PROCÈS AGNELET : LES LEÇONS D’UNE CONDAMNATION BERTRAND CANTAT REVIENT SUR LA SCÈNE Travaux de luxe pour le Lutetia, hôtel de légende FRANCE – LIRE PAGE 10 CULTURE – LIRE PAGE 12 CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 - 70e année - N˚21535 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède Suppressiondes départements: Valls face à la colère des élus locaux «Théorie dugenre»: l’affolante rumeurde Joué-lès-Tours t A droite comme à gauche, les sénateurs sont vent debout contre l’annonce, jugée «brutale », du premier ministre A ttention, débat miné pour le nouveau premier ministre : l’annonce par Manuel Valls, lors de sa déclaration de politique générale, mardi 8 avril, d’une grande réforme territoriale comprenant la suppression des départements en 2021, a suscité une fronde immédiate des séna- teurs. Elus radicaux de gauche, socialistes ou UMP, ils dénoncent le caractère « brutal » de la décision du chef du gouvernement et défendent le bien-fondé du maintien de l’échelon départemental. Face à une assemblée sénatoriale qui compte 10 % de présidents de conseil général, Manuel Valls a dû calmer le jeu, mercredi, assurant qu’il y aurait« un long débat ». « Nous n’agironspas dans la brutalité, mais ne fuirons pas non plus nos responsabilités», a-t-il déclaré. M. Valls aura fort à faire pour mettre en œuvre cette nouvelle étape de la décentralisation, qui comprend également la divi- sion par deux du nombre des régions. Le gouvernement Ayrault s’y était cassé les dents, reportant sine die le projet de réforme préparé par Marylise Lebranchu. Confortée par Manuel Valls, la ministre de la décentralisation, fragilisée, doit reprendre le flambeau. p LIRE PAGES 8-9 APA IMAGES Les géants d’Internet veulent imposer la télévision du futur Amazon, Google, Apple, Microsoft lancent des projets dans le domaine de la télévision. Non pas le petit écran classique, mais celui connecté à Internet. Objectif: contrôler le salon familial. LIRE PAGE 3 ET SUPPLÉMENT TÉLÉVISIONS TÉLÉVISIONS «Mafiosa», fin de série réussie a Canal+ diffuse la cinquième et dernière saison d’une série sur la voyoucratie corse, portée par l’actrice Helène Fillières, en chef de clan froide et tourmentée SUPPLÉMENT Un compromis social impossible Q uand un nouveau premier ministre s’installe à Matignon, un de ses premiers actes est de recevoir les partenaires sociaux. Manuel Valls n’y a pas dérogé, en s’entretenant, vendredi 11 avril, avec les dirigeants des organisations syndicales et patronales. Et ces derniers profitent de l’occasion pourfaire monter les enchères. Ils n’y ont pas manqué, en présentant leurs cahiers de ÉDITORIAL revendications, les syndicats exprimant les « inquiétudes » des salariés et le patronat « la grande nervosité» et l’impatience des chefs d’entreprise. Si M. Valls peut se flatter de bénéficier d’une forte popularité, son baptême du feu social a montré que sur ce « chemin étroit et périlleux », selon la formule de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, il n’y aura pas d’état de grâce. Car cette concertation sous tension a souligné le profond clivage entre les partenaires sociaux sur le pacte de responsabilité voulu par François Hollande. La CGT et FO ont confirmé leur opposition à un pacte dans lequel elles voient un « cadeau au patronat » sur fond d’austérité. Thierry Lepaon, le secrétaire général de la CGT, s’est montré particulièrement véhément. Un an après son élection, il n’a toujours pas réussi à asseoir sa légitimité. Et la contestation interne le conduit à durcir sans cesse le ton. M. Lepaon s’est donc livré à un lourd réquisitoire. Il a estimé que le gouvernement n’avait pas entendu « la sanction sévère des choix politiques » faits depuis 2012, infligée aux élections municipales. Il a dénoncé « la poursuite d’une politique libérale qui dégrade la situation des salariés et réduit leurs droits sociaux». Rien n’a trouvé grâce à ses yeux, M. Lepaon ayant même reprochéau pouvoird’«encourager la division syndicale»… Bien installée dans sa posture de partenaire privilégié du gouvernement, la CFDT est restée fidèle à son réformisme, soulignant d’emblée que « le pari de l’échecet le refuge de l’immobilisme » ne sont pas dans ses « gènes ». Elle se veut « exigeante et constructive ». Mais, à moins de deux mois de son congrès, M. Berger a élevé la barre de ses exigences, en faisant état de ses « nombreuses interrogations » sur la mise en œuvre du pacte de responsabilité, qui suppose une « obligation d’engagements et de résultats concrets ». Pierre Gattaz, le président du Medef, a lui aussi fait monter la pression en exigeant que le pacte de responsabilité, qui doit être définitivement mis sur les rails lors de la conférence sociale prévue en juin, fasse l’objet d’une loi « avant l’été ». Manuel Valls est donc confronté à une équation sociale bien difficile à résoudre : satisfaireà la foisle patronatet les syndicats en réalisant pour le pacte ce que M. Hollande a appelé un « grand compromis social ». Un tel pari semble impossible. En concluant ses entretiens, M. Valls a inscrit ses pas dans ceux de Jean-Marc Ayrault, en affirmant que le dialogue social était sa « marque » et qu’il serait « permanent ». Sa chance est que l’opposition syndicale est fragilisée. En effet, toutes les mobilisations dans la rue depuis vingt-deux mois ont échoué. Mais il n’est pas à l’abri de colères ponctuelles, notamment du côté d’une jeunesse qui se sent délaissée. M. Valls a promis de « donner une impulsion décisive dans les prochains jours en faveur du pacte ». Pour convaincre des partenaires plutôt méfiants, il lui faudra, de toute urgence, passer à l’acte. p ’est une sale rumeur qui a cherchéà entacherla réputation d’une école maternelle d’Indre-et-Loire. Colportée par le Collectif des journées de retrait de l’école, des militants d’extrême droite qui luttent contre le prétendu enseignement d’une « théorie du genre », elle accusait à tort une institutrice d’attentat à la pudeur sur un enfant. L’enseignantea porté plainte en diffamation et la calomnie a fait long feu. Que signifient ces rumeurs et théories du complot véhiculées par l’extrême droite ? L’analyse du philosophe Jacob Rogozinski. p LIRE P.6 ET DÉBATS P. 16 INTERNATIONAL Ecosse : l’indépendance gagne du terrain A cinq mois du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, le 18septembre, le oui progresse. Durant l’hiver, les sondages lui donnaient vingt points de retard sur le non. Alors que le Parti national écossais est en congrès, l’écart s’est réduit à environ dix points. LIRE PAGE 2 « Un noUveaU soUffle dans le cinéma américain » The New York Times Création : TROÏKA. Copyright © 2013 by Tipping Point Productions, LLC. All rights reserved • Crédits non contractuels. UK price £ 1,80 ÉCONOMIE t Une rarissime statue représentant le héros grec (1,70 m, 480kilos) a été découverte par un pêcheur, en août 2013, dans la bande de Gaza t Détenu par le Hamas et tenu au secret, cet Apollon, d’une valeur inestimable, fait l’objet de toutes les spéculations LIRE PAGE 18 accusée à tort d’attentat à la pudeur sur un enfant par le Collectif des journées de retrait de l’école C MYSTÈRES AUTOUR DE L’APOLLON DE GAZA L’Apollon, photographié en septembre 2013, après sa découverte à Gaza. t Une institutrice a été au cinÉma le 23 avril Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 international 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 En Ecosse, le ouià l’indépendance progresse A moins de six mois du référendum, le Parti national écossais tenait son congrès, les 11 et 12avril, à Aberdeen Londres Correspondance P our la conclusion de son congrès de printemps, samedi 12 avril, à Aberdeen, le Parti national écossais (SNP, indépendantiste, au pouvoir) a le vent en poupe. Dans moins de six mois, le 18 septembre, la nation sera appelée à voter par référendum sur une question historique : « Est-ce que l’Ecosse doit être un pays indépendant ? » Et le soutien au oui, bien que toujours minoritaire, est en nette progression. Les sondages lui donnaient vingt points de retard sur le non avant l’hiver ; l’écart s’est réduit à environ dix pointsen moyenne.Un récentsondage donnait même 47% des voix aux partisans de l’indépendance, contre 53 % à ceux qui voulaient rester dans le Royaume-Uni. Trois siècles après l’acte d’union avec l’Angleterrede 1707, l’indépendance de l’Ecosse devient possible. De quoipermettreà NicolaSturgeon, numéro deux du SNP et vicepremière ministre écossaise, de pavoiser, sous les applaudissements : « La campagne pour le non est en sérieuse difficulté. » Elle moque ses opposants, dont elle juge la campagne trop négative. Ceux-ci « tentent de [leur] faire peur et de [les] menacer », estime-t-elle. Lesattaquesvenantdes unionistes ne manquent effectivement pas. Le chancelier de l’Echiquier (ministre des finances), George Osborne, a fait le déplacement à Edimbourg en février pour prévenir : « Si l’Ecosse quitte le RoyaumeUni, elle quitte la livre britannique.» Pourlui, pasquestion de partager la monnaie britannique, contrairement à ce que veulent les indépendantistes. Autre attaque : le rattachement à l’Union européenne. Le camp du non avertit que l’Ecosse ne pourra pas rejoindre automatiquement les Vingt-Huit et qu’il lui faudra poser sa candidature, comme pour tout nouveau pays. José Manuel Barroso, le président de la Commission, est même intervenu dans le débat, affirmant que ce serait un processus « extrêmement difficile, voire impossible». Enfin, la question des hydrocarbures en mer du Nord est importante: les partisans du non rappellent que les réserves sont en forte baisse, et que la manne financière risque de disparaître progressivement. Autant d’attaques que le SNP rejette en bloc. Il estime que les réserves pétrolières peuvent être exploitées plus longtemps que ne le prédisent les cassandres. Il souligne qu’il serait étrange que l’Europe rejette un membre qui veut la rejoindre, et qui applique déjà toutes les réglementationsen vigueur. En ce qui concerne la monnaie, il menace: si Londres rejette le partage de la livre sterling, alors l’Ecosse refusera de prendre sa part de la dette publique du Royaume-Uni. Toutes ces attaques ont provoqué uneréactionde fierté nationaliste. « Nous dire qu’on est trop faibles et trop pauvres pour nous en sortir seuls agace les gens. Si des pays de la taille de la Belgique ou de la Grèce s’en sortent, alors pourquoi pas l’Ecosse ? », explique Michael Fry, un historien qui milite pour le oui au référendum. Les leçons venant des Anglais Le lobby du whisky contre le oui L’avenir de la base des sous-marins nucléaires de Faslane inquiète Londres Les fabricants de whisky écossais ont exprimé, vendredi 11 avril, leurs craintes des effets d’une éventuelle indépendance de leur pays, s’ils se trouvaient privés des ressources du réseau diplomatique britannique. « En qualité d’ancien ambassadeur, je sais à quel point l’industrie dépend d’un soutien politique fort de la part du gouvernement », a déclaré David Frost, le président de la Scotch Whisky Association (SWA). Les industriels du whisky emboîtent ainsi le pas à plusieurs institutions financières et aux patrons de l’industrie pétrolière, inquiets des incertitudes concernant le maintien de l’Ecosse dans la zone euro ou de l’évolution de son régime fiscal. Alors que le Royaume-Uni dispose de 270 missions diplomatiques, le parti nationaliste SNP prévoit l’ouverture de 70 à 90 « bureaux internationaux ». En 2013, les revenus de l’industrie du whisky se sont élevés à 5,1milliards d’euros. Le whisky représente la deuxième richesse de l’Ecosse, après le pétrole et le gaz de la mer du Nord. Trois jeunes ouvriers d’une aciérie de Renfrew présentent une plaque comportant la date du référendum sur l’indépendance. XINHUA/ZUMA/REA L’INQUIÉTUDE demeure mesurée, mais elle est bien réelle. Dans les milieux de défense britanniques, des préoccupations s’expriment, à mesure que les intentions de vote montent pour un ouiau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, le 18septembre. Car l’Ecosse est d’importance stratégique: elle abrite de nombreuses installations militaires, dont la base de sous-marins nucléaires de Faslane. Pour l’heure, il n’y a officiellement aucun « deal» ni plan quelconque sur ce sujet, car la position du gouvernement britannique est de ne pas envisager que le « oui » l’emporte. Cependant, des rapports ont évalué les conséquences possibles, ou, du moins, les nombreuses questions que poserait cette indépendance pour la défense nationale. Un « oui » serait « une menace sérieuse pour la capacité opérationnelle de la dissuasion britannique», et pour le reste, il mettrait « le Royaume-Uni face à la perspective de perdre des personnels, des bases et des équipements vitaux à hauteur d’un douzième de ses moyens», a ainsi conclu la commission de la défen- quise mêlentdu débatpassentparticulièrement mal. Car si les Ecossais ne sont pas tous indépendantistes, loin de là, ils ont tous une très forte identité culturelle et Toutes les attaques contre le «oui» venues de Londres ont provoqué une réaction de fierté nationaliste sont fiers de leur nation. Les avertissements venant de l’extérieur sont souvent contre-productifs. C’est encore plus vrai quand ils sont lancés par des conservateurs, un parti qui est presque inexistant en Ecosse depuis les années That- se des Communes, dans un rapport publié à l’automne 2013. En 2013, l’Ecosse comptait plus de 11 000 militaires britanniques, 4400 civils, 2 200 réservistes et 11 500 cadets de la défense, sur 50 sites. D’ici à 2020, Londres a prévu de renforcer ses effectifs dans la région, avec 12 500 soldats au total. L’Ecosse abritera à cette échéance une des trois principales bases navales du pays, ClydeFaslane, où sont stationnés tous les sous-marins britanniques, et l’annexe de Coulport, où sont stockés les missiles. Mais aussi une des trois grandes bases d’avions de combat, à Lossiemouth, et une des sept brigades terrestres. Le Livre blanc écossais prévoit que la province devienne un Etat sans armes nucléaires. Le transfert de responsabilité de ses forces armées aurait lieu en mars 2016, et leur quartier général serait basé à… Faslane. Mais les contours d’une défense écossaise autonome restent imprécis. La contribution actuelle de l’Ecosse aux dépenses de défense nationale se monte à 3,3 milliards de livres (4 milliards d’euros), quelque 10 %, cher. « Il y a plus de pandas au zoo d’Edimbourg [deux] que de députés conservateurs écossais [un] », dit une vieille blague des milieux politiques locaux. AlexSalmond,le premierministre écossais et dirigeant du SNP, en fait ses choux gras. Dans son discours, samedi, il devait faire valoir que l’indépendance permettra de se débarrasser des tories et de ne plus êtredirigés «par un gouvernement mené par un parti qui a un seul député en Ecosse ». « Un gouvernement qui détruit notre Etatprovidence,qui est déterminéà privatiser les services publics. » Bref, à entendre M. Salmond, voter pour l’indépendance, c’est aussi se débarrasser d’une élite arrogante d’Anglais éduqués dans les écoles privées les plus chères et coupés des réalités. selon les estimations du Royal United Services Institute (RUSI). La base navale de Faslane fait l’objet d’investissements majeurs. Ses effectifs doivent être renforcés. Elle accueille les nouveaux sous-marins d’attaque Astute et les lanceurs d’engins Vanguard, ainsi que le centre national d’expertise dans le domaine. Construire une nouvelle base, ailleurs au Royaume-Uni, coûterait des milliards et prendrait des années, ont prévenu tous les experts militaires. La difficulté tient aussi au fait qu’il faut désarmer de nombreux vieux navires, un coût énorme. Pourraiton le partager ? Intégration à l’OTAN L’industrie de l’armement s’inquiète, elle aussi. Elle emploie 15 000 salariés en Ecosse, dans 50 entreprises habilitées défense. Le ministère britannique assure l’essentiel de leurs débouchés. Mais si l’Ecosse devient un Etat comme un autre dans l’Union européenne, il n’est pas certain que les exemptions aux règles européennes de la concurrence Un autre avantage de la campagne du oui est qu’elle a su incarner l’optimisme, rejetant les unionistes dans le rôle négatif de ceux qui avertissent de possibles dangers. M. Salmond y est pour beaucoup. Avec son air débonnaire, il est très à l’aise parmi les foules et sait mettre les rieurs de son côté. Surtout, il défend une indépendance la plus rassurante possible : l’Ecosse n’installerait pas de frontières avec l’Angleterre, conserverait la livre sterling, la reine resterait chef de l’Etat… Cette approche sembleavoir convaincu les catégories les plus pauvres, qui sont majoritairement en faveur de l’indépendance.Ellesn’ontfinancièrement pas grand-chose à perdre et apprécient le discours de rejet de l’élite londonienne. En revanche, les classes moyen- continuent de s’appliquer au profit des achats de la défense britannique. Autre point, l’avenir des chantiers navals. Le secrétaire à la défense, Phil Hammond, a rappelé aux députés que le Royaume-Uni a toujours construit ses navires de guerre sur son sol, bien que les chantiers nationaux soient plus chers que d’autres, car « il est d’importance stratégique de maintenir une capacité souveraine dans ce domaine ». Si l’Ecosse était indépendante, « clairement, cette capacité ne le serait plus ». M. Hammond a précisé aux parlementaires qu’il ne serait pas non plus envisageable de garder la maintenance de tels navires dans un Etat indépendant. Le oui aura d’autres implications stratégiques. Selon le gouvernement britannique, qui dit avoir procédé à une analyse juridique, l’Ecosse devra mener une démarche d’intégration à l’OTAN. Londres approuvera-t-elle dans ce cas la demande? Face à la commission de la défense des Communes, M.Hammond a répondu que ce quitus, lui aussi, ne serait pas automatique: « L’attitude du gou- nes et les entreprises sont majoritairement pour le statu quo. Elles redoutent les conséquences pour l’économie écossaise. Les jeux sont donc loin d’être faits. Si le non perd du terrain, il demeure en tête de tous les sondages, sans aucune exception. Ces dernières semaines, l’écart avec le oui semble d’ailleurs s’être stabilisé.Le poids historiquecompteégalement : depuis que l’institut de sondage Ipsos MORI a commencé, en 1983, à interroger les Ecossais sur l’indépendance, il n’y a jamais eu un seul résultat en faveur d’une sortie du Royaume-Uni. Le scénario le plus probable demeure donc un rejet de l’indépendance. Mais les unionistes, et le gouvernement à Londres, ont désormais de quoi être nerveux. p Eric Albert vernement relèvera de ses intérêts propres.» Notamment : « Nous regarderons leur position sur le partage du fardeau des équipements de la défense commune, la dissuasion britannique incluse, qui est à 100 % inscrite à l’OTAN comme une ressource à même de protéger l’Alliance. » La même fermeté conduit la défense à considérer qu’une Ecosse indépendante n’aurait pas accès au renseignement que partagent depuis la fin de la seconde guerre mondiale les « Five Eyes » – Etats-Unis, Canada Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande. Selon Malcom Chalmers, expert du RUSI, « l’un des sujets les plus difficiles dans la négociation porterait sur les services de renseignement et la coopération en matière de contre-terrorisme». Quant aux soldats, auront-ils le choix? A priori, oui. Les Ecossais qui servent l’armée britannique devraient pouvoir continuer à le faire. Les recruteurs de l’« Army » et de la « Navy», en particulier, en ont bien besoin. A condition qu’ils le veuillent. p Nathalie Guibert 0123 international & europe Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 3 Angela Merkel donne un satisfecit à une Grèce convalescente La chancelière allemande, en visite à Athènes, affirme son soutien au gouvernement Samaras Athènes Correspondance L a chancelière allemande AngelaMerkela effectué,vendredi 11 avril, une visite officielle éclair en Grèce, la deuxième en deux ans. En moins de sept heures, elle aura rencontré des hommes d’affaires grecs, se sera entretenue avec son homologue Antonis Samaras et répondu aux questions des journalistes, lors d’une conférence de presse aux allures de satisfecit général. Mme Merkel a en effet affiché une unité parfaite avec le premier ministre grec, se félicitant de voir la Grèce « sur le bon chemin » et affirmant que « cela valait la peine de faire ces réformes ces dernières années ». La chancelière a par ailleurs appelé à renforcer les relations gréco-allemandes dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture ou des services. « Je suis consciente qu’il y a de nombreuses opportunités de développement dans ce pays», a-t-elle déclaré. Antonis Samaras a quant à lui remercié « le peuple allemand pour sa solidarité » et convenu qu’il fallait « achever les réformes et poursuivre les efforts». Les questions qui fâchent – comme la restructuration de la dette réclamée depuis des mois par le gouvernement grec ou l’éventualité d’un troisième plan d’aide – ont soigneusement été évitées. C’est avant tout la question du retour réussi de la Grèce jeudi 10 avril sur les marchés qui a occu- pé le devantde la scène. Une opération qui a permis de lever 3 milliards d’euros en obligations à cinq ans, assortiesd’un coupon à 4,75%. Ce placementest une réussiteinespérée pourun pays dont les obligations sont encore classées par les agences de notation parmi les valeurs spéculatives. « La preuve que la confiance est revenue », a affirmé la chancelière. La venue de Mme Merkel, au lendemain même de cette journée importante, envoie le message clair que la famille européenne continuera à soutenir la Grèce et qu’il est donc désormais possible d’acheter, sans risques, de la dette grecque. Mais cette visite est aussi le moyen de venir soutenir son « ami Antonis » à la veille des élections municipales et européennes de mai. Le parti du premier ministre, Mme Merkel a comparé les cinq années de crise traversées par le pays à la période de la réunification allemande Nouvelle Démocratie (ND, conservateur)est, selon les sondages,toujours au coude-à-coude avec la coalitiondela gauche radicaleSyriza. Un coup de pouce de la chancelière allemande pour défendre le bilandes effortset sacrificesimposés ces deux dernières années dans le cadre des politiques d’aus- Angela Merkel, vendredi 11 avril, à Athènes. A droite, Antonis Samaras, le premier ministre grec. LOUISA GOULIAMAKI/AFP térité est donc le bienvenu pour ND. Car si les indicateurs macroéconomiques évoquent une timide reprise – retour à une croissance de 0,6 % du produit intérieur brut (PIB) prévue en 2014 – l’économie réelle a encore du mal à se redresser.Le chômageatteint 26,7% (chiffrede janvier)de lapopulationactive, 23,7 % des Grecs vivent sous le seuil de pauvreté, la dette publique a explosé et culmine à 177 % du PIB et de gros problèmes d’accès à l’emprunt handicapent sérieusement la vie des entreprises. « La question du manque de liquidités est cruciale », a d’ailleurs confirméAntonis Samarasvendredi, annonçant qu’un Institut pour la croissanceétait encours d’élaboration avec le soutien financier – à hauteur de 100 millions d’euros – de l’Allemagne. Il s’agira à terme d’unesorte de banqued’investisse- Kosovo: un tribunal international pourrait étudier les accusations de trafic d’organes Un rapport pointe la responsabilité du premier ministre, Hashim Thaçi La Haye Correspondance L e gouvernement du Kosovo a donné son soutien au projet européende créationd’untribunal international jugeant les auteurs de crimes commis pendant et après la guerre opposant les sécessionnistes de l’Armée de libérationduKosovo(UCK)aux forces serbes de Slobodan Milosevic, entre 1998 et 2000, a affirmé, vendredi11avril,laprésidenteduKosovo, Atifete Jahjaga. Pourtant, la loi établissant ce tribunal, qui doit être débattue la semaine prochaine devant le Parlement du Kosovo, n’est pas sans controverse. Cetribunal,auseinduquelsiégeront des juges et procureurs internationaux,se fondera sur les résultats de l’enquête conduite par une équipe spéciale de la mission de l’Union européenne (UE) sur l’état de droit au Kosovo (Eulex). Elle avait été ouverte en 2011, après le rapport de Dick Marty, un sénateur suisse mandaté par le Conseil de l’Europe pour enquêter sur des allégations de trafics d’organes. Selon ce rapport, plus de 1 800 Kosovars albanais et serbes auraient disparu durant le conflit et près de 500 autres, essentiellement des Serbes, auraient été enlevés après la guerre. Certains auraient été transférés en Albanie, puis tués afin de s’emparer de leurs organes. Le sénateur pointait des membres de l’UCK appartenant au « groupe de la Drenica », impliqué dans la criminalité organisée et dont le chef aurait été l’ac- tuel premier ministre kosovar, Hashim Thaçi. Au Parlement, « quelques membres des partis d’opposition vont s’opposer, mais s’il y a des instructions fermes des gouvernements américains, français, allemands et britanniques, les parlementaires et les politiques du Kosovo n’auront pas le courage