EUROTUNNEL : APRÈS LE DÉSASTRE, LA MACHINE À CASH LA BLANC BLEU BELGE, VACHE HORS NORME «Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?», film phénomène CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2 ANALYSE – LIRE PAGE 16 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 - 70e année - N˚21552 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- ENQUÊTE – LIRE PAGE 17 Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède Ukraine: l’escalade de la violence t Le conflit s’étend à Odessa, où 37 personnes, surtout des activistes prorusses, ont été tuées, vendredi 2 mai. t Reportage à Sloviansk, ville de l’est du pays tenue par les séparatistes et encerclée par l’armée ukrainienne t Les sanctions économiques américaines contre la Russie commencent à faire sentir leurs effets t Comment désarmorcer la crise ? Les points de vue de Guy Sorman et d’Edgar Morin LIRE P. 2, 3, 15 ET CAHIER ÉCO Résistance aux antibiotiques L’OMS tire le signal d’alarme t L’organisation mondiale affirme qu’aucune région du monde n’est épargnée D es infections banales, soignées depuis des années, vont-elles redevenir mortelles ? C’est la menace que laisse planer le premier rapport sur la résistance aux antibiotiques rédigé par l’Organisation mondiale de la santé. Dans ce document, rendu public mercredi 30 avril, l’institution onusienne décrit un phénomène généralisé: doses trop faibles dans les pays pauvres, consommation excessivedans les pays riches, les mauvais usages de ces antimicrobiens les ont rendus impuissants. Contre certaines bactéries,aucuntraitement n’est désormaisdisponible.Pour l’OMS, le monde s’achemine vers une « ère post-antibiotique». LIRE PAGE 4 FRANCE Pacte de responsabilité : les zones d’ombre des 50 milliards d’économies Le plan de rigueur de Manuel Valls, en obtenant une majorité relative à l’Assemblée nationale, n’a pas pour autant éclairci toutes les interrogations qui l’entourent. Quel allégement du coût du travail pour les entreprises, 30milliards ou 46milliards? Quel calendrier pour les économies et quelles conséquencessur la reprise de la croissance? Comment seront réparties précisémentles coupes dans les dépenses? Le Monde dresse l’inventaire des questions en suspens, futures sources de tensions dans la majorité. LIRE PAGE 7 La Maison des syndicats, au centre d’Odessa, a été incendiée par des Ukrainiens, le 2 mai, provoquant la mort d’activistes prorusses. YEVGENY VOLOKIN/REUTERS UK price £ 1,80 Le permis de conduire, trop lent, trop cher A L’euro ne va pas mourir, mais il reste une monnaie fragile A trois semaines du scrutin, Le Monde passe en revue les questions qui entourent la monnaie européenne: sa fragilité, le poids pris par la Banque centrale à Francfort (BCE), le « match» entre Jean-Claude Trichet et Mario Draghi, les deux présidents successifs de la BCE… LIRE PAGES 5 ET 6 A Une élection casse-tête pour les télévisions et les radios Les médias audiovisuels peinent à attirer le public sur les élections européennes. Logique, commente Daniel Cohn-Bendit, quand «on découvre l’Europe à un mois des élections». SUPPLÉMENT « TÉLÉVISIONS » D eux chiffres résument à eux seuls le scandale du système français du permis de conduire : 40 % des candidats échouent au premier examen, et le délai moyen pour le repasser est de 98 jours, soit plus de trois mois. A titre de comparaison, ce délai dans les autres pays européens est de 30 jours à 40 jours. Attendre trois mois, voire jusqu’à 135 jours dans la région parisienne, pour pouvoir repasser sonpermis,cela veutdire repren- ÉDITORIAL dre – et donc payer – des leçons de conduite pendant toute cette période. C’est ainsi que les candidats en viennent à dépenser 2 000, voire 3 000 euros, pour décrocher le précieux sésame. Ce coût est prohibitif. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a depuis quelques jours sur son bureau un rapport sur des réformes possibles, préparé par une commission d’experts de la sécurité et de l’éducation routières. Ce document arrive à point nommé, car la situations’est considérablementdétériorée ces dernières années. C’est un obstacle supplémentaire à surmonter pour les jeunes à la recherche d’un emploi . Avoir son permis de conduire, aujourd’hui, est souvent une condition essentielle pour trouver un travail, soit que l’employeur l’exige, soit que la situation des transports en commun l’impose. Or le coût moyen de l’obtention de ce très cher sésame est tel qu’il est devenu un facteur d’accroissementdes inégalités sociales : dans les familles aisées ou de classes moyennes, ce sont les parents qui prennent en charge ce qui est considéré comme un point de départ pour la vie professionnelle. Les jeunes issus de milieux moins favorisés doivent se débrouiller euxmêmes. Comment en est-on arrivé là ? La suppression, en 2000, du servicemilitaireobligatoire,quipermettait à de nombreux jeunes Français d’apprendre à conduire gratuitement, a provoqué l’afflux sur le marché des auto-écoles de candidats qui leur avaient échappé jusque-là, et qui étaient présentésaux examensindépendamment de cette filière. Un autre facteura modifiéles conditions de fonctionnement du permis de conduire: l’allongement de la durée de l’épreuve de conduite elle-même, portée de 20 minutes à 25 minutes minimum en applicationd’une direc- tive européenne. La logique aurait voulu que l’on augmentât le nombre d’inspecteurs chargés de faire passer les examens. Trop coûteuse pour l’Etat, cette solution n’a été appliquée qu’a minima. Aujourd’hui, les restrictions budgétaires ne le permettent plus. Il faut donc trouver d’autres pistes, et le rapport remis au ministre de l’intérieur s’y emploie. L’une de ces propositions paraît frappée du sceau du bon sens : celle de rétablir le droit d’examen, supprimé en France en 1998, mais en vigueur dans la plupart des pays européens. A première vue, cette mesure renchérirait le coût du permis de conduire de 35 euros à 40 euros. Mais, en réalité, en permettant de financer la création de postes d’inspecteur, elle réduirait le délai d’attente avant la deuxièmeépreuve,et doncpourraitpermettreauxcandidats d’économiser jusqu’à 500 euros. Il serait bon aussi de se pencher sur la valorisation de la conduiteaccompagnée,qui donne d’excellentsrésultats, et sur le modèle économique des autoécoles, qui en donne de beaucoup moins bons. Il est en tout cas urgent que M. Cazeneuve s’empare de ce dossier. p Le Meisterstück et Hugh Jackman Crafted for New Heights* Il y a 90 ans, Montblanc présentait un instrument d’écriture devenu l’icône de l’art de l’écriture : le Montblanc Meisterstück, le symbole d’une quête éternelle de la perfection. Pour les 90 ans du Meisterstück, le nouveau Meisterstück 90 Years est orné d’attributs dorés à l’or rouge et d’une plume anniversaire spécialement gravée pour l’occasion du chiffre « 90 ». Découvrez notre boutique en ligne sur Montblanc.com *Conçu pour défier de nouveaux sommets. 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Moscou dénonce l’«irresponsabilité criminelle» de Kiev L ’Ukraine a vécu, vendredi 2 mai, une journée de violence et de sang, aux implications potentiellement redoutables. Le pays n’avait pas connu de tels événements depuis le 20février, lorsque la police, à Kiev, avait tué par balles des dizaines de manifestants, aux abords de Maïdan.Le lendemain,le président Viktor Ianoukovitch avait pris le maquis, s’enfuyant en Russie. Cette fois, c’est de Russie qu’est attendue une réponse, politique ou militaire, déterminante pour l’avenir de l’Ukraine: une nouvelle phase de la crise est en effet engagée, après la mort de dizaines de militants prorusses à Odessa, et le lancement véritable de l’« opération antiterroriste» à Sloviansk, la ville tenue par les séparatistes, au nord de Donetsk. Selon un bilan provisoire du ministère de l’intérieur, 37 personnes sont mortes et près de 170 ont été blessées à Odessa, dans les plus graves violences survenues dans le sud du pays depuis le début de la crise. La police a procédé à 130 arrestations. Les événements se sont déroulés en deux temps. Le gouverneur d’Odessa a rejeté la responsabilité du drame sur le commandement opérationnel Vers 15 heures, les supporteurs les plus radicaux de deux équipes de football,celle dela ville, le Tchernomorets, et celle de Kharkiv, le Metallist, ont défilé ensemble en faveur d’une Ukraine unie. Ils ont croisé plusieurs centaines de sympathisants prorusses, armés pour certains de pistolets, selon des témoins. Le centre-ville s’est rapidementtransforméen champd’affrontement, à coups de pavés, de chaînes et de barres. Il y eut quatre morts et une trentaine de blessés, Affrontements entre militants prorusses et partisans de l’intégrité ukrainienne dans les rues d’Odessa, vendredi 2 mai. EVGUENI VOLOKINE/REUTERS évacués vers les hôpitaux de la ville. Une partie des prorusses s’est barricadée dans le centre commercial Afina, autour duquel la police s’est enfin déployée. Puis,en fin d’après-midi,le front s’estdéplacéverslaMaisondessyndicats. Des centaines de supporteurs sont arrivées devant le haut B I É LO RUSS I E RUSS I E P O LO G N E Kiev Lviv Kharkiv UKRAINE Sloviansk Dniepropetrovsk ROUMANIE M O L DAV I E Transnistrie Donetsk Odessa Mer Noire Lougansk Marioupol Crimée Simferopol RUSS I E 100 km bâtiment à colonnades de sept étages. Les tentes des prorusses ont été incendiées. La fumée a obscurci les environs. Puis les projectiles et les cocktails Molotovont commencé à voler de part et d’autre, en provenance du toit et de l’esplanade. Derrière les fenêtres, des flammes sont apparues. Les occupants se sont trouvés pris au piège. Certains ont réussi à s’abriter du feu, avant d’être évacués, choqués ; d’autres ont grimpé sur la corniche ; d’autres encore ont sauté dans le vide. Selon le ministère de l’intérieur, huit personnes seraient mortes ainsi. Une trentaine d’autres ont péri asphyxiées aux 2e et 3e étages. Les vidéos tournées par des habitants, une fois l’incendie maîtrisé, donnent une idée du supplice. Un appel au don de sang a été lancé pour les blessés, tandis que les autorités annonçaient trois jours de deuil. Ce drame met une nouvelle fois en exerguel’incompétence– hypothèse basse – des forces de sécurité, incapables de juguler les violences. Le 17 avril sur sa page Facebook, le gouverneur d’Odessa, Vladimir Nemirovski, annonçait la création d’un conseil de coordination pour « assurer l’ordre public et défendre la région d’Odessa ». L’un des objectifs de ce conseil consistait à protéger « les sites stratégiques ». On aurait pu s’attendre à ce que la Maison des syndicats, lieu symbolique et occupé, en soit un. Or la passivité des forces de l’ordre a été éclatante. Vendredi soir, toujours sur sa page Facebook, le gouverneurrejetait la responsabilité du drame sur le commandement opérationnel: « Les victimes aujourd’hui à Odessa auraient pu être évitées. Pour cela,il eût fallu que les forces de l’ordre ne marchandent pas avec leur patrie, avec leur conscience, et se conforment au serment prêté devant le peuple ukrainien. Si la police avait suivi les exigences de la direction de la région, et ne s’était pas occupée de diplomatie, tout aurait été différent aujourd’hui. Mme Merkel et M.Obama envisagentde nouvelles sanctions Washington Correspondante Barack Obama et Angela Merkel ont fini par reconnaître qu’ils ne sont d’accord ni sur l’Ukraine ni sur les suites à donner au scandale des écoutes de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine. Ainsi pourrait être résumée la brève visite de la chancelière allemande, vendredi 2 mai à Washington, visite assombrie par l’aggravation de la situation en Ukraine. Depuis le début de la crise en Ukraine, les Américains souhaiteraient que Mme Merkel rassemble les Européens autour d’une position ferme : la nouvelle étape de sanctions sectorielles (dites « step 3 ») qu’ils réclament contre les intérêts économiques russes. Les Allemands mettent en avant que l’Union européenne est un alliage de vingt-huit pays, dont plusieurs dépendent entièrement du gaz russe. Si le président russe, VladimirPoutine, cherche à diviser l’Europe, ce serait une erreur de lui faciliter le travail, a plaidé la chancelière, selon un proche de la délégation allemande. Barack Obama a entendu les arguments de Mme Merkel. « L’idée que l’on peut fermer le robinet sur toutes les exportations de pétrole ou de gaz naturel russe est irréaliste », a reconnu le président américain. A la place, il a préconisé des sanctions « non pas seulement dans le secteur énergétique, mais dans les secteur de l’armement, financier ou dans le domaine des lignes de crédit pour le commerce ». Angela Merkel, quant à elle, a insisté sur la date du 25 mai. L’élection présidentielle ukrainienne s’avère « cruciale », a-t-elle dit. Si le scrutin est perturbé, « de nouvelles sanctions seront inévitables». La conférence de presse commune dans le Rose Garden a montré que le sujet de la NSA reste une épine profondément enfoncée dans les relations entre Berlin et Washington. La confiance n’est pas revenue. Il est trop tôt pour revenir au « business as usual », a signalé Mme Merkel. Il reste des « difficultés à surmonter », notamment sur le plan de la « proportionnalité» de la surveillance mise en place. « Nos vues ne sont pas totalement alignées, mais nous partageons les mêmes valeurs», a assuré M.Obama. Prise de conscience tardive Après les révélations de l’ancien consultant de la NSA Edward Snowden, les deux pays avaient entrepris de négocier un accord sur l’espionnage, mais celui-ci a échoué. Les