LE MONDE DU 13 ET 14.04.2014

PROCÈS AGNELET : LES LEÇONS
D’UNE CONDAMNATION
BERTRAND CANTAT
REVIENT SUR LA SCÈNE
Travaux de luxe pour
le Lutetia, hôtel de légende
FRANCE – LIRE PAGE 10
CULTURE – LIRE PAGE 12
CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 - 70e année - N˚21535 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Suppressiondes départements:
Valls face à la colère des élus locaux
«Théorie
dugenre»:
l’affolante
rumeurde
Joué-lès-Tours
t A droite comme à gauche, les sénateurs sont vent debout contre l’annonce, jugée «brutale », du premier ministre
A
ttention, débat miné pour le nouveau
premier ministre : l’annonce par
Manuel Valls, lors de sa déclaration
de politique générale, mardi 8 avril, d’une
grande réforme territoriale comprenant la
suppression des départements en 2021, a
suscité une fronde immédiate des séna-
teurs. Elus radicaux de gauche, socialistes
ou UMP, ils dénoncent le caractère « brutal »
de la décision du chef du gouvernement et
défendent le bien-fondé du maintien de
l’échelon départemental. Face à une assemblée sénatoriale qui compte 10 % de présidents de conseil général, Manuel Valls a dû
calmer le jeu, mercredi, assurant qu’il y
aurait« un long débat ». « Nous n’agironspas
dans la brutalité, mais ne fuirons pas non
plus nos responsabilités», a-t-il déclaré.
M. Valls aura fort à faire pour mettre en
œuvre cette nouvelle étape de la décentralisation, qui comprend également la divi-
sion par deux du nombre des régions. Le
gouvernement Ayrault s’y était cassé les
dents, reportant sine die le projet de réforme préparé par Marylise Lebranchu.
Confortée par Manuel Valls, la ministre de
la décentralisation, fragilisée, doit reprendre le flambeau. p LIRE PAGES 8-9
APA IMAGES
Les géants d’Internet
veulent imposer
la télévision du futur
Amazon, Google, Apple, Microsoft
lancent des projets dans le
domaine de la télévision. Non pas
le petit écran classique, mais celui
connecté à Internet. Objectif:
contrôler le salon familial.
LIRE PAGE 3
ET SUPPLÉMENT TÉLÉVISIONS
TÉLÉVISIONS
«Mafiosa», fin
de série réussie
a Canal+ diffuse la
cinquième et dernière
saison d’une série sur la
voyoucratie corse, portée
par l’actrice Helène
Fillières, en chef de clan
froide et tourmentée
SUPPLÉMENT
Un compromis social impossible
Q
uand un nouveau premier ministre s’installe
à Matignon, un de ses
premiers actes est de
recevoir les partenaires sociaux.
Manuel Valls n’y a pas dérogé, en
s’entretenant, vendredi 11 avril,
avec les dirigeants des organisations syndicales et patronales. Et
ces derniers profitent de l’occasion pourfaire monter les enchères. Ils n’y ont pas manqué, en
présentant leurs cahiers de
ÉDITORIAL
revendications, les syndicats
exprimant les « inquiétudes »
des salariés et le patronat « la
grande nervosité» et l’impatience des chefs d’entreprise.
Si M. Valls peut se flatter de
bénéficier d’une forte popularité, son baptême du feu social a
montré que sur ce « chemin
étroit et périlleux », selon la formule de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, il n’y aura
pas d’état de grâce. Car cette
concertation sous tension a souligné le profond clivage entre les
partenaires sociaux sur le pacte
de responsabilité voulu par
François Hollande.
La CGT et FO ont confirmé
leur opposition à un pacte dans
lequel elles voient un « cadeau
au patronat » sur fond d’austérité. Thierry Lepaon, le secrétaire
général de la CGT, s’est montré
particulièrement véhément.
Un an après son élection, il n’a
toujours pas réussi à asseoir sa
légitimité. Et la contestation
interne le conduit à durcir sans
cesse le ton.
M. Lepaon s’est donc livré à
un lourd réquisitoire. Il a estimé
que le gouvernement n’avait pas
entendu « la sanction sévère des
choix politiques » faits depuis
2012, infligée aux élections
municipales. Il a dénoncé « la
poursuite d’une politique libérale qui dégrade la situation des
salariés et réduit leurs droits
sociaux». Rien n’a trouvé grâce à
ses yeux, M. Lepaon ayant même
reprochéau pouvoird’«encourager la division syndicale»…
Bien installée dans sa posture
de partenaire privilégié du gouvernement, la CFDT est restée
fidèle à son réformisme, soulignant d’emblée que « le pari de
l’échecet le refuge de l’immobilisme » ne sont pas dans ses
« gènes ». Elle se veut « exigeante
et constructive ». Mais, à moins
de deux mois de son congrès,
M. Berger a élevé la barre de ses
exigences, en faisant état de ses
« nombreuses interrogations »
sur la mise en œuvre du pacte de
responsabilité, qui suppose une
« obligation d’engagements et
de résultats concrets ».
Pierre Gattaz, le président du
Medef, a lui aussi fait monter la
pression en exigeant que le pacte de responsabilité, qui doit
être définitivement mis sur les
rails lors de la conférence sociale
prévue en juin, fasse l’objet
d’une loi « avant l’été ».
Manuel Valls est donc
confronté à une équation sociale
bien difficile à résoudre : satisfaireà la foisle patronatet les syndicats en réalisant pour le pacte ce
que M. Hollande a appelé un
« grand compromis social ». Un
tel pari semble impossible.
En concluant ses entretiens,
M. Valls a inscrit ses pas dans
ceux de Jean-Marc Ayrault, en
affirmant que le dialogue social
était sa « marque » et qu’il serait
« permanent ». Sa chance est
que l’opposition syndicale est
fragilisée. En effet, toutes les
mobilisations dans la rue
depuis vingt-deux mois ont
échoué. Mais il n’est pas à l’abri
de colères ponctuelles, notamment du côté d’une jeunesse
qui se sent délaissée. M. Valls a
promis de « donner une impulsion décisive dans les prochains
jours en faveur du pacte ». Pour
convaincre des partenaires plutôt méfiants, il lui faudra, de toute urgence, passer à l’acte. p
’est une sale rumeur qui a
cherchéà entacherla réputation d’une école maternelle
d’Indre-et-Loire. Colportée par le
Collectif des journées de retrait de
l’école, des militants d’extrême
droite qui luttent contre le prétendu enseignement d’une « théorie
du genre », elle accusait à tort une
institutrice d’attentat à la pudeur
sur un enfant. L’enseignantea porté plainte en diffamation et la
calomnie a fait long feu.
Que signifient ces rumeurs et
théories du complot véhiculées
par l’extrême droite ? L’analyse du
philosophe Jacob Rogozinski. p
LIRE P.6 ET DÉBATS P. 16
INTERNATIONAL
Ecosse : l’indépendance
gagne du terrain
A cinq mois du référendum sur
l’indépendance de l’Ecosse,
le 18septembre, le oui progresse.
Durant l’hiver, les sondages lui
donnaient vingt points de retard
sur le non. Alors que le Parti
national écossais est en congrès,
l’écart s’est réduit à environ
dix points. LIRE PAGE 2
« Un noUveaU soUffle
dans le cinéma américain »
The New York Times
Création : TROÏKA. Copyright © 2013 by Tipping Point Productions, LLC. All rights reserved • Crédits non contractuels.
UK price £ 1,80
ÉCONOMIE
t Une rarissime
statue représentant
le héros grec (1,70 m,
480kilos) a été
découverte par un
pêcheur, en août 2013,
dans la bande de Gaza
t Détenu par le
Hamas et tenu au
secret, cet Apollon,
d’une valeur
inestimable, fait
l’objet de toutes
les spéculations
LIRE PAGE 18
accusée à tort d’attentat
à la pudeur sur un enfant
par le Collectif des journées de retrait de l’école
C
MYSTÈRES
AUTOUR DE
L’APOLLON
DE GAZA
L’Apollon,
photographié en
septembre 2013,
après sa
découverte
à Gaza.
t Une institutrice a été
au cinÉma le 23 avril
Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
international
0123
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
En Ecosse, le ouià l’indépendance progresse
A moins de six mois du référendum, le Parti national écossais tenait son congrès, les 11 et 12avril, à Aberdeen
Londres
Correspondance
P
our la conclusion de son
congrès de printemps, samedi 12 avril, à Aberdeen, le Parti national écossais (SNP, indépendantiste, au pouvoir) a le vent en
poupe. Dans moins de six mois, le
18 septembre, la nation sera appelée à voter par référendum sur une
question historique : « Est-ce que
l’Ecosse doit être un pays indépendant ? » Et le soutien au oui, bien
que toujours minoritaire, est en
nette progression. Les sondages
lui donnaient vingt points de
retard sur le non avant l’hiver ;
l’écart s’est réduit à environ dix
pointsen moyenne.Un récentsondage donnait même 47% des voix
aux partisans de l’indépendance,
contre 53 % à ceux qui voulaient
rester dans le Royaume-Uni. Trois
siècles après l’acte d’union avec
l’Angleterrede 1707, l’indépendance de l’Ecosse devient possible.
De quoipermettreà NicolaSturgeon, numéro deux du SNP et vicepremière ministre écossaise, de
pavoiser, sous les applaudissements : « La campagne pour le
non est en sérieuse difficulté. » Elle
moque ses opposants, dont elle
juge la campagne trop négative.
Ceux-ci « tentent de [leur] faire
peur et de [les] menacer », estime-t-elle.
Lesattaquesvenantdes unionistes ne manquent effectivement
pas. Le chancelier de l’Echiquier
(ministre des finances), George
Osborne, a fait le déplacement à
Edimbourg en février pour prévenir : « Si l’Ecosse quitte le RoyaumeUni, elle quitte la livre britannique.» Pourlui, pasquestion de partager la monnaie britannique,
contrairement à ce que veulent les
indépendantistes.
Autre attaque : le rattachement
à l’Union européenne. Le camp du
non avertit que l’Ecosse ne pourra
pas rejoindre automatiquement
les Vingt-Huit et qu’il lui faudra
poser sa candidature, comme
pour tout nouveau pays. José
Manuel Barroso, le président de la
Commission, est même intervenu
dans le débat, affirmant que ce
serait un processus « extrêmement difficile, voire impossible».
Enfin, la question des hydrocarbures en mer du Nord est importante: les partisans du non rappellent que les réserves sont en forte
baisse, et que la manne financière
risque de disparaître progressivement.
Autant d’attaques que le SNP
rejette en bloc. Il estime que les
réserves pétrolières peuvent être
exploitées plus longtemps que ne
le prédisent les cassandres. Il souligne qu’il serait étrange que l’Europe rejette un membre qui veut la
rejoindre, et qui applique déjà toutes les réglementationsen vigueur.
En ce qui concerne la monnaie, il
menace: si Londres rejette le partage de la livre sterling, alors l’Ecosse
refusera de prendre sa part de la
dette publique du Royaume-Uni.
Toutes ces attaques ont provoqué uneréactionde fierté nationaliste. « Nous dire qu’on est trop faibles et trop pauvres pour nous en
sortir seuls agace les gens. Si des
pays de la taille de la Belgique ou de
la Grèce s’en sortent, alors pourquoi pas l’Ecosse ? », explique
Michael Fry, un historien qui milite pour le oui au référendum.
Les leçons venant des Anglais
Le lobby du whisky
contre le oui
L’avenir de la base des sous-marins nucléaires de Faslane inquiète Londres
Les fabricants de whisky écossais ont exprimé, vendredi
11 avril, leurs craintes des effets
d’une éventuelle indépendance
de leur pays, s’ils se trouvaient
privés des ressources du réseau
diplomatique britannique.
« En qualité d’ancien ambassadeur, je sais à quel point l’industrie dépend d’un soutien politique fort de la part du gouvernement », a déclaré David Frost, le
président de la Scotch Whisky
Association (SWA). Les industriels du whisky emboîtent ainsi
le pas à plusieurs institutions
financières et aux patrons de l’industrie pétrolière, inquiets des
incertitudes concernant le maintien de l’Ecosse dans la zone
euro ou de l’évolution de son
régime fiscal.
Alors que le Royaume-Uni dispose de 270 missions diplomatiques, le parti nationaliste SNP
prévoit l’ouverture de 70 à 90
« bureaux internationaux ». En
2013, les revenus de l’industrie
du whisky se sont élevés à 5,1milliards d’euros. Le whisky représente la deuxième richesse de
l’Ecosse, après le pétrole et le
gaz de la mer du Nord.
Trois jeunes ouvriers d’une aciérie de Renfrew présentent une plaque comportant la date du référendum sur l’indépendance. XINHUA/ZUMA/REA
L’INQUIÉTUDE demeure mesurée,
mais elle est bien réelle. Dans les
milieux de défense britanniques,
des préoccupations s’expriment, à
mesure que les intentions de vote
montent pour un ouiau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, le 18septembre. Car l’Ecosse est
d’importance stratégique: elle
abrite de nombreuses installations militaires, dont la base de
sous-marins nucléaires de Faslane.
Pour l’heure, il n’y a officiellement aucun « deal» ni plan quelconque sur ce sujet, car la position
du gouvernement britannique est
de ne pas envisager que le « oui »
l’emporte. Cependant, des rapports ont évalué les conséquences
possibles, ou, du moins, les nombreuses questions que poserait
cette indépendance pour la défense nationale. Un « oui » serait
« une menace sérieuse pour la
capacité opérationnelle de la dissuasion britannique», et pour le
reste, il mettrait « le Royaume-Uni
face à la perspective de perdre des
personnels, des bases et des équipements vitaux à hauteur d’un douzième de ses moyens», a ainsi
conclu la commission de la défen-
quise mêlentdu débatpassentparticulièrement mal. Car si les Ecossais ne sont pas tous indépendantistes, loin de là, ils ont tous une
très forte identité culturelle et
Toutes les attaques
contre le «oui»
venues de Londres
ont provoqué
une réaction
de fierté nationaliste
sont fiers de leur nation. Les avertissements venant de l’extérieur
sont souvent contre-productifs.
C’est encore plus vrai quand ils
sont lancés par des conservateurs,
un parti qui est presque inexistant
en Ecosse depuis les années That-
se des Communes, dans un rapport publié à l’automne 2013.
En 2013, l’Ecosse comptait plus
de 11 000 militaires britanniques,
4400 civils, 2 200 réservistes et
11 500 cadets de la défense, sur
50 sites. D’ici à 2020, Londres a
prévu de renforcer ses effectifs
dans la région, avec 12 500 soldats
au total. L’Ecosse abritera à cette
échéance une des trois principales bases navales du pays, ClydeFaslane, où sont stationnés tous
les sous-marins britanniques, et
l’annexe de Coulport, où sont stockés les missiles. Mais aussi une
des trois grandes bases d’avions
de combat, à Lossiemouth, et une
des sept brigades terrestres.
Le Livre blanc écossais prévoit
que la province devienne un Etat
sans armes nucléaires. Le transfert de responsabilité de ses forces
armées aurait lieu en mars 2016,
et leur quartier général serait basé
à… Faslane. Mais les contours
d’une défense écossaise autonome restent imprécis. La contribution actuelle de l’Ecosse aux
dépenses de défense nationale se
monte à 3,3 milliards de livres
(4 milliards d’euros), quelque 10 %,
cher. « Il y a plus de pandas au zoo
d’Edimbourg [deux] que de députés conservateurs écossais [un] »,
dit une vieille blague des milieux
politiques locaux.
AlexSalmond,le premierministre écossais et dirigeant du SNP, en
fait ses choux gras. Dans son discours, samedi, il devait faire valoir
que l’indépendance permettra de
se débarrasser des tories et de ne
plus êtredirigés «par un gouvernement mené par un parti qui a un
seul député en Ecosse ». « Un gouvernement qui détruit notre Etatprovidence,qui est déterminéà privatiser les services publics. » Bref, à
entendre M. Salmond, voter pour
l’indépendance, c’est aussi se
débarrasser d’une élite arrogante
d’Anglais éduqués dans les écoles
privées les plus chères et coupés
des réalités.
selon les estimations du Royal United Services Institute (RUSI).
La base navale de Faslane fait
l’objet d’investissements
majeurs. Ses effectifs doivent être
renforcés. Elle accueille les nouveaux sous-marins d’attaque
Astute et les lanceurs d’engins
Vanguard, ainsi que le centre
national d’expertise dans le
domaine. Construire une nouvelle base, ailleurs au Royaume-Uni,
coûterait des milliards et prendrait des années, ont prévenu
tous les experts militaires. La difficulté tient aussi au fait qu’il faut
désarmer de nombreux vieux
navires, un coût énorme. Pourraiton le partager ?
Intégration à l’OTAN
L’industrie de l’armement s’inquiète, elle aussi. Elle emploie
15 000 salariés en Ecosse, dans
50 entreprises habilitées défense.
Le ministère britannique assure
l’essentiel de leurs débouchés.
Mais si l’Ecosse devient un Etat
comme un autre dans l’Union
européenne, il n’est pas certain
que les exemptions aux règles
européennes de la concurrence
Un autre avantage de la campagne du oui est qu’elle a su incarner
l’optimisme, rejetant les unionistes dans le rôle négatif de ceux qui
avertissent de possibles dangers.
M. Salmond y est pour beaucoup.
Avec son air débonnaire, il est très
à l’aise parmi les foules et sait mettre les rieurs de son côté.
Surtout, il défend une indépendance la plus rassurante possible :
l’Ecosse n’installerait pas de frontières avec l’Angleterre, conserverait la livre sterling, la reine resterait chef de l’Etat… Cette approche
sembleavoir convaincu les catégories les plus pauvres, qui sont
majoritairement en faveur de l’indépendance.Ellesn’ontfinancièrement pas grand-chose à perdre et
apprécient le discours de rejet de
l’élite londonienne.
En revanche, les classes moyen-
continuent de s’appliquer au profit des achats de la défense britannique. Autre point, l’avenir des
chantiers navals.
Le secrétaire à la défense, Phil
Hammond, a rappelé aux députés
que le Royaume-Uni a toujours
construit ses navires de guerre sur
son sol, bien que les chantiers
nationaux soient plus chers que
d’autres, car « il est d’importance
stratégique de maintenir une capacité souveraine dans ce domaine ».
Si l’Ecosse était indépendante,
« clairement, cette capacité ne le
serait plus ». M. Hammond a précisé aux parlementaires qu’il ne
serait pas non plus envisageable
de garder la maintenance de tels
navires dans un Etat indépendant.
Le oui aura d’autres implications stratégiques. Selon le gouvernement britannique, qui dit
avoir procédé à une analyse juridique, l’Ecosse devra mener une
démarche d’intégration à l’OTAN.
Londres approuvera-t-elle dans ce
cas la demande? Face à la commission de la défense des Communes,
M.Hammond a répondu que ce
quitus, lui aussi, ne serait pas
automatique: « L’attitude du gou-
nes et les entreprises sont majoritairement pour le statu quo. Elles
redoutent les conséquences pour
l’économie écossaise.
Les jeux sont donc loin d’être
faits. Si le non perd du terrain, il
demeure en tête de tous les sondages, sans aucune exception. Ces
dernières semaines, l’écart avec le
oui semble d’ailleurs s’être stabilisé.Le poids historiquecompteégalement : depuis que l’institut de
sondage Ipsos MORI a commencé,
en 1983, à interroger les Ecossais
sur l’indépendance, il n’y a jamais
eu un seul résultat en faveur d’une
sortie du Royaume-Uni. Le scénario le plus probable demeure donc
un rejet de l’indépendance. Mais
les unionistes, et le gouvernement
à Londres, ont désormais de quoi
être nerveux. p
Eric Albert
vernement relèvera de ses intérêts
propres.» Notamment : « Nous
regarderons leur position sur le
partage du fardeau des équipements de la défense commune, la
dissuasion britannique incluse,
qui est à 100 % inscrite à l’OTAN
comme une ressource à même de
protéger l’Alliance. »
La même fermeté conduit la
défense à considérer qu’une Ecosse indépendante n’aurait pas
accès au renseignement que partagent depuis la fin de la seconde
guerre mondiale les « Five Eyes » –
Etats-Unis, Canada Royaume-Uni,
Australie et Nouvelle-Zélande.
Selon Malcom Chalmers, expert
du RUSI, « l’un des sujets les plus
difficiles dans la négociation porterait sur les services de renseignement et la coopération en matière
de contre-terrorisme».
Quant aux soldats, auront-ils le
choix? A priori, oui. Les Ecossais
qui servent l’armée britannique
devraient pouvoir continuer à le
faire. Les recruteurs de l’« Army »
et de la « Navy», en particulier, en
ont bien besoin. A condition qu’ils
le veuillent. p
Nathalie Guibert
0123
international & europe
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
3
Angela Merkel
donne un satisfecit
à une Grèce
convalescente
La chancelière allemande, en visite à Athènes,
affirme son soutien au gouvernement Samaras
Athènes
Correspondance
L
a chancelière allemande
AngelaMerkela effectué,vendredi 11 avril, une visite officielle éclair en Grèce, la deuxième
en deux ans. En moins de sept heures, elle aura rencontré des hommes d’affaires grecs, se sera entretenue avec son homologue Antonis Samaras et répondu aux questions des journalistes, lors d’une
conférence de presse aux allures
de satisfecit général. Mme Merkel a
en effet affiché une unité parfaite
avec le premier ministre grec, se
félicitant de voir la Grèce « sur le
bon chemin » et affirmant que
« cela valait la peine de faire ces
réformes ces dernières années ».
La chancelière a par ailleurs
appelé à renforcer les relations
gréco-allemandes dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture
ou des services. « Je suis consciente
qu’il y a de nombreuses opportunités de développement dans ce
pays», a-t-elle déclaré.
Antonis Samaras a quant à lui
remercié « le peuple allemand
pour sa solidarité » et convenu
qu’il fallait « achever les réformes
et poursuivre les efforts». Les questions qui fâchent – comme la restructuration de la dette réclamée
depuis des mois par le gouvernement grec ou l’éventualité d’un
troisième plan d’aide – ont soigneusement été évitées.
C’est avant tout la question du
retour réussi de la Grèce jeudi
10 avril sur les marchés qui a occu-
pé le devantde la scène. Une opération qui a permis de lever 3 milliards d’euros en obligations à cinq
ans, assortiesd’un coupon à 4,75%.
Ce placementest une réussiteinespérée pourun pays dont les obligations sont encore classées par les
agences de notation parmi les
valeurs spéculatives. « La preuve
que la confiance est revenue », a
affirmé la chancelière. La venue de
Mme Merkel, au lendemain même
de cette journée importante,
envoie le message clair que la
famille européenne continuera à
soutenir la Grèce et qu’il est donc
désormais possible d’acheter, sans
risques, de la dette grecque.
Mais cette visite est aussi le
moyen de venir soutenir son « ami
Antonis » à la veille des élections
municipales et européennes de
mai. Le parti du premier ministre,
Mme Merkel a comparé
les cinq années
de crise traversées
par le pays à la période
de la réunification
allemande
Nouvelle Démocratie (ND, conservateur)est, selon les sondages,toujours au coude-à-coude avec la
coalitiondela gauche radicaleSyriza. Un coup de pouce de la chancelière allemande pour défendre le
bilandes effortset sacrificesimposés ces deux dernières années
dans le cadre des politiques d’aus-
Angela Merkel, vendredi 11 avril, à Athènes. A droite, Antonis Samaras, le premier ministre grec. LOUISA GOULIAMAKI/AFP
térité est donc le bienvenu pour
ND. Car si les indicateurs macroéconomiques évoquent une timide
reprise – retour à une croissance
de 0,6 % du produit intérieur brut
(PIB) prévue en 2014 – l’économie
réelle a encore du mal à se redresser.Le chômageatteint 26,7% (chiffrede janvier)de lapopulationactive, 23,7 % des Grecs vivent sous le
seuil de pauvreté, la dette publique a explosé et culmine à 177 % du
PIB et de gros problèmes d’accès à
l’emprunt handicapent sérieusement la vie des entreprises.
« La question du manque de
liquidités est cruciale », a d’ailleurs
confirméAntonis Samarasvendredi, annonçant qu’un Institut pour
la croissanceétait encours d’élaboration avec le soutien financier – à
hauteur de 100 millions d’euros –
de l’Allemagne. Il s’agira à terme
d’unesorte de banqued’investisse-
Kosovo: un tribunal international pourrait
étudier les accusations de trafic d’organes
Un rapport pointe la responsabilité du premier ministre, Hashim Thaçi
La Haye
Correspondance
L
e gouvernement du Kosovo a
donné son soutien au projet
européende créationd’untribunal international jugeant les
auteurs de crimes commis pendant et après la guerre opposant
les sécessionnistes de l’Armée de
libérationduKosovo(UCK)aux forces serbes de Slobodan Milosevic,
entre 1998 et 2000, a affirmé, vendredi11avril,laprésidenteduKosovo, Atifete Jahjaga. Pourtant, la loi
établissant ce tribunal, qui doit
être débattue la semaine prochaine devant le Parlement du Kosovo,
n’est pas sans controverse.
Cetribunal,auseinduquelsiégeront des juges et procureurs internationaux,se fondera sur les résultats de l’enquête conduite par une
équipe spéciale de la mission de
l’Union européenne (UE) sur l’état
de droit au Kosovo (Eulex). Elle
avait été ouverte en 2011, après le
rapport de Dick Marty, un sénateur suisse mandaté par le Conseil
de l’Europe pour enquêter sur des
allégations de trafics d’organes.
Selon ce rapport, plus de
1 800 Kosovars albanais et serbes
auraient disparu durant le conflit
et près de 500 autres, essentiellement des Serbes, auraient été enlevés après la guerre. Certains
auraient été transférés en Albanie,
puis tués afin de s’emparer de
leurs organes. Le sénateur pointait
des membres de l’UCK appartenant au « groupe de la Drenica »,
impliqué dans la criminalité organisée et dont le chef aurait été l’ac-
tuel premier ministre kosovar,
Hashim Thaçi.
Au Parlement, « quelques membres des partis d’opposition vont
s’opposer, mais s’il y a des instructions fermes des gouvernements
américains, français, allemands et
britanniques, les parlementaires et
les politiques du Kosovo n’auront
pas le courage de les défier », assure
Nora Ahmetaj, directrice du Centre pour la recherche, la documentation et la publication, une associationkosovarequi préconiseplutôt la mise sur pied d’une commission vérité. Pour elle, « la vérité
viendra lorsque les gouvernements
du Kosovo et de Serbie donneront
les informations sur les personnes
disparues, se reconnaîtront
mutuellement et établiront une
coopération judiciaire».
Témoins éliminés
Du côté de l’UE, on insiste : « Ce
n’est pas une cour pour juger l’UCK,
pas une cour sur l’indépendance
du Kosovo.» Et « ce n’est pas le procès européen du trafic d’organes»,
ajoute un diplomate de la région,
pour lequel ce tribunal présente
néanmoins « une entreprise à haut
risque ». « Si ne sont poursuivis que
des seconds couteaux, si des actes
de vengeance sont perpétrés ou
que des témoins disparaissent, cela
pourrait envenimer la situation
[entre Belgrade et Pristina] », estime ce même diplomate.
Le projet prévoit d’établir le siège des « chambres spécialisées» au
Kosovo, mais de conduire l’essentiel des procédures dans un pays
de l’UE, sans doute les Pays-Bas, où
sera basé le procureur, pour permettre d’entendre les témoins en
toute sérénité.
Ce dernier point est « le principalproblème», expliqueFred Abrahams de Human Rights Watch,
soulignant que « cela ne peut être
fait de façon crédible au Kosovo ».
Jusqu’ici, la justice kosovare,
sous supervision de l’UE, comme
le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ont
échoué. Ce dernier a bien tenté de
juger des chefs de l’UCK pour des
crimes de guerre. Ils ont été acquittés faute de preuve après que les
témoins ont été intimidés ou tout
simplement éliminés. A l’époque,
la procureure, Carla del Ponte,
avait dénoncé les soutiens américains et occidentaux aux chefs de
guerre poursuivis. Un soutien
ouvert,critiquéaussiparDick Marty. La « guerre de libération » de
l’UCK, soutenue par Washington,
en est sortie ternie.
« Le rapport Marty a jeté une
ombre sur le Kosovo, explique Fred
Abrahams. Pour supprimer cette
image, il est nécessaire d’avoir un
processus judiciaire indépendant et
crédible. C’est la seule façon de
résoudreceproblème.»C’estunprocureur américain, Clint Williamson, qui dirige aujourd’hui la task
force chargée d’enquêter. Ancien
procureurauTPIY,ildevraitconclure son enquête « dans les mois à
venir », indique son porte-parole
Joao Sousa. A moins d’un revirementpolitique, les premièresaccusations devraient tomber au cours
de l’été. p
Stéphanie Maupas
ment sur le modèle de la KfW, la
banque publique d’investissement allemande qui accorde des
prêts aux patrons de PME ou aux
étudiants voulant créer une startup. Face aux jeunes entrepreneurs, Angela Merkel a comparé
les cinq années de crise traversées
par le pays à la période de la réunification allemande au début des
années 1990, invitant ainsi ses
interlocuteurs à la patience.
« Beaucoup de professions indispensables dans l’Allemagne de l’Est
sontsoudainementdevenues obso-
lètes et inutiles, et beaucoup de
gens ont beaucoup souffert »,
a-t-elle expliqué à un public parfois dubitatif sur cette comparaison de la Grèce de 2014 à l’Allemagne de l’Est de 1990.
Après l’explosion, jeudi 10 avril,
d’une voiture piégée au cœur
d’Athènes, un impressionnant
dispositif de sécurité a été mis en
place. Pas moins de 7 000 policiers
ont été mobilisés et se sont postés
tout le long du parcours du
cortège de la chancelière entre
l’aéroportet le centre de la capitale
où la circulation a été totalement
interdite, donnant ainsi à Athènes
des allures de ville morte. Des
manifestations, à l’appel notamment de Syriza et des syndicats,
ont bien eu lieu, maisont été maintenues par un lourd dispositif
policier loin du périmètre au sein
duquel Mme Merkel circulait. Elle
n’a donc rien vu, rien entendu des
cris de cette autre Grèce qui,
malgré une pluie battante, tenait à
lui signifier son ras-le-bol de
l’austérité. p
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4
0123
international & planete
L’UEacceptedesuperviser
desélectionségyptiennes
hautementcontestées
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
Au Vietnam, le combat des maraîchers
pour produire des «légumes sains»
Face aux nombreux scandales sanitaires, le gouvernement tente d’améliorer la sûreté alimentaire
Les 26 et 27mai, le scrutin présidentiel doit
se tenir dans un climat de répression généralisé
A
un mois et demi du premier
tour de l’élection présidentielle égyptienne, l’Union
européenne (UE) se prépare à un
périlleux exercice d’équilibrisme.
En dépit des pratiques ultra-autoritaires du pouvoir en place auCaire,
qui est sous la coupe de l’armée,
Bruxelles a accepté de superviser
les opérations de vote, les 26 et
27 mai. Un accord en ce sens a été
conclu, jeudi 10 avril, à l’occasion
dupassageduchefdeladiplomatie
européenne, Catherine Ashton,
dans la capitale égyptienne.
Ce faisant, l’UE prend le risque
d’apparaître comme la caution
internationale d’un scrutin en
trompe-l’œil et d’être stigmatisée
comme la complice objective de
son vainqueur annoncé, le maréchal Abdel Fatah Al-Sissi, l’instigateur du renversement, à l’été 2013,
duprésidentMohamedMorsi, issu
des Frères musulmans. « La décision de l’UE est malheureuse, mais
elle ne nous étonne pas, a réagi
Tarek Morsi, un porte-parole du
Parti Liberté et justice, la vitrine
politique du mouvement islamiste égyptien. Catherine Ashton est le
bras gauche du coup d’Etat. C’est le
retour de l’Europe coloniale.»
Pour l’instant, M. Al-Sissi, qui
vientde démissionnerde sonposte
de ministre de la défense, ne compte que deux concurrents, qui n’ont
aucune chance de lui faire de l’ombre : le nassérien Hamdin Sabahi,
qui a soutenu l’éviction de M.Morsi, et l’avocat Mortada Mansour, un
contempteur de la révolution de
2011. Le climat de répression, dont
témoigne la condamnation à mort
de 529 sympathisants islamistes,
les modalités particulièrementrestrictivesdelaloiélectoraleetl’enrôlement de la quasi-totalité des
médias dans la campagne pro-Sissi
interdisent au moindre candidat
hostile à l’armée de se présenter.
Cet interdit concerne en premier lieu les Frères musulmans, un
mouvementqui représente25% de
l’électorat égyptien, dont les dirigeants sont tous en prison ou en
exil et qui a été décrété «organisation terroriste» par les autorités de
transition. « L’Union européenne
va légitimer une élection, dont elle
sait par avance qu’elle ne sera ni
libre, ni équitable, déplore Alvaro
deVasconcelos,chercheuràl’Initiative arabe de réforme. Après la chute de Hosni Moubarak, José Manuel
Barroso[leprésidentdelaCommission européenne] avait esquissé
une autocritique, en regrettant que
l’Europe, par peur des islamistes, ait
soutenu des dictatures. Malheureusement, l’Union est en train de
retomber dans ce vieux travers.»
Maintien du dialogue
La décision d’envoi des observateurs est dans la continuité du
refusdes Vingt-Huitdecondamner
le coup d’Etat du 3 juillet. Au sein
du Conseil européen, une majorité
d’Etats, dont la France, prône le
maintiendudialogueavec LeCaire,
à rebours d’une ligne plus offensive, défendue notamment par les
Scandinaves.« On sait bien que près
de la moitié du champ politique
égyptien est exclu de ce scrutin,
confie un diplomate en poste à
Bruxelles. Il y a un risque de légitimer cette situation, mais ce n’est
pas une fatalité. Tout dépendra de
la manière dont on exploitera les
résultats de la mission. » Un point
de vue partagé par la secrétaire
générale de la Fédération internationale des ligues des droits de
l’homme, la Marocaine Amina
Bouayach, qui revient juste duCaire. « C’est toujours mieux d’être présent. Cela permet de construire un
plaidoyer politique», dit-elle.
Le protocole de la mission, en
cours d’élaboration, garantira
« aux observateurs de l’UE de pouvoir circuler à travers le pays sans
entraves et de pouvoir entrer en
contact avec toutes les parties »,
selon le communiqué diffusé à l’issue de la visite de Mme Ashton. Pas
de quoi rassurer le Portugais
Alvaro de Vasoncelos, vétéran du
dialogue Nord-Sud. «Si Sissi se présentaitdansun paysd’Amériquedu
Sud ou d’Afrique subsaharienne,
nous aurions refusé d’y envoyer des
d’observateurs.Maisc’estlaMéditerranée,etl’Europealafâcheusehabitude d’y renier ses principes. » p
Benjamin Barthe
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Dans un champ de la coopérative de Van Duc, située à la périphérie de la capitale, Hanoï. SAMUEL BOLLENDORF POUR « LE MONDE »
Reportage
Van Duc (Vietnam)
Envoyé spécial
A
u Vietnam, les scandales
sanitaires, dont les médias
se font l’écho chaque semaine, ont fini par alarmer la population. Tran Van Dao, un producteur
de la coopérativede Van Duc, commune située à la périphérie de
Hanoï et connue pour ses légumes
vendus sur les marchés de la capitale, est soucieux de la qualité de
sesproduits.Sa coopérativepropose des produitscertifiés par le label
VietGAP (GAP pour Good Agricultural Practices, bonnes pratiques
agricoles). Lancé en 2008, celui-ci
demande un engagement plus
important du maraîcher, qui doit
consigner dans un cahier tous les
traitements appliqués à ses cultures et est censé être contrôlé chaque année. Mais on est encore très
loin d’une agriculture biologique.
« La différence avec un agriculteur non certifié, c’est que je ne
peux utiliser que des intrants autorisés, mais aussi que je dois respecter un délai d’au moins quinze
jours entre le dernier traitement et
la récolte », témoigne Tran Van
Dao, en inspectant sa parcelle.
Pour répondre à l’exigence de
qualité des classes moyennes
émergentes et au développement
récent de la grande distribution
dans les villes vietnamiennes, le
secteur agricole commence à se
doter de normes sanitaires et environnementales minimales.
Un programme « légumes
sains » a été lancé dans les années
1990, pour répondre à la méfiance
de plus en plus grande de la population vis-à-vis de la filière maraîchère. Pour se prévaloir de ce label,
la condition est de cultiver dans
une zone où la qualité de l’eau, de
l’air et du sol est considérée comme satisfaisante.
«Avecleslégumescertifiés,l’environnement est protégé, la production plus stable et le prix de vente
plus élevé », assure Minh Nguyen
Van,levice-présidentdelacoopérative de Van Duc. Le gain est néanmoins modeste: le prix d’un chou
certifié peut atteindre5 000 dongs
(0,17 euro) le kilo, contre 4 000
pour un chou ordinaire.
Le coût élevé de la certification,
18millions de dongs (614 euros) par
hectare,réservecelle-ciauxgroupements de producteurs bénéficiant
d’aides publiques. C’est le cas de la
coopérative de Van Duc, dont les
frais de certification sont pris en
charge par la municipalité de
Hanoï.
Le suivi sanitaire de la production agricole est pourtant encore
très aléatoire, les sanctions presque inexistantes. « On n’analyse
pas tout, car le coût des contrôles
est trop élevé, notamment pour les
insecticides », reconnaît Nguyen
Thi Tan Lo, économiste au Centre
de recherche sur les fruits et légumes, un des partenaires du Centre
de coopération internationale en
recherche agronomique pour le
développement (Cirad). « Et, bien
souvent, les résultats arrivent
après que la production a été vendue et consommée.»
Le surdosage des
intrants et l’utilisation
de produits interdits
restent des plaies
de l’agriculture
vietnamienne
L’insuffisancedes contrôles reste, avec le surdosage des intrants
et l’utilisation de produits interdits, l’une des plaies de l’agriculture vietnamienne. Mais les esprits
évoluent: depuis deux ans, le gouvernement vietnamien a fait de
l’amélioration de la qualité dans le
secteur agroalimentaire l’une de
ses priorités.
« On remarque une prise de
conscience et une demande de plus
en plus forte de la population
d’avoir accès à des aliments sûrs »,
note Philippe Girard, directeur du
bureau régional du Cirad. L’institutfrançaistravaille,aucôtéde partenaires vietnamiens, à améliorer
la sûreté et la qualité des aliments,
d’origine végétale ou animale.
Le défi est de taille : « Sur le marché mondial, le Vietnam s’est positionnésur une logiquede gros volumes de production, de prix bas et
de produits de qualité médiocre »,
explique M. Girard.
Le pays est ainsi devenu le troisième producteur mondial en
aquaculture, se spécialisant dans
la crevette et le panga. Mais l’usage
immodéré d’antibiotiques – dont
certains sont interdits dans les
pays occidentaux ou au Japon –
dans les élevages en a fait également le champion du monde des
refus d’importations.
« Certains aquaculteurs utilisent des farines mélangées avec
des antibiotiques, parfois importés
de Chine, sans savoir ce qu’il y a
dedans. Ils disent les utiliser tant
que ça marche, puis passer à autre
chose », témoigne Samira Sarter,
spécialiste en microbiologie alimentaire au Cirad.
« On est en permanence sur le fil,
complète M. Girard. Un éleveur de
volaillesqui a unebête malade,plutôt que de le signaler aux autorités
sanitaires, va chercher à la vendre
avant qu’elle ne meure. C’est un
problème de pauvreté.» p
Gilles van Kote
Etats-Unis Washington ne délivrera pas de visa
au nouvel ambassadeur iranien à l’ONU
WASHINGTON. Les Etats-Unis ont informé Téhéran qu’ils ne délivreraient pas de visa au nouvel ambassadeur iranien à l’ONU,
Hamid Aboutalebi, en raison de son rôle présumé dans la prise
d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979, a annoncé la Maison Blanche, vendredi 11 avril. Le 9 avril, le chef de la
diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait jugé « totalement inacceptable» ce possible refus, défendant la candidature
de M. Aboutalebi, « l’un de nos diplomates les plus expérimentés
et rationnels». – (AFP, AP.)
Algérie Les Algériens votent en France
dès samedi pour la présidentielle
PARIS. Quelque 815 000 Algériens ont commencé à voter en France, samedi 12 avril pour élire le président algérien, soit cinq jours
avant le scrutin en Algérie. Ils ont jusqu’au 17 avril pour faire leur
choix. Abdelaziz Bouteflika se présente pour la quatrième fois.
Son principal rival, Ali Benflis, déclare que la fraude sera son
« principal adversaire». – (AFP.)
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Mexique François Hollande quitte le pays au terme
d’une visite d’Etat de deux jours
MEXICO. Le président François Hollande a quitté le Mexique, vendredi soir 11 avril, à l’issue d’une visite d’Etat de deux jours,
durant lesquels une quarantaine d’accords ont été signés. De cette réconciliation politique, les deux gouvernements attendent
désormais des résultats économiques tangibles. L’affaire Florence Cassez avait mis à mal les relations entre les deux pays. – (AFP.)
Ce dimanche à 12h10
ELIO DI RUPO
Premier ministre belge
répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE),
Sophie Malibeaux (RFI), Philippe Ricard (Le Monde).
Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr
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international
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
5
La longue lutte des ouvrières
cambodgiennes du textile
Les syndicats réclament un doublement du salaire minimum mensuel pour
atteindre 160 dollars. Le conflit social s’enlise dans un secteur clé pour le pays
Reportage
Phnom Penh
Envoyée spéciale
C
’est ici, à Canadia Industrial
Park, dans la grande banlieue de Phnom Penh, que
s’est produite la répression sanglante du 3 janvier. Les ouvriers du
textile défilaient pour obtenir un
doublement du salaire minimum.
Sur ordre du premier ministre
Hun Sen, au pouvoir depuis bientôt trente ans, les forces de sécurité
ont ouvert le feu. Bilan : cinq
morts et des dizaines de blessés.
Depuis, les manifestations sont
interdites à Phnom Penh. Mais la
peur est tombée, et le Cambodge
estcommeune eaudormante.Ainsi, alors que le pays fête le Nouvel
An khmer à partir de dimanche
13 avril, plusieurs syndicats ont
appeléà ne pas reprendrele travail
le 17 avril, après la fin des congés.
Or le secteur de la confection –
500 000 emplois directs, 3 millions indirects – est un pilier de
l’économie cambodgienne, essentiel à sa croissance (7 % par an en
moyenne).
Surveillé de près par l’Organisationinternationaledu travail(OIT),
le Cambodge a acquis dans le courant des années 2000 une image
plutôt positive. Mais les choses ont
changé depuis trois ou quatre ans.
Séduiteparlefaiblecoûtdelamaind’œuvre cambodgienne – quatre
fois moins élevé que chez elle, moitié moins qu’en Indonésie, et 25 %
plus bas qu’au Vietnam –, la Chine
a délocaliséici ses usines de confection. Au fur et à mesure que la
demande en provenance d’Europe
et des Etats-Unis augmentait, la
situation s’est dégradée.
Difficile de se faire une idée précise des conditions de travail au
Cambodge.Entrelesusinesenregistrées au ministère du commerce et
les ateliers clandestins des campagnes, invisibles par définition, il y a
un monde. Les usines de Canadia
Industrial Park sont dans l’ensemble correctes: d’immenses hangars
éclairés au néon. Des tables en
série, chargées de monceaux de tissu.Desmachinesàcoudreenenfilade. Et des centaines de très jeunes
femmesatteléesà latâche,dix heures par jour, six jours sur sept.
Le choc, on l’a plutôt quand on
tombe sur les logements des
ouvriers, à quelques centaines de
mètres.Pouréconomiserle coût du
loyer – 35 dollars (25 euros) par
mois–, les employés se partagent à
sept, dix, parfois quinze, des
Accord politique en vue
avec l’opposition
Le chef de l’opposition, Sam
Rainsy, et le premier ministre
Hun Sen seraient proches d’un
accord qui mettrait fin à la paralysie du Parlement depuis les
élections législatives contestées
de juillet 2013. Selon les résultats officiels, le Parti du peuple
cambodgien (PPC, au pouvoir) a
remporté ces élections, avec
68 sièges contre 55 au Parti du
sauvetage national du Cambodge (PSNC) de Sam Rainsy.
Dénonçant des fraudes massives, l’opposition a revendiqué la
victoire. Depuis, ses députés boycottent l’Assemblée nationale.
Les deux adversaires seraient
parvenus à s’entendre « sur certains points importants », a indiqué Sam Rainsy, le 10 avril, à
Phnom Penh. Mais aucun accord
n’a encore été trouvé concernant la date des prochaines législatives, a-t-il ajouté. Hun Sen
a proposé un scrutin en
février 2018, soit cinq mois avant
l’échéance prévue, mais « nous
voulons que les élections aient
lieu au moins un an plus tôt », a
précisé le chef de l’opposition.
réduits de 10 mètres carrés. En guise de salle de bains, un robinet
d’eau froide et un seau. Un réchaud
électrique fait office de cuisine.
Assises par terre dans leur petit
logement, Chantha, Leakena et
Sachina parlent de leur vie quotidienne, avec l’insouciance de leurs
20 ans. Comme toutes les
employées de Canadia Industrial
Park – 90 % sont des femmes –,
elles viennent de la campagne.
Elles ont commencé à travailler à
17 ans, sans la moindre qualification. En comptant les heures supplémentaires, elles gagnent quelque 120dollars par mois, dont elles
envoient les deux tiers à leurs
parents restés au village.
Début décembre 2013, elles ont
fait grève, sans conviction. « Certains syndicalistes nous y obligeaient», disent-elles. Faire passer
lesalaireminimumde80 à160dollars,comme le réclament les syndicats ? « On aimerait bien, mais on
n’y croit pas trop ! », répondentelles. Deux choses leur pèsent :
d’une part, les heures supplémentaires qu’on leur impose tous les
jours. Deux heures obligatoires,
parfois quatre, si une commande
imprévue arrive. D’autre part, la
cadenceimposée.«Coudre120pantalons en deux heures, je n’y arrive
jamais. Du coup, je perds ma prime
à la fin du mois», se plaint Sachina.
Lespatronsd’usine,eux,nedécolèrent pas. Ils sont pris en tenaille
entre les investisseurs – chinois,
coréens, japonais, taïwanais– qui
menacent de partir ailleurs et le
double discours des grandes marques occidentales. « Les donneurs
d’ordre nous conseillent de relever
les rémunérations, mais au même
moment ils négocient au plus bas.
Si on double le salaire minimum,on
setiredeuxballesdanslepied»,souligne la DRH d’une usine de textile
britannique.
PorphinaVan,elle,sesentdécouragée. La multiplicité du nombre
de syndicats au Cambodge
– 2 000 pour 500 usines – a eu raison de sa patience. Entre décembre2013 et janvier, ses trois sites de
production ont perdu 2,7 millions
de dollars. Pour elle, une « minorité» de syndicalistesprocède à «l’intimidation et à la violence » et va
détruire l’industrie du textile.
Distribution de tracts appelant à la grève, le 9 avril, dans la banlieue de Phnom Penh. XINHUA/PHEARUM/CORBIS
La crise sociopolitique qui
secoue le pays depuis des mois
n’est pas près de s’éteindre. « C’est
un cancerqui s’estmétastasé»,estime le politologue Kem Ley. De son
côté, Jason Judd, de l’OIT, souligne
qu’enraisonde l’inflation« le salaire minimum réel a baissé, ces dix
dernières années, malgré les aug-
mentations». Pour sa part, l’économiste Ou Virak, président du Centre cambodgien des droits de
l’homme,appuiel’idéed’un réajustement, mais lance une mise en
garde : « Si l’on passe à 160 dollars
du jour au lendemain, 20 % des
emplois disparaîtront aussitôt.
Quantité de jeunes ouvrières ris-
quent de n’avoir d’autre recours
que la prostitution.»
Pour lui, la solution serait de
procéder par étapes. Dix dollars
tous les six mois, par exemple,
pour donner aux fournisseurs « le
temps de s’adapter et de négocier
avec les donneurs d’ordre ». p
Florence Beaugé
Dessyndicats ont
appeléles ouvrières
àne pas revenir
travailler aprèslafin
descongés du Nouvel
Ankhmer, le 17avril
Phaibun habite de l’autre côté
de la ruelle. Pieds nus, tee-shirt
déchiré, cet homme d’une cinquantaine d’années tient un petit
restaurant dans un hangar, au
milieu des toiles d’araignée. Ses
clients: les ouvriers des usines textiles. « Je dépends d’eux. S’ils font
grève, je ne gagne plus rien », explique-t-il. Son principal souci ? L’inflation.Il se détourne pour essuyer
des larmes. « Avant, on travaillait
pour vivre. Maintenant, on travaille pour survivre», souffle-t-il.
Chez Bopha, la soixantaine,
cohabitent trois générations. Dix
personnes, dans une dizaine de
mètres carrés. Tout le monde dort
en rangs serrés, à même le sol.
Dans un petit hamac, un bébé flotte au-dessus des uns et des autres.
Cinqdes sept enfants de Bopha travaillent dans les usines de textile.
Un salaire à 160dollars ? Bopha n’y
croit pas. Ce qu’elle aimerait voir
changer au Cambodge ? « Tout !
Mais d’abord la corruption et les
politiciens», répond-elle, l’air las.
Pas la moindre trace de résignation chez les syndicalistes. Chea
Mony, secrétaire général du Syndicat libre des travailleurs du royaume du Cambodge, est une figure de
la contestation. « Tôt ou tard, nous
reprendrons la grève. 160dollars, ça
nousdonnerait juste de quoi vivre»,
affirme-t-il,leregarddur.Necraintil pas de tuer le secteur de la confection? Chea Mony éclate de rire : « Si
on réglait la question de la corruption, on aurait largement de quoi
nous payer 200dollars par mois !»
Silenceprudent,du côté du gouvernement et du GMAC, le syndicat patronal de la confection,
depuis la répression meurtrièrede
janvier.Chacunredoutede nouvelles violences qui feraient fuir les
investisseurs pour le Bangladesh
ou la Birmanie, où le coût du travail est encore plus bas. Pour Sok
Siphana, l’un des conseillers de
Hun Sen, l’opposition veut son
« printemps cambodgien » et son
chef, Sam Rainsy, soutient « par
démagogie » les revendications
des ouvriers.
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CRÉATEUR ORIGINAL
6
france
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Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
«Théorie du genre»: enquête sur une folle rumeur
Fin mars, le collectif Journées de retrait de l’école a accusé une enseignante de Joué-lès-Tours d’attentat à la pudeur
Récit
Devantles grilles de la maternelle, le calme est revenu. « Toutes les
mamans musulmanes ne sont pas
à mettre dans le même panier, s’indigne Selma, un enfant en élémentaire, l’autre en maternelle. Les SMS
ont circulé entre mamans et, de
l’une à l’autre, la rumeur a grandi,
déformée… De l’inquiétude, il y en a
eu, mais on sait aussi qu’on n’accuse pas quelqu’un sans preuve! »
«La pression vient d’unepoignée
de mamans, moins de dix, ajoute
Assia, trois enfants en élémentaire,
un en grande section. C’est comme
une secte : elles répètent qu’elles
vontmettreleursenfantsdansleprivé, qu’on pourrait ouvrir des écoles
“ànous”,oufairel’écoleàlamaison.
Avec la barrière de la langue, c’est
facile de suivre…»
Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire)
Envoyée spéciale
S
’il y a un sentiment que la
communauté éducative partage, à Joué-lès-Tours, c’est
celui de n’avoir « rien vu venir ».
Celui, aussi, d’avoir été « manipulée»,«salie».«Celam’esttombédessus », répète Céline (son prénom a
étéchangé),l’enseignantedematernelle contre laquelle, fin mars, le
collectif des Journées de retrait de
l’école (JRE) a lancé la pire des
rumeurs: celle d’un « attentat à la
pudeur» sur un garçonnet de 3 ans.
La professeure chevronnée est
« tombée de haut », raconte-t-elle,
en visionnant, samedi 29 mars au
matin, une vidéo de dix minutes,
miseenlignesurlesitedesJRE.Dalila Hassan, qui se présente comme
« responsable de la JRE 37 300 », y
livre un récit accablant: un garçon
« a expliqué que la maîtresse avait
baissé son pantalon, qu’il y avait
aussi (…) une petite fille à qui on a
baissé le pantalon et (…) que la maîtresse a demandé à la petite fille de
toucher ses parties génitales et au
petit garçon de toucher les parties
génitales de la petite fille et ensuite
desefaire des bisous».Elle ditse faire l’écho des craintes d’une mère
tchétchène. A la fin de la vidéo, un
slogan: « Vaincre ou mourir.»
Le temps d’un week-end,
54 000 personnes visionnent la
vidéo. YouTube la retire le 31 mars,
elle réapparaît le 9 avril. Dix mille
autres internautes la regardent. Le
nom de Céline n’y est pas livré,
mais celui de son école, si, ce qui
rend l’enseignante identifiable.
Le collectif des JRE n’en est pas à
sa première rumeur. Lancé par la
militante Farida Belghoul pour
s’opposer à l’« abomination» de la
« théorie du genre », il est passé
maître dans l’art de répandre des
calomnies aussi sordides que grotesques : initiation à la masturbation en maternelle, utilisation de
sex-toys en peluche, négation de
l’altérité fille-garçon… Son arme :
les réseaux sociaux. Sa stratégie :
inonder de SMS des parents de la
communauté musulmane, sans
s’en expliquer aux médias autres
que ceux qu’il choisit. « Je refuse de
répondre aux médias menteurs »,
écrit Mme Belghoul sur Facebook.
Jusqu’à présent, ses appels men-
Les enseignants
sentent que le travail
d’explication fait
auprès des familles
n’a pas toujours suffi
suels au boycott de l’école ont eu
un « impact circonscrit », selon le
ministère de l’éducation: 100 écoles touchées fin janvier, 70 en
février. On tablait alors sur un
« essoufflement » de la mobilisation.Orce sont encore70 écolesqui
ont signalé des élèves absents le
31 mars, pour la troisième édition
des JRE. Dans celle de Céline, un
quart des enfants manquaient à
l’appel. « On a sans doute atteint
l’apogée de la campagne de calomnie, estimel’inspecteur d’académie
d’Indre-et-Loire, Antoine Destrés,
avec des attaques personnelles, qui
ont ciblé une école en particulier.»
On sait peu de chose de Dalila
Hassan, sinon ce qu’elle dit d’ellemême dans la vidéo: mariée, mère
de trois enfants, elle travaille dans
le secteur des assurances. Elle non
plus ne répond pas à la presse.
Selondes sourcesproches durectorat, elle aurait pris part à « l’agitation » autour de Tomboy – ce film
dont la projection a ému La Manif
pour tous. Ce que l’on sait, c’est que
la jeune femme était présente, vendredi 28mars, parmi la centaine de
parents rassemblés vers 18 heures
devant la maternelle où Céline
enseigne depuis six ans. Qu’elle a
En un week-end,
54000 personnes
ont visionné la vidéo
mise en ligne
par le collectif des JRE
accompagnéla maman tchétchène
quand la directrice l’a reçue. Et que
c’est elle qui a appelé à la rescousse
Mme Belghoul, accourue sur place.
Céline n’était pas présente lors
de la manifestation. Quand la
directrice l’alerte, elle « tombe des
nues ». « Les accusations sont tellement graves mais elles sont aussi
tellementabracadabrantesque j’ai
du mal à me dire que c’est bien moi
qui suis visée, alors que je connais
ce quartier depuis vingt ans, que
j’ai choisi d’enseigner ici parce qu’il
y a un travail passionnant à faire
en ZEP, en équipe, avec les familles,
les enfants…»
Elle accuse le choc… et relève la
tête, épaulée par ses collègues, son
syndicat, sa hiérarchie. Elle porte
plainte, ainsi que la directrice de
l’école, pour «diffamation». L’inspection académique leur emboîte
le pas. Dans les couloirs de cette
administration, à Tours, on confie
avoir eu «très vite la conviction que
l’histoire est cousue de fil blanc ».
«Je n’ai pas à ce jour d’élémentspermettant de confirmer les événements relatés par le petit garçon»,
affirme au Monde, le 11 avril, Cécile
Ancelin, substitut du procureur. La
mamantchétchène,quin’apassouhaité nous répondre, n’a pas porté
plainte. « Lorsque les inspecteurs
l’ont appelée pour qu’elle se rende
au commissariat avec une traductrice assermentée, c’est Farida Bel-
ghoul qui a décroché», apprend-on
de source judiciaire.
«Cette maman maîtrise très peu
le français, reprendCéline, mais j’ai
eu trois de ses enfants dans ma classe, et il n’y a jamais eu de problème
avant. » Depuis, les deux femmes
se sont recroisées. « Quand elle a
déposé son fils à l’école, le mardi, on
s’est regardées, on s’est saluées… et
je me suis demandé si, comme moi,
elle se posait la question: “Qu’est-ce
qui nous tombe dessus ?” Je la sens
presque aussi victime que moi. »
C’est aussi le sentiment de
Patrick Bourbon, du Réseau éducation sans frontières, qui a parrainé
les enfants les plus âgés de la
famille, il y a trois ans, quand leur
demande d’asile a été rejetée. « Le
père avait participé à la lutte
armée contre la Russie, ils avaient
fui les représailles pour arriver un
peu perdus ici. Des collègues se sont
cotisés pour le timbre fiscal de leur
carte de séjour. Après, les liens se
sont distendus. »
Lutte contre l’homophobie: la Rue de Grenelle avance avec prudence
LA LUTTE contre l’homophobie et
la prévention du suicide des jeunes homosexuels pourrait-elle faire les frais de la polémique sur le
genre à l’école? C’est ce que redoute l’association All Out, qui a rassemblé plus de 26 000 signatures
dans une pétition remise le 9 avril
au ministère de l’éducation nationale. Un collectif de syndicats de
l’éducation et d’associations de lutte contre l’homophobie a aussi fait
part de son inquiétude dans un
courrier envoyé le 20 mars au précédent ministre, Vincent Peillon.
En cause, le sort réservé à la campagne (sous forme d’affiches, de
cartes et de guides à destination
des personnels) informant les élèves de l’existence de la ligne Azur,
un service d’aide à distance pour
les jeunes victimes d’homophobie
ou qui s’interrogent sur leur orientation sexuelle. Elle avait été décrite par le polémiste Eric Zemmour,
début février, comme un dispositif vers lequel renverrait l’éducation nationale «où l’on demande à
des enfants de 11 ans de répondre à
des questions» sur leur orientation sexuelle. Son site Internet
avait été piraté.
« Contrer les rumeurs »
La ligne Azur est une ligne
d’écoute destinée à la prévention
du suicide dans une population
vulnérable, puisque selon diverses
études, les jeunes gays ont de six à
treize fois plus de risque de faire
une tentative. Partenaire de l’éducation nationale depuis 2008, elle
recueille un millier d’appels par
an, et autant de courriels.
La campagne d’affichage dans
les collèges et lycées démarre habituellement assez tard dans l’année. Vincent Peillon s’était engagé, selon les associations, à ce
qu’elle débute cette fois en janvier. Or elle n’est toujours pas lancée. « Elle le sera au retour des
congés de printemps», assure-t-on
Rue de Grenelle, en précisant que
« les affiches sont en train d’être
envoyées». « Nous avons l’assurance du ministère que ce sera fait
dans les jours qui viennent»,
confirme Alain Miguet, le responsable de la ligne Azur.
Yohann Roszéwitch, le président de SOS Homophobie, se dit
également «rassuré». «Il n’y a pas
de recul du ministère», affirme-t-il.
All Out a eu le même engagement.
«L’objectif de la pétition était aussi
de montrer que des milliers de personnes sont mobilisées pour
contrer les rumeurs fondées sur des
mensonges, ajoute Guillaume Bonnet, directeur de campagne de l’association. Elle adresse un message
fort pour l’année prochaine.»
Le ministère a cependant formulé pour la première fois une
demande qui traduit une certaine
prudence: les affiches ne renverront pas au site complet Ligneazur.org, qui rassemble des informations sur l’orientation sexuelle et
l’homophobie, l’impact éventuel
d’un coming out, des témoignages, etc., mais à une page distincte,
n’informant que sur la possibilité
de téléphoner ou d’envoyer un
mail pour obtenir un soutien.
Les associations de lutte contre
l’homophobie qui interviennent
en milieu scolaire ont aussi ressenti l’inquiétude de chefs d’établissement. Le Mag, une association de
jeunes LGBT qui réalise environ
120 interventions par an, a eu une
vingtaine d’annulations.
SOShomophobie, la principale sur
ce créneau puisqu’elle sensibilise
15000élèves par an, a été confrontée à davantage de questions.
«Nous avons dû rassurer les directeurs d’établissement, explique
M.Roszéwitch. A Versailles, nous
avons également rencontré des
parents.» Au final, aucune séance
d’information n’a été annulée. p
Gaëlle Dupont
Mais ce qu’elles veulent toutes
deux pour leurs enfants, c’est « cette » école où Céline enseigne.
« Même si l’an prochain les enseignants font la théorie du genre, je
dirai à mes enfants que chez nous,
on ne marie pas un garçon avec un
garçon, lâche Selma. Un discours à
l’école, un à la maison, on peut faire la part des choses.»
Côté enseignants, on sent que le
travail d’explication fait depuis
plusieurs mois auprès des familles
n’a pas toujours suffi. A Joué-lèsTours, le dispositif de lutte contre
les stéréotypes « ABCD de l’égalité» n’est pas expérimenté,et pourtant, l’école a souhaité, en janvier,
organiser une réunion d’information avec les parents. On pensait
désamorcer les inquiétudes, on a
été surpris de les sentir si vives.
« Ce qu’on entend, c’est qu’ils
nous font confiance à “nous”, leurs
enseignants, mais pas au ministère
ou au gouvernement qui auraient
un projet caché », témoigne Paul
Agard, enseignant dans le même
groupescolairequeCéline,etreprésentantduSNUipp-FSU.«Surceterreau-là, des discours extrémistes,
musulman ou catholique, peuvent
instiller leur poison », renchérit
Nicolas Moitel, de SUD Education.
D’autantque certainsn’hésitent
pas à instrumentaliser les peurs.
Un tract non signé, sans mention
d’imprimeur, mais portant le logo
de la liste du candidat UMP Frédéric Augis, a été distribué dans des
boîtesauxlettresd’unquartiersensible de la ville, à la veille du second
tour des municipales. « Philippe Le
Breton [maire PS qui briguait un
quatrième mandat] et sa majorité
socialiste ont déjà bouleversé les
valeurs de la famille en permettant
lemariagepourtous,peut-ony lire.
Depuis la rentrée, ils imposent l’enseignement de la théorie du genre
(…). Je dis stop ! »
Le 30 mars, l’UMP s’est imposée
de peu face au PS. Le nouveau maire a refusé de répondre à nos questions, affirmant « ne cautionner en
aucune manière le contenu de ce
tract découvert a posteriori ». Il
était annoncé, vendredi soir, dans
l’école de Céline. p
Mattea Battaglia
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8
0123
france
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
La colère des sénateurs
contre la suppression
des départements
Les élus déplorent la brutalité de l’annonce par
Manuel Valls d’un vaste projet de réforme territoriale
L
es sénateurs n’apprécient
pas d’être bousculés. Et c’est
peu dire que Manuel Valls en
a laissé un certain nombre « sonnés » – selon leur propre expression – après son discours devant le
Sénat, mercredi 9 avril, et ses
annonces sur un vaste projet de
réforme territoriale.
Dès la première séance de questions au gouvernement, le lendemain, les élus du Palais du Luxembourg ont répliqué en tir groupé,
posant six des dix questions du
jour sur ce sujet. Principal objet du
conflit: la suppressiondes départements d’ici à 2021 et le caractère
« brutal » de l’annonce, d’après le
terme du sénateur socialiste de
l’Aisne Yves Daudigny qui déplore
qu’il n’y ait eu « aucune discussion
préalable avec l’Assemblée des
départements de France».
Une idée d’autant plus inattendueque, le 18 janvier, FrançoisHollande avait assuré, lors de ses
vœux aux Corréziens, qu’il n’était
« pas favorable à la suppression
pure et simple » des départements.
Le projet serait en fait davantage
porté par Matignon que par l’Elysée,à en croireMichelBerson,sénateur (PS) et ancien président du
conseil général de l’Essonne
tie d’entre eux, le département
demeure un échelon essentiel, du
moins dans les territoires ruraux
où le siège des régions apparaît
trop éloigné et les communautés
de communes en incapacité de
récupérer toutes les compétences
des conseils généraux.
« Manuel Valls a nuancé ses propos, insistésur le sentimentd’abandon et de détresse des territoires
rurauxetcertes annoncéune période de débat mais la conclusion est
déjà inscrite », regrette M. Daudigny, qui reste « en opposition totale sur le fond ». « L’échelon départemental est efficient, tourné vers
l’avenir et répond aux problématiques des territoires ruraux, il doit
évoluer mais pas être supprimé. »
Une vision partagée par Yvon Collin (groupe RDSE, Tarn-et-Garonne), pour qui les départements
devraient « se recentrer sur leur
mission sociale et l’entretien des
infrastructures, et avoir d’autres
compétences en moins».
A gauche, seuls les écologistes
soutiennentle projetavec les socialistes, tandis que les communistes
ont non seulement dénoncé la
méthode mais désapprouvent sur
le fond ce qui serait « la fin du processus de décentralisation ». « La
(1998-2011). Pour bien connaître
l’ancien maire d’Evry, Manuel
Valls, il juge que « c’est un peu
conforme à ce qu’il est, il prend toujours des décisions avec beaucoup
de… vigueur. Il a voulu taper fort en
disant “Moi, j’ose”, “J’achèverai la
décentralisation”. Mais cela va être
un exercice difficile», prévient-il.
Mercredidéjà, le chefdu gouvernement a commencé à calmer le
«Le débat va crisper
le Sénat, à droite
comme à gauche,
ça va être une guerre
de tranchées,
comme le cumul»
Yvon Collin
sénateur RDSE
jeu, assurant qu’il y aurait le
temps d’un « long débat ». « Nous
avons six ans pour y réfléchir. Nous
n’agirons pas dans la brutalité,
mais ne fuirons pas non plus nos
responsabilités», a-t-il plaidé dans
l’Hémicycle d’une institution où
10 % des élus sont président de
conseil général (35 sénateurs, dont
19 socialistes).Pour une bonnepar-
Mme Lebranchu lors du vote de la loi de décentralisation au Sénat, en juin 2013. COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
création des métropoles, c’était de
la dynamite pour les départements », témoigne Gérard Le Cam
(CRC, Côtes-d’Armor), inquiet de
l’avenir des communes qui
seraient « fondues dans les intercommunalités».
« On entre dans une nouvelle ère
de la décentralisation sans savoir
s’y prendre », reconnaît M. Berson,
rappelant qu’il a fallu « réécrire
trois fois le texte sur les métropoles ». Pour un haut dirigeant socialiste, les annonces du premier
ministre, fortes, n’en sont finalement pas moins des « demi-mesures ». « Manuel Valls aurait dû aller
au bout et présenter sa vision des
choses, dire clairement ce qu’il
compte faire et comment, selon les
territoires urbains ou ruraux, le
nombre d’habitants, etc. »
Côté UMP, le maire de Marseille,
Jean-ClaudeGaudin, a affirmé l’opposition«totale » deson groupeau
Sénat à la suppression du département, « qui doit être un espace
adapté à l’expression démocratique de la ruralité ». Mais le sénateur des Yvelines et ancien président du Sénat, Gérard Larcher, ne
semontrepas formellementopposé. « Le débat va crisper le Sénat, à
droite comme à gauche, ça va être
une guerre de tranchées comme le
cumul», résume M. Collin.
Le sénateur du Tarn-et-Garonne se dit par ailleurs « surpris par le
calendrier ». « Nous n’avons aucune assurance que nous aurons une
majorité, et les candidats aux cantonales de 2015 vont se retrouver à
devoir fermer la porte derrière
eux. » « Ils envoient leurs élus à la
boucherie », appuie M. Le Cam,
ajoutant que « quand la droite a
voulu faire sa réforme territoriale,
le PS était vent debout et aujourd’hui,on a une réforme quiva encore plus loin ».
A l’époque, cette réforme avait
en partie coûté à la droite la perte
du Sénat. Aujourd’hui, la gauche
est de toute façon déjà en mauvaise posture pour les sénatoriales de
septembre, et ce nouveau bras de
fer avec le Sénat, après celui sur le
non-cumul, ne jouera pas en sa
faveur. C’est à se demander si, perdu pour perdu, le gouvernement
n’a pas décidé, comme le soufflent
certains,de « faire une croix » sur le
Sénat, où la majorité est déjà de
toute façon intenable et les us et
coutumes trop ancrés.
« On ne peut pas retarder la
modernisation de l’Etat à la remorque d’une soi-disant clientèle »,
assure un membre du gouvernement, qui veut croire que, à l’instar
du non-cumul, c’est la « forte
demande de l’opinion publique »
qui l’emportera au final. En dépit
de la résistance des sénateurs. p
Hélène Bekmezian
Marylise Lebranchu, ministre fragilisée
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SOLDAT MODÈLE de la Hollandie,
Marylise Lebranchu mettra en
œuvre « cette nouvelle organisation territoriale ambitieuse,
moderne et efficace», jure-t-elle.
Après deux années de négociations avec des bataillons d’élus PS,
la ministre de la décentralisation
a enfin un plan cohérent à mettre
en œuvre : diviser le nombre de
régions par deux, réduire d’une
couche le mille-feuille territorial
en programmant la disparition
du département et mettre fin aux
doublons en supprimant la clause
générale de compétence qui donne la possibilité aux collectivités
de se mêler de tout (tourisme,
culture, développement économique, etc.), dès lors que cela concerne leur territoire.
Ancienne maire de Morlaix
(Finistère), la ministre, qui fut
membre du gouvernement Jospin, n’ignore rien des dédales de
l’organisation administrative
française. En mai2012, lorsque le
premier ministre, Jean-Marc
Ayrault, lui demande d’ouvrir l’acte III de la décentralisation, elle
prépare un texte court censé prendre de vitesse les futurs perdants
de la réforme.
Mais François Hollande défend
une autre vision: soucieux de
rompre avec l’autoritarisme de
M.Sarkozy à l’égard des élus, le
chef de l’Etat donne une large part
à la consultation. Débutent alors
huit mois de concertation avec
des patrons d’exécutif local, les
syndicats, les représentants des
régions, des départements, des
maires… « Lorsque vous tentez de
faire la synthèse de leurs doléances, vous ne produisez que du statu quo, car chacun défend sa strate », analyse Jean-Pierre Sueur,
sénateur socialiste Loiret.
De multiples versions d’un projet de loi filtrent, pour finalement
aboutir à un texte obèse, qui
mécontente tout le monde – les
régions, en particulier, exaspérées
par la montée en puissance des
intercommunalités. Matignon
annonce, début avril2013, que la
copie sera découpée en trois
blocs, en veillant à repousser l’exa-
men des dispositions qui fâchent
après les municipales.
« Si elle avait eu des arbitrages
plus rapides de Matignon et de
l’Elysée, elle aurait pu aussi donner à sa réforme une image plus
claire et plus précise», la dédouane un député PS, qui dénonce les
atermoiements de l’Elysée et de
Matignon. Le premier volet de la
réforme est voté en décembre 2013. Il renforce le statut et les
compétences des métropoles.
Décrédibilisée, Mme Lebranchu
devient alors la ministre sur
laquelle « les élus sont autorisés à
tirer », regrette un de ses proches.
« Pire que Sarkozy »
Mais, avec les objectifs qu’il a
fixés mardi 8avril, dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée, Manuel Valls accorde
une seconde chance à la ministre
de réaliser une des réformes institutionnelles les plus attendues du
quinquennat. « Ce qu’on lui
demande, c’est pire que ce que vou-
lait Sarkozy, qui prévoyait l’absorption des départements par les
régions. Elle va devoir assumer de
supprimer des échelons en subissant la fronde des élus et sans
vision du gouvernement sur ce qui
doit continuer de relever du service public », compatit Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux
(Hauts-de-Seine) et président du
Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale.
Certains parlementaires lui prêtent toutefois les qualités pour
s’en sortir : « C’est une passionnée
de la décentralisation et du dialogue avec les élus », juge Olivier
Dussopt, député (PS) de l’Ardèche.
En janvier, lors d’une intervention devant des présidents de
conseil général, Marylise Lebranchu assurait que « les départements sont un pilier de l’organisation territoriale». Aujourd’hui,
elle se dit prête à organiser leur
liquidation. p
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france
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
Incertitudes
surles modalités
du «big bang» territorial
Le projet prévoit la montée en puissance des
régions et la fin des conseils départementaux
U
n brin provocateur face à
un aréopage d’élus socialistes, Alain Juppé, maire
UMPde Bordeaux,donnait,en septembre2012,lors de la 12e Conférence des villes, sa vision d’une nécessaire réforme territoriale : « Le bon
sens est de réaliser un millefeuille à
deux couches : les régions et les
intercommunalités.Je ferais volontiers le sacrifice du département…
Mais rassurez-vous, la résistance
des départements et des maires est
telle que cela ne se fera pas. »
Vingt mois plus tard, le nouveau
premier ministre, Manuel Valls,
annonce dans son discours de politiquegénéralelebigbangdescollectivités territoriales, réforme appelée de ses vœux par son prédécesseur, qui prévoit la montée en puissance des régions, la suppression
des conseils départementaux et la
rationalisation des compétences
de chacune des couches du millefeuille territorial. Reste à mettre le
projet en musique.
Peut-on supprimer le département d’une simple loi ? « La sup-
pression d’un niveau de collectivité
territoriale nécessite une réforme
de la Constitution», répond Olivier
Dussopt, député (PS) de l’Ardèche
et membre de la commission des
loisconstitutionnelles,delalégislationetdel’administrationgénérale
de la République. Or, seule une
majorité des trois cinquièmes du
congrès (députés et sénateurs réunis) peut modifier la Constitution.
Obtenir le soutien de l’opposition est une gageure pour le gouvernement socialiste. « Surtout
quand la droite espère mettre la
main sur 80 départements lors du
scrutin de 2015, glisse un conseiller
ministériel. On doit pouvoir éviter
le congrès. Nous pouvons imaginer
de maintenir l’administration
départementale et supprimer l’assemblée d’élus. »
« Exact », accorde Olivier Dussopt: « La Constitution protège les
départements, mais pas les conseils
généraux ni les compétences qui
leur sont accordées», dont les deux
principales aujourd’hui sont l’action sociale et la solidarité, et les
réseaux et infrastructures.
Quel délai pour la réforme ?
Manuel Valls a fixé l’échéance à
2021. « Les institutions ne passent
jamaisd’unétatAàunétatBinstantanément, souligne Jean-Pierre
Sueur, sénateur socialiste du Loiret
et président de la commission des
lois constitutionnelles. En accordant un délai de sept ans aux
conseils départementaux et aux
élus, il pose une perspective.»
Ce temps est jugé nécessaire
pour répartir les compétences des
départements aux autres collectivités. « L’exemple de la métropole
lyonnaisefera jurisprudence», prévoit Jean-PierreBalligand (PS), président de l’Institut de la gouvernanceterritoriale et de la décentralisation. Les grandes agglomérations pourraient se substituer aux
départements dans les zones
urbaines et prendre leur rôle de
guichet social.
9
AMarseille,l’électionsoushautetension
e
deStéphaneRavier,maireFNdu7 secteur
L’ambiance tendue contrastait avec un début de mandature qui évite les polémiques
Une redistribution des compétences dans les zones rurales ?
Dans les campagnes, il faudra
veiller à « maintenir les services de
solidarité des départements», prévient Olivier Dussopt, également
maire de la petite ville d’Annonay
(Ardèche). Sur les territoires où les
communautés de communes,
trop petites, ne sont pas en mesure
de se substituer à un département,
une redistribution des compétences est étudiée. Les régions sont
déjà chargées des lycées, elles pourraientprendrelaresponsabilitédes
collèges. « Quant à l’entretien des
routes et les prestations de solidarité, il est envisageable de les faire
assurerpardesagencesd’Etat»,estime Jean-Pierre Balligand.
Vers des fusions d’exécutifs
locaux ? La montée en puissance
des régions devrait s’accompagner, dans un premier temps, de la
fusion de plusieurs exécutifs territoriaux. Déjà, la Bourgogne a sollicité la Franche-Comté, et les deux
Normandie pourraient ne faire
qu’une. Une carotte financière
sous forme de dotation d’Etat
pourrait être un « incitatif puissant », selon un conseiller ministériel. Mais dans un Etat exsangue, la
politique du bâton pourrait avoir
la préférence du gouvernement.
« Les régions qui ne feront pas la
démarche de fusionner verront
leur dotation globale de fonctionnement [DGF] baisser. Elle sera
juste maintenue en état pour les
autres », avance un bon connaisseur du dossier.
Le gouvernement compte faire
sauter un autre frein au rapprochementdescollectivités.Aprèsl’expérience de la fusion ratée des exécutifs locaux alsaciens en 2013, l’obligation d’un référendum imposé
par la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 sera revue.
Il suffira d’un vote des deux assembléesd’élusetnonpasuneconsultation. Enfin, si les exécutifs régionaux refusent toujours de s’engager dans cette voie, le gouvernement proposera par la loi, après les
élections locales de mars2015, une
nouvelle carte des régions qui sera
établie pour le 1er janvier 2017.
De nouveaux rôles pour les communautés de communes ? Com-
me celle des régions, la carte des
communautés de communes
(CDC)sera redessinée.Dansla perspective de la disparition des
conseils généraux, la CDC devra
s’agrandir et pourrait assumer
une partie des prérogatives des
défunts départements comme la
culture, le sport et les loisirs.
« Manuel Valls a eu le mérite
d’annoncerune transitioninéluctable. La Francedu XXIe siècle s’articulera autour des régions et des communautés de communes», déclare
Jean-Pierre Sueur. C’est également
ce que prônait la droite lorsqu’elle
a voté la création du conseiller territorial qui devait rapprocher
départements et régions en 2010.
La gauche a abrogé la loi en 2013.
Retour à la case départ. p
Eric Nunès
Quelques dizaines de militants et d’élus venus de tout Marseille ont perturbé l’élection de Stéphane Ravier, vendredi 11 avril. BERTRAND LANGLOIS/AFP
Reportage
Marseille
Correspondance
S
ur la majestueuse terrasse de
la bastide Saint-Joseph, des
tables sont dressées. Les nouveaux patrons des lieux, les
32 conseillers d’arrondissement
du Front national, ont été invités à
« boire un coup » par leur chef Stéphane Ravier, officiellement maire du 7e secteur de Marseille depuis
une petite heure.
La matinée de ce vendredi
11 avril a été violente, avec un premier conseil d’arrondissement
débordant de haine. Mais, sous le
soleil de midi et face à l’un des plus
beaux parcs de la ville, la tension
semble loin. Mains en porte-voix,
Stéphane Ravier bat le rappel en
badinant. D’un grand carton, il tire
des écharpes tricolores et les distribue à ses colistiers. La sienne, qu’il
porte fièrement, ne lui a pas été
remise par le sortant socialiste
Garo Hovsepian, deuxième au
second tour de l’élection. Pour l’occasion, les services de la mairie centrale de Jean-Claude Gaudin (UMP)
ont dépêché leur responsable du
protocole. L’ambiance du conseil
était bien trop tendue pour que la
passation de pouvoir suive les usages républicains.
Deux semaines après sa victoire dans les urnes, l’élection de
M. Ravier a marqué le basculement du plus grand des huit secteurs de Marseille – 150 000 habitants – sous gestion FN. Une première dans la deuxième ville de
France. Depuis son succès, le leader frontiste n’a pas précipité son
arrivée à la mairie des 13e et
14e arrondissements. Il s’est
contenté de deux réunions de travail, de deux heures chacune, avec
le directeur général des services
(DGS), pour « caler les détails du
premier conseil ».
Dans la grande salle de bal de
cette bastide du XVIIIe siècle, une
demi-heure avant le début de
l’élection, l’ambiance s’électrise.
Le Front de gauche a mobilisé.
Debout sur des chaises, quelques
dizaines de militants et d’élus
venus de toute la ville scandent
des slogans antiracistes. Devant
eux,en nombreégal,des sympathisants du Rassemblement Bleu
Marine, parmi lesquels quelques
candidats de villes voisines.
Les habitants du secteur? Comme pendant la campagne, on a du
mal à les repérer. Une poignée
Enplein vote, la police,
présente en nombre,
étouffera un début de
bagarre. Seul véritable
débordement
dela matinée
d’employés municipaux observent la scène, l’air effaré de vivre
en direct une révolution après dixneuf ans de règne socialiste. « Ça
sent la poudre », commente un
militant communiste, pendant
que quelques gros bras pro-FN
prennent position. Quelques
minutes plus tard, en plein vote, la
police, présente en nombre, étouffera un début de bagarre. Seul véritable débordement de la matinée.
Dans l’espace réservé aux élus,
le Rassemblement Bleu Marine,
désormaismajoritaire,a été installé au milieu. Comme une force
d’interpositionentre la table réservée à la gauche et celle où sont
assis les colistiers UMP autour de
leur candidat, Richard Miron. La
veille, lors d’une séance du conseil
général, M. Miron a invectivé ses
rivaux socialistes, et notamment
le sortant Garo Hovsepian, coupable à ses yeux de s’être maintenu
malgré sa troisième place au premier tour.
Vendredi,M. Miron éructeencore : « Honte à vous, vous êtes des
clientélistes, terrorisés à l’idée de
perdre leurs petits privilèges. » « Je
suis très heureux d’avoir participé
à la mort politique de ces élus et de
tout ce qu’ils représentent», hurle
l’adjoint de M. Gaudin, sous une
bronca continue qui le vise autant
que son adversaire. « Vous êtes un
facho», explose en retour M. Hovsepian, avant de quitter la salle qui
scande « Miron, collabo».
Deson nouveaufauteuilde maire, Stéphane Ravier scrutel’empoignade, sourire en coin. Le décompte lui a donné 33 voix – le nombre
d’élus RBM – alors que le candidat
PS, Stéphane Mari, bras droit de
M. Hovsepian, a récolté les huit de
son groupe. Les sept conseillers
UMP, eux, se sont abstenus.
Le discours d’intronisation de
M. Ravier, masqué par un mur de
photographes, joue la mesure.
Depuis le second tour, il répète
qu’ilsera « le maire de tousles habitants du 7e secteur, ceux des
noyaux villageois comme ceux des
cités ». Il lance aussi un « appel
solennel» à la population: « Je vous
demande de tourner le dos aux préjugés dont on vous a alimentés, et
de venir travailler avec moi (…) sur
les bases de nos propositions municipales.»
Dans la salle, on scande « IbrahimAli,on n’a pasoublié».Référence au jeune Marseillais d’origine
comorienne tué en 1995 par des
colleurs d’affiches du FN, à un kilomètre de là. Le rappel historique
ne trouble pas le leader FN. Pas
plus que la remarque de Samy Johsua, conseiller Front de gauche,
qui note qu’avec « une abstention
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à près de 50 %, seuls 19 % des inscrits du secteur ont voté Ravier».
Dans la bastide Saint-Joseph,
marquée par dix-neuf ans de mandats PS, la rupture frontiste se fait
encore discrète. « Les salariés sont
inquiets et se tournent vers nous,
note un syndicaliste FSU. C’est une
nouveauté dans cette mairie où
l’embauche a toujours été très
tenue par les élus socialistes. »
Selon lui,des «réunionsintersyndicales informelles » ont déjà eu lieu
et une dizaine de demandes de
mutation sont sur le bureau du
DGS, Bruno Brignone.
Ce fonctionnaire, à la mairie
depuis quinze ans, a annoncé à
M.Ravier qu’il tiendrait son poste,
« le temps qu’il trouve un nouveau
DGS… ». Il se dit « fier d’assurer,
avec son équipe, la continuité du
service public ». Dans la semaine,
les 231 employés municipaux du
secteur ont reçu une lettre de la
mairie centrale leur rappelant que
toute mutation devait s’accompagner d’une arrivée d’agent, en sens
inverse. « Des fonctionnaires FN
qui veulent venir ici, ils n’auront
pas de mal à en trouver », assure
une cadre, en réclamant l’anonymat.
Vendredi après-midi, la nouvelle municipalité FN du 7e secteur a
célébré son premier mariage
homosexuel. Sur le perron de la
bastide, redevenu étonnamment
paisible après la fièvre du matin,
Jacky et David, deux agents immobiliers, se sont dits « ravis de l’accueil reçu ». Evelyne Bettuzzi, l’adjointe FN désignée par Stéphane
Ravierpour lesmarier, leur « a souhaité beaucoup de bonheur ».
« J’étais très contente de célébrer
mon premier mariage, car j’ai vu
que ce sont deux personnes qui
s’aiment», assurait l’élue, écharpe
tricolore en bandoulière. p
Gilles Rof
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Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
Anne Hidalgo: «Je serai directe, franche,
libre vis-à-vis du gouvernement»
La maire PS de Paris veut discuter «point par point» avec Matignon les baisses de dotation de l’Etat
I
nne Hidalgo, élue maire de
Paris,samedi 5 avril, livre au
Monde sa feuille de route.
A quelle échéance entendezvous « éradiquer le diesel », comme vous l’avez dit lors de votre
prise de fonctions ?
Connaître les conséquences du
diesel sur la santé et ne rien faire,
ou considérer que l’on peut prendre son temps, cen’est pasacceptable. Notre pays a pris un retard
considérable. La logique fiscale a
poussé les Français à acheter en
toute bonne foi des véhicules diesel, qui produisent certes moins
de CO2 mais beaucoup plus de particules fines, très dangereuses
pour la santé. La France a ainsi pris
des risques industriels en continuant à produire des véhicules
qui, sur le marché international,
ne sont plus aussi compétitifs, ni
en Europe ni aux Etats-Unis.
Je crois beaucoup aux vertus de
lacommandepubliquepourtransformer le parc automobile. Dès
qu’il y a une commande publique,
il y a une réponse industrielle. Je
reprendraiavec Christophe Najdovski [EELV], monadjoint aux transports, la discussion avec le Syndicat des transports d’Ile-de-France
et avec le conseil régional, qui sont
à l’origine de cette commande de
300 bus au diesel. Et, bien sûr,
pour tous les marchés de la ville,
lescommandespubliquesimposeront un modèle énergétique au
sein duquel le diesel sera banni.
Enfin, je travaillerai avec le gouvernement pour mettre fin aux
mesures de soutien au diesel. Je
suis favorable à la mise en place
d’une fiscalité qui encourage les
Anne Hidalgo à l’hôtel de ville de Paris, vendredi 11 avril. JULIEN MIGNOT POUR « LE MONDE »
véhicules électriques. Je n’oublie
pas non plus l’utilisation de la Seine, du tramway et du RER pour alimenter les magasins parisiens.
Comment tenir votre promesse
de ne pas augmenter les impôts
des Parisiens ?
Je n’accepterai aucune mesure
quiviendraitperturbercetengagement ferme. J’ai présenté le financement de mon programme pendant la campagne. Nous savons
qu’il y aura une baisse des dotations de l’Etat. J’entends la discuter
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point par point en mettant dans la
balance les nombreux domaines
dans lesquels l’Etat ne remplit pas
ses obligations vis-à-vis de la capitale. Je ne suis pas fermée au dialogue.Mais jesauraime montrerparticulièrement ferme pour défendre les intérêts des Parisiens.
Je compte sur le sérieux de
notregestionpourdégager denouvelles marges de manœuvre au
profitdesservicespublicsde proximité. La baisse du nombre d’adjoints et de collaborateurs que j’ai
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appliquée dès samedi dernier [le
5 avril] traduit ce souci de sobriété
qui m’accompagnera tout au long
des six prochaines années.
Durant la campagne, vous avez
critiqué assez durement le gouvernement de Jean-Marc
Ayrault. Les relations serontelles plus faciles avec votre ami
Manuel Valls ?
Mon rôle de maire de Paris exige
que je fasse valoir les besoins et les
attentes des Parisiens. C’est d’eux
que je retire ma légitimité. Je leur
dois donc une absolue fidélité. Certes, j’ai une famille politique, j’ai
envie que Manuel Valls réussisse. Il
a mis beaucoup d’énergie et de
volontédanssondiscoursde politique générale et je partage la lucidité de son diagnostic. Mais, dans
mon rôle, je suis extrêmement
attentiveauxintérêtsdemesadministrés, que je défendrai en étant
aussi directe, franche, libre,
vis-à-vis de la politique du gouvernement que je l’ai été par le passé.
Il est très important que le gouvernementn’entrave pas la capacité d’investissement des collectivités. L’investissement à Paris génère 30 000 emplois par an. Je
demande que l’on reconnaisse
cela. Nous avons besoin de garder
notre capacité à investir pour tenir
notre rang dans la compétition
mondiale. Si ce n’était pas le cas,
cela aurait des répercussions sur le
pays tout entier. Je compte le rappeler fermement.
Votre adversaire UMP, Nathalie
Kosciusko-Morizet, a dénoncé le
mode de scrutin de la loi PLM de
1982, relative à l’organisation de
Paris, Lyon et Marseille. Qu’en
pensez-vous ?
Cesontdesmanièresdemauvaise perdante que de critiquer un
mode d’élection qui a permis à Jacques Chirac d’être maire de Paris
pendant dix-huit ans, à Jean Tiberi
de lui succéder, puis à Bertrand
Delanoëet à moi-même d’être élus.
La démocratie s’est exprimée très
clairement à Paris. Mon nom figurait sur tous les bulletins, dans les
vingt arrondissements, avec le slogan « Anne Hidalgo, Paris qui ose».
Donc chaque bulletin a été sans
ambiguïté un vote pour moi. Mais
laissons de côté cette question. Je
suis la maire de tous, élue avec une
majorité de voix, une majorité de
siègesetunemajoritéd’arrondissements. La loi PLM consacre l’arrondissement comme le premier
niveau de démocratie de proximité, c’est une loi visionnaire. p
Propos recueillis par
Béatrice Gurrey
n Sur Lemonde.fr
Lire l’entretien dans son intégralité
l n’y a plus de mystère Agnès
LeRoux.Etc’estcettecourd’assises d’Ille-et-Vilaine, à Rennes,
loin, très loin de Nice et de la Méditerranée, qui, trente-sept ans après
lesfaits, l’a levé.Neuf jurés citoyens
et trois magistrats professionnels
ontdonnéunlinceulàlajeunefemme de 29 ans, disparue entre le
27octobre et le 2 novembre 1977 au
volant de son véhicule, en répondant« oui »à laquestion: «L’accusé
Maurice Agnelet est-il coupable d’avoir volontairement donné la mort
àAgnèsLeRouxdanslesAlpes-Maritimes (France) et dans la région de
Frosinone Cassino (Italie)?» avec la
circonstance aggravante que ce
meurtre était prémédité. Ils ont
condamné Maurice Agnelet à
vingtans de réclusion criminelle.
Ils ont considéré, comme l’avait
fait avant eux, en 2007, le jury de la
courd’assisesd’appeld’Aix-en-Provence, qu’il existait dans ce dossier
suffisamment de charges pour forger leur intime conviction. Ils ont
dit aussi à Guillaume Agnelet qu’ils
le croyaient. Pas seulement parce
que ce fils déchiré par son « cas de
conscience» les a bouleversés. Mais
parce que le secret de famille qu’il a
déposé devant eux, dans un ultime
sursaut,estvenus’enchâsserparfaitement dans le dossier. Il n’a pas
révélé, il a confirmé. Il a éclairé ce
quis’y trouvaitdéjà.FrançoisSaintPierre,l’avocatde l’accusé,ne s’yest
pas trompé : il n’a pas demandé de
supplément d’information comme cela s’impose lorsque des éléments nouveaux, susceptibles de
modifier le sens d’une instruction,
interviennent en cours de débats.
Ouvrons une parenthèse sur ces
heures de tourmente qui marqueront tous ceux qui y ont assisté. Si
elles ont produit une secousse aussi forte, c’est parce qu’elles ont projeté dans la lumière crue de la cour
d’assises, non pas un accusé, mais
des témoins. Les rôles ont été renversés. Maurice Agnelet assistait
presque en spectateur au procès en
crédibilité, sinon en vérité, instruit
contre son ex-épouse et ses deux
fils. Il avait un avocat, eux n’en
avaient pas. Plus tard, une voix se
lèverait pour le défendre. Seul le
silencea accompagnéGuillaumeet
Thomas Agnelet lorsqu’ils s’en
sontretournés,chacunde leurcôté.
Autre chose encore pour ceux
qui ne sont pas familiers de la procédure devant les assises : l’accusé
assiste à tous les débats. Il y a été
préparé, tout ce qui est dans son
dossier est soumis devant lui au
débat contradictoire. Rien de tel
avec les témoins. Consignés dans
une salle qui leur est réservée, ils
n’entrent dans la cour qu’au
moment où le président le décide.
Ils ignorent tout de ce qui a été dit,
avoué ou démenti avant eux.
C’est devant nous que Thomas
Agnelet a découvert le témoignage
de son frère aîné, qui accusait leur
père d’être le meurtrier d’Agnès Le
Roux. Devant nous encore que
Guillaume Agnelet a appris que sa
mère venait de le qualifier de garçon fragile, proche de la folie. Ils
nous étaient livrés comme des
proies, faisant de chacun – cour,
jurés,parties,public–levoyeurobscène de leur mise à nu. Nous étions
là, nous savions que la bombe allait
exploser, nous attendions juste de
voir comment et jusqu’où elle
allait les déchiqueter. Ce sont des
moments qui ne passent pas.
Le temps perdu
Mais ils ne sauraient effacer les
troisautressemainesd’uneaudience qui, paradoxalement, fut la plus
apaisée des trois comparutions de
Maurice Agnelet. Elles le doivent à
un président, Michel Dary, qui a
magistralement conduit les
débats. A un avocat général, Philippe Petitprez, qui a porté l’accusationsansjamaiss’affranchirdu respect dû à l’accusé. A deux avocats,
Me Hervé Temime, pour la famille
Le Roux, et Me François Saint-Pierre, pour Maurice Agnelet, qui ont
su défendre leur vision opposée du
dossier sans se démolir.
Le temps perdu pendant l’instruction avait failli emporter l’affaire. Avecce troisièmeprocès d’assises, il s’est fait pardonner. Maurice Agnelet a été entendu, loyalement accusé et bien défendu.Et il a
été jugé. A celui qui avait griffonné
dans un recoin de son dossier cette
phrase empruntée aux Justes de
Camus – « J’ai choisi d’être innocent » –, la justice a répondu que ce
n’était pas à lui d’en décider. p
Pascale Robert-Diard
Justice Information judiciaire contre Qosmos
Les trois juges d’instruction du pôle « génocide et crimes contre
l’humanité» de Paris ont été saisis début avril d’une information
judiciaire pour enquêter sur la société française Qosmos, après
une plainte déposée en juillet2012 par la Fédération internationale et la Ligue des droits de l’homme. Qosmos, qui travaille également avec les services secrets, est soupçonnée d’avoir voulu fournir au régime syrien des éléments de surveillance des communications. Qosmos avait répliqué en septembre2012 par une plainte pour « dénonciation calomnieuse» et a réaffirmé, le 5 avril,
qu’aucun de ses équipements n’avait été opérationnel en Syrie.
Programme
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culture
0123
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
11
Le Quai Branly
sur la piste des
Amérindiens
L’exposition met en valeur la continuité
de l’histoire des Indiens des plaines
Exposition
L
oindesclichés et des stéréotypes, l’exposition « Indiens
des plaines », présentée à
Paris jusqu’au 20 juillet, propose
une vision esthétique des Amérindiens qui ont peuplé le centre de
l’Amérique du Nord, des EtatsUnis au Canada. Ce n’est sans doute pas la grande exposition sur les
Indiens d’Amérique dont avait
rêvé le Musée du quai Branly, mais
elle a des vertus. Il y manque de
toute évidence beaucoup de
mythologies : squaws et grands
manitous, Comanches, Cochise ou
Sitting Bull, toujours au cœur de
l’imaginaire occidental.
L’exposition rappelle les grandes étapes de la conquête du Far
West dans une frise historique
(très à la mode dans les expositions de société). Elle n’évite pas le
lieucommunqueparaissait redouter le scénographe, l’architecte
Jean-MichelWilmotte,sobreet précis : deux tipis préfabriqués, sans
intérêt en fin de parcours.
« Indiens des plaines » a pour
commissaire Gaylord Torrence,
conservateur en chef au département d’art amérindien au NelsonAtkins Museum de Kansas City.
Cette vision très américaine de la
question indienne a induit une
stratégie d’évitement des problèmes qui fâchent. Le sacré, par
exemple. Les puissantes organisations de défense des peuples amérindiens ont obtenu depuis 1990
la promulgation d’une loi fédérale
– « The Native American Graves
Protection and Repatriation
Act » – exigeantque les biens culturels amérindiens soient rendus
illico presto aux peuples natifs
quand ils ont été déterrés.
Rituels funéraires et chamanisme,prophétieset puissancesmagiques ne trouvent donc plus leur
place dans les musées américains,
ni ici. Les polémiques sont très
vives à ce sujet, comme lors des
ventes de masques rituels hopi
(des Indiens d’Arizona, hors du
champ des Plaines centrales) à
Drouot en 2013.
Autre problème : la circulation
des œuvrescomportantdes matières organiques et, en particulier,
ici, des plumes d’espèces protégées, comme les aigles, est strictement réglementée. Ces angles de
vue évacués, Gaylord Torrence a
bâti un tout autre programme
artistique, avec une remarquable
rareté d’objets. Il a pris le parti de
commencer par l’art contemporain, ce qui peut apparaître comme une nouvelle concession à la
vigilance des Amérindiens. Mais il
montreainsi commentils ont digéré la destruction radicale de leur
culture,commencéeavec l’expédition Lewis et Clark (1804-1806),
partie à la recherche du passage du
Nord-Ouest, la route de l’Atlantique au Pacifique.
Diplomatique avant d’être
meurtrière, cette conquête de
l’Ouest vit circuler de nombreux
calumets de la paix. Emplumés,
donc difficiles à faire voyager.
Pour présenter un très bel échantillon de cette culturede l’échange,
le Musée du quai Branly a puisé
dans ses réserves : tuyau et fourreau de pipe, fin du XVIIIe siècle,
venu du Missouri supérieur, plumes d’aigle, scalp de canard colvert, crin de cheval, poils de cerf…
Un hymne à l’unionavec la nature.
Lavision
trèsaméricainede
laquestionindiennea
induitunestratégie
d’évitementdes
problèmesquifâchent
Il y a aussi cette pièce maîtresse
de l’exposition, une « robe » en
peau de bison tannée, venue du
Peabody Museum of Archeology
and Ethnology (université d’Harvard, Massachusetts) qui aurait
été offerte à Lewis et Clark, puis
expédiée au président américain
Jefferson. Les prouesses des guerriers iakota y sont décrites en quatorze épisodes. Une vraie BD avec
piquants de porc-épic.
Le rêve fut ensuite brisé. Ce que
montre l’artiste cheyenne (du
Montana) Bently Spang, né en
1960,qui a conçu une « chemisede
guerre », où les photographies et
les morceaux de pellicule cinématographiques tiennent lieu de broderies. C’est bien vu.
Et, d’ailleurs, pour explorer les
arcanes de l’inconscient collectif
où Indiens et cow-boys guerroient
sans relâche, il y a une salle consacrée au cinéma. Y sont présentées
vingt minutes d’extraits de wes-
Peau peinte racontant les exploits d’un chef sioux ou mandan lors de guerres entre Arikaras, Sioux et Mandans. P. GRIES, V. TORRE (MUSÉE DU QUAI BRANLY)
terns (Raoul Walsh, John Ford,
Samuel Fuller…) résumant la violence et le romantisme de la
conquête de l’Ouest, l’un des
mythes fondateurs de l’histoire
américaine.
Unerétrospectivecinématographique préparée par le critique
Michel Ciment est à l’affiche du
Musée du quai Branly du 12 au
27 avril. Et, en marge de l’exposition, on se référera au catalogue
Indiens des plaines (éd.
Skyra/Musée du quai Branly,
320 p., 47 euros). On y trouvera les
beaux portraits d’autochtones en
coiffure d’apparat ou en bottes de
chasseur de « medecine men » et
de grands sages, réalisés en
1876-1877 par William Henry Jackson,dont legrandœuvre, Descriptive Catalogue of Photographs of
North-American Indians by
W.H. Jackson, est conservé au
Musée du quai Branly, qui ne l’a
pas utilisé dans le cas présent.
La force de cette exposition est
de montrer en 140 objets et
œuvres la continuité de l’histoire
des Indiens des Grandes Plaines
centrales. On y trouve une petite
section « précolombienne» : une
pipe en argile (100 av. J.-C. - 100
aprèsJ.-C.)venuede l’Ohio(site d’Adena), une magnifique pipe en
bauxite à effigie humaine
(1100-1200, Oklahoma), un pendentif de coquillage (1400-1600,
Mississipi) à faire pâlir d’envie
tout amateur d’art contemporain,
tout comme une effigie de bison
stylisée (1400-1700, Alberta, Canada), tout en épure.
En 1540, les conquistadors espagnols,menésparFranciscodeCoronado, explorent les territoires
situés au nord du Rio Grande. Y
viventdestribus sédentaireset des
nomades chasseurs de bisons. A la
fin du XVIIe siècle, les Espagnols
introduisent le cheval, modifiant
ainsi profondémentlemodede vie
des peuples premiers américains.
Dans cette « contrée de terre et
de ciel », dixit Gaylord Torrence,
striée de vallées fluviales, des
tumulus ont été retrouvés, certains pillés dès le début du XIXe siècle. Des peintures rupestres dévoilées,révélantuneprésenceamérin-
dienne vieille de plus de dix mille
ans, et la vallée du Mississippi est
loin d’avoir livré tous ses trésors.
Inlassablement, les Indiens
américains, peuples sans écriture,
ont peint leur histoire. Leurs heures sombres : en 1891-1892, un
Pawnee de l’Oklahoma orne la
peau d’un tambour d’un aigle
noir, bec et griffes dehors, terrible,
fondant sur une myriade d’hirondelles. Leurs fiertés : en 1903, Nellie Two Bear Gates confectionne
une valise de perles de verre, retra-
çant la bataille de White Stone Hill
en 1863,à la suitedugrand soulèvement des Sioux dans le Minnesota. Nellie Gates avait offert cette
valise à sa fille Josephine, qui
venait d’obtenir son diplôme de
fin d’études à la Carlisle Indian
School. p
Véronique Mortaigne
Indiens des plaines, Musée du quai
Branly (Paris 7e). Jusqu’au 20 juillet.
Catalogue Skira, 320 p., 47 €.
Tél. : 01-56-61-70-00. www.quaibranly.fr
“UN FILM ADMIRABLE !”
CHÈVRES
MÈRE
Mille et Une Productions & Jour2Fête présentent
LES
DE MA
FESTIVAL 2 VALENCIENNES
GRAND PRIX - 2014
un film de Sophie Audier
FESTIVAL INTERNATIONAL
DU FILM D’ENVIRONNEMENT
«Plongée» en hypnose à la Gaîté lyrique
E
nvie de dépaysement dans
une routine au carré ? Une
fois par mois à la Gaîté lyrique, à Paris, les Plongées de la chorégraphe Catherine Contour,
experte en hypnose, convient les
curieux à d’étonnantes séances
de découverte intitulées « Danses
augmentées avec l’hypnose ». « Ce
sont des expériences qui sortent la
danse de son dispositif théâtral,
explique Jérôme Delormas, directeur de la Gaîté. Catherine
Contour rassemble des communautés éphémères pour partager
un moment chorégraphique
enrichi de sa recherche sur l’hypnose. Dans le cadre des cultures
numériques que nous défendons
ici, ce déplacement de regard nous
paraît important.»
Pour la Plongée n˚ 7, sous-titrée
« Transe hypnotique, conscience
et improvisation», jeudi 10 avril,
une vingtaine de participants se
sont d’abord retrouvés à partager
l’ascenseur jusqu’au 6e étage de
la Gaîté avant d’être escortés jusqu’au studio de répétitions.
Ambiance raout entre voisins
avec thé, café et gâteaux. Matelas,
oreillers gonflables tour de cou
disséminés dans l’espace augurent d’un moment relaxant.
Concentration douce
Catherine Contour, en complicité avec la chorégraphe américaine Jennifer Lacey, distribue son
kit. Soit un carnet pour dessiner
ou noter ses impressions, assorti
de fiches de rattrapage sur les précédents épisodes. « J’ai découvert
avec l’hypnose un outil essentiel
pour enrichir et transmettre ma
pratique de l’improvisation, explique la chorégraphe, connue dans
les années 2000 pour ses performances en chambres d’hôtel. J’ai
eu envie de faire connaître ce qui
est une capacité à mobiliser l’imaginaire en élaborant une relation
privilégiée entre le spectateur et
l’interprète.»
Voix harmonieuse, soin des
mots, Catherine Contour fait progresser cette Plongée en navigant
de la conférence à la performance,
de la conversation à l’atelier. Au
milieu des gens allongés ou assis,
Jennifer Lacey improvise et commente en direct ses sensations.
Rapprocher le performer du spectateur est une chose, dissoudre
l’invisible écran qui les sépare,
une autre. Elle massera ensuite à
distance une des participantes,
rien qu’en décrivant ses gestes.
Catherine Contour propose à
chacun de prendre conscience de
sa posture et de se focaliser sur
une partie du corps. Climat bienveillant, concentration douce, sa
conduite vocale déclenche une
balade mentale autour de soi.
Hypnose? Un moment réceptif et
déroutant en tout cas. p
Rosita Boisseau
LE MONDE
AU CINÉMA LE 16 AVRIL
2014
12
0123
culture
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
Au Cap-Vert,les musiciens
surles pas de CesariaEvora
L’île organise depuis deux ans un marché
pour les professionnels des régions atlantiques
Musique
Cap-Vert
J
e veux rendre hommage à une
dame qui a rendu ceci possible.»
A Praia, capitale du Cap-Vert,
Dino D’Santiago reprend Sôdade,
le titre qui a lancé en 1992 la carrière internationale de Cesaria Evora,
décédée le 17 décembre 2011 à Mindelo, sur Sao Vicente, une autre île
sur les dix que compte l’archipel, à
500km des côtesdeDakar.Le patio
du Palacio da cultura Ildo Lobo, à
deux pas du marché, où abondent
fruits et légumes, est saturé.
Des professionnels de la musique sont venus assister, entre le 8
et le 10 avril, à la seconde édition
de l’Atlantic Music Expo Cabo Verde (AME Cabo Verde), un marché
de la musique pour les régions
atlantiques, lancé à l’initiative du
ministère de la culture du CapVert. Des conférences, des showcases et, le soir, la musique sort du
patio pour s’offrir à la population
en ville. Mario Lucio, l’élégant
ministre de la culture, tout vêtu de
blanc, musicien et chanteur en
pause depuis sa nomination au
ministère en 2011, est un adepte
des échanges transatlantiques: il
fut étudiant à La Havane, fréquente assidûment les rivages brésiliens, et s’est attaché à décrire les
échanges transatlantiques depuis
l’esclavage, dont le Cap-Vert fut
une plaque tournante.
L’île de Santiago a développé
des styles au caractère « africain »
très marqué (beaucoup d’habitants d’ici sont des descendants
d’esclaves affranchis), comme le
batuque ou le funana. Mario Lucio
nous confie son impatience de
retrouver le chemin des studios
d’enregistrement, « pour un disque de funana, qui ferait le lien
avec le rock. Ce sont deux musiques
de révolution mentale. Le funana a
été le premier genre musical où un
homme et une femme ont dansé
étroitement serrés ».
Diffusé en boucle partout à travers la ville, du moindre bistrot
aux taxis, le funana est roi à Praia.
Apparu au début du XIXe siècle, à
l’origine danse de paysans, joué
traditionnellement à l’accordéon
et au ferrinho (une lamelle de fer
grattée par un couteau), c’est un
rythme saccadé et vif qui emporte
les danseurs dans une transe tourbillonnante.
Il est l’argument musical,
depuis la fin des années 1990, du
groupe Ferro Gaita, qui a soulevé
un enthousiasme électrique lors
de son passage, le 8 avril, sur la scèneinstallée dans la rue. Depuisune
terrasse surplombant la ville, Bino
Branco, l’un des leaders du groupe,
évoque la mémoire de Cesaria Evora, dont le succèsa bénéficiéà Ferro
Gaita, comme à tous les musiciens
capverdiens. « Elle a fait connaître
le Cap-Vert au monde.»
« Fier d’avoir un musicien »
« Avant Cesaria, être artiste était
mal vu ici », raconte José Da Silva,
producteur et manager de l’icône
nationale, coorganisateur de
l’AME Cabo Verde et créateur du
Kriol Jazz Festival qui suit (6e édition, du 10 au 12 avril, à Praia).
« Depuis son succès, les mentalités
ont changé. Il y a une explosion
d’artistes, et sur toutes les îles, dans
les familles, on est fier d’avoir un
musicien. » Cesaria Evora a fait
comprendre que la musique pouvait être un métier viable. Grâce à
elle, beaucoup de jeunes musiciens se sont mis à rêver tout haut.
Doté d’un ministère au budget
lilliputien (500 000 euros), Mario
Lucio est allé chercher de l’argent
ailleurs – notamment auprès de la
coopération luxembourgeoise,
très présente au Cap-Vert
(750 000 euros). A l’instar de tous
les artistes de l’île, il déplore la fermeture de l’Institut français, prévue fin août, sur décision de la
France, pour « raisons économiques». p
Patrick Labesse
GALERIES
Sacha Ketoff
Galerie Maïa Muller
rue Chapon, Paris 3e. Du mardi
au samedi de 11 heures à 19 heures. Tél. :
09-83-56-66-60. Jusqu’au 10 mai.
Gabriel Leger
Galerie Sator
« Portrait en artiste de combat ».
SACHA KETOFF & GALERIE MAÏA MULLER
Architecture, design, musique,
roman, photographie, peinture,
dessin: il est peu d’arts que Sacha
Ketoff n’ait pratiqués. Ici, ce sont
des œuvres sur papier. Les unes
tiennent du portrait : tantôt, ce
sont des reprises de Vélasquez,
allégées, dérangées, mises sens
dessus dessous avec une jubilation sacrilège qui pourrait être le
signe d’un amour plus profond
que celui, trop respectueux, qui
entoure d’ordinaire le maître espagnol ; tantôt, il y a des modèles
vivants, mais saisis avec la même
allégresse, les mêmes couleurs acides et la même dérision. Au soussol de la galerie s’expose une
deuxième manière de dessiner:
des études au lavis d’encre d’après
des cadavres d’oiseaux. On songe
à Dürer devant tant de virtuosité
dans la figuration des plumes et
des ailes. Mais l’exposition apparaît aujourd’hui comme un symbole funèbre. Sacha Ketoff, né en
1949, est mort le 8 avril, quelques
jours après l’ouverture. p
Philippe Dagen
Portraits posés, Galerie Maïa Muller, 19,
Gabriel Leger aime le danger. Il a
peint ses dernières œuvres avec
du bitume, qui, employé avec dextérité et méthode, offre des nuances variées de bistre, ocre, brun,
noir et des lumières luisantes ou
poudrées. Leger en tire des effets
visuels et tactiles voluptueux.
Mais ses œuvres vont bien
au-delà, tissées de références subtiles ou scabreuses à l’Egypte
ancienne, au naufrage du Titanic
ou au fétichisme érotique des
hauts talons. Quand il y a des
mots, ils sont pris à Nietzsche ou
Brecht. Ainsi glisse-t-on à l’improviste du plaisir visuel à des
réflexions désenchantées. p
Ph.D.
« Sous le soleil » (2014).
GABRIEL LEGER & GALERIE SATOR
Fétiches, Galerie Sator, 8, passage des
Gravilliers, Paris 3e. Du mardi au samedi,
de 14 heures à 19 heures. Tél. :
01-42-78-04-84. Jusqu’au 31 mai.
Détroit à Clermont-Ferrand:
le retour à la scène de Bertrand Cantat
Le chanteur a étrenné la tournée de son nouveau groupe devant un public fervent
Musique
Clermont-Ferrand
Envoyé spécial
A
près son come-back discographique – l’album Horizons, publié, en novembre 2013, sous le nom de groupe
Détroit –, la réinsertion publique
de Bertrand Cantat passait par la
scène. Là, plus encore, peut-être,
qu’en studio d’enregistrement, se
posait la question de la suite à donner à Noir Désir. L’incandescence
du chanteur ne s’est-elle pas
d’abord révélée lors des concerts
de ce groupe, formation phare du
rock français des années 1990?
Si le premier album de Détroit,
projet lancé avec le bassiste Pascal
Humbert,a connuun relatif succès
(plus de 150 000 exemplaires vendus) malgré l’austérité de son
esthétique, la tournée à venir s’annonce comme un petit triomphe,
avec plus de soixante-cinq dates
au programme, dont beaucoup
affichent déjà complet.
Ce retour à la scène était étrenné, vendredi 11 avril, dans la salle
de la Coopérative de mai, à
Clermont-Ferrand. Mis en vente
quelques mois avant, les
1 500 billets se sont écoulés en
moins d’un quart d’heure. « Cela
fait vraiment plaisir de le revoir,
l’attente a été longue », déclarait,
quelques minutes avant le
concert, Frédéric, 34 ans, « grand
fan » de Noir Désir, venu spécialement de Bourges.
Si la tranche d’âge 35-50 ans
constitue l’essentiel de l’assemblée, certains sont trop jeunes
pour avoir déjà vu « Noir Dez » sur
scène. « J’ai découvert Noir Désir
récemment grâce au cadeau d’un
ami, témoigne Lisa, 20 ans. Je ne
connais pas bien Détroit, mais j’espère qu’ils joueront des vieux
titres.»
Le drame de Vilnius, la mort de
l’actrice Marie Trintignant sous les
coups de son compagnon d’alors,
Bertrand Cantat, n’a pas entamé
leur ferveur. « On n’excuse pas ce
qu’il a fait, affirme Frédéric, mais
on vient d’abord voir l’artiste. Cet
acte ne le résume pas.» Personne à
l’extérieur de la salle ne manifeste
son mécontentement. Les polémiques qui accompagnaient les premièresréapparitionspubliquesdu
Vendredi 11 avril, à la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand. MÉLODIE MONET
chanteur semblent s’être éteintes.
L’entrée en scène de Détroit lance une bruyante ovation, suivie de
« Bertrand! Bertrand! » scandé par
la foule. Tee-shirt noir échancré,
cheveux ébouriffés, le chanteur
tend le poing et sourit, accompagné de ses quatre acolytes. Dès les
premières mesures, on sent que
Cantat chante
ses anciens titres sans
lyrisme démesuré
ni grandiloquence,
privilégiant une
justesse émotionnelle
Détroit a trouvé un son, forgé en
particulier lors de répétitions en
résidence, dans un manoir de la
campagne clermontoise, géré par
la Coopérative de mai.
La sombre délicatesse du folkblues de l’album s’électrifie et
gagne en puissance, tout en gardant une rondeur altière provoquée par le jeu de basse de Pascal
Humbert,ancienmusiciendegroupes comme 16 Horsepower et
Wovenhand, enraciné dans une
visionhantéedes musiquesaméricaines. Au troisième morceau, on
sait déjà que Détroit n’hésitera pas
à passer par ce prisme le répertoire
de Noir Désir. Des versions de Des
visages, des figures et A ton étoile
sontainsi habitéesdeclaviervintage (façon Stevie Winwood), de distorsions plus graves, quand jadis la
guitare de Serge Teyssot-Gay cinglait à tout-va.
Attendues par le public, ces
anciennes chansons – Lazy, Le
Fleuve, Lolita nie en bloc… – pourraient être prétexte à un racolage
jouant sur la nostalgie. Cantat préfèreleschantersans lyrismedémesuré ni grandiloquence, privilégiant une justesse émotionnelle
pouvantnéanmoinsêtredéchirante (Ange de désolation). Comme si
la séparation de Noir Désir avait
été un adieu à tous les reliquats de
l’adolescence.
Cette approche « adulte », plus
proche du « classic rock », donne
aussi un faux rythme à un concert
qui néglige les crescendos. La première sortie de scène tombe
d’ailleursà plat.« Auboulot! », plaisante même un spectateur. Il faudra attendre la fin du premier rappel pour que Détroit se débride
plus ouvertement. Pulsée par une
énorme boucle de basse digne de
MassiveAttack,Sa Majesté,la chanson la plus politique d’Horizons,
affiche fièrement son groove
anxiogène. Avant que les riffs secs
de guitare Fender introduisent des
hymnes aussi brûlants avec Noir
Désir qu’avec Détroit. Fin de siècle,
puis un Tostaky d’anthologie, gorgé de nappes d’orgue, sur lequel
toute la salle paraît décoller.
Sobre jusque-là dans sa gestuelle, Cantat se plie et se cambre en
s’écorchant magnifiquement sur
Des armes de Léo Ferré. Le panache
punk de Comme elle vient
concluant le concert dans la communion que méritaient ces retrouvailles. p
Stéphane Davet
Détroit en tournée : les dates sur
groupe-detroit.fr/concerts/
Au Zénith,le groupeCarimifaitbougerle kompa
Les musiques caribéennes, diffusées dans les «camions antillais», ne cessent d’évoluer
Musique
C
’est le concert de kompa, la
musique populaire haïtienne, qu’attend la communauté afro-antillaise depuis des mois.
En tout cas ses plus jeunes membres. Car Richard Cave, membre du
groupe haïtien Carimi, en concert
ce 12 avril au Zénith de Paris, reconnaît : « Les puristes du kompa,
quand ils veulent nous taquiner,
disent que notre musique, c’est du
bubble gum kompa, ou du kompa
pop. Nos aînés ont pourtant connu
la même histoire que nous. A eux
aussi, on reprochait de trahir le
kompa en introduisant de la
disco.»
Conflit de générations autour
des musiques caribéennes qui ne
cessent d’évoluer depuis les
années 1950. Pourtant le « nu kompa » comme disent leurs fans, le
« gwada bouyon» (version guadeloupéenned’unerythmiquedominicaine), le zouk-kizomba (croisement entre les Antilles françaises
et l’Angola) sont les musiques que
l’on écoute aujourd’hui dans les
« camions antillais » installés
autour de Paris, et dans les discothèques de Gennevilliers (Hautsde-Seine), d’Ivry-sur-Seine ou de
Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).
Tous les week-ends, des Caribéens mais aussi de plus en plus de
jeunes Maghrébins ou de
« métros » (métropolitains) viennent danser collé-serré ou « slackness», c’est-à-dire de façon explicite, à la jamaïquaine, au Section
Zouk, au Salon Mangrove ou au
Palacio. Le reste de la semaine, ce
sont des camionnettes, sortes de
baraques à frites comme on en
trouve dans les fêtes foraines, qui
s’installent au cœur d’une cité ou
aux confins d’une zone industrielle en banlieue.
Une grande bâche couvre des
tables et des chaises de jardin. Le
menu du camion propose poulet
boucanéou braisé,bokit (sandwich
guadeloupéen),rhum,etlesdernières productions de ces musiques
caribéennes, remises au goût du
jour par une génération qui a grandi en métropole et en écoutant de
l’électro et du hip-hop.
Les fichiers numériques de ces
musiques couvrent le bruit du
groupe électrogène et le claquement des dominos sur les tables en
Formica. Là, les habitués viennent
retrouver un peu de l’ambiance de
leurîle,qu’il gèle ou qu’il pleuve.La
musique caribéenne que l’on sert
en tube de l’été aux métropolitains
est leur bande-son toute l’année.
En ce début de printemps, l’événement phare est sans aucun doute la venue au Zénith de Paris de
Carimi. Issus de la classe moyenne
haïtienne, Mickael Guirand, Carlo
Vieux et Richard Cavé ont quitté
Port-au-Prince : au début des
années 2000 pour poursuivre
On danse collé-serré
ou «slackness»,
de façon explicite,
à la jamaïcaine
leurs études universitaires à New
York. La musique ne devait être
pour eux, disent-ils, « qu’un passetemps ». Elle fait aujourd’hui
« prendre la poussière aux diplômes de comptabilité, finance ou
économie».
Le succès de leur groupe, Carimi
(nomcomposéàpartirdeleursprénoms), est pour eux un « accident»
qu’ils n’avaient pas prévu. Le chanteur Mickael Guirand, qui a appris
àchanterdansla choraled’uneécole catholiqueprivée à Port-au-Prince, rêvait bien de ressembler à ses
idoles Tabou Combo, Fantome,
Alan Cavé… « Mais en Haïti,
avoue-t-il,les musiciensne sont pas
considérés. Pour nos parents, ce ne
sont que des dragueurs. » Quand
les trois jeunes gens se mettent à
faire de la musique pour décompresser, les parents exigent de
bons résultats universitaires.
Finalement, c’est Carimi qui a
payéà Carlo Vieux,le compositeur,
les frais d’études de sa maîtrise de
sciencespolitiques.Cesannéespassées sur les campusaméricains ont
aussi permis à ces Haïtiens d’affûter leur musique: «Pendant quatre
ans, raconte Carlo Vieux, je n’ai
écouté que de la musique d’autres
pays. Du coup, ça a beaucoup
influencé ma façon d’aborder mon
kompa. » A New York, le chanteur
vibraitaussi au rythme du hip-hop
américain. « On avait envie de faire
ressentir ça aussi au travers de
notre musique.» En 2001, leur premier album, Bang Bang, a récolté
un succès qui ne s’est pas démenti
depuis. p
Stéphanie Binet
Invasion, de Carimi, 1 CD Afrique Caraïbes Production. En concert le 12 avril au
Zénith de Paris, le 18 avril au Rock
School Barbey à Bordeaux.
0123
culture & styles
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
Sud-Américains
etAfricainsréunisdans
unePangéeimaginaire
13
Gastronomie C’est à partir de la mi-avril que le légume, de la famille des liliacées,
déploie toutes ses saveurs. Il se marie à merveille à la truffe ou au parmesan
Le charme fugace de l’asperge
La Galerie Saatchi confronte des artistes
peu connus et sans grand rapport entre eux
Le mot Pangaea
désigne le continent
qui était constitué
de la quasi-totalité
des terres émergées
à l’aire secondaire
que leurs auteurs sont encore peu
connus.Ils sont nés pour la plupart
à la fin des années 1970 ou au
début de la décennie suivante, à
l’exception du Sud-Africain David
Koloane, né en 1938.
Il y a des peintres parmi eux, des
sculpteurs, des photographes et
des praticiens de l’installation
monumentale. L’un d’eux, le
Colombien Rafael Gomezbarros,
gagne le premier prix de la visibilité grâce à un procédé qu’il a déjà
employé: tapisser les murs d’une
foule de très grosses fourmis en
résine et branchages. Si elles bougeaient, ce serait bien mieux et ce
serait du cinéma, ce qui conduit le
visiteur, passé un instant d’amusement, à se demander quel intérêt il
y a à transposer ainsi d’un art à
l’autre, de façon si littérale.
La promenade dans les grandes
salles claires laisse en effet perplexe. On ne saisit pas quel parti
Philippe Dagen
Pangaea : New Art from Africa and
Latin America, Saatchi Gallery,
Duke of York HQ, Kings Road, Londres.
Tous les jours de 10 heures à 18 heures.
Entrée libre. Jusqu’au 31 août.
www.saatchigallery.com
PATRIMOINE
Samaritaine: la suspension
desdémolitionsen attente
d’unedécisionde justice
Le tribunal administratif de Paris a décidé, vendredi 11 avril, de
renvoyer au 29 avril la demande de suspension des démolitions
d’immeubles historiques de l’ex-grand magasin parisien la Samaritaine, rue de Rivoli, formulée par des associations. En revanche,
s’agissant du permis de construire de l’immeuble situé côté Seine (le bâtiment Sauvage), la demande d’annulation présentée
par des associations de défense du patrimoine a été rejetée.
La Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la
France (SPPEF) et SOS Paris, deux associations de défense du
patrimoine, avaient déposé deux recours devant la justice pour
contester les permis de construire accordés fin 2012 à LVMH, propriétaire du lieu, par la mairie de Paris. Trois des quatre bâtiments sur la rue de Rivoli, dont les façades datent de 1852, situées
à 100 m du musée du Louvre, ont déjà été démolis. Un quatrième
immeuble doit également disparaître. Fermée depuis 2005, la
Samaritaine fait l’objet d’une rénovation majeure, qui doit
déboucher sur l’ouverture d’un nouvel espace qui comprendra
des commerces, un hôtel de luxe des bureaux, logements
sociaux et une crèche. – (AFP.) p
Arts La réouverture du musée Picasso décalée
Evoquée pour la fin juin, la réouverture du musée Picasso à Paris
pourrait être décalée et fixée à la mi-septembre, selon le ministère de la culture. Fermé depuis près de cinq ans, le musée installé,
dans l’hôtel Salé, a été entièrement rénové. « Le bâtiment a été
livré comme prévu. Mais l’accrochage des collections nécessite du
temps», explique le ministère. – (AFP.)
A la foire de l’asperge, dans la région d’Emilie-Romagne, en Italie. PIETRO SCOZZARI/AGE FOTOSTOCK
L
’asperge, plus que toute
autre, est le légume de la distinction, au sens bourdieusien du terme. Aristocrates et
grandsbourgeoisaimaientsa blancheur et ne la dégustaient qu’avec
les doigts, à la vinaigrette, au beurre fondu ou accommodée d’une
mousseline légère. Louis XIV, diton, l’adorait en mouillette, dans
son œuf à la coque, et ordonna à
son jardinier, La Quintinie, qu’il la
fît pousser toute l’année dans ses
serres de Versailles. Elle inspira
aussi Manet, et Proust lui consacra
l’une des plus belles phrases d’A la
recherche du temps perdu. Mais
qu’a-t-elle donc de si particulier ?
Appartenant à la grande famille
des liliacées (comme l’ail, l’oignon
et le poireau), son excellence réclame, d’abord, des soins constants,
comme chez Pascal Boureau, à
50 km au nord de Poitiers, qui la
cultive dans le sable, sans engrais,
loinde tout plastique,avec ducompost de champignons. Cet agriculteur passionné n’a recours qu’à des
cueilleursexpérimentéset ne vend
sonasperge blanche duPoitou qu’à
partir de la mi-avril. Premier goût
du printemps, juste avant le petit
pois, l’asperge est souvent cueillie
trop tôt, pas assez mûre. Son charme, de surcroît, est fugace, et n’agit
que jusqu’à la fin du mois de mai.
Au restaurant, l’asperge manque souvent de génie : pochée,
rôtie, étuvée, confite, glacée, émulsionnée, crue ou même sucrée… la
plupart des grands chefs ont avec
elle une relation sado-maso. Mais
voilà, l’asperge est comme
M. Hulot : elle échappe aux codes
qu’on veut lui imposer ! Il faut
savoir la prendre. Avec douceur.
En France, il est un endroit où
elledemeure fulgurante: au village
de La Turbie, au-dessus de Monaco,
chezBrunoCirino.Obsédéparlafragilité du produit, ce cuisinier de
l’instantn’hésitepasàfaire200km
chaque jour pour aller chercher «la
meilleure asperge du monde » en
Ligurie, entre Gênes et San Remo.
Cultivée dans le sable à 100 mètres
delamer,l’aspergevioletted’Albenga bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP) depuis
2012 et fascine par son croquant, sa
fraîcheur et son goût iodé vraimentunique.Pouraccéderàceproduit d’exception, Bruno Cirino, en
bon Napolitain de naissance, a tout
tenté, pendant des années : en
vain ! « Ici, les bons agriculteurs
n’écoulent leur récolte que sur allocation, comme les grands vins… Il
faut attendre qu’ils se fâchent avec
un client pour récupérer sa part, et
surtout, ne jamais discuter le prix !»
L’asperge d’Albenga est d’un
beau violet, ferme, craquante et
brillante. Son épi est bien fermé. Le
pied doit être de couleur crème et
casser net sous la pression des
doigts. Dans son merveilleux restaurant situé dans une ancienne
abbaye, Bruno Cirino la prépare
très simplement, dans une cocotte,
avec un verre d’eau, du beurre, de
l’huile d’olive, du sel et du poivre.
Après dix minutes de cuisson douce,illasertcroquantenappéed’une
émulsion à base de vieux comté à
laquelle il ajoute de grosses lamelles de truffe noire… La rondeur
gourmande du fromage épouse
parfaitement la saveur terre-mer
du légume. Avec quelques raviolis
aulaitdebufflonneetungrandsancerre minéral de chez Anne et
Edmond Vatan, c’est un moment
de grâce, face à la Méditerranée…
Pochée, rôtie, étuvée,
confite, glacée,
émulsionnée…
la plupart des grands
chefs ont avec elle une
relation sado-maso
Après un tel sommet, il n’y a
plus qu’à se détendre chez L’Ami
Jean, rue Malar, dans le 7e arrondissement de Paris. Toujours plein
depuis onze ans, ce bistrot chaleureux et bruyant ne connaît pas la
crise. A côté des classiques qui ont
fait son succès (cochonnailles du
Paysbasque,côte de bœufà la plancha), Stéphane Jégo obéit chaque
jour à son instinct et à ses envies.
L’asperge verte des Alpilles, il la
prépare en ce moment à la vapeur,
couplée à un succulent maquereau de Saint-Jean-de-Luz encore
tout brillant de fraîcheur, le tout
relevé d’herbes, de fleur d’ail et de
cafédu Pérouà peine torréfié.Cuisson parfaite, fraîcheur des produits, énergie du lieu… L’Ami Jean
ou l’antre de la cuisine spontanée!
Les amateurs de vrai risotto à
l’asperge pourront quant à eux se
rendre au Sassotondo, taverne toscane du 11e arrondissement où l’on
mange excellemment sans se ruiner… Son chef, Michele Dalla Valle,
a fait ses armes au Meurice sous la
férule de Yannick Alléno.
Pour ce Toscan né à Pise, le
risotto à l’asperge est un plat élégant et délicat qu’il faut redécouvrir : « Pour les Français, le risotto
demeure encore une énigme, car le
riz n’a jamais été considéré par eux
comme un produit noble. Pourtant,
à la faveur de son liant naturel, le
risotto est un accord qui permet
aux ingrédients les plus différents
de se mêler intimement.»
Le sien, fin et gourmand,est cuit
au bouillon de volaille et parfumé
aux petits oignons nouveaux, les
asperges vertes entières ayant été
ajoutées crues, à mi-cuisson. Le riz
artisanal utilisé est le riso vialone
de Giuseppe Melotti, près de Vérone (un riz superbe qui offre une
mâche bien supérieure à celle du
carnaroli habituel). Pour relever le
tout, rien de tel que quelques
copeaux de parmesan millésimé
« issu d’un lait de vache venant de
vêler » – beaucoup plus riche et
moelleux, donc. p
Emmanuel Tresmontant
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A
vant d’être l’un des collectionneurs d’art actuel les
plus influents, Charles
Saatchi a été une star internationale de la publicité. De cette origine,
sa SaatchiGallery a gardéau moins
deux habitudes: le culte de la surprise et le talent des titres. Cette
fois, la surprise tient au projet luimême : confronter seize artistes
venus pour moitié d’Afrique, pour
moitié d’Amérique latine, alors
même qu’ils relèvent d’histoires
peu comparables et ne se connaissent pas entre eux.
Quant au titre, c’est Pangaea, la
Pangée en français. Ce mot désigne le continent qui était constitué de la quasi-totalité des terres
émergées à l’aire secondaire et
dont la dislocation sous l’effet de
la dérive des plaques tectoniques a
créé les continents dans leur forme actuelle.
Cettehistoiregéologiquen’aévidemmentaucun rapportaveccelle
de l’art. On n’assiste pas à Londres
à la naissance de l’école « pangéenne », mais à la réunion d’œuvres
qui ont peu en commun, si ce n’est
pris aurait dirigé les choix, ni pourquoi d’autres artistes n’ont pas été
conviés plutôt que ceux qui l’ont
été. Le sens de la rencontre transatlantique n’est pas plus clair au premier regard. Reste le plaisir de voir
apparaître des nouveautés.
Les tableaux en diptyques du
Brésilien Antonio Malta Campos
fontentrevoiruntravailsur lafigure humaine, traitée par l’ellipse et
l’abréviation, dans des couleurs
dont les intensités s’entrechoquent vivement. Au lieu de les
accrocher loin les unes des autres,
pourquoi n’avoir pas osé les placer
à proximité d’autres figures peintes, celles du Gabonais Boris Nzebo, qui renouent avec Philip Guston autant qu’avec le pop art ? Il y
aurait eu ainsi, réellement,
confrontation.
Et l’une des seules possibles. Ce
qui se révèle en effet, c’est une distinctiontrèssensibleentrelesartistes des deux continents – entre
ceux qui ont été sélectionnés car
l’observationnepeut pasêtre générale. Du côté des Sud-Américains,
les préoccupations politiques et
historiques sont généralement
peu présentes, les références artistiques parfois encombrantes. On
voit mal pourquoi mixer aujourd’hui Miro et Kandinsky comme le
fait le Brésilien Christian Rosa, ou
Christopher Wool, Cy Twombly et
le post-minimalisme, comme s’y
emploie le Colombien Oscar
Murillo. On sent trop dans leurs
travaux les excellentes formations qu’ils ont suivies à Vienne ou
à Londres.
Il y a bien plus de densité sensible et de nécessité intellectuelle
dans les photographies du Béninois Leonce Raphael Agbodjélou –
allégories glacées de la prostitution, du colonialisme et de l’exotisme – et dans celles du Mozambiquain Mario Macilau, qui se donne
poursujetles religionset leurs syncrétismes. Dans un dessin de
DavidKoloane,dansses superpositions de traits et leur confusion,
s’inscrivent l’étouffement, l’enfermement, la peur et pas seulement
un savoir artistique et la maîtrise
des procédés. Voici qui fait une
énorme différence. p
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Hors-série
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ont l’immense chagrin d’annoncer le décès
de
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M. dominique BaUdiS,
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Hors-série
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AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
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Sarah LichtSztejn-Montard,
ancienne déportée d’Auschwitz,
a le bonheur d’annoncer la naissance
de son arrière-petite-fille,
Flora,
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trois ans déjà,
pont Saint-Michel, le déclic.
Je t’aime mon double.
Simone B.
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Tél. : 0-805-05-01-47
Arrivée impérative avant 15 h 45.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 16 avril, à 14 heures, en
la cathédrale de Toulouse.
M. François d’Aubert,
président,
Le conseil d’administration,
Les présidents et les membres
des instances associées,
Les collaborateurs de l’Autorité de
régulation professionnelle de la publicité
(ARPP),
ont la grande tristesse d’apprendre le décès
de
Homme de culture et de communication,
de dialogue et de conviction, attaché à la
liberté, Dominique Baudis a toujours
soutenu l’ARPP, tant à la présidence du
CSA, que celle de l’Autorité de régulation
professionnelle de la publicité, de 2010
à 2011, où il a activement œuvré au respect
de la déontologie publicitaire, en
conformité avec une éthique personnelle
qu’il a toujours mise en œuvre dans tous
ses mandats et fonctions.
En union avec son épouse,
Son fils,
Ses amis
Et ses frères,
M. naguib aVierinoS,
jean dUPrat-GÉneaU,
Le souvenir de cet homme d’une
immense culture et de notre amitié
nous accompagnera pour toujours.
L’inhumation a eu lieu au cimetière
parisien de Pantin.
L’ensemble de ses collaborateurs,
-------------------------------------------------------------Lecteurs
Un hommage solennel lui sera rendu
dans la cour d’honneur de l’Hôtel national
des Invalides, Paris 7e, le mardi 15 avril
2014, à 16 h 30.
ont la douleur d’annoncer le décès de
Jeannine Baudis,
sa maman,
Ysabel Baudis,
son épouse,
Florence, Pierre et Benjamin,
ses enfants,
Dès jeudi 10 avril,
le volume n° 12 LA FIN DE
LA RÉPUBLIQUE ROMAINE
Premier titulaire de la fonction de
Défenseur des droits, il aura su marquer de
son empreinte cette institution de la
République dont il a voulu qu’elle soit
respectée pour son indépendance et son
impartialité.
ont la profonde tristesse d’annoncer
le décès de
survenu le 14 mars 2014.
d’Hervé Claude, illustré par Loustal
Ils s’associent à la peine de la famille
et tiennent à témoigner de leur fierté
d’avoir travaillé auprès d’un homme de
conviction et d’engagement.
Ils lui rendent hommage et s’associent
à la douleur de sa famille et de tous ceux
qui l’ont connu.
(Le Monde du 12 avril.)
Décès
Actuellement en kiosque le vol. n° 1
LA VOLUPTÉ DU BILLABONG
Défenseur des droits.
M. dominique BaUdiS.
le 9 avril 2014.
7 matières pour
réussir votre bac
Mme Marie Derain,
Défenseure des enfants,
adjointe du Défenseur des droits,
Mme Maryvonne Lyazid,
adjointe du Défenseurs des droits
chargée de la lutte contre
les discriminations et la promotion
de l’égalité,
Mme Françoise Mothes,
adjointe du Défenseur des droits,
chargée de la déontologie
dans le domaine de la sécurité,
M. Bernard Dreyfus,
délégué général à la médiation
avec les services publics,
M. Antoine Grézaud,
directeur de cabinet,
M. Luc Machard,
directeur général des services,
M. Richard Senghor,
secrétaire général,
Les membres des collèges,
Les agents
Et les délégués du Défenseur
des droits,
ont le très grand chagrin d’annoncer
la disparition le 10 avril 2014, de
dominique BaUdiS,
Défenseur des droits,
dit
« Philippe dechartre »,
colonel des Forces françaises
de l’intérieur,
membre de l’Assemblée
consultative provisoire,
ancien député,
ancien ministre,
doyen du Conseil économique,
social et environnemental,
grand-croix
de la Légion d’honneur,
grand-croix
de l’ordre national du Mérite,
croix de guerre 1939-1945
avec palme,
médaille de la Résistance
avec rosette,
commandeur
dans l’ordre des Palmes académiques,
vénérable d’honneur de la Loge
Paris du Grand Orient
de France (GODF),
membre
des Loges Demain GODF
et Cassin Grande Loge de France,
des suites d’une longue maladie.
survenu le 7 avril 2014,
à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.
Un hommage solennel lui sera rendu
dans la cour d’honneur de l’Hôtel national
des Invalides, Paris 7e, le mardi 15 avril,
à 16 h 30.
La cérémonie d’adieu aura lieu dans
la cour d’honneur de l’Hôtel national
des Invalides, à Paris 7e, le mardi 15 avril,
à 10 heures.
Arrivée impérative avant 15 h 45.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 16 avril, à 14 heures, en
la cathédrale de Toulouse.
« Le courage est cette qualité supérieure
qui nous permet
de faire face d’un cœur égal
aux multiples désagréments de la vie. »
Sangaré Oumar.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Cet avis tient lieu de faire-part.
(Le Monde du 11 avril.)
La Société des études staëliennes
a la tristesse d’annoncer le décès du
comte d’haUSSonViLLe,
survenu à Coppet, le 6 avril 2014,
Elle s’associe à la peine de ses proches.
www.stael.org
Erquy.
Marie-Thérèse,
son épouse,
Anne et Marc,
ses enfants,
Stéphane,
son gendre,
Mathilde et Julia,
ses petites-filles,
Sa famille
Et ses proches,
ont l’immense tristesse de faire part
du décès accidentel de
jean-claude BondioU,
survenu le 5 avril 2014,
dans sa quatre-vingt-onzième année.
Un hommage lui a été rendu le vendredi
11 avril, au crématorium de Clamart
(Hauts-de-Seine).
Amélie Ketoff,
Corinne Lapassade,
Maxime et Marie Ketoff,
Irène, Mathilde et Serge Ketoff,
Parents et amis,
ont la douleur de faire part du décès de
Sacha KetoFF,
survenu le 8 avril 2014,
dans sa soixante-cinquième année.
Ses obsèques seront céléb rées
le mercredi 16 avril, à 14 heures, en l’église
de Notre-Dame-de-Lorette, Paris 9e.
Elles seront suivies d’une crémation
au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,
à 16 heures.
Dominique Sauneron
et ses filles, Alya et Nadia,
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Mme nadine SaUneron,
Remerciements
Sincèrement touchés par les très
nombreux témoignages de soutien
et marques de sympathie qui ont été
adressés à la famille et au Conseil
général de Meurthe-et-Moselle, lors du
décès de
Michel dinet,
Les Rendez-vous du Global Award
for Sustainable Architecture
et dans l’impossibilité d’y répondre
individuellement,
« des sols, des hommes et du lien ».
Josette Dinet,
son épouse,
pour la famille
Et Michèle Pilot,
présidente par intérim,
pour le Conseil général,
transmettent leurs remerciements émus
et chaleureux aux amis, connaissances,
collègues, militants et à toutes les
personnes qui se sont associées à leur
peine.
Isabelle, Anne-Claire, Marielle,
ses filles,
Ses frères et soeurs,
Ses beaux-frères et belles-sœurs,
Ses neveux et nièces,
Ses amis,
Ses collègues,
ont le profond regret de faire part du décès
de
Bernard SchMitt,
économiste,
professeur aux universités
de Dijon et de Fribourg (Suisse),
Conférence de
Marie Moignot
et Gilles debrun, MdW architecture,
lauréats 2013 du Global Award
for Sustainable Architecture,
mardi 15 avril 2014, à 19 heures.
Entrée libre
inscription sur citechaillot.fr
Cité de l’architecture & du patrimoine,
auditorium , 7, avenue Albert de Mun,
Paris 16e (Métro Iéna).
Elles remercient également tous ceux
qui, nombreux, ont effectué un don à la
Fondation de France en faveur de la lutte
contre l’exclusion.
Enfin, elles assurent l’ensemble de ceux
qui ont exprimé le souhait de voir
la pensée et l’action de Michel Dinet
continuer à irriguer l’action publique,
que cette volonté guide la famille et
les proches, tout autant que le Conseil
général.
Ce message tiendra donc lieu de réponse
aux nombreux messages reçus.
Souvenir
Nous rappelons le souvenir de
théodore BrUnSchWiG
Conférence gratuite.
Jaurès (1859-1914) : une cible
à la veille de la Grande Guerre,
par Magalie Lacousse,
conservateur en chef Archives nationales,
le dimanche 13 avril 2014, à 14 h 30,
Musée de la Grande Guerre,
Rue Lazare Ponticelli,
77100 Meaux
(à 30 min par gare de l’Est).
Réservation 01 60 32 10 45 ou
reservation.museedelagrandeguerre@
meaux.fr
Communication diverse
et de son épouse
alice,
née BLoch,
survenu le 10 avril 2014, à Paris.
Nous nous retrouverons le mardi
15 avril, à 16 heures, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,
pour lui rendre hommage.
Conférences
de leurs fils
jules et claude
déportés le 13 avril 1944
à Auschwitz, (convoi 71)
Groupe eac
Paris. Lyon. Monaco. Pékin. Shanghai.
ainsi que celui de leur fils
Gaston,
disparu dans le maquis du Vercors
en 1944.
De la part des familles Brunschwig,
Lehmann et Ventura.
Au
docteur jean-Louis FraSca,
survenu le 26 mars 2014, à Dijon,
dans sa quatre-vingt-cinquième année.
tué à trente-six ans,
le samedi 14 septembre 1996.
Ses obsèques ont eu lieu le 31 mars,
à Dijon.
Jean-Jacques Baudouin-Gautier,
son ami.
claude Vivier Le Got,
présidente du Groupe eac, félicite ses
diplômés du MBA manager du marché de
l’art, en particulier Antoine Legendre,
embauché chez Chadelaud. Si comme eux,
vous souhaitez travailler dans le secteur
des arts, de la culture et du luxe, venez
nous rencontrer lors des « Nocturnes de
l’orientation » du mercredi 23 au jeudi
24 avril 2014, de 16 heures à 21 heures,
à l’eac Paris et Lyon.
33, rue la Boétie,
75008 Paris.
Tél. : 01 47 70 23 83.
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Bernard Schmitt est le créateur d’une
nouvelle analyse macroéconomique de la
production et des échanges fondée sur une
conception quantique du temps et de la
monnaie. Ses travaux sur l’inflation, le
chômage et la crise des dettes extérieures
sont destinés à révolutionner la pensée
économique future.
Le Carnet
Dieppe (Seine-Maritime).
On nous prie d’annoncer le décès du
docteur armand SteinBerG,
médecin à Argenteuil
pendant de longues années,
ancien déporté à Auschwitz,
survenu le 9 avril 2014, a été inhumé
le 11 avril, dans l’intimité familiale.
Laurent (†) et Marie-Antoinette
Le Chatelier,
Marie-Laetitia Roux,
ses enfants,
Frédéric, Antoine, Nicolas Boyer
et leurs conjointes,
ses petits-enfants,
Charlotte, Stella,
ses arrière-petites filles,
Paul (†) et Christiane (†) Roux,
son frère et sa belle-sœur,
Marie-Laetitia Wellhoff, née Roux,
sa cousine,
leurs enfants et petits-enfants,
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font part du rappel à Dieu, le 9 avril 2014,
dans sa cent cinquième année, du
professeur Marcel roUX,
chirurgien honoraire
des Hôpitaux de Paris,
membre de l’Académie de médecine,
membre de l’Académie de chirurgie,
officier de la Légion d’honneur.
La cérémonie religieuse aura lieu
le lundi 14 avril, à 10 h 30, en l’église
Saint-Pierre de Charenton-le-Pont.
Il sera inhumé le 16 avril dans
la chapelle familiale d’Ajaccio.
15, rue Gabrielle,
94220 Charenton-le-Pont.
Pour toute information :
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météo & jeux
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
10 à 15°
15 à 20°
30 km/h
8 15
7 15
5 15
8 15
6 15
7 15
Rennes
1005
7 15
D
Poitiers
9 18
7 17
Limoges
9 17
6 17
25 km/h
A
9 20
12 17
Montpellier
Nice
Marseille
14 24
13 18
14 22
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Ida
Coeff. de marée 47
Dimanche, un temps généralement sec mais
assez variable, partagé entre éclaircies et
passages nuageux prédominera au nord de la
Loire. Sur le reste du pays en revanche, les
conditions seront plus clémentes avec
l'établissement d'un temps ensoleillé malgré
quelques petites formations nuageuses dans
le ciel. Ces cumulus pourront localement
occasionner une averse éparse l'après-midi sur
le sud des Alpes et la Corse.
12 19
Lever 18h53
Coucher 06h03
Lever 07h03
Coucher 20h38
Aujourd’hui
Lundi
7 14
4 14
6 16
6 17
9 19
6
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7 19
9 21
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Jours suivants
Mardi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
6
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8
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11
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3
4
5
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
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Occlusion
Thalweg
Le Caire
Jérusalem
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bienensoleillé
averseséparses
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assezensoleillé
assezensoleillé
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assezensoleillé
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enpartieensoleillé
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assezensoleillé
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bienensoleillé
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bienensoleillé
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pluieetneige
8
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Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
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averseséparses
bienensoleillé
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assezensoleillé
Dans le monde
Alger
bienensoleillé
Amman
bienensoleillé
Bangkok
soleil,oragepossible
Beyrouth
bienensoleillé
Brasilia
soleil,oragepossible
Buenos Aires assezensoleillé
Dakar
assezensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
assezensoleillé
Hongkong bienensoleillé
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
bienensoleillé
Montréal
fortepluie
enpartieensoleillé
Nairobi
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New Delhi assezensoleillé
assezensoleillé
New York
beautemps
Pékin
enpartieensoleillé
Pretoria
assezensoleillé
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
enpartieensoleillé
Séoul
Singapour soleil,oragepossible
assezensoleillé
Sydney
assezensoleillé
Téhéran
assezensoleillé
Tokyo
assezensoleillé
Tunis
Washington assezensoleillé
Wellington faiblepluie
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
soleil,oragepossible
bienensoleillé
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assezensoleillé
bienensoleillé
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23 36
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13 15
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26
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29
26
29
27
26
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1
D
5
101
Athènes
Tunis
Tunis
Dépression
Front chaud
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Mercredi Jeudi
6
16
Anticyclone
En Europe
Ajaccio
55 km/h
D
Istanbul
EUROPE: Températures estivales du Portugal au sud de l’Espagne
Perpignan
15 21
Bucarest
Ankara
Alger
A
10 21
A
Kiev
Odessa
Sofia
Rome
Barcelone
Barcelone
Séville
Grenoble
Toulouse
Moscou
Lisbonne
Lisbonne
8 21
Biarritz
Budapest
Zagreb
Belgrade
Madrid
Bordeaux
20 km/h
Munich Vienne
Milan
102
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4 16
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0
11
101 19
Riga
Copenhague
Berne
1025
Chamonix
T
Clermont-Ferrand
Paris
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8 18
Dijon
St-Pétersbourg
1020
Minsk
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
Bruxelles
Londres
Besançon
5 16
990 Helsinki
101
5
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Dublin
10
Strasbourg
10
10 19
6 16
Nantes
Histoire Un acteur majeur de l’histoire de France
0
1005
1010
Edimbourg
Metz
Orléans
7 15
Oslo
10Stockholm
0
Châlonsen-champagne
PARIS
Caen
Brest
1005
A
Courriels
> 40°
D
D
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Amiens
Rouen
35 à 40°
980
Reykjavik
8 15
35 km/h
30 à 35°
13.04.2014 12h TU
Lille
9 14
25 à 30°
En Europe
Dimanche 13 avril 2014
Passages nuageux sur le nord du pays
Cherbourg
20 à 25°
10
15
< -5°
6
7
Sudoku n˚14-088
8
9
Solution du n˚14-087
Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr
http://médiateur.blog.lemonde.fr
Samedi 12 avril
Série. Chambre noire. Mort aux enchères.
Frères d’armes (S5, ép. 8 à 10/24, 155 min) U.
FRANCE 2
20.45 Les Années bonheur.
Invités : Hermes House Band, Herbert Léonard,
King Africa, Indila, Yannick, Lio, etc.
23.20 On n’est pas couché.
Invités : Maud Fontenoy, Matthieu Pigasse,
Michel Onfray, Boy George, Frédérick Bousquet,
GiedRé (180 min).
V
VI
FRANCE 3
VII
20.45 La Disparue du Pyla.
Téléfilm. Didier Albert. Avec Lucie Jeanne,
Véronique Genest (France, 2013, audiovision).
22.25 Météo, Soir 3.
22.50 Inspecteur Lewis.
Série. Meurtres en coulisses (saison 3, 2/4).
0.25 Appassionata - Gala hommage
à Teresa Berganza. Par l’Orchestre du
Teatro Real, dir. Sylvain Cambreling (60 min).
VIII
IX
I. Manu militari. II. Ebène. Aoûtat.
III. Taciturne. Pi. IV. RTT. Radins.
V. Otarie. Etude. VI. Lérot. Gn. Er.
VII. OM. Seau. Alfa. VIII. Gens.
Vibrion. IX. Unièmes. Mont.
X. Eternuements.
L’euro? Une monnaie stable, donc un bien commun européen dont les
Français ont largement profité. Au-delà de ses considérations nationales, la France a donc le devoir de respecter les règles garantissant la stabilité de l’euro, comme le souligne avec force l’éditorial « Des réformes
d’abord, des délais ensuite » (Le Monde du 5 avril). (…) La vocation de l’Europe est de s’occuper du bien commun européen, ni moins, ni plus. Bravo au Monde de soutenir cette ligne.
Jean-François Dalloz, La Seyne-sur-Mer (Var)
Episode 14. 23.30 The Voice. « La Suite ».
IV
Horizontalement
Europe L’euro, un bien commun
0.35 Les Experts : Miami.
III
Solution du n° 14 - 087
«Je n’accepte pas les accusations injustes qui pourraient laisser penser que
la France ait pu être complice d’un génocide au Rwanda», a déclaré, mardi
8avril, le nouveau premier ministre Manuel Valls, à l’Assemblée nationale. Soit. Est-il permis de dire néanmoins que des responsables politiques
de notre pays, et pas des moindres, et non la France (pas plus du reste que
notre armée, simple bras séculier), ont dans les années qui ont précédé
cet effroyable génocide entraîné et armé les forces militaires d’un pays
ouvertement animé par une idéologie raciste d’extermination qui devait
nécessairement être mise en œuvre un jour. Ces mêmes responsables ont
ensuite facilité l’exfiltration des génocidaires vers le pays voisin, la République démocratique du Congo. Enfin, leurs successeurs ont délibérément instrumentalisé le juge d’instruction désigné pour qu’il dépose des
conclusions justifiant l’injustifiable et dont il est démontré aujourd’hui
qu’elles étaient totalement farfelues, tout en faisant preuve d’une ardeur
très relative pour interpeller les quelques génocidaires rwandais coulant
des jours paisibles en France. A défaut de reconnaître quoi que ce soit et
puisqu’il ne faut pas parler de complicité, mot qui fâche, admettons humblement dans un souci d’apaisement les limites de la langue française.
L’incapacité de ces responsables, et non encore une fois de la France, à prévenir puis agir, hier, et à voir les choses en face aujourd’hui a été et reste
encore inqualifiable. Les 800000 morts rwandais voudront bien nous
excuser.
Jean-François de Montvalon, Paris
TF 1
II
I. Vous n’en viendrez jamais
à bout. II. Suite d’invocations.
A lutté pour que le temps et le
travail ne s’arrêtent pas. III. Elle
guérissait plaies et blessures.
IV. Conjonction. Du rouge dans les
étangs. Ile du Pacifique. V. Donne
des droits aux bâtisseurs. Poste
qui ne durera qu’un temps. D’un
auxiliaire. VI. Toucher le plancher
des vaches. Mise au pas.
VII. Difforme. Extraite de la fève
de Calabar. VIII. Cherchent
à reproduire. IX. La blancheur
la rend bien naïve. Fera de gros
dégâts en façade. X. Dans un état
d’excitation avancée.
Rwanda Inqualifiable
20.55 The Voice, la plus belle voix.
I
Horizontalement
C’est l’honneur du Monde, avec la tribune de Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP-Europe, « Quand l’Etat taxait le soleil » (Le Monde du
15mars), d’avoir salué l’action de Ramel de Nogaret, ministre des finances
du Directoire (1796-1799), «un de ces personnages en apparence secondaires de la Révolution qui ont joué un rôle déterminant». S’il instaura en
effet le fameux impôt sur les portes et les fenêtres, il sut remettre de l’ordre dans les finances, rétablir la monnaie et faire face à la crise de trésorerie ainsi qu’à de redoutables difficultés fiscales. Il mit aussi en place la
comptabilité publique telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Ce grand
commis de l’Etat, laborieux et honnête, vertus rares par les temps qui courent, illustre les mots du juriste Portalis, président du Conseil des Anciens
sous le Directoire: « Ce sont les mœurs privées qui créent et soutiennent les
mœurs publiques.» Méconnu, cet acteur pourtant considérable de l’histoire de France a subi une grande ingratitude. Puisse une prochaine promotion de l’ENA honorer, après l’exemplaire Jean Zay, Ramel de Nogaret.
Valéry Chavaroche, Marseille
Les soirées télé
10 1 1 12
Euro Millions
X
Verticalement
1. Assure la protection à l’église.
2. Découpage dans les cordons du
système. 3. Proche de la chemise.
Tracer en surface. 4. Un inconnu
qui fait parler de lui. Point
matinal. 5. Commandant de la
marine allemande. Zone de
libre-échange. 6. Peut devenir fou.
Projet d’architecture. 7. Gardienne
des ondes. Fournissent fleurs
et résine. 8. Se plaindre tout le
temps. Négation. 9. Mesure de
rayonnement. Dans l’atmosphère.
10. Pâte d’Auvergne. Exténuée.
11. Mesure d’ailleurs. Filtre.
Grande voie. 12. Fît bon ménage.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Métrologue. 2. Abattement.
3. Nectar. Nie. 4. Uni. Rosser.
5. Métrite. Mn. 6. Uae (eau). Aveu.
7. Lard. Guise. 8. Ionien. 9. Tuent.
Arme. 10. At. Su. Lion. 11. Rap.
Défont. 12. Itinérants.
Résultats du tirage du vendredi 11 avril.
8, 12, 19, 30, 33, 4 e et 11 e
Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ;
5 numéros et e : 146 639,70 ¤ ; 5 numéros : 28 298,70 ¤ ;
4 numéros et e e : 5 376 ,70 ¤ ; 4 numéros et e : 168,00 ¤ ;
4 numéros : 64,60 ¤ ;
3 numéros et e e : 71,30 ¤ ; 3 numéros et e : 13,20 ¤ ;
3 numéros : 9,00 ¤ ;
2 numéros et e e : 24,60 ¤ ; 2 numéros et e : 8,00 ¤ ;
2 numéros : 3,40 ¤ ; 1 numéro et e e : 13,60 ¤.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
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CANAL +
20.55 The Call p
Film Brad Anderson. Avec Halle Berry, Abigail
Breslin, Morris Chestnut (Etats-Unis, 2013) V.
22.25 Jour de rugby.
23.10 Jour de foot. L 1 (33e journée).
0.05 Magnum.
Téléfilm. Philippe Katerine et Gaëtan Chataigner
(France, 2014, 90 min).
FRANCE 5
20.35 Echappées belles.
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
15
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
Brésil : la route des terres conquises.
22.05 Visages du littoral.
[2/4] La Manche. Documentaire. Gil Kébaïli.
23.00 A vous de voir.
Les Technologies au service de l’autonomie.
23.30 Superstructures XXL (45 min).
ARTE
20.00 24 heures Jérusalem. [6 à 9/9].
20 h 00 - 23 h 00. 23 h 00 - 1 h 00. 1 h 00 - 5 h 00.
5 h 00-6 h00. Documentaire (2014, 600 min).
M6
20.50 Hawaï 5-0.
Série. Pukana (S4, ép. 11/22, inédit) U ; Imi
Loko Ka ’Uhane. Ho’Opio (S3, 21 et 22/24) U ;
Ho’apono. Mana’o (saison 1, 7 et 8/24) U.
1.00 Supernatural.
Série (saison 5, 4 et 5/22) V (100 min).
Dimanche 13 avril
TF 1
20.55 La Planète des singes :
les origines p
Film Rupert Wyatt. Avec James Franco, Andy
Serkis, Freida Pinto, Tyler Labine (EU, 2011) U.
23.00 Esprits criminels.
Série. Fantôme de guerre. L’Eventreur V.
Code d’honneur (S2, 17, 18 et 20/23, 140 min)U.
FRANCE 2
20.48 Neuilly sa mère ! p
Film Gabriel Julien-Laferrière. Avec Samy Seghir,
Jérémy Denisty, Rachida Brakni (Fr., 2009, audio.).
22.20 Faites entrer l’accusé.
Un homme à abattre. Magazine U.
23.40 Histoires courtes (30 min).
FRANCE 3
20.45 Inspecteur Barnaby.
Série. Colère divine (S16, 2/5, audiovision) U ;
La Chasse au trésor (S10, 3/8, audiovision).
23.45 Météo, Soir 3.
0.15 Un garibaldien au couvent p
Film Vittorio De Sica. Avec Leonardo Cortese,
Maria Mercader (Italie, 1942, N., v.o. 115 min).
CANAL +
21.00 Football.
Ligue 1 (33e journée) : Lyon - Paris-SG.
22.55 Canal Football Club.
23.15 L’Equipe du dimanche (50 min) .
FRANCE 5
20.35 Gel douche, peaux sensibles
s’abstenir. Documentaire (2014).
21.30 La France des villages.
Documentaire. Corinne Savoyen (2013).
22.25 La Case du siècle. L’Algérie
à l’épreuve du pouvoir, 1962 - 2012 [1/2].
23.30 La Grande Librairie.
Invités : JMG Le Clézio, Pierre Rabhi (60 min).
ARTE
20.45 A la poursuite
d’Octobre rouge p
Film John McTiernan. Avec Sean Connery,
Alec Baldwin, Scott Glenn, Sam Neill (EU, 1990).
22.55 Juliette Gréco, l’insoumise.
Documentaire. Yves Riou et Philippe Pouchain.
0.10 Chaplin. Ballet (100 min).
M6
20.50 Zone interdite.
Bac contre quartiers sensibles : un quotidien
sous haute tension. Magazine.
23.00 Enquête exclusive.
Bavures, corruption, dérapages : quand les flics
enquêtent sur les flics (80 min).
16
décryptages
Revue
Convoquer
le plaisir
du regard
V
ouloir créer aujourd’hui une nouvelle revue est une entreprise qui
convoque le désir et, avec lui, un
certain risque. Car l’encombrement de
notre paysage médiatique pourrait
décourager une telle aventure. Au milieu
de cette vertigineuse circulation d’informations et d’images, difficile de trouver
un espace à soi. C’est ce qu’entend cependant proposer John Jefferson Selve, créateur de Possession immédiate, qui mélange des textes littéraires (fictions, récits
intimes) et des photographies créatives.
Placée sous le signe de Rimbaud (l’expression « possession immédiate» est
extraite des Illuminations), cette revue
veut être un catalyseur de désirs. Pour
son créateur, il y a en effet urgence à
redonner toute sa place à l’expérience
sensible – nécessité qu’il revendique comme un geste quasi militant : « J’ai le sentiment que l’expérience sensible a plus que
mauvaise presse. Elle est tabassée médiatiquement, et par des effets politiques pavloviens prônant une sorte de présent perpétuel. Tout ce que l’on aura lu il y a quelques années dans de médiocres romans
d’anticipation est arrivé. Alors oui, l’expérience sensible comme une autre vitesse
par rapport à tout ça, c’est essentiel. »
L’expérience sensible passe d’abord
par la découverte de cet objet discret et
séduisant qui est plutôt du côté de l’élégance que du chic clinquant. « Le papier,
sa matière sont deux exigences centrales », explique John Jefferson Selve.
A l’origine de cette aventure, il confie
avoir été influencé par la revue de photographie Provoke (créée en 1968 par le photographe japonais Daido Moriyama): cette fameuse publication lui a en effet donné le goût de la provocation et, surtout,
Possession
immédiate
Volume 1
Rédacteur en chef
John Jefferson
Selve
128 p., 10 ¤
un goût immodéré pour la résistance aux
formes établies : « Possession immédiate
ne comble pas un manque, disons qu’il y a
peut-être une absence de ce genre d’objet,
hétérogène, libre, mélangeant les disciplines, indiscipliné donc…»
Et c’est bien ce qui réjouit la lecture
lorsqu’on ouvre la revue : la circulation
libre et aléatoire du texte et de l’image. Le
mot d’ordre? Ne surtout pas scinder langage et regard. « Beaucoup de photographes ont une langue littéraire, explique
John Jefferson Selve, Edouard Levé par
exemple ou, dans nos pages, Nicolas Comment. Quant aux écrivains, je n’en
connais pas un qui n’ait une dilection certaine pour les images.»
Côté textes, la sélection des auteurs est
ambitieuse, et parfois surprenante. On
retrouvera par exemple le trop rare
Mehdi Belhaj Kacem, qui signe un très bel
éloge du Hongrois László Krasznahorkai,
qu’il considère comme «le plus grand écrivain à être apparu depuis Thomas Bernhard». Mathieu Terence, écrivain et poète, revient sur les traces de Nietzsche à
Sils-Maria dans un texte sensible et érudit. Au fil des pages, on peut aussi découvrir l’écriture incendiaire de Jakuta Alikavazovic, une prose brève et brillante de
Jean-Jacques Schuhl, ou lire les vertiges
de Yannick Haenel, qui pose un regard terrifié sur l’état de notre monde.
Quant aux photographies, elles sont
traversées par la même intensité vibrante. La série « New Yorkers », de Khalik
Allah, est particulièrement saisissante:
elle nous montre une galerie d’étranges
personnages possédés par la nuit. Car la
question du désir est centrale. On la
retrouve ainsi dans les photographies de
Nicolas Comment (« Anatomie de l’image») qui donne à voir de grands nus féminins devant lesquels nous sommes à la
fois des voyeurs et des contemplatifs. Possession immédiate nourrit ce besoin fondamental: penser, rêver et voir dans un
seul et même mouvement. p
Amaury da Cunha
0123
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
La dédiabolisation du FN ouvre un espace à une nouvelle
extrême droite qui colporte des rumeurs sur les juifs,
l’islam ou les études de genre. Comment la combattre?
Contrelathéorieducomplot
L
es dernières élections municipales ont confirmé l’implantation toujours plus forte du
Front national. Comme l’on
sait, ce parti a entrepris de se
« dédiaboliser» ou, plus exactement, de se normaliser en abandonnant
sa référence aux thèmes traditionnels de
l’extrême droite, et cette stratégie a certainement contribué à ses récents succès. Il
est sans doute trop tôt pour savoir s’il
s’agit simplement d’une réforme superficielle ou bien d’une mutation qui pourrait
le transformer en profondeur, comme celle qui, en Italie, avait fait du mouvement
néofasciste Alleanza Nazionale un parti
de gouvernementinséré dansle jeu démocratique.
Mais certains effets de cette dé-fascisation du FN se font déjà sentir de manière
inattendue: elle tend en effet à laisser vide
un espace politique à la droite de la droite,
ce qui favorise l’émergence d’une nouvelle mouvance extrémiste. Quel rapport y
a-t-il entre cette mouvance extrémiste et
un FN qui tente de se normaliser? Aucune
rupture décisive ne peut être constatée. La
frontièrequi lessépareresteporeuse, comme celle qui, au sein de la droite catholique,sépareles« ultras» du Printempsfrançaisdes « modérés » de La Manif pour tous.
Des relations étroites existent toujours
entre les réseaux Dieudonné-Soral et certains membres de la direction du FN, et ces
passerelles font circuler dans les deux
sens les hommes et les idées. Bien loin de
s’opposer, soraliens et lepénistes tendent
ainsi à se renforcer réciproquement. S’ils
partagent la même idéologie xénophobe,
la même haine de l’étranger, tout se passe
comme s’ils s’étaient réparti les tâches.
Pour les uns, qui s’adressent surtout aux
Françaisdits « de souche» affoléspar la crise et la menace du déclassement, l’étranger dangereux reste le musulman ou le
Rom. Pour les autres, qui s’adressent plutôt aux jeunes issus de l’immigration, les
cibles sont le juif et l’homosexuel.
Nul ne sait si cette nouvelle extrême
droite est appelée à se développer. Il nous
semblecependantqueson émergencesoulève des interrogations essentielles; qu’elle nous invite à réfléchir sur la logique de
la haine, sur les dispositifs qui la propagent et les fantasmes qui la sous-tendent.
Qu’est-ce qui caractérise ces folles
rumeurs et ces campagnes agressives qui
se succèdent depuis quelques mois ?
Même si les cibles peuvent sembler différentes, elles mettent en cause à chaque
fois un complot, tramé dans l’ombre par
un puissant « lobby » avec la complicité
des médias et de l’Etat. Que déclare, sur un
site islamiste, la principale instigatrice du
boycott de l’école, une proche d’Alain
Soral ? La soi-disant « théorie du genre »
serait l’une des armes d’un mouvement
mondial qui « avance masqué ». Qui sont
les inspirateurs de cette conspiration diabolique ? Un site intégriste catholique
nous donne la réponse : la pernicieuse
« théorie du genre » est « le fruit de lesbiennes juives américaines ».
Comme au Moyen Age, ce ne sont pas
seulement des individus qui sont incriminés, mais un prétendu « complot des blouses blanches ». Cette dénonciation d’une
conspiration utilisant les méthodes les
plus abjectes est depuis longtemps un élément essentiel de la logique de la haine. Il
peut s’agir du « complot des jésuites »,
d’un « complot maçonnique » – accusé
notamment d’avoir fomenté la Révolution française – ou d’une « conspiration
juive mondiale », comme celle que mettent en scène Les Protocoles des Sages de
Sion. En d’autres temps, ce sont les « sorciers » et les « sorcières » qui avaient été
accusés de former une vaste secte satanique et de pratiquer des rites sexuels clandestins et des meurtres d’enfants. Certains traités, comme La Démonomanie
des sorciers de Jean Bodin (1580), prétendaient même qu’ils s’étaient infiltrés au
sommet de l’Eglise et de l’Etat et qu’il fallait les traquer par tous les moyens pour
les exterminer.
Ce sont de telles accusations qui, lors de
la grande chasse aux sorcières des XVIe et
Jacob Rogozinski
Philosophe né en 1953. Après avoir été directeur de
programme au Collège international de philosophie, il a
enseigné au département de philosophie de l’université
Paris-VIII et est actuellement professeur à la faculté de
philosophie de l’université de Strasbourg. Proche d’abord
de Jacques Derrida, il a développé dans ses œuvres une
réflexion sur le mal et la terreur révolutionnaire qui
s’inspire également de la phénoménologie d’Edmund
Husserl. Il est notamment l’auteur du « Moi et la chair :
introduction à l’ego-analyse » (Cerf, 2006)
XVIIe siècles, ont envoyé au bûcher des
dizaines de milliers de victimes. Parce
qu’il est particulièrement flexible, le schème du complot peut ainsi s’adapter à des
situations historiques très variées en se
contentant de changer de cible.
Pourquoi le mythe de la conspiration
connaît-il de nos jours une si grande
faveur? Sans doute nos sociétés démocratiques pâtissent-elles de n’avoir plus d’ennemi visible. La fin de la guerre froide et
l’effondrement de l’URSS ont pu donner
l’illusion de l’avènement d’un monde
enfin pacifié ; mais les hommes peuventils si facilement se passer d’ennemis, de
cibles qui concentrent leur ressentiment
et leur haine ? Or le schème du complot
permet précisément de s’inventer un
ennemi invisible, un ennemi imaginaire
d’autant plus malfaisant qu’il demeure
caché. Ce schème réussit ainsi à capter des
affects – souvent légitimes – d’indignation, de colère, de révolte contre l’injustice, en les orientant vers un « autre » menaçant qu’il s’agit de démasquer, d’expulser,
voire d’anéantir.
Il n’est pas indifférent que cette obsession du complot soit le plus souvent portée par la rumeur. Depuis toujours, la
rumeur est l’arme des faibles, des humiliés, des invisibles,de tousceux qui ne peuvent intervenir directement dans les circuits dominants d’information et de communication.
Mais les récentes résurgences du
mythe du complot s’enracinent plus profondément encore dans la relation des
sociétés modernes au pouvoir souverain.
Depuisla Révolutionfrançaise,la dynamique de la démocratie a profondément
transformé nos représentations du pouvoir; de mêmequ’elle continuede déstabi-
Air pur par Selçuk
liser les identités et les places attribuées
traditionnellement au statut social, aux
classes, aux sexes ou aux « genres » en suscitant ainsi des crispations réactives, une
défenseangoisséedes identitésqui paraissentmenacées.Dans une société démocratique qui fait constamment l’épreuve de
sa division, il peut sembler que le pouvoir
légal se réduise à une simple apparence,
un simulacre inconsistant qui dissimule
la réalité du véritable pouvoir. Et notamment lorsqu’un chef de l’Etat affiche sa
« normalité » et paraît incapable d’imposer son autorité…
Surprenant paradoxe:
plus les moyens
de communication
se développent et plus
se renforce cette croyance
en une zone d’ombre
où se trameraient
les pires machinations
L’ancienne représentation monarchique d’un souverain tout-puissant et
au-dessus des lois persiste en effet dans
les sociétés modernes, mais sous la forme
fantasmatiqued’une conspirationqui tire
les ficelles dans la coulisse et manipule les
masses. Surprenant paradoxe : plus les
moyens de communication se développent, plus l’exigence de transparence s’accroît et plus se renforce cette croyance en
une irréductible opacité du pouvoir, une
zone d’ombre où se trameraient les pires
machinations. En déniant les divisions et
les conflits qui traversent les sociétés
démocratiques, le mythe du complot
impose la vision illusoire d’un « système »
absolument homogène où les partis de
droite et de gauche, les médias, les syndicats et les intellectuels conspirent tous
ensemble au service d’un unique lobby
occulte.
Comment riposter à la montée de cette
nouvelle extrême droite, répondre aux
angoisses, aux fantasmes qu’elle mobilise ? L’argumentation rationnelle et la
pédagogie sont certes nécessaires ; mais
ellesne suffisentjamais. Et pourtant,il restemalgré tout possible d’agirsur les dispositifs qui les diffusent et s’en servent pour
étendre leur emprise. Comme le montre
l’exemple de la chasse aux sorcières, l’intervention du pouvoir souverain et des
défenseurs de l’Etat de droit a un rôle
essentiel à jouer.
Dans un pays profondément morcelé
comme l’était l’Allemagne de l’époque, où
l’autorité centrale était quasiment inexistante, des persécutions massives de prétendues « sorcières » ont eu lieu dans de
nombreuses régions au cours des XVIe et
XVIIe siècles.
En revanche, à l’exception de quelques
cas isolés dans des provinces éloignées, la
France n’a pas connu de chasse aux sorcières, sans doute parce que, à la fin des guerres de religion, l’autorité politique de
l’Etat avait été rétablie sans en passer par
cette terreur de masse que Bodin appelait
de ses vœux ; mais aussi parce que les
magistrats du Parlement de Paris avaient
choisi d’annuler en appel la plupart des
condamnations à mort pour sorcellerie
prononcées par des juridictions subalternes. Et ils n’avaient décidé de le faire que
parce que des penseurs, des médecins, des
prêtres avaient, souvent au péril de leur
vie, dénoncé les procédés des chasseurs de
sorcières et les croyances qui justifiaient
la persécution.
Aujourd’hui encore, le recours à la loi
demeure le plus sûr rempart contre les
semeurs de haine ; à condition toutefois
qu’ils’accompagned’une réflexion approfondie sur les facteurs qui engendrent cette haine et d’une intense mobilisation
citoyenne. En période de crise, les
défaillances de la démocratie et de l’Etat
de droit peuvent avoir des effets dévastateurs. Seule la reconstruction d’une nouvelle civilité démocratique permettra de
conjurer le retour des vieilles hantises. p
0123
analyses
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
17
Des options claires pour l’avenir de la dissuasion nucléaire
par Nathalie Guibert
Service International
L
e débat sur la dissuasion nucléaire
française est bien lancé. Dans un
esprit d’ouverture, la commission de
la défense de l’Assemblée nationale
mène une série d’auditions inédites
sur l’avenir de la bombe. La commission n’a pas manqué son but, en conviant, mercredi9avril, Henri Bentegeat,ancien chefd’étatmajor particulier du président de la République, à l’époque Jacques Chirac. Il est l’un des
rares à posséder une connaissance intime de la
doctrine nucléaire française, pour avoir participé à sa rénovation et « avoir porté la moitié du
code » aux côtés du chef de l’Etat. Se rangeant
dans le « lobby nucléaire», il est convaincu que
la France doit garder la bombe tant qu’un désarmement global « complet et vérifié » ne peut
être mis en œuvre.
Mais le général Bentegeat a mis sur la table
toutes les options d’une évolution de l’arme
suprême. « Je ne crois pas que le nucléaire ait un
caractère sacré. Il n’y a aucune raison de s’agenouiller devant le dieu nucléaire, pas plus que de
le répudier définitivement pour des raisons de
foi », a-t-il dit. Le général Bernard Norlain, mem-
bre de la campagne internationale contre la
bombe, Global Zero, a été aussi auditionné.
La dissuasion française a été repensée deux
fois depuis la fin de la guerre froide. En 1996, la
composante terrestre est supprimée et les
essais abandonnés, au profit de la simulation.
En 2001, son concept est révisé. Face aux puissances régionales « proliférantes» en armes de
destruction massive (du Pakistan à l’Iran), la
France se dote d’une dissuasion dite « du fort au
fou » : des armes capables de cibler les centres
de pouvoir d’un régime adverse. Parallèlement
est adopté le principe de « l’ultime avertissement » qui permet au chef de l’Etat d’échapper
au tout ou rien(l’apocalypse nucléaireou l’inaction) en recourant à une frappe limitée.
Ces évolutions ont redessiné l’arsenal: aux
armes puissantes de longue portée (dans les
sous-marins) s’ajoutent des armes de portée
limitée mais de grande précision (dans les
avions) ; des transmissions sécurisées et des
capacités de « reciblage à la mer » pour que les
sous-marins en plongée puissent modifier très
rapidement des plans de frappe.
La situation internationale amène à des
convictions divergentes sur l’avenir de la bombe. Pour certains, elle ne dissuade aucun terroriste, ne prévient aucune cyberattaque. Elle ne
seraitmême plus une option réellepour les opinions des démocraties. Pour les autres, la prolifération conclut à l’inverse. Et l’annexion de la
Crimée apporte un nouvel argument, Vladimir
PLANÈTE | CHRONIQUE
p a r S t é ph a n e F o u c a r t
Les mots qui fâchent
C
’est une étude fascinante
qu’a rendue publique, le
7 avril, la Commission européenne (Le Monde du 8 avril).
Conçue par Bruxelles et conduite
par un laboratoire de l’Agence
nationale de sécurité sanitaire
française (Anses), cette enquête a
essentiellement consisté à mesurer la mortalité des abeilles
domestiques (Apis mellifera) dans
17 pays européens. Mais le plus
intéressant n’est pas le résultat
obtenu. Le plus intéressant est le
résultat qui n’a pas été obtenu.
Pourquoi? Simplement parce
que le protocole choisi visait à restreindre la recherche des causes
des mortalités observées aux uniques pathogènes naturels: seules
les grandes maladies d’Apis mellifera ont été recherchées dans les
ruchers visités. Nous ne saurons
donc pas quels résidus de pesticides se trouvaient dans les colonies les plus touchées. Et ce, alors
même que des travaux académiques toujours plus nombreux
montrent les effets délétères des
nouvelles générations de pesticides et des mélanges de substances
actives sur la survie des abeilles et
des pollinisateurs.
Nous sommes donc dans le
cadre d’un exercice assez étrange,
qui met le discours et la pratique
scientifiques au service de contingences extérieures à la science. Il
faut chercher, mais dans la « bonne » direction. Il faut trouver,
mais pas trop. Pour, surtout, éviter toute découverte indésirable.
Les architectes de l’étude
arguent du coût qu’il y aurait eu à
prélever des échantillons dans toutes les ruches visitées. C’est de bonne guerre. Mais lisons les trente
pages du rapport rendu public: le
mot « pesticide» n’y figure pas. Le
mot « insecticide» non plus, pas
même une litote aussi bénigne
que « produit phytosanitaire». On
cherche, en vain, les mots « agriculture», « pratiques agricoles»… On
se frotte les yeux. C’est un peu comme si une étude épidémiologique
sur les causes du cancer du poumon avait non seulement omis de
questionner les participants sur
leur consommation de tabac mais
que, de surcroît, les mots « cigarette» ou « tabagisme» aient été
exclus de son compte rendu.
«Des analyses ultérieures exploreront les liens statistiques entre la
mortalité des colonies et des facteurs de risques incluant la prévalence de maladies, l’utilisation de
traitements vétérinaires, le contexte apicole et d’autres paramètres»,
HORS-SÉRIE
ANALYSE
Poutine ayant balayé les garanties de sécurité
quel’Ukraine avait obtenues,en 1994, en échange d’un abandon de ses armes nucléaires.
La France dépense 3 milliards d’euros par an
pour sa dissuasion nucléaire. Mais, avec la
contraction du budget de la défense, son poids
croît dans les investissements des armées. De
22 %, il atteindra 28 % d’ici à 2020, plus si les ressources prévues dans la loi de programmation
militaire 2014-2019 ne sont pas au rendez-vous.
« Nous pourrons avoir un effet d’éviction sur la
modernisation des forces conventionnelles,
craint Henri Bentegeat. Or, elles constituent de
facto le premier échelon de la dissuasion.»
Des économies à trouver ?
Des économies sont-elles possibles dans la
dissuasion? Pas à court terme, car une phase de
modernisation complète vient de s’achever.
Maisà moyen terme, certainement,convient-il.
La première option, l’abandon de la composante aéroportée, est « la plus souvent avancée
mais la plus mauvaise », juge-t-il. Elle serait peu
économe (il ne reste que deux escadrons de
Rafale). Surtout, elle signifierait « renoncer à la
menace de frappes ciblées».
La deuxième serait de renoncer à « la permanence à la mer», le fait d’avoir toujours un sousmarin porteur de la bombe à l’eau. Elle exige de
disposer de quatre bâtiments. Pourrait-on passer à trois? Les Britanniques réfléchissent en ce
sens. Une telle décision est réversible. Les Russes
qui avaient perdu la permanence à la mer après
la chute de l’URSS viennent de la recouvrer. Mais
celaauraitunimpactpsychologiquetrèsfortsur
la marine et sur l’entraînement des équipages.
Troisième option : baisser encore le niveau
de « stricte suffisance » qui a conduit la France à
réduire ses têtes nucléaires de 650 à 300 en
vingt ans. Un choix envisageable, compte tenu
de l’impact psychologique, énorme au XXIe siècle, d’une seule bombe.
La nouveauté vient d’une quatrième option,
« que personne n’ose avancer », selon Henri Bentegeat, car c’est « profaner un sol sacré » : ralentir le programme de simulation des armes
nucléaires, financièrement le plus lourd. Il peut
être examiné, assure-t-il, sans mettre en péril
les compétences scientifiques du Commissariatà l’énergieatomique.Les dissuasionschinoise, russe,israélienne ont-ellesperdutoute crédibilité parce qu’elles n’ont pas ce programme?
Le laser mégajoule, outil de la simulation, sera
prêt en 2014. Les premiers tirs sont programmés. Ils pourraient être étalés dans le temps.
Selon les experts militaires, la crise ukrainienne prouve que la force armée joue encore
un rôle, jusqu’en Europe. « Dans ce contexte, il y
a un équilibre à trouver entre nos capacités de
dissuasion et nos capacités d’action », plaide le
général Bentegeat. Les difficiles décisions à
prendre restent éminemment politiques. p
POUR
CERTAINS,
LA BOMBE
NE DISSUADE
AUCUN
TERRORISTE,
NE PRÉVIENT
AUCUNE
CYBERATTAQUE
guibert@lemonde.fr
Réussir votre bac
avec 0123
et décrocher la mention
Il faut trouver,
mais pas trop.
Pour, surtout, éviter
toute découverte
indésirable
écrivent les auteurs, rassemblant
sous l’énigmatique « autres paramètres», tout ce qui a trait à l’agrochimie et au modèle agricole dominant. Cette pudeur sémantique
rappelle celle des vieilles études
financées par les cigarettiers américains, qui attribuaient d’abord le
cancer du poumon à la pollution
atmosphérique, au radon, aux prédispositions génétiques et, éventuellement, au… «mode de vie »
– c’est-à-dire à la cigarette.
Que la science se pratique dans
un contexte où il n’est pas possible d’énoncer un fait aussi trivial
que le caractère nocif des insecticides pour les insectes devrait nous
porter à une profonde inquiétude. Pas forcément pour les
abeilles mais, surtout, pour ce que
cela dit de notre société. p
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RECTIFICATIFS
a Débats Contrairement à ce qui est indiqué dans la tribune « La réaffirmation moderne de l’identité républicaine» (Le Monde du 5 avril), le
politologue Zaki Laïdi ne dirige pas le Centre d’études européennes de
SciencePo et ne participe pas aux travaux du think tank Terra Nova.
a International La photographe d’Associated Press Anja Niedringhaus
n’a pas été tuée par des policiers qui l’aurait prise pour une assaillante
habillée en burka, contrairement à ce que nous indiquions dans l’article
intitulé « L’Afghanistan tourne la page de l’ère Karzaï», publié dans l’édition du 5 avril. La journaliste et sa consœur Kathy Gannon ont été délibérément prises pour cible, dans leur voiture, par un policier qui leur a
tiré dessus en criant « Allah akbar » – « Dieu est grand » –, selon plusieurs témoins de la scène.
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18
0123
enquête
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
La statue en bronze pèse
480 kg et mesure 1,70 m.
Ce cliché est tiré de la seule
série d’images prises
en septembre 2013 avant
sa « disparition ».
APAIMAGES/STRINGER
Laurent Zecchini
Gaza
Envoyé spécial
I
l était midi, ce vendredi
d’août 2013, et Jawdat Ghorab
pêchait à une centaine de mètres
du rivage. « Je jetais régulièrement
mon filet, pour le relever lentement,
comme je fais d’habitude, se souvient-il. Soudain, il est devenu très lourd, je
ne pouvais pas le remonter. » Jawdat n’insiste pas, de peur de tout déchirer. Puisque le fond semble proche, « entre 4 et
5 mètres », il plonge. Et discerne ce qu’il
identifie comme une forme humaine,
avant de se raviser : c’est une statue, qu’il
essaie en vain de faire bouger.
« Elle était enfoncée jusqu’à la taille
dans le sable », explique-t-il. Cela tombe
bien, six membres de sa famille pêchent
ce jour-là dans la zone de Deir Al-Balah,
située au milieu de la bande de Gaza. Il
leur faudra six heures pour attacher des
cordes aux bras et au torse de la statue,
puis la haler au sec. Un attroupement se
forme. Chacun admire l’homme statufié
au corps vert-de-gris et rivalise de commentaires sur ce qu’il convient de faire.
Ce qu’ils ignorent encore, c’est que
vientd’être tiré des flots un vestigearchéologique majeur de l’Antiquité : l’unique
Apollon de bronze découvert au ProcheOrient. Pour l’heure, les étranges « reflets
jaunes» dans les cheveux tressés éveillent
un fol espoir : « C’est de l’or ! » L’Apollon est
hissé à grand-peine (il pèse 480 kg) sur
unecarriole et déposédevant la maison de
Jawdat Ghorab, dont la mère pousse des
hauts cris : de taille humaine (1,70 m), le
Dieu grec est nu. Son intimité masculine
est bien peu islamiste.
Jawdat lui casse « le petit doigt de la
maindroite», afin de le montrerà un bijoutier. Las, le verdict est sans appel : du bronze ! La suite de l’histoire de « l’Apollon de
Gaza» est plus confuse. C’est Mohammed
Salman, l’oncle de Jawdat, qui aurait pris
les choses en mains. Se rendant compte de
la valeur potentielle de la statue, il l’aurait
proposée à quelques riches Gazaouis,
pour 100 000 dollars. En vain.
Ahmed Al-Borsh, le directeur du départementdes antiquitésau ministèredutourisme, nous explique que « des commerçants » ont alors menacé de couper la statue en morceaux pour la sortir du territoire palestinien et la vendre à un collectionneur. Lui-même aperçoit le bronze le
21 septembre, jour où sont prises, par ses
services, les seules photos connues. Toute
cette agitation étant peu discrète, la police
du gouvernement du Hamas, alertée, fait
main basse sur l’Apollon. Peut-être même
est-ce Mohammed Salman qui a vendu la
mèche : on apprendra plus tard qu’il est
« proche » des brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Mouvement de
la résistance islamique. La statue disparaît
pour de bon, enveloppée de mutisme officiel. Ghazi Hamad, vice-ministre des affaires étrangères, le confirme : « La statue est
sous la protection du ministère de l’intérieur. » Or Fathi Hamad, le puissant ministre de l’intérieur, est tellement craint sur
place qu’aucun Gazaoui n’ose plus se rendre à son bureau, ne serait-ce que pour
demander un entretien avec un journaliste étranger.
Désormais invisible, l’Apollon de Gaza
n’en alimente pas moins les estimations
les plus folles : vaut-il 10 millions de dollars, 100 millions de dollars, davantage ?
Un tel pactole potentiel ne peut qu’attiser
la convoitise du Hamas,en proie à une grave crise financière. « Ces chiffres ne veulent
rien dire », corrige le père Jean-Baptiste
Humbert, archéologue réputé de l’Ecole
biblique et archéologique de Jérusalem, et
expertdu patrimoinehistorique dela bande de Gaza.
Son prix, précise-t-il, « dépendrait du
nombre d’acheteurs intéressés, et la vente
L’Apollon
Eté 2013, dans
la bande de Gaza,
un pêcheur met
au jour un vestige
archéologique
de l’Antiquité. Cette
statue, d’une valeur
inestimable,
fait l’objet
de toutes les
spéculations… et de
tous les chantages
ne serait qu’une enchère déguisée. Le groupe qui recèle la statue a intérêt à faire monter les prix ». Le père Humbert n’a aucun
doute sur l’importance archéologique de
la prise capturée par le filet de Jawdat Ghorab: « Elle est exceptionnelle, car les statues
de bronze de l’Antiquité ont été fondues ; ce
serait une découverte digne de la Vénus de
Milo. » Antoine Hermary, professeur d’archéologie grecque à l’université d’AixMarseille, renchérit : « C’est un original
antique et une œuvre importante pour
l’histoire de l’art grec, surtout dans la
région où elle a été trouvée. »
D’autant qu’on ne connaît que trois
autres statues de bronze d’Apollon, indique Thomas Bauzou, maître de conférences d’histoire ancienne à l’université d’Orléans, qui a effectué plusieurs séjours à
Gaza : le Piraeus Apollo, trouvé en 1959 au
Pirée, près d’Athènes ; l’Apollon de Piombino, trouvé en Italie en 1832, qui est au
Louvre, et celui trouvé à Pompéi, en 1977.
L’Apollon de Gaza, lui, ressemble comme
un frère au Kouros Pisoni, un buste en
bronze trouvé en Italie, à Herculanum :
même chevelure et traits quasi identiques.
Les experts étrangers, dont aucun n’a
invisible
été autorisé à examiner la statue, se gardent d’être affirmatifs mais situent son
âge au IVe ou Ve siècle avant Jésus-Christ.
Ce n’est pas la seule incertitude. Jawdat
Ghorab, le pêcheur, dit-il seulement la
vérité? Le récit de ce jeune Palestinien de
26 ans, en cette matinée de mars, assis
devant sa maison rudimentaire de Deir
Al-Balah, sonne juste, mais sait-on
jamais…
Maçon au chômage avant d’être
pêcheur,Jawdat n’enfinit pas de se lamenter : « On m’a dit qu’elle valait 250 millions
d’euros, et moi je n’ai rien touché ! » Il assure qu’il n’a pas replongé sur le site pour
tenter de retrouver d’autres objets de
valeur, contrairement aux « forces maritimes» (du Hamas). Ces précisions ne suffisent pas à lever les doutes de certains
experts, qui sont surpris par l’état quasiparfait de la statue. « Elle ne présente aucune marqued’un séjour prolongé au fond de
la mer, on ne discerne pas de concrétions.
Etonnant…», remarque Thomas Bauzou.
P
ourquoi le Hamas aurait-il voulu
brouillerles pistes? M. Bauzou avance cette explication : « La version
maritime arrange le gouvernement : en
mer, la statue n’appartient à personne. A
terre,sa propriétéseraitforcémentrevendiquée par une famille. Or les questions foncières sont très importantesà Gaza. » Pourtant, le lieu présumé de la découverte
pourrait fournir une explication : l’Apollon de Gaza a pu rester enfoui dans le sable
pendant des siècles, avant d’être dégagé
récemment par les courants marins.
C’est la thèse avancée par Michel
L’Hour, responsable de la Direction des
recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille. « Les
bronzes séjournant dans l’eau de mer sont
chlorurés, mais pas forcément recouverts
de coquillages, a fortiori si cette statue
était ensouillée. » La mer, ajoute-t-il, « est le
plus grand coffre-fort naturel des grandes
statues en bronze de l’Antiquité, parce
qu’elle les met à l’abri des hommes ». Son
avis est partagé par Philippe de Viviès,
expertcorrosionnisteayantscrutélesphotos : « Il y a beaucoup d’éléments, comme
la répartition des produits de corrosion,
qui font penser à un séjour prolongé sous
la mer », assure-t-il, sansexclure que la statue ait été partiellement nettoyée.
A Gaza, les théories foisonnent : un
homme d’affaires riche et prudent, qui
tient à son anonymat, nous affirme que la
statue a été trouvée non loin d’une église
byzantine située sur la route Salahiddin,
qui traverse la bande de Gaza. « C’est en
creusant l’un des tunnels militaires que le
«Ils ne peuvent pas
la vendre. A la seconde
où la statue apparaîtra
sur le marché,
elle sera saisie»
Elias Sanbar
ambassadeur de Palestine
à l’Unesco
Hamas a multipliés dans le sous-sol de
Gazapour se protégerdesbombardements
de l’aviationisraélienne,que l’Apollon a été
mis au jour », croit-il savoir. Le gouvernement, ajoute-t-il, « veut la monnayer, mais
discrètement. Il y a un véritable gang au
Hamas, pour qui l’Apollon représente un
“big business”: ils croient qu’avec le temps,
tout le monde oubliera l’existence de la statue, qu’il sera alors plus facile de la sortir de
Gaza. Ils n’ont pas conscience que tous les
muséesdumondesontmaintenantau courant de cette découverte exceptionnelle, et
qu’elle est invendable».
A Ramallah, en Cisjordanie, où siège
l’Autorité palestinienne, on s’intéresse
aussi à l’Apollon de Gaza : « Le gouvernement du Hamas est illégal, il n’a aucune
autorité s’agissant du patrimoine culturel
et archéologique de Gaza», tonne Anouar
Abou Eisheh, ministre palestinien de la
culture. « Ils ne peuvent pas la vendre,
abonde l’historien Elias Sanbar, ambassadeur de Palestine à l’Unesco, parce qu’à la
seconde où elle apparaîtra sur le marché,
elle sera saisie. Avec le département de
l’Unesco sur le transfert illicite des biens
culturels, nous avons prévenu Interpol. »
Les protagonistes du mystère de l’Apollon de Gaza se rejoignent sur un point : il
est urgent d’entreprendre une restauration de la statue du dieu grec, pour stabiliser le métal et empêcher ce que Michel
L’Hour appelle sa « cancérisation ». Mais
comment faire ? Aucun gouvernement
occidental ne reconnaît le régime du
Hamas, ce qui interdit a priori l’envoi sur
placed’unspécialistedes bronzesantiques.
Un rien fabulateur, Ahmed Al-Borsh, le
directeur des antiquités de Gaza, nous
assurequ’il a contacté…le Louvre. Sollicité
par Le Monde,son directeur,Jean-Luc Martinez, communiquecette prudente réponse : « Le Musée du Louvre n’a pasété officiellementsaisi. S’il venait à l’être, nous instruirions naturellement le dossier en lien avec
le ministère français des affaires étrangères. » Lequel refuse de traiter avec un mouvement que la France (comme tous les
pays européens et les Etats-Unis) considère comme « terroriste ».
D’autant que le candide Ahmed
Al-Borsh ne cache pas ses intentions :
« Nous souhaitons que la France brise l’embargo contre Gaza avec cette statue, qu’elle soit la première à le faire… » Entre la stratégie visant à obtenir une reconnaissance
politiqueinternationale,et la tentationde
céder l’Apollon à un riche collectionneur
étranger afin de regarnir sa cassette, le
Hamas hésite. Or le temps n’est pas l’allié
de l’Apollon de Gaza, dont la santé, après
huit mois à l’air libre, se détériore. De là à
penser que le dieu à l’arc était davantage
en sécurité sous la mer… p
0123
0123
Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014
L’AIR DU TEMPS | CHRONIQUE
par Florence Aubenas
Talons hauts à Euralille
U
L’AGENCE
ELITE AIME
LILLE.
« ON VIENT
Y CHERCHER
DU BRUT »
ne fille s’est assise par terre, d’autres
l’entourent, formant un petit îlot au
milieu des gens qui ont envahi, par centaines, le centre commercial Euralille, une file
d’attente phénoménale qui démarre de l’esplanade en béton à l’extérieur, immobilise les
escaliers mécaniques et bloque tout le premier étage. Aujourd’hui, Elite, l’agence de mannequins, organise un casting public, « l’événement de l’année à Lille », promet la fille assise
par terre. Elle l’a déjà fait en 2013. « Je suis une
ancienne », elle dit.
Les autres l’écoutent. «On se met en ligne sur
le podium et on défile une à une. A la fin, le jury
dit le nom des filles qualifiées. Tous ceux qui
font les magasins nous regardent. On a très
peur.» Une brune – jolies dents écartées, voulant être pharmacienne – demande d’une voix
qui tremble: « Comment ils choisissent ?» L’ancienne prend un ton de pythie. «Ils disent juste
non et il faut partir. Pas d’explication. Cela dure
même pas deux minutes et ton destin peut changer.» Une blonde et blanche explique qu’elle va
être choisie, tout le monde le lui a dit à Hazebrouck, « même le docteur ». Ça la tenaille, elle
est venue en cachette. « Est-ce que je le vaux ?»
Elle va avoir 14 ans dans quinze jours.
L’agence Elite aime Lille. « On vient y chercher du brut », dit Céline. Un top model célèbre
y a été découvert en 2006 et, l’an dernier, huit
candidates avaient été choisies sur 377, pour la
finale de tous les castings de France. Elite est la
seule agence à se permettre ces opérations de
masse. « Les clients viennent chez nous chercher le jamais-vu. »
A 14 heures, lorsque les inscriptions commencent, des dizaines de filles se mettent à se
hisser sur des chaussures, extraites de sacs en
plastique, pointures trop grandes ou trop petites mais avec des talons vertigineux, prêtées
pour l’occasion. Puis elles se remettent à avancer en titubant. Valentine, non. Elle garde ses
godillots noirs à lacets ; 1 ,81 m, 15 ans, rousse.
On la remarque. « Sa maman, déjà, avait le
potentiel, mais elle ne s’est jamais lancée », glisse la grand-mère, qui tient le bras de Valentine. Maman, qui tient l’autre bras de Valentine :
« Moi, je n’ai pas eu cette chance. » Elle conduit
des engins dans le tunnel sous la Manche. Hier
soir, Maman a regardé sur Internet les candidates choisies par Elite dans d’autres villes. Sourire : « Valentine a cette couleur de cheveux si
rare, elle a le potentiel. » Pour ses 14 ans, la
famille lui a offert un book.
Posts et photos cartonnent
sur le «mur» de Grigny
L
es «like » se sont multipliés
en un temps record. La page
Facebook «Tu sais que tu
viens de Grigny quand » s’est
créée au lendemain du premier
tour des municipales, le 24 mars.
Le maire venait de se faire réélire
et la campagne était terminée.
Frasky Inyongo, éducateur sportif
de 28 ans, s’est alors décidé à lancer une initiative pour «réunir toute la ville », « les jeunes, les vieux,
ceux de la Grande-Borne [la plus
grande cité HLM de la ville] comme ceux de Grigny-2 [grosse
copropriété]».
Le jeune homme est une personnalité de cette ville de l’Essonne à la mauvaise réputation, un
gamin de la Grande-Borne, et qui
veut raconter aussi les bons souvenirs. « Cela permet aux habitants
de se rappeler qu’on avait un cinéma à la Grande-Borne, qu’il y avait
un marchand de glaces, Oscar, qui
passait en bas des cités et que tout
le monde connaissait, de se remémorer un prof et de s’apercevoir,
qu’on ait 20 ou 40 ans, qu’on a eu
le même », raconte celui qui se fait
appeler aussi « Docteur Sky», de
son nom de rappeur. Les anecdotes publiées ont donné l’envie à
certains d’en faire un court-métrage. « On est dans une ville populaire où il y a plein de nationalités, où
chacun a sa culture mais où on a
plein de souvenirs ensemble», assure-t-il.
Les posts sont drôles, écrits en
langage SMS, parfois avec des fautes d’orthographe, d’autres sont
plus élaborés. On y raconte qu’on
sait qu’on vient de Grigny « quand
le dimanche de 10heures à 14heures, le parking du méridien est aussi boucher que le périf au heure de
pointe à cause du marché »,
« quand tu t’es fais tirer les oreilles
en classe par Mr Main ou pris des
coco par Mr Bouly», « si tu te rappelles du magasin Megatop », « si
Autour du podium, dans le centre commercial, le public se presse, compact, pour voir ces
filles « oser marcher toutes seules devant des
juges », s’émeut une infirmière.
Les candidates attendent à nouveau. Anaïs,
14 ans, 1 m 78, se retrouve entre deux autres
plus grandes qu’elle. Ça lui arrive pour la première fois. D’habitude, elle est « la perche », la
seule, celle dont on se moque depuis la maternelle. Les autres ont dû vivre la même chose,
Anaïs en a le sentiment confus, elle se sent
enfin au milieu de ses semblables, les ridicules, les démesurées, à qui on va peut-être dire
aujourd’hui qu’elles sont les plus belles.
Yeux verts et menton pointu
Elles passent dix par dix dans une lumière
blanche face aux trois membres du jury. «Bonjour les filles», dit Victoria da Silva, qui dirige le
casting. Pas un mot superflu, ni gentil ni
méchant. Aucune recherche de mise en scène
non plus. Certains conseillent régulièrement à
l’agence d’ajouter des people à son jury. Refus :
l’affaire est trop grave. On est dans le pro, le
cash. Victoria da Silva continue au micro :
«Désolée les filles, dans ce groupe, nous n’avons
sélectionné personne. Nous sommes très très ELITISTES. Dommage. » Les suivantes sont déjà en
place, une blonde garde la main sur le menton.
«Retire-la », dit Victoria. La blonde a des boutons. Elle est sélectionnée. Une mère filme sa
fille : «C’est une inconnue que j’ai devant moi. Je
ne sais pas quoi espérer pour elle. » Dans le
public, une voix : « Même les moches sont bien.»
Le flot continue sur le podium, Félicie, Mélodie, Elisa, Salomé, une grande, des cheveux
roses et des bras tatoués, Zoé, Hélène, Camille
venue sans soutien-gorge, Mélissa, Aurore,
Pénélope, qui tire la langue quand elle s’en va,
Manon, tout en sueur, qui s’accroche à la main
d’une métis qu’elle ne connaît pas, Valentine,
la grande rousse, qui réussit à ne pas pleurer
en repartant. La musique du DJ joue fort, les
membres du jury bougent la tête en rythme.
Leurs regards s’arrêtent sur une toute-rose,
grain de beauté sur la joue. Ils la regardent. Elle
le sait. Ils hésitent, c’est rare. La toute-rose risque un sourire. «Non. » Elles sont cinq élues au
final, élancées, corps sans défaut, visage symétrique. Dans le jury, Alexis Louison calcule quel
client pour quelle fille. « Le but, c’est de leur donner du travail, n’est-ce pas? » Victoria est déçue.
«Rien d’époustouflant.»
Et puis elle se lève, fonçant à travers la foule
vers une mère et ses deux filles, pour en désigner une, la maigre, pas de poitrine encore,
pommettes hautes, menton pointu, 13 ans,
aimant les chips par-dessus tout. La mère
pousse l’autre, yeux verts immenses, presque
18 ans : « J’étais venue pour l’aînée. » La petite
se cache, bras battants, un oiseau. « On va rater
le train de 17 h 37 pour Béthune », tente la mère.
Victoria a saisi l’oiseau : « Je l’adore, je l’adore. »
La mère ne dit plus rien, elle pense à la famille
qui l’a déjà rabrouée : « Pourquoi tu mets les
filles là-dedans ? C’est le showbiz, on n’y
connaît rien. » Victoria parle à la petite, doucement : « On viendra te chercher dans deux ans.
Tu vas t’y préparer. »
Dans l’escalier mécanique, Victoria traîne sa
valise à roulettes vers la gare. Elle n’a pas de
doute sur ses choix, jamais. p
aubenas@lemonde.fr
“Sensualité et effroi. Hitchcock revu par Xavier Dolan.”
Télérama
“Un thriller psychologique du meilleur cru.”
t’a déjà joué avec des osselets dans
ta cage d’escalier jusqu’à pas d’heure et que les voisins hurlaient pour
que ça s’arrête…! » On y expose
des cartes postales locales vintage,
des photos de classe, ou d’équipes
de foot, ou de lieux qui ont disparu. Et on s’interpelle, on s’étonne
de revoir sa cité avant rénovation
ou le bac à sable et le toboggan vintage avant qu’ils ne soient trop
occupés par les trafics.
Le Monde
PRIX FIPRESCI
De la Critique Internationale
70e Mostra de Venise
“Une réussite éclatante.”
Positif
« De bons moments »
Le site a tellement de succès –
2 670 membres en deux semaines
– que la mairie a proposé d’organiser des « retrouvailles » de gens qui
s’étaient perdus de vue. « C’est
joyeux et ça fait du bien cette page
où tout le monde demande des
nouvelles de tout le monde. Cela
montre l’attachement à cette ville
populaire malgré la stigmatisation et les clichés : Grigny, ce n’est
pas que de la misère mais aussi
beaucoup de bons moments, un
territoire auquel on est attaché »,
s’enthousiasme Philippe Rio, le
maire PCF. Lui aussi a retrouvé
d’anciens amis perdus de vue avec
qui il « allait piquer des cerises
dans les jardins».
Au-delà du ton un brin nostalgique, c’est aussi pour certains le
moyen de faire passer des messages à la mairie sur les équipements qu’ils aimeraient voir revenir: piscine, cinéma ou magasins.
Et de raconter aussi que si Oscar le
glacier ne passe plus à la GrandeBorne, c’est à la suite d’une agression de trop…
Frasky, lui, est plutôt fier :
d’autres villes ont suivi l’exemple
et on trouve des « Tu sais que tu
viens de» pour Corbeil, Evry,
LeBlanc-Mesnil ou encore Gennevilliers. « On a donné le top départ,
et beaucoup de quartiers populaires d’Ile-de-France ont suivi. » p
Sylvia Zappi
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pTirage du Monde daté samedi 12 avril 2014 : 332 131 exemplaires.
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un film de
XAVIER DOLAN
Adaptation : la gachette
AU CINÉMA LE 16 AVRIL
2
* TRANCHES DE VIE
FRAMESOFLIFE.COM
MOD. AR7028
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