de les défier », assure Nora Ahmetaj, directrice du Centre pour la recherche, la documentation et la publication, une associationkosovarequi préconiseplutôt la mise sur pied d’une commission vérité. Pour elle, « la vérité viendra lorsque les gouvernements du Kosovo et de Serbie donneront les informations sur les personnes disparues, se reconnaîtront mutuellement et établiront une coopération judiciaire». Témoins éliminés Du côté de l’UE, on insiste : « Ce n’est pas une cour pour juger l’UCK, pas une cour sur l’indépendance du Kosovo.» Et « ce n’est pas le procès européen du trafic d’organes», ajoute un diplomate de la région, pour lequel ce tribunal présente néanmoins « une entreprise à haut risque ». « Si ne sont poursuivis que des seconds couteaux, si des actes de vengeance sont perpétrés ou que des témoins disparaissent, cela pourrait envenimer la situation [entre Belgrade et Pristina] », estime ce même diplomate. Le projet prévoit d’établir le siège des « chambres spécialisées» au Kosovo, mais de conduire l’essentiel des procédures dans un pays de l’UE, sans doute les Pays-Bas, où sera basé le procureur, pour permettre d’entendre les témoins en toute sérénité. Ce dernier point est « le principalproblème», expliqueFred Abrahams de Human Rights Watch, soulignant que « cela ne peut être fait de façon crédible au Kosovo ». Jusqu’ici, la justice kosovare, sous supervision de l’UE, comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ont échoué. Ce dernier a bien tenté de juger des chefs de l’UCK pour des crimes de guerre. Ils ont été acquittés faute de preuve après que les témoins ont été intimidés ou tout simplement éliminés. A l’époque, la procureure, Carla del Ponte, avait dénoncé les soutiens américains et occidentaux aux chefs de guerre poursuivis. Un soutien ouvert,critiquéaussiparDick Marty. La « guerre de libération » de l’UCK, soutenue par Washington, en est sortie ternie. « Le rapport Marty a jeté une ombre sur le Kosovo, explique Fred Abrahams. Pour supprimer cette image, il est nécessaire d’avoir un processus judiciaire indépendant et crédible. C’est la seule façon de résoudreceproblème.»C’estunprocureur américain, Clint Williamson, qui dirige aujourd’hui la task force chargée d’enquêter. Ancien procureurauTPIY,ildevraitconclure son enquête « dans les mois à venir », indique son porte-parole Joao Sousa. A moins d’un revirementpolitique, les premièresaccusations devraient tomber au cours de l’été. p Stéphanie Maupas ment sur le modèle de la KfW, la banque publique d’investissement allemande qui accorde des prêts aux patrons de PME ou aux étudiants voulant créer une startup. Face aux jeunes entrepreneurs, Angela Merkel a comparé les cinq années de crise traversées par le pays à la période de la réunification allemande au début des années 1990, invitant ainsi ses interlocuteurs à la patience. « Beaucoup de professions indispensables dans l’Allemagne de l’Est sontsoudainementdevenues obso- lètes et inutiles, et beaucoup de gens ont beaucoup souffert », a-t-elle expliqué à un public parfois dubitatif sur cette comparaison de la Grèce de 2014 à l’Allemagne de l’Est de 1990. Après l’explosion, jeudi 10 avril, d’une voiture piégée au cœur d’Athènes, un impressionnant dispositif de sécurité a été mis en place. Pas moins de 7 000 policiers ont été mobilisés et se sont postés tout le long du parcours du cortège de la chancelière entre l’aéroportet le centre de la capitale où la circulation a été totalement interdite, donnant ainsi à Athènes des allures de ville morte. Des manifestations, à l’appel notamment de Syriza et des syndicats, ont bien eu lieu, maisont été maintenues par un lourd dispositif policier loin du périmètre au sein duquel Mme Merkel circulait. Elle n’a donc rien vu, rien entendu des cris de cette autre Grèce qui, malgré une pluie battante, tenait à lui signifier son ras-le-bol de l’austérité. p Adéa Guillot UN FILM SUPERBE À L’HUMOUR FÉROCE. ''' Studio Ciné Live UN GRAND WESTERN ORIENTAL, TRÈS BEAU, POÉTIQUE ET DRÔLE. Le Canard Enchaîné GOLSHIFTEH FARAHANI SUBLIME . HUMOUR, AMOUR ET ÉMOTIONS. COUP DE CŒUR. le figaro le parisien L’Humanité HALETANT ET DRÔLE. UN WESTERN MODERNE AUX ALLURES BURLESQUES. libération ''' La Croix ON EST EMPORTÉ PAR TANT DE BEAUTÉ. '''ELLE GOLSHIFTEH FARAHANI UNE FABLE DRÔLE ET FORTE. télérama KORKMAZ ARSLAN MY SWEET PEPPER LAND ACTUELLEMENT UN FILM DE HINER SALEEM 4 0123 international & planete L’UEacceptedesuperviser desélectionségyptiennes hautementcontestées Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 Au Vietnam, le combat des maraîchers pour produire des «légumes sains» Face aux nombreux scandales sanitaires, le gouvernement tente d’améliorer la sûreté alimentaire Les 26 et 27mai, le scrutin présidentiel doit se tenir dans un climat de répression généralisé A un mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle égyptienne, l’Union européenne (UE) se prépare à un périlleux exercice d’équilibrisme. En dépit des pratiques ultra-autoritaires du pouvoir en place auCaire, qui est sous la coupe de l’armée, Bruxelles a accepté de superviser les opérations de vote, les 26 et 27 mai. Un accord en ce sens a été conclu, jeudi 10 avril, à l’occasion dupassageduchefdeladiplomatie européenne, Catherine Ashton, dans la capitale égyptienne. Ce faisant, l’UE prend le risque d’apparaître comme la caution internationale d’un scrutin en trompe-l’œil et d’être stigmatisée comme la complice objective de son vainqueur annoncé, le maréchal Abdel Fatah Al-Sissi, l’instigateur du renversement, à l’été 2013, duprésidentMohamedMorsi, issu des Frères musulmans. « La décision de l’UE est malheureuse, mais elle ne nous étonne pas, a réagi Tarek Morsi, un porte-parole du Parti Liberté et justice, la vitrine politique du mouvement islamiste égyptien. Catherine Ashton est le bras gauche du coup d’Etat. C’est le retour de l’Europe coloniale.» Pour l’instant, M. Al-Sissi, qui vientde démissionnerde sonposte de ministre de la défense, ne compte que deux concurrents, qui n’ont aucune chance de lui faire de l’ombre : le nassérien Hamdin Sabahi, qui a soutenu l’éviction de M.Morsi, et l’avocat Mortada Mansour, un contempteur de la révolution de 2011. Le climat de répression, dont témoigne la condamnation à mort de 529 sympathisants islamistes, les modalités particulièrementrestrictivesdelaloiélectoraleetl’enrôlement de la quasi-totalité des médias dans la campagne pro-Sissi interdisent au moindre candidat hostile à l’armée de se présenter. Cet interdit concerne en premier lieu les Frères musulmans, un mouvementqui représente25% de l’électorat égyptien, dont les dirigeants sont tous en prison ou en exil et qui a été décrété «organisation terroriste» par les autorités de transition. « L’Union européenne va légitimer une élection, dont elle sait par avance qu’elle ne sera ni libre, ni équitable, déplore Alvaro deVasconcelos,chercheuràl’Initiative arabe de réforme. Après la chute de Hosni Moubarak, José Manuel Barroso[leprésidentdelaCommission européenne] avait esquissé une autocritique, en regrettant que l’Europe, par peur des islamistes, ait soutenu des dictatures. Malheureusement, l’Union est en train de retomber dans ce vieux travers.» Maintien du dialogue La décision d’envoi des observateurs est dans la continuité du refusdes Vingt-Huitdecondamner le coup d’Etat du 3 juillet. Au sein du Conseil européen, une majorité d’Etats, dont la France, prône le maintiendudialogueavec LeCaire, à rebours d’une ligne plus offensive, défendue notamment par les Scandinaves.« On sait bien que près de la moitié du champ politique égyptien est exclu de ce scrutin, confie un diplomate en poste à Bruxelles. Il y a un risque de légitimer cette situation, mais ce n’est pas une fatalité. Tout dépendra de la manière dont on exploitera les résultats de la mission. » Un point de vue partagé par la secrétaire générale de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, la Marocaine Amina Bouayach, qui revient juste duCaire. « C’est toujours mieux d’être présent. Cela permet de construire un plaidoyer politique», dit-elle. Le protocole de la mission, en cours d’élaboration, garantira « aux observateurs de l’UE de pouvoir circuler à travers le pays sans entraves et de pouvoir entrer en contact avec toutes les parties », selon le communiqué diffusé à l’issue de la visite de Mme Ashton. Pas de quoi rassurer le Portugais Alvaro de Vasoncelos, vétéran du dialogue Nord-Sud. «Si Sissi se présentaitdansun paysd’Amériquedu Sud ou d’Afrique subsaharienne, nous aurions refusé d’y envoyer des d’observateurs.Maisc’estlaMéditerranée,etl’Europealafâcheusehabitude d’y renier ses principes. » p Benjamin Barthe THE INNOVATORS OF COMFORT™ (1) jusqu’au 3 MAI 2014 SUR TOUS DANS 8 COLORIS Fabriqué en Norvège (1) Les innovateurs du confort. * Offre non cumulable valable dans les 8 coloris de cuirs suivants (Batick Cream/Black/Burgundy/Brown et Paloma Sand/Chocolate/Black/Light Grey), sur tous les modèles de fauteuils, canapés et poufs de la gamme Stressless ® et Ekornes® Collection du 1er avril au 3 mai 2014. Matières visibles : cuir de vachette, tannage au chrome, fleur corrigée, pigmenté. Boiseries hêtre lamellé collé teinté noir, vernis à base d’eau. Dans un champ de la coopérative de Van Duc, située à la périphérie de la capitale, Hanoï. SAMUEL BOLLENDORF POUR « LE MONDE » Reportage Van Duc (Vietnam) Envoyé spécial A u Vietnam, les scandales sanitaires, dont les médias se font l’écho chaque semaine, ont fini par alarmer la population. Tran Van Dao, un producteur de la coopérativede Van Duc, commune située à la périphérie de Hanoï et connue pour ses légumes vendus sur les marchés de la capitale, est soucieux de la qualité de sesproduits.Sa coopérativepropose des produitscertifiés par le label VietGAP (GAP pour Good Agricultural Practices, bonnes pratiques agricoles). Lancé en 2008, celui-ci demande un engagement plus important du maraîcher, qui doit consigner dans un cahier tous les traitements appliqués à ses cultures et est censé être contrôlé chaque année. Mais on est encore très loin d’une agriculture biologique. « La différence avec un agriculteur non certifié, c’est que je ne peux utiliser que des intrants autorisés, mais aussi que je dois respecter un délai d’au moins quinze jours entre le dernier traitement et la récolte », témoigne Tran Van Dao, en inspectant sa parcelle. Pour répondre à l’exigence de qualité des classes moyennes émergentes et au développement récent de la grande distribution dans les villes vietnamiennes, le secteur agricole commence à se doter de normes sanitaires et environnementales minimales. Un programme « légumes sains » a été lancé dans les années 1990, pour répondre à la méfiance de plus en plus grande de la population vis-à-vis de la filière maraîchère. Pour se prévaloir de ce label, la condition est de cultiver dans une zone où la qualité de l’eau, de l’air et du sol est considérée comme satisfaisante. «Avecleslégumescertifiés,l’environnement est protégé, la production plus stable et le prix de vente plus élevé », assure Minh Nguyen Van,levice-présidentdelacoopérative de Van Duc. Le gain est néanmoins modeste: le prix d’un chou certifié peut atteindre5 000 dongs (0,17 euro) le kilo, contre 4 000 pour un chou ordinaire. Le coût élevé de la certification, 18millions de dongs (614 euros) par hectare,réservecelle-ciauxgroupements de producteurs bénéficiant d’aides publiques. C’est le cas de la coopérative de Van Duc, dont les frais de certification sont pris en charge par la municipalité de Hanoï. Le suivi sanitaire de la production agricole est pourtant encore très aléatoire, les sanctions presque inexistantes. « On n’analyse pas tout, car le coût des contrôles est trop élevé, notamment pour les insecticides », reconnaît Nguyen Thi Tan Lo, économiste au Centre de recherche sur les fruits et légumes, un des partenaires du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). « Et, bien souvent, les résultats arrivent après que la production a été vendue et consommée.» Le surdosage des intrants et l’utilisation de produits interdits restent des plaies de l’agriculture vietnamienne L’insuffisancedes contrôles reste, avec le surdosage des intrants et l’utilisation de produits interdits, l’une des plaies de l’agriculture vietnamienne. Mais les esprits évoluent: depuis deux ans, le gouvernement vietnamien a fait de l’amélioration de la qualité dans le secteur agroalimentaire l’une de ses priorités. « On remarque une prise de conscience et une demande de plus en plus forte de la population d’avoir accès à des aliments sûrs », note Philippe Girard, directeur du bureau régional du Cirad. L’institutfrançaistravaille,aucôtéde partenaires vietnamiens, à améliorer la sûreté et la qualité des aliments, d’origine végétale ou animale. Le défi est de taille : « Sur le marché mondial, le Vietnam s’est positionnésur une logiquede gros volumes de production, de prix bas et de produits de qualité médiocre », explique M. Girard. Le pays est ainsi devenu le troisième producteur mondial en aquaculture, se spécialisant dans la crevette et le panga. Mais l’usage immodéré d’antibiotiques – dont certains sont interdits dans les pays occidentaux ou au Japon – dans les élevages en a fait également le champion du monde des refus d’importations. « Certains aquaculteurs utilisent des farines mélangées avec des antibiotiques, parfois importés de Chine, sans savoir ce qu’il y a dedans. Ils disent les utiliser tant que ça marche, puis passer à autre chose », témoigne Samira Sarter, spécialiste en microbiologie alimentaire au Cirad. « On est en permanence sur le fil, complète M. Girard. Un éleveur de volaillesqui a unebête malade,plutôt que de le signaler aux autorités sanitaires, va chercher à la vendre avant qu’elle ne meure. C’est un problème de pauvreté.» p Gilles van Kote Etats-Unis Washington ne délivrera pas de visa au nouvel ambassadeur iranien à l’ONU WASHINGTON. Les Etats-Unis ont informé Téhéran qu’ils ne délivreraient pas de visa au nouvel ambassadeur iranien à l’ONU, Hamid Aboutalebi, en raison de son rôle présumé dans la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979, a annoncé la Maison Blanche, vendredi 11 avril. Le 9 avril, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait jugé « totalement inacceptable» ce possible refus, défendant la candidature de M. Aboutalebi, « l’un de nos diplomates les plus expérimentés et rationnels». – (AFP, AP.) Algérie Les Algériens votent en France dès samedi pour la présidentielle PARIS. Quelque 815 000 Algériens ont commencé à voter en France, samedi 12 avril pour élire le président algérien, soit cinq jours avant le scrutin en Algérie. Ils ont jusqu’au 17 avril pour faire leur choix. Abdelaziz Bouteflika se présente pour la quatrième fois. Son principal rival, Ali Benflis, déclare que la fraude sera son « principal adversaire». – (AFP.) EN VENTE À PARIS : RIVE DROITE (12e) le plus grand espace Stressless à Paris, 56 cours de Vincennes, 01 43 41 80 93, M° Nation. RIVE GAUCHE (15e) 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40, ouvert 7j/7, M° Boucicaut, P. gratuit. www.topper.fr Mexique François Hollande quitte le pays au terme d’une visite d’Etat de deux jours MEXICO. Le président François Hollande a quitté le Mexique, vendredi soir 11 avril, à l’issue d’une visite d’Etat de deux jours, durant lesquels une quarantaine d’accords ont été signés. De cette réconciliation politique, les deux gouvernements attendent désormais des résultats économiques tangibles. L’affaire Florence Cassez avait mis à mal les relations entre les deux pays. – (AFP.) Ce dimanche à 12h10 ELIO DI RUPO Premier ministre belge répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI), Philippe Ricard (Le Monde). Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 0123 international Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 5 La longue lutte des ouvrières cambodgiennes du textile Les syndicats réclament un doublement du salaire minimum mensuel pour atteindre 160 dollars. Le conflit social s’enlise dans un secteur clé pour le pays Reportage Phnom Penh Envoyée spéciale C ’est ici, à Canadia Industrial Park, dans la grande banlieue de Phnom Penh, que s’est produite la répression sanglante du 3 janvier. Les ouvriers du textile défilaient pour obtenir un doublement du salaire minimum. Sur ordre du premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis bientôt trente ans, les forces de sécurité ont ouvert le feu. Bilan : cinq morts et des dizaines de blessés. Depuis, les manifestations sont interdites à Phnom Penh. Mais la peur est tombée, et le Cambodge estcommeune eaudormante.Ainsi, alors que le pays fête le Nouvel An khmer à partir de dimanche 13 avril, plusieurs syndicats ont appeléà ne pas reprendrele travail le 17 avril, après la fin des congés. Or le secteur de la confection – 500 000 emplois directs, 3 millions indirects – est un pilier de l’économie cambodgienne, essentiel à sa croissance (7 % par an en moyenne). Surveillé de près par l’Organisationinternationaledu travail(OIT), le Cambodge a acquis dans le courant des années 2000 une image plutôt positive. Mais les choses ont changé depuis trois ou quatre ans. Séduiteparlefaiblecoûtdelamaind’œuvre cambodgienne – quatre fois moins élevé que chez elle, moitié moins qu’en Indonésie, et 25 % plus bas qu’au Vietnam –, la Chine a délocaliséici ses usines de confection. Au fur et à mesure que la demande en provenance d’Europe et des Etats-Unis augmentait, la situation s’est dégradée. Difficile de se faire une idée précise des conditions de travail au Cambodge.Entrelesusinesenregistrées au ministère du commerce et les ateliers clandestins des campagnes, invisibles par définition, il y a un monde. Les usines de Canadia Industrial Park sont dans l’ensemble correctes: d’immenses hangars éclairés au néon. Des tables en série, chargées de monceaux de tissu.Desmachinesàcoudreenenfilade. Et des centaines de très jeunes femmesatteléesà latâche,dix heures par jour, six jours sur sept. Le choc, on l’a plutôt quand on tombe sur les logements des ouvriers, à quelques centaines de mètres.Pouréconomiserle coût du loyer – 35 dollars (25 euros) par mois–, les employés se partagent à sept, dix, parfois quinze, des Accord politique en vue avec l’opposition Le chef de l’opposition, Sam Rainsy, et le premier ministre Hun Sen seraient proches d’un accord qui mettrait fin à la paralysie du Parlement depuis les élections législatives contestées de juillet 2013. Selon les résultats officiels, le Parti du peuple cambodgien (PPC, au pouvoir) a remporté ces élections, avec 68 sièges contre 55 au Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) de Sam Rainsy. Dénonçant des fraudes massives, l’opposition a revendiqué la victoire. Depuis, ses députés boycottent l’Assemblée nationale. Les deux adversaires seraient parvenus à s’entendre « sur certains points importants », a indiqué Sam Rainsy, le 10 avril, à Phnom Penh. Mais aucun accord n’a encore été trouvé concernant la date des prochaines législatives, a-t-il ajouté. Hun Sen a proposé un scrutin en février 2018, soit cinq mois avant l’échéance prévue, mais « nous voulons que les élections aient lieu au moins un an plus tôt », a précisé le chef de l’opposition. réduits de 10 mètres carrés. En guise de salle de bains, un robinet d’eau froide et un seau. Un réchaud électrique fait office de cuisine. Assises par terre dans leur petit logement, Chantha, Leakena et Sachina parlent de leur vie quotidienne, avec l’insouciance de leurs 20 ans. Comme toutes les employées de Canadia Industrial Park – 90 % sont des femmes –, elles viennent de la campagne. Elles ont commencé à travailler à 17 ans, sans la moindre qualification. En comptant les heures supplémentaires, elles gagnent quelque 120dollars par mois, dont elles envoient les deux tiers à leurs parents restés au village. Début décembre 2013, elles ont fait grève, sans conviction. « Certains syndicalistes nous y obligeaient», disent-elles. Faire passer lesalaireminimumde80 à160dollars,comme le réclament les syndicats ? « On aimerait bien, mais on n’y croit pas trop ! », répondentelles. Deux choses leur pèsent : d’une part, les heures supplémentaires qu’on leur impose tous les jours. Deux heures obligatoires, parfois quatre, si une commande imprévue arrive. D’autre part, la cadenceimposée.«Coudre120pantalons en deux heures, je n’y arrive jamais. Du coup, je perds ma prime à la fin du mois», se plaint Sachina. Lespatronsd’usine,eux,nedécolèrent pas. Ils sont pris en tenaille entre les investisseurs – chinois, coréens, japonais, taïwanais– qui menacent de partir ailleurs et le double discours des grandes marques occidentales. « Les donneurs d’ordre nous conseillent de relever les rémunérations, mais au même moment ils négocient au plus bas. Si on double le salaire minimum,on setiredeuxballesdanslepied»,souligne la DRH d’une usine de textile britannique. PorphinaVan,elle,sesentdécouragée. La multiplicité du nombre de syndicats au Cambodge – 2 000 pour 500 usines – a eu raison de sa patience. Entre décembre2013 et janvier, ses trois sites de production ont perdu 2,7 millions de dollars. Pour elle, une « minorité» de syndicalistesprocède à «l’intimidation et à la violence » et va détruire l’industrie du textile. Distribution de tracts appelant à la grève, le 9 avril, dans la banlieue de Phnom Penh. XINHUA/PHEARUM/CORBIS La crise sociopolitique qui secoue le pays depuis des mois n’est pas près de s’éteindre. « C’est un cancerqui s’estmétastasé»,estime le politologue Kem Ley. De son côté, Jason Judd, de l’OIT, souligne qu’enraisonde l’inflation« le salaire minimum réel a baissé, ces dix dernières années, malgré les aug- mentations». Pour sa part, l’économiste Ou Virak, président du Centre cambodgien des droits de l’homme,appuiel’idéed’un réajustement, mais lance une mise en garde : « Si l’on passe à 160 dollars du jour au lendemain, 20 % des emplois disparaîtront aussitôt. Quantité de jeunes ouvrières ris- quent de n’avoir d’autre recours que la prostitution.» Pour lui, la solution serait de procéder par étapes. Dix dollars tous les six mois, par exemple, pour donner aux fournisseurs « le temps de s’adapter et de négocier avec les donneurs d’ordre ». p Florence Beaugé Dessyndicats ont appeléles ouvrières àne pas revenir travailler aprèslafin descongés du Nouvel Ankhmer, le 17avril Phaibun habite de l’autre côté de la ruelle. Pieds nus, tee-shirt déchiré, cet homme d’une cinquantaine d’années tient un petit restaurant dans un hangar, au milieu des toiles d’araignée. Ses clients: les ouvriers des usines textiles. « Je dépends d’eux. S’ils font grève, je ne gagne plus rien », explique-t-il. Son principal souci ? L’inflation.Il se détourne pour essuyer des larmes. « Avant, on travaillait pour vivre. Maintenant, on travaille pour survivre», souffle-t-il. Chez Bopha, la soixantaine, cohabitent trois générations. Dix personnes, dans une dizaine de mètres carrés. Tout le monde dort en rangs serrés, à même le sol. Dans un petit hamac, un bébé flotte au-dessus des uns et des autres. Cinqdes sept enfants de Bopha travaillent dans les usines de textile. Un salaire à 160dollars ? Bopha n’y croit pas. Ce qu’elle aimerait voir changer au Cambodge ? « Tout ! Mais d’abord la corruption et les politiciens», répond-elle, l’air las. Pas la moindre trace de résignation chez les syndicalistes. Chea Mony, secrétaire général du Syndicat libre des travailleurs du royaume du Cambodge, est une figure de la contestation. « Tôt ou tard, nous reprendrons la grève. 160dollars, ça nousdonnerait juste de quoi vivre», affirme-t-il,leregarddur.Necraintil pas de tuer le secteur de la confection? Chea Mony éclate de rire : « Si on réglait la question de la corruption, on aurait largement de quoi nous payer 200dollars par mois !» Silenceprudent,du côté du gouvernement et du GMAC, le syndicat patronal de la confection, depuis la répression meurtrièrede janvier.Chacunredoutede nouvelles violences qui feraient fuir les investisseurs pour le Bangladesh ou la Birmanie, où le coût du travail est encore plus bas. Pour Sok Siphana, l’un des conseillers de Hun Sen, l’opposition veut son « printemps cambodgien » et son chef, Sam Rainsy, soutient « par démagogie » les revendications des ouvriers. REGARDEZ TOUT D’UN COUP, MAIS GARDEZ LA FIN POUR VOUS. POUR LA 1ÈRE FOIS EN FRANCE, CANAL+ MET À DISPOSITION TOUS LES ÉPISODES DE LA NOUVELLE SAISON DÈS LE 1ER SOIR. LUL L’ ULTI UL T ME TI ME SAISON SAI AISO AISO ON LE E 14 14 AVRIL AVRI AVRI AV RL L’ULTIME Dès 20 h 50, retrouvez les 2 premiers épisodes sur ¢ et l’intégralité de la saison sur ¢ À LA DEMANDE #OMERTAMAFIOSA CRÉATEUR ORIGINAL 6 france 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 «Théorie du genre»: enquête sur une folle rumeur Fin mars, le collectif Journées de retrait de l’école a accusé une enseignante de Joué-lès-Tours d’attentat à la pudeur Récit Devantles grilles de la maternelle, le calme est revenu. « Toutes les mamans musulmanes ne sont pas à mettre dans le même panier, s’indigne Selma, un enfant en élémentaire, l’autre en maternelle. Les SMS ont circulé entre mamans et, de l’une à l’autre, la rumeur a grandi, déformée… De l’inquiétude, il y en a eu, mais on sait aussi qu’on n’accuse pas quelqu’un sans preuve! » «La pression vient d’unepoignée de mamans, moins de dix, ajoute Assia, trois enfants en élémentaire, un en grande section. C’est comme une secte : elles répètent qu’elles vontmettreleursenfantsdansleprivé, qu’on pourrait ouvrir des écoles “ànous”,oufairel’écoleàlamaison. Avec la barrière de la langue, c’est facile de suivre…» Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) Envoyée spéciale S ’il y a un sentiment que la communauté éducative partage, à Joué-lès-Tours, c’est celui de n’avoir « rien vu venir ». Celui, aussi, d’avoir été « manipulée»,«salie».