Allemands assurent que les Américains leur avaient fait miroiter un accord de nonespionnage sur leur sol. A la veille de l’arrivée de Mme Merkel, des officiels américains ont fait filtrer dans la presse qu’il n’en avait jamais été question. M. Obama est allé jusqu’à réfuter lui-même les assertions allemandes. « Il n’est pas tout à fait juste de dire que le gouvernement américain a offert un accord de non-espionnage et l’a retiré, a-t-il assuré. Nous n’avons aucun accord global de ce type avec aucun pays. » Les officiels américains ont mis longtemps à prendre la mesure de l’impact, en Allemagne, des révélations sur l’espionnage du téléphone portablede Mme Merkel. «J’ai été désolé de voir à quel point les révélations d’Edward Snowden avaient créé des difficultés dans les relations», a reconnu M.Obama, répondant à une question qui avait en fait été posée à son invitée. Neuf mois après la fuite de l’exagent de la NSA, le président américain prend acte qu’il lui est difficile de demander à « l’une de [ses] plus proches amies sur la scène mondiale» de l’aider, par exemple sur l’Ukraine. p Corine Lesnes A l’ONU, Moscou accuse « des étrangers anglophones » Lors de la 13e réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ukraine, vendredi 2 mai, le représentant de la Russie, Vitali Tchourkine, a mis en garde : « Si cette aventure criminelle n’est pas arrêtée, des conséquences catastrophiques pour l’Ukraine seront inévitables» ; avant d’accuser les Occidentaux d’avoir « élaboré » l’opération militaire ukrainienne et d’y « participer ». « Des étrangers anglophones ont été vus parmi les assaillants de Sloviansk», a-t-il affirmé. « L’étendue de l’hypocrisie de la Russie est stupéfiante », a réagi son homologue britannique, Mark Lyall Grant, rappelant que Moscou « arme les régimes les plus répressifs du monde, dont la Syrie». Qualifiant les propos de M. Tchourkine de « mensonges monumentaux», l’ambassadrice américaine, Samantha Power, lui a suggéré de trouver d’autres prétextes pour justifier l’intervention russe en Ukraine que cette idée « ridicule et fausse ». De son côté, l’ambassadeur de France, Gérard Araud, a accusé Moscou de jouer les « pompiers pyromanes ». Mais, comme d’habitude, ils n’ont pas pensé à leur pays mais à leur confort personnel. Honteux.» Ville portuaire à la longue traditioncommerciale,carrefourcosmopolite, douce cité au charme désuet faute d’investissements, Odessa constitue un enjeu fondamental dans le grand jeu géopolitique à l’œuvre sur les franges de l’Ukraine. Elle représente à la fois l’accès à la mer Noire et le couloir est-ouest vers la Transnistrie, le territoire détaché de facto de la Moldavie où stationnent des militaires russes. Odessa a ses soucis, comme toutes les cités du pays, sans avoir été le moins du monde touchée, ces dernières années, par des tensions religieuses,culturellesou linguistiques entre partisans de l’intégrité ukrainienne et russophones. Cette ville ne se donne pas au premier venu. Contrairement par exemple àDonetsk,oùl’oligarqueRinatAkhmetov est le suzerain officieux, Odessa n’est pas dominée par un homme ou un clan. Sa diversité se décline aussi dans ses équilibres politiques et économiques. Les forces prorusses n’ont jamais réussi à mobiliserlesfoulesau-delàdequelques centaines de personnes. Depuis des semaines, la faiblesse de l’Etat ukrainien, son incapacité à mobiliser efficacement ses forces de sécurité et sa crainte d’une invasion russe avaient conduit à une lente dérive de l’est du pays. La tenue d’un référendum d’autodétermination, fixé le 11 mai à Donetsk, semblait de moins en moins irréelle. Ce pourrissement suscitait une frustration terrible parmi les partisans de l’intégrité territoriale. D’autant que le 17 avril, le président russe, Vladimir Poutine, avait employé le terme de « Novorussie », semblant revendiquer le sud-est de l’Ukraine au nom de l’héritage tsariste. Cette impuissance du centre, illustrée par des ultimatums sans effet, faisait craindre une multiplication d’initiatives d’autodéfense, pour contrer les séparatistes. La frontièreentremanifestationspacifiques et affrontements s’est brouillée en Ukraine. Comme l’a montré la tragédie d’Odessa, l’incompétence policière, les problèmes de commandement et de loyauté dans ses rangs offrent une latitude désastreuse aux radicaux de tous bords. Les partisans de Maïdan avaient leurs martyrs, la « centurie céleste ». De l’autre côté de la barricade, le mimétisme est dorénavant complet, jusqu’à ce point ultime, que les médias russes exploiteront à satiété. A Moscou, le ministère des affaires étrangères a dénoncé vendredi « l’irresponsabilité criminelle» de Kiev, qui tolérerait une campagne de « terreur physique » contre les partisans d’une fédéralisation du pays. Le moment de vérité est venu.SiVladimirPoutineattendait un incident majeur pour déclencher une intervention militaire plus vaste en Ukraine, ce prétexte est arrivé. Mais osera-t-il? p Piotr Smolar 0123 international Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 Des hommes encagoulés sillonnent les rues à bord de Lada ou de minibus, arme au poing Reportage Sloviansk (Ukraine) Envoyé spécial S ur le papier, c’est l’un des succès de l’offensive « antiterroriste » lancée par Kiev. Vendredi 2mai à l’aube, six blindés ont coupéà traverschampset pris possession d’un morceau d’asphalte à moinsde3 kmde Sloviansk.Les soldats – troupes régulières et forces spéciales – sont bien équipés, déterminés. L’objectif est atteint : le verrou s’est refermé sur la place forte des séparatistes, désormais totalement encerclée. En réalité, cela ressemble surtout à un piège. Au nord, Sloviansk etsescentainesde combattants.Au sud, à moins d’un kilomètre en direction de Donetsk, la position qu’occupaientlesprorussesesttoujours là. Leur barrage, qui ne faisait apparemmentpaspartiedesobjectifs du jour, est tout aussi impressionnant:descamions-citernesdisposés en travers de la route, des sacs de sable, et au moins une vingtaine d’hommes lourdement armés – fusils d’assaut de gros calibre et lance-grenades. Danslajournée,lessoldatsukrainiens n’ont eu à affronter qu’une petite foule de civils venus à pied ou en bicyclette de Sloviansk. « C’est notre terre, partez », ont-ils crié. Les soldats ont parlementé, puis chargé leurs armes et la foule, après une vingtaine de minutes, s’est dispersée. On ne sait pas comment ces hommes ont passé la nuit. Des coupsdefeusporadiquesontretenti toute la soirée dans les environs de Sloviansk. Des échanges de tirs plus nourris ont été signalés dans plusieurs localités au sud de la ville, séparatistes et forces armées ukrainiennes affirmant tour à tour être attaqués. Au matin, le ministère de l’intérieur ukrainien faisait état de violents combats et de deux nouveaux morts dans ses rangs, après les deux tués de la journée. L’assaut de vendredi, le plus important depuis que des miliciens en armes tiennent la région, est toutefois resté d’une ampleur limitée. L’attaque, menée au sol et avec l’appui d’hélicoptères, s’est concentrée sur deux points de contrôleaunorddelaville.Leprésident intérimaire Olexandre Tourtchinov a fait état de « nombreux morts»dansle campprorusse.Cela semble exagéré, les rebelles n’ayant opposé, de leur propre aveu, qu’une résistance symbolique. Ils ont toutefois abattu deux hélicoptères ukrainiens. Un pilote blessé a été montré à la télévision. On ne sait pas qui repassera le premier à l’offensive. Dans le doute, Sloviansk se barricade. La ville de 100 000 habitants est devenue quasi inaccessible aux journalistes occidentaux. Sur la route, plusieurs ont été malmenés, on est sans nouvelles d’autres. L’information y arrive déformée, amplifiée au centuple. A Sloviansk, on peut entendre que l’eau de Donetska été empoisonnée.Difficile d’imaginer comment sera reçue l’annonce des affrontements meurtriersà Odessa. Plus frappant, civils comme miliciens refusent de croire que les troupes envoyées contre eux appartiennent aux forces régulières de Kiev : pour eux, il ne peut s’agir que de membres de Pravyi Sektor, l’organisation ultranationaliste ukrainienne qui avait été en pointe pendant la révolution de Maïdan. Forte de « 17 000 hommes», elle aurait pour mission de raser la ville. Peur et bravade se mélangent. Dans la matinée de vendredi, pendant que les cloches de l’église du Saint-Esprit sonnaient à tout rompre pour avertir la population de l’attaque ukrainienne, les prêtres orthodoxes sont sortis pour bénir des dizaines de petits rubans de couleur imprimés de prières. Ceux qui les portent autour du front sont prêts à mourir, dit-on. Vendredi matin, les prêtres orthodoxes sont sortis pour bénir des dizaines de petits rubans de couleur imprimés de prières Dans le même temps, le centreville s’est hérissé de nouveaux barrages. Les magasins ont fermé une bonne partie de la journée, alors que lors de la dernière attaque, une semaineplustôt,la« viecivile»suivait son cours paisible à Sloviansk. Des immeubles sont transformés en fortins. On ne sait pas dans lequel sont toujours retenus les septobservateursétrangersdel’OSCE capturés il y a une semaine. Des hommes encagoulés sillonnent les rues à bord de Lada ou de minibus, arme au poing. Les défenseurs de Sloviansk forment un mélange disparate et difficile à quantifier. On peut croiser, à la sortie nord, des hommes bien armés mais qui semblent totalement désorganisés, incapables de savoir ce qui se passe quelques centaines de mètres plus loin. On aborde aussi « Frits », venu de Crimée comme plusieurs autres combattants rencontrés les jours précédents. Ceuxlà – mi-aventuriers, mi-nationalistes exaltés – sont les mieux équipés, mais ils ont pour l’instant toujours paru refuser le combat. Prèsdelapostecentraletransformée en bivouac, il y aussi le groupe d’Alexandra – des jeunes de la région, ouvriers, chômeurs, qui rejettent la « junte fasciste » de Kiev. Ce vendredi, Alexandra n’a pas combattu. Quand les blindés et les hélicoptères ukrainiens sont sortis de la forêt et se sont dirigés vers le barrage dont la jeune fille de 28ans et son unité avaient la garde, elle a battu en retraite, laissant aux autres le soin de faire le coup de feu.Lafauteàl’armedérisoirequ’elle porte à la ceinture : un pistolet à fusée éclairante. Elle attend une autre occasion de monter au combat. « On n’a plus le choix, dit-elle, c’est eux ou nous.» p Benoît Vitkine Le Soudandu Sud, Etat en dangerde mort A Juba, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, aurait arraché une rencontre entre belligérants Analyse Johannesburg Correspondant régional I l a fallu quatre mois pour qu’un massacre au Soudan du Sud suscite, enfin, une forme d’émotion à l’extérieur du pays. A Bentiu, les 15 et 16 avril, plusieurs centaines de personnes ont été tuées lors de la prise de la ville par les rebelles pro-Riek Machar, l’exvice-président entré en rébellion après avoir échappé aux hommes du président Salva Kiir, qui venaient le tuer, le 15 décembre2013, alors quel’armée etle parti au pouvoir implosaient. Désormais, une guerre civile est en cours au Soudan du Sud. A la veille de sa visite surprise à Juba, le 2 mai, lors de laquelle il a obtenu une possibilité de rencontre entre les belligérants, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a pointé les risques de « génocide » dans le pays. La plupart des massacres se déroulent sans témoins extérieurs. Sauf à Bentiu, où il y avait Khartoum des employés de Médecins sans frontièresà l’hôpitaldela villelorsSOUDAN que les rebelles y sont entrés. Ils ont assisté à des scènes d’exécution. Le chef de mission de l’ONG Bentiu au Soudan du Sud, Raphaël Gorgeu, a qualifié ces actes « d’affront RÉP. SOUDAN DU SUD fait à l’humanité». CENTRAFRICAINE Bor Depuis le 15 décembre, les victiJuba mes du conflit au Soudan du Sud KENYA meurent dans l’oubli ou l’indifféRDC OUGANDA rence. Les rebelles nient toute implication dans cette « horreur », comme l’a qualifié la Maison Blan- mais aussi les rivalités politiques che. Le camp adverse avait démen- et la manipulation des violences ti tout aussi farouchement son pour vider les zones d’exploitaimplication dans l’attaque du tion pétrolière. Ainsi, dans les camp des Nations unies de Bor années1990, despopulationschaspoury tuer descivils réfugiésà l’in- sées de leurs terres par des massacres ont parfois été enfermées térieur. L’ONU, après les Etats-Unis, dans des poches, condamnées à la menace les belligérants de sanc- famine pour que des chefs de tions. Mais cela impressionne-t-il guerre accaparent l’aide humaniles responsables des deux camps ? taire, nourrissent leurs combatIl est urgent de connaître la répon- tants ou la vendent pour s’enrise à cette question, pour être en chir. Aucun de ces problèmes n’a été mesure de briser le cycle des massacres au Soudan du Sud. D’autant traité avec sérieux lors du procesque les responsabilités de ce crash sus de paix, de la période de transinational sont à chercher aussi tion et depuis l’indépendance. Trop compliqué pour les diplomaau-delà des frontières. Un pays neuf est un laboratoire tes ou les « groupies » occidentales où les erreurs se paient au prix pro-SPLA/M aux Etats-Unis, préféfort, celui de la vie de ses habitants. rant la version simpliste d’une hisLe Soudan du Sud avait été un toire complexe, où les Sudistes seraient tous d’innocentes victimes et les Nordistes les brutes. La nature de l’aide des partenaires occidentaux, Etats-Unis en tête, qui ont soutenu la partition du pays, a d’ailleurs surtout été humanitaire, remplissant toutes lesconditionsd’unéchec programmé : 98 % des recettes nationales sud-soudanaises proviennent du pétrole, alors que 90 % des servirêve, presque une utopie, pour des ces de l’Etat sont assurés par des générations de Sudistes pendant étrangers (ONU, ONG…), tandis un demi-siècle. Ce qui le menace à que la classe dirigeante vidait les présent, ce sont avant tout ceux caisses. De plus, la scission, en 2011, de qui le dirigent, issus de l’ex-rébellion sudiste, l’Armée/Mouvement l’ex-plus grand pays d’Afrique, le de libération des peuples du Sou- Soudan, a donné naissance à de dan (SPLM/A), ou de l’un des grou- mauvais voisins. Dès sa création, pes armés qui, au temps de la gran- le nouveau pouvoir de Juba s’est de guerre civile (1983-2005), ont armé dans la perspective d’une combattu pour le pouvoir nordis- confrontation avec Khartoum. Nul n’a voulu voir que le risque te de Khartoum. La raison de cette « traîtrise » principal était au Sud. Même si les tient à la densité des enjeux services secrets de Khartoum ont, locaux au Sud. Notamment les comme le soupçonnent de nomquestions de terre et de bétail, breux observateurs,manipulécerÉTHIOPIE Slovianskse barricade en attendantl’assaut dela «juntefasciste» 3 La veille de sa visite surprise à Juba, John Kerry a pointé les risques de «génocide» dans le pays Un rebelle pro-Riek Machar dans les rues de Bentiu, le 20 avril, après le massacre de centaines de civils. EMRE RENDE/REUTERS tains acteurs, c’est bien une guerre sud-sud qui a commencé en décembre, et son déclenchement incombe aux dirigeants locaux. Les tensions croissantes à l’approche des premières élections du pays, en 2015, sur fond de dérive autocratique du président Salva Kiir, avaient pourtant suscité de fortes inquiétudes. Mais depuis quatre mois, plus personne ne semble avoir d’emprise sérieuse sur le Soudan du Sud. Les EtatsUnis ont découvert que leurs anciens protégés étaient allergiquesà touteintervention.LesEuropéens sont apparus pour ce qu’ils sont : des poids plumes. Les Chinois, acteurs centraux de l’exploitation pétrolière au Nord comme au Sud, restent en retrait. Le Mouvement de libération des peuples du Soudan (MLPS) est incapable de reprendre le contrôle du navire. Comme l’explique une bonne source à Juba : « L’armée [la SPLA] s’est d’abord imposée comme le vrai centre du pouvoir puisque le parti [le MLPS] était déchiré entre factions. Puis lorsque l’armée a implosé à son tour, le 15 décembre, il n’est rien resté que la lutte à mort pour l’emporter. C’est le règne du tout ou rien : tout le pouvoir, tout le pétrole, pour les vingt prochaines années. » Ce constat n’a pas, à ce jour, déclenché d’alertes à la hauteur des atrocités commises. Or, ce conflit menace aussi de déstabiliser toute une région, à la charnière entre l’océan Indien, et les Grands Lacs, l’une des plus prometteuse économiquement d’Afrique. L’Ouganda intervient aux côtés des loyalistes de Juba, car le président Salva Kiir, depuis le début de la crise « n’a plus d’armée », selon des sources concordantes. Il fait la guerre avec un patchwork de forces : troupes ougandaises, dernier carré de militaires fidèles de sa région, miliciens recrutés à la hâte, et pour couronner le tout, rebelles du JEM (Mouvement pour la justice et l’égalité), originaires du Darfour. En face, Riek Machar n’est pas mieux loti. Son camp « rassemble plus les anti-Salva Kiir que les proMachar », résume un diplomate. 4 1 0 2 s e n n pée o r u E s NT ? E N n I T o N O i C Élect LES DÉRIVES DU Certainsgroupesde la White Army (milices traditionnelles Nuer) n’obéissent pratiquement à personne d’autre qu’à leurs chefs locaux et à leurs prophètes. Les membres de l’IGAD, l’organismerégionalchargédes négociations entre délégations des deux camps à Addis-Abeba, en Ethiopie, sont englués dans leurs rivalités. L’intervention ougandaise irrite l’Ethiopie, qui redoute la propagation des rébellions à travers la Ce conflit menace de déstabiliser toute une région, à la charnière entre l’océan Indien et les Grands Lacs région. L’Egypte des militaires post-Morsi a signé un accord militaire avec Juba, pour nuire à Khartoum, où le pouvoir du général Bachirest prochedesFrères musulmans, et se place sur l’échiquier du désordre dans le cadre des disputes liées au partage des eaux du Nil. Les risques de dégradation de la situation sont aussi économiques. Le Kenya, qui exportait massivement vers le Soudan du Sud, voit s’envoler les grands projets d’infrastructures (oléoducs, chemin de fer…) qui devaient pousser au décollage de l’Afrique orientale. Il y a peut-être un gagnant dans ce désastre : le pouvoir soudanais. Il donne des garanties à Salva Kiir pour profiter des royalties du pétrole sudiste encore évacué par le Nord, touten donnant,probablement, un coup de main à Riek Machar. Le Soudan, qui a perdu 75 % de sa production pétrolière lors de l’indépendance du Sud, tientsarevanche.Le pouvoirsudiste, ex-favori des Occidentaux, est abandonné à son suicide. Pendant ce temps, les forces armées soudanaises lancent des opérations d’une incroyable brutalité au Darfour et au Kordofan (179 villages brûlés au cours des dernières semaines), en toute tranquillité. p Jean-Philippe Rémy À 9H 0 3 H 6 E 4 MAI) D 1 ( E R E U M T O L R U C T FRANCE ONDRES (8 MAI) E E D S N I T A AI), L ES M D M S 5 ( E L re.fr E A I u I V t C l O É S u P R c S A e V S c N E n O D I fra ÉDIT EN DIRECT 4 0123 international & planète L’arrestation de Gerry Adams fait ressurgir le lourd passé de l’Irlande du Nord Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 La résistance aux antibiotiques devient une menace à l’échelle mondiale Selon l’OMS, des infections courantes et des blessures mineures pourraient à nouveau tuer L’absence de processus de réconciliation dans les accords de 1998 obère l’avenir de la province Londres Correspondance L a police d’Irlande du Nord a étendu,vendredi2 mai,la garde à vue de Gerry Adams pourquarante-huitheuressupplémentaires. Le leader du Sinn Fein, le parti républicain, a donc passé une troisième nuit en cellule, suspectéd’avoircommanditéle meurtre, en 1972, de Jean McConville, une femme que l’IRA croyait – à tort – être une informatrice des autorités britanniques. M. Adams dément toute responsabilité, et il n’a pas été mis en examen. Son cas vient cependant illustrer un problème resté irrésolu en Irlande du Nord: comment s’occuperdescrimesdupassé ? Silescombattantsde laprovincebritannique ont su faire la paix, ils n’ont pas engagé de processus comparable à la commission Vérité et Réconciliation instaurée en Afrique du Sud à lachute de l’apartheid.Au moment des accords du Vendredi saint, en 1998, qui ont fait taire les armes, seul le sort des paramilitaires républicains et unionistesemprisonnés aétéréglé.Leurpeineaétéréduiteà deux ans au maximum, assurant à environ500prisonniersunelibération en juin2000 au plus tard. En revanche, rien n’était prévu pour deux autres cas de figure. Le premier concerne les crimes qui n’ont pas été jugés, et pour lesquels il n’y avait pas de suspect. Le second est celui des paramilitaires qui étaient recherchés par la police, mais étaient en fuite. En 2006, le gouvernement de Tony Blair a tenté de régler la situation de ces derniers. Il a proposé une loi qui aurait permis de les juger, mais sans les obliger à comparaître et en leur évitant toute peine de prison. Mais l’idée a été abandonnée face à l’opposition des différents partis politiques. Officiellement, tout était alors bloqué. En secret, pourtant, le gouvernement britannique a accordé l’équivalent d’une amnistie à près de 190 ex-membres de l’IRA. Il leur a envoyé une lettre qui, sans tirer un trait sur le passé, leur assurait que le procureur général n’avait pas l’intention de les poursuivre. L’affairea provoqué un scandale quand elle a été révéléeil y a un peu plus de deux mois. Le procès de John Downey, accusé d’avoir posé unebombequi a tuéquatremilitaires dans Londres, à Hyde Park en 1982, devait s’ouvrir. Mais il a été annulé au dernier moment, quand l’hommeaexhibélalettredesautorités britanniques. L’existence de cette amnistie de facto a été qualifiée d’« erreur dramatique » par le premier ministre David Cameron. 3 500 morts de 1969 à 1998 Seize ans après les accords de paix, l’Irlande du Nord se retrouve donc confrontée à un lourd passé, qui a fait 3 500 morts entre 1969 et 1998, et qu’elle n’arrive pas à gérer. Pourtant,espérer que le temps suffira à effacer les cicatrices serait naïf. La province ne compte que 1,8milliond’habitants,lesprotagonistes se connaissent bien, souvent depuis des générations, et ils ne peuvent pas s’éviter. L’assassinat de Jean McConville, auquel Gerry Adams serait lié, l’illustre. Le kidnapping de cette femme fut mené par des voisins, que ses enfants ont reconnus au moment des faits.Aujourd’huiencore,ceuxci les croisent parfois dans la rue. Impossible, pour eux, d’imaginer une amnistie. Dans ces conditions, Richard Haas, un diplomate américain, a été chargé de trouver une solution pour s’occuper du passé. En 2013, il a réuni les partis politiques pour leur proposer une sorte de tribunal de la mémoire qui enquêterait sur les cas non résolus, mais dont les informations ne pourraient pas être utilisées par la justice. Fin décembre, les négociations ont échoué une nouvelle fois. p Eric Albert Etats-Unis L’ONU appelle Washington à un moratoire sur la peine de mort GENÈVE. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé, vendredi 2 mai, la cruauté de l’exécution d’un condamné à mort cette semaine dans l’Oklahoma et demandé aux Etats-Unis un moratoire immédiat sur la peine de mort. Clayton Lockett avait agonisé pendant une quarantaine de minutes, après l’expérimentation d’une nouvelle injection létale. – (AFP.) Afghanistan 2 000 disparus dans une coulée de boue MAZAR-E-CHARIF. L’ONU a annoncé que 350 personnes ont péri, vendredi 2 mai, dans des glissements de terrain provoqués par des pluies torrentielles dans le nord-est de l’Afghanistan. Alors que les autorités du Badakhchan s’inquiétaient du sort de 300 familles portées disparues, les recherches se poursuivaient pour secourir des victimes piégées dans les décombres. – (AFP.) L a résistance aux antibiotiques est devenue une réalité à laquelle aucune région du monde n’échappe. Demain, des infections banales et des blessures légères,soignées depuisdes décennies, pourraient redevenir mortelles. Dans son premier rapport sur cette problématique publié mercredi 30 avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dresse un constat très alarmant à partir des données provenant de 114 pays. L’organisation estime que le monde s’achemine vers une « une ère post-antibiotique». Le phénomène de résistance auxagentsantimicrobiensse développe lorsqu’un micro-organisme – qu’il s’agisse d’une bactérie, d’un virus, d’un champignon ou d’un parasite – n’est plus mis hors de combat par un médicament auquel il était jusque-là sensible. L’usage inapproprié des antimicrobiens est l’une des principales causes de résistance.Dans les pays pauvres, les doses administrées sont trop faibles et, dans les pays riches, leur consommation est au contraire excessive. S’il est inéluctable, ce phénomène n’avait pas auparavantles mêmesconséquences. L’apparition et le développement de souches résistantes à un antibiotique donné étaient contrebalancésparl’existenced’unealternative avec des options variées. Or, depuis la fin des années 1980, la mise au point de nouveaux antibiotiques s’est raréfiée, créant des situations d’impasse quand les antibiotiques de dernier recours sont à leur tour concernés par les résistances. Le rapport cite ainsi la résistance au traitement de dernier recourscontre lesinfectionspotentiellement mortelles causée par une bactérie intestinale courante, Klebsiellapneumoniae.Larésistance s’est « propagée à toutes les régions du monde ». Entre leur apparition dans les années 1980 et aujourd’hui,les fluoroquinolones, les plus largement utilisés contre lesinfectionsurinaires,sontdésormais inefficaces pour plus de la moitié des patients. Touchant plus de 106 millions de personnes par an, les infections par le gonocoque (bactérie responsable de la blennorragie) ne sont pas mieux loties: l’échec du traitementdedernierrecours–lescéphalosporines de troisième génération – a été confirmé en Afrique du Sud, en Australie, en Autriche, au Canada,enFrance,auJapon,enNorvège,au Royaume-Uni,en Slovénie et en Suède. Les personnes atteintes d’une infectionparunesouchedestaphylocoquedorérésistantà laméthicilline ont un risque de décès 64 % plus élevé que celles atteintes d’une forme non-résistante de l’infection.Latuberculose,avecl’apparition de souches multirésistantes et même de souches ultrarésistantes,l’infectionparle VIHou le paludisme sont eux aussi concernés. L’institution onusienne souligne « des lacunes significatives dans la surveillance et un manque de références communes». «La surveillance de la résistance aux antibactériens n’est ni coordonnée ni harmonisée», regrette l’OMS. Ce document est « un premier pas dans la bonne direction », estime le Dr Annette Heinzelmann, directrice médicale de Médecins sans frontières (MSF). « Il apporte de nouveaux éléments et permet de lancer un message d’alerte fort. Le En Europe, les médecins continuent de prescrire en excès les antimicrobiens constatqu’ildresseestencoreincomplet: la situation dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne n’y est pas documentée, faute de données disponibles et, pour l’instant, seule la résistance aux antibiotiques de sept bactéries est abordée.» L’organisationhumanitairerapporte la présence de « résistances parfois multiples aux antibiotiques». C’estainsique75 % desinfections constatées chez les patients en provenance d’Irak et pris en charge à Amman (Jordanie) pour une chirurgie reconstructive sont dues à des bactéries résistantes. Surun autreterrain,laCentrafrique, les équipes de MSF ont soigné cinq blessés présentant des plaies infectées par des « bactéries contre lesquellesles antibiotiquescouramment utilisés étaient inefficaces». Pour la députée européenne Michèle Rivasi, les médecins en France et en Europe continuent malgré les recommandations gouvernementales de prescrire en excèsdes antibiotiques,« encouragés par les laboratoires qui les produisent». L’élue Europe-EcologieLes Verts dénonce également l’administration d’antibiotiques « en prévention à tous les animaux, même ceux qui ne sont pas malades» dans les élevages intensifs. Avec ce rapport, l’OMS lance un plan d’action mondial sur la résistance aux antimicrobiens reposant sur la mise en place de système de surveillance chez les humains et chez les animaux, le développement de la prévention des infections et la mise au point de nouveaux antibiotiques. Pour MSF, il est aussi urgent de limiter la prescription à « des praticiensformésetinformés»,d’intensifierlalutte contrelacontrefaçonde médicaments, l’application des règles d’hygiène et de stérilisation dans la pratique médicale. Poursa part,MichèleRivasimilite pour des thérapies alternatives aux antibiotiques, « qui peinent à trouver leur place en Europe, comme la phagothérapie, pour laquelle on utilise des virus existant dans la nature qui détruisent, par exemple, les staphylocoques dorés». p Paul Benkimoun AuCaire,le harcèlementsexuel mène en prison L Ce dimanche à 12h10 GNÉNÉMA MAMADOU COULIBALY Ministre ivoirien de la Justice répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI), Cyril Bensimon (Le Monde). Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 ’histoire pourrait sembler anecdotique. Elle a pourtant été relayée par plusieurs journaux égyptiens. Mercredi 30avril, un tribunal de première instance a condamné, au Caire, un jeune homme d’une vingtaine d’années à un an de prison, peine assortie d’une amende de 10000 livres égyptiennes (1 030 euros). Son délit? Avoir critiqué la tenue vestimentaire, qu’il jugeait trop osée, d’une Egyptienne dans une station de métro de la capitale. La femme a déposé une plainte au poste de police le plus proche. L’affaire a été portée devant la justice, qui a reconnu l’agresseur coupable de harcèlement sexuel. Cette condamnation est une première depuis la révision, début avril, de la loi sur le harcèlement sexuel en Egypte. « Avant, seuls trois articles du code pénal pouvaient être invoqués en cas d’agression. Il n’existait pas de loi spécifique», précise Soraya Bahgat, cofondatrice de Tahrir Bodyguard, mouvement de lutte contre les agressions sexuelles dans les lieux publics. Désormais, la loi est claire : toute approche basée sur des paroles ou des actes à connotation sexuelle ou pornographique, dans un lieu public comme privé, sera reconnue comme harcèlement sexuel. Schizophrénie En Egypte, selon une étude menée en avril 2013 par les Nations unies, 99,3 % des femmes interrogées ont déclaré avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel, de l’anodine remarque sexiste au viol. « Ces amendements vont aider à endiguer l’augmentation du phénomène et encourageront les femmes à saisir la justice contre leurs agresseurs», espérait Mostafa Mahmoud, l’avocat de la victime, devant la presse. Le harcèlement sexuel est longtemps demeuré un sujet tabou, inexistant dans le débat public, avant que des associations de la société civile ne dénoncent le fléau au milieu des années 2000. Dix ans plus tard, après des séries de campagne de sensibilisation et la médiatisation des agressions des manifestantes de la place Tahrir, le phénomène est toujours aussi prégnant et peu de femmes osent porter plainte. « Dans l’affaire du métro, les gens applaudissent le courage de la victime, qui s’est retournée contre son agresseur. C’est choquant. Ce devrait être un acquis, regrette Soraya Bahgat. L’opinion publique est complètement schi- zophrène. A la fois, elle condamne les agresseurs et, en même temps, elle blâme les femmes pour leur attitude dans la sphère publique. » Dernier scandale en date rapporté par la campagne « Shoft Taharosh» (« témoins de harcèlement») : celui d’une étudiante agressée verbalement et physiquement le 16mars par un groupe d’étudiants à l’université duCaire. Après plusieurs minutes, ce sont les agents de sécurité du campus qui ont permis à la jeune femme d’échapper à ses agresseurs. Le soir même, le doyen de l’université déclarait à la télévision que l’étudiante portait des « vêtements inappropriés». Trois jours plus tard, après l’indignation de plusieurs associations, le doyen a présenté ses excuses et a annoncé l’ouverture d’une enquête. p Marion Guénard (Le Caire, correspondance) 5 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 L’euro a failli mourir, vive la Banque centrale européenne! Face à des Etats hésitants ou rétifs, l’institut de Francfort a su installer son pouvoir et sa crédibilité à partir du début de la crise de la zone, en 2008 F rancfort, jeudi 17 avril. En cette fin d’aprèsmidi, les bureaux se vident: les salariés allemands filent en weekend prolongé de Pâques. Dans le centre-ville, quelques touristesprofitent dusoleil printanier. « Regardez ! », s’exclament en anglais trois Britanniques, la trentaine détendue, apercevant la tour de la Banque centrale européenne (BCE). Ils s’approchent pour prendre une photo. « C’est là que travaillele présidentdel’Europe,Mario Draghi », annonce l’un d’eux, sûr de son fait. L’anecdote peut prêter à sourire, mais elle en dit long sur le poids politique qu’a pris la BCE pendant lacrise.Ellequi,autrefois,secontentait de surveiller sagement l’inflation,veilleaujourd’huià lastabilité du système financier européen dans son ensemble. A Lisbonne, elle négocie, avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne,lasortiedupland’aideduPortugal, prévue le 17 mai. A Francfort, ellebâtitlesuperviseurbancaire,ce supergendarme qui fera bientôt régner l’ordre parmi les grandes banques. L’euro fort menace notre compétitivité? C’est elle, encore, que Manuel Valls interpelle mardi 29avril, dans l’espoir qu’elle agisse. « La BCE est sortie de la crise avec des pouvoirs et une crédibilité renforcés », constate Bruno Colmant, économiste à l’Université catholique de Louvain. « On a parfois l’impression qu’elle a plus d’influence que nous », confie un eurodéputé, agacé du surnom que la presse anglo-saxonne prête à Mario Draghi : « L’homme le plus puissant d’Europe». En 2007, avec la première vague de la crise américaine des subprimes, la BCE prouve qu’elle est capable d’agir avec pragmatisme. Et vite Et pourtant. En 2006, personne n’aurait parié que le sort de la zone euroreposeraitsurcettejeuneinstitution, née en 1999 avec la monnaie unique. « A l’époque, c’était une annexe plan-plan de la Bundesbank, la banque centrale allemande», se souvient un banquier. Tout change à partir de l’été 2007, lorsque la première onde de choc de la crise des subprimes atteint l’Europe. Soudain, les liquidités en dollars dont ont besoin les banques pour fonctionner s’assèchent,menaçantl’ensembledusystème financiereuropéen. Le 9 août, Jean-ClaudeTrichet,présidentde la BCEàl’époque,interromptd’urgence ses vacances à Saint-Malo pour appeler les six membres de son directoire. « Il n’y avait pas une minute à perdre, nous risquions le pire », raconte le Français. En deux heures, la décision est prise : pour la première fois, la BCE offre une 60 % Mais la zone euro est toujours la cible des spéculateurs. Au printemps 2012, les taux d’intérêts italiens, portugais et grecs frisent des sommets: 6 %, 15 %, 30 %… Intenable. M. Draghi décide d’agir. Le 26 juillet 2012, à Londres, il prononce cette phrase qui restera dans les mémoires : « La BCE est prête à faire tout ce qu’il faut pour préserver l’euro et, croyez-moi, cela sera suffisant. » Quelques semaines plus tard, il dégaine la menace de l’OMT, l’opération monétaire sur titres, l’arme ultime qui permet à la BCE d’acheter sans limites la dette des Etats attaqués par les marchés. La spéculation stoppe net. Sans même avoir eu besoin d’activer l’OMT. « Cela fait beaucoup de pouvoirs entre les mains d’une institution non élue » Philippe Lamberts eurodéputé Vert de Belgique MICHAELA REHIE quantité illimitée de liquidités aux banques de la zone euro. Une bombe :laBCEprouveàceuxquiendoutaient qu’elle est capable d’agir avec pragmatisme. Et vite. « Rien à voiravecl’EurogroupeetlaCommission, où l’on débat pendant des semainesavantdesedécider»,souffle un fin connaisseur des institutions européennes. Réactivité et pragmatisme : il n’en faudra pas moins pour affronter les conséquencesde la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, à l’été 2008. Là encore, la BCE vole au secours des banques européennes et leur épargne un scénario catastrophe. On l’applaudit. Mais les choses se corsent. Au fil des mois, la crise financière américainesetransformeencrisedesdettes souveraines européennes. Fin 2009, la Grèce est attaquée par les spéculateurs, qui commencent à parier sur sa sortie de la zone euro. Puis sur celle des autres «maillonsfaibles» :Portugal,Irlande,Espagne…«LaBCEse révèlealors la seule institution disposant d’armes susceptibles d’éteindre l’incendie»,raconteNatachaValla,duCentred’étudesprospectivesetd’informations internationales (CEPII). Encore faut-il qu’elle puisse les utiliser ! Car, contrairement à la Réserve fédérale américaine, la BCE n’a pas en face d’elle un seul chef d’Etat, mais dix-sept, incapables de s’entendre sur les mesures à prendre. « Ils ne comprenaient pas la gravité de la crise, se souvient un ancien de la BCE. Pour les convaincre, M. Trichet allait les voir avec des graphiques et annonçait des catastrophes. » Les relations sont particulièrement tendues avec l’Allemagne, dont l’opinion publique se révolte à l’idée de C’est la proportion de Français qui se disent « intéressés» par les élections européennes du 25 mai, selon un sondage BVA pour i-Télé et Le Parisien-Aujourd’hui en France, réalisé auprès d’un échantillon de 1 102 personnes de 18 ans et plus et publié samedi 3 mai. Cet intérêt est nettement moins fort que pour les municipales de mars, pour lesquelles 76 % des personnes interrogées se disaient intéressées. Mais il est supérieur de six points à celui enregistré pour les européennes de 2009. A l’époque, l’abstention avait atteint le niveau record de 59 %. Dans l’enquête, 39 % des personnes interrogées se disent « pas intéressées» par le scrutin. Par ailleurs une large majorité des sondés, 73 %, souhaite que les électeurs votent sur les enjeux européens lors du scrutin. Quelque 21% pensent que le scrutin servira à sanctionner le président de la République, et 6 % à le soutenir. – (AFP.) devoir payer pour les mauvais élèves du Sud. Et où la Bundesbank, gardienne de l’orthodoxie monétaire, s’indigne de la politique « irresponsable» du Français. Les tensions éclatent une première fois en mai 2010. Un prêt de 110 milliards d’euros est accordé à la Grèce, au bord de la faillite. Mais l’Allemagnerefusetoujoursleprincipe d’une solidarité commune pour stopper la contagion. JeanClaude Trichet sort de ses gonds. Le 7 mai au soir, il interpelle les chefs d’Etat lors d’un Conseil européen: «Certainsd’entrevousn’ontpasrespecté le pacte de stabilité pendant desannéesetmaintenantvousvoulez laisser tomber la Grèce ? » Un accord est finalement scellé le 10 mai, à l’aube : un fonds européen de stabilisation financière est créé, doté de 750milliards d’euros. Une petite victoire pour la BCE, quicommetalors unpremiersacrilège. Elle rompt avec la doxa de la Bundesbank pour acheter quelques titres d’Etat sur les marchés, afin de faire retomber leurs taux. Cette fois, le divorce est consommé. Dès le 11 mai, le patron de la « Buba», Axel Weber, ulcéré, critique publiquement la décision de Jean-ClaudeTrichet: une première. Il démissionnera le 11 février 2011. « Un moment douloureux, mais la BCE a gagné en maturité en se libérant de cette tutelle », commente un conseiller de Bruxelles. Au fil des « sommets de la dernière chance», l’institutionva chaque fois un peu plus loin. Au sein dela«troïka»(FMI,BCEetCommission européenne), elle négocie les mesures d’austérité que doivent appliquer la Grèce, l’Irlande et le Portugal. « Elle joue dès lors un rôle politique qui n’a rien à voir avec sa mission initiale », remarque Marcel Fratzscher, président de l’institut économique allemand DIW. « Cela fait beaucoup de pouvoirs entre les mains d’une institution non élue », s’exaspèrePhilippeLamberts,eurodéputé vert de Belgique. Ennovembre2011,MarioDraghi prend la tête de la BCE et passe à la vitesse supérieure. En fin stratège, il lance une opération séduction auprès de Berlin. Vante l’orthodoxiedela«Buba».Accordeuneinterview au tabloïd allemand Bild, qui le coiffe d’un casque à pointe prussien en couverture… «Pour s’imposer, il s’est montré plus allemand que les Allemands », confie un ancien de la BCE. Avec succès : il convainclachancelièreAngelaMerkel d’assouplir ses positions. En parallèle, le « Dottore Draghi » s’attaque à une autre tâche : convaincre les chefs d’Etat de renforcer les institutions de la zone euro. En mai 2012, il souffle ainsi que son action sera inefficace sans la construction de l’union bancaire. Quelques semaines après, les dirigeants européens scellent sa création. « Sans ce discret lobbying de la BCE, nous n’en serions pas là », remarqueCharlesWyplosz,del’Institut des hautes études de Genève. Aujourd’hui, Mario Draghi s’inquiète de l’inflation trop basse dans la zone euro, conséquence, entreautres,de l’eurofort,quiflirte avec1,40dollar.Débutavril,àWashington, il a déclaré la BCE « prête à prendre des mesures non conventionnelles» pour stopper la hausse de la monnaie unique, comme l’achat de créances d’entreprises. « Il espère refaire le coup de juillet 2012, lorsque ses seuls mots avaientchangéladonnesurlesmarchés », analyse Patrick Artus, de Natixis. Avant de conclure, inquiet: « Cette fois, ça pourrait ne pas suffire.» p Marie Charrel 6 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 Jean-ClaudeTrichet etMarioDraghi:deuxstyles àlaBanquecentrale Le premier a dirigé la BCE de 2003 à 2011, le second lui a succédé en pleine crise de la dette Jean-Claude Trichet et Mario Draghi, à Bruxelles, en 2014. F. LENOIR/REUTERS J M Son style Haut fonctionnaire, il est plus politique qu’économiste. Il souffre d’une réputation d’indécrottable tenant de la rigueur monétaire, phobique de l’inflation. Son style Fin stratège, il sait gagner à sa cause les sceptiques en pratiquant le « donnant-donnant». On raconte qu’il ne porte pas de manteau pour souligner la coupe parfaite de ses costumes. Sa phrase «Reprenez vos esprits !», avait-il lancé en octobre2008 aux investisseurs.UnmoisaprèslachutedeLehman Brothers, un vent de panique continuait de souffler sur les marchésmalgréunebaissecoordonnée des taux des banques centrales. Sa phrase « La BCE est prête à faire tout ce qu’il faut pour préserver l’euro et, croyez-moi, ça sera suffisant. » Prononcés le 26 juillet 2012, à Londres, ces quelques mots ont stoppé net les spéculateurs qui pariaient sur l’explosion de la zone euro. Son surnom Le Financial Times l’appelait «le préfet des banquierscentraux». A la BanquedeFrance(1993-2003),onle surnommait « l’ayatollah de l’euro fort». Son surnom « Il Dottore Draghi », « Super Mario », quand ce n’est pas « l’homme le plus puissant d’Europe »… ean-Claude Trichet fut nommé à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE) en 2003, quatre ans après la création de celle-ci. En prenant les premières mesures contre la crise, il a renforcé la crédibilité de l’institution. Son arme fatale LeLTRO, pourlongterm refinancing operation, lancé en septembre 2009 pour prêter aux banques assoiffées des montants illimités d’argent au taux de 1 % sur un an. Son hobby La poésie, passion qu’il tient de sonpère, enseignantet normalien. Son défaut Un accent français à couper au couteau, qui faisait parfois sourire pendant les sommets en anglais. Son erreur Enjuillet2008,deuxmoisavant la chute de Lehman Brothers, il remontele taux directeur de la BCE de 4% à 4,35%. Idem en 2011, de 1 % à 1,5% en juillet. p M. C. et C. G. ario Draghi a pris la tête de la Banque centrale européenne (BCE) en novembre2011. Il a mis fin à la crise des dettes souveraines et a accéléré la mutation de l’institution. Son arme fatale L’OMT, ou opération monétaire sur titres, qui permet en théorie à la BCE d’acheter des dettes publiques de façon illimitée. Sa seule création a suffi à rassurer les marchés alors que, dans les faits, elle serait incroyablement complexe à mettre en œuvre. Son hobby Le golf. Il est aussi supporteurde l’ASRoma, le clubde foot de sa ville. Son défaut De 2002 à 2005, il a été vice-président de la branche européenne de la banque Goldman Sachs. Son erreur Il a laissé l’inflation,dans la zone euro, glisser sous la cible des 2 % (0,7 % en avril). Mais il a encore deux ans pour corriger le tir. p M. C. et C. G. www.monde-diplomatique.fr MAI 2014 CONTROVERSE L’universalisme, une arme pour la gauche Par Vivek Chibber Chaque mois, avec Le Monde diplomatique, on s’arrête, on réf léchit. Chez votre marchand de journaux, 28 pages. 5,40 € Malgré les récentes réformes, l’euro demeure une monnaie bancale Des incertitudes politiques, juridiques et financières pèsent encore sur l’avenir de la zone L ’Américain Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008, a prédit sa mort imminente plus de onze fois entre avril 2010 et juillet 2012, rappelle, moqueur, l’historien et économiste Niall Ferguson sur le site du Huffington Post. M. Krugman avait-il tort ou raison trop tôt ? Après quatre ans de crise et de sommets politiques théâtralisés, l’euro a résisté au pire. Les spéculateurs n’ont pas eu sa peau. Les investisseurs qui, hier, attaquaient les dettes souveraines des pays « faibles» de sa zone comme l’Italieou l’Espagneaprès avoir terrassé la Grèce, l’Irlande et le Portugal, semblent désormais apaisés. Rassurés par les « réparations » opérées ces dernières années. Quiconque voudrait batailler contre l’euro perdrait, a prévenu Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE). Les grandes aberrations de l’union monétaire européenne construite sans véritable union budgétaireet politique ont été corrigées ou sont en passe de l’être. En cas de catastrophe, la BCE a les moyens d’être un prêteur en dernier ressort des Etats. Grâce à un outil au nom barbare, OMT (opération monétaire sur titres), elle pourrait acheter sur le marché la dette des pays que les investisseurs dédaigneraient. Assez pour éviterqueles tauxd’intérêtne s’envolent à des niveaux insupportables. Le mécanisme européen de stabilité (MES), sorte de Fonds monétaire international (FMI) européen, viendrait, lui, au secours des pays en déroute. Enfin, l’union bancaire, en assurant la surveillance des établissements financiers potentiellement dangereux au sein de la zone euro, doit éviter l’émergence d’une catastrophe, d’un Lehman Brothers européen. Pourtant,deséconomistescontinuent de douter, des politiques d’imaginer et certains citoyens d’espérer la mort de la monnaie européenne. « Il est absolument clair que la situation psychologique a changé. Le risque d’explosion ou de faillite d’un Etat de la zone euro est sorti des esprits, mais tous les problèmes majeurs ne sont pas réglés », commente Patrick Artus, chef économiste chez Natixis. La quantité énorme de dettes accumulées par certains pays effraie.EnGrèce, en Italie,au Portugal, en France et en Belgique, l’endettement frise ou dépasse 100 % duproduitintérieurbrut(PIB),souligne M. Artus. Si les taux d’intérêt grimpent, les Etats pourraient être pris au piège sans que la BCE puisse dégainer son arme. « L’OMT n’est encore qu’une parole prononcée par M. Draghi, L’outil n’a jamais été testé. On peut s’interroger sur la pratique », atteste Steve Ohana, professeur assistant en finance à ESCP Europe et auteur de Désobéir pour sauver l’Europe (éd. Max Milo, 2013). « Une zone monétaire parfaite, ça n’existe pas. Ça ne tient que s’il y a volonté politique » Jean-Marc Daniel économiste et historien Pour déclencher l’OMT, l’Etat doitd’abordfairela demanded’une aide du MES. Or cette requête s’accompagnedecontreparties:efforts de désendettement, surveillance… La mémoiredes plans d’austérité et de la brutalité de la « troïka», l’attelage formé par la BCE, la CommissionetleFMIpendantlacrise,pourrait faire hésiter les Etats. Plusinquiétantencore, le dispositifpourrait êtrepurementet simplement remis en cause pour des raisons juridiques. La Cour constitutionnelle allemande – la Cour de Karlsruhe– s’interrogesur la légitimité de ce dispositif. Hantée par le souvenir de l’hyperinflation des années 1920, l’Allemagne, rétive à l’idée de permettre à une banque centrale financerun Etat, a laissé la Cour européenne de justice en décider. D’éventuels rebondissements ne sont donc pas à exclure. A toutes ces interrogations s’ajoute l’idée que l’union monétaire européenne n’est pas une zone monétaire « optimale ». Un argument de puristes justifié par le fait qu’il n’existe pas de transferts budgétaires entre Etats pour compenser les déséquilibres, comme il en existe aux Etats-Unis entre la FlorideetWashingtonD.C.parexemple. En dépit de ces petits arrangements, la zone euro reste donc une machinebancale.«Unezonemonétaire parfaite, ça n’existe pas !, balaieJean-MarcDaniel,économiste et historien. Vous pouvez faire toutes les équations économiques que vous voulez, une union monétairetient s’il y a volontépolitique.» Levéritabledangerquiplanesur l’euro réside donc peut-être là. Qu’unpartipopulisteeteurosceptique prenne le pouvoir dans tel ou tel Etat et décide de se débarrasser de l’euro, et c’en est fini de l’union monétaire telle qu’on la connaît. p Claire Gatinois De 1865 à 1991, histoires d’unions monétaires éphémères L’Union latine, embryon d’union monétaire En 1865, Felix Esquirou de Parieu, vice-président du Conseil d’Etat, ébauche l’embryon d’une union monétaire moderne qui rassemblerait la France du Second Empire, l’Italie, la Suisse, la Belgique et enfin la Grèce en 1867. « En parallèle à cette initiative, il existe un projet politique européen avec une ambition de libre-échange et la recherche de la prospérité», indique Sandrine Voizot, analyste et auteure de Pourquoi les unions monétaires disparaissent, paru chez Moneyweek en 2010. Chaque Etat signataire était tenu de battre une monnaie dotée du même calibrage en or et en argent. Ces pièces circulent parallèlement à la monnaie nationale et sont interchangeables dans les pays membres, explique-t-elle. Mais l’Union connaîtra ses premiers heurts lors de l’échec de l’élargissement au Royaume-Uni en 1867. Elle subira un coup brutal après la défaite française dans la guerre de 1870 contre la Prusse et la chute de Napoléon III, avant de se désagréger totalement après la première guerre mondiale et les turbulences sur le marché des matières premières en 1927. La brève union monétaire scandinave Sur le même modèle que l’Union latine, la Suède et le Danemark décident, en 1873, d’une union monétaire. Le couple accueille la Norvège en 1875. Le principe est encore celui d’une monnaie frappée distinctement dans chaque Etat mais qui possède le même poids en or. En 1894, un accord d’échange de titres entre les banques centrales de Suède et de Norvège puis, en 1901, avec la banque centrale du Danemark, permet de faire un parallèle entre cette union monétaire et celle de la zone euro, écrivent les économistes d’UBS dans une note sur l’histoire de désagrégation d’unions monétaires, A Brief History of break up, parue en octobre2011. Bureau de change à Moscou, en janvier 1991. LIU HEUNG SHING/AP Pour l’union monétaire scandinave, l’expérience sera brève. En 1905, l’indépendance de la Norvège, jusque-là dirigée par le roi de Suède, met à mal cette union. La première guerre mondiale l’achèvera. L’union monétaire ne survit pas à l’Empire austro-hongrois Après la première guerre mondiale, en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la double monarchie austro-hongroise éclate. Ses territoires se retrouvent éparpillés dans sept Etats, dont l’Italie, la Pologne, la Roumanie ou encore le Royaume des Serbes, Croates et des Slovènes, future Yougoslavie. La couronne qui circulait depuis 1878, continue d’être utilisée, bien que d’autres monnaies coexistent avec elle. Sur le territoire du Royaume de Yougoslavie cohabitent la couronne, le dinar, le perper (monnaie du Monténégro) et le lev bulgare. Après la guerre, la banque d’Autriche-Hongrie continue d’avoir des représentations en Italie, en Tchécoslovaquie, en Italie et dans le Royaume des Serbes, Croates et des Slovè- nes. Tous ces Etats acceptent partiellement ou en totalité la couronne. Mais ce semblant d’union monétaire s’effiloche rapidement. Le sentiment national, la présence de deux devises et les variations du cours de la couronne provoquent « une force centrifuge irrésistible», écrivent les experts d’UBS. En 1919, chaque territoire crée sa propre monnaie et finit par abandonner la couronne. L’URSS et l’unité monétaire autour du rouble Pour nombre d’économistes, la désintégration de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1991 et le retour aux monnaies nationales sont la preuve de la mortalité – et de la réversibilité – d’une union monétaire. Mais cette expérience démontre aussi que l’explosion d’une zone monétaire s’accompagne d’une période d’anarchie lorsque rien n’est anticipé. En 1991, dès la dislocation de l’Union soviétique, la banque centrale d’URSS, la Gosbank, est remplacée par quinze banques centrales. La banque de la Russie conserve seule le privilège de l’émission du rouble. Jusqu’en juillet1993, le rouble russe coexistera avec le rouble soviétique dans une joyeuse pagaille : les autres banques centrales ne s’accordent pas entre elles sur la politique monétaire à mener et certaines distribuent allégrement du crédit, mettant le rouble sous pression. Le désordre s’installe. « L’environnement immédiat post-URSS ressemble à une anarchie monétaire », écrivent ainsi les experts d’UBS. Pour remettre un peu d’ordre, les Russes limitent en 1992 la fourniture de roubles aux différents Etats. Les transactions entre Etats sont également limitées. Conséquence, les liquidités commencent à manquer et des devises parallèles circulent. Petit à petit, les Etats se mettent à battre leur propre monnaie. C’est le cas de l’Estonie, qui émet des couronnes en 1992 parallèlement au rouble. Lassée d’importer l’inflation de ses partenaires, qui persistent à émettre des crédits en roubles pour combler leurs déficits, la Russie interdit, en juillet1993, la circulation sur son territoire des roubles soviétiques émis avant 1993. Cette décision signera le point final de la zone rouble. p C. G. france 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 7 Les zones d’ombre du plan de rigueur de Valls Le «pacte de responsabilité» devrait coûter bien plus que les 30milliards d’euros annoncés par le gouvernement E n obtenant, mardi 29 avril à l’Assemblée nationale, une majorité relative de 265voix contre 232 sur son programme de stabilité pour 2014-2017, le gouvernement a franchi une première haie. La course d’obstacles ne fait que commencer. Il a certes reçu approbation pour une stratégie de finances publiques qui concilie – sur le papier – le redressement des comptes publics par des économies de dépenses (50 milliards d’euros sur trois ans) et un pacte de responsabilité et de solidarité pour relancerl’activitééconomique(officiellement chiffré à 30 milliards d’euros). Il demeure cependant de nombreuses zones d’ombre. Un pacte à 30ou à 46milliardsd’euros? L’enjeu du pacte de responsabilité et de solidarité, selon les termes officiels, est de créer « un choc de confiance ». Avec ce pacte, « le coût du travail pour les entreprises, déjà réduit par le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), sera à nouveau allégé pour porter la baisse totale à 30 milliards d’euros », est-il écrit dans la présentation du programme de stabilité. Mais le chiffrage des différentes mesures en faveur des entreprises présentées par le gouvernement aboutit à un total très nettement supérieur à la seule réduction du coût du travail. Aux 20 milliards d’euros du CICE, s’ajoutent ainsi la suppression de charges et la baisse des cotisations patronales (coût : 9 milliards d’euros), la baisse des cotisations d’allocations familiales des indépendants (1 milliard), la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (6 milliards), la suppression de la contribution exceptionnelle et la baisse progressive du taux d’impôt sur les sociétés (5 milliards). Soit au total 41 milliards d’euros pour les entreprises. S’ygreffe lapartie «pactede solidarité » en faveur des ménages modestes décidée après les élections municipales. Elle consiste en un allégementdes cotisationssalariales sur les bas salaires et des mesures fiscales pour le bas du barème de l’impôt sur le revenu. Total : 5 milliards d’euros de recettes en moins. Un effort de 41 milliards pour les entreprises et de 5 milliards pour les ménages représente un total de 46 milliards d’euros, et non 30 milliards. Ce qui réduit d’autant la marge de manœuvre pour réduire l’endettement public etrendillusoirele respectdesengagements budgétaires de la France envers Bruxelles. Quel déploiement dans le temps? Le calendrier de mise en œuvre des réformes fait cruellement défaut. Pour les économies de dépenses, en particulier, le calendrier ne figure pas dans le document du programme de stabilité. Christian Eckert, le secrétaire d’Etat chargé du budget, interrogé sur ce sujet, a toutefois indiqué que près de la moitié des 50 milliards d’économies serait concentrée sur 2015, avec un effort de réduction de 21 milliards d’euros, après 15 milliards prévus en 2014, puis 16 milliards d’euros en 2016 et 13 milliards en 2017. C’est un des points d’achoppement avec les députés socialistes qui désapprouvent le programme de stabilité présenté par Manuel Valls. Après cinq années de croissance nulle et un léger redémarrage escompté en 2014, 2015 va être une année cruciale pour sortir de la stagnation et retrouver la croissance. Or c’est sur cette année que va porter l’effort le plus massif, d’où le risque de peser négativement sur la croissance économique, comme l’a souligné l’avis du Le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, et le ministre des finances, Michel Sapin (à l’arrière-plan), à Bercy, le 23 avril. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » Haut Conseil des finances publiques rendu public le 22 avril. Où tailler dans les dépenses? Leplan deréductiondeladépense publique annoncé le 16 avril par Manuel Valls et consigné dans le programme de stabilité en décompose les grandes masses : 18 milliards d’euros sur l’Etat et ses agences; 11milliards sur les collectivités territoriales;10milliardssurl’assurance-maladie; 11 milliards sur les prestations sociales. Mais le détail des économies, à l’intérieur de ces grandes masses, reste flou. Les coupes budgétaires poste par poste seront documentées au fil des projets de loi de finances et de financementsde la Sécurité sociale à venir. En ce qui concerne la maîtrise des dépenses de fonctionnement des ministères, ce sont donc les lettres de cadrage envoyées aux ministres début mai qui fourniront les premiers éléments des efforts d’économies demandés. D’autres points demandent à être éclaircis. Quelles « interventions de l’Etat seront recentrées », comme le demande le premier ministre, Manuel Valls ? Dans quels domaines ? Quelles conséquences ? De même, quels opérateurs et agences de l’Etat seront concernés par des suppressions, des regroupements ou la baisse de leurs dotations ? L’incertitude est de mise. Pour les collectivités territoriales, le prochain projet de loi sur leur organisation, qui sera présenté avant l’été, devrait supprimer la clausedecompétencegénérale,clarifier le rôle de chacune et inclure des mécanismes d’incitation aux « comportements vertueux». Toutefois,les importantesréformes de structure – diminution du nombre de régions, suppression des conseils départementaux et révision de la carte administrative, dont le gouvernement attend de substantielles économies – ne prendronteffet qu’àmoyenterme. C’est donc, dans un premier temps, sur la baisse et la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités territoriales que reposera l’essentiel des économies. Ce qui fait craindre que les collectivités les plus fragiles ne plongent dans le rouge. Cela pourrait également entraîner une chute des investissements des collectivités, qui représentent 70 % de l’investissement public, et avoir des conséquences négatives pour l’économie et pour l’emploi local, notamment le BTP. Quelles économies sur la Sécurité sociale? Enfin, sur les 21 milliards d’eurosd’économiesréclamésà laSécurité sociale, les seules qui soient précisément documentées sont celles sur les prestations sociales, qui vont subir un coup de rabot général. Les retraites, les allocations familiales, les allocations logement seront gelées jusqu’en octobre 2015. Seuls les minima sociaux et les retraites inférieures à 1 200 euros seront revalorisés, a consenti le premier ministre en réponseau mouvementde contestation dans la majorité. Ce gel devrait dégager 1,7 milliard d’euros. Le gouvernement estime par ailleurs que 3 milliards d’euros d’économies ont déjà été décidés dans le cadre des réformes des retraites et des allocations familiales menées en 2013. Le reste de l’enveloppe est encore à préciser. Sur l’assurance-maladie, la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, a présenté, le 24 avril, les grandes lignes de son plan d’économies. Elle compte obtenir 3 milliards d’euros d’économies sur les prix des médicaments et autant sur l’hôpital en développant, notamment, la chirurgie ambulatoire. Le reste proviendrait de la maîtrise des « dépenses inutiles » et de la lutte contre la fraude. Ces économies apparaîtront dans les prochains budgets de la Sécurité sociale. Sur les 5 milliards d’euros manquant pour arriver au compte, le gouvernement évoque des accords des partenaires sociaux afin d’économiser sur les retraites complémentaires et l’assurancechômage, pour plus de 4 milliards d’eurosd’ici à 2017. Mais aucun des accords signés par les syndicats et le patronat ces derniers mois ne prévoitde telleséconomies.Le gouvernement promet aussi 1,2 milliard d’euros d’économies sur la gestion des caisses de Sécurité sociale, sans préciser si cela entraî- nera des restructurations d’organismes. Enfin, 800 millions d’euros de coupes dans les prestations familiales devraient être prochainementannoncés– maisles modalités restent inconnues. Beaucoup, donc, reste à faire et la discussion des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, cet automne, risque de donner lieu à de nouvelles fortes tensions dans la majorité. Car cette stratégie de réduction de la dépense publique, pour donner des résultats rapides, passe d’abord par des coups de rabot !%&&'# "($'##'# avant que les réformes structurelles ne produisent leur effet. Tout en espérant que le ralentissement de la dépense n’entraîne pas un ralentissementde la croissance.Ce n’est pas gagné. p Jean-Baptiste Chastand et Patrick Roger !3()-' #,&#,&,+ * )2(#%/+, 8+(52/% 3 -/1,.' 8+(52/% *! -/1,.' *(%# ) +$ &! ,' "' &, 6(+5.''/+,,.-' &3" 74 **!" 74 62(%/0#-/.(' &3" 44$ **!" 44$ "/*(.1$2%).0 )0%/(1)%/ MUSIQUE DÉCORATION ACH. 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Charme Prés Carrés 01.53.63.00.63 8 0123 france Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 A Lille, le low cost séduit les galériens du permis de conduire Las des tarifs et de délais de plus en plus longs, plusieurs candidats viennent d’Ile-de-France Reportage Lille Envoyée spéciale L a chemise est aussi impeccable que le créneau. Le jeune homme qui s’extrait du véhicule d’auto-école semble ne rien laisser au hasard. Surtout pas ses dépenses. Frais émoulu d’une écoledecommerce,parépourla«fonction achat », Georges Conseil, 24 ans, vit dans le 19e arrondissement de Paris et apprend à conduire à Lambersart, dans la banlieue de Lille. Hébergement chez un copain, pour deux semaines de conduite intensive. « Ici, ils font un forfait 20 heures de conduite à 760 euros, avec passage illimité de l’examen de conduite. » A Paris, le prix moyen avoisine le double. « Le différentiel est incroyable ! Ils rognent sans doute sur leurs marges pour avoir plus de clients, comme Free. Ils vont avoir du succès. » Pronostic d’expert déjà avéré, à l’heure où le ministère de l’intérieur envisage une réforme du permis de conduire, dont l’obtention est particulièrement lente – donc coûteuse – en France. Ouverte depuis quatre mois, Permispascher.fr, l’auto-école low cost de Lambersart, recrute à tour de bras les apprentis conducteurs attirés par les imparables slogans de la vitrine (« Passez votre permis au juste prix », « Heure de conduite : 28 euros »), le bouche-à-oreille ou le résultat d’une recherche Google avec les mots-clés « permis de conduire» et «pas cher». Après Lille et Lambersart, le fondateurdeces auto-écoleséconomiques, Guillaume Wryk, s’implantera en juin à Saint-Quentin (Aisne), puis en région parisienne dès septembre. D’ici là, dans le Nord, ce quadragénaire déterminé achète une voiture etembauche un moniteur chaque mois. Dans ses locaux modernes décorés façon discount, avec tarifs tapissés aux murs pour seul divertissement de l’œil, se pressent des jeunes venus de toute la région, et même d’Ile-de-France. « Ils dorment chez des proches ou à l’Ibis du coin, a constaté le patron. Je me souviens d’un gars de Gennevilliers [Hauts-de-Seine] dont l’examen avait été décalé de deux jours. Je crois qu’il n’avait plus d’argent pour manger ou dormir. Il passait toute la journée à attendre sur notre canapé, avec des paquets de gâteaux secs. » Sur les forums de discussion en ligne circule l’idée que, le moment venu de passer le permis, les vacances chez la mamie vendéenne ou orléanaise retrouvent un certain charme : cours moins onéreux, temps d’attente moins longs, résultats plus probants en province qu’à Paris, Un coût comparable aux autres pays européens Examens gratuits La France est le seul pays européen où les examens du code et de la pratique sont gratuits. Le coût de la formation est comparable aux autres pays (1 500 euros en France et en Allemagne, 1 260 au RoyaumeUni, 1 800 aux Pays-Bas, de 2 000 à 3 000 en Norvège). Délai record Avec 98 jours en 2013 (jusqu’à 135 jours en Ile-de- France), contre un mois et demi en moyenne chez nos voisins, la France propose le délai d’attente le plus long. 794 443 personnes ont eu leur permis du premier coup en 2013 (60 % des candidats). La France compte 1 267 inspecteurs et 12 000 auto-écoles. En moyenne, 31 heures de conduite y sont prises par les candidats. www.topper.fr VOTRE BIEN-ÊTRE COMMENCE ICI Destockage danS la limite des stocks disponible. avant changement de collection * ESPACE GRAND LITIER SUR 500M2 (PARIS 15e) 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10, ouvert 7j/7 M° Boucicaut, P. gratuit ESPACE TOPPER TEMPUR (PARIS 12e) 60 cours de Vincennes, 01 43 41 80 93, M° Nation A l’entrée de l’auto-école Permispascher.fr de Lambersart, dans la banlieue de Lille. ANTOINE REPESSE/LIGHTMOTIV POUR « LE MONDE » comme le confirmait récemment une enquête de l’association Consommation,logement etcadre de vie. « Ils se gavent avec les jeunes », « on est prisonniers », « rackettés», « des vaches à lait »… Les mots des jeunes croisés dans cette auto-école aux tarifs plus raisonnables qu’ailleurs sont amers, les anecdotes se recoupent: frais supplémentaires pour tout, même pour s’entraîner au code sur la Toile, même pour passer un examen de conduite censément gratuit, heures de conduite subrepticement raccourcies,courscollectifsimposés,attentes interminables avant le test du code, puis celui de la conduite, frôlant même l’année entière après un premier échec… Fatoumata Ndiaye, qui a raté une fois l’examen, a déjà dépassé la barre des 3 000 euros. Y songer la déprime. « Dans l’Essonne, j’ai payé 900 euros le forfait de 20 heures, mais les 4 premières heures, on m’a laissée seule en simulateur, et jen’aijamaiseudebilan,assurecette jeune consultante dans les télécoms. Ensuite, j’ai eu du mal à avoir une place pour l’examen de code. Puis pour obtenir des heures de conduite, qui étaient donc trop espacées. Quand le forfait a été épuisé, on m’a demandé 50 euros de l’heure, et on m’a imposéle cours collectif, à trois par véhicule. Mais changer d’auto-école, c’est compliqué. Comme on a déjà le code, on ne les intéresse pas, ils ne peuvent plus nous vendre leur forfait. » A l’entrée de la salle d’entraînement au code, Valentin Billochon, 29 ans, chanteur à dreadlocks et en intérim – il fait de la manutention pour survivre –, explique combien il a dû « jongler» pour économiser de quoi passer le permis. Sou par sou, il a réuni 1 300 euros. « Les patrons exigent le permis juste pour être sûrs qu’on sera à l’heure, et pas coincés dans les transports en commun. Des copains qui bossent mais croulent sous les factures, j’en connais deux, trois, qui conduisent sans permis… » Rostan Tagne Wambo, venu des Hauts-de-Seine, s’est retrouvé bien seul après la faillite de l’auto-école où il avait passé son code. Personne ne voulait de lui à moins de 1 000 euros pour la reprise du dossier et de dix heures de conduite supplémentaires, sans pour autant garantir un passage rapide d’examen. « ll faut libéraliser », s’agace cet employé de compagnie d’assurances, qui a donc fini par prendre une semaine de congé et le train pour Lille. « Les agences se partagent un marché juteux, elles n’ont pas intérêt à s’améliorer. Ici ils pensent autrement, ils organisent un gros turnover de clientèle, donc les heures de conduite sont pleines, les moniteurs dévoués, on travaille ensemble dans le même but.» Le « volume». Tel serait en effet, selon son patron, le secret de Permispascher.fr. En 2012, Guillaume Wryk avait d’abord lancé à Lille une société de location de voitures à double commande. Pour 15 à 18 euros de l’heure, les jeunes pouvaient s’entraîner à manier le volant, un conducteur chevronné à leurs côtés. Mais sous la « pression Passer le permis en province est moins cher et long qu’à Paris. Les vacances chez la mamie en Vendée y regagnent du charme du lobby des auto-écoles», croit-il, lalégislations’estdurcie àl’automne 2013. L’accompagnateur doit désormaissuivre uneformationde quatre heures en auto-école. Trop cher: les clients fuient. Pour reconvertir ses voitures à double commande, Guillaume Wryk embauche alors une monitrice d’auto-école, sollicite un agrément préfectoral et lance une autoécole dont l’objectif est de demeurer dans le même ordre de prix. L’heure de conduite à 28 euros vaut produit d’appel: «Elle fait le buzz», reconnaît-il. Pour en bénéficier, il fautsedéciderquinzejoursàl’avance, renoncer à toute possibilité d’échange ou d’annulation, payer d’avance et conduire en journée. « Sinon, on passe à 36 euros de l’heure, précise-t-il. C’est encore 4 ou 5 euros de moins que chez tous mes confrères de la métropole lilloise,quiestpourtantlavilleoùlesheures de conduite sont les moins chères de France. Je tire encore plus les prix vers le bas.» Ce fils de commerçants, qui ne connaissait rien au milieu avant de s’y lancer, ne s’y est évidemment pas fait beaucoup d’amis. «Rien n’avait bougé depuis trente ou quarante ans. Les autoécoles dégagent de grosses marges, forcément. Parce que nous, même sur nos heures à 28 euros, on gagne presque 10 euros!» La répression des fraudes est venue, sans guère trouver à redire. Les moniteurs ne sont pas payés au rabais. Les voitures sont récentes. L’agencesebatpourdécrocherrapidement des créneaux d’examen, où ses candidats ne réussissent pas moins que les autres. En février2011, lorsqu’il a voulu déposer le nom de domaine Permispascher.fr, inspiré du site Partirpascher.com qu’il utilisait pour ses vacances,GuillaumeWrykaconstaté qu’il n’était pas préempté. Voilà qui en dit long, a-t-il pensé. p Pascale Krémer Les pistes pour raccourcir les délais d’attente COMMENT RÉDUIRE l’attente des candidats qui échouent à l’épreuve pratique du permis de conduire? En 2013, les 530000 recalés du premier tour (40 % des candidats) ont dû en moyenne patienter 98jours avant de pouvoir se représenter (12 jours de plus qu’en 2012). Outre les conséquences pour les demandeurs d’emploi, cela oblige à reprendre de coûteuses heures de conduite pour garder la main. Pour fluidifier un système qui s’est engorgé au cours des années 2000, après la disparition du service militaire et l’allongement de la durée de l’épreuve, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avait, en septembre, missionné un groupe d’experts. Dans ses conclusions remises le 22 avril à Bernard Cazeneuve, ce groupe ébauche des pistes pour raccourcir les délais d’attente et repenser le permis dans sa globalité, en proposant notamment la fin du forfait de 20heures de formation obligatoires ou la mise en place de rendez-vous pédagogiques durant la période probatoire après l’obtention du permis. Sur fond de désaccords entre inspecteurs et auto-écoles, la Place Beauvau devrait annoncer bientôt les mesures retenues. « Il ne s’agit pas de distribuer des places à la pelle, en nombre presque infini, com- me le souhaitent les auto-écoles, explique Pascale Maset, secrétaire générale du Snica-FO, syndicat majoritaire des inspecteurs du permis. Plus on distribue de places, plus le taux de réussite baisse car les auto-écoles sélectionnent moins les candidats qu’elles présentent.» Des inspecteurs supplémentaires ? Le ministère a annoncé fin 2013 des mesures d’urgence, dont le rappel d’inspecteurs retraités pour les épreuves théoriques du code, ou le recrutement de 25 inspecteurs supplémentaires. Malgré cela, les 1 267 examinateurs en activité restent en nombre insuffisant. Les experts évaluent entre 80 et 400 les postes supplémen- Une proposition de loi sur la formation aux secours Le Sénat a adopté le 30 avril une proposition de loi prévoyant que les candidats au permis seront formés au secourisme pour savoir réagir en cas d’accident. Ce texte doit recevoir l’aval de l’Assemblée, mais le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, André Vallini, s’est engagé à prendre un décret d’application avant l’été. Cette formation pourrait augmenter le coût du permis. taires nécessaires « en fonction du périmètre d’action qui leur serait confié». « Il ne faut pas rêver, vu le contexte budgétaire, il n’y aura pas d’embauches», prévient Richard Zimmer, du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), qui représente 4 000 des 12 000 auto-écoles françaises. Réduire le temps de l’examen ? Le CNPA suggère – sans que cette proposition ait été retenue dans le rapport – que la durée de l’examen (35 minutes) soit réduite de 3 minutes. « Cela libérerait 150 000 places d’examen sans abaisser le niveau de l’épreuve ni augmenter le temps de travail des inspecteurs, assure M. Zimmer. Ce serait bénéfique pour tous. » Pour le Snica-FO, ce raccourcissement «n’est malheureusement pas possible » car une directive européenne impose 25 minutes de conduite effective. « Les 10 minutes restantes sont incompressibles pour faire le reste, c’est-à-dire deux manœuvres, les vérifications administratives, etc.», souligne Mme Maset. Un examen payant ? Pour financer des postes d’inspecteurs supplémentaires, des représentants d’auto-écoles plaident pour un rétablissement du droit d’examen, supprimé en 1998, suggérant un montant de 35 à 40euros. La France est le seul pays en Europe où les examens du permis sont gratuits. Olivier Gayraud, de la CLCV, estime qu’une telle taxation viendrait «s’ajouter aux frais déjà demandés par les écoles. Le permis va devenir un produit de luxe, réservé aux personnes qui ont de l’argent.» Changer les missions des inspecteurs ? Faut-il déléguer la sur- veillance des épreuves théoriques du code à des agents assermentés ? Le rapport des experts ne tranche pas mais fait valoir que cela libérerait l’équivalent de 80 postes d’inspecteurs. Ces derniers y sont opposés, faisant valoir que « chaque mission qui part vers le privé sera un coût supplémentaire pour l’usager ». Faire baisser le taux d’échec ? Le rapport prône de « faire baisser le stress, facteur d’échec pour un tiers des candidats, tout en valorisant l’ensemble du parcours». Les experts souhaitent aussi valoriser la conduite accompagnée, qui pourrait débuter dès l’âge de 15 ans, contre 16 aujourd’hui. Le code de la route pourrait être enseigné dès l’âge de 14 ans. p François Béguin 0123 france Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 Dix candidats pour l’élection du grand rabbin de France Contrelescontrôlesaufaciès, «arrêtezd’êtrenoir!» Le successeur de Gilles Bernheim, contraint à la démission en 2013, sera désigné le 22juin E ncore sous le choc de la démission forcée du grand rabbin de France, Gilles Bernheim, convaincu de plagiat et de mensonge, il y a un an, les représentants de la communauté juive voteront pour lui trouver un successeur, le 22 juin. Les candidats avaient jusqu’au 30 avril pour se manifester. Pas moins de dix rabbins ont fait acte de candidature pour ce poste à la fois politique et religieux. Un record! Parmi les candidats qui seront départagés par le vote d’un collège de quelque 300 membres, on compte aussi bien des figures incarnant une nouvelle génération, tel Laurent Berros, le rabbin de Sarcelles (Val-d’Oise), 47 ans, que des rabbins déjà connus et impliqués dans la vie institutionnelle juive depuis des années comme Haïm Korsia, aumônier général des armées, ou Bruno Fiszon, grand rabbin de Metz, spécialiste reconnu de l’abattage rituel. A 46 ans, le rabbin Olivier Kaufmann, nommé il y a un an directeur du séminaireisraélitede France, cumule ces deux aspects. Même s’il s’est fait discret au poste de grand rabbin de France par intérim, qu’il a assuré aux côtés de Michel Gugenheim, le grand rabbin de Paris. On compte par ailleurs des rabbins, candidats au grand rabbinat de Paris en 2012, comme Raphaël Banon ou Alain Senior, et d’autres, moins connus, que plusieurs observateurs considèrent comme des « candidatures de témoignage ». Pour certains, la multiplication de ces candidatures suggère une « élection ouverte » et « une forme de dynamisme dans la communauté ». « En se présentant, les plus jeunes veulent montrer qu’ils n’ont pas assez eu la parole du fait d’une certaine concentration des pouvoirs », estime un jeune candidat. Mais cette profusion n’est pas du goût de tous. « Si trop de personnalités rabbiniques s’estiment taillés pour ce poste, on peut se demander si cela ne dévalorise pas la fonction », confie un autre candidat sous couvert d’anonymat. « Cela montre aussi qu’aucune figure ne s’imposedansle mondejuif aujourd’hui», déplore un troisième. Tous les candidats sont issus de l’écolerabbiniquefrançaise,tenante d’un judaïsme orthodoxe. Leur ligne religieuse est donc homogène, même si traditionnellement, l’élu est jugé « trop orthodoxe » par les uns et « pas assez religieux » par les autres. Des nuances peuventapparaîtresur leur approche des sujets de société ou leur Le grand rabbin de France devra redynamiser une vie juive en perte de vitesse dans certaines régions ouverture envers les autres courants du judaïsme – libéral, ultraorthodoxe,loubavitch–, que nombre de juifs de France rallient depuis plusieurs années au détriment des instances purement consistoriales. Attendu sur sa stature intellectuelle et sa capacité à incarner « une voix juive » sur les questions de société, le futur grand rabbin de France devra aussi relever plusieurs défis à l’intérieur de la com- munauté. « Il lui faudra réconcilier les fidèles avec la parole rabbinique, mise à mal par l’épisode Bernheim», estimeun rabbinde province. « Il devra apaiser et offrir à la communautéjuiveune visionpositive de leur vie en France », poursuit un autre. Un climat anxiogène, alimenté par des actes et des paroles antisémites, règne en effet surnombrede communautésà travers la France. Il est accentué par l’importance (discutée) que donnent certains responsables communautaires au départ de quelque 3 000 juifs français en Israël chaque année. Quoi qu’il en soit, le grand rabbin de France devra redynamiser une vie juive en perte de vitesse dans certaines régions. Si les communautés d’Ile-de-France conservent une certaine vitalité, la désaffection pour la pratique religieuse et une baisse des dons n’épargnent pas le judaïsme français, constitué d’environ 500 000 personnes. L’absence de commerces cacher ou d’écoles juives de proximitéconstituentsouventunobstacle au développement de la vie juive. « L’un des enjeux des prochaines années est d’amener dans le giron des communautés ceux qui s’en sont éloignés ou n’y sont jamais venus », estiment nombre de responsables religieux. Un autre sera de toucher les plus jeunes, en développant les formations à l’étudede la Torah.Le grand rabbinde Francedevra aussis’attaquer au dossier sensible, maintes fois évoqué, du marché multiforme de la cacherout (les règles alimentaires), qui finance en partie la vie consistoriale. Suite aux révélations qui ont provoqué la chute de M. Bernheim, le curriculum vitae des candidatssera cette fois scruté à la loupe. « La campagne sera courte, ce qui devrait limiter les polémiques et les boules puantes, qui émaillent régulièrement ce type d’élection », soulignent de bons connaisseurs du milieu. Les campagnes publicitaires payantes, qui avaient fleuri dans la pressejuive lors dela précédente élection, ont été proscrites par le consistoire. « La sobriété devra être la marque de fabrique du futur grand rabbin, juge-t-on dans les instances consistoriales. Il nous faut quelqu’un de sûr, de solide et de populaire. » Capable de tenir durant un mandat de sept ans, renouvelable une fois. p Stéphanie Le Bars UnbailleurHLM condamnépour«fichageethnique» Le tribunal correctionnel de Nanterre a infligé 20000 euros d’amende à Logirep L ’un des plus gros bailleurs sociaux d’Ile-de-France a été condamné, vendredi 2 mai, pour avoir procédé au fichage ethnique de ses locataires. Le tribunal correctionnel de Nanterre a infligé 20000 euros d’amende à Logirep. En revanche, la société anonyme de HLM a été partiellement relaxée des faits de discrimination raciale qui lui étaient reprochés. A l’origine de cette affaire, il y a une plainte déposée en 2005 par SOS-Racisme et par Frédéric Tieboyou. A l’époque, cet homme d’origine ivoirienne vivait avec sa mère à Paris dans un appartement qu’il jugeait insalubre. Souhaitant changer de logement, il avait rem- pli une demande qui avait été adressée à Logirep. La commission d’attribution du bailleur l’avait rejetée en invoquant comme motif la « mixité sociale ». Au téléphone, une salariée de Logirep avait expliqué à M. Tieboyou que son dossier avait été refusé parce qu’« il était d’origine africaine et qu’il y avait déjà assez de Noirs dans la tour » où un appartement aurait pu lui être loué. Analyse discriminatoire L’enquête avait montré que la SA d’HLM conservait des données sur ses locataires faisant apparaître, pour certains d’entre eux, leurs origines raciales ou ethni- ques. Le tribunal, estimant qu’une telle pratique était contraire à la loi, a condamné Logirep. S’agissant de la demande HLM de M. Tieboyou, il est apparu qu’elle avait été écartée notamment parce que celui-ci avait menti sur l’état de son logement parisien et parceque sa mèrecausait des troubles de voisinage. Pour autant, les juges ont considéré que le dossier de M. Tieboyou avait fait l’objet d’une analyse discriminatoire, comme l’indiquent les propos tenus au téléphone par la salariée de Logirep et par l’utilisation de la notion floue de « mixité sociale ». Mais le tribunal a conclu que le bailleurne pouvait pas être crédité 9 de la décision de rejet prononcée par la commission d’attribution. D’où la décision de relaxe partielle pour « défaut d’imputabilité». « C’est absurde, réagit Samuel Thomas, président de la Fédération nationale des maisons des potes. Nous allons faire appel sur cet aspect de la décision qui revient àexonérerLogirepdesa responsabilité. Une commission d’attribution n’est pas distincte de son bailleur.» De son côté, la SA de HLMassure n’avoirsaisi que des donnéesqu’elle était en droit de recueillir et se réserve la possibilité de faire appel de sa condamnation pour fichage ethnique. p Bertrand Bissuel I ls ont voulu « faire la blague» à François Hollande et lui envoyer un avertissement sur ses promesses non tenues. Une quarantaine d’associations, emmenées par le collectif Stop le contrôle au faciès, ont lancé, le 29 avril, une campagne offensive contre les discriminations. Mimant une campagne officielle affirmant que « le gouvernement apporte des solutions», les visuels ont beaucoup tourné sur Twitter et Facebook. On y voit un jeune homme, mains sur la tête, subir un contrôle d’identité sous le slogan « Vous en avez marre d’être contrôlé abusivement? » « Arrêtez d’être jeune! », répond le panneau suivant, montrant le même homme en costume avec une moustache et une perruque grise. D’autres visuels sur les contrôles policiers abusifs (« Arrêtez d’être noir !»), les violences policières (« Arrêtez d’être arabe»), l’interdiction du voile pour les femmes lors des sorties scolaires (« Arrêtez d’être visiblement musulmane») ou encore sur le sexisme (« Arrêtez d’être une femme») sont apparus dans la foulée. Dimanche 4mai, pour la Journée mondiale du rire, la coalition organise une fête pour faire prendre conscience de la violence de ces discriminations. Un atelier de maquillage et déguisement invitera à « arrêter d’être» ce qu’on est: femme, handicapé, musulman, noir, rom, sans-papiers… L’initiative joue sur l’humour mais ses responsables sont remontés. La nomination de Manuel Valls à Matignon a été « la goutte d’eau», lancent-ils unanimement: « On avait compris que le changement n’était pas pour maintenant mais c’est devenu grotesque quand il [le président] a nommé Manuel Valls! », s’indigne Siha- me Assbague, porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, estimant que le premier ministre est celui qui a enterré plusieurs engagements du candidat socialistesur l’égalité des droits. « En refusant ces gestes pour l’égalité, on nous demande encore de nous nier, d’arrêter d’être ce que nous sommes», résume Franco Lollia, de la Brigade antinégrophobie. Exigences Estimant que le président socialiste a gagné grâce aux habitants des banlieues, à ceux des DOM comme aux fils et filles d’immigrés, les responsables associatifs entendent lui rappeler leurs exigences avant la prochaine échéance nationale. « Hollande a fait ses meilleurs scores dans les DOM et le 93. Quand on regarde les municipales, sur les dix villes où le taux d’abstention est le plus fort, neuf sont en Seine-Saint-Denis. Il est temps que la gauche comprenne qu’elle ne peut gagner qu’avec les minorités», insiste Louis-Georges Tin, du Conseil représentatif des associations noires. « Il y a un vrai malaise. Alors avec ce pied de nez, on veut leur dire: “Faut pas pousser mémé dans les orties”, parce qu’on va bientôt arrêter de rire», prévient M.Lollia. Le succès de l’initiative, dans un monde associatif d’habitude morcelé, montre que le sujet est ultrasensible. De nombreuses organisations, comme Jeudi noir, Droit au logement, des collectifs féministes ou de banlieue se sont associés à la campagne. La coalition a rendez-vous avec le nouveau ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve. Amadou Ka, des Indivisibles, l’assure: « On va continuer à pousser. » p Sylvia Zappi « C’est avec une profonde tristesse que je quitte mes collègues parlementaires» Jean-Louis Borloo, ex-président de l’UDI, en proie à de graves problèmes de santé, dans la lettre, datée du 24 avril, adressée au président de l’Assemblée. Il y annonce sa démission du mandat de député du Nord, qu’il exerçait depuis 1993. ALIMENTATION La pêchede moulesd’Arcachon temporairementinterdite La pêche et la consommation de moules en provenance du bassin d’Arcachon (Gironde) sont temporairement interdites en raison de la présence de toxines susceptibles de générer des troubles gastriques, a indiqué vendredi 2 mai la préfecture de la Gironde. Des analyses effectuées par l’Ifremer ont révélé une contamination des moules du secteur du banc d’Arguin par des toxines produites par une micro-algue, la dinophysis, relève la préfecture. Cette mesure d’interdiction, « prise en concertation avec les représentants des organisations professionnelles des pêches», selon la préfecture, sera levée dès que les analyses établiront un retour à la normale. – (AFP.) Drogues Près d’une tonne de cannabis saisie à Saint-Martin Près d’une tonne d’herbe de cannabis a été interceptée mercredi 30avril sur l’île antillaise de Saint-Martin, a annoncé vendredi la direction des douanes. Les douaniers ont découvert, dans un conteneur maritime en provenance des Etats-Unis, 973 kilogrammes d’herbe de cannabis pour une valeur estimée à près de 8 millions d’euros. La drogue pourrait avoir été introduite dans le chargement selon la technique du « rip-off», qui consiste à dissimuler des marchandises de fraude dans un flux commercial à l’insu de l’expéditeur et du destinataire. – (AFP.) 10 culture 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 A Roanne, le rideau tombe sur Abdelwaheb Sefsaf Ledirecteurdu théâtrea été renvoyéparle nouveaumaireUMP,Yves Nicolin,qui estime sonrecrutement«illégal» Théâtre L e 14 avril en soirée, le directeur du Théâtre de Roanne, AbdelwahebSefsaf, a vu deux policiers municipaux sonner à sa porte. C’était la quatrième fois qu’ils passaient, ne l’ayant pas trouvé jusque-là. Ils ne venaient pas pour l’arrêter mais pour lui porter une lettre de la part du nouveau maire, Yves Nicolin (UMP). Une lettre de renvoi. Drôle de méthode et branle-bas de combat dans la petite sous-préfecture de la Loire, où, rue Molière, le théâtre – 1,4 million de budget, 19 000 spectateurspar an – est une institution. Les esprits chagrins auront tort d’y subodorer un délit de faciès (l’homme est un étranger – il vient de Saint-Etienne!) ; ils se tromperont aussi s’ils y voient la tentative de mise au pas d’une structure déficitaire puisque, tous en conviennent, le bilan d’Abdel Sefsaf, en place depuis novembre 2012, est positif : fréquentation, abonnements et subvention en hausse, doublement du nombre de scolaires ; pas plus ne pou- Branle-bas de combat dans la petite sous-préfecture de la Loire, où le théâtre est une institution vait-il s’agir, en envoyant la maréchaussée municipale, de crever un abcèssubversif : « Honnêtement,je n’ai pas fait la révolution… Je n’ai même rien fait de merveilleux, j’ai juste remis les choses au niveau où elles devaient être », s’étonne le comédien. Alors quoi ? Comme dans d’autres communes, la vague bleue des municipales a fait rompre quelques digues. Le champ artistique est devenu pourcertains un champde bataille politique. Yves Nicolin, le député qui a repris aux socialistes la mairie qu’il avait perdue en 2008, balaie la question : « Un nonsujet. » « Je ne vais pas passer mon temps à discuter d’une histoire sur laquelle je suis clair, dit-il. Il y aura un jury pour recruter le successeur de M. Sefsaf en septembre. Il pourra candidater comme n’importe quel autre candidat. La programmation n’est pas remise en cause mais son recrutement a été jugé illégal. » La faute au sous-préfet Jérôme Decours, explique-t-il – précisant : « nommé par la gauche » –, qui a constaté l’illégalité de la nomination du directeur du théâtre. Une histoire de signature de contrat ultérieure à la prise de fonctions, sur laquelle les deux parties se battent aujourd’hui. Une simple question adminis- Abdelwaheb Sefsaf, au Théâtre de Roanne, le 2 mai. BRUNO AMSELLEM/SIGNATURES POUR « LE MONDE ». trative? Quid alors de la campagne électorale du candidat UMP qui prenait le théâtre pour cible ? Et de son entretien avec Abdel Sefsaf le 10 avril, où il lui explique que son statut d’artiste est incompatible avec celui de directeur du théâtre, avant de changer trois jours plus tard de stratégie devant l’absurdité du propos ? La situation est en effet répandue et acceptée partout en France, à commencer par le propre directeur du Festival d’Avignon… Quid enfin de cette mise en scène insensée où des policiers débarquent à quatre reprises pour notifier la chose à l’intéressé ? « C’est plus simple qu’une lettre recommandée », justifie benoîtement l’édile. Défenseur des orphelins (il en a adopté trois, a fondé l’association SOS Orphelinats du monde, et publié un livre d’entretiens), engagé volontaire, statut qu’il porte comme un étendard, l’avocat reste droit dans ses bottes : « J’ai été le premier maire de France à interdire un spectacle de Dieudonné.» Le camp d’en face dénonce, lui, une « droite décomplexée» et une décision électorale clientéliste. Nommé il y a un peu plus d’un an, après appel à candidatures et jury regroupant, comme le veut la loi, des représentants de la ville, de la région et de l’Etat, Abdel Sefsaf ne s’estpas fait quedes amis.Le comédien, qui a tourné un peu partout en France, notamment avec JacquesNichet (quifit partie de labande initiale de la Cartoucherie en 1972), et a obtenu en 2004 le prix Charles-Cros avec Dezoriental, le groupe de musique qu’il a fondé, est arrivé à Roanne avec un cahier des charges précis. Jusqu’ici en effet, une vingtaine d’associations avaient la liberté de programmer chacune, sans supervision, des spectacles. « Or un audit avait montré que la gestion précédente ne remplissait pas les missions d’une scène régionale : pas assezde créations,de coproductions, pas assez de résidences d’artistes et d’actions culturelles dans la vie sociale, rappelle Abdel Sefsaf. Et au final, une programmation pas ou peu assumée par la directri- ce. Il y avait un énorme travail de réformes à faire. C’est vrai que pour cela le calendrier, à un an des élections, était mal choisi.» Anne-Marie Barret avait été nommée par la mairie – socialiste – dans la continuité du précédent directeur dont elle était la collaboratrice. Cette nomination Circonstance aggravante, le directeur joue dans la pièce: «Comment peut-on être juge et partie, il y a là conflit d’intérêts», clamera Yves Nicolin n’avait pas été faite dans les règles, puisque sans appel à candidats ni jury. « C’était une hémorragie, le théâtre perdait son public », affirme un soutien local d’Abdel Sefsaf. « Quand elle a été virée, on n’a pas fait la moitié du foin que l’on fait aujourd’hui»,s’insurgeun associatif. Placardisée à la mairie, cette fonctionnaire ronge depuis son freindansune missionsur l’événementiel et ne cracherait pas sur le fait de retrouver son poste, quand sonmari, lui, préside l’unedes quatre associations « malmenées» qui ont déterré la hache de guerre contre Abdel Sefsaf. Clochemerle: du pain bénit pour Yves Nicolin. Il a donc lancé sa croisade contre Sefsaf cet hiver, lorsque Le Pays roannais, un hebdomadaire local, reprend les propos de trois personnes s’indignant de la programmation au théâtre d’une pièce de l’auteur palestinien Mahmoud Darwich, Quand m’embrasseras-tu ?, mise en scène par Claude Brozzoni. