l’opinion publique, pas seulement en France, mais dans toute l’Europe, si untel poste était occupé par un candidat français ? », s’est interrogé le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, il y a quelques jours : « Les sages qui en décident doivent aussi y songer avant de faire leur choix. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils font. » Nommer M.Moscovici comme gardien du pacte de stabilité? «C’estcommesion voulaitchasser le diable avec Belzébuth », a renchéri le responsable des questions budgétaires au Bundestag, le chrétien-démocrate (CDU) Norbert Barthle. Des commentaires qui ont provoquélastupeuràl’Elysée. «Per- L’ancien ministre des finances, Pierre Moscovici. BRUNO FERT POUR « LE MONDE » sonne ne se permet de donner son avis sur le commissaire allemand Günther Oettinger, alors qu’il ne défend que les intérêts allemands dans le domaine énergétique », lâche un conseiller de M. Hollande. Pour tenter de lever tout malentendu, M. Moscovici a rencontré M. Schäuble vendredi. Le grand argentier allemand – que la France et son ex-ministre des finances avaient empêché de prendre la présidence de l’eurogroupe voilà deux ans – a aussi vu Michel Sapin, qui a succédé à M. Moscovici à Bercy. Afinde calmerle jeu, les deux hom- mes ont accordé dans la foulée un entretien au quotidien allemand Handelsblattet auxEchos, datélundi 21 juillet. « Un poste économique meparaîtcorrespondreàlapuissance économique de la France et à sa capacité à contribuer au bon fonctionnement des institutions européennes», y expliqueM. Sapin,tout en affirmant vouloir « respecter les règles européennes ». En attendant, certains considèrent que Berlin pourrait transiger à condition de placer l’Autrichien Thomas Wieser à la tête des services gérant les affaires économi- ques et monétaires. Ce haut fonctionnaire préside à ce jour le Comité économique et financier, l’instance des directeurs du Trésor qui prépare les réunions des ministres des finances. Bruxelles pourrait aussi décider de scinder la puissante direction générale des affaires économiques et financières, laquelle a doublé de taille depuis le déclenchement de la crise, pour en confier une partie – comme les activités financières, ou la supervision budgétaire – à un autre commissaire. En cas de blocage persistant, il n’est pas exclu non plus que l’Elysée change son fusil d’épaule pour se rabattre sur un autre poste ou désigner un ou une autre candidate. Dans cette hypothèse, Elisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée, reste en embuscade. Faute d’accord au sommet mercredi 17 juillet sur l’identité de la vice-présidente de la commission – et haute représentante pour les affairesétrangères–, M.Junckerdispose d’un peu de temps pour faire ses choix. En raison de ce contretemps, il ne devrait pas annoncer la composition de sa commission avant le 31 août, au lendemain du Conseil européen. Il a cependant étédemandé aux capitales denommer leur commissaire d’ici à la fin du mois de juillet. Mais le bras de fer entre Berlin et Paris risque de lui compliquer la tâche. A la différence de son modèle,Jacques Delors, qui abénéficié de la complicité entre Helmut Kohl et François Mitterrand, M.Juncker ne pourra pas compter sur la bonne entente entre les deux capitales pour entamer son mandat. p Philippe Ricard «La France doit préciser ses efforts budgétaires», juge Jyrki Katainen Entretien Jyrki Katainen est commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires en attendant la constitution de la nouvelle Commission. L’ex premier ministre conservateur de Finlande, proche des positions d’Angela Merkel lors de la crise de la zone euro, a remplacé son compatriote Olli Rehn après l’élection de celui-ci au Parlement européen, le 25mai. Pensez-vous que cela soit un problème de confier le poste que vous occupez à un Français ? Ce n’est pas à moi de commenter. Jean-Claude Juncker [président de la Commission européenne] est en train de consulter les capitales pour former son collège. Il a annoncé que le poste irait à un socialiste. Ce que je sais, c’est que je ne fais pas partie de la bonne formation pour pouvoir rester à ce poste. Mais je serai aussi intéressé par un poste économique important. Comment jugez-vous la situation française ? Il nous faut évaluer très sérieusement la politique budgétaire française. Le déficit public français a été très légèrement au-dessus de l’objectif en 2013. Il le sera aussi cette année. Et il y aura sans doute un problème pour 2015, alors qu’il est prévu de ramener le déficit en deçà de 3% du PIB. Pour tenir ses engagements, la France doit détailler ses annonces d’ici à octobre. Doit-on menacer Paris de sanctions pour faire en sorte que la France tienne ses engagements ? Il n’est pas encore temps de répondre à cette question. La France a obtenu en 2013 un délai de deux ans pour tenir le cap des 3 % en 2015. Elle doit préciser, et détailler les mesures qu’elle promet en ce sens dès cette année, dans le cadre de ses projets de budget rectificatifs. Nous ferons des recommandations en novembre. On fait souvent la comparaison entre la France et l’Italie, qu’en pensez-vous ? Les deux pays ne sont pas dans la même situation même s’ils souffrent tous les deux d’un problème de compétitivité. L’Italie doit réduire sa dette, mais son déficit est en dessous du seuil de 3 %. Elle affiche une volonté très affirmée de faire des réformes ambitieuses. Il faut maintenant qu’elle passe à l’acte et mette ses annonces en application. La France, elle, est toujours en situation de déficit excessif et se concentre sur cette question. La France et l’Italie plaident pour appliquer le pacte de stabilité et de croissance de la manière la plus flexible possible. Etesvous de cet avis ? Il ne faut pas changer les règles, mais les appliquer avec toute la flexibilité qu’elles prévoient déjà. Le pacte de stabilité et de croissance permet de tenir compte des spé- cificités de chaque pays, et de l’évolution de la conjoncture. Certains pays, dont la France, ont pu bénéficier de délais. Ce temps supplémentaire doit être mis à profit pour mener des réformes. Il a certes été prévu lors de la dernière réforme du pacte de stabilité [en 2011, au plus fort de la crise de la zone euro] de revoir ses modalités d’ici à la fin de l’année, mais il n’est pas obligatoire de procéder à des changements. Une chose est sûre, cet instrument doit être appliqué de façon similaire pour les grands comme pour les petits pays. C’est une question de crédibilité. p Propos recueillis par Philippe Ricard (Bruxelles, bureau européen) Les jeunes entrepreneurs du G20 se disent prêts à créer 10millions d’emplois L’alliance de jeunes patrons, qui se réunit à Sydney, veut inciter les gouvernements à faciliter la vie des entreprises du numérique L es entrepreneurs numériques sont prêts à créer 10 millions d’emplois pour les jeunes dans les pays du G20. Cette étude, réalisée par Accenture auprès de 1 080 responsables, sert de base de réflexion au cinquième sommet de la Young Entrepreneurs’Alliance (G20 YEA), qui se tient à Sydney (Australie) jusqu’au mardi 22 juillet. Encore faut-il, précise le rapport, lever certaines barrières administratives ou financières, alorsqu’àcejour 40millionsdejeunes sontau chômage dans ces pays. Créée deux ans après la crise de 2008, cette alliance des jeunes entrepreneurs compte plus de 400membres et veut apporter des solutions pour relancer l’emploi et la croissance. Selon l’OCDE, les entreprises de moins de cinq ans ont créé la moitié des emplois sur la dernière décennie. A l’inverse, la plupart des postes détruits proviennent de groupes plus établis. Le G20 YEA a donc décidé de se réunir, quelques mois avant chaque G20 des gouvernements, pour faire des propositions. « Nous nous retrouvons pour analyser l’impact de nos recommandations et pour insister sur les points importants », explique Ronan Pelloux, 29 ans. Cofondateur en 2008 de Creads, uneagencedecommunication participative sur Internet, il fait partie de la délégation française, composée de 25 représentants, des chefs d’entreprise de plus de 1 000 salariés (D2L RH, Orchestral Service) comme des PME à forte croissance (Creads, Fifty-Five, Kwanko, Theodo) ou des start-up (Carnet de mode, TheTops, Verycook). Cinquante mesures « Depuis le G20 YEA de Moscou en2013, certaines desrecommandations ont été appliquées en France, comme la création du PEA-PME et l’insertion dans le cursus scolaire de l’entrepreneuriat et de l’enseignement du langage Web dès le plus jeune âge », apprécie M. Pelloux. «Mais ce ne sont que deux mesures parmi les cinquante suggérées », poursuit le fondateur de Creads, qui remarque une évolution rapide des mentalités. « Depuis deux ou trois ans, les jeunes se projettent moins dans les grands groupes dans lesquels il y a moins de travail, raconte M.Pelloux, ils n’hésitent pas à se lancer dansl’aventureen créant leurentreprise. » Or, comme le montre l’étude d’Accenture, seul un quart (26 %) desentrepreneurs jugent pertinentes et efficaces les mesures de soutien à la création d’emplois pour lesjeunes,prises parleurgouvernement. « Alors que les technologies numériques favorisent l’entrepreneuriat, le cadre législatif et réglementaire peine à suivre dans bien des cas », constate Bruno Berthon, directeur général de l’activité conseil en stratégie et développement durable d’Accenture monde. «Les pays capables d’encourager et de soutenir les entrepreneurs seront mieux à même de créer des emplois et de renouer avec la croissance. » En France, selon M. Berthon, le sujet n’est pas tant la création de start-up, que leur pérennisation. Il préconise de « renforcer laculture de développement de l’entreprise ». Outre les difficultés de financement, un autre problème commun aux entreprises des pays du G20 concerne la formation. En atteste la pénurie de compétences dans certains secteurs : 78 % des dirigeants ont du mal à trouver les talents voulus, quelle que soit la taille de leur entreprise. p Dominique Gallois 0123 éco&entreprise Mardi 22 juillet 2014 Serge Trigano, le fils du fondateur du Club Med, pourrait reprendre du service Si M.Bonomi s’empare du groupe hôtelier, M.Trigano en deviendra président non exécutif L ’homme d’affaires italien Andrea Bonomi pousse son avantage dans la bataille pour le contrôle du Club Méditerranée qui l’oppose au tandem formé par le conglomérat chinois Fosun et le fonds d’investissements français Ardian. Il vient de recevoir un renfort hautement symbolique. Dans un entretien au Journal du Dimanche du 20 juillet, Serge Trigano, 68ans, le fils du fondateur du Club Gilbert Trigano, annonce qu’il se rangeauxcôtésdel’hommed’affaires italien. Un rapprochement préparé par le directeur général délégué de Lazard France Matthieu Pigasse (actionnaire à titre individuel du Monde) et le vice-président d’Havas, Stéphane Fouks. «AvecSergeTrigano,notreambition est de faire du Club Med une marque attractive (…). Sa décision vientconforter notreprojetd’ancrage français avec les salariés au cœur de la stratégie. C’est avec eux, que nous voulons construire l’avenir du Club»,aindiquéauMondeM.Bonomi. « L’offre d’investIndustrial [un des véhicules d’investissement d’Andrea Bonomi] est la plus séduisante et la plus intéressante pour les actionnaires », explique M. Trigano. Pour l’homme d’affaires italien, c’est un soutien qui tombe bien. Quelques jours, à peine, avant le conseil d’administration du Club Med prévu vendredi 25juillet pour examiner la contre OPA proposée par M.Bonomi. On imagine mal des actionnaires refuser la prime de 22 % offerte par M. Bonomi par rapport à celle du tandem Ardian-Fosum Serge Trigano, qui a dû quitter le Club en 1997, se défend de regarder dans le rétroviseur. S’il revient au Club,c’est«pourregarder versl’avenir ». Il veut y apporter sa « vision stratégique » mais « sans être pour autant passéiste ». En cas de succès de l’OPA d’Andrea Bonomi, la gouvernance du Club sera modifiée. SergeTriganoendeviendrait lepré- sident non exécutif, et la gestion opérationnelle serait confiée à un directeur général. Dans le camp de Fosun et Ardian, on se refuse pour l’heure à tout commentaire. Mais, dans les coulisses, ce come-back fait tousser.« C’estun trèsboncoupmédiatique que de rallier le nom magique de Trigano », laisse-t-on d’abord entendre. Avant de sortir l’artillerie lourde. Le retour de Serge Trigano n’aura d’impact qu’auprès du grand public. Beaucoup moins sur les salariés et les actionnaires pour lesquels son nom n’aurait plus grand-chose de magique. Ils n’auraient pas oublié que « Serge Trigano a dirigé le Club et l’a conduit à une véritable catastrophe ! », souligne-t-on dans le camp Fosun Ardian. « Les deux dernières années avant son départ, en 1997, Serge Trigano aurait accumulé 200 millions d’euros de pertes [l’équivalent de 1,3 milliard de francs de l’époque]. Un trou, enfin, dont l’ampleur aurait obligé « les deux grands actionnaires du Club à le débarquer. » En pratique, les deux camps se disputent le soutien des personnels. Si FO, première organisation syndicale du Club, pencherait plutôt vers l’offre franco-chinoise, l’UNSA,quidirigeleComitéd’entreprise du groupe, ne serait pas opposé à l’offre italienne. Du côté de Serge Trigano, on affirme même avoir reçu « un signal des salariés ». On confie aussi que l’ex-PDG du Club « voyait toujours très régulièrement des responsables du Clud Med au Mama Shelter », le petit groupe hôtelier branché dirigé par M. Trigano. En plus de compter leurs troupes, les deux camps se disputent sur la stratégie pour développer le Club. Côté Ardian-Fosun, on déplore le manque d’actionnaire chinois dans le camp Bonomi. Pourtant, fait-on savoir, ce ne sera que « d’Asie et de Chine que pourront venir les 200 000 à 300 000 clients supplémentaires » dont a besoin le Club pour retrouver la rentabilité. «C’est le point faible de la candidature Bonomi.» Pour autant, le duo franco- chinois ne se fait manifestement plus aucune illusion sur l’issue de la bataille. La contre OPA déposée par M. Bonomi devrait être acceptée par le conseil d’administration du 25 juillet. On imagine mal en effet,desactionnairesrefuserlaprime de 22 % par action offerte par Investindustrial par rapport à celle du tandem Ardian-Fosum. La contre-OPA de l’Italien valorise le Club Med à 790 millions d’euros contre seulement de 563 millions pour Ardian-Fosun. Aucun calendrier n’a encore été fixé,maislacontre-OPAdeM.Bonomi devrait être officiellement lancée « aux environs du 5 août », laissent entendre des proches du dossier. A partir de ce moment-là, le duo Ardian-Fosun devra décider s’ilrelèvesonoffrepourcontrercelle de l’homme d’affaires italien. Ou s’il renonce. Une seconde hypothèse qui semble la plus probable quand dans le camp Ardian-Fosun, certains jugent le prix proposé par l’italien trop élevé. Difficile à rentabiliser. p Guy Dutheil Après Google, Microsoft offre aux internautes européens le «droit à l’oubli» L CFDT, FO et CGT contestent les modalités des prochaines élections professionnelles des demandes », a précisé l’entreprise au Wall Street Journal. Le « déréférencement» des liens litigieux n’interviendra pas dans l’immédiat, peut-être afin de laisser le temps à Microsoft d’anticiper et de s’épargner les « ratés » que connaît Google depuis que son formulaire est disponible. Microsoft a d’ores et déjà indiqué qu’il participerait à la réunion du 24 juillet. Intérêts contradictoires Les moteurs de recherche sont sous pression pour se conformer à la décision européenne, et sont à ce titre tiraillés entre des intérêts qu’ils estiment contradictoires : ils font notamment valoir à quel point la ligne entre protection de la vie privée et censure est ténue. Dans une tribune publiée le 11 juillet sur le blog officiel de Google, son vice-président et directeur juridique, David Drummond, exprime son scepticisme sur la décision européenne et demande un rééquilibrage, notamment pour se conformer au respect du droit à l’information. « La Cour précise que la désindexation des contenus doit tenir compte de l’intérêt public (…), tout en spécifiant que les moteurs de recherche ne peuvent pas revendiquer la valeur journalistique d’un contenu pour refuser une demande de suppression », déplore M. Drummond, qui juge cette position intenable. Depuis la fin du mois de mai, précise-t-il, Google a reçu « plus de 70 000 demandes de retrait, représentant 250 000 pages Web », qui doivent être examinées « au cas parcas,généralementavecpeud’information et de contexte ». Le site Rue89 s’est étonné, le 20juillet, d’avoir vu l’un de ses articles supprimé de Google, sans que le groupe ne s’en explique. Et pour cause, iln’en a,selon la réglementation européenne, pas le droit. Une situation que Google France dénonce, tout en assumant avoir dû « essuyer les plâtres » : « Nous ne voulons pas qu’on nous reproche de ne pas appliquer le droit », confie-t-on en interne. Maisle moteur de recherche leader souhaite que les modalités d’application soient précisées par les instances européennes. « Il y a beaucoup de points sur lesquels nous n’avons pas de réponse », regrette la même source. l’usine Toyota d’Onnaing, près de Valenciennes (Nord), d’où est sortie fin juin la Yaris relookée, dur dur, parfois, de faire du syndicalisme. Certes, la direction se félicite d’avoir signé de « nombreux accords » et rappelle que «le dialogue social reste une de [ses] priorités ». Il n’empêche, la grogne syndicale monte. Ainsi, la CFDT, FO et la CGT, qui représentent 75 % des voix au dernier scrutin de 2012, ont décidé de ne pas signer le protocole électoral qui définit les modalités des élections professionnelles prévues les 7 et 8 octobre et qui sera présenté au comité d’entreprise lundi 21 juillet. Ce qui, pour la CFDT (34,3 %) et pour FO (22,3 %), est une première. Encause:ledélaientredeuxélections, qui passerait de deux à trois ans (la loi prévoit quatre ans au maximum), et le nombre de sièges à pourvoir, qui diminuerait de 33 à 29, tous mandats électifs confondus. « Organiser des élections tous les deux ans, ce n’est pas la meilleure façon de construire du dialogue social, les syndicats sont en campagne quasi permanente », estime Nicolas Fayol, responsable des relations sociales. Mais pour Fabrice Cambier, secrétaire de FO Toyota, «quand des accords sont signés qui ne sont pas favorables aux salariés, comme celui sur l’intéressement pour 2013, qui nous a fait perdre 1 500 euros sur six trimestres, c’est important que les salariés puissent revoter sans trop de délai ». Quant au nombre de sièges, «on appliquela loi »,justifie M.Fayol. Ce qui est exact. Leur nombre est fonction non pas de l’effectif au moment du scrutin mais au cours des douze derniers mois. La remise en place d’une troisième équipe et l’embauche de 500 intérimaires au printemps n’a donc pas été prise en compte. La direction aurait certes pu accepter de négocier, mais elle ne l’a pas souhaité. La CGT (troisième syndicat, avec 18% des voix) parle de « répression syndicale ». Elle a d’ailleurs déclenché un mouvement de mobilisation en juin – qualifié de « campagne de dénigrement » par la direc- tion. Une pétition en ligne, « Pour le respect des libertés ouvrières et syndicales chez Toyota », a été lancée fin juin sur le blog Stoprepressiontoyota et a recueilli à ce jour 11 300 signatures. « Intimidations » Elle suit la convocation, ces derniers mois, de deux dirigeants de la CGT Toyota à des entretiens pouvant déboucher sur un licenciement, ainsi que des « sanctions et intimidations » contre des militants, selon le syndicat. Ainsi, Eric Pecqueur,secrétairedelaCGTToyota (et candidat Lutte ouvrière aux législatives partielles de Valenciennes en juin), s’est vu reprocher de nepas avoir porté le gilet designalisation lors d’une visite dans un atelier et d’avoir distribué des tracts à l’intérieur du site, ce qui est pourtant légal. Face à la mobilisation, la direction a reculé : M. Pecqueur a reçu un avertissement. De son côté, FO a recensé, pour sesreprésentants,«17entretiensdisciplinaires en 2013 et 5 en 2014, débouchant sur des sanctions allant de l’avertissement à la mise à pied de 5 jours, pour des broutilles », dénonce M.Cambier. Le cas de Ludovic Milice, ancien délégué CGT, ferait presque sourire si, depuis son licenciement en 2012, il n’était pas toujours au chômage. Sa lettre de licenciement précise qu’il n’a pas assisté, le 24 août 2012, au discours de rentrée du président de Toyota France, auquel « tous les salariés devaient assister ». M. Milice dit être allé aux toilettes durant le discours. Mais il aurait été vu dans l’usine, sans casque. Lors de l’entretien préalable, peut-on lire dans la lettre de licenciement, « vous [avez dit] ne pas avoir été en mesure de porter votre casque puisque vous vous grattiez la tête. Or, vous avez été vu avec votre téléphone portable dans les mains. Vous auriez dû remettre [votre casque] après avoir fini de vous gratter la tête, tout en tenant également votre téléphone portable»… Le conseil des prud’hommes de Valenciennes se prononcera le 25septembre. p Francine Aizicovici DISTRIBUTION Bing, le moteur de recherche de la firme de Redmond, veut éviter les ratés que connaît son rival es autorités européennes de protection des données rencontreront les représentants desmoteurs de recherchesur Internet, jeudi 24 juillet, autour du très controversé « droit à l’oubli ». Premier à s’être vu contraint par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’appliquer ce droit à l’oubli sur les portails européens desonmoteur, Google devradéfendre sa position à l’occasion de cette session de réflexion. L’objectif est definaliser les modalitésd’application de cette disposition réservée aux internautes de l’Union. La CJUE a estimé, le 13 mai, dans un arrêt, que les particuliers avaientledroit dedemanderà Google la suppression des liens vers despages comportantdesinformations personnelles périmées ou inexactes les concernant. Microsoft n’a pas attendu une possible décision de justice pour prendre les devants : le 16 juillet, le groupe a placé, sur son moteur de recherche Bing, un formulaire de requête similaire à celui de Google. Mais, pour l’instant, les équipes de Bing sont encore en train « de mettre en place le processus qui sera utilisé pour l’évaluation Entre les syndicats de Toyota France et la direction, les relations sont tendues A Serge Trigano, dans l’un de ses hôtels, le Mama Shelter, rue de Bagnolet, à Paris (20e). JULIEN DE FONTENAY/JDD/SIPA 9 Du côté du régulateur français, le compte n’y est pas encore : début juin, la Commission nationale informatiqueetlibertés(CNIL) relevait, dans un communiqué, « que le formulaire ne concerne que les URL, excluant donc des services mis en œuvre par Google tels que Google Suggest, et que son accessibilité pour les internautes pourrait utilement être facilitée ». En un mot, la possibilité de faire disparaître des liens n’est pas assez mise en avant parlegéantaméricain, etnes’applique pas àla totalité de ses services. Google dit ne pas avoir d’attente particulière par rapport à la réunion du 24 juillet, et n’a d’ailleurs pas confirmé qu’il enverrait une délégation. De son côté, il a mis sur pied un comité d’experts qui doit se réunir à l’automne, et rendre la synthèse de ses travaux en janvier. Parmi les membres du comité figurent le patron de Google, Eric Schmidt, l’ancien vice-président du groupe européen de commissaires à la protection des données, Jose Luis Piñar, le fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales, et la directrice éditoriale du journal Le Monde, Sylvie Kauffmann. p Audrey Fournier Le directeur général de Tesco démissionne Le numéro un britannique des supermarchés, Tesco, a annoncé, lundi 21 juillet, que son directeur général, Philip Clarke, allait démissionner, le 1er octobre, à cause des ventes décevantes du groupe. « Dave Lewis [jusqu’ici responsable de la division “soin de la personne” chez Unilever] entrera au conseil d’administration de Tesco (…) comme directeur général, pour succéder à Philip Clarke », a expliqué le groupe, ajoutant que « les ventes et les bénéfices du premier semestre ont été inférieurs aux attentes. » Confronté à la concurrence des hard discounters, d’Internet et des chaînes comme Marks & Spencer, Tesco ne cesse de perdre des parts de marché. Le directeur financier, Laurie McIlwee, avait déjà démissionné le 4 avril. p Médias Avant l’arrivée de Netflix, Aurélie Filippetti veut une diffusion en VoD plus rapide La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, souhaite que les films sortant au cinéma soient plus rapidement accessibles sur les autres écrans. Dans une interview donnée au Figaro, publiée lundi 21 juillet, la ministre de la culture déclare qu’elle va proposer « d’avancer de deux mois la disponibilité des films à la télévision, et, pour la vidéo à la demande par abonnement, de ramener le délai après la sortie en salle à vingt-quatre mois, contre trente-six actuellement». Conjoncture Pour le président du Medef, la situation économique est « catastrophique » Le président du Medef, Pierre Gattaz, juge « catastrophique » la situation économique du pays, dans Le Figaro du lundi 21 juillet. Il demande que le gouvernement annonce « clairement » l’abandon de la taxe à 75 % sur les très hauts revenus. – (AFP.) Tabac Reynolds condamné à payer 23,6 milliards de dollars à la veuve d’un fumeur Un tribunal de Floride a ordonné, samedi 19 juillet, au cigarettier américain RJ Reynolds Tobacco de verser une indemnisation de 23,6 milliards de dollars (17,4 milliards d’euros) à la veuve d’un fumeur décédé d’un cancer du poumon. – (AFP.) 10/LE MONDE/MARDI 22 JUILLET 2014 REPRODUCTION INTERDITE les oFFRes D’eMPloi DiRigeants - Finances, aDMinistRation, JuRiDique, R.H. - Banque, assuRance - conseil, auDit - MaRketing, coMMeRcial, coMMunication santé - inDustRies & tecHnologies - éDucation - caRRièRes inteRnationales - MultiPostes - caRRièRes PuBliques carrières Nations Unies Première Communauté d’Agglomération française et future Métropole Rouen Normandie, la CREA (71 communes ; 495 000 habitants) rayonne sur une aire d’emploi idéalement située de 730 000 habitants dont près d’un quart est âgé de moins de 30 ans. Dotée d’un budget de près de 700 millions d’euros et de compétences renforcées dans le cadre de la métropolisation, elle porte une forte ambition pour le développement économique de son territoire. Dans cette dynamique, elle recherche son : Postes à l’Organisation des Nations Unies Vous investissez-vous dans le changement et le progrès sans vous cantonner dans le statu quo ? DIRECTEUR EN CHARGE DU DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE - h/f Sous l’autorité du Directeur Général Adjoint « Développement Economique & Social, Attractivité », le Directeur élabore, structure et pilote la stratégie de développement économique de la métropole en mobilisant ses atouts clefs (filières d’excellences, pôles de compétitivité, offre touristique,…), ses opérateurs (SPL, Agence de Développement, Office Intercommunal de Tourisme) en partenariat avec les acteurs économiques et institutionnels du territoire au premier rang desquels la Région, la CCI et le Grand Port Maritime. Avec l’appui d’une trentaine d’agents, il conçoit une offre innovante et pertinente d’accueil d’entreprises diversifiées traduite par le suivi des projets d’aménagement économiques (ZAE) commercialisées en lien avec la SPL, ainsi que le développement et la gestion du réseau de pépinières Seine Création. Les Nations Unies recherchent des professionnels dynamiques et qualifiés à inscrire sur ses listes de candidats présélectionnés pour les postes à pourvoir au Bureau des services de contrôle interne, dans les missions à travers le monde : Garant de la cohérence de la politique d’attractivité territoriale, il développe et anime les relations partenariales de la Métropole dans le cadre d’une véritable stratégie de valorisation du territoire. • Chef des auditeurs résidents (P-5) • Auditeur résident (P-4) • Auditeur résident (P-3) Ce poste intéresse un développeur territorial (h/f) disposant d’une solide expérience de direction de projets et d’équipes de développement économique acquise en collectivité ou satellite avec idéalement une expérience significative en entreprise. Capable de se positionner dans un environnement multi-partenarial de haut niveau, il possède un sens développé de la négociation. Intelligence relationnelle et situationnelle, rigueur de gestion et capacité managériale sont des qualités indispensables pour réussir dans cette fonction à forts enjeux. Anglais courant exigé. Poste ouvert aux titulaires de la Fonction Publique et aux contractuels. eau Formation : Diplôme universitaire du niveau de la maîtrise dans le domaine du droit, du droit international, des enquêtes pénales, des études policières ou dans toute autre discipline apparentée. ience Expérience professionnelle : Une expérience à des niveaux de responsabilité de plus en plus élevés dans les activités relatives aux enquêtes est exigée. Merci d’adresser votre candidature à l’attention de Nicolas Chouin, nicolas.chouin@jobs.hudson.com, avec la réf. FR708893/104 dans l’objet du mail. Hudson Public & Parapublic - 176 Avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine. Les femmes sont fortement encouragées à présenter leur candidature. CONSEIL EN RECRUTEMENT & GESTION DES TALENTS Pour tout complément d’information veuillez consulter : careers.un.org org l’université pierre et marie curie recrute pour La direction générale de la recherche et du transfert de technologie (DGRTT) : √ un(e) directeur(e) général(e) adjoint(e) √ un(e) responsable du bureau Entreprises et transfert de technologie √ un(e) responsable du bureau de gestion financière des contrats 1RE UNIVERSITÉ FRANÇAISE EN SCIENCES ET MÉDECINE, L’UPMC ACCUEILLE 10 500 PERSONNELS ET 33 000 ÉTUDIANTS. Les profils de poste sont à consulter sur www.upmc.fr, rubrique Recrutement Rémunération selon expérience et profil Postes basés à Paris Lettre de motivation et CV à adresser à : recrutement@upmc.fr Avis de vacance du poste de Directeur Général Le cadre juridique : Conformément aux dispositions de l’article L. 6162-10 du Code de la Santé Publique, le « Directeur Général est nommé, pour une période de 5 ans renouvelable, par le Ministre chargé de la Santé après avis du conseil d’administration et de la fédération nationale la plus représentative des centres de lutte contre le cancer ». LES MISSIONS : Personnalité de formation médico-scientifique sensibilisée aux problématiques de gestion d’un établissement de santé et apte à rassembler et à mobiliser des équipes pluridisciplinaires, le Directeur Général : Représente le Centre dans tous les actes de la vie civile, assure la conduite générale de l’établissement et en rend compte au conseil d’administration ; Exerce son autorité sur l’ensemble des activités et du personnel du Centre en collaboration étroite avec le Directeur Général Adjoint ; Développe les activités du Centre dans le cadre de son projet d’établissement 2015-2020 ; Est garant d’une gestion rigoureuse et dynamique, PROFESSEUR-E ASSISTANT-E EN PTC TENURE TRACK (F/H) AU RANG DE PROFESSEUR-E ASSOCIÉ-E EN TRADUCTOLOGIE/ ÜBERSETZUNGSWISSENSCHAFT en savoir plus La direction générale de la recherche et du transfert de technologie (DGRTT) est une des trois directions générales de l’université avec la direction générale des services et la direction générale de la formation et de l’insertion professionnelle. Rattachée directement à la présidence, et en liaison étroite avec la vice-présidence Recherche et innovation, elle met en œuvre la politique de recherche et de valorisation de l’université et participe à son élaboration en apportant des informations consolidées, des expertises et des analyses. La DGRTT comprend 70 personnes et apporte son soutien à une centaine de laboratoires. Elle est constituée de trois pôles dont les fonctions sont : pilotage et politique scientifique, développement de la recherche partenariale, gestion financière et RH des contrats. Le Centre Léon Bérard – Lyon - Centre de lutte contre le cancer de Lyon et Rhône-Alpes - Doté d’un plateau technique complet - Disposant de 291 lits et places, 180 places en HAD - 9 000 nouveaux patients, 72 200 consultations et près de 40 000 séjours par an - Etablissement de soins privé d’intérêt collectif - Etablissement hospitalo-universitaire Pôle de recherche en cancérologie LA FACULTÉ DES LETTRES DE L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE MET AU CONCOURS UN POSTE DE √ un(e) chargée d’affaires et notamment du respect du contrat de performance et de modernisation en cours ; Poursuit le développement du pôle recherche en lien avec les autorités de tutelle ; Participe au développement de la cancérologie universitaire régionale et des coopérations inter-hospitalières. Les candidatures ouvertes à toute personne membre de la Communauté Européenne doivent être adressées sous pli recommandé, à : M. le Préfet de la Région Rhône-Alpes - Président du Conseil d’administration c/o Centre Léon-Bérard - 28 rue Laennec - 69373 LYON CEDEX 08 La date limite d’inscription et de dépôt des dossiers a été fixée par le Conseil d’administration au Lundi 29 septembre 2014. Les candidats devront joindre à leur dossier un exposé de leurs titres universitaires et hospitaliers et de leurs travaux scientifiques ainsi que l’état des fonctions remplies, accompagné d’une lettre de motivation détaillée, le tout en deux exemplaires. Les conditions de ce recrutement et d’exercice de la fonction sont celles de la règlementation en vigueur pour les Centres de Lutte contre le Cancer (art. L6162-1 et suivants du Code de la Santé Publique). Des informations concernant l’hôpital sont disponibles sur le site web : www.centreleonberard.fr Toute demande de précision concernant ce poste peut être adressée à jean-robert.greslin@lyon.unicancer.fr L’entrée en fonction est prévue pour le 1er août 2015. Pour de plus amples informations, veuillez consulter l’annonce complète à l’adresse : http://www.unil.ch/all Délai de candidature : 30 septembre 2014. Soucieuse de promouvoir une représentation équitable des femmes et des hommes parmi son personnel, l’Université encourage les candidatures féminines. © JC Wetzel/ Cnam production >Multipostes RVRrXQvVW RXQRVS YXS XffrVS d’Vmp[X\ SQr www.[VmXYdV.fr/Vmp[X\ – Vous RecRutez ? M PQb[\^\RU : 01 57 28 39 11 Vmp[X\@mpQb[\^\RV.fr RECRUTEMENT I Le Conservatoire national des arts et métiers, I recrute un(e) professeur(e) responsable de la chaire marketing. Missions principales • faire évoluer et piloter l’offre de formation en marketing • animer une équipe pédagogique nationale d’enseignants-chercheurs • assurer des formations supérieures, contribuer au rayonnement du Cnam par ses publications et ses recherches Profil recherché • professionnel(le) ayant occupé une fonction marketing de haut niveau avec une expérience réelle de l’enseignement supérieur • ou un(e) universitaire reconnu(e) ayant développé des coopérations significatives avec le monde de l’entreprise Candidature à adresser au plus tard le 15 août 2014, le cachet de la Poste faisant foi, à : Monsieur l’administrateur général du Cnam 292, rue Saint-Martin - 75141 Paris Cedex 03 Votre candidature doit être accompagnée d’un exposé de vos titres et travaux. Merci de rappeler la référence : PRCM 0119. recrute.cnam.fr culture 11 0123 Mardi 22 juillet 2014 Crosby, Stills, Nash & Young, déja vu mais inédit Un coffret célèbre la tournée 1974 du groupe de rock, la première de l’histoire à être organisée dans des stades Musique N ous sommes au début de l’été 1974. A l’annonce de la prochaine tournée de Crosby, Stills, Nash & Young, organisée par l’impresario californien Bill Graham, les journalistes, producteurs et organisateurs de concerts sont d’abord incrédules : vingthuit concerts aux Etats-Unis, deux au Canada, pour la plupart dans des stades de football américain ou de base-ball ; un autre à Londres, au Wembley Stadium. Ce qui de nos jours est plutôt la norme pour de gros vendeurs du rock et de la pop apparaît comme un pari audacieux. Certes le retour sur scène de David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young pour une tournée est un événement : le supergroupe créé à l’été 1969 (ils ont donné leur deuxième concert à Woodstock) a à son actif l’album Déjà vu, publié en mars 1970, et le live 4 Way Street, sorti en avril 1971, après leur séparation.Mais personne n’a jusqu’alors rempli autant de Chaque concert dure plus de trois heures et est divisé en trois parties: une première électrique, une acoustique et unretour électrique stades pouvant accueillir entre 40 000 et 80 000 spectateurs. Pari gagné.L’été 1974 est celui du triomphe pour CSN&Y. Plus d’un million de billets ont été vendus. Chaque concert dure plus de trois heures et est divisé en trois parties : une première électrique, une acoustique et un retour électrique. En moyenne quarante compositions sont interprétées. Les quatre chanteurs et guitaristes – Nash et Stills assurant la plupart des parties de claviers – sont accompagnés par le bassiste Tim Drummond, le percussionniste Joe Lala et le batteur Russell Kunkel. Les bons soirs surgissent l’osmose des voix, la furia des guitares électriques de Stills et Young. D’autres sont tout juste corrects. Quarante ans plus tard paraît CSNY 1974, coffret de 3 CD et de 1 DVD (huit titres qui doublonnent avec ceux des CD), avec un livret de 188 pages illustré de nombreuses photographies de Joel Bernstein. Principalement produit par ce dernier et Nash, un temps annoncé CSN&Y lors des répétitions de leur tournée 1974 dans le ranch de Neil Young, en Californie. Elle attirera plus d’un million de spectateurs. JOHANSEN KRAUS pour août 2013, CSNY 1974 a nécessité quatre ans de travail. Recherche des meilleures sources (sons et images), transfert numérique en haute définition audio et longues négociations entreles quatre musiciens.Dans le magazine Rolling Stone de mai, Graham Nash indique que le plus difficile aura été de « satisfaire quatre personnes en même temps ». Depuis 1969, le groupeest handicapé par la succession de brouilles et de réconciliations qui éloigne et rapproche les trois Américains et le Britannique. Une dizaine de concerts avait été enregistrée. « Avec Joel, nous avons tout écouté et choisi les meilleures interprétations, ajoute Nash. Avant de les envoyer à David, Stephen et Neil. » Chacun devant donner son accord. Un concert idéal a ainsi été recréé – y compris avec des flottements, dont des dérapages vocaux de Crosby et Stills. De l’énergique entrée électrique de Love the One You’re With, de Stillsau toujours rageur Ohio, composition de Young, écrite et enregistrée par le quatuor peu après que la garde nationale de l’Etat de l’Ohio eut tué, le 4 mai 1970, quatre étudiantsde la Kent State University qui manifestaient contre le soutien armé de l’administration Nixon à l’invasion du Cambodge. Le premier set – et premier CD –, électrique, prend son essor avec les parties solistes de Wooden Ships, de Crosby, Stills et Paul Kantner, rebondit sur Immigration Man de Nash. Ses moments les plus intenses : Johnny’s Garden de Stills, le sombre On The Beach de Young, les défis de six-cordes entre Stills et Young sur Black Queen de Stills, en quasi hard-rock. Le deuxième set, acoustique, permetd’entendre diverses configurations, solo (Stills), duos (Crosby et Nash, Young et Nash, Stills et Young), trio CSN et les quatre ensemble. Le répertoire fragile est plus adapté aux petites salles – ce sera le principal enjeu durant ces concerts en stades. Les dix-neuf thèmes sélectionnés touchent juste, en particulier Only Love Can Break Your Heart de Young, Our House et Teach Your Children de Nash, Time After Time de Crosby, Word Game et Suite : Judy Blue Eyes de Stills. Le retour électrique du troisième set est parfait de bout en bout. Avec des illuminations, Déjà vu – superbe solo de Stills – et Long Time Gone de Crosby, Pre-Road Downs de Nash, Revolution Blues et Pushed it Over The End de Young, le Ohio final. La tournée aura aussi permis à chacun de présenter des thèmes toutjuste enregistrés ou quifigureront par la suite dans des disques en studio des uns et des autres : My Angel, Myth of Sisyphus, First Things First pour Stills, Fieldworker de Nash, Time After Time de Crosby… et Young particulièrement prolifique avec notamment, outre Pushed itOver the End,Love Art Blues, Traces et Hawaiian Sunrise, à ce jour toujours inédits officielle- ment dans leurs versions studio. On regrettera en revanche que manquent quelques titres présentssur des enregistrements pirates, notamment dans les sets électriques Carry On de Stills ou Sugar Mountain de Young dans la partie acoustique. Quitte à assumer leur statut de documents de moindre qualité sonore. p Sylvain Siclier CSNY 1974, de Crosby, Stills, Nash & Young, 1 coffret de 3 CD et 1 DVD (Rhino-CSNY Recordings/Warner Music) ; disponible en version 1 Blu-ray (audio) et 1 DVD ; 1 CD 16 titres extraits de l’ensemble ; 1 coffret de 6 disques vinyles, 1 Blu-ray (audio), 1 DVD, téléchargement numérique et livret grand format. Savante ou populaire, gréco-turque ou iranienne, la musique des «Suds» enivre La 19e édition du festival arlésien a mis en lumière les talents de la chanteuse Cigdem Aslan ou du virtuose de la vièle Kayhan Kalhor Musiques du monde Arles Envoyé spécial U ne clameur d’indignation. Un cri gueulé à gorge déployée. Le 19 juillet, dans le Théâtre antique d’Arles, avant que ne jaillissent la voix de la chanteuse flamenca Esperanza Fernandez, puis celles, fiévreuses et saisissantes de Susheela Raman, avec ses invités pakistanais, Rizwan et Muazzam Mujahid Ali Khan, tout le monde est invité à hurler avec les intermittents, après la lecture d’un communiqué. Chaque soir, ce fut, ici, le même rituel. « Une manière bon enfant d’affirmer notre soutien », commente Marie-José Justamond, directrice artistique des Suds. Dès le 10 juillet, à quelques jours de son ouverture, le festival s’est positionné. « Suds soutient pleinement les revendications des intermittents, et nous aurons l’occasion de l’expri- mer avec cette 19e édition [du 14 au 20juillet] qui, plus que jamais, s’annonce poétique et politique », dit un communiqué. Peu avant la dernière soirée au Théâtreantique,ailleursdans la ville,cour de l’Archevêché,la chanteuse turque d’origine kurde Cigdem Aslan dédiait une chanson aux enfants de Gaza, introduisant de manière allusive les chaos de l’actualité dans son répertoire de rebétiko. Sur ce blues urbain qui a pris son essor en Grèce avec l’arrivée de réfugiés grecs démunis, partis d’Asie Mineure à la fin de la guerre gréco-turque (1919-1922), la jeune chanteuse s’est construit un joli répertoire, enregistré sur l’album Mortissa (Asphalt Tango Records/L’Autre Distribution). Néeà Istanbul, dans le district de Sisli, elle a grandi à proximité, dans le quartier de Kagithane. « Nous vivions dans ce qu’on appelait “gecekondu”, des habitations illégales construites par les immigrants à la périphérie d’Istanbul. Mes parents venaient de Sivas, à l’est de la Turquie. A Istanbul, quand quelqu’un vous demande d’où vous venez, cela signifie souvent d’où viennent vos parents », raconte la chanteuse, installée à Londres. Pour évoquer le rebétiko, elle parle d’une « musique avec des sentiments qui viennentde gensordinaires».Unemusique réfractaire et irrévérencieuse face à l’autorité. « En Turquie et en Grèce, à l’heure actuelle, beaucoup de gens ressentent qu’ils doivent défier les autorités pour protéger les libertés individuelles. Et finalement, la situation est tellement similaire dans les deux pays que je vois dans cette musique un espoir de redécouvrir l’amitié et les liens entre les peuples de Grèce et de Turquie. Il y a beaucoup de chansons que nous interprétons dans les deux langues. » Accueilli deux jours avant, sur cette même scène intimiste de l’Archevêché, le chanteur, compositeur et oudiste palestinien Tamer Abu Ghazaleh, découvert au sein de l’ensemble Alif, se produit pour la première fois en France sous son nom. Il surprend par la contemporanéité audacieuse de sa musique «cross-over», rappelant l’originalité du groupe Sabreen, découvert au début des années 2000, d’où Kayhan Kalhor s’étonne de l’obsession de la presse occidentale à vouloir présenter l’Iran comme un pays conservateur émergea la chanteuse et oudiste Kamilya Jubran. Celle-ci a enregistré, entre autres, sur le label Eka3 que Tamer Abu Ghazaleh a cofondé au Caire, où il vit. Accompagné de ses musiciens, il chante avec une conviction rageuse quelques titres du seul album sous son nom à ce jour, Mir’ah (miroir), paru en 2008 (non disponible en France). « Je veux que les mots que je chante reflètent les réalités actuelles », confie-t-il le lendemain de son concert. Ce qui se passe en Palestine et en Egypte, où « la société est en perdition. Les gens sont descendus dans la rue, mais ils se rendent compte que rien n’a changé. C’est même pire qu’avant ». Lui-même raconte avoir participé à la deuxième Intifada en Palestine. « J’ai constaté que là non plus, ça n’avait servi à rien », déplore-t-il. S’il a réussi à couvrir les bruyants choucas, martinets et pigeons qui volent au-dessus de la cour de l’Archevêché, les ciselures délicates et les murmures du duo magistral instrumental formé par Kayhan Kalhor et Erdal Erzincan, elles, n’ont rien pu faire. Mais malgré l’agitation bavarde de la gente ailée, les deux musiciens offrent un moment de pure poésie musicale. On est happé par la longue improvisation – un seul morceau s’étire sur près d’une heure – du maestro iraniende la vièlekamantché (instrument central de la musique persane avec lequel il a accompagné les vers des poètes soufis), en conversation avec le baglama du musicien turc Erdal Erzincan, une référence pour cet instrument à cordes. Ils ont enregistré ensemble deux albums sur le label ECM (The Wind et Kula Kulluk Yakisir Mi). Né à Téhéran, en 1964, Kayhan Kalhor a quitté l’Iran à 17 ans et vit aux Etats-Unis après avoir humé l’air musical de plusieurs pays. Autant de chemins pour faire connaître sa musique, sa culture et s’enrichir de celles des autres, précise-t-il. Il s’étonne de l’obsession de la presse occidentale à vouloir présenter l’Iran comme un pays conservateur. « Rien n’est totalement noir ou totalement blanc. Cette image ne correspond pas à la réalité », conclut le musicien. p Patrick Labesse 12 0123 culture Mardi 22 juillet 2014 Exquises dissonances entre comté et arbois Le quatuor Dissonances a été le fil conducteur du 5e festival Salines en musique Musique Salins-les-Bains (Jura) Envoyé spécial Q ue faire, en été, quand la soif de partage musical n’a pas été étanchée par l’organisation de deux festivals dans le cadre de la saison à Paris ? En produire un troisième, loin de la capitale. C’est ainsi qu’est né, en 2010, le festival Salines en musique. Si Anne-Marie Réby l’a conçu en s’inspirant des valeurs ayant assuré le succès de ses manifestations parisiennes (Les Solistes aux Serres d’Auteuil, aujourd’hui transplantés à Bagatelle, les Quatuors à Saint-Roch), elle l’a aussi doté d’un attrait propre aux lieux qui accueillent les concerts. La petite ville de Salins-lesBains, qui donne son nom au festival, est plus d’une fois à l’honneur de la programmation mais leslocalités avoisinantes invitent également le mélomane à découvrir ce Pays du Revermont auxquelles sont attachées trois richesses gustatives du Jura. Avec Arbois (le vin) et Salins-les-Bains (le sel)sur sa carte de concerts, il ne manque plus au festival d’Anne-Marie Réby que Poligny (le comté) pour associer la musique au « triangle d’or » de l’histoire locale. Ce sera chose faite en 2015. En attendant, l’on est bien heureux de monter jusqu’à Aresches, dans l’après-midi du caniculaire vendredi 18 juillet, pour trouver air frais et musique vivifiante dans la petite église où trône un retable du XVIIe siècle. Deux des membres du quatuor Les Dissonances, formation qui constitue le fil rouge de la cinquième édition, se succèdent pour interpréter un sommet du répertoire destiné à leur instrument. David Grimal (premier violon du quatuor) présente la Partita n˚ 2 en ré mineur, de Jean-Sébastien Bach, suite de danses qui s’achève par la monumentale et célébrissime Chaconne. Dire qu’il l’impose serait plus juste, tant la musique fait ici l’objet d’une communication autoritaire. Pas plus dramatique dans la première partie que lyrique dans la seconde, la Chaconne prolonge avec la fermeté d’une technique inoxydable l’assimilation de l’œuvre musicale à un dogme. Rien de tel avec le second solo du concert. Pourtant, les Trois Strophes sur le nom de Sacher pour violoncelle d’Henri Dutilleux (1916-2013) – comme la Partita de Bach – donnent l’impression que Formidable guitare ! Fourmillante d’allégresse, gorgée de swing et de soleil rieur ou d’un brin de mélancolie, scintillante de douceur. Exaltante guitare tanguera que celle de ce musicien argentin que l’on a connu longtemps associé à son frère bandonéoniste, Nini Flores. Avec cet élégant premier album sous son nom, Rudi Flores remonte le fil de l’histoire du tango, rappelant qu’avant l’arrivée du bandonéon la guitare y tenait un rôle d’importance. Entouré de musiciens impeccables, Rudi Flores investit et arrange avec pertinence, en y injectant de surprenants accents manouches, un répertoire choisi, composé entre 1916 (La Guitarrita, d’Eduardo Arolas) et 1969 (Bonita, de Ciriaco Ortiz). p P. La. 1 CD Buda Musique/Socadisc Le chorégraphe et dramaturge samoan Lemi Ponifasio a choqué, stupéfait et rebuté leur auteur est seul au monde. Langage, forme, expression, tout y est unique. Libre à l’interprète d’ancrer cette originalité dans un vécu accessible aux auditeurs. C’est ce que réalise magistralement Xavier Phillips. Son animation du triptyque aurait ravi le compositeur, car il y aurait perçu autant de luimême que de « son » violoncelliste. L’émerveillement devant l’inouï, la préservation du mystère de la création,lafantaisie dans larecherche… du Dutilleux pur jus. Néanmoins, à suivre les méandres rougeoyants du tracé de Xavier Phillips, le calligraphe du son que fut Dutilleux se serait demandé s’il n’avait pas livré des sanguines spectaculaires plutôt que de simples strophes. L’émerveillement devant l’inouï, la préservation du mystère de la création… du Dutilleux pur jus A l’écoute d’Ainsi la nuit, quatuor à cordes écrit dans la même veine que les Trois Strophes, aucun doute : la rumeur règne en maître. Très habiles dans le tissage translucide comme dans les textures troubles, les membres des Dissonances restituent avec bonheur le climat prenant de l’œuvre. Le soir, dans l’église NotreDame de Salins, ils composent un bouquet idéal pour les Crisantemi de Giacomo Puccini, qui préludent judicieusement à de sombres mais envoûtants morceaux de Franz Liszt. D’abord, sous l’archet racé de l’altiste Jürg Dähler (La Lugubre Gondole, Romance oubliée) puis sous les doigts éclairants du pianiste François-Frédéric Guy. Avec lui, les trois Sonnets de Pétrarque s’enchaînent comme les trois actes d’une pièce de théâtre (ou d’un opéra, puisqu’on l’entend parfois chanter) par la magie d’un clavier qui est tantôt scène, tantôt coulisses. Les Dissonances reviennent à cinq après l’entracte, car Jürg Dähler les a rejoints pour interpréter le Quintette à deux altos (KV 515) de Mozart. Exécution légère, presque badine, loin de la prestation habitée du Dutilleux. Conformément à leur enseigne, ces chambristes polyvalents ne seraient-ils jamais aussi impliqués que lorsque les dissonances sont légion ? p Pierre Gervasoni Dans un décor noir et gris, la chorégraphie de « I AM » a déconcerté. Ici, la danse circulaire-lutte en gants de caoutchouc. ARNOLD JEROCKI Danse Avignon Envoyée spéciale E tre saisi (ou pas). Tout se situe (presque) là pour apprécier I AM, mis en scène par le chorégraphe samoan Lemi Ponifasio, dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Harangue, incantation, prière, exorcisme, cette pièce sombre et chargée a semé la stupéfaction, le 18 juillet, parmi les spectateurs. Si certains ont lâché l’affaire en cours de route, ceux qui sont restés étaient sous le choc. I AM n’y va pas de main morte. La Marseillaise en ouverture, un appel à la prière en conclusion, une croix projetée sur les murailles, des chants en maori, une dizaine de langues employées dont le javanais, le samoan, l’anglais et le français (sans aucune traduction simultanée !)… Les courtscircuits sont permanents dans cette pièce dont le point de départ, la première guerre mondiale, se trouve largement dépassé. Lemi Ponifasio, chorégraphephilosophe dont trois spectacles ont été présentés depuis 2010 au Théâtre de la Ville, à Paris, n’a fait qu’une bouchée de la Cour d’hon- neur, plateau somptueux mais risqué aussi par ses symboles et ses proportions (600 mètres carrés). C’était prévisible. Son coup de patte, immédiatement reconnaissable, allie décor massif et minéral, palette anthracite, personnages fantomatiques, bande-son ultrapuissante. Une pâte spectaculaire qui gonfle et dégonfle au gréd’électrochocs savamment assénés. Entre grandiose et grandiloquence, le théâtre dansé de Ponifasio avance sur un fil. La figure de choc, héroïne, victime et martyre, est celle incarnée par Nina Arsenault, transsexuelle I AM est raccord. Sophistiqué et archaïque, il se dresse devant une paroi noire sur laquelle défilent dix-huit interprètes ton sur ton. Quelques touches de blanc, le bleu profond des tatouages des interprètes samoans et maoris, le rouge du sang et le jaune d’œuf explosent cette saga spectrale dont la lenteur maintient le suspense. L’intense perplexité générée par I AM tient lieu d’aiguillon pendant les deux heures que dure la pièce. La sensation d’osciller entre adhésion et recul crée un inconfort permanent. Basculer d’une énigme à l’autre, d’une lutte en gants de caoutchouc à une danse circulaire glissant dans l’espace commesur des patins, tient en alerte. Et si la grosse artillerie visuelle et sonore prisée par Ponifasio est pour beaucoup dans la tension du spectateur, elle emporte un lot d’images vraiment étonnantes. I AM, je suis. Cette affirmation simple et péremptoire est à prendre au sens large. Le vivant dans son mystère et sa différence file la chair de poule à cette pièce qui s’adresse aux dieux, aux hommes, à la nature. La figure de choc, héroïne, victime et martyr, est celle incarnée par Nina Arsenault, transsexuelle, déjà présente dans le spectacle The Crimson House, de Ponifasio. Elle est au centre d’un jeu de massacre et ouvre à I AM la voie d’une cérémonie de mutation et d’acceptation qui inclut au lieu d’exclure. CommesouventchezLemiPonifasio, sa culture d’origine et celle de la Nouvelle-Zélande où il vit, noyautent son propos. Deux chan- teurs-récitants maoris, Charles Koroneho et Rosie Te Rauawhea Belvie, alpaguent le public. Scansion forte, mains qui tremblent comme dans le haka, ils en appellent à cette communauté d’un soir qu’ils magnétisent d’un coup. Le nom de la compagnie créée en 1995 par Lemi Ponifasio est MAU, ce qui signifie en samoan « affirmation solennelle de la vérité d’un sujet » et « ma destinée ». Une ligne d’action que ses pièces ne démentent pas. Tempest : Without a Body donnait la parole au chef maori Tama Iti qui parlait de son peuple décimé. Birds With Skymirrors évoquait le désastre écologiquede la planète. Passé par des études de philo et de science politique, Lemi Ponifasio, né dans une famille de dix enfants, a commencé la danse à 20 ans dans les rues d’Auckland. Il n’a jamais perdu de vue son île et son village de Lano, les marches avec son père, pasteur, qui s’émerveillait de la beautéchangeante de la nature. Un héritage que Ponifasio se charge de faire perdurer aujourd’hui. p Rosita Boisseau I AM, de Lemi Ponifasio. Cour d’honneur, Palais des papes. 22 heures. Jusqu’au 23 juillet. Instantanés de l’absurde quotidien en Roumanie SÉLECTION CD Rudi Flores Tango, noche y guitarra L’Océanie électrise la Cour d’honneur Common Nobody’s Smiling Pour son dixième album studio, le rappeur acteur Common revient à ses racines : Chicago. Common reprend le micro pour alerter le grand public sur la recrudescence de la violence dans sa ville natale. Pour ce faire, il s’est adjoint les services du compositeur de ses trois premiers albums, No ID, et s’est entouré de quelques jeunes plumes du cru, notamment, Lil Herb, le collectif Cocaïne 80’s, le poète Malik Yusef et Dreezy. Cette dernière, une des rares femmes du rap et de la nouvelle scène de Chicago, figure sur un des meilleurs morceaux de l’album, Hustle Harder. Entouré de ses nouvelles voix du hip-hop, le quadragénaire a relevé le défi d’un rap plus sombre et plus dur que celui auquel il nous avait habitués. p St. B. 1 CD (Def Jam/Universal) Théâtre Avignon Envoyée spéciale De Roumanie, qui nous a donné ces dernières années une flopée de formidables cinéastes, arrive, à Avignon, une jeune auteure et metteuse en scène : Gianina Carbunariu. Ce n’est pas tout à fait une découverte. En 2005, Christian Benedetti avait mis en scène sa première pièce, Stop the Tempo, au Théâtre-Studio d’Alfortville. Et le texte, sec, rageur et sans concession, avait plu, qui racontait l’aventure de trois jeunes de Bucarest faisant, littéralement, péter les plombs de leur ville. Comme sa consœur sicilienne Emma Dante (Le Monde du9 juillet), Gianina Carbunariu est une femme puissante, qui part de son territoire aux marges de l’Europe pour raconter le monde d’aujourd’hui. Et de Roumanie donc, cette femme, née en 1977, rapporte des histoires saisissantes, trempées directement dans la réalité – c’est-à-dire dans l’absurde qui, en ce pays, est roi. Dans une petite ville, Baia Mare, le maire, issu de la nouvelle classe dirigeante, décide de faire construire un mur de cent mètres de long et de près de deux mètres de haut, pour séparer la communauté rom de la communauté roumaine. Grâce à ce projet, il a été élu à la tête de la ville avec plus de 80% des voix, dont de nombreux suffrages tziganes. A Bucarest, un couple de la classe moyenne, qui a recruté une nounou philippine pour s’occuper de leur fils, voit tout le refoulé lié à ce choix lui sauter à la figure. Gianina Carbunariu raconte encore l’enterrement d’une vieille gloire du théâtre national, Eugenia Ionescu (eh oui), dont le fils a décidé de revendre sa concession au grand cimetière de la ville, pour pouvoir s’offrir une place de parking… Quant à la dernière histoire, la plus poignante, elle met en scène un cénacle familial, réuni afin de récolter de l’argent pour l’un des membres du clan, un jeune père dont la petite fille doit subir une opération grave – et chère. Qui emportera aux enchères le canapé, et à quel prix ? Les meubles de cuisine, achetés (chez Ikea of course) six mois auparavant ? Les appareils ménagers ? Cela ira jusqu’à la poussette de l’enfant qui n’est pas encore morte, raflée par la bellesœur enceinte… Energie grinçante et rageuse Dans ses meilleurs moments, Solitaritate met en scène avec une force indéniable ce pays qui est passé directement du surréalisme totalitaire au libéralisme débridé, et qui n’a pas de mal à apparaître comme une image juste un peu accusée d’une Europe en crise. Confusion entre l’espace privé et l’espace public, sentiment de déclassement de la classe moyenne et réflexes d’exclusion, marchandisation et cynisme généralisés, crise identitaire, trafics (de cartes d’invalidité en l’occurrence) Tout cela porte… dans les meilleurs moments du spectacle. L’énergie grinçante et rageuse de Gianina Carbunariu est trop souvent diluée dans des considérations à usage interne sur le théâtre en Roumanie. La jeune femme règle des comptes et se positionne, de toute évidence, sans en faire quoi que ce soit de bien parlant pour un public plus large. La mise en scène renforce encore ce sentiment que cette Solitaritate ne s’est pas accomplie. Curieusement dénué de rythme, le spectacle n’arrive pas à décoller vraiment d’un réalisme assez potache, qui laisse peu de place à l’inquiétante absurdité, à l’humour très noir, aussi, qui existent dans le texte de l’auteure Carbunariu. C’est d’autant plus dommage qu’il n’y a rien à redire sur les acteurs, qui sont bons, et peuvent toucher en plein cœur, à l’image de cet homme qui clôt le spectacle, seul au milieu d’une maquette de Bucarest. Désespérément seul dans la ville. Bruit de bris, de casse. Rideau. C’est malheureux à dire, mais on en sort un peu cassé aussi. p Fabienne Darge Solitaritate, de et par Gianina Carbunariu. Gymnase du lycée Mistral, à 15 heures, jusqu’au 27 juillet. En roumain surtitré en français. 13 0123 Mardi 22 juillet 2014 L’«expérience unique» de Romain Bardet Pour sa deuxième participation au Tour, le coureur français de 23ans occupe la troisième place, avant les Pyrénées Nîmes Envoyé spécial I l n’en reste qu’un. Tous les bus ont quitté le « parking équipes », cette zone située à quelques hectomètres après la ligne d’arrivée de chaque étape, jusqu’où les coureurs se fraient un passage au milieu de ce qui pourrait vous évoquer l’enfer si vous redoutez la foule et le désordre. Encerclé par les badauds en quête d’une photo, d’un autographe ou d’un bidon, seul le bus de l’équipe AG2R– La Mondiale stationne encore à Nîmes, où la 15e étape s’est achevée au sprint dimanche 20 juillet. C’est que son leader, Romain Bardet, après avoir roulé cinq heures sous le cagnard puis sous le déluge depuis Tallard (Hautes-Alpes), a dû en passer une de «Monter les cols bondés avec la foule qui s’ouvre devant toi au dernier moment et scande ton nom, ça donne la chair de poule » plus à répondre aux sollicitations médiatiques incessantes depuis le début du Tour. «Ça pompe de l’énergie, les questions sont un peu redondantes, mais ça fait aussi partie du métier, à moi de m’y habituer », explique au Monde le coureur français de 23 ans, qui tolère ce revers de la médaille. Troisième du Tour 2014 à l’entame de la dernière semaine, Romain Bardet crève l’écran. « Je ne pensais pas être en si bonne position après deux semaines de course, reconnaît-il. Avant de partir, je me disais qu’un Top 10 serait déjà une très bonne performance. » Voici le Top 3 à portée de main pour le cycliste de Brioude (Haute-Loire), qui, pour son premier Tour, en 2013, avait terminé 15e et meilleur Français. « Je ne crois pas au podium pour l’instant, tempère-t-il. Je ferai un bilan après les Pyrénées, où je vais devoir prendre du temps, parce que sinon, avec le contre-la-montre [la veille de l’arrivée à Paris], ça va être compliqué. » Plus la route est escarpée, plus il semble à l’aise. Les sommets vosgiens puis alpestres l’ont vu jouer les premiers rôles. Et le grimpeur filiforme (1,84 m, 65 kg) attend avec gourmandise ceux des Pyrénées, que le peloton va arpenter pendant trois jours à partir du mercredi 23 juillet, au lendemain de l’étape de repos à Carcassonne. « Monter les cols bondés, avec la foule qui s’ouvre devant toi au dernier moment et qui scande ton nom, c’est une expérience unique, ça donne la chair de poule. » C’est lors des ascensions du Tour que Romain Bardet se félicite d’être devenu cycliste professionnel, lui quiest toujoursétudianten master à l’école de commerce de Grenoble, etquinecachepasunecertainenostalgie de sa vie d’étudiant-cycliste lecteur du Monde diplomatique. « C’étaient mes meilleures années, j’avais une double vie. Ça m’a permis d’avoir une bonne marge de progression lorsque je suis passé pro et que je me suis consacré à 100 % au vélo, mais j’ai perdu quelque chose niveau ouverture d’esprit. » Ce qu’il expliquait ainsi, en 2013, dans L’Equipe : « En 2011, Romain Bardet et son maillot blanc de meilleur jeune, lors de la 15e étape, entre Tallard et Nîmes, dimanche 20 juillet. CHRISTOPHE ENA/AP PHOTO lorsque j’ai su que je passerais pro, j’allais à la fac vingt-cinq heures par semaine. J’étais spécialisé en droit public international, jem’intéressais de près aux missions des Nations unies, je lisais beaucoup la presse. A la sortie, j’ai eu un choc, j’ai mal vécu la perte d’un lien social. Je ne faisais rien d’autre que rouler, comme si j’avais perdu une part de ma personnalité. » Aujourd’hui, l’intéressé se dit tout de même « content que [ses] performances prennent le dessus, qu’on ne [LE]présente plus seulement comme l’intello du peloton ». Le coureur à la bonne bouille avait pris sa première licence en 2000,deux ansaprès l’affaireFestina, qui ne l’avait pas dissuadé : «J’avais 8 ans. Je ne me souviens pas d’une déception particulière. » Elle arrivera plus tard, avec la révélation de l’arnaque de Lance Arms- «Les enfants de Poulidor» Radar L’ancien entraîneur de Festina, Antoine Vayer, passe au crible les performances des coureurs en montagne Y Les Français sontils condamnés à finir comme l’«éternel second », Raymond Poulidor ? Plus les étapes passent, plus Romain Bardet (3e) et Thibaut Pinot (4e) se rapprochent de la 2e place de Valverde, mais plus ils perdent du temps sur Vincenzo Nibali. L’Italien continue son parcours de santé. A moins que JeanChristophe Péraud (6e), à 37 ans, dans le final de la 17e étape, ne fasse comme Poulidor, à 38 ans, lors de la 16e étape du Tour 1974. Quaranteans après, le Tour arrive de nouveau, mercredi 23 juillet, à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées), avec la même ascension du Pla d’Adet (10 km à 8,4 %). En 1974, avec un temps de 32 min 13 sec, « Poupou » parvenait enfin à distancer le maillot jaune et rempor- tait l’étape avec 1 min 49 sec sur sa bête noire. Le maillot jaune s’appelait Eddy Merckx. En 2014, toutes proportions rapportées, (ca)Nibali est plus puissant que le « cannibale belge ». En tenant compte d’une multitude de paramètres de l’époque, « Poupou » aurait dû, aujourd’hui, développer l’équivalent de 404watts de puissance pour rééditer son exploit. Péraud et les autres Français qui s’illustrent devraient finir dans cette zone verte de puissance moyenne à l’issue du Tour. Ils ont au moins la même « classe » que Poulidor. Las, Nibali, lui, comme à la bonne vieille époque du vélo trafiqué, devrait évoluer au-dessus de la zone suspecte des 410watts. Samedi 19 juillet, dans la montée finale du col de Risoul (Hautes-Alpes), avec 425 watts-étalons, en 28 min 15 sec pour 11,1 km à 6,9 % depuis Guillestre, il n’a pas réussi à totalement se débarrasser de Péraud, collé à sa roue arrière. Une position à l’abri qui a permis au Français d’économiser 15 watts grâce au phénomène d’aspiration et de le suivre. Piqûre de rappel L’Italien voulait, par intérêt pour des alliances futures dans les Pyrénées, laisser gagner le Polonais Majka, membre de l’équipe Saxo-Tinkoff, échappé depuis le départ de l’étape. Lui aussi sera au-dessus de la barre des 410 watts s’il continue comme ça. Rafal Majka, 6e du dernier Tour d’Italie et 2e de l’étape de Chamrousse la veille, était le coéquipier de Contador avant que l’Espagnol n’abandonne. Il a interrompu ses vacances pour remplacer au pied levé Kreuziger, suspendu pour anomalies dans son passeport biologique. Au sommet du col de l’Izoard (9,4 km à 7,66 % depuis Cervières), le Polonais a pu bénéficier de l’aspiration de Joachim Rodriguez (3e du Tour 2013, qui pointe cette année à 1 h 34 de (ca)Nibali). Résultat : 370 watts. Il a ensuite dévalé le « toit du Tour » avec des pointes à 105 km/h et c’est débarrassé de « Purito » qu’il a battu Nibali d’un petit watt (425) dans la montée finale de Risoul. Sans doute s’est-il inspiré du premier Polonais qui ait terminé sur le podium du Tour, Zenon Jaskula. En 1993, flashé à 441 watts miraculeux, il avait battu le record de la montée du col du Pla Le RC Lens lâché par son actionnaire azerbaïdjanais Privé des fonds promis par Hafiz Mammadov, le club voit sa montée en Ligue1 compromise Football G ervais, on veut des réponses! » Massés devant l’hôtel de ville, des centaines de supporteurs lensois ont donné de la voix samedi 19 juillet. Un désaveu notable pour Gervais Martel, l’emblématique président des « Sang et Or ». Depuis trois semaines, l’avenir du Racing Club de Lens (RCL) est suspendu aux 10 millions d’euros que réclame la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) sous peine d’invalider la remontée du club nordiste en Ligue1. Au départ, le dirigeant assurait pouvoircompter sur lemystérieux actionnaire principal qu’il a fait entrer dans le capital du Racing en 2013, Hafiz Mammadov, un hom- me d’affaires azerbaïdjanais. Las, dimanche 20 juillet, Martel a changé de discours : « Ils n’arriveront jamais,ces 10millions», a-t-ilreconnu dans l’émission « Stade 2 ». Désormais, il ne lui reste guère de temps pour s’adapter et conserver le ticket pour la Ligue 1, acquis au mois de mai mais bloqué par le gendarme du football français le 27 juin, puis le 15 juillet en commissiond’appel.«Mêmesansces10millions d’euros, nous allons avoir l’un des dix meilleurs budgets de Ligue 1. Je vais présenter un dossier avec de nouveaux apports sonnants et trébuchants, des apports qui ne viennent pas d’Azerbaïdjan », déclare GervaisMartel auMonde. Montpellier, dixième budget, tournait avec 39 millions d’euros lors du précédent championnat. Alors que la Ligue 1 reprend le 8 août, le président lensois s’apprête à saisir le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), envue d’une« conciliation » avec la Fédération française de football. Martel à court de liquidités Responsable du groupe des Turbulens Calais, Willy Buttez n’a pas participé au rassemblement de samedi mais déplore lui aussi « les relations de Martel avec Mammadov ». Le porte-parole reproche au dirigeant d’avoir placé le destin des Sang et Or dans les mains d’un actionnaire volatil qui a investi 20 millions d’euros à son arrivée à Lens, et qui aurait déboursé 50millions,débutjuin,pouracquérir aussi Sheffield Wednesday, formation de deuxième division anglaise. Déjà à court de liquidités, Gervais Martel avait dû démissionner en 2012. Triste épilogue d’un premierbailcommencéen1988et couronné d’un titre de champion de France en 1998. « En 2013, rappelle l’économiste Bastien Drut, il n’avait plus les moyens financiers de revenir seul à la tête du club. Il aurait pu passer le relais, mais il s’est accroché désespérément et s’est associé à des gens curieux…» Si la situation ne se décante pas, le patron du RCL envisage un ultimerecoursdevantletribunaladministratif du sport, comme les dirigeants du club de Luzenac, privé de Ligue2 pour raisons financières. En attendant, l’entraîneur Antoine Kombouaré refuse de prendre place sur le banc de touche lensois. p Adrien Pécout d’Ade, en mettant 3 min 26 sec de moins que Poulidor. Jaskula avait franchi la ligne d’arrivée devant le duo Rominger-Indurain, clients des docteurs Ferrari et Padilla. Autre temps, autres mœurs, dans un peloton qui comptait l’équivalent de quarante coureurs potentiellement supérieurs à Merckx. On pensait qu’ils étaient oubliés. Nibali et Majka, cornaqués respectivement par Alexandre Vinokourov et Bjarne Riis, élevés dans la culture EPO-tranfusion de l’ère Jaskula, se moquent comme de colin-tampon de Poulidor et des p’tits Français. Ils nous font une piqûre de rappel dans ce Tour dont la moyenne horaire prévisible à Paris sera de plus de 40 km/h. Elle ne sera pas due qu’aux enfants de chœur de Poulidor. p trong. « C’est pas que je l’aimais bien, mais il a bercé mon enfance. Quand je commençais à m’intéresserauvélo, il écrasaittout,il agagné sept Tours de France [1999-2005]. Que tout ça ait reposé sur un mensonge ne suscite que du rejet et du dégoût.» Bardet sait la chance qu’il a de ne pas être né dix ans plus tôt – « la génération avant nous a été complètement sacrifiée » –, affirme avoir«biensûr »confianceen Nibali et se dit conscient de la responsabilité du peloton : « On n’a plus le droità l’erreur. Onn’aura pas le pardon éternel.» « Romain a de bonnes jambes, mais aussi une tête bien faite, le décrit Vincent Lavenu, le manager de l’équipe AG2R, il est très clairvoyant, il a la “vista”, l’intelligence de course, et son intelligence tout court est un atout supplémentaire. Il est très pro, très pointilleux sur l’approche de son métier, volontaire et tenace. Toutes les qualités pour faire un superbe coureur. » Au point de troquer un jour son maillot blanc de meilleur jeune contre le maillot jaune ? « Atteindre un tel niveau, dès sa deuxième participation au Tour, c’est très rare, répond Lavenu. Je ne m’aventurerai pas à dire qu’il pourra un jour gagner le Tour. C’est trop tôt et ce serait prétentieux. Mais rien ne dit qu’il ne le fera pas non plus. » p Henri Seckel Formule 1 Nico Rosberg remporte le Grand Prix d’Allemagne L’Allemand Nico Rosberg a remporté dimanche 20 juillet, le Grand Prix d’Allemagne. L’autre pilote Mercedes, le Britannique Lewis Hamilton, parti 20e sur la grille, s’est adjugé la 3e place sur le circuit d’Hockenheim. Le Finlandais Valtteri Bottas (Williams) a résisté aux assauts du Britannique pour terminer deuxième. Nico Rosberg profite de sa 4e victoire cette saison pour creuser l’écart sur Hamilton en tête du championnat du monde, avec 14 points d’avance. Valtteri Bottas, 24 ans, monte sur le podium pour la troisième fois d’affilée, après une 3e place en Autriche et une 2e place en Grande-Bretagne. Grâce à la 2e place de Bottas, Williams se hisse sur le podium provisoire du championnat constructeurs, derrière Mercedes et Red Bull. Golf Le British Open pour McIlroy Le Nord-Irlandais Rory McIlroy a remporté l’Open britannique, troisième levée du Grand Chelem, dimanche 20 juillet. McIlroy, 25 ans, décroche ainsi le troisième succès de sa carrière en Grand Chelem après l’US Open en 2011 et le championnat PGA en 2012. McIlroy s’est imposé devant l’Américain Rickie Fowler et l’Espagnol Sergio Garcia et a rejoint Tiger Woods et Jack Nicklaus au palmarès des joueurs ayant remporté trois des quatre tournois du Grand Chelem. Il est le premier Européen. 14 0123 disparition & carnet Actrice et chanteuse américaine Elaine Stritch Mardi 22 juillet 2014 äZ 8•+3Z( ®1) V+•3\) Õ$Õ3Z6Z3() ß•R))•3_Z)Ÿ }•/(Ó6Z)Ÿ XR•3Ö•RNNZ)Ÿ 6•+R•VZ)Ÿ •33R$Z+)•R+Z) \Z 3•R))•3_ZŸ •33R$Z+)•R+Z) \Z 6•+R•VZ <$R) \Z \Õ_Ô)Ÿ +Z6Z+_RZ6Z3()Ÿ 6Z))Z)Ÿ _13\1NÕ•3_Z)Ÿ T166•VZ)Ÿ •33R$Z+)•R+Z) \Z \Õ_Ô)Ÿ )1&$Z3R+) 81NN1-&Z)Ÿ _13XÕ+Z3_Z)Ÿ )Õ6R3•R+Z)Ÿ (•}NZ)œ+13\Z)Ÿ /1+(Z)œ1&$Z+(Z)Ÿ X1+&6)Ÿ Q1&+3ÕZ) \ŸÕ(&\Z)Ÿ _13V+Ô)Ÿ /+1QZ_(R13)œ\Õ}•()Ÿ 316R3•(R13)Ÿ •))Z6}NÕZ) VÕ3Õ+•NZ) µ1&(Z3•3_Z) \Z 6Õ61R+ZŸ (TÔ)Z)Ÿ ë5·Ÿ \R)(R3_(R13)Ÿ XÕNR_R(•(R13) ðß/1)R(R13)Ÿ $Z+3R))•VZ)Ÿ )RV3•(&+Z)Ÿ \Õ\R_•_Z)Ÿ NZ_(&+Z)Ÿ _166&3R_•(R13) \R$Z+)Z) En 2012. MICHELE SIU/AP P our vivre, demandez-vous, le samedi, quelle surprise dimanche va vous réserver, et le dimanche, quelle autre vous attend le lundi. Et, entre-temps, prenez votre putain de pied! » C’est en suivant ce principe de vie que l’actrice et chanteuse américaine Elaine Stritch a vécu une existence faite de hauts et de bas, de périodes creuses et de retours triomphaux, au théâtre, au cinéma, à la télévision et sur les scènes de la comédie musicale anglophone. 2 février 1925 Naissance à Detroit (Michigan) 1952 « Pal Joey », de Rodgers et Hart 1987 « September », de Woody Allen 2010 « A Little Night Music », de Stephen Sondheim 17 juillet 2014 Mort à Birmingham (Michigan) Stritch était toujours prête à l’aventure : en 1972, elle quitte New York pour Londres et y revient dix ans plus tard ; à la même époque, elle renonce à l’alcool mais s’y adonne de nouveau, quoique plus modérément, quelques mois avant sa mort, le 17 juillet, à l’âge de 89 ans, à Birmingham (Michigan). Stritch n’a jamais caché son goût pour la boisson, qu’elle consommaitdepuisson adolescence, pour combattre le trac. Elle passait des nuits entières dans les bars de Broadway – avec, entre autres, Judy Garland – et il lui arrivait même, en sortant de scène, de faire office de barwoman vedette… Mais Stritch s’était désintoxiquée après avoir failli mourir d’une crise de diabète, sauvée par un employé d’hôtel, ainsi qu’elle le raconte dans son spectacle autobiographique, Elaine Stritch at Liberty (2001), disponible en DVD et accessible sur YouTube. Cette pétroleuse à la voix rocailleuse (elle fut aussi une grande fumeuse), qui se présentait le plus souvent en simples bas et talons noirs surmontés d’une chemise d’homme blanche, était l’une des natures les plus volcaniques de la scène anglo-saxonne. Comme sa consœur Bea Arthur (1922-2009), la grande duduche des Golden Girls, Stritch pouvait raconter des histoires à faire rougir un légionnaire et garder cependant une allure de parfaite grande dame. Elle ne souffrait pas les imbéciles, les tristes, les prudes et les fâcheux. Mais cette façade de dure à cuir et de rigolote cachait une nature plus sombre : « Ma force, c’est de pouvoir transformer par l’humour le quotidien », dit-elle pudiquement dans un documen- taire publié par le site Internet du New York Times. La France la connaît essentiellement pour ses rôles au cinéma, notamment dans Providence (1977) qu’Alain Resnais (grand amateur de comédie musicale) avait distribué comme un quintette musical « dont Ellen Burnstyn serait le violon, Dirk Bogarde le piano, David Warner l’alto, John Gielgud le violoncelle, Elaine Stritch la contrebasse », rappelait Jean-Luc Douin dans Le Monde du 3 décembre 2003. Son plus beau rôle sur grand écran lui a été fourni par Woody Allen dans l’élégiaque September (1987). Il n’avait pas été pensé pour elle, mais il lui allait comme un gant. Allen l’emploiera à nouveau dans Escrocs mais pas trop (2000). Née à Detroit, le 2 février 1925, dans une famille aisée, Elaine Stritch s’entiche du théâtre dès l’âge de 4 ans après que son père l’eut emmenée voir les fameuses Ziegfeld Follies. En 1944, elle veut étudier à New York, à la New School, avec Erwin Piscator, ce que ses parents acceptent à la condition qu’elle loge dans un couvent. Elle fera le mur et les quatre cents coups. Mais la jeune fille est moins délurée qu’elle ne le paraît : encore vierge (elle le restera jusqu’à l’âge de 30 ans), elle refuse, effarouchée, les avances de Marlon Brando, son camarade de la New School. Des débuts à 15 ans Elledébute à15ans,est ladoublure d’Ethel Merman (qui n’annule pasune seulereprésentation!)dans Call me Madam (1950), d’Irving Berlin, et tient son premier grand rôle, en 1952, dans Pal Joey (créé en 1940), de Rodgers et Hart. Noël Coward lui destine les chansons les plus marquantes de son Sail Away (1961). Au théâtre, elle joue Qui a peur de Virginia Woolf ? (1962), Délicate balance (1965), d’Edward Albee, ou, à contre-emploi, Nell dans Fin de partie (1957), de Samuel Beckett, en 2008. Elle incarnera dix-neuf productions à Broadway, dont la dernière, A Little Night Music (1973), de Stephen Sondheim, en 2010. Une ancienne relation liait Stritch à Sondheim, le « génie de Broadway ». Elle avait été, dans Company (1970), la créatrice du rôle de Joanne, une femme « entre deux âges », au gosier pentu et aux répliques mordantes. Elle y crée « The LadiesWho Lunch », devenue l’un des « tubes » de Sondheim. Stritch faisait un tabac partout avec deux autres pages du compositeur : « Broadway Baby » et, surtout, « I Am Still Here», extraites de Follies (1971). Ces confessions d’une ancienne showgirl passée par et revenue de tout semblent son plus exact autoportrait. p Renaud Machart ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 S †g _Y dW dW dW †g _Y dW dg b\ Xx)0T'-3,%vKNXN'T‰R) AU CARNET DU «MONDE» Naissance Gabrielle est fière d’annoncer la naissance de sa sœur, ont le chagrin d’annoncer le décès de ont la tristesse de faire part du décès de Jacques THENON, M. Jean-Marie CIERCO, secrétaire général de l’Association Valentin Haüy de 2009 à 2013, administrateur et membre du bureau, survenu le 11 juillet 2014. La cérémonie religieuse a été célébrée au Relais Paroissial Saint-Jean XXIII, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Nous rendons hommage à cet homme d’un engagement exceptionnel et nous nous associons à la douleur de la famille, à laquelle nous présentons nos plus vives condoléances. Didier Davydoff et Marika Umminger, Christian et Hélène Davydoff, Catherine Davydoff et Jean-Jacques Cadic, ses enfants, Laure, Lucile, Antoine, Caroline, Sarah, Solène, Léa, Valentine et Benjamin, ses petits-enfants Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de Michel DAVYDOFF, survenu le 18 juillet 2014, à Neuilly-sur-Seine. Un dernier hommage lui sera rendu le mercredi 23 juillet, à 9 h 45, au funérarium des Batignolles, 1, boulevard du Général Leclerc, à Clichy (Hauts-de-Seine). L’inhumation aura lieu à 16 h 30, au cimetière de Saint-Laurent-sur-Mer (Calvados). Ses amis, ses amies ont la tristesse de faire part du décès de René Boris GERARD, survenu le 26 juin 2014, en son domicile de Vincennes. L’inhumation aura lieu au cimetière de Fontenay-sous-Bois, le 23 juillet, à 11 heures. Roxane, le 25 mai 2014. Se joignent à elle, avec une grande joie, Delphine BERDAH et Thierry LAUNAY, ses parents. Décès Sa famille, Ses amis et ses amies, Andréa, sa mère et Pascale, ont la tristesse de faire part du décès de Yann ANDRÉA. La cérémonie religieuse aura lieu le mardi 22 juillet, à 10 heures, en l’église Saint-Germain-des-Prés, à Paris 6e. L’inhumation aura lieu au cimetière du Montparnasse, Paris 14e. (Le Monde du 16 juillet.) Perros-Guirec. Paris. Mme Attal, née Aline Le Goff, son épouse, François et Sophie Attal, son fils et sa belle-fille, Ses petits-enfants, Les familles Attal et Modigliani, ont la tristesse de faire part du décès de M. Jean-Pierre ATTAL, survenu le vendredi 18 juillet 2014. La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 22 juillet, à 14 h 30, en l’église de Loguivy-lès-Lannion. Talence. Paris. Roscoff. Françoise Bourrouilh-Le Jan, son épouse, Clothilde et Antoine, ses enfants, Hippolyte, Prosper, Juliette et Amaury, ses petits-enfants, Grégory Texier, son gendre, ont la très grande douleur de faire part du décès de Robert BOURROUILH, ancien assistant de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris-Sorbonne, ancien maître-assistant à l’université Pierre et Marie Curie (Paris 6), professeur des Universités, à Pau puis à Bordeaux, le 16 juillet 2014, en sa soixante-seizième année. La messe aura lieu en l’église de Roscoff (Finistère), le 22 juillet, à 10 h 30. 132, rue Lamartine, 33400 Talence. Le conseil d’administration, Les membres, Les bénévoles Et les salariés de l’Association Valentin Haüy au service des aveugles et des malvoyants, Jannic Durand, son compagnon, Jean-Michel Petit, son frère, et Jean-Pierre Cantorné, Béatrice Petit, sa sœur, Laurence Péaud-Lenoël et Enzo Manfredi, son filleul, Leurs familles Et amis, ont la très grande douleur de faire part du décès de M. Nicolas PETIT, archiviste-paléographe, conservateur en chef à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, Mme Jacques Thenon, née Weil, Sa belle-famille, Ses amis, 94, boulevard Beaumarchais, 75011 Paris. Fidèle lecteur du Monde depuis les années 1950 et homme de grande culture. Les obsèques ont eu lieu dans la plus grande intimité. Mercredi 23 juillet 2014, à 12 heures. Lecture des noms des déportés des convois n°80. Dreux. Le docteur Xavier et Elisabeth Pichot, Les docteurs Marie-France et Alain Sanchez, Martine Tostivint, René-Pierre et Anita Tostivint, Jean-Noël Tostivint, ses enfants, Mémorial de la Shoah 17, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e. Renseignements : FFDJF. Tél. : 01 45 61 18 78. Email : klarsfeld.ffdjf@wanadoo.fr Concert ont la douleur et le chagrin de faire part du décès de M. le docteur René TOSTIVINT, ancien interne des Hôpitaux de Paris, chirurgien honoraire de l’hôpital de Dreux, survenu le 18 juillet 2014, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Les obsèques auront lieu le jeudi 24 juillet, à 14 h 30, en l’église Saint-Pierre de Dreux. tostivint.martine@orange.fr Erik Goger, son frère, Claude, Geneviève, Francis, Alexis, Dimitri, ses neveux et nièce, Huguette, Aimée, ses belles-sœurs, leur famille, Ses amis, ont la douleur de faire part du décès de Mme Hélène WEISS, survenu le mercredi 9 juillet 2014, dans sa quatre-vingt-cinquième année. L’inhumation a eu lieu le mercredi 16 juillet, au cimetière de l’Est de Boulogne-sur-Mer. Souvenir Tarnac. Pour Philippe MICHEL, 22 juillet 2004. « Ils disent tu es mort Tu me fais vivre encore... Tu me désignes ici ma place de vivant. » F. et A. Hommage Tanques. Paris. São Paulo. Boulogne. Ses enfants, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants, Famille Et amis, ont la tristesse de faire part du décès de Commémoration de la déportation des Juifs de France par l’association « Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France », avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Cérémonie à la mémoire des déportés des convois n°80 partis, il y a 70 ans, les 2 et 3 mai et les 21 et 23 juillet 1944 du camp de Drancy pour le camp de Bergen-Belsen avec à leur bord 261 personnes. survenu le 15 juillet 2014, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. le 15 juillet 2014. La cérémonie religieuse sera célébrée en l’église Saint-Denys du SaintSacrement, rue de Turenne, Paris 3 e, le mardi 22 juillet, à 10 h 30. Commémoration Jean-Pierre FALQUE-PIERROTIN, 20 octobre 1939 - 19 juillet 2012. « Tout vient des êtres. » Henry de Montherlant. Le Fonds de dotation Robert-Debré / Paris Ile-de-France organise au profit des enfants malades de l’hôpital universitaire Robert-Debré (AP-HP) un concert en l’église Saint-Eustache, à Paris 1er, le 24 septembre 2014, à 20 heures. Ce concert placé sous le Haut patronage de M. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, bénéficie du soutien de l’association « Jeunes Talents », avec le Quatuor Hanson et Juliette Adam, clarinette. Au programme • Le quatuor n°6 en fa mineur de F. Mendelssohn, • Le quintette pour clarinette et cordes en la majeur de W.A. Mozart. Prix des places • Non numérotées : 30 € • Carré Or avec cocktail et rencontre avec les artistes : 100 €. Réservations À partir de début août, par internet : www.jeunes-talents.org Places Carré Or, par courrier ou téléphone, auprès du fonds de dotation www.fonds-dotation-robert-debre.fr Contacts jean-claude.kervot@rdb.aphp.fr Tél. : 01 40 03 53 57. 9/$0+%+ +&0%B0$- &, ) ?/4&- ' 95 =B+#0&-4% &, &0B-$%/0B-C &0B-$%-,B &- 2A 8,!20$A%0/4 9N:@A C,;MJ:A <0B-$%-,B &, ) ?/4&-'C .-.!B- &, &0B-$%/0B"@$$;A 3>6 <N#; <0B-$%-,B &-# B+&A$%0/4# =8,LP; &;6N1$@N <0B-$%B0$- &+2+1,+- E 2D/B1A40#A%0/4 &-# B+&A$%0/4# &,>6HN@A; 0N3N <0B-$%-,B# A&6/04%# &-# B+&A$%0/4# 9:K O,N66;,* ),6>:% 9;/>,P;6#@;,* F8K@$; G,@;:, <0B-$%-,B# +&0%/B0A,F "8,>,% FN:,#N@A* )$>@6 &,>KDN6* 2M$3@; <>:JJP>66 :+&A$%B0$- -4 $3-* ) ? @- .A1A(04- &, ?/4&- ' 5>,@;BG@;,,; 9>66;$N61:; :+&A$%-,B# -4 $3-*C B-#8/4#A!2- &- 2A B+&A$%0/4 4,.+B07,- +@6K;6# &>1N#* 4>7@$ E>'@P :+&A$%-,B# -4 $3-* -% $3-*# &- #-B"0$FD,@A#N/D; )M>% .!6#;,6>#@N6>$-* 0DNP>A E@;%;, .&,>6K;-* +@,1@6@; 5>$@61,; .?KN6NP@;-* ):,8$@>6N 0N6;# .F:$#:,;:+&A$%-,B# -4 $3-* ) &+"-2/88-.-4% +&0%/B0A2 ' =:$@;6 9>,NKD;B=N:7;,# .G,N(;#A-* "(%&#%' $(!#' .C@3;,A@J@K>#@N6A* ?386;P;6#A* G>,#;6>,@>#A>3-* &D+&0%0/4 FD,@A#@>6 5>AAN$ <0B-$%-,B AB%0#%07,- ),@A G>/>#D8N%N,N: =3/%/1BA830- 4@KN$>A =@P;6;I ;4*/1BA830- ?,@K O8I@># ?+&0A%-,B G>AK>$ ">$@6@;, 9-$B+%A0B- 1+4+BA2- &, 1B/,8- F>#D;,@6; =N$M 9-$B+%A0B- 1+4+BA2- &- 2A B+&A$%0/4 FD,@A#@6; 9>1;# >/4#-02 &- #,B"-022A4$- G@;,,; O;,18* /,8A@%;6# Mme Jacqueline REMOVILLE, née DÉMOULIN, survenu dans sa quatre-vingt-treizième année. La cérémonie religieuse aura lieu le 23 juillet, à 10 h 30, en l’église SaintMartin de Meudon. La famille rappelle à votre souvenir son époux, äZ 8•+3Z( <3313_ZÜ $1) Õ$Õ3Z6Z3() _&N(&+ZN) Michel, décédé le 19 octobre 1994. Ses enfants, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants Et toute sa famille, ont la tristesse d’annoncer le décès de ã/.0)O(O02) ¨U+2O))yRU) *055&2OZy(O02) WO$U+)U) Stepha SKURNIK, née Régine LEMBERGER (Stepha dans la Résistance), survenu le 18 juillet 2014, dans sa quatre-vingt-dix-septième année. Ses obsèques auront lieu au cimetière parisien de Bagneux, le mardi 22 juillet, à 15 h 30. Cet avis tient lieu de faire-part. º1&+ (1&(Z R3X1+6•(R13 e —x pj uh uh uh —x pj uh ux sm _•+3Z(?6/&}NR_R(ZšX+ ²•+RX e dU ! ²²8 º+Rß á N• NRV3Z 0123 météo & jeux Mardi 22 juillet 2014 Reykjavik 18 25 Rennes 1005 18 27 15 28 Dijon Poitiers Clermont-Ferrand 15 22 14 24 20 km/h 1010 18 24 Montpellier Toulouse Nice Marseille 20 31 16 26 20 27 21 31 Séville Ste Marie-Madeleine Coeff. de marée 48/50 Jours suivants Jeudi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est Ajaccio 70 km/h 18 27 Lever 02h36 Coucher 18h03 Lever 06h09 Coucher 21h42 Le ciel restera assez chargé sur la moitié Est avec quelques averses, voire des pluies plus continues de l'Alsace à la région Rhône-Alpes. Une petite instabilité orageuse va s'attarder du sud des Alpes à la Côte d'Azur jusqu'en Corse. Le soleil sera beaucoup plus présent vers les côtes de la Manche, les régions proches de l'Atlantique et autour du golfe du Lion. Températures de saison, un peu fraîches en Rhône-Alpes, élevées sur l'ouest. Mercredi 16 27 14 24 18 28 16 27 17 28 15 27 16 29 17 27 16 29 19 28 Occlusion Thalweg D Athènes Tunis Tunis FRANCE 3 Beyrouth Tripoli Tripoli Le Caire Jérusalem bienensoleillé 17 bienensoleillé 26 bienensoleillé 21 aversesorageuses 19 assezensoleillé 18 pluiemodérée 15 averseséparses 16 pluiesorageuses 20 bienensoleillé 19 beautemps 18 assezensoleillé 16 bienensoleillé 13 16 beautemps 23 beautemps 16 bienensoleillé 23 beautemps 16 beautemps pluiesorageuses 16 16 bienensoleillé 17 averseséparses 19 beautemps 11 beautemps 27 bienensoleillé soleil,oragepossible 16 pluiesorageuses 18 enpartieensoleillé 13 24 30 26 28 27 20 27 29 34 24 21 24 24 28 27 24 27 30 26 28 34 25 33 26 26 17 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb beautemps soleil,oragepossible soleil,oragepossible beautemps beautemps soleil,oragepossible bienensoleillé soleil,oragepossible beautemps pluiesorageuses 15 20 15 17 16 22 18 18 17 16 25 26 31 25 23 29 28 30 28 28 Alger beautemps Amman beautemps Bangkok cielcouvert Beyrouth bienensoleillé Brasilia bienensoleillé Buenos Aires fortesaverses Dakar assezensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai bienensoleillé Hongkong soleil,oragepossible Jérusalem beautemps Kinshasa beautemps Le Caire beautemps Mexico soleil,oragepossible Montréal bienensoleillé Nairobi nuageux 18 19 26 27 14 14 25 26 31 29 19 22 23 12 19 14 30 31 31 31 23 17 26 30 40 32 28 34 36 23 28 22 Dans le monde New Delhi assezensoleillé bienensoleillé New York enpartieensoleillé Pékin beautemps Pretoria beautemps Rabat Rio de Janeiro bienensoleillé enpartieensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible bienensoleillé Sydney beautemps Téhéran assezensoleillé Tokyo beautemps Tunis Washington soleil,oragepossible Wellington aversesmodérées Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis soleil,oragepossible soleil,oragepossible bienensoleillé bienensoleillé soleil,oragepossible bienensoleillé 32 42 20 27 25 33 3 16 20 29 17 25 21 29 27 32 11 17 28 38 23 30 22 30 21 31 8 10 24 27 17 25 27 22 31 28 22 25 28 26 Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h Vendredi Samedi 16 28 16 28 16 29 19 29 18 28 19 29 17 27 17 28 16 27 17 29 18 29 18 30 21 34 22 34 22 34 NOUVEAU HORS-SÉRIE “Connaître les religions pour comprendre le monde” 3 4 5 6 7 9 Film Jean-Pierre Jeunet. Avec Dany Boon, André Dussollier, Nicolas Marié (France, 2009). 22.25 Météo, Soir 3. 23.05 Les Rois du désert p Film David O. Russell. Avec George Clooney, Mark Wahlberg, Ice Cube (EU, 1999, 110 min) V. CANAL + 20.55 Hemingway & Gellhorn. Téléfilm. Avec Nicole Kidman, Larry Tse (EU) V. 23.20 Spécial investigation. Au cœur du gang le plus dangereux du monde V. 0.15 L’Œil de Links. Spécial robots (25 min). 20.40 Un village français. Série. Le Train. Un jour sans pain (S4, 1 et 2/12). 22.15 C dans l’air. Magazine. 23.35 Les Mystères du passé. [1/6] Au cœur des pyramides d’Egypte (50 min). ARTE 20.50 Un drôle de paroissien p Film Jean-Pierre Mocky. Avec Bourvil, Francis Blanche, Jean Poiret, Jean Yonnel (Fr., 1963, N.). 22.15 Dernier étage, gauche, gauche pp Film Angelo Cianci. Avec Hippolyte Girardot, Fellag, Aymen Saïdi, Judith Henry (Fr., 2010). 23.50 La Lucarne - Chez moi dans mon village. Documentaire (85 min). Episode 7. Télé-réalité. 23.20 Nouveau look pour une nouvelle vie. Julie et Eve (155 min). Solution du n˚14-171 TF 1 20.55 Joséphine, ange gardien. Série. Paris-Broadway. Avec Mimie Mathy. 22.55 New York unité spéciale. Série. Venin familial U. La Brebis galeuse V (S7, 18 et 13/22) ; Le Complice imaginaire (saison 1, 20/22) U. Avec Ludacris (140 min). FRANCE 2 20.47 Secrets d’Histoire. Les Courtisanes: la Pompadour ou le roi amoureux. 22.35 Les Promesses de l’ombre ppp Film David Cronenberg. Avec Viggo Mortensen, Naomi Watts (Coprod., 2007, audiovision) W. 0.17 Nuits d’été : Elektra. Opéra de Strauss. Avec Evelyn Herlitzius (98 min). FRANCE 3 20.45 Enquêtes réservées. Série. La mort n’oublie personne. Beauté fatale. Routards du crime (saison 5, 2 à 4/8). 23.15 Météo, Soir 3. 23.45 Pétanque. Finale. A Nice (65 min). CANAL + 20.55 Michael Kohlhaas pp Film Arnaud des Pallières. Avec Mads Mikkelsen, Mélusine Mayance (Fr. - All., 2013) U. 22.50 La Maison de mon père Film Gorka Merchán. Avec Carmelo Gómez, Juan José Ballesta (Espagne, 2008) U. 0.25 Les Beaux Jours p Film Marion Vernoux. Avec F. Ardant (90 min) U. FRANCE 5 20.50 L’amour est dans le pré. Sudoku n˚14-172 8 20.45 Micmacs à tire-larigot p M6 CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Mots croisés n˚14-172 2 Dépression Front froid Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 D En Europe 20 31 Aujourd’hui A Anticyclone 1005 Bucarest Istanbul Rabat Front chaud Série. Ile privée (S3, 7/8) ; Carnaval de sang. Le Baiser de Judas (S1, 7 et 8/8) ; Meurtre à la plantation (S2, 1/8) U. Avec Sara Martins. 0.55 Ma vie pour la tienne Film. Nick Cassavetes. Avec Abigail Breslin, Cameron Diaz (Etats-Unis, 2009, 100 min). Ankara Alger 1025 Sofia Rome 20.47 Meurtres au paradis. Odessa Asie Le typhon Matmo se rapprochera de Taiwan Perpignan Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Zagreb Belgrade Série. Reine de carreau. As de cœur (S7, 23 et 24/24) U ; La Meute. Du berceau à la tombe (saison 5, 4 et 5/23) V. Avec Joe Mantegna. 0.15 Dr House. Série. Permis de tromper. Le Copain d’avant (S6, 18 et 19/21). Avec Hugh Laurie (100 min). FRANCE 2 Kiev 1010 Budapest D Lisbonne Lisbonne A Biarritz Munich Vienne Barcelone Barcelone Madrid 15 21 15 27 Berne Milan Grenoble Moscou Copenhague Bruxelles Paris D Lyon 0 17 101 23 Bordeaux 20 km/h Londres 15Chamonix 10 10 15 T St-Pétersbourg Minsk 20 10 Berlin Amsterdam Varsovie 5 01 1Prague Dublin 1020 17 22 14 27 Limoges 16 20 Edimbourg 1005 1015 Besançon 15 26 Nantes Strasbourg 18 25 Orléans 14 27 Helsinki Riga D Metz 20.55 Esprits criminels. AOsloStockholm 15 Mardi22 juillet TF 1 5 16 26 PARIS 12 25 13 25 www.meteonews.fr Châlonsen-champagne Caen Brest Lundi 21 juillet 16 25 15 24 Les soirées télé > 40° 5 01 Amiens Rouen 35 à 40° 25 Lille 30 à 35° 15 20 km/h 1 0 122.07.2014 12h TU 15 10 25 à 30° 100 20 km/h 15 23 20 à 25° En Europe 10 16 26 Cherbourg 15 à 20° 0 Mardi 22 juillet Amélioration par l’ouest 10 à 15° 10 5 à 10° 102 0 à 5° -5 à 0° 10 < -5° écrans FRANCE 5 20.40 Vivre loin du monde. [4/4] Nouvelle-Zélande. Documentaire. 21.25 Vu sur Terre. [1/6] Croatie. 22.15 C dans l’air. Magazine. 23.25 2e Guerre mondiale en couleur. [8/13] La Revanche de Staline (50 min). ARTE 20.50 Evasion fiscale. Le Hold-Up du siècle. Documentaire (2013). 22.25 Histoire - 1939-1944, journal d’un commandant de camp. 23.20 Les Maldives : Le Combat d’un président p Film Jon Shenk. Documentaire (EU, 2011, 90 min). M6 20.50 Scandal. Série. Les Dessous de Washington. Tous les chemins mènent à Fitz. Espion es-tu là ? (S2, 4 à 6/22). 23.25 The Good Wife. Série (saison 3, 8 à 10/22, 160 min) U. 0123 hors-série 10 1 1 12 I II III IV V VI VII VIII IX X Horizontalement I. Gendarme couché en ville. II. Pour connaître l’importance des choses. III. Désordre mental. Un bain qui a mal coulé. IV. Ouvre le choix. Sans le moindre effet. Attend les retours en cave. Fond de marc. V. Se bat pour les travailleurs, en principe. Le bruit d’une pression. Capitale de l’empire songhaï. VI. Constructeur de locomotive avec son h. Assez sombre. VII. Règle. Font remonter bruyamment. VIII. Egalement. Brille de mille feux. IX. Mettais de côté. Fera preuve d’attachement. X. Rendras indispensable Solution du n° 14 - 171 Horizontalement I. Infroissable. II. Nains. Oiseux. III. TVA. Caisse. IV. Ri. Rang. Arte. V. Ignorants. Ic. VI. Gain. Ai. Net. VII. Atteint. Nono. VIII. Néroli. Bât. IX. Tue. Orcanète. X. Ereutophobie. Verticalement 1. Fin brutale. 2. Avec elle, vous n’y verrez pas grand-chose. 3. Très fatigué. Dans le tas. Lettre du coach. 4. Ses bois sont aplatis en éventail. Dame cochonne. 5. Pas très dégourdi. Sortie de la caisse. 6. Confectionnons les ciseaux à la main. 7. Feu intérieur. Suivis plus ou moins bien. 8. Sur la portée. Romains. Passé à l’huile. 9. Besoin qu’il faut satisfaire. Opinion défavorable. 10. Prépare au pouvoir. Poncer finement. 11. Est passé du V2 à Saturn. Dieu à tête de faucon. 12. Tombas sur un obstacle. Philippe Dupuis Verticalement 1. Intrigante. 2. Navigateur. 3. Fia. Nitrée. 4. RN. Ronéo. 5. Oscar. Ilot. 6. Ana. Niro. 7. Soignât. CP. 8. Sis. Ti. Bah. 9. Assas. Nano. 10. Béer. Noteb (béton). 11. Lu. Tien. Ti. 12. Expectorée. Loto De Camus aux Pussy Riot Résultats du tirage du samedi 19 juillet. Générations 8, 29, 43, 44, 45 ; numéro chance : 6. rebelles Rapports : 5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ; 5 bons numéros : 290 093,40 ¤ ; 4 bons numéros : 1 673,80 ¤ ; 3 bons numéros : 13,90 ¤ ; 2 bons numéros : 6,00 ¤. Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées. Joker : 1 016 468. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. 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Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») Dans son essai, L’Homme révolté, Camus écrit : « Je me révolte, donc nous sommes. » Pour lui, l’homme doit se révolter afin d’exister… C’est autour de cette réflexion sur la nécessité de la révolte que s’articulent les contributions que nous publions, en particulier celles de Michel Onfray, William Bourdon, Michelle Perrot et Jean-Michel Ribes. En amont des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, qui auront lieu du 9 au 12 octobre prochain, Le Monde publie un hors-série consacré à tous les grands rebelles, révolutionnaires et révoltés des XXe et XXIe siècles. GÉNÉRATIONS REBELLES Un hors-série du « Monde » Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique 16 0123 analyses & débats Mardi 22 juillet 2014 Front national : l’erreur des juges de Cayenne ANALYSE par Elise Vincent Service France I l est des erreurs de jugement qui ne se voient pas de prime abord. La condamnation, le 16 juillet, par le tribunal correctionnel de Cayenne (Guyane), d’AnneSophie Leclère, ex-candidate du Front national aux élections municipales de Rethel (Ardennes), est de celles-là. A la surprise générale, la militante frontiste a été condamnée à neuf mois de prison ferme, cinq ans d’inéligibilité, et 50 000 euros d’amende pour avoir publié, sur sa page Facebook, un photomontage comparant la garde des sceaux, Christiane Taubira, à un singe. Une sentence exceptionnelle pour ce genre d’infraction, où l’usage avait habitué aux peines avec sursis. Dès l’annonce de sa condamnation, deux types de réactions ont émergé. D’abord le satisfecit, du côté des associations antiracistes – « La candidate FN et le FN condamnés à juste titre », s’est ainsi réjoui SOS racisme. Puis, très vite, sont venues les interrogations : la peine est-elle trop sévère ?, se sont enquis beaucoup d’observateurs. Elle est « peut-être trop lourde », a glissé la sénatrice EELV Esther Benbassa, tandis que, dans un autre registre, le maire et député UMP des Alpes-Maritimes Christian Estrosi a, lui, jugé la sentence « pas excessive » mais s’est demandé « pourquoi on n’appliquait pas la même règle » en cas d’insultes de « certains milieux communautaires ». En réalité, le débat n’était pas là. La peine à laquelle a été condamnée l’ex-candidate FN n’est ni clémente ni indulgente. Mais elle est en grande partie liée à l’absence de Mme Leclère à l’audience. La jeune femme n’était même pas représentée par un avocat. Alors, comme pour des milliers de procès anonymes chaque année, les magistrats en ont pris ombrage et ont eu la main lourde. Cayenne n’est évidemment pas la porte à côté pour une Ardennaise. Mais, la plainte ayant été déposée par le parti politique de Mme Taubira en Guyane – le mouvement Walwari –, c’est bien à Cayenne que devait avoir lieu le procès. Il n’y a aucune ambiguïté à chercher dans le jugement à l’encontre de l’ancienne candidate frontiste. En matière de racisme, le droit est clair. Pour l’« injure publique » à caractère racial – soit le fait « d’invectiver » quelqu’un, même de manière allusive –, la loi du 29 juillet 1881 prévoit jusqu’à six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende. En matière de « provocation publique » – soit le fait « d’inciter au rejet » d’une personne – à la discrimination, à la haine, à la violence nationale, raciale ou religieuse – la peine maximale monte jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende. Avec son photomontage publié sur sa page Facebook, Mme Leclère entrait dans le champ de ces deux infractions. Si débat il pourrait y avoir, c’est sur l’efficacité de la pénalisation de l’injure ou de la provocation raciale en matière de lutte contre le racisme. Les Etats-Unis ont fait un choix totalement différent.Outre-Atlantique, au nom de la « liberté d’expression » et du sacro-saint premier amendement de la Constitution, le photomontage de Mme Leclère n’aurait été passible d’aucune poursuite. Pour beaucoup d’associations américaines qui luttent contre la haine raciale ou religieuse, la pénalisation – particulièrement lorsqu’elle concerne des propos sur Internet – n’est pas la solution. Seule la prévention compte. « Une insulte au droit » Il existe toutefois une vraie erreur de jugement dans la sentence prononcée par le tribunal de Cayenne. Et elle ne peut souffrir, elle, aucun débat. Elle a été soulevée tardivement car passée au second plan devant la surprise des neuf mois ferme infligés à Mme Leclère : il s’agit de la condamnation connexe du Front national à 30 000 euros d’amende. Le Monde a interrogé plusieurs juristes sur le sujet, et aucun, malgré un rejet sans ambiguïté des idées du FN, n’a pu défendre juridiquement l’amende imputée au parti frontiste. « C’est absolument ridicule, indéfendable, c’est une Une Russie de moins en moins démocrate Moscou s’éloigne des valeurs de l’Occident Svetlana Alexievitch L Ecrivain ’empire rouge, celui de l’URSS, a été bâti par Staline,dontLéninedisait qu’ilétaitunamateur de « plats épicés ». Aujourd’hui, c’est Poutine qui nous cuisine son plat épicé. Les étagères vides dans les magasins et les queues pour le papier toilette font désormais partie du passé, mais l’aisance n’a pas mené à la démocratie,elleafaitressurgirunétatd’espritimpérialiste.Lerêve russe,c’estd’être ungrand empire etd’inspirer la peur. Les interviews éclair que j’ai réalisées dans les rues de Moscou se terminaient toujours de la même façon : « D’abord, ça a été les Jeux olympiques de Sotchi, ensuite, on a repris la Crimée. Et maintenant, on a gagné le championnat de hockey !» Une plaisanterie populaire : « Tout le monde pensait que la Russie était à genoux, et pendant ce temps-là, elle était en train de lacer ses rangers… » On a répété pendant vingt ans que l’on construisait unpays occidental,maislafine couchedelibéralisme a disparuen un clind’œil. Finidejouer à l’Occident.L’Occident manque de sensibilité, il est pragmatique, alors que la Russie, elle, c’est la bonté, la spiritualité. L’Occident est en pleine dégénérescence, et Poutine endosse le rôle de défenseur des valeurs traditionnelles. La Russie est maintenant un pays fondamentaliste. Il est dangereux de reconnaître que l’on est athée et d’entamer une discussion là-dessus. Des brigades de volontaires traquent les homosexuels dans les rues, ils les tabassent. Ils peuvent même aller jusqu’à les tuer. Une campagne pour interdire les McDonald’s a commencé sur Internet. En quelques jours, des dizaines de milliers de signatures ont été recueillies. Les patriotes incitent à prendre ses vacances uniquement en Russie, et l’Etat promet de verser une somme non négligeable à ceux qui iront passer leurs congés en Crimée. L’amour pour cette nouvelle Russie poutinienne se paie avec de l’argent. Il est déjà devenu suspect de parler des langues étrangères, et ne pensez plus à la Sorbonne, faites vos études chez nous ! On s’emploie à restreindre les voyages des chercheurs russes à l’étranger. Le Parlement a adopté une loi spéciale interdisant l’adoption d’orphelins russes par des étrangers – même des enfants malades, qui vont végéter dans nos orphelinats où l’on manque souvent de choses aussi élémentaires que l’iode et les bandes velpeau. Il est vrai que les parlementaires, eux, se font soigner à l’étranger, qu’ils envoient leurs enfants étudier dans les universités occidentales, qu’ils cachent leur argent dans des banques occidentales, et qu’ils achètent des biens immobiliers là-bas. Le peuple et les dirigeants vivent dans des pays différents. La Russie se tourne vers l’Orient. L’Eurasie est à la mode. Une Union eurasienne, pour contrebalancer l’Union européenne. Nous ne sommes plus l’Europe. A la télévision, on voit tous les jours des émissions sur la Chine. Maintenant, elle est une alliée de la Russie. Depuis un an, les opinions favorables à la Chine ont augmenté de 40 %. Le Kremlin déclare ouvertement que l’Occident a toujours été et reste toujours le principal ennemi de la Russie. On l’accuse de tout : de la chute de l’URSS, de la catastrophe de Tchernobyl, du naufrage du Koursk, le sous-marin nucléaire. Même Internet, ce sont les servi- cessecretsoccidentaux quil’ontinventé. Quantaudollar,c’est unbout de papier quine vautrien. Etla Crimée est à nous ! La Russie a lancé un défi au monde, et elle devient le lieu de ralliement de toutes les forces antioccidentales. Sesarguments:l’armeatomiqueetles ressourcesénergétiques.Son triomphe luimonte àla tête,elle fait penseraujourd’hui à lasociété allemande des années 1930. Selon les derniers sondages, 71 % de la population reconnaît être plutôt hostile au monde occidental, surtout à l’Amérique. Une nouvelle vague d’émigration a commencé, la plus massive depuis la chute de l’URSS. Ce sont les meilleurs qui s’en vont, ceux qui croyaient construire une Russie européenne dans laquelle ils voulaient vivre. S’ils ne partent pas eux-mêmes, ils envoient leurs enfants à l’étranger. Et il est de plus en plus fréquent de rencontrer dans les écoles et les hôpitaux moscovites des enseignants et des médecins tadjiks ou ouzbeks. Les enseignants et les médecins russes sont partis. Pas besoin de lire les journaux, il suffit d’écouter les gens dans les queues devant les consulats européens à Moscou pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui en Russie. Je leur ai posé l’éternelle question russe : « Que faire ? » Tout le monde m’a répondu : « C’est le moment de filer. » « Dans les années 1990, on rêvait de faire de la Russie un pays occidental, m’a dit un autre. Désignons un Mauricien à la tête de la francophonie M. de l’Estrac a notre soutien V ¶ Le dernier ouvrage de Svetlana Alexievitch traduit en francais est La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement, traduction de Sophie Benech (Actes Sud, 2013). LA CONDAMNATION DU PARTI FRONTISTE À UNE FORTE AMENDE EST JURIDIQUEMENT INDÉFENDABLE elise.vincent@lemonde.fr Collectif La Russie a lancé un défi au monde, et elle devient le lieu de ralliement de toutes les forces antioccidentales. Son triomphe lui monte à la tête, elle fait penser aujourd’hui à la société allemande des années 1930 Moi, je travaillais à l’association Mémorial, on recueillait la terrible vérité sur les répressions staliniennes. Mais maintenant, personne n’a besoin de ça. On veut rendre le nom de Stalingrad à la ville de Volgograd. » Un autre Russe : « L’homme à poigne qui va restaurerl’empireestdenouveauàlamode.Jevis celacomme une défaite. » «Je pars parce que je suis lesbienne, m’explique une femme. Mon amie et moi, nous avons deux enfants. Je ne veux pas qu’on nous les prenne pour les mettre dans un orphelinat. » « Mon père est antioccidental, il dit qu’en ce moment il n’y a que les traîtres pour quitter la Russie, décrit un Moscovite. Mais moi, je le déteste, ce plus grand pays du monde, je déteste ce peuple d’esclaves qui va à l’église et fait des signes de croix, alors qu’il vole et qu’il tue. J’ai écrit sur ma page Facebook que j’étais pour Maïdan. Vous ne pouvez pas savoir les torrents de boue et de haine qui se sont déversés sur moi ! Pour l’instant, cela se passe seulement sur Facebook, mais cela ne va pas tarder à se répandre dans la rue. J’ai peur qu’il y ait une guerre civile… » Aulieu delapaix, nouschoisissons laguerre.Au lieu de l’avenir, nous choisissons le passé. Pendant que je terminais cet article, le téléphone a sonné. « J’ai lu tes livres. Tes articles. J’ai vu comment tu traînais la Russie danslaboue.Vousêtesune«cinquième colonne»!Espèces de traîtres ! On se souviendra de chacun de vous ! Votre heure va bientôt sonner !» J’ai raccroché et je suis allée à la fenêtre. J’avais l’impression que tout avait commencé… p Traduit du russe par Sophie Benech insulte au droit », a notamment enragé l’avocat Alain Jacubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Dansses attendus, le tribunal de Cayenne justifie : « Le FN n’est pas l’auteur de l’infraction (…) mais il sera démontré qu’il y a participé par instigation et fourniture de moyens » – affiches, programme, investiture notamment. Il ajoute que l’infraction commise par Mme Leclère aurait eu « un retentissement sans commune mesure si elle n’avait pas été candidate du Front national ». Que le FN ne « s’est pas assuré des opinions républicaines » de Mme Leclère et qu’il n’a pas mis en place de « formation minimale destinée à éviter ce genre de dérapages ». Rien pourtant, dans la loi de 1881 – qui est celle qui régit le droit de la presse – ne permet dans ce cas précis de condamner le FN, que le droit considère comme une « personne morale ». LeFN a beau jeu désormaisde crier au scandale, voire au procès politique. « Les magistrats ne jugent pas selon leur fantaisie », a tenté de déminer Mme Taubira, le 16 juillet. Dans ce jugementlà, c’est bien l’amère impression qui se dégage. Si, en appel, la condamnation de Mme Leclère devrait être maintenue – ou sans doute revue à la baisse – le FN a toutes les chances de sortir blanchi. « Il ne pouvait rien nous arriver de pire », se désole M. Jacubowicz. p enant d’horizons divers, nous sommes profondément attachés aux langues etcultures du monde,dont la langue française et les cultures qui lui sont associées. Cet attachement nous amène, aujourd’hui, à nousengager pourl’avenirdelafrancophonie. «Ma patrie, c’est la langue dans laquelle j’écris », disait le pamphlétaire royaliste Antoine de Rivarol (1753-1801). Ecrivains, artistes ou penseurs, nous exprimons ici notre volonté de voir la francophonie défendre toujours davantage les valeurs humanistes de la diversité culturelle, de la libre création, de l’échange entre les individus et, à travers eux, entre les cultures. Noussommesconvaincusquela francophonie, pour être exemplaire vis-à-vis des nationsetdespeuplesquiluttent pourpréserver le droit à la diversité culturelle et linguistique et au respect des identités, doit rompre le cercle de la realpolitik et des rapportsdeforce, qu’ilsviennentduNordcomme du Sud. Une île moderne Nous ne sommes pas des donneurs de leçons. Nous avons, en revanche, la convictionquec’estàl’Organisationinternationale de la francophonie (OIF) que se joue, pour une bonne part, le combat pour le respect de la pluralité des cultures. Cette lutte est au cœur de notre engagement, au cœur de cette « francosphère », espace rêvé d’échanges linguistiques et culturels respectueux de l’histoire et de l’exceptionnelle richesse créatrice du genre humain. C’est avec cette idée que nous faisons aujourd’hui confiance à la candidature de l’île Maurice pour conduire le futur de l’OIF. En moins d’un demi-siècle, cette îlecarrefour a donné naissance à un laboratoire à la fois du vivre-ensemble de multi- ¶ ples groupes sociaux et de préservation de la diversité culturelle dans le cadre d’un Etat démocratique, respectueux des droits de l’homme et des croyances de chacun. C’est le pays qui fait cependant de l’idéal interculturel une quête constante. Moderne parce que plurielle,l’île Maurice, par sa fidélité au français et sa pratique de l’anglais et des langues asiatiques, bâtit un pont entre l’Afrique, l’Europe, l’Inde et la Chine. Elle apporte au XXIe siècle l’image d’une francophonie originale et décomplexée, résolument ouverte et heureuse d’exister, dépouillée des pesanteurs coloniales. Nous croyons donc que cette candidature mauricienne, incarnée par une personnalité aux multiples talents, exprime la synthèse positive du monde en mouvement. Elle est la promesse d’un projet mobilisateur pour les femmes et les hommes de nos pays qui attendent beaucoup d’une mondialisation respectueuse de ce qu’ils sont. Enfin, nous appuyons cette candidature parce qu’à l’image d’un David luttant contre les Goliath du monde moderne, elle rassemble,par saforcesymbolique, lesmillions de femmes et d’hommes qui ont le français en partage. Celles et ceux – hispanophones et lusophones notamment – qui apportent au monde la force et l’enthousiasme des langues redessinées par la rencontre des cultures peuvent aussi y retrouver une part d’eux-mêmes. C’est dans cet esprit que nous apportons aujourd’hui notre soutien à la République de Maurice et à Jean-Claude de l’Estrac, son candidat. p ¶ L’Organisation internationale de la francophonie compte 77 Etats membres. Elle désignera son nouveau secrétaire général en novembre. Laure Adler, journaliste et écrivain Issa Asgarally, linguiste et essayiste Tahar Ben Jelloun, poète et écrivain Ananda Devi, écrivain Axel Gauvin, écrivain Jean-Claude Guillebaud, journaliste et essayiste Jean-Marie Gustave Le Clézio, écrivain, prix Nobel de littérature 2008 Amadou Mahtar Ba, journaliste Edouard Maunick, poète Patrice Nganang, écrivain Ngo Bao Chau, professeur de mathématiques, médaille Fields 2010 Nguyen Quang Thieu, poète et écrivain Jean Orizet, critique et poète Jean-Robert Pitte, président de la Société de géographie et ancien président de la Sorbonne Johary Ravaloson, écrivain Philippe Rey, éditeur Joël de Rosnay, scientifique et écrivain Daniel Vaxelaire, historien et romancier Abdourahman Waberi, écrivain Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS Federico Mayor Zaragoza, scientifique et ancien directeur général de l’Unesco 17 0123 Mardi 22 juillet 2014 Antony Blinken Le diplomate des deux rives ILS FERONT LE MONDE – Figure de l’establishment américain, le directeur adjoint du Conseil de sécurité nationale a la réputation d’un rassembleur Washington Correspondante C eux qui ne le connaissaient pas se sont demandés qui il était. Ceux qui l’avaient déjà rencontréne savaientpas qu’il était si prèsdu pouvoir. Lorsque la Maison Blanche a diffusé, le 2 mai 2011, la photo de la «situation room», lebunkeraux communications sécurisées où Barack Obamaetlesdouzeplushauts responsables du pays suivaient médusés la capture de Oussama Ben Laden dans sa villa pakistanaise, à des dizaines de milliers de kilomètres de Washington, la plupart des participants étaient des figures familières : le viceprésident Joe Biden, assis à la perpendiculaire de l’écran, comme s’il ne prêtait qu’une attention détachée – et, d’ailleurs, il n’était pas favorable au raid, qu’il trouvait très risqué. Hillary Clinton, captivée, la main devant la bouche, retenant une exclamation. Comme souvent, Barack Obama est en retrait, solitaire. Quelques heures plus tard, il apparaîtra devant les caméras pour annoncer au pays que « justice a été faite » et que Ben Laden n’est plus. Anthony Blinken a un parcours qui sort de l’ordinaire: américain, français, juif new-yorkais, parisien… Au fond de la pièce, un visage moinsconnu.Celuid’unquadragénaire à la chevelure ample, en mouvement, penché par-dessus l’épaule du secrétaire général de la Maison Blanche Bill Daley pour suivre l’action. C’est Antony Blinken, l’homme de confiance de Joe Biden, qu’il assistait déjààlacommissiondesaffairesétrangères du Sénat. A la Maison Blanche, il aletitredeconseillerdiplomatiquedu vice-président. Les Américains ne le connaissent pas mais il est de toutes les réunions. C’est lui qui supervise le départ des troupes américaines d’Irak. Trois ans ont passé depuis la photo de la « situation room ». La chevelure de Antony Blinken a pris quelques fils blancs mais son étoile n’a cessé de grandir. Sans avoir été proche du candidat Obama, il se trouve maintenant membre du premier cercle de l’administration, avec le titre de directeur adjoint du Conseil de sécurité nationale. Sa patronne est Susan Rice. Tous les deux faisaient partie du conseil de sécurité nationale de Bill Clinton. Des partisans farouches de l’intervention en Bosnie, membres de l’aile interventionniste de la gauche démocrate, ceux que l’on appelle les « faucons humanitaires » et qui rejoignent les néoconservateurs dans nombre de causes. Etant parvenus au pouvoir, ils en sont réduits depuis trois ans à ronger leur frein, impuissants à endiguer la boucherie en Syrie. A la suite de Barack Obama, ils jouent les pompiers,de crise en crise. Une centaine de marines pour essayer de retrouver les lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigeria. Une centaine contre Josef Kony en Ouganda ; des conseillers au Soudan, des forces spéciales antiterroristes en Irak… Sans grand succès et sous l’accusation constante de ne pas faire assez pour arrêter les horreurs et protéger les civils. Antony Blinken a un parcours qui sort de l’ordinaire : américain, français, juif new-yorkais, parisien… Quand il est né en 1962 – avec une cuillèred’argentdanslabouche,diraiton – rien ne le destinait à la diplomatie. Son père Donald Blinken était un juriste et un investisseur influent à New York, future puissance financière des milieux démocrates. Sa mère Judith était la directrice des ballets Merce Cunningham. Dans l’appartement de Park Avenue, elle recevait Arturo Toscanini et Leonard Bernstein. Tout naturellement, Tony a été admis à Dalton, l’école primaire des élites de Manhattan. Letournant a eu lieuen 1968 quand Judith Blinken a rencontré Samuel Pisar dans une soirée new-yorkaise. L’avocat franco-américain, globe-trotteur, rescapé d’Auschwitz, diplômé de Harvard, avait été conseiller de John Kennedy. Après l’assassinat de Dallas, il était devenu avocat international, de stars, de grandes firmes et de grands noms. En 1970, Judith Blinken a divorcé et – devenue Judith Pisar – est allée s’installer à Paris avec son fils. Le contraste entre l’adolescence de son beau-père, déporté à 13 ans, et la sienne, gorgée de privilèges, a contribué à l’éveil intellectuel et politique du jeune Blinken. Dans une interview au Washington Post du 16 septembre 2013, Samuel Pisar a raconté qu’Antony avait insisté pour savoir ce qu’il avait vécu. « Cela lui a donné une autre dimension, une autre perspective sur le monde, a-t-il dit. Quand il a à se préoccuper aujourd’hui des gaz mortels en Syrie, il pense presque inévitablement aux gaz qui ont éliminé ma famille entière. » Antony Blinken a connu la France des années Giscard. Il a rencontré Christo, qui voulait emballer le PontNeuf, et Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il a joué de la guitare et fait quelques escapades hors de l’univers hup- AUDE GUERRUCCI/POLARIS 16 avril 1962 Naissance à Yonkers (Etat de New York). 1970 S’installe en France avec sa mère, remariée à Samuel Pisar, avocat international. 2008 Travaille sur la campagne présidentielle de Joe Biden. 2013 Nommé directeur adjoint du Conseil de sécurité nationale. pé de l’avenue Foch où habitait la famille. L’été, il renouait avec son père et l’autre moitié de sa culture : match de base-ball des Yankees, plage dans les Hamptons. Mais aussi boulot d’été –décrochéparsonpère– parmilesjeunes d’origine défavorisée. Après le bac, il a choisi les Etats-Unis : Harvard, puis relations internationales à Columbia, à New York. Presque à son corps défendant, il est entré dans l’administrationClinton oùles chargés de l’Europe cherchaient une perspective «intelligente et cosmopolite », selon le Washington Post. Depuis, il est un pilier des relations transatlantiques, discret et réputé rassembleur. Antony Blinken sera probablement l’une des figures de la diplomatie américaine de demain. Si Hillary Clinton est élue, il n’aura pas de mal à trouver sa place. Son épouse Evan Ryan, la petite-fille d’un ancien directeur du Secret Service, l’unité chargée de la protection des personnalités, a commencé sa carrière dans les années 1990 comme assistante de la First Lady. Elle travaille aujourd’hui avec John Kerry au département d’Etat. Au mariage, célébré par un prêtre et un rabbin, Antony a répondu à ceux qui s’étonnaient que lui, le juif new-yorkais, épouse une fille de famille catholiqueirlandaise,eninvoquantlanécessité, plus urgente que jamais, de rassembler les peuples et les religions. p Corine Lesnes Prochain article : Mingpo Cai, président du fonds d’investissement Cathay Capital n Sur Lemonde.fr Retrouvez l’actualité au jour le jour du Monde Festival 4 juin 2010 Le jour où « Le Monde » découvre le sexe «LE MONDE» ET MOI Avant de faire frissonner ses lecteurs avec ses « Petits polars », « Le Monde », en 2010, proposait d’autres émois à travers une collection de classiques de la littérature érotique. A cette occasion, il fut proposé à Nathalie Rykiel, vice-présidente du conseil d’administration de Sonia Rykiel, d’en être la directrice artistique… L e Monde est un monsieur respectable et sérieux qui fête ses 70 ans cette année. Un monsieur auquel je fais confiance pour m’informer depuis toujours. Un vieux monsieur de 70 ans, sérieux et… libidineux peut-être ? Car, enfin, ce jour de 2010, quand le téléphone sonne, il a déjà 66 ans, le monsieur… Ce qu’il me demande ? D’être la marraine et la directrice artistique de son projet : une collection en trente volumes consacrée aux grands classiques de la littérature érotique ! J’hallucine et, pourtant, je ne rêve pas. Chaque samedi, avec le journal, on trouverait en kiosque un livre érotique à un prix avantageux. A la fin des trente semaines, la collection complète serait proposée en coffret. J’aurais carte blanche pour concevoir et habiller l’ensemble. J’accepte immédiatement. Du cul dans Le Monde, comment résister ? Le journal est en noir et blanc. Il faut casser tout cela. Attirer l’œil. Je vois rouge. Rouge, c’est la couleur de l’amour, de la passion et du sexe. Et regarder autrement. Le regard, c’est ce qui animera la collection. Tousles regards, chastes, allumés, écarquillés, voyeurs. Clin d’œil à tous les vices. Le trou de la serrure La première chose que j’imagine, c’est l’ensemble des trente volumes côte à côte dans une bibliothèque, reproduisant à eux tous un œil de femme. Ce sera refusé, trop compliqué, c’est certain:chaque dos devrait comporter un segment de cet œil géant, je pense à la faisabilité, aux coûts. J’envoie sans trop d’espoir un dessin de mon propre œil, je réfléchis déjà à une autre solution, mais… l’idée est acceptée. Alors je fonce. Le regard, oui, mais par le trou de la serrure. Et si chaque ouvrage comportait en façade une œuvre – dessin, gravure ou peinture – différente et dont on lorgnerait un détail par ce même œil dont l’iris serait découpé dans la couverture ? Reprenons : la couverture est rouge, double épaisseur, « fendue » selon chaque livre à un endroit précis, laissant apparaître un élément piquant de l’illustration… Là encore, jeme lamente d’avance. Ils n’accepteront jamais, la fabrication sera prohibitive puisque différente pour chaque livre… Je sous-estime mon Monde. L’audacieux me suit, c’est oui ! Alors, nous nous mettons au travail. Pendant trois mois, Hervé Lavergne, JeanMichelBoissier, FrançoisChevret et moi-même recherchons, échangeons et commentons quantité d’images susceptibles d’illustrer les textes érotiques sélectionnés. Nous papillonnons sur Internet parmi les reproductions du XVIIe au XXe siècle. Ingres, Boucher, Schiele, le Tintoret, Dix accompagneront Musset, Casanova, Sade… Excitant et fascinant d’associer les titres aux peintures, de décider de l’image et du détail qui tue, de cadrer l’endroit judicieux pour la fente de couverture. Poils pubiens, lèvres offertes, chevelureévocatrice, main caressante, bouche dévorante, cul savoureux? Tousse retrouveraient en « une » ! C’est lors de réunions fiévreuses, entourée de ces trois hommes, que je sélectionne ouvrages et outrages, dans le secret de mon bureau germanopratin. Mon seul regret ? Au dernier moment, le quotidien recule et refuse de nommer la collection « Classiques de la littérature érotique ». Ce n’est donc pas par une image, mais par un mot que Le Monde a souhaité conserver un semblant de dignité. J’ai dû capituleret remplacer « érotique » par « libertine » au sens philosophique du terme, bien entendu ! p Nathalie Rykiel Article de Christine Rousseau du 4 juin 2010 intitulé « L’œil coquin de Nathalie Rykiel ». Prochain article : Valérie Zenatti, romancière. 18 0123 Mardi 22 juillet 2014 Ariane Chemin C e matin d’octobre 1945, pour son premier jour de classe, « Théo » s’est assis devant le bureau qu’on lui a réservé, au deuxième étage d’un immeuble haussmannien. A côté de quelquesautres bizuts,une dizainedemessieursdignes, rosette rougeglissée à laboutonnière, souvenir de la IIIe République. De lafenêtre, le jeune homme aperçoit l’artère en coude qui donne déjà son surnom au «quotidien-de-la-rue-des-Italiens».Ilplonge sa plume Sergent-Major dans l’encrier qu’un garçon d’étage est venu remplir, et s’applique devant sa feuille de papier râpeux. La peau de sa main est douce et lisse, comme celle d’un garçon de 20 ans. Il est arrivé en avance, patientant le ventre serré au coin des Grands Boulevards. Les cafés servaient leurs premiers « petits noirs », avec parfois un peu de gnôle au fond de la tasse. Quelques voitures à gazogène et autres tractions avant passaient le Le jeune «Théo» est arrivé en avance, patientant le ventre serré au coin des Grands Boulevards. Les cafés servaient leurs premiers «petits noirs», avec parfois un peu de gnôle au fond de la tasse 1/12Lejouroù… Beuve-Méryembauche sonarméedesombres En 1945, rue des Italiens, défilent dans le bureau du fondateur du «Monde» des résistants, des prisonniers de guerre, des «planqués». Dans sa PME de bric et de broc, «Beuve» veut réconcilier la France long du trottoir. Dans la nuit, une énorme horloge en faïence bleue et aux aiguilles dédorées lui a servi de pôle magnétique. Puis, sur une façade, deux mots en lettres gothiques:«Le Temps».Letitred’un quotidien installé là en 1911, qui a fini par se saborder à Lyon, en 1942. Ses murs et ses rotatives ont été réquisitionnés, car il s’est mal conduit pendant la guerre. Dans l’urgence de la reconstruction, on n’a pas encore eu le temps d’effacer son nom. « Théo » trempe à nouveau maladroitement sa plume dans l’encre violette. Certains disent qu’il lui manquait « un bout d’index», d’autres«desongles».Lesphalanges de ses doigts semblaient en tout cas « raccourcies ». Même parmi les plus jeunes ou les derniers arrivés, rares sont ceux qui se souviennent précisément des mains de Jean-Marc Théolleyre. « J’observais à la dérobée, fasciné, ces doigts raides comme des spatules qui écrasaient le Bic, raconte Pierre Georges, une des « plumes » du quotidien et son premier fan. Jamais pourtant je n’aurais osé l’interroger là-dessus. D’ailleurs, il n’aurait pas répondu. » Les mains de « Théo », un non-dit enfoui dans la mémoire du Monde ; le stigmate d’un journal qui a voulu, comme la France, tirer un trait sur cinq années de guerre. A son retour de Buchenwald, quelques semainesplus tôt, le jeune garçon a eu vent de la création d’un quotidien tout neuf, né dans la foison des titres de la Libération, et baptisé Le Monde, en toute immodestie. Ce n’est pourtant qu’un quatre-pages austère, au format peu pratique et sans photos, imprimé à 147000 exemplaires – le maximum autorisé par la loi. Chaque jour, à 13 h 10, les rotatives font vibrer les soutes de l’immeuble de la rue des Italiens comme les machines d’un cargo. Le Monde est 19 0123 Mardi 22 juillet 2014 Le bureau d’Hubert Beuve-Méry, à l’angle de la rue Taitbout et de la rue des Italiens. « Le plus vaste bureau de la capitale après celui du maire de Paris », assurent les vétérans du « Monde ». Ils se souviennent aussi que « Théo », Jean-Marc Théolleyre, maître de la chronique judiciaire, ne leur parlait jamais de sa déportation à Buchenwald. L’officier Jacques Fauvet, lui, est arrivé en 1945 après cinq années comme prisonnier de guerre. Il succédera à Beuve en 1969. MICHEL DESJARDINS/RAPHO ; COLL. PART ; ANTONIO PAGNOTTA un nouveau-né encore fripé né le 18, mais « daté 19 », décembre 1944, un drôle de tic de quotidien parisien du soir. Son fondateur est un ancien du Temps, Hubert Beuve-Méry. Il a passé les deux premières annéesde laguerre à Uriage, près de Grenoble, dans une de ces « écoles » parrainées par Vichy pour former de nouveaux cadres, et remplacer ceux jugés responsables de la défaite. Fin 1942, comme tant d’autres de ces hommes qualifiés depuis de « vichysto-résistants » par les historiens Jean-Pierre Azéma et Denis Peschanski, «Beuve »asauté lepasetdécidédecombattre Pétain, rejoignant le Vercors, puis, au printemps 1944, les maquis du Tarn. Ce catholique breton n’est pas un héros de la première heure. De Gaulle le sait. Mais le général a besoin d’un quotidien pour porter la voix de la France dans les chancelleries, avec, à sa tête, un homme solide. Le choix est mince : les élites de la presse d’avant-guerre se sont toutes peu ou prou compromises. Il y a urgence. Cultivé, passionné de diplomatie, « Beuve » a l’avantaged’avoirdémissionné desonposte de correspondant à Prague, en 1938, pour manifester son désaccord avec la ligne munichoise du Temps. C’est au premier étage, dans le bureau quiépouse l’anglede larueTaitbout etde la ruedesItaliens,quesetientleguichetd’embauche. De l’ancienne salle du conseil d’administration du Temps, le « patron », commeon l’appelle, a gardé les meubles en ébène et les voilages de Nylon jaunasse. Le demandeur d’emploi qui frappe à la porte commence par découvrir une ombre chinoise au fond d’une pièce mal éclairée. D’un côté, le bureau de la secrétaire, mutique. De l’autre, un portemanteau perroquet où pend parfois (quand il ne fait pas trop froid dans les murs…) une parka chamois. La canadienne fourrée de « Beuve », cevestigedesannées demaquisquideviendra l’uniforme tendance des hommes après la guerre. Tous les vétérans du Monde racontent ces deux minutes interminables qu’il leur a fallu pour rallier « l’hectare de moquette pâlotte » qui les séparait de « Beuve ». « Le plus vaste bureau de la capitale après celui du maire de Paris », disait-on. Au 5, rue des Italiens siège aujourd’hui le « procureur nationalfinancier»,unpostecréé aprèsl’affaireCahuzac.Au téléphone,ElianeHoulette, qui dirige les enquêtes les plus sensibles du moment, dont celles qui visent l’ex-président Nicolas Sarkozy, se montre drôle et accueillante. « Le bureau de HBM que j’ai l’honneur d’occuper vous attend. Son fantôme n’est pas venu me chatouiller les pieds, mais son esprit flotte encore, je l’espère, au premier étage, pour inspirer le parquet nationalfinancierdanssarecherche devéritéet de rigueur. »On frappe, on entre, ilfaut bien se rendre à l’évidence : le mythe, 30 mètres carrés, est décevant. Le bureau d’Hubert Beuve-Méry n’est pas si grand. Et si le talent des grands hommes était de savoir fabriquer leur légende ? Aux impétrants intimidés, « Beuve » finissait par tendre la main, déployant son 1,80mètre de hauteur (une taille rare pour un homme né en 1902). Il grognait son « bonjour » sans dévisser sa Boyard de ses lèvres. Parfois, une de ses pupilles marron s’éclairait sous un sourcil ; mais l’œil de cet homme « gracieux comme un cactus » n’était « jamais d’accord avec la bouche », notait Françoise Giroud dans L’Express, en 1956. « Il faisait de ses ronchonneries profession», sourit l’historien Jean-Noël Jeanneney. Un jour, le feuilletoniste littéraire Bertrand Poirot-Delpech s’était risqué à demander au directeur du Monde s’il grognait exprès pour capter l’attention, « comme on l’apprend dans les cours de théâtre ». Beuve n’avait pas entendu. Ou avait fait semblant. Drôles de CV, modèles 1945, qui sonnent les uns après les autres aux oreilles de Beuve-Méry. Pas de longues expériences professionnelles, seulement des faits d’armes. Les séjours derrière les barbelés font office d’écoledejournalisme, lescombatsenAfrique du Nord aux côtés de la France libre, de stages Erasmus ancienne manière. Pendant que le récit se déroule, la cendre des cigarettes brunes tombe sur le veston du « patron ». Le tic-tac d’une impériale horloge de bronze coiffée d’une faux berce la conversation. On la trouve aujourd’hui danslebureaudel’actueldirecteurduMonde, au sixièmeétage du 80, boulevard Blanqui (le nouveau siège du journal). C’est une pièce sculptéerococo à souhait où Chronos – encore lui ! – paresse mollement sous un angelot potelé, et dont personne ne voudrait dans son salon. En 1994, Jean-Marie Colombani, élu directeur, a pourtant sorti l’antiquité du placard où on l’avait oubliée, et l’a fait redorer. Le mythe, encore… Revenants faméliques des camps de prisonniersoudedéportation,derniersdémobilisés de novembre 1945… Beuve met les postulants, souvent provinciaux, à rude épreuve. Ila « repêché » quatorze journalis- tes du Temps, les rares qui ne se sont pas compromis et connaissaient le métier, et ne peut en embaucher qu’une trentaine d’autres. Il les affecte lui-même à chaque poste. « Puisque vous sortez de l’armée, que diriez-vous de devenir l’adjoint du titulaire de la rubrique de la défense nationale ? », demande-t-il au jeune résistant Jean Planchais, qui rêve de politique intérieure, d’unecorrespondanceà l’étranger, voirede critique littéraire. « Vous êtes sergent-chef: vous verrez les choses avec un œil neuf.» Planchais restera vingt ans au poste octroyé ce jour-là. « Malheureusement pourvous, nous avons déjà quatre spécialistes de l’Allemagne », s’impatiente « Beuve» quandun jeunegaullistede 25ans,nommé Edouard Sablier, entreprend de lui raconter sa guerre. Sablier lorgne en fait le Proche-Orient, où il vient de passer quatre ans. Vendu. L es rubriques proposées aux novices ressemblent à un catalogue des « mythologies » de l’époque : « Alimentation », « Prisonniers », « Anciens combattants »… Beuve teste deux ou trois jeuneshommessur le même poste, organise la concurrence, les éprouve encore et toujours. « Il a le vibrato », lui rapporte un rédacteur en chef après lecture des premierspapiersdu jeune« Théo », chargé des « chiens écrasés » – la tournée des commissariatsdepolice.«Naturellement, lecompliment ne fut pas rapporté à l’intéressé », raconte Laurent Greilsamer, ex-directeur adjoint du Monde et biographe de HBM. « Théo » dispose d’un parrain de choc : Rémy Roure. Un ancien journaliste politiqueduTemps, résistantdelapremièreheure, matricule 186331, déporté comme lui à Buchenwald, où il avait pris le jeune garçon sous son aile. Un démocrate-chrétien, parfait reflet de l’idéologie de cet immédiat après-guerre qui « donnera la ligne » du Monde. Rourerefuse le poste decodirecteur du journal que Beuve lui propose : la déportation, dit-il, l’a trop affaibli. André Chênebenoit devient rédacteur en chef – le premier des deux « premiers ministres » qu’aura Beuve jusqu’à son départ, en 1969. Paradoxe de cet homme qui va tant critiquer le fondateur de la Ve, mais ne cessera pas de le copier… Démocrates-chrétiens, socialistes, gaullistes, et, au Syndicat du livre (imprimerie, photogravure et atelier typo), la Résistance communiste : la PME de « Beuve » copie la France de 1945. Soucieux d’éloigner la menace d’une administration américaine qui plane encore sur les postes-clés du pays, Le Monde retrousse ses manches et évite de regarder dans le rétroviseur. « Beuve est la version papier de De Gaulle, résume Jean-Marie Colombani. Il pensait comme lui qu’on ne reconstruisait pas la France sans une part d’oubli. » Voire d’amnésie. L’administration conserve des préfets, des Et si le talent des grands hommes était de savoir fabriquer leur légende? Aux impétrants intimidés, Beuve finissait par tendre la main. Il grognait son «bonjour» sans dévisser sa Boyard de ses lèvres magistratset des universitairesquiontprêté serment à Vichy ? Le Monde comptera à Athènes, dès 1947, un correspondant qui signe Marc Marceau mais se nomme Marc Pobanz. Il a été en 1943 le chef de La Main bleue, garde prétorienne de Marcel Bucard, le dirigeant du très fasciste Parti franciste. « Son éloge de la dictature des colonels grecs en 1969 était stupéfiant », raconte le professeur de droit Jean Catsiapis,qui préparela biographiedu journaliste pour éclaircir sa mystérieuse embauche. Le compositeur Mikis Theodorakis, alors assigné à résidence, lui avait même écrit une chanson : « J’ai beau porter un bâillon/J’ai malgré tout l’autorisation/De pousser des gémissements/C’est monsieur Marceau qui l’affirme. » Dans Le Monde, notamment. Et que dire de ce constitutionnaliste qui faisait la« une » à chaquescrutin et décryptait chaque inflexion de la geste gaullienne ? Les chroniques de Maurice Duverger furent le rendez-vous obligé de générations d’étudiants qui s’intéressaient à la politique et aux subtilités des institutions. Jeune homme, avant la guerre, il avait été membre du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, ex-communiste devenu chantre de la collaboration, puis commenta de façon « neutre et routinière » (dixit l’historien américain Robert Paxton), dans laRevue du droitpublic, en 1941, la nouvelle politique antijuive de Vichy chez les fonctionnaires. A chaque lendemain d’élections, il s’attardait dans les couloirs du Monde, mais glisse entre les pages des monographies consacrées au journal, sans passé, transparent. Mystères de ces réseaux de 1945, si différents de ceux d’aujourd’hui, qui ne se comprennent que dans les liens noués avant la guerre, et dont la logique échappe au rationnel. Au Monde comme ailleurs, des amitiés improbables puisent leurs racines dans les coursives du château d’Uriage, les stalags ou le maquis. Rue des Italiens, dans la grande tradition de la presse d’avantguerre, les garçons d’étage du Monde portent au col de leur uniforme bleu un « M » gothique et doré. Mais César, petit homme sec et brun à la dégaine de vieil acteur italien, est le seul d’entre eux à entrer sans frapper dans le bureau du chef du service politique, Jacques Fauvet, et à tutoyer le futur directeur du journal. « César avait visiblement les clés de la maison et le pouvoir qui va avec », relève Pierre Georges. «Il avait porté des colis à Fauvetpendant laguerre », croient savoir l’ex-chefdu service culturel Yvonne Baby et la célèbre chroniqueuse Claude Sarraute, qui furent ses protégées. « César avait réussi à passer à mon père prisonnier les petits mots et les confituresde ma mère», confirmela magistrate Sylvie Vauzelle, fille de l’ancien directeur. Chez les Fauvet, on a surtout retenu une autre histoire. Courant 1945, Jacques débarque gare de l’Est, après plusieurs mois d’errance sur les routes de Silésie et dePologne, quiferont lamatière de sespremiers papiers publiés dans Le Monde. Sur le quai, où sa femme l’attend avec impatience, le prisonnier de guerre de 31 ans est accueilli par un « bonjour monsieur » intimidé. C’est son fils, âgé de 5 ans. « Ne vous faites pas d’illusions. Le Monde n’a pas un sou. S’il dure encore deux mois !... », grogne Beuve à l’armée des ombres qui défile dans son bureau. Ce « self-made-man », comme on ne disait pas à l’époque, a connu, jeune homme, la faim et la pauvreté. Il a ensuite rencontré, sur les bancs de la fac, une petite-fille de général et d’ambassadeur, bachelière et futuredocteure endroit. Ilépousel’héritière, mais continue de cultiver l’austérité. La légende beuveméryenne est pleine de ces histoires où le « patron » grommelle, mine froncée, devant le cabriolet décapotable d’un de ses rédacteurs ; avale un malheureux sandwich à son bureau, quand les rotatives se mettent en branle ; part en vacances l’été, dans le Beaufortain, en wagon troisième classe et avec carte de famille nombreuse. «Il faut rester pauvres », répète « Beuve » à sa rédaction. Ou encore : « Nous connaissons le temps des vaches maigres, mais les vachesgrasses,cesera pire.»La cartedevisiteduMondevaut pour luitoutes lesrécompenses. Histoire de compenser des payes un peu chiches, Beuve encourage ses troupes à faire des extras. Henri Fesquet, le futur rubricard religieux, tient à mi-temps uneauto-école.Jean Houdartdevientsecrétaire de rédaction à Combat l’après-midi, après ses matinées au Monde. Des années durant, « Beuve » veillera lui-même sur les augmentations de chacun, tenant compte de chaque variable personnelle. Ainsi « Théo», qui a épousé une dentiste, n’a-t-il pas besoin de voir grimper son salaire. Jean-Marc Théolleyre tient pourtant, jour après jour et nuit blanche après nuit blanche, la chronique judiciaire du journal, dont il est devenu un maître. Le jeune garçon est désormais un monsieur en costume gris aussi soigné que le cran de ses cheveux ondulés. « Il s’habillait pour la justice», souritl’ex-journaliste duMonde Agathe Logeart, où il faisait référence.L’histoire court encore dans les couloirs du Palais, à Paris. Un jour qu’une greffière s’était emmêlé les pinceaux en prenant l’audience en notes, un avocat s’était levé : « Nous disposons du compte rendu publié par M. Théolleyre. Je pense que chacun considérera qu’il fait foi pour nos débats. » Sa copie arrive toujours à l’heure, précise, tricotée – on disait au marbre qu’il était « très difficile de tailler dans le “Théo” ». Pour sa couverture du procès de « l’empoisonneuse » Marie Besnard, il recevra le prix Albert-Londres en 1959. Ce sera sa seule médaille célébrée dans les murs du journal: ses autres exploits sont restés cachés. L’ancien captif de Buchenwald ne s’abandonne que rarement à la confidence. En Mai 68, un reporter raconte les « CRS SS » fleuris sur les murs du Quartier latin. « Théo » suspend quelques secondes les deux doigts valides qui tapaient sur sa machine à écrire, et secoue doucement la tête en soupirant : « SS, SS… Ils exagèrent, quand même. » A vant de prendre sa retraite, « Théo » couvrit en 1987 son dernier grand procès : celui de Klaus Barbie, à Lyon. L’ex-chef de la Gestapo retrouvait, un demi-siècle après sa fuite, la ville où il avait commis ses rafles d’enfants, ses exécutions, ses crimes contre l’humanité. Pour « Théo » aussi, il s’agissait d’un retour : il avait été élève à Lyon au début de la guerre, confia-t-il à quelques confrères, oubliant d’ajouter qu’à 17 ans il avait quitté son lycée pour servir de « courrier » à un réseau de la Résistance toulousaine. Cette nuit-là, comme quarante-trois autresà suivre, l’envoyé spécialavait appelé de sa chambre d’hôtel les oreilles amies des sténos, rue des Italiens. « Dans l’affaire qui va occuper huit semaines la cour d’assises du Rhône, il convient de garder mesure et sang-froid. Elle concerne d’abord un homme dont il faut bien rappeler qu’il est [à ce jour] présumé innocent. » L’homme dont parle « Théo » est son bourreau. Le « boucher de Lyon » l’avait fait torturer, les doigts dans une presse, puis déporter à Buchenwald. Il fallait peut-être avoir été blanchi pendant quarante-cinq ans sous le harnais du Monde, ce journal qu’il avait gagné un matin de 1945, pour dicter ces lignes sans trembler. p Prochain article : « Pierre Viansson-Ponté réinvente la chronique politique ». La série de douze articles « Le jour où… » figurera dans le livre « Le Monde, 70 ans d’histoire », à paraître le 24 septembre, aux éditions Flammarion. En 500 pages richement illustrées, cet ouvrage collectif racontera l’histoire du journal, en tension avec les grands faits d’actualité et les dates qui ont marqué les sept décennies passées (album relié : 39,90 ¤). 20 0123 Mardi 22 juillet 2014 Les stars et la pub 1/6 Après un spot vantant une machine à gazéifier fabriquée dans une colonie israélienne, l’actrice a été obligée de quitter l’ ONG Oxfam Sodastream et l’«affaireScarlett» Jérusalem Correspondance S urprise ! On pensait l’exaspérer mais non, le patron de Sodastream ne rechigne pas à parler de « l’affaire Scarlett ». Daniel Birnbaum est même intarissable sur cette histoire qui a vu Scarlett Johansson, l’une des actrices les plus en vue d’Hollywood, vanter dans un spot publicitaire, en janvier, le petit fabricant israélien de machines à gazéifier l’eau. A l’en croire, ce mariage aurait été une bénédiction. Vraiment ? Pas de regret après la controverse qui a braqué les projecteurs sur sa principale usine, située dans une colonie israélienne en Cisjordanie ? « Pas du tout ! », s’exclame cet ancien d’Harvard, qui avance ses chiffres : à la faveur des polémiques, la publicité dans laquelle apparaît Scarlett Johansson a été mentionnée 9 milliards de fois dans les médias du monde entier. Soit l’équivalent d’un budget marketing de quelque 90 millions L’actrice américaine affirme que Sodastream est une entreprise qui «construit unpont pour la paix» de dollars (66,6 millions d’euros). Selon un sondage que la société s’est empressée de réaliser dans cinq pays européens, moins de 5 % des consommateurs se sont déclarés hostiles. M. Birnbaum en conclut : « Cette tempête a permis d’augmenter formidablement la notoriété de la marque. » Rappelons les faits. Mi-janvier, l’entreprise met la dernière main à un spot censé être diffusé au SuperBowl, la finale du championnat de football américain, l’événement le plus médiatisé outre-Atlantique. La publicité de Sodastream met en scène une Scarlett Johansson qui joue de son sex-appeal pour vanter ces machines à faire des boissons pétillantes au goût de cola, orange ou limonade. D’une voix suave, elle lâche à la fin : « Sorry, Coke and Pepsi. » Première polémique : la chaîne Fox censure le spot qui moque les deux géants des soft drinks. Rien de surprenant. Lors du SuperBowl 2013, Sodastream s’était déjà fait retoquer pour une publicité montrant des bouteilles de Coca-Cola et de Pepsi qui explosaient mystérieusement. En acceptant de retirer la réplique finale de Scarlett, M. Birnbaum, en as de la provocation, sait qu’il ne perd rien au change : la version originale fait un triomphe sur le Net et affiche plus de 14 millions de vues. Mais un autre scandale enfle, Scarlett Johansson n’est pas que l’intrépide Veuve noire dans le film Avengers, l’envoûtante extraterrestre dans Under the Skin, ou une muse de Woody Allen ; depuis huit ans, elle est ambassadrice de l’ONG Oxfam, engagée dans la lutte contre la pauvreté. Or, la plus grosse unité de production de Sodastream se trouve en territoire palestinien. Dans l’une de ces colonies dont l’existence est dénoncée par la puissante organisation humanitaire. A la suite du spot publicitaire, Oxfam est interpellée par des militants des droits des Palestiniens, notammentceux du mouvementBoycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), qui milite pour un boycottage d’Israël. Sommée par l’ONG de choisir, la star arbitre en faveur de Sodastream. Pour une raison de gros sous ? Pas du tout, jure M. Birnbaum. Sans donner le montant du contrat, il assure que Mlle Johansson a d’abord suivi son cœur et ses convictions. Et de raconter la façon dont est née leur collaboration. Adepte de ces machines à faire des bulles qu’elle emmène dans ses bagages à chaque déplacement, l’actrice rencontreDaniel Birnbaum en décem- FLEISHMAN HILLARD bre 2013, dans un café parisien. L’accord est conclu sur un coin de table de bistrot. « Normalement, ce genre de partenariat met des semaines à se nouer ; on fait des études d’impact… cette fois, tout était spontané, car c’est un produit qu’elle aime », affirme le patron. Ce dernier prévient l’actrice du risque de controverse. Par le passé, Sodastream a déjà été la cible des militants de la cause palestinienne. Sollicitée, la star n’a pas voulu s’exprimer. « Scarlett m’a dit n’y voir aucun problème, au contraire. Mais on ne s’attendait pas à quelque chose de cette ampleur et surtout à cette réaction d’Oxfam, s’indigne M. Birnbaum, Si toute cette histoire a été dure pour elle, jamais elle n’a songé à renoncer, car elle croit que ce qu’elle fait est juste. » Dans son communiqué de démission d’Oxfam, l’actrice affirme que Sodastream est une entreprise qui «construit unpont pour la paix ». L’usine contestée fait travailler 500 Palestiniens sur 1 000 employés, à des condi- tions salariales bien plus avantageuses que la norme dans une Cisjordanie ravagée par le chômage. Se taire mettrait des centaines de Palestiniens de plus au chômage, plaide Daniel Birnbaum, un New-Yorkais arrivé en Israël à 8 ans, qui a pris les rênes de l’entreprise en 2007. L’actrice souligne aussi une « différence fondamentale de points de vue » avec l’ONG concernant la campagne BDS. « Nous ne travaillons pas avec le BDS, mais nous avons une politique très claire en ce qui concerne les colonies, répond Alun McDonald, le porteparole d’Oxfam, à Jérusalem. Les colonies dépossèdent les Palestiniens de leurs terres et de leur eau, et s’ils sont nombreux à travailler dans ces usines israéliennes, c’est aussi parce qu’ils n’ont pas le choix. » Ce dernier ajoute : « Nous avons eu une discussion avec Scarlett pour lui expliquer notre position, mais il a été manifeste qu’elle ne changerait pas d’opinion. » L’ancienne égérie de Louis Vuitton et du champagne Moët & Chandon se retrouve, avec cette campagne Sodastream, sur un terrain où tous les coups sont permis. Les photomontages acides fleurissent sur les réseaux sociaux. On y voit l’actrice en train de siroter un soda devant un village palestinien détruit par les bulldozers. « Droits égaux, coopération économique, voisins travaillant côte à côte. Je suis tellement cool », lui fait dire l’une de ces publicités détournées. Omar Barghouti, cofondateur du BDS, pourfendeur inlassable d’Israël, ne se réjouit pas moins du retentissement de l’affaire. Avec un argument proche de celui de M. Birnbaum… Car tout cela, se félicite M. Barghouti, « a aidé à mieux faire connaître notre mouvement. Et de ce point de vue, nous devrions envoyer à Scarlett une boîte de chocolats ! » p Marie de Vergès Prochain article : Catherine Deneuve et Suez. Dès le 23 juillet, le DVD no 6 ABSENCE DE MALICE LES JOURNALISTES À L’ÉCRAN de Sydney Pollack 5,90 €* le DVD Le Monde vous présente la première anthologie des journalistes à l’écran. Sous la caméra des plus grands réalisateurs, découvrez les splendeurs et les misères d’une profession à travers ses nombreuses incarnations au cinéma : le chasseur de scoops désabusé, le redresseur de torts, l’enquêteur tenace, le correspondant de guerre héroïque, le paparazzi en mal d’éthique, le témoin de l’histoire en marche… sans oublier quelques femmes de caractère ! De la comédie au drame, de la fresque historique au western, une série de chefs-d’œuvre à collectionner tout l’été. «-Comment savais-tu que je publierais ça ? «-Parce que c’était du sensationnel… » LES JOURNALISTES À L’ÉCRAN 10 FILMS CULTES sélectionnés par Le Monde A découvrir chaque mercredi Plus d’informations sur www.lemonde.fr/boutique * Chaque DVD de la collection est vendu au prix de 5,90 € en plus du Monde, à la Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris, ou par correspondance sur www.lemonde.fr/boutique ou en téléphonant au 32 89 (0,34 € TTC par minute). Voir conditions. Offre limitée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. © 1981, COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. TOUS DROITS RÉSERVÉS.© 2014 LAYOUT AND DESIGN SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT INC. TOUS DROITS RÉSERVÉS. pTirage du Monde daté dimanche 20-lundi 21 juillet 2014 : 371 487 exemplaires. 2
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