«Celam’esttombédessus », répète Céline (son prénom a étéchangé),l’enseignantedematernelle contre laquelle, fin mars, le collectif des Journées de retrait de l’école (JRE) a lancé la pire des rumeurs: celle d’un « attentat à la pudeur» sur un garçonnet de 3 ans. La professeure chevronnée est « tombée de haut », raconte-t-elle, en visionnant, samedi 29 mars au matin, une vidéo de dix minutes, miseenlignesurlesitedesJRE.Dalila Hassan, qui se présente comme « responsable de la JRE 37 300 », y livre un récit accablant: un garçon « a expliqué que la maîtresse avait baissé son pantalon, qu’il y avait aussi (…) une petite fille à qui on a baissé le pantalon et (…) que la maîtresse a demandé à la petite fille de toucher ses parties génitales et au petit garçon de toucher les parties génitales de la petite fille et ensuite desefaire des bisous».Elle ditse faire l’écho des craintes d’une mère tchétchène. A la fin de la vidéo, un slogan: « Vaincre ou mourir.» Le temps d’un week-end, 54 000 personnes visionnent la vidéo. YouTube la retire le 31 mars, elle réapparaît le 9 avril. Dix mille autres internautes la regardent. Le nom de Céline n’y est pas livré, mais celui de son école, si, ce qui rend l’enseignante identifiable. Le collectif des JRE n’en est pas à sa première rumeur. Lancé par la militante Farida Belghoul pour s’opposer à l’« abomination» de la « théorie du genre », il est passé maître dans l’art de répandre des calomnies aussi sordides que grotesques : initiation à la masturbation en maternelle, utilisation de sex-toys en peluche, négation de l’altérité fille-garçon… Son arme : les réseaux sociaux. Sa stratégie : inonder de SMS des parents de la communauté musulmane, sans s’en expliquer aux médias autres que ceux qu’il choisit. « Je refuse de répondre aux médias menteurs », écrit Mme Belghoul sur Facebook. Jusqu’à présent, ses appels men- Les enseignants sentent que le travail d’explication fait auprès des familles n’a pas toujours suffi suels au boycott de l’école ont eu un « impact circonscrit », selon le ministère de l’éducation: 100 écoles touchées fin janvier, 70 en février. On tablait alors sur un « essoufflement » de la mobilisation.Orce sont encore70 écolesqui ont signalé des élèves absents le 31 mars, pour la troisième édition des JRE. Dans celle de Céline, un quart des enfants manquaient à l’appel. « On a sans doute atteint l’apogée de la campagne de calomnie, estimel’inspecteur d’académie d’Indre-et-Loire, Antoine Destrés, avec des attaques personnelles, qui ont ciblé une école en particulier.» On sait peu de chose de Dalila Hassan, sinon ce qu’elle dit d’ellemême dans la vidéo: mariée, mère de trois enfants, elle travaille dans le secteur des assurances. Elle non plus ne répond pas à la presse. Selondes sourcesproches durectorat, elle aurait pris part à « l’agitation » autour de Tomboy – ce film dont la projection a ému La Manif pour tous. Ce que l’on sait, c’est que la jeune femme était présente, vendredi 28mars, parmi la centaine de parents rassemblés vers 18 heures devant la maternelle où Céline enseigne depuis six ans. Qu’elle a En un week-end, 54000 personnes ont visionné la vidéo mise en ligne par le collectif des JRE accompagnéla maman tchétchène quand la directrice l’a reçue. Et que c’est elle qui a appelé à la rescousse Mme Belghoul, accourue sur place. Céline n’était pas présente lors de la manifestation. Quand la directrice l’alerte, elle « tombe des nues ». « Les accusations sont tellement graves mais elles sont aussi tellementabracadabrantesque j’ai du mal à me dire que c’est bien moi qui suis visée, alors que je connais ce quartier depuis vingt ans, que j’ai choisi d’enseigner ici parce qu’il y a un travail passionnant à faire en ZEP, en équipe, avec les familles, les enfants…» Elle accuse le choc… et relève la tête, épaulée par ses collègues, son syndicat, sa hiérarchie. Elle porte plainte, ainsi que la directrice de l’école, pour «diffamation». L’inspection académique leur emboîte le pas. Dans les couloirs de cette administration, à Tours, on confie avoir eu «très vite la conviction que l’histoire est cousue de fil blanc ». «Je n’ai pas à ce jour d’élémentspermettant de confirmer les événements relatés par le petit garçon», affirme au Monde, le 11 avril, Cécile Ancelin, substitut du procureur. La mamantchétchène,quin’apassouhaité nous répondre, n’a pas porté plainte. « Lorsque les inspecteurs l’ont appelée pour qu’elle se rende au commissariat avec une traductrice assermentée, c’est Farida Bel- ghoul qui a décroché», apprend-on de source judiciaire. «Cette maman maîtrise très peu le français, reprendCéline, mais j’ai eu trois de ses enfants dans ma classe, et il n’y a jamais eu de problème avant. » Depuis, les deux femmes se sont recroisées. « Quand elle a déposé son fils à l’école, le mardi, on s’est regardées, on s’est saluées… et je me suis demandé si, comme moi, elle se posait la question: “Qu’est-ce qui nous tombe dessus ?” Je la sens presque aussi victime que moi. » C’est aussi le sentiment de Patrick Bourbon, du Réseau éducation sans frontières, qui a parrainé les enfants les plus âgés de la famille, il y a trois ans, quand leur demande d’asile a été rejetée. « Le père avait participé à la lutte armée contre la Russie, ils avaient fui les représailles pour arriver un peu perdus ici. Des collègues se sont cotisés pour le timbre fiscal de leur carte de séjour. Après, les liens se sont distendus. » Lutte contre l’homophobie: la Rue de Grenelle avance avec prudence LA LUTTE contre l’homophobie et la prévention du suicide des jeunes homosexuels pourrait-elle faire les frais de la polémique sur le genre à l’école? C’est ce que redoute l’association All Out, qui a rassemblé plus de 26 000 signatures dans une pétition remise le 9 avril au ministère de l’éducation nationale. Un collectif de syndicats de l’éducation et d’associations de lutte contre l’homophobie a aussi fait part de son inquiétude dans un courrier envoyé le 20 mars au précédent ministre, Vincent Peillon. En cause, le sort réservé à la campagne (sous forme d’affiches, de cartes et de guides à destination des personnels) informant les élèves de l’existence de la ligne Azur, un service d’aide à distance pour les jeunes victimes d’homophobie ou qui s’interrogent sur leur orientation sexuelle. Elle avait été décrite par le polémiste Eric Zemmour, début février, comme un dispositif vers lequel renverrait l’éducation nationale «où l’on demande à des enfants de 11 ans de répondre à des questions» sur leur orientation sexuelle. Son site Internet avait été piraté. « Contrer les rumeurs » La ligne Azur est une ligne d’écoute destinée à la prévention du suicide dans une population vulnérable, puisque selon diverses études, les jeunes gays ont de six à treize fois plus de risque de faire une tentative. Partenaire de l’éducation nationale depuis 2008, elle recueille un millier d’appels par an, et autant de courriels. La campagne d’affichage dans les collèges et lycées démarre habituellement assez tard dans l’année. Vincent Peillon s’était engagé, selon les associations, à ce qu’elle débute cette fois en janvier. Or elle n’est toujours pas lancée. « Elle le sera au retour des congés de printemps», assure-t-on Rue de Grenelle, en précisant que « les affiches sont en train d’être envoyées». « Nous avons l’assurance du ministère que ce sera fait dans les jours qui viennent», confirme Alain Miguet, le responsable de la ligne Azur. Yohann Roszéwitch, le président de SOS Homophobie, se dit également «rassuré». «Il n’y a pas de recul du ministère», affirme-t-il. All Out a eu le même engagement. «L’objectif de la pétition était aussi de montrer que des milliers de personnes sont mobilisées pour contrer les rumeurs fondées sur des mensonges, ajoute Guillaume Bonnet, directeur de campagne de l’association. Elle adresse un message fort pour l’année prochaine.» Le ministère a cependant formulé pour la première fois une demande qui traduit une certaine prudence: les affiches ne renverront pas au site complet Ligneazur.org, qui rassemble des informations sur l’orientation sexuelle et l’homophobie, l’impact éventuel d’un coming out, des témoignages, etc., mais à une page distincte, n’informant que sur la possibilité de téléphoner ou d’envoyer un mail pour obtenir un soutien. Les associations de lutte contre l’homophobie qui interviennent en milieu scolaire ont aussi ressenti l’inquiétude de chefs d’établissement. Le Mag, une association de jeunes LGBT qui réalise environ 120 interventions par an, a eu une vingtaine d’annulations. SOShomophobie, la principale sur ce créneau puisqu’elle sensibilise 15000élèves par an, a été confrontée à davantage de questions. «Nous avons dû rassurer les directeurs d’établissement, explique M.Roszéwitch. A Versailles, nous avons également rencontré des parents.» Au final, aucune séance d’information n’a été annulée. p Gaëlle Dupont Mais ce qu’elles veulent toutes deux pour leurs enfants, c’est « cette » école où Céline enseigne. « Même si l’an prochain les enseignants font la théorie du genre, je dirai à mes enfants que chez nous, on ne marie pas un garçon avec un garçon, lâche Selma. Un discours à l’école, un à la maison, on peut faire la part des choses.» Côté enseignants, on sent que le travail d’explication fait depuis plusieurs mois auprès des familles n’a pas toujours suffi. A Joué-lèsTours, le dispositif de lutte contre les stéréotypes « ABCD de l’égalité» n’est pas expérimenté,et pourtant, l’école a souhaité, en janvier, organiser une réunion d’information avec les parents. On pensait désamorcer les inquiétudes, on a été surpris de les sentir si vives. « Ce qu’on entend, c’est qu’ils nous font confiance à “nous”, leurs enseignants, mais pas au ministère ou au gouvernement qui auraient un projet caché », témoigne Paul Agard, enseignant dans le même groupescolairequeCéline,etreprésentantduSNUipp-FSU.«Surceterreau-là, des discours extrémistes, musulman ou catholique, peuvent instiller leur poison », renchérit Nicolas Moitel, de SUD Education. D’autantque certainsn’hésitent pas à instrumentaliser les peurs. Un tract non signé, sans mention d’imprimeur, mais portant le logo de la liste du candidat UMP Frédéric Augis, a été distribué dans des boîtesauxlettresd’unquartiersensible de la ville, à la veille du second tour des municipales. « Philippe Le Breton [maire PS qui briguait un quatrième mandat] et sa majorité socialiste ont déjà bouleversé les valeurs de la famille en permettant lemariagepourtous,peut-ony lire. Depuis la rentrée, ils imposent l’enseignement de la théorie du genre (…). Je dis stop ! » Le 30 mars, l’UMP s’est imposée de peu face au PS. Le nouveau maire a refusé de répondre à nos questions, affirmant « ne cautionner en aucune manière le contenu de ce tract découvert a posteriori ». Il était annoncé, vendredi soir, dans l’école de Céline. p Mattea Battaglia A N D R E W L AU R E N CINÉASTE La collection est disponible sur mesure 2 PL ACE DE L A MADELEINE 1 7 3 B O U L E V A R D S A I N T- G E R M A I N C A R R É D ’O R G U S TAV I A PA R I S PA R I S S T- B A R T H É L É M Y R A LPH L AU R EN . COM 8 0123 france Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 La colère des sénateurs contre la suppression des départements Les élus déplorent la brutalité de l’annonce par Manuel Valls d’un vaste projet de réforme territoriale L es sénateurs n’apprécient pas d’être bousculés. Et c’est peu dire que Manuel Valls en a laissé un certain nombre « sonnés » – selon leur propre expression – après son discours devant le Sénat, mercredi 9 avril, et ses annonces sur un vaste projet de réforme territoriale. Dès la première séance de questions au gouvernement, le lendemain, les élus du Palais du Luxembourg ont répliqué en tir groupé, posant six des dix questions du jour sur ce sujet. Principal objet du conflit: la suppressiondes départements d’ici à 2021 et le caractère « brutal » de l’annonce, d’après le terme du sénateur socialiste de l’Aisne Yves Daudigny qui déplore qu’il n’y ait eu « aucune discussion préalable avec l’Assemblée des départements de France». Une idée d’autant plus inattendueque, le 18 janvier, FrançoisHollande avait assuré, lors de ses vœux aux Corréziens, qu’il n’était « pas favorable à la suppression pure et simple » des départements. Le projet serait en fait davantage porté par Matignon que par l’Elysée,à en croireMichelBerson,sénateur (PS) et ancien président du conseil général de l’Essonne tie d’entre eux, le département demeure un échelon essentiel, du moins dans les territoires ruraux où le siège des régions apparaît trop éloigné et les communautés de communes en incapacité de récupérer toutes les compétences des conseils généraux. « Manuel Valls a nuancé ses propos, insistésur le sentimentd’abandon et de détresse des territoires rurauxetcertes annoncéune période de débat mais la conclusion est déjà inscrite », regrette M. Daudigny, qui reste « en opposition totale sur le fond ». « L’échelon départemental est efficient, tourné vers l’avenir et répond aux problématiques des territoires ruraux, il doit évoluer mais pas être supprimé. » Une vision partagée par Yvon Collin (groupe RDSE, Tarn-et-Garonne), pour qui les départements devraient « se recentrer sur leur mission sociale et l’entretien des infrastructures, et avoir d’autres compétences en moins». A gauche, seuls les écologistes soutiennentle projetavec les socialistes, tandis que les communistes ont non seulement dénoncé la méthode mais désapprouvent sur le fond ce qui serait « la fin du processus de décentralisation ». « La (1998-2011). Pour bien connaître l’ancien maire d’Evry, Manuel Valls, il juge que « c’est un peu conforme à ce qu’il est, il prend toujours des décisions avec beaucoup de… vigueur. Il a voulu taper fort en disant “Moi, j’ose”, “J’achèverai la décentralisation”. Mais cela va être un exercice difficile», prévient-il. Mercredidéjà, le chefdu gouvernement a commencé à calmer le «Le débat va crisper le Sénat, à droite comme à gauche, ça va être une guerre de tranchées, comme le cumul» Yvon Collin sénateur RDSE jeu, assurant qu’il y aurait le temps d’un « long débat ». « Nous avons six ans pour y réfléchir. Nous n’agirons pas dans la brutalité, mais ne fuirons pas non plus nos responsabilités», a-t-il plaidé dans l’Hémicycle d’une institution où 10 % des élus sont président de conseil général (35 sénateurs, dont 19 socialistes).Pour une bonnepar- Mme Lebranchu lors du vote de la loi de décentralisation au Sénat, en juin 2013. COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » création des métropoles, c’était de la dynamite pour les départements », témoigne Gérard Le Cam (CRC, Côtes-d’Armor), inquiet de l’avenir des communes qui seraient « fondues dans les intercommunalités». « On entre dans une nouvelle ère de la décentralisation sans savoir s’y prendre », reconnaît M. Berson, rappelant qu’il a fallu « réécrire trois fois le texte sur les métropoles ». Pour un haut dirigeant socialiste, les annonces du premier ministre, fortes, n’en sont finalement pas moins des « demi-mesures ». « Manuel Valls aurait dû aller au bout et présenter sa vision des choses, dire clairement ce qu’il compte faire et comment, selon les territoires urbains ou ruraux, le nombre d’habitants, etc. » Côté UMP, le maire de Marseille, Jean-ClaudeGaudin, a affirmé l’opposition«totale » deson groupeau Sénat à la suppression du département, « qui doit être un espace adapté à l’expression démocratique de la ruralité ». Mais le sénateur des Yvelines et ancien président du Sénat, Gérard Larcher, ne semontrepas formellementopposé. « Le débat va crisper le Sénat, à droite comme à gauche, ça va être une guerre de tranchées comme le cumul», résume M. Collin. Le sénateur du Tarn-et-Garonne se dit par ailleurs « surpris par le calendrier ». « Nous n’avons aucune assurance que nous aurons une majorité, et les candidats aux cantonales de 2015 vont se retrouver à devoir fermer la porte derrière eux. » « Ils envoient leurs élus à la boucherie », appuie M. Le Cam, ajoutant que « quand la droite a voulu faire sa réforme territoriale, le PS était vent debout et aujourd’hui,on a une réforme quiva encore plus loin ». A l’époque, cette réforme avait en partie coûté à la droite la perte du Sénat. Aujourd’hui, la gauche est de toute façon déjà en mauvaise posture pour les sénatoriales de septembre, et ce nouveau bras de fer avec le Sénat, après celui sur le non-cumul, ne jouera pas en sa faveur. C’est à se demander si, perdu pour perdu, le gouvernement n’a pas décidé, comme le soufflent certains,de « faire une croix » sur le Sénat, où la majorité est déjà de toute façon intenable et les us et coutumes trop ancrés. « On ne peut pas retarder la modernisation de l’Etat à la remorque d’une soi-disant clientèle », assure un membre du gouvernement, qui veut croire que, à l’instar du non-cumul, c’est la « forte demande de l’opinion publique » qui l’emportera au final. En dépit de la résistance des sénateurs. p Hélène Bekmezian Marylise Lebranchu, ministre fragilisée MBA FAIR THURSDAY, MAY 22ND 5:30pm - 10pm 80 bd Auguste Blanqui PARIS 13e Journal LE MONDE BOOST YOUR CAREER WITH A PRESTIGIOUS MBA C MEET THE BEST UNIVERSITIES & BUSINESS SCHOOLS C ATTEND OUR CONFERENCES Registration www.mbafair-lemonde.com MBA Fair – Le Monde @SalonMBAFair & #MBAFair * Jeudi 22 mai - Boostez votre carrière avec un MBA - Venez découvrir les meilleures universités et grandes écoles - Assistez aux conférences et prises de parole des exposants SOLDAT MODÈLE de la Hollandie, Marylise Lebranchu mettra en œuvre « cette nouvelle organisation territoriale ambitieuse, moderne et efficace», jure-t-elle. Après deux années de négociations avec des bataillons d’élus PS, la ministre de la décentralisation a enfin un plan cohérent à mettre en œuvre : diviser le nombre de régions par deux, réduire d’une couche le mille-feuille territorial en programmant la disparition du département et mettre fin aux doublons en supprimant la clause générale de compétence qui donne la possibilité aux collectivités de se mêler de tout (tourisme, culture, développement économique, etc.), dès lors que cela concerne leur territoire. Ancienne maire de Morlaix (Finistère), la ministre, qui fut membre du gouvernement Jospin, n’ignore rien des dédales de l’organisation administrative française. En mai2012, lorsque le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lui demande d’ouvrir l’acte III de la décentralisation, elle prépare un texte court censé prendre de vitesse les futurs perdants de la réforme. Mais François Hollande défend une autre vision: soucieux de rompre avec l’autoritarisme de M.Sarkozy à l’égard des élus, le chef de l’Etat donne une large part à la consultation. Débutent alors huit mois de concertation avec des patrons d’exécutif local, les syndicats, les représentants des régions, des départements, des maires… « Lorsque vous tentez de faire la synthèse de leurs doléances, vous ne produisez que du statu quo, car chacun défend sa strate », analyse Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste Loiret. De multiples versions d’un projet de loi filtrent, pour finalement aboutir à un texte obèse, qui mécontente tout le monde – les régions, en particulier, exaspérées par la montée en puissance des intercommunalités. Matignon annonce, début avril2013, que la copie sera découpée en trois blocs, en veillant à repousser l’exa- men des dispositions qui fâchent après les municipales. « Si elle avait eu des arbitrages plus rapides de Matignon et de l’Elysée, elle aurait pu aussi donner à sa réforme une image plus claire et plus précise», la dédouane un député PS, qui dénonce les atermoiements de l’Elysée et de Matignon. Le premier volet de la réforme est voté en décembre 2013. Il renforce le statut et les compétences des métropoles. Décrédibilisée, Mme Lebranchu devient alors la ministre sur laquelle « les élus sont autorisés à tirer », regrette un de ses proches. « Pire que Sarkozy » Mais, avec les objectifs qu’il a fixés mardi 8avril, dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée, Manuel Valls accorde une seconde chance à la ministre de réaliser une des réformes institutionnelles les plus attendues du quinquennat. « Ce qu’on lui demande, c’est pire que ce que vou- lait Sarkozy, qui prévoyait l’absorption des départements par les régions. Elle va devoir assumer de supprimer des échelons en subissant la fronde des élus et sans vision du gouvernement sur ce qui doit continuer de relever du service public », compatit Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Certains parlementaires lui prêtent toutefois les qualités pour s’en sortir : « C’est une passionnée de la décentralisation et du dialogue avec les élus », juge Olivier Dussopt, député (PS) de l’Ardèche. En janvier, lors d’une intervention devant des présidents de conseil général, Marylise Lebranchu assurait que « les départements sont un pilier de l’organisation territoriale». Aujourd’hui, elle se dit prête à organiser leur liquidation. p Bertrand Bissuel, Béatrice Jérôme et Eric Nunès Journées Découvertes jusqu'au 26 avril 2014 Offres Privilège sur toute la collection Paris 1er : 19 Rue des Halles - tél. : 01 42 33 41 57 - les-halles.home-contemporain.com Paris 6 ème : 27 rue Mazarine- tél. : 01 43 25 55 00 - mazarine.home-contemporain.com Lille : 18 rue de Pas - tél. : 03 20 30 08 92 - lille.home-contemporain.com 0123 france Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 Incertitudes surles modalités du «big bang» territorial Le projet prévoit la montée en puissance des régions et la fin des conseils départementaux U n brin provocateur face à un aréopage d’élus socialistes, Alain Juppé, maire UMPde Bordeaux,donnait,en septembre2012,lors de la 12e Conférence des villes, sa vision d’une nécessaire réforme territoriale : « Le bon sens est de réaliser un millefeuille à deux couches : les régions et les intercommunalités.Je ferais volontiers le sacrifice du département… Mais rassurez-vous, la résistance des départements et des maires est telle que cela ne se fera pas. » Vingt mois plus tard, le nouveau premier ministre, Manuel Valls, annonce dans son discours de politiquegénéralelebigbangdescollectivités territoriales, réforme appelée de ses vœux par son prédécesseur, qui prévoit la montée en puissance des régions, la suppression des conseils départementaux et la rationalisation des compétences de chacune des couches du millefeuille territorial. Reste à mettre le projet en musique. Peut-on supprimer le département d’une simple loi ? « La sup- pression d’un niveau de collectivité territoriale nécessite une réforme de la Constitution», répond Olivier Dussopt, député (PS) de l’Ardèche et membre de la commission des loisconstitutionnelles,delalégislationetdel’administrationgénérale de la République. Or, seule une majorité des trois cinquièmes du congrès (députés et sénateurs réunis) peut modifier la Constitution. Obtenir le soutien de l’opposition est une gageure pour le gouvernement socialiste. « Surtout quand la droite espère mettre la main sur 80 départements lors du scrutin de 2015, glisse un conseiller ministériel. On doit pouvoir éviter le congrès. Nous pouvons imaginer de maintenir l’administration départementale et supprimer l’assemblée d’élus. » « Exact », accorde Olivier Dussopt: « La Constitution protège les départements, mais pas les conseils généraux ni les compétences qui leur sont accordées», dont les deux principales aujourd’hui sont l’action sociale et la solidarité, et les réseaux et infrastructures. Quel délai pour la réforme ? Manuel Valls a fixé l’échéance à 2021. « Les institutions ne passent jamaisd’unétatAàunétatBinstantanément, souligne Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret et président de la commission des lois constitutionnelles. En accordant un délai de sept ans aux conseils départementaux et aux élus, il pose une perspective.» Ce temps est jugé nécessaire pour répartir les compétences des départements aux autres collectivités. « L’exemple de la métropole lyonnaisefera jurisprudence», prévoit Jean-PierreBalligand (PS), président de l’Institut de la gouvernanceterritoriale et de la décentralisation. Les grandes agglomérations pourraient se substituer aux départements dans les zones urbaines et prendre leur rôle de guichet social. 9 AMarseille,l’électionsoushautetension e deStéphaneRavier,maireFNdu7 secteur L’ambiance tendue contrastait avec un début de mandature qui évite les polémiques Une redistribution des compétences dans les zones rurales ? Dans les campagnes, il faudra veiller à « maintenir les services de solidarité des départements», prévient Olivier Dussopt, également maire de la petite ville d’Annonay (Ardèche). Sur les territoires où les communautés de communes, trop petites, ne sont pas en mesure de se substituer à un département, une redistribution des compétences est étudiée. Les régions sont déjà chargées des lycées, elles pourraientprendrelaresponsabilitédes collèges. « Quant à l’entretien des routes et les prestations de solidarité, il est envisageable de les faire assurerpardesagencesd’Etat»,estime Jean-Pierre Balligand. Vers des fusions d’exécutifs locaux ? La montée en puissance des régions devrait s’accompagner, dans un premier temps, de la fusion de plusieurs exécutifs territoriaux. Déjà, la Bourgogne a sollicité la Franche-Comté, et les deux Normandie pourraient ne faire qu’une. Une carotte financière sous forme de dotation d’Etat pourrait être un « incitatif puissant », selon un conseiller ministériel. Mais dans un Etat exsangue, la politique du bâton pourrait avoir la préférence du gouvernement. « Les régions qui ne feront pas la démarche de fusionner verront leur dotation globale de fonctionnement [DGF] baisser. Elle sera juste maintenue en état pour les autres », avance un bon connaisseur du dossier. Le gouvernement compte faire sauter un autre frein au rapprochementdescollectivités.Aprèsl’expérience de la fusion ratée des exécutifs locaux alsaciens en 2013, l’obligation d’un référendum imposé par la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 sera revue. Il suffira d’un vote des deux assembléesd’élusetnonpasuneconsultation. Enfin, si les exécutifs régionaux refusent toujours de s’engager dans cette voie, le gouvernement proposera par la loi, après les élections locales de mars2015, une nouvelle carte des régions qui sera établie pour le 1er janvier 2017. De nouveaux rôles pour les communautés de communes ? Com- me celle des régions, la carte des communautés de communes (CDC)sera redessinée.Dansla perspective de la disparition des conseils généraux, la CDC devra s’agrandir et pourrait assumer une partie des prérogatives des défunts départements comme la culture, le sport et les loisirs. « Manuel Valls a eu le mérite d’annoncerune transitioninéluctable. La Francedu XXIe siècle s’articulera autour des régions et des communautés de communes», déclare Jean-Pierre Sueur. C’est également ce que prônait la droite lorsqu’elle a voté la création du conseiller territorial qui devait rapprocher départements et régions en 2010. La gauche a abrogé la loi en 2013. Retour à la case départ. p Eric Nunès Quelques dizaines de militants et d’élus venus de tout Marseille ont perturbé l’élection de Stéphane Ravier, vendredi 11 avril. BERTRAND LANGLOIS/AFP Reportage Marseille Correspondance S ur la majestueuse terrasse de la bastide Saint-Joseph, des tables sont dressées. Les nouveaux patrons des lieux, les 32 conseillers d’arrondissement du Front national, ont été invités à « boire un coup » par leur chef Stéphane Ravier, officiellement maire du 7e secteur de Marseille depuis une petite heure. La matinée de ce vendredi 11 avril a été violente, avec un premier conseil d’arrondissement débordant de haine. Mais, sous le soleil de midi et face à l’un des plus beaux parcs de la ville, la tension semble loin. Mains en porte-voix, Stéphane Ravier bat le rappel en badinant. D’un grand carton, il tire des écharpes tricolores et les distribue à ses colistiers. La sienne, qu’il porte fièrement, ne lui a pas été remise par le sortant socialiste Garo Hovsepian, deuxième au second tour de l’élection. Pour l’occasion, les services de la mairie centrale de Jean-Claude Gaudin (UMP) ont dépêché leur responsable du protocole. L’ambiance du conseil était bien trop tendue pour que la passation de pouvoir suive les usages républicains. Deux semaines après sa victoire dans les urnes, l’élection de M. Ravier a marqué le basculement du plus grand des huit secteurs de Marseille – 150 000 habitants – sous gestion FN. Une première dans la deuxième ville de France. Depuis son succès, le leader frontiste n’a pas précipité son arrivée à la mairie des 13e et 14e arrondissements. Il s’est contenté de deux réunions de travail, de deux heures chacune, avec le directeur général des services (DGS), pour « caler les détails du premier conseil ». Dans la grande salle de bal de cette bastide du XVIIIe siècle, une demi-heure avant le début de l’élection, l’ambiance s’électrise. Le Front de gauche a mobilisé. Debout sur des chaises, quelques dizaines de militants et d’élus venus de toute la ville scandent des slogans antiracistes. Devant eux,en nombreégal,des sympathisants du Rassemblement Bleu Marine, parmi lesquels quelques candidats de villes voisines. Les habitants du secteur? Comme pendant la campagne, on a du mal à les repérer. Une poignée Enplein vote, la police, présente en nombre, étouffera un début de bagarre. Seul véritable débordement dela matinée d’employés municipaux observent la scène, l’air effaré de vivre en direct une révolution après dixneuf ans de règne socialiste. « Ça sent la poudre », commente un militant communiste, pendant que quelques gros bras pro-FN prennent position. Quelques minutes plus tard, en plein vote, la police, présente en nombre, étouffera un début de bagarre. Seul véritable débordement de la matinée. Dans l’espace réservé aux élus, le Rassemblement Bleu Marine, désormaismajoritaire,a été installé au milieu. Comme une force d’interpositionentre la table réservée à la gauche et celle où sont assis les colistiers UMP autour de leur candidat, Richard Miron. La veille, lors d’une séance du conseil général, M. Miron a invectivé ses rivaux socialistes, et notamment le sortant Garo Hovsepian, coupable à ses yeux de s’être maintenu malgré sa troisième place au premier tour. Vendredi,M. Miron éructeencore : « Honte à vous, vous êtes des clientélistes, terrorisés à l’idée de perdre leurs petits privilèges. » « Je suis très heureux d’avoir participé à la mort politique de ces élus et de tout ce qu’ils représentent», hurle l’adjoint de M. Gaudin, sous une bronca continue qui le vise autant que son adversaire. « Vous êtes un facho», explose en retour M. Hovsepian, avant de quitter la salle qui scande « Miron, collabo». Deson nouveaufauteuilde maire, Stéphane Ravier scrutel’empoignade, sourire en coin. Le décompte lui a donné 33 voix – le nombre d’élus RBM – alors que le candidat PS, Stéphane Mari, bras droit de M. Hovsepian, a récolté les huit de son groupe. Les sept conseillers UMP, eux, se sont abstenus. Le discours d’intronisation de M. Ravier, masqué par un mur de photographes, joue la mesure. Depuis le second tour, il répète qu’ilsera « le maire de tousles habitants du 7e secteur, ceux des noyaux villageois comme ceux des cités ». Il lance aussi un « appel solennel» à la population: « Je vous demande de tourner le dos aux préjugés dont on vous a alimentés, et de venir travailler avec moi (…) sur les bases de nos propositions municipales.» Dans la salle, on scande « IbrahimAli,on n’a pasoublié».Référence au jeune Marseillais d’origine comorienne tué en 1995 par des colleurs d’affiches du FN, à un kilomètre de là. Le rappel historique ne trouble pas le leader FN. Pas plus que la remarque de Samy Johsua, conseiller Front de gauche, qui note qu’avec « une abstention ? é T N A S A L , A V A C T N E M M O C à près de 50 %, seuls 19 % des inscrits du secteur ont voté Ravier». Dans la bastide Saint-Joseph, marquée par dix-neuf ans de mandats PS, la rupture frontiste se fait encore discrète. « Les salariés sont inquiets et se tournent vers nous, note un syndicaliste FSU. C’est une nouveauté dans cette mairie où l’embauche a toujours été très tenue par les élus socialistes. » Selon lui,des «réunionsintersyndicales informelles » ont déjà eu lieu et une dizaine de demandes de mutation sont sur le bureau du DGS, Bruno Brignone. Ce fonctionnaire, à la mairie depuis quinze ans, a annoncé à M.Ravier qu’il tiendrait son poste, « le temps qu’il trouve un nouveau DGS… ». Il se dit « fier d’assurer, avec son équipe, la continuité du service public ». Dans la semaine, les 231 employés municipaux du secteur ont reçu une lettre de la mairie centrale leur rappelant que toute mutation devait s’accompagner d’une arrivée d’agent, en sens inverse. « Des fonctionnaires FN qui veulent venir ici, ils n’auront pas de mal à en trouver », assure une cadre, en réclamant l’anonymat. Vendredi après-midi, la nouvelle municipalité FN du 7e secteur a célébré son premier mariage homosexuel. Sur le perron de la bastide, redevenu étonnamment paisible après la fièvre du matin, Jacky et David, deux agents immobiliers, se sont dits « ravis de l’accueil reçu ». Evelyne Bettuzzi, l’adjointe FN désignée par Stéphane Ravierpour lesmarier, leur « a souhaité beaucoup de bonheur ». « J’étais très contente de célébrer mon premier mariage, car j’ai vu que ce sont deux personnes qui s’aiment», assurait l’élue, écharpe tricolore en bandoulière. p Gilles Rof RE U T L U C E C SUR FRAN UBLIQUE 0 3 H 6 A SANTÉ P L S E È D T D E L L A RI DE L’HÔPIT S I F É D S ARDI 15 AV E L NT ALE M I C É S ÉCLAIRE E P R I S A T E N E É CUM JOURN BATS ET DO MAG AZINES, DÉ e.fr ltur francecu 10 0123 france Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 Anne Hidalgo: «Je serai directe, franche, libre vis-à-vis du gouvernement» La maire PS de Paris veut discuter «point par point» avec Matignon les baisses de dotation de l’Etat I nne Hidalgo, élue maire de Paris,samedi 5 avril, livre au Monde sa feuille de route. A quelle échéance entendezvous « éradiquer le diesel », comme vous l’avez dit lors de votre prise de fonctions ? Connaître les conséquences du diesel sur la santé et ne rien faire, ou considérer que l’on peut prendre son temps, cen’est pasacceptable. Notre pays a pris un retard considérable. La logique fiscale a poussé les Français à acheter en toute bonne foi des véhicules diesel, qui produisent certes moins de CO2 mais beaucoup plus de particules fines, très dangereuses pour la santé. La France a ainsi pris des risques industriels en continuant à produire des véhicules qui, sur le marché international, ne sont plus aussi compétitifs, ni en Europe ni aux Etats-Unis. Je crois beaucoup aux vertus de lacommandepubliquepourtransformer le parc automobile. Dès qu’il y a une commande publique, il y a une réponse industrielle. Je reprendraiavec Christophe Najdovski [EELV], monadjoint aux transports, la discussion avec le Syndicat des transports d’Ile-de-France et avec le conseil régional, qui sont à l’origine de cette commande de 300 bus au diesel. Et, bien sûr, pour tous les marchés de la ville, lescommandespubliquesimposeront un modèle énergétique au sein duquel le diesel sera banni. Enfin, je travaillerai avec le gouvernement pour mettre fin aux mesures de soutien au diesel. Je suis favorable à la mise en place d’une fiscalité qui encourage les Anne Hidalgo à l’hôtel de ville de Paris, vendredi 11 avril. JULIEN MIGNOT POUR « LE MONDE » véhicules électriques. Je n’oublie pas non plus l’utilisation de la Seine, du tramway et du RER pour alimenter les magasins parisiens. Comment tenir votre promesse de ne pas augmenter les impôts des Parisiens ? Je n’accepterai aucune mesure quiviendraitperturbercetengagement ferme. J’ai présenté le financement de mon programme pendant la campagne. Nous savons qu’il y aura une baisse des dotations de l’Etat. J’entends la discuter !%&&'# "($'##'# point par point en mettant dans la balance les nombreux domaines dans lesquels l’Etat ne remplit pas ses obligations vis-à-vis de la capitale. Je ne suis pas fermée au dialogue.Mais jesauraime montrerparticulièrement ferme pour défendre les intérêts des Parisiens. Je compte sur le sérieux de notregestionpourdégager denouvelles marges de manœuvre au profitdesservicespublicsde proximité. La baisse du nombre d’adjoints et de collaborateurs que j’ai !3()-' #,&#,&,+ * )2(#%/+, 8+(52/% 3 -/1,.' 8+(52/% *! -/1,.' omjh n si kg tl ul kt 6(+5.''/+,,.-' &3" 74 **!" 74 62(%/0#-/.(' &3" 44$ **!" 44$ "/*(.1$2%).0 )0%/(1)%/ ARCHITECTE '57#%'/!57 3$*=!1*/!57 ( +51 :%1-3%1 6 MARIANNE LE BERRE ARCHITECTE DPLG Rénovation de votre appartement Visites de conseil. www.marianneleberre.com Tel : 06.22.70.81.30 LIVRES LIBRAIRE ACHÈTE Livres anciens, modernes, services de presse, successions, bibliothèques 06.40.15.33.23 ANTIQUITÉS « ART D’ASIE » : CHINE, JAPON ET MOYEN-ORIENT 06.07.55.42.30 P. 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Je leur dois donc une absolue fidélité. Certes, j’ai une famille politique, j’ai envie que Manuel Valls réussisse. Il a mis beaucoup d’énergie et de volontédanssondiscoursde politique générale et je partage la lucidité de son diagnostic. Mais, dans mon rôle, je suis extrêmement attentiveauxintérêtsdemesadministrés, que je défendrai en étant aussi directe, franche, libre, vis-à-vis de la politique du gouvernement que je l’ai été par le passé. Il est très important que le gouvernementn’entrave pas la capacité d’investissement des collectivités. L’investissement à Paris génère 30 000 emplois par an. Je demande que l’on reconnaisse cela. Nous avons besoin de garder notre capacité à investir pour tenir notre rang dans la compétition mondiale. Si ce n’était pas le cas, cela aurait des répercussions sur le pays tout entier. Je compte le rappeler fermement. Votre adversaire UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, a dénoncé le mode de scrutin de la loi PLM de 1982, relative à l’organisation de Paris, Lyon et Marseille. Qu’en pensez-vous ? Cesontdesmanièresdemauvaise perdante que de critiquer un mode d’élection qui a permis à Jacques Chirac d’être maire de Paris pendant dix-huit ans, à Jean Tiberi de lui succéder, puis à Bertrand Delanoëet à moi-même d’être élus. La démocratie s’est exprimée très clairement à Paris. Mon nom figurait sur tous les bulletins, dans les vingt arrondissements, avec le slogan « Anne Hidalgo, Paris qui ose». Donc chaque bulletin a été sans ambiguïté un vote pour moi. Mais laissons de côté cette question. Je suis la maire de tous, élue avec une majorité de voix, une majorité de siègesetunemajoritéd’arrondissements. La loi PLM consacre l’arrondissement comme le premier niveau de démocratie de proximité, c’est une loi visionnaire. p Propos recueillis par Béatrice Gurrey n Sur Lemonde.fr Lire l’entretien dans son intégralité l n’y a plus de mystère Agnès LeRoux.Etc’estcettecourd’assises d’Ille-et-Vilaine, à Rennes, loin, très loin de Nice et de la Méditerranée, qui, trente-sept ans après lesfaits, l’a levé.Neuf jurés citoyens et trois magistrats professionnels ontdonnéunlinceulàlajeunefemme de 29 ans, disparue entre le 27octobre et le 2 novembre 1977 au volant de son véhicule, en répondant« oui »à laquestion: «L’accusé Maurice Agnelet est-il coupable d’avoir volontairement donné la mort àAgnèsLeRouxdanslesAlpes-Maritimes (France) et dans la région de Frosinone Cassino (Italie)?» avec la circonstance aggravante que ce meurtre était prémédité. Ils ont condamné Maurice Agnelet à vingtans de réclusion criminelle. Ils ont considéré, comme l’avait fait avant eux, en 2007, le jury de la courd’assisesd’appeld’Aix-en-Provence, qu’il existait dans ce dossier suffisamment de charges pour forger leur intime conviction. Ils ont dit aussi à Guillaume Agnelet qu’ils le croyaient. Pas seulement parce que ce fils déchiré par son « cas de conscience» les a bouleversés. Mais parce que le secret de famille qu’il a déposé devant eux, dans un ultime sursaut,estvenus’enchâsserparfaitement dans le dossier. Il n’a pas révélé, il a confirmé. Il a éclairé ce quis’y trouvaitdéjà.FrançoisSaintPierre,l’avocatde l’accusé,ne s’yest pas trompé : il n’a pas demandé de supplément d’information comme cela s’impose lorsque des éléments nouveaux, susceptibles de modifier le sens d’une instruction, interviennent en cours de débats. Ouvrons une parenthèse sur ces heures de tourmente qui marqueront tous ceux qui y ont assisté. Si elles ont produit une secousse aussi forte, c’est parce qu’elles ont projeté dans la lumière crue de la cour d’assises, non pas un accusé, mais des témoins. Les rôles ont été renversés. Maurice Agnelet assistait presque en spectateur au procès en crédibilité, sinon en vérité, instruit contre son ex-épouse et ses deux fils. Il avait un avocat, eux n’en avaient pas. Plus tard, une voix se lèverait pour le défendre. Seul le silencea accompagnéGuillaumeet Thomas Agnelet lorsqu’ils s’en sontretournés,chacunde leurcôté. Autre chose encore pour ceux qui ne sont pas familiers de la procédure devant les assises : l’accusé assiste à tous les débats. Il y a été préparé, tout ce qui est dans son dossier est soumis devant lui au débat contradictoire. Rien de tel avec les témoins. Consignés dans une salle qui leur est réservée, ils n’entrent dans la cour qu’au moment où le président le décide. Ils ignorent tout de ce qui a été dit, avoué ou démenti avant eux. C’est devant nous que Thomas Agnelet a découvert le témoignage de son frère aîné, qui accusait leur père d’être le meurtrier d’Agnès Le Roux. Devant nous encore que Guillaume Agnelet a appris que sa mère venait de le qualifier de garçon fragile, proche de la folie. Ils nous étaient livrés comme des proies, faisant de chacun – cour, jurés,parties,public–levoyeurobscène de leur mise à nu. Nous étions là, nous savions que la bombe allait exploser, nous attendions juste de voir comment et jusqu’où elle allait les déchiqueter. Ce sont des moments qui ne passent pas. Le temps perdu Mais ils ne sauraient effacer les troisautressemainesd’uneaudience qui, paradoxalement, fut la plus apaisée des trois comparutions de Maurice Agnelet. Elles le doivent à un président, Michel Dary, qui a magistralement conduit les débats. A un avocat général, Philippe Petitprez, qui a porté l’accusationsansjamaiss’affranchirdu respect dû à l’accusé. A deux avocats, Me Hervé Temime, pour la famille Le Roux, et Me François Saint-Pierre, pour Maurice Agnelet, qui ont su défendre leur vision opposée du dossier sans se démolir. Le temps perdu pendant l’instruction avait failli emporter l’affaire. Avecce troisièmeprocès d’assises, il s’est fait pardonner. Maurice Agnelet a été entendu, loyalement accusé et bien défendu.Et il a été jugé. A celui qui avait griffonné dans un recoin de son dossier cette phrase empruntée aux Justes de Camus – « J’ai choisi d’être innocent » –, la justice a répondu que ce n’était pas à lui d’en décider. p Pascale Robert-Diard Justice Information judiciaire contre Qosmos Les trois juges d’instruction du pôle « génocide et crimes contre l’humanité» de Paris ont été saisis début avril d’une information judiciaire pour enquêter sur la société française Qosmos, après une plainte déposée en juillet2012 par la Fédération internationale et la Ligue des droits de l’homme. Qosmos, qui travaille également avec les services secrets, est soupçonnée d’avoir voulu fournir au régime syrien des éléments de surveillance des communications. Qosmos avait répliqué en septembre2012 par une plainte pour « dénonciation calomnieuse» et a réaffirmé, le 5 avril, qu’aucun de ses équipements n’avait été opérationnel en Syrie. Programme InnovatIon / DesIgn / entrepreneurshIp / arts Bac +3/4/5 Devenez entrepreneur de l’innovation Rejoignez-nous sur : www.programme-idea.com blog.programme-idea.com culture 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 11 Le Quai Branly sur la piste des Amérindiens L’exposition met en valeur la continuité de l’histoire des Indiens des plaines Exposition L oindesclichés et des stéréotypes, l’exposition « Indiens des plaines », présentée à Paris jusqu’au 20 juillet, propose une vision esthétique des Amérindiens qui ont peuplé le centre de l’Amérique du Nord, des EtatsUnis au Canada. Ce n’est sans doute pas la grande exposition sur les Indiens d’Amérique dont avait rêvé le Musée du quai Branly, mais elle a des vertus. Il y manque de toute évidence beaucoup de mythologies : squaws et grands manitous, Comanches, Cochise ou Sitting Bull, toujours au cœur de l’imaginaire occidental. L’exposition rappelle les grandes étapes de la conquête du Far West dans une frise historique (très à la mode dans les expositions de société). Elle n’évite pas le lieucommunqueparaissait redouter le scénographe, l’architecte Jean-MichelWilmotte,sobreet précis : deux tipis préfabriqués, sans intérêt en fin de parcours. « Indiens des plaines » a pour commissaire Gaylord Torrence, conservateur en chef au département d’art amérindien au NelsonAtkins Museum de Kansas City. Cette vision très américaine de la question indienne a induit une stratégie d’évitement des problèmes qui fâchent. Le sacré, par exemple. Les puissantes organisations de défense des peuples amérindiens ont obtenu depuis 1990 la promulgation d’une loi fédérale – « The Native American Graves Protection and Repatriation Act » – exigeantque les biens culturels amérindiens soient rendus illico presto aux peuples natifs quand ils ont été déterrés. Rituels funéraires et chamanisme,prophétieset puissancesmagiques ne trouvent donc plus leur place dans les musées américains, ni ici. Les polémiques sont très vives à ce sujet, comme lors des ventes de masques rituels hopi (des Indiens d’Arizona, hors du champ des Plaines centrales) à Drouot en 2013. Autre problème : la circulation des œuvrescomportantdes matières organiques et, en particulier, ici, des plumes d’espèces protégées, comme les aigles, est strictement réglementée. Ces angles de vue évacués, Gaylord Torrence a bâti un tout autre programme artistique, avec une remarquable rareté d’objets. Il a pris le parti de commencer par l’art contemporain, ce qui peut apparaître comme une nouvelle concession à la vigilance des Amérindiens. Mais il montreainsi commentils ont digéré la destruction radicale de leur culture,commencéeavec l’expédition Lewis et Clark (1804-1806), partie à la recherche du passage du Nord-Ouest, la route de l’Atlantique au Pacifique. Diplomatique avant d’être meurtrière, cette conquête de l’Ouest vit circuler de nombreux calumets de la paix. Emplumés, donc difficiles à faire voyager. Pour présenter un très bel échantillon de cette culturede l’échange, le Musée du quai Branly a puisé dans ses réserves : tuyau et fourreau de pipe, fin du XVIIIe siècle, venu du Missouri supérieur, plumes d’aigle, scalp de canard colvert, crin de cheval, poils de cerf… Un hymne à l’unionavec la nature. Lavision trèsaméricainede laquestionindiennea induitunestratégie d’évitementdes problèmesquifâchent Il y a aussi cette pièce maîtresse de l’exposition, une « robe » en peau de bison tannée, venue du Peabody Museum of Archeology and Ethnology (université d’Harvard, Massachusetts) qui aurait été offerte à Lewis et Clark, puis expédiée au président américain Jefferson. Les prouesses des guerriers iakota y sont décrites en quatorze épisodes. Une vraie BD avec piquants de porc-épic. Le rêve fut ensuite brisé. Ce que montre l’artiste cheyenne (du Montana) Bently Spang, né en 1960,qui a conçu une « chemisede guerre », où les photographies et les morceaux de pellicule cinématographiques tiennent lieu de broderies. C’est bien vu. Et, d’ailleurs, pour explorer les arcanes de l’inconscient collectif où Indiens et cow-boys guerroient sans relâche, il y a une salle consacrée au cinéma. Y sont présentées vingt minutes d’extraits de wes- Peau peinte racontant les exploits d’un chef sioux ou mandan lors de guerres entre Arikaras, Sioux et Mandans. P. GRIES, V. TORRE (MUSÉE DU QUAI BRANLY) terns (Raoul Walsh, John Ford, Samuel Fuller…) résumant la violence et le romantisme de la conquête de l’Ouest, l’un des mythes fondateurs de l’histoire américaine. Unerétrospectivecinématographique préparée par le critique Michel Ciment est à l’affiche du Musée du quai Branly du 12 au 27 avril. Et, en marge de l’exposition, on se référera au catalogue Indiens des plaines (éd. Skyra/Musée du quai Branly, 320 p., 47 euros). On y trouvera les beaux portraits d’autochtones en coiffure d’apparat ou en bottes de chasseur de « medecine men » et de grands sages, réalisés en 1876-1877 par William Henry Jackson,dont legrandœuvre, Descriptive Catalogue of Photographs of North-American Indians by W.H. Jackson, est conservé au Musée du quai Branly, qui ne l’a pas utilisé dans le cas présent. La force de cette exposition est de montrer en 140 objets et œuvres la continuité de l’histoire des Indiens des Grandes Plaines centrales. On y trouve une petite section « précolombienne» : une pipe en argile (100 av. J.-C. - 100 aprèsJ.-C.)venuede l’Ohio(site d’Adena), une magnifique pipe en bauxite à effigie humaine (1100-1200, Oklahoma), un pendentif de coquillage (1400-1600, Mississipi) à faire pâlir d’envie tout amateur d’art contemporain, tout comme une effigie de bison stylisée (1400-1700, Alberta, Canada), tout en épure. En 1540, les conquistadors espagnols,menésparFranciscodeCoronado, explorent les territoires situés au nord du Rio Grande. Y viventdestribus sédentaireset des nomades chasseurs de bisons. A la fin du XVIIe siècle, les Espagnols introduisent le cheval, modifiant ainsi profondémentlemodede vie des peuples premiers américains. Dans cette « contrée de terre et de ciel », dixit Gaylord Torrence, striée de vallées fluviales, des tumulus ont été retrouvés, certains pillés dès le début du XIXe siècle. Des peintures rupestres dévoilées,révélantuneprésenceamérin- dienne vieille de plus de dix mille ans, et la vallée du Mississippi est loin d’avoir livré tous ses trésors. Inlassablement, les Indiens américains, peuples sans écriture, ont peint leur histoire. Leurs heures sombres : en 1891-1892, un Pawnee de l’Oklahoma orne la peau d’un tambour d’un aigle noir, bec et griffes dehors, terrible, fondant sur une myriade d’hirondelles. Leurs fiertés : en 1903, Nellie Two Bear Gates confectionne une valise de perles de verre, retra- çant la bataille de White Stone Hill en 1863,à la suitedugrand soulèvement des Sioux dans le Minnesota. Nellie Gates avait offert cette valise à sa fille Josephine, qui venait d’obtenir son diplôme de fin d’études à la Carlisle Indian School. p Véronique Mortaigne Indiens des plaines, Musée du quai Branly (Paris 7e). Jusqu’au 20 juillet. Catalogue Skira, 320 p., 47 €. Tél. : 01-56-61-70-00. www.quaibranly.fr “UN FILM ADMIRABLE !” CHÈVRES MÈRE Mille et Une Productions & Jour2Fête présentent LES DE MA FESTIVAL 2 VALENCIENNES GRAND PRIX - 2014 un film de Sophie Audier FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM D’ENVIRONNEMENT «Plongée» en hypnose à la Gaîté lyrique E nvie de dépaysement dans une routine au carré ? Une fois par mois à la Gaîté lyrique, à Paris, les Plongées de la chorégraphe Catherine Contour, experte en hypnose, convient les curieux à d’étonnantes séances de découverte intitulées « Danses augmentées avec l’hypnose ». « Ce sont des expériences qui sortent la danse de son dispositif théâtral, explique Jérôme Delormas, directeur de la Gaîté. Catherine Contour rassemble des communautés éphémères pour partager un moment chorégraphique enrichi de sa recherche sur l’hypnose. Dans le cadre des cultures numériques que nous défendons ici, ce déplacement de regard nous paraît important.» Pour la Plongée n˚ 7, sous-titrée « Transe hypnotique, conscience et improvisation», jeudi 10 avril, une vingtaine de participants se sont d’abord retrouvés à partager l’ascenseur jusqu’au 6e étage de la Gaîté avant d’être escortés jusqu’au studio de répétitions. Ambiance raout entre voisins avec thé, café et gâteaux. Matelas, oreillers gonflables tour de cou disséminés dans l’espace augurent d’un moment relaxant. Concentration douce Catherine Contour, en complicité avec la chorégraphe américaine Jennifer Lacey, distribue son kit. Soit un carnet pour dessiner ou noter ses impressions, assorti de fiches de rattrapage sur les précédents épisodes. « J’ai découvert avec l’hypnose un outil essentiel pour enrichir et transmettre ma pratique de l’improvisation, explique la chorégraphe, connue dans les années 2000 pour ses performances en chambres d’hôtel. J’ai eu envie de faire connaître ce qui est une capacité à mobiliser l’imaginaire en élaborant une relation privilégiée entre le spectateur et l’interprète.» Voix harmonieuse, soin des mots, Catherine Contour fait progresser cette Plongée en navigant de la conférence à la performance, de la conversation à l’atelier. Au milieu des gens allongés ou assis, Jennifer Lacey improvise et commente en direct ses sensations. Rapprocher le performer du spectateur est une chose, dissoudre l’invisible écran qui les sépare, une autre. Elle massera ensuite à distance une des participantes, rien qu’en décrivant ses gestes. Catherine Contour propose à chacun de prendre conscience de sa posture et de se focaliser sur une partie du corps. Climat bienveillant, concentration douce, sa conduite vocale déclenche une balade mentale autour de soi. Hypnose? Un moment réceptif et déroutant en tout cas. p Rosita Boisseau LE MONDE AU CINÉMA LE 16 AVRIL 2014 12 0123 culture Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 Au Cap-Vert,les musiciens surles pas de CesariaEvora L’île organise depuis deux ans un marché pour les professionnels des régions atlantiques Musique Cap-Vert J e veux rendre hommage à une dame qui a rendu ceci possible.» A Praia, capitale du Cap-Vert, Dino D’Santiago reprend Sôdade, le titre qui a lancé en 1992 la carrière internationale de Cesaria Evora, décédée le 17 décembre 2011 à Mindelo, sur Sao Vicente, une autre île sur les dix que compte l’archipel, à 500km des côtesdeDakar.Le patio du Palacio da cultura Ildo Lobo, à deux pas du marché, où abondent fruits et légumes, est saturé. Des professionnels de la musique sont venus assister, entre le 8 et le 10 avril, à la seconde édition de l’Atlantic Music Expo Cabo Verde (AME Cabo Verde), un marché de la musique pour les régions atlantiques, lancé à l’initiative du ministère de la culture du CapVert. Des conférences, des showcases et, le soir, la musique sort du patio pour s’offrir à la population en ville. Mario Lucio, l’élégant ministre de la culture, tout vêtu de blanc, musicien et chanteur en pause depuis sa nomination au ministère en 2011, est un adepte des échanges transatlantiques: il fut étudiant à La Havane, fréquente assidûment les rivages brésiliens, et s’est attaché à décrire les échanges transatlantiques depuis l’esclavage, dont le Cap-Vert fut une plaque tournante. L’île de Santiago a développé des styles au caractère « africain » très marqué (beaucoup d’habitants d’ici sont des descendants d’esclaves affranchis), comme le batuque ou le funana. Mario Lucio nous confie son impatience de retrouver le chemin des studios d’enregistrement, « pour un disque de funana, qui ferait le lien avec le rock. Ce sont deux musiques de révolution mentale. Le funana a été le premier genre musical où un homme et une femme ont dansé étroitement serrés ». Diffusé en boucle partout à travers la ville, du moindre bistrot aux taxis, le funana est roi à Praia. Apparu au début du XIXe siècle, à l’origine danse de paysans, joué traditionnellement à l’accordéon et au ferrinho (une lamelle de fer grattée par un couteau), c’est un rythme saccadé et vif qui emporte les danseurs dans une transe tourbillonnante. Il est l’argument musical, depuis la fin des années 1990, du groupe Ferro Gaita, qui a soulevé un enthousiasme électrique lors de son passage, le 8 avril, sur la scèneinstallée dans la rue. Depuisune terrasse surplombant la ville, Bino Branco, l’un des leaders du groupe, évoque la mémoire de Cesaria Evora, dont le succèsa bénéficiéà Ferro Gaita, comme à tous les musiciens capverdiens. « Elle a fait connaître le Cap-Vert au monde.» « Fier d’avoir un musicien » « Avant Cesaria, être artiste était mal vu ici », raconte José Da Silva, producteur et manager de l’icône nationale, coorganisateur de l’AME Cabo Verde et créateur du Kriol Jazz Festival qui suit (6e édition, du 10 au 12 avril, à Praia). « Depuis son succès, les mentalités ont changé. Il y a une explosion d’artistes, et sur toutes les îles, dans les familles, on est fier d’avoir un musicien. » Cesaria Evora a fait comprendre que la musique pouvait être un métier viable. Grâce à elle, beaucoup de jeunes musiciens se sont mis à rêver tout haut. Doté d’un ministère au budget lilliputien (500 000 euros), Mario Lucio est allé chercher de l’argent ailleurs – notamment auprès de la coopération luxembourgeoise, très présente au Cap-Vert (750 000 euros). A l’instar de tous les artistes de l’île, il déplore la fermeture de l’Institut français, prévue fin août, sur décision de la France, pour « raisons économiques». p Patrick Labesse GALERIES Sacha Ketoff Galerie Maïa Muller rue Chapon, Paris 3e. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Tél. : 09-83-56-66-60. Jusqu’au 10 mai. Gabriel Leger Galerie Sator « Portrait en artiste de combat ». SACHA KETOFF & GALERIE MAÏA MULLER Architecture, design, musique, roman, photographie, peinture, dessin: il est peu d’arts que Sacha Ketoff n’ait pratiqués. Ici, ce sont des œuvres sur papier. Les unes tiennent du portrait : tantôt, ce sont des reprises de Vélasquez, allégées, dérangées, mises sens dessus dessous avec une jubilation sacrilège qui pourrait être le signe d’un amour plus profond que celui, trop respectueux, qui entoure d’ordinaire le maître espagnol ; tantôt, il y a des modèles vivants, mais saisis avec la même allégresse, les mêmes couleurs acides et la même dérision. Au soussol de la galerie s’expose une deuxième manière de dessiner: des études au lavis d’encre d’après des cadavres d’oiseaux. On songe à Dürer devant tant de virtuosité dans la figuration des plumes et des ailes. Mais l’exposition apparaît aujourd’hui comme un symbole funèbre. Sacha Ketoff, né en 1949, est mort le 8 avril, quelques jours après l’ouverture. p Philippe Dagen Portraits posés, Galerie Maïa Muller, 19, Gabriel Leger aime le danger. Il a peint ses dernières œuvres avec du bitume, qui, employé avec dextérité et méthode, offre des nuances variées de bistre, ocre, brun, noir et des lumières luisantes ou poudrées. Leger en tire des effets visuels et tactiles voluptueux. Mais ses œuvres vont bien au-delà, tissées de références subtiles ou scabreuses à l’Egypte ancienne, au naufrage du Titanic ou au fétichisme érotique des hauts talons. Quand il y a des mots, ils sont pris à Nietzsche ou Brecht. Ainsi glisse-t-on à l’improviste du plaisir visuel à des réflexions désenchantées. p Ph.D. « Sous le soleil » (2014). GABRIEL LEGER & GALERIE SATOR Fétiches, Galerie Sator, 8, passage des Gravilliers, Paris 3e. Du mardi au samedi, de 14 heures à 19 heures. Tél. : 01-42-78-04-84. Jusqu’au 31 mai. Détroit à Clermont-Ferrand: le retour à la scène de Bertrand Cantat Le chanteur a étrenné la tournée de son nouveau groupe devant un public fervent Musique Clermont-Ferrand Envoyé spécial A près son come-back discographique – l’album Horizons, publié, en novembre 2013, sous le nom de groupe Détroit –, la réinsertion publique de Bertrand Cantat passait par la scène. Là, plus encore, peut-être, qu’en studio d’enregistrement, se posait la question de la suite à donner à Noir Désir. L’incandescence du chanteur ne s’est-elle pas d’abord révélée lors des concerts de ce groupe, formation phare du rock français des années 1990? Si le premier album de Détroit, projet lancé avec le bassiste Pascal Humbert,a connuun relatif succès (plus de 150 000 exemplaires vendus) malgré l’austérité de son esthétique, la tournée à venir s’annonce comme un petit triomphe, avec plus de soixante-cinq dates au programme, dont beaucoup affichent déjà complet. Ce retour à la scène était étrenné, vendredi 11 avril, dans la salle de la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand. Mis en vente quelques mois avant, les 1 500 billets se sont écoulés en moins d’un quart d’heure. « Cela fait vraiment plaisir de le revoir, l’attente a été longue », déclarait, quelques minutes avant le concert, Frédéric, 34 ans, « grand fan » de Noir Désir, venu spécialement de Bourges. Si la tranche d’âge 35-50 ans constitue l’essentiel de l’assemblée, certains sont trop jeunes pour avoir déjà vu « Noir Dez » sur scène. « J’ai découvert Noir Désir récemment grâce au cadeau d’un ami, témoigne Lisa, 20 ans. Je ne connais pas bien Détroit, mais j’espère qu’ils joueront des vieux titres.» Le drame de Vilnius, la mort de l’actrice Marie Trintignant sous les coups de son compagnon d’alors, Bertrand Cantat, n’a pas entamé leur ferveur. « On n’excuse pas ce qu’il a fait, affirme Frédéric, mais on vient d’abord voir l’artiste. Cet acte ne le résume pas.» Personne à l’extérieur de la salle ne manifeste son mécontentement. Les polémiques qui accompagnaient les premièresréapparitionspubliquesdu Vendredi 11 avril, à la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand. MÉLODIE MONET chanteur semblent s’être éteintes. L’entrée en scène de Détroit lance une bruyante ovation, suivie de « Bertrand! Bertrand! » scandé par la foule. Tee-shirt noir échancré, cheveux ébouriffés, le chanteur tend le poing et sourit, accompagné de ses quatre acolytes. Dès les premières mesures, on sent que Cantat chante ses anciens titres sans lyrisme démesuré ni grandiloquence, privilégiant une justesse émotionnelle Détroit a trouvé un son, forgé en particulier lors de répétitions en résidence, dans un manoir de la campagne clermontoise, géré par la Coopérative de mai. La sombre délicatesse du folkblues de l’album s’électrifie et gagne en puissance, tout en gardant une rondeur altière provoquée par le jeu de basse de Pascal Humbert,ancienmusiciendegroupes comme 16 Horsepower et Wovenhand, enraciné dans une visionhantéedes musiquesaméricaines. Au troisième morceau, on sait déjà que Détroit n’hésitera pas à passer par ce prisme le répertoire de Noir Désir. Des versions de Des visages, des figures et A ton étoile sontainsi habitéesdeclaviervintage (façon Stevie Winwood), de distorsions plus graves, quand jadis la guitare de Serge Teyssot-Gay cinglait à tout-va. Attendues par le public, ces anciennes chansons – Lazy, Le Fleuve, Lolita nie en bloc… – pourraient être prétexte à un racolage jouant sur la nostalgie. Cantat préfèreleschantersans lyrismedémesuré ni grandiloquence, privilégiant une justesse émotionnelle pouvantnéanmoinsêtredéchirante (Ange de désolation). Comme si la séparation de Noir Désir avait été un adieu à tous les reliquats de l’adolescence. Cette approche « adulte », plus proche du « classic rock », donne aussi un faux rythme à un concert qui néglige les crescendos. La première sortie de scène tombe d’ailleursà plat.« Auboulot! », plaisante même un spectateur. Il faudra attendre la fin du premier rappel pour que Détroit se débride plus ouvertement. Pulsée par une énorme boucle de basse digne de MassiveAttack,Sa Majesté,la chanson la plus politique d’Horizons, affiche fièrement son groove anxiogène. Avant que les riffs secs de guitare Fender introduisent des hymnes aussi brûlants avec Noir Désir qu’avec Détroit. Fin de siècle, puis un Tostaky d’anthologie, gorgé de nappes d’orgue, sur lequel toute la salle paraît décoller. Sobre jusque-là dans sa gestuelle, Cantat se plie et se cambre en s’écorchant magnifiquement sur Des armes de Léo Ferré. Le panache punk de Comme elle vient concluant le concert dans la communion que méritaient ces retrouvailles. p Stéphane Davet Détroit en tournée : les dates sur groupe-detroit.fr/concerts/ Au Zénith,le groupeCarimifaitbougerle kompa Les musiques caribéennes, diffusées dans les «camions antillais», ne cessent d’évoluer Musique C ’est le concert de kompa, la musique populaire haïtienne, qu’attend la communauté afro-antillaise depuis des mois. En tout cas ses plus jeunes membres. Car Richard Cave, membre du groupe haïtien Carimi, en concert ce 12 avril au Zénith de Paris, reconnaît : « Les puristes du kompa, quand ils veulent nous taquiner, disent que notre musique, c’est du bubble gum kompa, ou du kompa pop. Nos aînés ont pourtant connu la même histoire que nous. A eux aussi, on reprochait de trahir le kompa en introduisant de la disco.» Conflit de générations autour des musiques caribéennes qui ne cessent d’évoluer depuis les années 1950. Pourtant le « nu kompa » comme disent leurs fans, le « gwada bouyon» (version guadeloupéenned’unerythmiquedominicaine), le zouk-kizomba (croisement entre les Antilles françaises et l’Angola) sont les musiques que l’on écoute aujourd’hui dans les « camions antillais » installés autour de Paris, et dans les discothèques de Gennevilliers (Hautsde-Seine), d’Ivry-sur-Seine ou de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Tous les week-ends, des Caribéens mais aussi de plus en plus de jeunes Maghrébins ou de « métros » (métropolitains) viennent danser collé-serré ou « slackness», c’est-à-dire de façon explicite, à la jamaïquaine, au Section Zouk, au Salon Mangrove ou au Palacio. Le reste de la semaine, ce sont des camionnettes, sortes de baraques à frites comme on en trouve dans les fêtes foraines, qui s’installent au cœur d’une cité ou aux confins d’une zone industrielle en banlieue. Une grande bâche couvre des tables et des chaises de jardin. Le menu du camion propose poulet boucanéou braisé,bokit (sandwich guadeloupéen),rhum,etlesdernières productions de ces musiques caribéennes, remises au goût du jour par une génération qui a grandi en métropole et en écoutant de l’électro et du hip-hop. Les fichiers numériques de ces musiques couvrent le bruit du groupe électrogène et le claquement des dominos sur les tables en Formica. Là, les habitués viennent retrouver un peu de l’ambiance de leurîle,qu’il gèle ou qu’il pleuve.La musique caribéenne que l’on sert en tube de l’été aux métropolitains est leur bande-son toute l’année. En ce début de printemps, l’événement phare est sans aucun doute la venue au Zénith de Paris de Carimi. Issus de la classe moyenne haïtienne, Mickael Guirand, Carlo Vieux et Richard Cavé ont quitté Port-au-Prince : au début des années 2000 pour poursuivre On danse collé-serré ou «slackness», de façon explicite, à la jamaïcaine leurs études universitaires à New York. La musique ne devait être pour eux, disent-ils, « qu’un passetemps ». Elle fait aujourd’hui « prendre la poussière aux diplômes de comptabilité, finance ou économie». Le succès de leur groupe, Carimi (nomcomposéàpartirdeleursprénoms), est pour eux un « accident» qu’ils n’avaient pas prévu. Le chanteur Mickael Guirand, qui a appris àchanterdansla choraled’uneécole catholiqueprivée à Port-au-Prince, rêvait bien de ressembler à ses idoles Tabou Combo, Fantome, Alan Cavé… « Mais en Haïti, avoue-t-il,les musiciensne sont pas considérés. Pour nos parents, ce ne sont que des dragueurs. » Quand les trois jeunes gens se mettent à faire de la musique pour décompresser, les parents exigent de bons résultats universitaires. Finalement, c’est Carimi qui a payéà Carlo Vieux,le compositeur, les frais d’études de sa maîtrise de sciencespolitiques.Cesannéespassées sur les campusaméricains ont aussi permis à ces Haïtiens d’affûter leur musique: «Pendant quatre ans, raconte Carlo Vieux, je n’ai écouté que de la musique d’autres pays. Du coup, ça a beaucoup influencé ma façon d’aborder mon kompa. » A New York, le chanteur vibraitaussi au rythme du hip-hop américain. « On avait envie de faire ressentir ça aussi au travers de notre musique.» En 2001, leur premier album, Bang Bang, a récolté un succès qui ne s’est pas démenti depuis. p Stéphanie Binet Invasion, de Carimi, 1 CD Afrique Caraïbes Production. En concert le 12 avril au Zénith de Paris, le 18 avril au Rock School Barbey à Bordeaux. 0123 culture & styles Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 Sud-Américains etAfricainsréunisdans unePangéeimaginaire 13 Gastronomie C’est à partir de la mi-avril que le légume, de la famille des liliacées, déploie toutes ses saveurs. Il se marie à merveille à la truffe ou au parmesan Le charme fugace de l’asperge La Galerie Saatchi confronte des artistes peu connus et sans grand rapport entre eux Le mot Pangaea désigne le continent qui était constitué de la quasi-totalité des terres émergées à l’aire secondaire que leurs auteurs sont encore peu connus.Ils sont nés pour la plupart à la fin des années 1970 ou au début de la décennie suivante, à l’exception du Sud-Africain David Koloane, né en 1938. Il y a des peintres parmi eux, des sculpteurs, des photographes et des praticiens de l’installation monumentale. L’un d’eux, le Colombien Rafael Gomezbarros, gagne le premier prix de la visibilité grâce à un procédé qu’il a déjà employé: tapisser les murs d’une foule de très grosses fourmis en résine et branchages. Si elles bougeaient, ce serait bien mieux et ce serait du cinéma, ce qui conduit le visiteur, passé un instant d’amusement, à se demander quel intérêt il y a à transposer ainsi d’un art à l’autre, de façon si littérale. La promenade dans les grandes salles claires laisse en effet perplexe. On ne saisit pas quel parti Philippe Dagen Pangaea : New Art from Africa and Latin America, Saatchi Gallery, Duke of York HQ, Kings Road, Londres. Tous les jours de 10 heures à 18 heures. Entrée libre. Jusqu’au 31 août. www.saatchigallery.com PATRIMOINE Samaritaine: la suspension desdémolitionsen attente d’unedécisionde justice Le tribunal administratif de Paris a décidé, vendredi 11 avril, de renvoyer au 29 avril la demande de suspension des démolitions d’immeubles historiques de l’ex-grand magasin parisien la Samaritaine, rue de Rivoli, formulée par des associations. En revanche, s’agissant du permis de construire de l’immeuble situé côté Seine (le bâtiment Sauvage), la demande d’annulation présentée par des associations de défense du patrimoine a été rejetée. La Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et SOS Paris, deux associations de défense du patrimoine, avaient déposé deux recours devant la justice pour contester les permis de construire accordés fin 2012 à LVMH, propriétaire du lieu, par la mairie de Paris. Trois des quatre bâtiments sur la rue de Rivoli, dont les façades datent de 1852, situées à 100 m du musée du Louvre, ont déjà été démolis. Un quatrième immeuble doit également disparaître. Fermée depuis 2005, la Samaritaine fait l’objet d’une rénovation majeure, qui doit déboucher sur l’ouverture d’un nouvel espace qui comprendra des commerces, un hôtel de luxe des bureaux, logements sociaux et une crèche. – (AFP.) p Arts La réouverture du musée Picasso décalée Evoquée pour la fin juin, la réouverture du musée Picasso à Paris pourrait être décalée et fixée à la mi-septembre, selon le ministère de la culture. Fermé depuis près de cinq ans, le musée installé, dans l’hôtel Salé, a été entièrement rénové. « Le bâtiment a été livré comme prévu. Mais l’accrochage des collections nécessite du temps», explique le ministère. – (AFP.) A la foire de l’asperge, dans la région d’Emilie-Romagne, en Italie. PIETRO SCOZZARI/AGE FOTOSTOCK L ’asperge, plus que toute autre, est le légume de la distinction, au sens bourdieusien du terme. Aristocrates et grandsbourgeoisaimaientsa blancheur et ne la dégustaient qu’avec les doigts, à la vinaigrette, au beurre fondu ou accommodée d’une mousseline légère. Louis XIV, diton, l’adorait en mouillette, dans son œuf à la coque, et ordonna à son jardinier, La Quintinie, qu’il la fît pousser toute l’année dans ses serres de Versailles. Elle inspira aussi Manet, et Proust lui consacra l’une des plus belles phrases d’A la recherche du temps perdu. Mais qu’a-t-elle donc de si particulier ? Appartenant à la grande famille des liliacées (comme l’ail, l’oignon et le poireau), son excellence réclame, d’abord, des soins constants, comme chez Pascal Boureau, à 50 km au nord de Poitiers, qui la cultive dans le sable, sans engrais, loinde tout plastique,avec ducompost de champignons. Cet agriculteur passionné n’a recours qu’à des cueilleursexpérimentéset ne vend sonasperge blanche duPoitou qu’à partir de la mi-avril. Premier goût du printemps, juste avant le petit pois, l’asperge est souvent cueillie trop tôt, pas assez mûre. Son charme, de surcroît, est fugace, et n’agit que jusqu’à la fin du mois de mai. Au restaurant, l’asperge manque souvent de génie : pochée, rôtie, étuvée, confite, glacée, émulsionnée, crue ou même sucrée… la plupart des grands chefs ont avec elle une relation sado-maso. Mais voilà, l’asperge est comme M. Hulot : elle échappe aux codes qu’on veut lui imposer ! Il faut savoir la prendre. Avec douceur. En France, il est un endroit où elledemeure fulgurante: au village de La Turbie, au-dessus de Monaco, chezBrunoCirino.Obsédéparlafragilité du produit, ce cuisinier de l’instantn’hésitepasàfaire200km chaque jour pour aller chercher «la meilleure asperge du monde » en Ligurie, entre Gênes et San Remo. Cultivée dans le sable à 100 mètres delamer,l’aspergevioletted’Albenga bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP) depuis 2012 et fascine par son croquant, sa fraîcheur et son goût iodé vraimentunique.Pouraccéderàceproduit d’exception, Bruno Cirino, en bon Napolitain de naissance, a tout tenté, pendant des années : en vain ! « Ici, les bons agriculteurs n’écoulent leur récolte que sur allocation, comme les grands vins… Il faut attendre qu’ils se fâchent avec un client pour récupérer sa part, et surtout, ne jamais discuter le prix !» L’asperge d’Albenga est d’un beau violet, ferme, craquante et brillante. Son épi est bien fermé. Le pied doit être de couleur crème et casser net sous la pression des doigts. Dans son merveilleux restaurant situé dans une ancienne abbaye, Bruno Cirino la prépare très simplement, dans une cocotte, avec un verre d’eau, du beurre, de l’huile d’olive, du sel et du poivre. Après dix minutes de cuisson douce,illasertcroquantenappéed’une émulsion à base de vieux comté à laquelle il ajoute de grosses lamelles de truffe noire… La rondeur gourmande du fromage épouse parfaitement la saveur terre-mer du légume. Avec quelques raviolis aulaitdebufflonneetungrandsancerre minéral de chez Anne et Edmond Vatan, c’est un moment de grâce, face à la Méditerranée… Pochée, rôtie, étuvée, confite, glacée, émulsionnée… la plupart des grands chefs ont avec elle une relation sado-maso Après un tel sommet, il n’y a plus qu’à se détendre chez L’Ami Jean, rue Malar, dans le 7e arrondissement de Paris. Toujours plein depuis onze ans, ce bistrot chaleureux et bruyant ne connaît pas la crise. A côté des classiques qui ont fait son succès (cochonnailles du Paysbasque,côte de bœufà la plancha), Stéphane Jégo obéit chaque jour à son instinct et à ses envies. L’asperge verte des Alpilles, il la prépare en ce moment à la vapeur, couplée à un succulent maquereau de Saint-Jean-de-Luz encore tout brillant de fraîcheur, le tout relevé d’herbes, de fleur d’ail et de cafédu Pérouà peine torréfié.Cuisson parfaite, fraîcheur des produits, énergie du lieu… L’Ami Jean ou l’antre de la cuisine spontanée! Les amateurs de vrai risotto à l’asperge pourront quant à eux se rendre au Sassotondo, taverne toscane du 11e arrondissement où l’on mange excellemment sans se ruiner… Son chef, Michele Dalla Valle, a fait ses armes au Meurice sous la férule de Yannick Alléno. Pour ce Toscan né à Pise, le risotto à l’asperge est un plat élégant et délicat qu’il faut redécouvrir : « Pour les Français, le risotto demeure encore une énigme, car le riz n’a jamais été considéré par eux comme un produit noble. Pourtant, à la faveur de son liant naturel, le risotto est un accord qui permet aux ingrédients les plus différents de se mêler intimement.» Le sien, fin et gourmand,est cuit au bouillon de volaille et parfumé aux petits oignons nouveaux, les asperges vertes entières ayant été ajoutées crues, à mi-cuisson. Le riz artisanal utilisé est le riso vialone de Giuseppe Melotti, près de Vérone (un riz superbe qui offre une mâche bien supérieure à celle du carnaroli habituel). Pour relever le tout, rien de tel que quelques copeaux de parmesan millésimé « issu d’un lait de vache venant de vêler » – beaucoup plus riche et moelleux, donc. p Emmanuel Tresmontant Chez Terroirs d’Avenir, 6, 7, 8, rue du Nil, Paris 2e. Hostellerie Jérôme, 20, rue du Comte-de-Cessole, La Turbie (Alpes-Maritimes), www.hostelleriejerome.com L’Ami Jean, 27, rue Malar, Paris 7e. Sassotondo, 40, rue Jean-PierreTimbaud, Paris 11e. Croisières La plus belle façon de découvrir l’ASIE secrète. Au CŒUR de la BIRMANIE de Bagan à Mandalay Au FIL du MÉKONG de Saigon aux temples d’Angkor DÉPARTS DE SEPTEMBRE 2014 À MARS 2015 CROISIÈRES | 12 et 13 jours www.rivagesdumonde.fr tél.: 01 58 36 08 36 29, rue des Pyramides • 75001 PARIS • E-mail : info@rivagesdumonde.fr MDEBOU120414 A vant d’être l’un des collectionneurs d’art actuel les plus influents, Charles Saatchi a été une star internationale de la publicité. De cette origine, sa SaatchiGallery a gardéau moins deux habitudes: le culte de la surprise et le talent des titres. Cette fois, la surprise tient au projet luimême : confronter seize artistes venus pour moitié d’Afrique, pour moitié d’Amérique latine, alors même qu’ils relèvent d’histoires peu comparables et ne se connaissent pas entre eux. Quant au titre, c’est Pangaea, la Pangée en français. Ce mot désigne le continent qui était constitué de la quasi-totalité des terres émergées à l’aire secondaire et dont la dislocation sous l’effet de la dérive des plaques tectoniques a créé les continents dans leur forme actuelle. Cettehistoiregéologiquen’aévidemmentaucun rapportaveccelle de l’art. On n’assiste pas à Londres à la naissance de l’école « pangéenne », mais à la réunion d’œuvres qui ont peu en commun, si ce n’est pris aurait dirigé les choix, ni pourquoi d’autres artistes n’ont pas été conviés plutôt que ceux qui l’ont été. Le sens de la rencontre transatlantique n’est pas plus clair au premier regard. Reste le plaisir de voir apparaître des nouveautés. Les tableaux en diptyques du Brésilien Antonio Malta Campos fontentrevoiruntravailsur lafigure humaine, traitée par l’ellipse et l’abréviation, dans des couleurs dont les intensités s’entrechoquent vivement. Au lieu de les accrocher loin les unes des autres, pourquoi n’avoir pas osé les placer à proximité d’autres figures peintes, celles du Gabonais Boris Nzebo, qui renouent avec Philip Guston autant qu’avec le pop art ? Il y aurait eu ainsi, réellement, confrontation. Et l’une des seules possibles. Ce qui se révèle en effet, c’est une distinctiontrèssensibleentrelesartistes des deux continents – entre ceux qui ont été sélectionnés car l’observationnepeut pasêtre générale. Du côté des Sud-Américains, les préoccupations politiques et historiques sont généralement peu présentes, les références artistiques parfois encombrantes. On voit mal pourquoi mixer aujourd’hui Miro et Kandinsky comme le fait le Brésilien Christian Rosa, ou Christopher Wool, Cy Twombly et le post-minimalisme, comme s’y emploie le Colombien Oscar Murillo. On sent trop dans leurs travaux les excellentes formations qu’ils ont suivies à Vienne ou à Londres. Il y a bien plus de densité sensible et de nécessité intellectuelle dans les photographies du Béninois Leonce Raphael Agbodjélou – allégories glacées de la prostitution, du colonialisme et de l’exotisme – et dans celles du Mozambiquain Mario Macilau, qui se donne poursujetles religionset leurs syncrétismes. Dans un dessin de DavidKoloane,dansses superpositions de traits et leur confusion, s’inscrivent l’étouffement, l’enfermement, la peur et pas seulement un savoir artistique et la maîtrise des procédés. Voici qui fait une énorme différence. p Crédits photos : Fotolia • IM075100099 - Garantie APS Arts 14 0123 carnet en vente actuellement K En kiosque Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 ž# )JÀÊ#¹ yȽ üÀJÊ%½ ?±?Ê#Ì#ʹ½ ™Jö½½JÊ'#½~ FJƹ;Ì#½~ "öJÊAJöëë#½~ ÌJÀöJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÊJö½½JÊ'#~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# ÌJÀöJü# .±ö½ %# %?'=½~ À#Ì#À'ö#Ì#ʹ½~ Ì#½½#½~ 'ÈÊ%Èë?JÊ'#½~ ùÈÌÌJü#½~ JÊÊö±#À½JöÀ#½ %# %?'=½~ ½Èµ±#ÊöÀ½ Hors-série )ÈëëÈõ#½~ 'ÈÊ"?À#Ê'#½~ ½?ÌöÊJöÀ#½~ ¹JFë#½|ÀÈÊ%#½~ ont l’immense chagrin d’annoncer le décès de ÆÈÀ¹#½|ȵ±#À¹#½~ "ÈÀµÌ½~ òȵÀÊ?#½ %J?¹µ%#½~ 'ÈÊüÀ=½~ ÆÀÈò#'¹öÈʽ|%?FJ¹½~ ÊÈÌöÊJ¹öÈʽ~ J½½#ÌFë?#½ ü?Ê?ÀJë#½ M. dominique BaUdiS, •Èµ¹#ÊJÊ'#½ %# Ì?ÌÈöÀ#~ ¹ù=½#½~ ¨&„~ %ö½¹öÊ'¹öÈʽ~ "?ëö'ö¹J¹öÈʽ Hors-série ¯ˆÆȽö¹öÈʽ~ ±#ÀÊö½½Jü#½~ ½öüÊJ¹µÀ#½~ %?%ö'J'#½~ ë#'¹µÀ#½~ 'ÈÌ̵Êö'J¹öÈʽ %ö±#À½#½ ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» Naissance Hors-série Sarah LichtSztejn-Montard, ancienne déportée d’Auschwitz, a le bonheur d’annoncer la naissance de son arrière-petite-fille, Flora, Anniversaire olivier, Collections --------------------------------------------------------- trois ans déjà, pont Saint-Michel, le déclic. Je t’aime mon double. Simone B. M. Benoît Marcellin, M. Ramine Aliabadi Et Kay-Bod, 0123 Nos services K Abonnements Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min) www.lemonde.fr/abojournal K Boutique du Monde 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28 Professionnels K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47 Arrivée impérative avant 15 h 45. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 16 avril, à 14 heures, en la cathédrale de Toulouse. M. François d’Aubert, président, Le conseil d’administration, Les présidents et les membres des instances associées, Les collaborateurs de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), ont la grande tristesse d’apprendre le décès de Homme de culture et de communication, de dialogue et de conviction, attaché à la liberté, Dominique Baudis a toujours soutenu l’ARPP, tant à la présidence du CSA, que celle de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, de 2010 à 2011, où il a activement œuvré au respect de la déontologie publicitaire, en conformité avec une éthique personnelle qu’il a toujours mise en œuvre dans tous ses mandats et fonctions. En union avec son épouse, Son fils, Ses amis Et ses frères, M. naguib aVierinoS, jean dUPrat-GÉneaU, Le souvenir de cet homme d’une immense culture et de notre amitié nous accompagnera pour toujours. L’inhumation a eu lieu au cimetière parisien de Pantin. L’ensemble de ses collaborateurs, -------------------------------------------------------------Lecteurs Un hommage solennel lui sera rendu dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, Paris 7e, le mardi 15 avril 2014, à 16 h 30. ont la douleur d’annoncer le décès de Jeannine Baudis, sa maman, Ysabel Baudis, son épouse, Florence, Pierre et Benjamin, ses enfants, Dès jeudi 10 avril, le volume n° 12 LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE Premier titulaire de la fonction de Défenseur des droits, il aura su marquer de son empreinte cette institution de la République dont il a voulu qu’elle soit respectée pour son indépendance et son impartialité. ont la profonde tristesse d’annoncer le décès de survenu le 14 mars 2014. d’Hervé Claude, illustré par Loustal Ils s’associent à la peine de la famille et tiennent à témoigner de leur fierté d’avoir travaillé auprès d’un homme de conviction et d’engagement. Ils lui rendent hommage et s’associent à la douleur de sa famille et de tous ceux qui l’ont connu. (Le Monde du 12 avril.) Décès Actuellement en kiosque le vol. n° 1 LA VOLUPTÉ DU BILLABONG Défenseur des droits. M. dominique BaUdiS. le 9 avril 2014. 7 matières pour réussir votre bac Mme Marie Derain, Défenseure des enfants, adjointe du Défenseur des droits, Mme Maryvonne Lyazid, adjointe du Défenseurs des droits chargée de la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité, Mme Françoise Mothes, adjointe du Défenseur des droits, chargée de la déontologie dans le domaine de la sécurité, M. Bernard Dreyfus, délégué général à la médiation avec les services publics, M. Antoine Grézaud, directeur de cabinet, M. Luc Machard, directeur général des services, M. Richard Senghor, secrétaire général, Les membres des collèges, Les agents Et les délégués du Défenseur des droits, ont le très grand chagrin d’annoncer la disparition le 10 avril 2014, de dominique BaUdiS, Défenseur des droits, dit « Philippe dechartre », colonel des Forces françaises de l’intérieur, membre de l’Assemblée consultative provisoire, ancien député, ancien ministre, doyen du Conseil économique, social et environnemental, grand-croix de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945 avec palme, médaille de la Résistance avec rosette, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, vénérable d’honneur de la Loge Paris du Grand Orient de France (GODF), membre des Loges Demain GODF et Cassin Grande Loge de France, des suites d’une longue maladie. survenu le 7 avril 2014, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Un hommage solennel lui sera rendu dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, Paris 7e, le mardi 15 avril, à 16 h 30. La cérémonie d’adieu aura lieu dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, à Paris 7e, le mardi 15 avril, à 10 heures. Arrivée impérative avant 15 h 45. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 16 avril, à 14 heures, en la cathédrale de Toulouse. « Le courage est cette qualité supérieure qui nous permet de faire face d’un cœur égal aux multiples désagréments de la vie. » Sangaré Oumar. Cet avis tient lieu de faire-part. Cet avis tient lieu de faire-part. (Le Monde du 11 avril.) La Société des études staëliennes a la tristesse d’annoncer le décès du comte d’haUSSonViLLe, survenu à Coppet, le 6 avril 2014, Elle s’associe à la peine de ses proches. www.stael.org Erquy. Marie-Thérèse, son épouse, Anne et Marc, ses enfants, Stéphane, son gendre, Mathilde et Julia, ses petites-filles, Sa famille Et ses proches, ont l’immense tristesse de faire part du décès accidentel de jean-claude BondioU, survenu le 5 avril 2014, dans sa quatre-vingt-onzième année. Un hommage lui a été rendu le vendredi 11 avril, au crématorium de Clamart (Hauts-de-Seine). Amélie Ketoff, Corinne Lapassade, Maxime et Marie Ketoff, Irène, Mathilde et Serge Ketoff, Parents et amis, ont la douleur de faire part du décès de Sacha KetoFF, survenu le 8 avril 2014, dans sa soixante-cinquième année. Ses obsèques seront céléb rées le mercredi 16 avril, à 14 heures, en l’église de Notre-Dame-de-Lorette, Paris 9e. Elles seront suivies d’une crémation au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, à 16 heures. Dominique Sauneron et ses filles, Alya et Nadia, ont la tristesse d’annoncer le décès de Mme nadine SaUneron, Remerciements Sincèrement touchés par les très nombreux témoignages de soutien et marques de sympathie qui ont été adressés à la famille et au Conseil général de Meurthe-et-Moselle, lors du décès de Michel dinet, Les Rendez-vous du Global Award for Sustainable Architecture et dans l’impossibilité d’y répondre individuellement, « des sols, des hommes et du lien ». Josette Dinet, son épouse, pour la famille Et Michèle Pilot, présidente par intérim, pour le Conseil général, transmettent leurs remerciements émus et chaleureux aux amis, connaissances, collègues, militants et à toutes les personnes qui se sont associées à leur peine. Isabelle, Anne-Claire, Marielle, ses filles, Ses frères et soeurs, Ses beaux-frères et belles-sœurs, Ses neveux et nièces, Ses amis, Ses collègues, ont le profond regret de faire part du décès de Bernard SchMitt, économiste, professeur aux universités de Dijon et de Fribourg (Suisse), Conférence de Marie Moignot et Gilles debrun, MdW architecture, lauréats 2013 du Global Award for Sustainable Architecture, mardi 15 avril 2014, à 19 heures. Entrée libre inscription sur citechaillot.fr Cité de l’architecture & du patrimoine, auditorium , 7, avenue Albert de Mun, Paris 16e (Métro Iéna). Elles remercient également tous ceux qui, nombreux, ont effectué un don à la Fondation de France en faveur de la lutte contre l’exclusion. Enfin, elles assurent l’ensemble de ceux qui ont exprimé le souhait de voir la pensée et l’action de Michel Dinet continuer à irriguer l’action publique, que cette volonté guide la famille et les proches, tout autant que le Conseil général. Ce message tiendra donc lieu de réponse aux nombreux messages reçus. Souvenir Nous rappelons le souvenir de théodore BrUnSchWiG Conférence gratuite. Jaurès (1859-1914) : une cible à la veille de la Grande Guerre, par Magalie Lacousse, conservateur en chef Archives nationales, le dimanche 13 avril 2014, à 14 h 30, Musée de la Grande Guerre, Rue Lazare Ponticelli, 77100 Meaux (à 30 min par gare de l’Est). Réservation 01 60 32 10 45 ou reservation.museedelagrandeguerre@ meaux.fr Communication diverse et de son épouse alice, née BLoch, survenu le 10 avril 2014, à Paris. Nous nous retrouverons le mardi 15 avril, à 16 heures, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, pour lui rendre hommage. Conférences de leurs fils jules et claude déportés le 13 avril 1944 à Auschwitz, (convoi 71) Groupe eac Paris. Lyon. Monaco. Pékin. Shanghai. ainsi que celui de leur fils Gaston, disparu dans le maquis du Vercors en 1944. De la part des familles Brunschwig, Lehmann et Ventura. Au docteur jean-Louis FraSca, survenu le 26 mars 2014, à Dijon, dans sa quatre-vingt-cinquième année. tué à trente-six ans, le samedi 14 septembre 1996. Ses obsèques ont eu lieu le 31 mars, à Dijon. Jean-Jacques Baudouin-Gautier, son ami. claude Vivier Le Got, présidente du Groupe eac, félicite ses diplômés du MBA manager du marché de l’art, en particulier Antoine Legendre, embauché chez Chadelaud. Si comme eux, vous souhaitez travailler dans le secteur des arts, de la culture et du luxe, venez nous rencontrer lors des « Nocturnes de l’orientation » du mercredi 23 au jeudi 24 avril 2014, de 16 heures à 21 heures, à l’eac Paris et Lyon. 33, rue la Boétie, 75008 Paris. Tél. : 01 47 70 23 83. paris@groupeeac.com 11, place Croix Paquet, 69001 Lyon. Tél. : 04 78 29 09 89. lyon@groupeeac.com www.groupeeac.com www.ingemmologie.com Bernard Schmitt est le créateur d’une nouvelle analyse macroéconomique de la production et des échanges fondée sur une conception quantique du temps et de la monnaie. Ses travaux sur l’inflation, le chômage et la crise des dettes extérieures sont destinés à révolutionner la pensée économique future. Le Carnet Dieppe (Seine-Maritime). On nous prie d’annoncer le décès du docteur armand SteinBerG, médecin à Argenteuil pendant de longues années, ancien déporté à Auschwitz, survenu le 9 avril 2014, a été inhumé le 11 avril, dans l’intimité familiale. Laurent (†) et Marie-Antoinette Le Chatelier, Marie-Laetitia Roux, ses enfants, Frédéric, Antoine, Nicolas Boyer et leurs conjointes, ses petits-enfants, Charlotte, Stella, ses arrière-petites filles, Paul (†) et Christiane (†) Roux, son frère et sa belle-sœur, Marie-Laetitia Wellhoff, née Roux, sa cousine, leurs enfants et petits-enfants, Partagez votre réussite Soutenances de thèse, agrégations, grandes écoles, concours nationaux... font part du rappel à Dieu, le 9 avril 2014, dans sa cent cinquième année, du professeur Marcel roUX, chirurgien honoraire des Hôpitaux de Paris, membre de l’Académie de médecine, membre de l’Académie de chirurgie, officier de la Légion d’honneur. La cérémonie religieuse aura lieu le lundi 14 avril, à 10 h 30, en l’église Saint-Pierre de Charenton-le-Pont. Il sera inhumé le 16 avril dans la chapelle familiale d’Ajaccio. 15, rue Gabrielle, 94220 Charenton-le-Pont. Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 carnet@mpublicite.fr Tarif : 20 ! TTC Prix à la ligne 0123 météo & jeux Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 0 à 5° -5 à 0° 5 à 10° 10 à 15° 15 à 20° 30 km/h 8 15 7 15 5 15 8 15 6 15 7 15 Rennes 1005 7 15 D Poitiers 9 18 7 17 Limoges 9 17 6 17 25 km/h A 9 20 12 17 Montpellier Nice Marseille 14 24 13 18 14 22 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Ida Coeff. de marée 47 Dimanche, un temps généralement sec mais assez variable, partagé entre éclaircies et passages nuageux prédominera au nord de la Loire. Sur le reste du pays en revanche, les conditions seront plus clémentes avec l'établissement d'un temps ensoleillé malgré quelques petites formations nuageuses dans le ciel. Ces cumulus pourront localement occasionner une averse éparse l'après-midi sur le sud des Alpes et la Corse. 12 19 Lever 18h53 Coucher 06h03 Lever 07h03 Coucher 20h38 Aujourd’hui Lundi 7 14 4 14 6 16 6 17 9 19 6 17 8 21 7 19 9 21 12 21 Jours suivants Mardi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est 6 17 9 18 4 13 6 18 10 18 3 13 3 17 12 18 11 22 8 24 12 18 12 23 11 21 12 21 3 4 5 Beyrouth Tripoli Tripoli D Occlusion Thalweg Le Caire Jérusalem bienensoleillé assezensoleillé bienensoleillé averseséparses averseséparses assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé averseséparses assezensoleillé assezensoleillé enpartieensoleillé averseséparses bienensoleillé cielcouvert assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé assezensoleillé bienensoleillé bienensoleillé bienensoleillé assezensoleillé averseséparses pluieetneige 8 12 15 7 7 9 9 7 5 7 3 5 2 10 4 15 12 7 4 5 9 0 14 2 7 -1 11 18 21 18 14 17 15 19 15 9 11 10 6 14 11 15 23 20 16 15 24 12 22 10 14 4 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb averseséparses assezensoleillé bienensoleillé averseséparses averseséparses bienensoleillé averseséparses averseséparses averseséparses assezensoleillé Dans le monde Alger bienensoleillé Amman bienensoleillé Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth bienensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires assezensoleillé Dakar assezensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai assezensoleillé Hongkong bienensoleillé Jérusalem bienensoleillé Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire bienensoleillé Mexico bienensoleillé Montréal fortepluie enpartieensoleillé Nairobi 4 11 2 5 2 9 6 6 5 7 12 18 16 11 8 19 16 17 15 18 12 10 28 18 18 7 20 27 25 23 10 22 16 14 3 14 20 22 36 23 26 18 20 31 30 27 20 31 28 29 12 26 New Delhi assezensoleillé assezensoleillé New York beautemps Pékin enpartieensoleillé Pretoria assezensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible enpartieensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible assezensoleillé Sydney assezensoleillé Téhéran assezensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington assezensoleillé Wellington faiblepluie Outremer Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis soleil,oragepossible bienensoleillé assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé bienensoleillé 23 36 8 19 12 26 14 20 13 26 23 31 10 22 26 33 18 22 14 21 8 17 14 21 11 26 13 15 25 26 22 26 25 24 29 26 29 27 26 27 Météorologue en direct au 0899 700 713 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Motscroisés n˚14-088 2 Rabat Front froid D 1015 Chaque jeudi, l’essentiel de la presse étrangère Les jeux 1 D 5 101 Athènes Tunis Tunis Dépression Front chaud Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Mercredi Jeudi 6 16 Anticyclone En Europe Ajaccio 55 km/h D Istanbul EUROPE: Températures estivales du Portugal au sud de l’Espagne Perpignan 15 21 Bucarest Ankara Alger A 10 21 A Kiev Odessa Sofia Rome Barcelone Barcelone Séville Grenoble Toulouse Moscou Lisbonne Lisbonne 8 21 Biarritz Budapest Zagreb Belgrade Madrid Bordeaux 20 km/h Munich Vienne Milan 102 0 4 16 Lyon 0 11 101 19 Riga Copenhague Berne 1025 Chamonix T Clermont-Ferrand Paris A 8 18 Dijon St-Pétersbourg 1020 Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague Bruxelles Londres Besançon 5 16 990 Helsinki 101 5 1025 Dublin 10 Strasbourg 10 10 19 6 16 Nantes Histoire Un acteur majeur de l’histoire de France 0 1005 1010 Edimbourg Metz Orléans 7 15 Oslo 10Stockholm 0 Châlonsen-champagne PARIS Caen Brest 1005 A Courriels > 40° D D www.meteonews.fr Amiens Rouen 35 à 40° 980 Reykjavik 8 15 35 km/h 30 à 35° 13.04.2014 12h TU Lille 9 14 25 à 30° En Europe Dimanche 13 avril 2014 Passages nuageux sur le nord du pays Cherbourg 20 à 25° 10 15 < -5° 6 7 Sudoku n˚14-088 8 9 Solution du n˚14-087 Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr http://médiateur.blog.lemonde.fr Samedi 12 avril Série. Chambre noire. Mort aux enchères. Frères d’armes (S5, ép. 8 à 10/24, 155 min) U. FRANCE 2 20.45 Les Années bonheur. Invités : Hermes House Band, Herbert Léonard, King Africa, Indila, Yannick, Lio, etc. 23.20 On n’est pas couché. Invités : Maud Fontenoy, Matthieu Pigasse, Michel Onfray, Boy George, Frédérick Bousquet, GiedRé (180 min). V VI FRANCE 3 VII 20.45 La Disparue du Pyla. Téléfilm. Didier Albert. Avec Lucie Jeanne, Véronique Genest (France, 2013, audiovision). 22.25 Météo, Soir 3. 22.50 Inspecteur Lewis. Série. Meurtres en coulisses (saison 3, 2/4). 0.25 Appassionata - Gala hommage à Teresa Berganza. Par l’Orchestre du Teatro Real, dir. Sylvain Cambreling (60 min). VIII IX I. Manu militari. II. Ebène. Aoûtat. III. Taciturne. Pi. IV. RTT. Radins. V. Otarie. Etude. VI. Lérot. Gn. Er. VII. OM. Seau. Alfa. VIII. Gens. Vibrion. IX. Unièmes. Mont. X. Eternuements. L’euro? Une monnaie stable, donc un bien commun européen dont les Français ont largement profité. Au-delà de ses considérations nationales, la France a donc le devoir de respecter les règles garantissant la stabilité de l’euro, comme le souligne avec force l’éditorial « Des réformes d’abord, des délais ensuite » (Le Monde du 5 avril). (…) La vocation de l’Europe est de s’occuper du bien commun européen, ni moins, ni plus. Bravo au Monde de soutenir cette ligne. Jean-François Dalloz, La Seyne-sur-Mer (Var) Episode 14. 23.30 The Voice. « La Suite ». IV Horizontalement Europe L’euro, un bien commun 0.35 Les Experts : Miami. III Solution du n° 14 - 087 «Je n’accepte pas les accusations injustes qui pourraient laisser penser que la France ait pu être complice d’un génocide au Rwanda», a déclaré, mardi 8avril, le nouveau premier ministre Manuel Valls, à l’Assemblée nationale. Soit. Est-il permis de dire néanmoins que des responsables politiques de notre pays, et pas des moindres, et non la France (pas plus du reste que notre armée, simple bras séculier), ont dans les années qui ont précédé cet effroyable génocide entraîné et armé les forces militaires d’un pays ouvertement animé par une idéologie raciste d’extermination qui devait nécessairement être mise en œuvre un jour. Ces mêmes responsables ont ensuite facilité l’exfiltration des génocidaires vers le pays voisin, la République démocratique du Congo. Enfin, leurs successeurs ont délibérément instrumentalisé le juge d’instruction désigné pour qu’il dépose des conclusions justifiant l’injustifiable et dont il est démontré aujourd’hui qu’elles étaient totalement farfelues, tout en faisant preuve d’une ardeur très relative pour interpeller les quelques génocidaires rwandais coulant des jours paisibles en France. A défaut de reconnaître quoi que ce soit et puisqu’il ne faut pas parler de complicité, mot qui fâche, admettons humblement dans un souci d’apaisement les limites de la langue française. L’incapacité de ces responsables, et non encore une fois de la France, à prévenir puis agir, hier, et à voir les choses en face aujourd’hui a été et reste encore inqualifiable. Les 800000 morts rwandais voudront bien nous excuser. Jean-François de Montvalon, Paris TF 1 II I. Vous n’en viendrez jamais à bout. II. Suite d’invocations. A lutté pour que le temps et le travail ne s’arrêtent pas. III. Elle guérissait plaies et blessures. IV. Conjonction. Du rouge dans les étangs. Ile du Pacifique. V. Donne des droits aux bâtisseurs. Poste qui ne durera qu’un temps. D’un auxiliaire. VI. Toucher le plancher des vaches. Mise au pas. VII. Difforme. Extraite de la fève de Calabar. VIII. Cherchent à reproduire. IX. La blancheur la rend bien naïve. Fera de gros dégâts en façade. X. Dans un état d’excitation avancée. Rwanda Inqualifiable 20.55 The Voice, la plus belle voix. I Horizontalement C’est l’honneur du Monde, avec la tribune de Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP-Europe, « Quand l’Etat taxait le soleil » (Le Monde du 15mars), d’avoir salué l’action de Ramel de Nogaret, ministre des finances du Directoire (1796-1799), «un de ces personnages en apparence secondaires de la Révolution qui ont joué un rôle déterminant». S’il instaura en effet le fameux impôt sur les portes et les fenêtres, il sut remettre de l’ordre dans les finances, rétablir la monnaie et faire face à la crise de trésorerie ainsi qu’à de redoutables difficultés fiscales. Il mit aussi en place la comptabilité publique telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Ce grand commis de l’Etat, laborieux et honnête, vertus rares par les temps qui courent, illustre les mots du juriste Portalis, président du Conseil des Anciens sous le Directoire: « Ce sont les mœurs privées qui créent et soutiennent les mœurs publiques.» Méconnu, cet acteur pourtant considérable de l’histoire de France a subi une grande ingratitude. Puisse une prochaine promotion de l’ENA honorer, après l’exemplaire Jean Zay, Ramel de Nogaret. Valéry Chavaroche, Marseille Les soirées télé 10 1 1 12 Euro Millions X Verticalement 1. Assure la protection à l’église. 2. Découpage dans les cordons du système. 3. Proche de la chemise. Tracer en surface. 4. Un inconnu qui fait parler de lui. Point matinal. 5. Commandant de la marine allemande. Zone de libre-échange. 6. Peut devenir fou. Projet d’architecture. 7. Gardienne des ondes. Fournissent fleurs et résine. 8. Se plaindre tout le temps. Négation. 9. Mesure de rayonnement. Dans l’atmosphère. 10. Pâte d’Auvergne. Exténuée. 11. Mesure d’ailleurs. Filtre. Grande voie. 12. Fît bon ménage. Philippe Dupuis Verticalement 1. Métrologue. 2. Abattement. 3. Nectar. Nie. 4. Uni. Rosser. 5. Métrite. Mn. 6. Uae (eau). Aveu. 7. Lard. Guise. 8. Ionien. 9. Tuent. Arme. 10. At. Su. Lion. 11. Rap. Défont. 12. Itinérants. Résultats du tirage du vendredi 11 avril. 8, 12, 19, 30, 33, 4 e et 11 e Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ; 5 numéros et e : 146 639,70 ¤ ; 5 numéros : 28 298,70 ¤ ; 4 numéros et e e : 5 376 ,70 ¤ ; 4 numéros et e : 168,00 ¤ ; 4 numéros : 64,60 ¤ ; 3 numéros et e e : 71,30 ¤ ; 3 numéros et e : 13,20 ¤ ; 3 numéros : 9,00 ¤ ; 2 numéros et e e : 24,60 ¤ ; 2 numéros et e : 8,00 ¤ ; 2 numéros : 3,40 ¤ ; 1 numéro et e e : 13,60 ¤. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 CANAL + 20.55 The Call p Film Brad Anderson. Avec Halle Berry, Abigail Breslin, Morris Chestnut (Etats-Unis, 2013) V. 22.25 Jour de rugby. 23.10 Jour de foot. L 1 (33e journée). 0.05 Magnum. Téléfilm. Philippe Katerine et Gaëtan Chataigner (France, 2014, 90 min). FRANCE 5 20.35 Echappées belles. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen 15 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») Brésil : la route des terres conquises. 22.05 Visages du littoral. [2/4] La Manche. Documentaire. Gil Kébaïli. 23.00 A vous de voir. Les Technologies au service de l’autonomie. 23.30 Superstructures XXL (45 min). ARTE 20.00 24 heures Jérusalem. [6 à 9/9]. 20 h 00 - 23 h 00. 23 h 00 - 1 h 00. 1 h 00 - 5 h 00. 5 h 00-6 h00. Documentaire (2014, 600 min). M6 20.50 Hawaï 5-0. Série. Pukana (S4, ép. 11/22, inédit) U ; Imi Loko Ka ’Uhane. Ho’Opio (S3, 21 et 22/24) U ; Ho’apono. Mana’o (saison 1, 7 et 8/24) U. 1.00 Supernatural. Série (saison 5, 4 et 5/22) V (100 min). Dimanche 13 avril TF 1 20.55 La Planète des singes : les origines p Film Rupert Wyatt. Avec James Franco, Andy Serkis, Freida Pinto, Tyler Labine (EU, 2011) U. 23.00 Esprits criminels. Série. Fantôme de guerre. L’Eventreur V. Code d’honneur (S2, 17, 18 et 20/23, 140 min)U. FRANCE 2 20.48 Neuilly sa mère ! p Film Gabriel Julien-Laferrière. Avec Samy Seghir, Jérémy Denisty, Rachida Brakni (Fr., 2009, audio.). 22.20 Faites entrer l’accusé. Un homme à abattre. Magazine U. 23.40 Histoires courtes (30 min). FRANCE 3 20.45 Inspecteur Barnaby. Série. Colère divine (S16, 2/5, audiovision) U ; La Chasse au trésor (S10, 3/8, audiovision). 23.45 Météo, Soir 3. 0.15 Un garibaldien au couvent p Film Vittorio De Sica. Avec Leonardo Cortese, Maria Mercader (Italie, 1942, N., v.o. 115 min). CANAL + 21.00 Football. Ligue 1 (33e journée) : Lyon - Paris-SG. 22.55 Canal Football Club. 23.15 L’Equipe du dimanche (50 min) . FRANCE 5 20.35 Gel douche, peaux sensibles s’abstenir. Documentaire (2014). 21.30 La France des villages. Documentaire. Corinne Savoyen (2013). 22.25 La Case du siècle. L’Algérie à l’épreuve du pouvoir, 1962 - 2012 [1/2]. 23.30 La Grande Librairie. Invités : JMG Le Clézio, Pierre Rabhi (60 min). ARTE 20.45 A la poursuite d’Octobre rouge p Film John McTiernan. Avec Sean Connery, Alec Baldwin, Scott Glenn, Sam Neill (EU, 1990). 22.55 Juliette Gréco, l’insoumise. Documentaire. Yves Riou et Philippe Pouchain. 0.10 Chaplin. Ballet (100 min). M6 20.50 Zone interdite. Bac contre quartiers sensibles : un quotidien sous haute tension. Magazine. 23.00 Enquête exclusive. Bavures, corruption, dérapages : quand les flics enquêtent sur les flics (80 min). 16 décryptages Revue Convoquer le plaisir du regard V ouloir créer aujourd’hui une nouvelle revue est une entreprise qui convoque le désir et, avec lui, un certain risque. Car l’encombrement de notre paysage médiatique pourrait décourager une telle aventure. Au milieu de cette vertigineuse circulation d’informations et d’images, difficile de trouver un espace à soi. C’est ce qu’entend cependant proposer John Jefferson Selve, créateur de Possession immédiate, qui mélange des textes littéraires (fictions, récits intimes) et des photographies créatives. Placée sous le signe de Rimbaud (l’expression « possession immédiate» est extraite des Illuminations), cette revue veut être un catalyseur de désirs. Pour son créateur, il y a en effet urgence à redonner toute sa place à l’expérience sensible – nécessité qu’il revendique comme un geste quasi militant : « J’ai le sentiment que l’expérience sensible a plus que mauvaise presse. Elle est tabassée médiatiquement, et par des effets politiques pavloviens prônant une sorte de présent perpétuel. Tout ce que l’on aura lu il y a quelques années dans de médiocres romans d’anticipation est arrivé. Alors oui, l’expérience sensible comme une autre vitesse par rapport à tout ça, c’est essentiel. » L’expérience sensible passe d’abord par la découverte de cet objet discret et séduisant qui est plutôt du côté de l’élégance que du chic clinquant. « Le papier, sa matière sont deux exigences centrales », explique John Jefferson Selve. A l’origine de cette aventure, il confie avoir été influencé par la revue de photographie Provoke (créée en 1968 par le photographe japonais Daido Moriyama): cette fameuse publication lui a en effet donné le goût de la provocation et, surtout, Possession immédiate Volume 1 Rédacteur en chef John Jefferson Selve 128 p., 10 ¤ un goût immodéré pour la résistance aux formes établies : « Possession immédiate ne comble pas un manque, disons qu’il y a peut-être une absence de ce genre d’objet, hétérogène, libre, mélangeant les disciplines, indiscipliné donc…» Et c’est bien ce qui réjouit la lecture lorsqu’on ouvre la revue : la circulation libre et aléatoire du texte et de l’image. Le mot d’ordre? Ne surtout pas scinder langage et regard. « Beaucoup de photographes ont une langue littéraire, explique John Jefferson Selve, Edouard Levé par exemple ou, dans nos pages, Nicolas Comment. Quant aux écrivains, je n’en connais pas un qui n’ait une dilection certaine pour les images.» Côté textes, la sélection des auteurs est ambitieuse, et parfois surprenante. On retrouvera par exemple le trop rare Mehdi Belhaj Kacem, qui signe un très bel éloge du Hongrois László Krasznahorkai, qu’il considère comme «le plus grand écrivain à être apparu depuis Thomas Bernhard». Mathieu Terence, écrivain et poète, revient sur les traces de Nietzsche à Sils-Maria dans un texte sensible et érudit. Au fil des pages, on peut aussi découvrir l’écriture incendiaire de Jakuta Alikavazovic, une prose brève et brillante de Jean-Jacques Schuhl, ou lire les vertiges de Yannick Haenel, qui pose un regard terrifié sur l’état de notre monde. Quant aux photographies, elles sont traversées par la même intensité vibrante. La série « New Yorkers », de Khalik Allah, est particulièrement saisissante: elle nous montre une galerie d’étranges personnages possédés par la nuit. Car la question du désir est centrale. On la retrouve ainsi dans les photographies de Nicolas Comment (« Anatomie de l’image») qui donne à voir de grands nus féminins devant lesquels nous sommes à la fois des voyeurs et des contemplatifs. Possession immédiate nourrit ce besoin fondamental: penser, rêver et voir dans un seul et même mouvement. p Amaury da Cunha 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 La dédiabolisation du FN ouvre un espace à une nouvelle extrême droite qui colporte des rumeurs sur les juifs, l’islam ou les études de genre. Comment la combattre? Contrelathéorieducomplot L es dernières élections municipales ont confirmé l’implantation toujours plus forte du Front national. Comme l’on sait, ce parti a entrepris de se « dédiaboliser» ou, plus exactement, de se normaliser en abandonnant sa référence aux thèmes traditionnels de l’extrême droite, et cette stratégie a certainement contribué à ses récents succès. Il est sans doute trop tôt pour savoir s’il s’agit simplement d’une réforme superficielle ou bien d’une mutation qui pourrait le transformer en profondeur, comme celle qui, en Italie, avait fait du mouvement néofasciste Alleanza Nazionale un parti de gouvernementinséré dansle jeu démocratique. Mais certains effets de cette dé-fascisation du FN se font déjà sentir de manière inattendue: elle tend en effet à laisser vide un espace politique à la droite de la droite, ce qui favorise l’émergence d’une nouvelle mouvance extrémiste. Quel rapport y a-t-il entre cette mouvance extrémiste et un FN qui tente de se normaliser? Aucune rupture décisive ne peut être constatée. La frontièrequi lessépareresteporeuse, comme celle qui, au sein de la droite catholique,sépareles« ultras» du Printempsfrançaisdes « modérés » de La Manif pour tous. Des relations étroites existent toujours entre les réseaux Dieudonné-Soral et certains membres de la direction du FN, et ces passerelles font circuler dans les deux sens les hommes et les idées. Bien loin de s’opposer, soraliens et lepénistes tendent ainsi à se renforcer réciproquement. S’ils partagent la même idéologie xénophobe, la même haine de l’étranger, tout se passe comme s’ils s’étaient réparti les tâches. Pour les uns, qui s’adressent surtout aux Françaisdits « de souche» affoléspar la crise et la menace du déclassement, l’étranger dangereux reste le musulman ou le Rom. Pour les autres, qui s’adressent plutôt aux jeunes issus de l’immigration, les cibles sont le juif et l’homosexuel. Nul ne sait si cette nouvelle extrême droite est appelée à se développer. Il nous semblecependantqueson émergencesoulève des interrogations essentielles; qu’elle nous invite à réfléchir sur la logique de la haine, sur les dispositifs qui la propagent et les fantasmes qui la sous-tendent. Qu’est-ce qui caractérise ces folles rumeurs et ces campagnes agressives qui se succèdent depuis quelques mois ? Même si les cibles peuvent sembler différentes, elles mettent en cause à chaque fois un complot, tramé dans l’ombre par un puissant « lobby » avec la complicité des médias et de l’Etat. Que déclare, sur un site islamiste, la principale instigatrice du boycott de l’école, une proche d’Alain Soral ? La soi-disant « théorie du genre » serait l’une des armes d’un mouvement mondial qui « avance masqué ». Qui sont les inspirateurs de cette conspiration diabolique ? Un site intégriste catholique nous donne la réponse : la pernicieuse « théorie du genre » est « le fruit de lesbiennes juives américaines ». Comme au Moyen Age, ce ne sont pas seulement des individus qui sont incriminés, mais un prétendu « complot des blouses blanches ». Cette dénonciation d’une conspiration utilisant les méthodes les plus abjectes est depuis longtemps un élément essentiel de la logique de la haine. Il peut s’agir du « complot des jésuites », d’un « complot maçonnique » – accusé notamment d’avoir fomenté la Révolution française – ou d’une « conspiration juive mondiale », comme celle que mettent en scène Les Protocoles des Sages de Sion. En d’autres temps, ce sont les « sorciers » et les « sorcières » qui avaient été accusés de former une vaste secte satanique et de pratiquer des rites sexuels clandestins et des meurtres d’enfants. Certains traités, comme La Démonomanie des sorciers de Jean Bodin (1580), prétendaient même qu’ils s’étaient infiltrés au sommet de l’Eglise et de l’Etat et qu’il fallait les traquer par tous les moyens pour les exterminer. Ce sont de telles accusations qui, lors de la grande chasse aux sorcières des XVIe et Jacob Rogozinski Philosophe né en 1953. Après avoir été directeur de programme au Collège international de philosophie, il a enseigné au département de philosophie de l’université Paris-VIII et est actuellement professeur à la faculté de philosophie de l’université de Strasbourg. Proche d’abord de Jacques Derrida, il a développé dans ses œuvres une réflexion sur le mal et la terreur révolutionnaire qui s’inspire également de la phénoménologie d’Edmund Husserl. Il est notamment l’auteur du « Moi et la chair : introduction à l’ego-analyse » (Cerf, 2006) XVIIe siècles, ont envoyé au bûcher des dizaines de milliers de victimes. Parce qu’il est particulièrement flexible, le schème du complot peut ainsi s’adapter à des situations historiques très variées en se contentant de changer de cible. Pourquoi le mythe de la conspiration connaît-il de nos jours une si grande faveur? Sans doute nos sociétés démocratiques pâtissent-elles de n’avoir plus d’ennemi visible. La fin de la guerre froide et l’effondrement de l’URSS ont pu donner l’illusion de l’avènement d’un monde enfin pacifié ; mais les hommes peuventils si facilement se passer d’ennemis, de cibles qui concentrent leur ressentiment et leur haine ? Or le schème du complot permet précisément de s’inventer un ennemi invisible, un ennemi imaginaire d’autant plus malfaisant qu’il demeure caché. Ce schème réussit ainsi à capter des affects – souvent légitimes – d’indignation, de colère, de révolte contre l’injustice, en les orientant vers un « autre » menaçant qu’il s’agit de démasquer, d’expulser, voire d’anéantir. Il n’est pas indifférent que cette obsession du complot soit le plus souvent portée par la rumeur. Depuis toujours, la rumeur est l’arme des faibles, des humiliés, des invisibles,de tousceux qui ne peuvent intervenir directement dans les circuits dominants d’information et de communication. Mais les récentes résurgences du mythe du complot s’enracinent plus profondément encore dans la relation des sociétés modernes au pouvoir souverain. Depuisla Révolutionfrançaise,la dynamique de la démocratie a profondément transformé nos représentations du pouvoir; de mêmequ’elle continuede déstabi- Air pur par Selçuk liser les identités et les places attribuées traditionnellement au statut social, aux classes, aux sexes ou aux « genres » en suscitant ainsi des crispations réactives, une défenseangoisséedes identitésqui paraissentmenacées.Dans une société démocratique qui fait constamment l’épreuve de sa division, il peut sembler que le pouvoir légal se réduise à une simple apparence, un simulacre inconsistant qui dissimule la réalité du véritable pouvoir. Et notamment lorsqu’un chef de l’Etat affiche sa « normalité » et paraît incapable d’imposer son autorité… Surprenant paradoxe: plus les moyens de communication se développent et plus se renforce cette croyance en une zone d’ombre où se trameraient les pires machinations L’ancienne représentation monarchique d’un souverain tout-puissant et au-dessus des lois persiste en effet dans les sociétés modernes, mais sous la forme fantasmatiqued’une conspirationqui tire les ficelles dans la coulisse et manipule les masses. Surprenant paradoxe : plus les moyens de communication se développent, plus l’exigence de transparence s’accroît et plus se renforce cette croyance en une irréductible opacité du pouvoir, une zone d’ombre où se trameraient les pires machinations. En déniant les divisions et les conflits qui traversent les sociétés démocratiques, le mythe du complot impose la vision illusoire d’un « système » absolument homogène où les partis de droite et de gauche, les médias, les syndicats et les intellectuels conspirent tous ensemble au service d’un unique lobby occulte. Comment riposter à la montée de cette nouvelle extrême droite, répondre aux angoisses, aux fantasmes qu’elle mobilise ? L’argumentation rationnelle et la pédagogie sont certes nécessaires ; mais ellesne suffisentjamais. Et pourtant,il restemalgré tout possible d’agirsur les dispositifs qui les diffusent et s’en servent pour étendre leur emprise. Comme le montre l’exemple de la chasse aux sorcières, l’intervention du pouvoir souverain et des défenseurs de l’Etat de droit a un rôle essentiel à jouer. Dans un pays profondément morcelé comme l’était l’Allemagne de l’époque, où l’autorité centrale était quasiment inexistante, des persécutions massives de prétendues « sorcières » ont eu lieu dans de nombreuses régions au cours des XVIe et XVIIe siècles. En revanche, à l’exception de quelques cas isolés dans des provinces éloignées, la France n’a pas connu de chasse aux sorcières, sans doute parce que, à la fin des guerres de religion, l’autorité politique de l’Etat avait été rétablie sans en passer par cette terreur de masse que Bodin appelait de ses vœux ; mais aussi parce que les magistrats du Parlement de Paris avaient choisi d’annuler en appel la plupart des condamnations à mort pour sorcellerie prononcées par des juridictions subalternes. Et ils n’avaient décidé de le faire que parce que des penseurs, des médecins, des prêtres avaient, souvent au péril de leur vie, dénoncé les procédés des chasseurs de sorcières et les croyances qui justifiaient la persécution. Aujourd’hui encore, le recours à la loi demeure le plus sûr rempart contre les semeurs de haine ; à condition toutefois qu’ils’accompagned’une réflexion approfondie sur les facteurs qui engendrent cette haine et d’une intense mobilisation citoyenne. En période de crise, les défaillances de la démocratie et de l’Etat de droit peuvent avoir des effets dévastateurs. Seule la reconstruction d’une nouvelle civilité démocratique permettra de conjurer le retour des vieilles hantises. p 0123 analyses Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 17 Des options claires pour l’avenir de la dissuasion nucléaire par Nathalie Guibert Service International L e débat sur la dissuasion nucléaire française est bien lancé. Dans un esprit d’ouverture, la commission de la défense de l’Assemblée nationale mène une série d’auditions inédites sur l’avenir de la bombe. La commission n’a pas manqué son but, en conviant, mercredi9avril, Henri Bentegeat,ancien chefd’étatmajor particulier du président de la République, à l’époque Jacques Chirac. Il est l’un des rares à posséder une connaissance intime de la doctrine nucléaire française, pour avoir participé à sa rénovation et « avoir porté la moitié du code » aux côtés du chef de l’Etat. Se rangeant dans le « lobby nucléaire», il est convaincu que la France doit garder la bombe tant qu’un désarmement global « complet et vérifié » ne peut être mis en œuvre. Mais le général Bentegeat a mis sur la table toutes les options d’une évolution de l’arme suprême. « Je ne crois pas que le nucléaire ait un caractère sacré. Il n’y a aucune raison de s’agenouiller devant le dieu nucléaire, pas plus que de le répudier définitivement pour des raisons de foi », a-t-il dit. Le général Bernard Norlain, mem- bre de la campagne internationale contre la bombe, Global Zero, a été aussi auditionné. La dissuasion française a été repensée deux fois depuis la fin de la guerre froide. En 1996, la composante terrestre est supprimée et les essais abandonnés, au profit de la simulation. En 2001, son concept est révisé. Face aux puissances régionales « proliférantes» en armes de destruction massive (du Pakistan à l’Iran), la France se dote d’une dissuasion dite « du fort au fou » : des armes capables de cibler les centres de pouvoir d’un régime adverse. Parallèlement est adopté le principe de « l’ultime avertissement » qui permet au chef de l’Etat d’échapper au tout ou rien(l’apocalypse nucléaireou l’inaction) en recourant à une frappe limitée. Ces évolutions ont redessiné l’arsenal: aux armes puissantes de longue portée (dans les sous-marins) s’ajoutent des armes de portée limitée mais de grande précision (dans les avions) ; des transmissions sécurisées et des capacités de « reciblage à la mer » pour que les sous-marins en plongée puissent modifier très rapidement des plans de frappe. La situation internationale amène à des convictions divergentes sur l’avenir de la bombe. Pour certains, elle ne dissuade aucun terroriste, ne prévient aucune cyberattaque. Elle ne seraitmême plus une option réellepour les opinions des démocraties. Pour les autres, la prolifération conclut à l’inverse. Et l’annexion de la Crimée apporte un nouvel argument, Vladimir PLANÈTE | CHRONIQUE p a r S t é ph a n e F o u c a r t Les mots qui fâchent C ’est une étude fascinante qu’a rendue publique, le 7 avril, la Commission européenne (Le Monde du 8 avril). Conçue par Bruxelles et conduite par un laboratoire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses), cette enquête a essentiellement consisté à mesurer la mortalité des abeilles domestiques (Apis mellifera) dans 17 pays européens. Mais le plus intéressant n’est pas le résultat obtenu. Le plus intéressant est le résultat qui n’a pas été obtenu. Pourquoi? Simplement parce que le protocole choisi visait à restreindre la recherche des causes des mortalités observées aux uniques pathogènes naturels: seules les grandes maladies d’Apis mellifera ont été recherchées dans les ruchers visités. Nous ne saurons donc pas quels résidus de pesticides se trouvaient dans les colonies les plus touchées. Et ce, alors même que des travaux académiques toujours plus nombreux montrent les effets délétères des nouvelles générations de pesticides et des mélanges de substances actives sur la survie des abeilles et des pollinisateurs. Nous sommes donc dans le cadre d’un exercice assez étrange, qui met le discours et la pratique scientifiques au service de contingences extérieures à la science. Il faut chercher, mais dans la « bonne » direction. Il faut trouver, mais pas trop. Pour, surtout, éviter toute découverte indésirable. Les architectes de l’étude arguent du coût qu’il y aurait eu à prélever des échantillons dans toutes les ruches visitées. C’est de bonne guerre. Mais lisons les trente pages du rapport rendu public: le mot « pesticide» n’y figure pas. Le mot « insecticide» non plus, pas même une litote aussi bénigne que « produit phytosanitaire». On cherche, en vain, les mots « agriculture», « pratiques agricoles»… On se frotte les yeux. C’est un peu comme si une étude épidémiologique sur les causes du cancer du poumon avait non seulement omis de questionner les participants sur leur consommation de tabac mais que, de surcroît, les mots « cigarette» ou « tabagisme» aient été exclus de son compte rendu. «Des analyses ultérieures exploreront les liens statistiques entre la mortalité des colonies et des facteurs de risques incluant la prévalence de maladies, l’utilisation de traitements vétérinaires, le contexte apicole et d’autres paramètres», HORS-SÉRIE ANALYSE Poutine ayant balayé les garanties de sécurité quel’Ukraine avait obtenues,en 1994, en échange d’un abandon de ses armes nucléaires. La France dépense 3 milliards d’euros par an pour sa dissuasion nucléaire. Mais, avec la contraction du budget de la défense, son poids croît dans les investissements des armées. De 22 %, il atteindra 28 % d’ici à 2020, plus si les ressources prévues dans la loi de programmation militaire 2014-2019 ne sont pas au rendez-vous. « Nous pourrons avoir un effet d’éviction sur la modernisation des forces conventionnelles, craint Henri Bentegeat. Or, elles constituent de facto le premier échelon de la dissuasion.» Des économies à trouver ? Des économies sont-elles possibles dans la dissuasion? Pas à court terme, car une phase de modernisation complète vient de s’achever. Maisà moyen terme, certainement,convient-il. La première option, l’abandon de la composante aéroportée, est « la plus souvent avancée mais la plus mauvaise », juge-t-il. Elle serait peu économe (il ne reste que deux escadrons de Rafale). Surtout, elle signifierait « renoncer à la menace de frappes ciblées». La deuxième serait de renoncer à « la permanence à la mer», le fait d’avoir toujours un sousmarin porteur de la bombe à l’eau. Elle exige de disposer de quatre bâtiments. Pourrait-on passer à trois? Les Britanniques réfléchissent en ce sens. Une telle décision est réversible. Les Russes qui avaient perdu la permanence à la mer après la chute de l’URSS viennent de la recouvrer. Mais celaauraitunimpactpsychologiquetrèsfortsur la marine et sur l’entraînement des équipages. Troisième option : baisser encore le niveau de « stricte suffisance » qui a conduit la France à réduire ses têtes nucléaires de 650 à 300 en vingt ans. Un choix envisageable, compte tenu de l’impact psychologique, énorme au XXIe siècle, d’une seule bombe. La nouveauté vient d’une quatrième option, « que personne n’ose avancer », selon Henri Bentegeat, car c’est « profaner un sol sacré » : ralentir le programme de simulation des armes nucléaires, financièrement le plus lourd. Il peut être examiné, assure-t-il, sans mettre en péril les compétences scientifiques du Commissariatà l’énergieatomique.Les dissuasionschinoise, russe,israélienne ont-ellesperdutoute crédibilité parce qu’elles n’ont pas ce programme? Le laser mégajoule, outil de la simulation, sera prêt en 2014. Les premiers tirs sont programmés. Ils pourraient être étalés dans le temps. Selon les experts militaires, la crise ukrainienne prouve que la force armée joue encore un rôle, jusqu’en Europe. « Dans ce contexte, il y a un équilibre à trouver entre nos capacités de dissuasion et nos capacités d’action », plaide le général Bentegeat. Les difficiles décisions à prendre restent éminemment politiques. p POUR CERTAINS, LA BOMBE NE DISSUADE AUCUN TERRORISTE, NE PRÉVIENT AUCUNE CYBERATTAQUE guibert@lemonde.fr Réussir votre bac avec 0123 et décrocher la mention Il faut trouver, mais pas trop. Pour, surtout, éviter toute découverte indésirable écrivent les auteurs, rassemblant sous l’énigmatique « autres paramètres», tout ce qui a trait à l’agrochimie et au modèle agricole dominant. Cette pudeur sémantique rappelle celle des vieilles études financées par les cigarettiers américains, qui attribuaient d’abord le cancer du poumon à la pollution atmosphérique, au radon, aux prédispositions génétiques et, éventuellement, au… «mode de vie » – c’est-à-dire à la cigarette. Que la science se pratique dans un contexte où il n’est pas possible d’énoncer un fait aussi trivial que le caractère nocif des insecticides pour les insectes devrait nous porter à une profonde inquiétude. Pas forcément pour les abeilles mais, surtout, pour ce que cela dit de notre société. p LES SUJETS DÉTAILLÉS + LES ARTICLES DU MONDE Le Monde vous propose sept hors-séries regroupant toutes les clés pour réussir votre bac et obtenir une mention. Français, philosophie, mathématiques, sciences éco., SVT, histoire et géographie : chaque matière est traitée avec les fiches de cours détaillées, les repères essentiels, les sujets commentés pas à pas, et bien sûr les articles du Monde, sélectionnés pour la qualité de leur contenu et leur lien avec les thèmes du programme. Chaque volume de 96 pages est une mine d’informations pour enrichir votre copie et faire toute la différence le jour J. foucart@lemonde.fr RECTIFICATIFS a Débats Contrairement à ce qui est indiqué dans la tribune « La réaffirmation moderne de l’identité républicaine» (Le Monde du 5 avril), le politologue Zaki Laïdi ne dirige pas le Centre d’études européennes de SciencePo et ne participe pas aux travaux du think tank Terra Nova. a International La photographe d’Associated Press Anja Niedringhaus n’a pas été tuée par des policiers qui l’aurait prise pour une assaillante habillée en burka, contrairement à ce que nous indiquions dans l’article intitulé « L’Afghanistan tourne la page de l’ère Karzaï», publié dans l’édition du 5 avril. La journaliste et sa consœur Kathy Gannon ont été délibérément prises pour cible, dans leur voiture, par un policier qui leur a tiré dessus en criant « Allah akbar » – « Dieu est grand » –, selon plusieurs témoins de la scène. En partenariat avec En coédition avec EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX 18 0123 enquête Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 La statue en bronze pèse 480 kg et mesure 1,70 m. Ce cliché est tiré de la seule série d’images prises en septembre 2013 avant sa « disparition ». APAIMAGES/STRINGER Laurent Zecchini Gaza Envoyé spécial I l était midi, ce vendredi d’août 2013, et Jawdat Ghorab pêchait à une centaine de mètres du rivage. « Je jetais régulièrement mon filet, pour le relever lentement, comme je fais d’habitude, se souvient-il. Soudain, il est devenu très lourd, je ne pouvais pas le remonter. » Jawdat n’insiste pas, de peur de tout déchirer. Puisque le fond semble proche, « entre 4 et 5 mètres », il plonge. Et discerne ce qu’il identifie comme une forme humaine, avant de se raviser : c’est une statue, qu’il essaie en vain de faire bouger. « Elle était enfoncée jusqu’à la taille dans le sable », explique-t-il. Cela tombe bien, six membres de sa famille pêchent ce jour-là dans la zone de Deir Al-Balah, située au milieu de la bande de Gaza. Il leur faudra six heures pour attacher des cordes aux bras et au torse de la statue, puis la haler au sec. Un attroupement se forme. Chacun admire l’homme statufié au corps vert-de-gris et rivalise de commentaires sur ce qu’il convient de faire. Ce qu’ils ignorent encore, c’est que vientd’être tiré des flots un vestigearchéologique majeur de l’Antiquité : l’unique Apollon de bronze découvert au ProcheOrient. Pour l’heure, les étranges « reflets jaunes» dans les cheveux tressés éveillent un fol espoir : « C’est de l’or ! » L’Apollon est hissé à grand-peine (il pèse 480 kg) sur unecarriole et déposédevant la maison de Jawdat Ghorab, dont la mère pousse des hauts cris : de taille humaine (1,70 m), le Dieu grec est nu. Son intimité masculine est bien peu islamiste. Jawdat lui casse « le petit doigt de la maindroite», afin de le montrerà un bijoutier. Las, le verdict est sans appel : du bronze ! La suite de l’histoire de « l’Apollon de Gaza» est plus confuse. C’est Mohammed Salman, l’oncle de Jawdat, qui aurait pris les choses en mains. Se rendant compte de la valeur potentielle de la statue, il l’aurait proposée à quelques riches Gazaouis, pour 100 000 dollars. En vain. Ahmed Al-Borsh, le directeur du départementdes antiquitésau ministèredutourisme, nous explique que « des commerçants » ont alors menacé de couper la statue en morceaux pour la sortir du territoire palestinien et la vendre à un collectionneur. Lui-même aperçoit le bronze le 21 septembre, jour où sont prises, par ses services, les seules photos connues. Toute cette agitation étant peu discrète, la police du gouvernement du Hamas, alertée, fait main basse sur l’Apollon. Peut-être même est-ce Mohammed Salman qui a vendu la mèche : on apprendra plus tard qu’il est « proche » des brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Mouvement de la résistance islamique. La statue disparaît pour de bon, enveloppée de mutisme officiel. Ghazi Hamad, vice-ministre des affaires étrangères, le confirme : « La statue est sous la protection du ministère de l’intérieur. » Or Fathi Hamad, le puissant ministre de l’intérieur, est tellement craint sur place qu’aucun Gazaoui n’ose plus se rendre à son bureau, ne serait-ce que pour demander un entretien avec un journaliste étranger. Désormais invisible, l’Apollon de Gaza n’en alimente pas moins les estimations les plus folles : vaut-il 10 millions de dollars, 100 millions de dollars, davantage ? Un tel pactole potentiel ne peut qu’attiser la convoitise du Hamas,en proie à une grave crise financière. « Ces chiffres ne veulent rien dire », corrige le père Jean-Baptiste Humbert, archéologue réputé de l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem, et expertdu patrimoinehistorique dela bande de Gaza. Son prix, précise-t-il, « dépendrait du nombre d’acheteurs intéressés, et la vente L’Apollon Eté 2013, dans la bande de Gaza, un pêcheur met au jour un vestige archéologique de l’Antiquité. Cette statue, d’une valeur inestimable, fait l’objet de toutes les spéculations… et de tous les chantages ne serait qu’une enchère déguisée. Le groupe qui recèle la statue a intérêt à faire monter les prix ». Le père Humbert n’a aucun doute sur l’importance archéologique de la prise capturée par le filet de Jawdat Ghorab: « Elle est exceptionnelle, car les statues de bronze de l’Antiquité ont été fondues ; ce serait une découverte digne de la Vénus de Milo. » Antoine Hermary, professeur d’archéologie grecque à l’université d’AixMarseille, renchérit : « C’est un original antique et une œuvre importante pour l’histoire de l’art grec, surtout dans la région où elle a été trouvée. » D’autant qu’on ne connaît que trois autres statues de bronze d’Apollon, indique Thomas Bauzou, maître de conférences d’histoire ancienne à l’université d’Orléans, qui a effectué plusieurs séjours à Gaza : le Piraeus Apollo, trouvé en 1959 au Pirée, près d’Athènes ; l’Apollon de Piombino, trouvé en Italie en 1832, qui est au Louvre, et celui trouvé à Pompéi, en 1977. L’Apollon de Gaza, lui, ressemble comme un frère au Kouros Pisoni, un buste en bronze trouvé en Italie, à Herculanum : même chevelure et traits quasi identiques. Les experts étrangers, dont aucun n’a invisible été autorisé à examiner la statue, se gardent d’être affirmatifs mais situent son âge au IVe ou Ve siècle avant Jésus-Christ. Ce n’est pas la seule incertitude. Jawdat Ghorab, le pêcheur, dit-il seulement la vérité? Le récit de ce jeune Palestinien de 26 ans, en cette matinée de mars, assis devant sa maison rudimentaire de Deir Al-Balah, sonne juste, mais sait-on jamais… Maçon au chômage avant d’être pêcheur,Jawdat n’enfinit pas de se lamenter : « On m’a dit qu’elle valait 250 millions d’euros, et moi je n’ai rien touché ! » Il assure qu’il n’a pas replongé sur le site pour tenter de retrouver d’autres objets de valeur, contrairement aux « forces maritimes» (du Hamas). Ces précisions ne suffisent pas à lever les doutes de certains experts, qui sont surpris par l’état quasiparfait de la statue. « Elle ne présente aucune marqued’un séjour prolongé au fond de la mer, on ne discerne pas de concrétions. Etonnant…», remarque Thomas Bauzou. P ourquoi le Hamas aurait-il voulu brouillerles pistes? M. Bauzou avance cette explication : « La version maritime arrange le gouvernement : en mer, la statue n’appartient à personne. A terre,sa propriétéseraitforcémentrevendiquée par une famille. Or les questions foncières sont très importantesà Gaza. » Pourtant, le lieu présumé de la découverte pourrait fournir une explication : l’Apollon de Gaza a pu rester enfoui dans le sable pendant des siècles, avant d’être dégagé récemment par les courants marins. C’est la thèse avancée par Michel L’Hour, responsable de la Direction des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille. « Les bronzes séjournant dans l’eau de mer sont chlorurés, mais pas forcément recouverts de coquillages, a fortiori si cette statue était ensouillée. » La mer, ajoute-t-il, « est le plus grand coffre-fort naturel des grandes statues en bronze de l’Antiquité, parce qu’elle les met à l’abri des hommes ». Son avis est partagé par Philippe de Viviès, expertcorrosionnisteayantscrutélesphotos : « Il y a beaucoup d’éléments, comme la répartition des produits de corrosion, qui font penser à un séjour prolongé sous la mer », assure-t-il, sansexclure que la statue ait été partiellement nettoyée. A Gaza, les théories foisonnent : un homme d’affaires riche et prudent, qui tient à son anonymat, nous affirme que la statue a été trouvée non loin d’une église byzantine située sur la route Salahiddin, qui traverse la bande de Gaza. « C’est en creusant l’un des tunnels militaires que le «Ils ne peuvent pas la vendre. A la seconde où la statue apparaîtra sur le marché, elle sera saisie» Elias Sanbar ambassadeur de Palestine à l’Unesco Hamas a multipliés dans le sous-sol de Gazapour se protégerdesbombardements de l’aviationisraélienne,que l’Apollon a été mis au jour », croit-il savoir. Le gouvernement, ajoute-t-il, « veut la monnayer, mais discrètement. Il y a un véritable gang au Hamas, pour qui l’Apollon représente un “big business”: ils croient qu’avec le temps, tout le monde oubliera l’existence de la statue, qu’il sera alors plus facile de la sortir de Gaza. Ils n’ont pas conscience que tous les muséesdumondesontmaintenantau courant de cette découverte exceptionnelle, et qu’elle est invendable». A Ramallah, en Cisjordanie, où siège l’Autorité palestinienne, on s’intéresse aussi à l’Apollon de Gaza : « Le gouvernement du Hamas est illégal, il n’a aucune autorité s’agissant du patrimoine culturel et archéologique de Gaza», tonne Anouar Abou Eisheh, ministre palestinien de la culture. « Ils ne peuvent pas la vendre, abonde l’historien Elias Sanbar, ambassadeur de Palestine à l’Unesco, parce qu’à la seconde où elle apparaîtra sur le marché, elle sera saisie. Avec le département de l’Unesco sur le transfert illicite des biens culturels, nous avons prévenu Interpol. » Les protagonistes du mystère de l’Apollon de Gaza se rejoignent sur un point : il est urgent d’entreprendre une restauration de la statue du dieu grec, pour stabiliser le métal et empêcher ce que Michel L’Hour appelle sa « cancérisation ». Mais comment faire ? Aucun gouvernement occidental ne reconnaît le régime du Hamas, ce qui interdit a priori l’envoi sur placed’unspécialistedes bronzesantiques. Un rien fabulateur, Ahmed Al-Borsh, le directeur des antiquités de Gaza, nous assurequ’il a contacté…le Louvre. Sollicité par Le Monde,son directeur,Jean-Luc Martinez, communiquecette prudente réponse : « Le Musée du Louvre n’a pasété officiellementsaisi. S’il venait à l’être, nous instruirions naturellement le dossier en lien avec le ministère français des affaires étrangères. » Lequel refuse de traiter avec un mouvement que la France (comme tous les pays européens et les Etats-Unis) considère comme « terroriste ». D’autant que le candide Ahmed Al-Borsh ne cache pas ses intentions : « Nous souhaitons que la France brise l’embargo contre Gaza avec cette statue, qu’elle soit la première à le faire… » Entre la stratégie visant à obtenir une reconnaissance politiqueinternationale,et la tentationde céder l’Apollon à un riche collectionneur étranger afin de regarnir sa cassette, le Hamas hésite. Or le temps n’est pas l’allié de l’Apollon de Gaza, dont la santé, après huit mois à l’air libre, se détériore. De là à penser que le dieu à l’arc était davantage en sécurité sous la mer… p 0123 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2014 L’AIR DU TEMPS | CHRONIQUE par Florence Aubenas Talons hauts à Euralille U L’AGENCE ELITE AIME LILLE. « ON VIENT Y CHERCHER DU BRUT » ne fille s’est assise par terre, d’autres l’entourent, formant un petit îlot au milieu des gens qui ont envahi, par centaines, le centre commercial Euralille, une file d’attente phénoménale qui démarre de l’esplanade en béton à l’extérieur, immobilise les escaliers mécaniques et bloque tout le premier étage. Aujourd’hui, Elite, l’agence de mannequins, organise un casting public, « l’événement de l’année à Lille », promet la fille assise par terre. Elle l’a déjà fait en 2013. « Je suis une ancienne », elle dit. Les autres l’écoutent. «On se met en ligne sur le podium et on défile une à une. A la fin, le jury dit le nom des filles qualifiées. Tous ceux qui font les magasins nous regardent. On a très peur.» Une brune – jolies dents écartées, voulant être pharmacienne – demande d’une voix qui tremble: « Comment ils choisissent ?» L’ancienne prend un ton de pythie. «Ils disent juste non et il faut partir. Pas d’explication. Cela dure même pas deux minutes et ton destin peut changer.» Une blonde et blanche explique qu’elle va être choisie, tout le monde le lui a dit à Hazebrouck, « même le docteur ». Ça la tenaille, elle est venue en cachette. « Est-ce que je le vaux ?» Elle va avoir 14 ans dans quinze jours. L’agence Elite aime Lille. « On vient y chercher du brut », dit Céline. Un top model célèbre y a été découvert en 2006 et, l’an dernier, huit candidates avaient été choisies sur 377, pour la finale de tous les castings de France. Elite est la seule agence à se permettre ces opérations de masse. « Les clients viennent chez nous chercher le jamais-vu. » A 14 heures, lorsque les inscriptions commencent, des dizaines de filles se mettent à se hisser sur des chaussures, extraites de sacs en plastique, pointures trop grandes ou trop petites mais avec des talons vertigineux, prêtées pour l’occasion. Puis elles se remettent à avancer en titubant. Valentine, non. Elle garde ses godillots noirs à lacets ; 1 ,81 m, 15 ans, rousse. On la remarque. « Sa maman, déjà, avait le potentiel, mais elle ne s’est jamais lancée », glisse la grand-mère, qui tient le bras de Valentine. Maman, qui tient l’autre bras de Valentine : « Moi, je n’ai pas eu cette chance. » Elle conduit des engins dans le tunnel sous la Manche. Hier soir, Maman a regardé sur Internet les candidates choisies par Elite dans d’autres villes. Sourire : « Valentine a cette couleur de cheveux si rare, elle a le potentiel. » Pour ses 14 ans, la famille lui a offert un book. Posts et photos cartonnent sur le «mur» de Grigny L es «like » se sont multipliés en un temps record. La page Facebook «Tu sais que tu viens de Grigny quand » s’est créée au lendemain du premier tour des municipales, le 24 mars. Le maire venait de se faire réélire et la campagne était terminée. Frasky Inyongo, éducateur sportif de 28 ans, s’est alors décidé à lancer une initiative pour «réunir toute la ville », « les jeunes, les vieux, ceux de la Grande-Borne [la plus grande cité HLM de la ville] comme ceux de Grigny-2 [grosse copropriété]». Le jeune homme est une personnalité de cette ville de l’Essonne à la mauvaise réputation, un gamin de la Grande-Borne, et qui veut raconter aussi les bons souvenirs. « Cela permet aux habitants de se rappeler qu’on avait un cinéma à la Grande-Borne, qu’il y avait un marchand de glaces, Oscar, qui passait en bas des cités et que tout le monde connaissait, de se remémorer un prof et de s’apercevoir, qu’on ait 20 ou 40 ans, qu’on a eu le même », raconte celui qui se fait appeler aussi « Docteur Sky», de son nom de rappeur. Les anecdotes publiées ont donné l’envie à certains d’en faire un court-métrage. « On est dans une ville populaire où il y a plein de nationalités, où chacun a sa culture mais où on a plein de souvenirs ensemble», assure-t-il. Les posts sont drôles, écrits en langage SMS, parfois avec des fautes d’orthographe, d’autres sont plus élaborés. On y raconte qu’on sait qu’on vient de Grigny « quand le dimanche de 10heures à 14heures, le parking du méridien est aussi boucher que le périf au heure de pointe à cause du marché », « quand tu t’es fais tirer les oreilles en classe par Mr Main ou pris des coco par Mr Bouly», « si tu te rappelles du magasin Megatop », « si Autour du podium, dans le centre commercial, le public se presse, compact, pour voir ces filles « oser marcher toutes seules devant des juges », s’émeut une infirmière. Les candidates attendent à nouveau. Anaïs, 14 ans, 1 m 78, se retrouve entre deux autres plus grandes qu’elle. Ça lui arrive pour la première fois. D’habitude, elle est « la perche », la seule, celle dont on se moque depuis la maternelle. Les autres ont dû vivre la même chose, Anaïs en a le sentiment confus, elle se sent enfin au milieu de ses semblables, les ridicules, les démesurées, à qui on va peut-être dire aujourd’hui qu’elles sont les plus belles. Yeux verts et menton pointu Elles passent dix par dix dans une lumière blanche face aux trois membres du jury. «Bonjour les filles», dit Victoria da Silva, qui dirige le casting. Pas un mot superflu, ni gentil ni méchant. Aucune recherche de mise en scène non plus. Certains conseillent régulièrement à l’agence d’ajouter des people à son jury. Refus : l’affaire est trop grave. On est dans le pro, le cash. Victoria da Silva continue au micro : «Désolée les filles, dans ce groupe, nous n’avons sélectionné personne. Nous sommes très très ELITISTES. Dommage. » Les suivantes sont déjà en place, une blonde garde la main sur le menton. «Retire-la », dit Victoria. La blonde a des boutons. Elle est sélectionnée. Une mère filme sa fille : «C’est une inconnue que j’ai devant moi. Je ne sais pas quoi espérer pour elle. » Dans le public, une voix : « Même les moches sont bien.» Le flot continue sur le podium, Félicie, Mélodie, Elisa, Salomé, une grande, des cheveux roses et des bras tatoués, Zoé, Hélène, Camille venue sans soutien-gorge, Mélissa, Aurore, Pénélope, qui tire la langue quand elle s’en va, Manon, tout en sueur, qui s’accroche à la main d’une métis qu’elle ne connaît pas, Valentine, la grande rousse, qui réussit à ne pas pleurer en repartant. La musique du DJ joue fort, les membres du jury bougent la tête en rythme. Leurs regards s’arrêtent sur une toute-rose, grain de beauté sur la joue. Ils la regardent. Elle le sait. Ils hésitent, c’est rare. La toute-rose risque un sourire. «Non. » Elles sont cinq élues au final, élancées, corps sans défaut, visage symétrique. Dans le jury, Alexis Louison calcule quel client pour quelle fille. « Le but, c’est de leur donner du travail, n’est-ce pas? » Victoria est déçue. «Rien d’époustouflant.» Et puis elle se lève, fonçant à travers la foule vers une mère et ses deux filles, pour en désigner une, la maigre, pas de poitrine encore, pommettes hautes, menton pointu, 13 ans, aimant les chips par-dessus tout. La mère pousse l’autre, yeux verts immenses, presque 18 ans : « J’étais venue pour l’aînée. » La petite se cache, bras battants, un oiseau. « On va rater le train de 17 h 37 pour Béthune », tente la mère. Victoria a saisi l’oiseau : « Je l’adore, je l’adore. » La mère ne dit plus rien, elle pense à la famille qui l’a déjà rabrouée : « Pourquoi tu mets les filles là-dedans ? C’est le showbiz, on n’y connaît rien. » Victoria parle à la petite, doucement : « On viendra te chercher dans deux ans. Tu vas t’y préparer. » Dans l’escalier mécanique, Victoria traîne sa valise à roulettes vers la gare. Elle n’a pas de doute sur ses choix, jamais. p aubenas@lemonde.fr “Sensualité et effroi. Hitchcock revu par Xavier Dolan.” Télérama “Un thriller psychologique du meilleur cru.” t’a déjà joué avec des osselets dans ta cage d’escalier jusqu’à pas d’heure et que les voisins hurlaient pour que ça s’arrête…! » On y expose des cartes postales locales vintage, des photos de classe, ou d’équipes de foot, ou de lieux qui ont disparu. Et on s’interpelle, on s’étonne de revoir sa cité avant rénovation ou le bac à sable et le toboggan vintage avant qu’ils ne soient trop occupés par les trafics. Le Monde PRIX FIPRESCI De la Critique Internationale 70e Mostra de Venise “Une réussite éclatante.” Positif « De bons moments » Le site a tellement de succès – 2 670 membres en deux semaines – que la mairie a proposé d’organiser des « retrouvailles » de gens qui s’étaient perdus de vue. « C’est joyeux et ça fait du bien cette page où tout le monde demande des nouvelles de tout le monde. Cela montre l’attachement à cette ville populaire malgré la stigmatisation et les clichés : Grigny, ce n’est pas que de la misère mais aussi beaucoup de bons moments, un territoire auquel on est attaché », s’enthousiasme Philippe Rio, le maire PCF. Lui aussi a retrouvé d’anciens amis perdus de vue avec qui il « allait piquer des cerises dans les jardins». Au-delà du ton un brin nostalgique, c’est aussi pour certains le moyen de faire passer des messages à la mairie sur les équipements qu’ils aimeraient voir revenir: piscine, cinéma ou magasins. Et de raconter aussi que si Oscar le glacier ne passe plus à la GrandeBorne, c’est à la suite d’une agression de trop… Frasky, lui, est plutôt fier : d’autres villes ont suivi l’exemple et on trouve des « Tu sais que tu viens de» pour Corbeil, Evry, LeBlanc-Mesnil ou encore Gennevilliers. « On a donné le top départ, et beaucoup de quartiers populaires d’Ile-de-France ont suivi. » p Sylvia Zappi Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président pTirage du Monde daté samedi 12 avril 2014 : 332 131 exemplaires. 19 un film de XAVIER DOLAN Adaptation : la gachette AU CINÉMA LE 16 AVRIL 2 * TRANCHES DE VIE FRAMESOFLIFE.COM MOD. AR7028 *
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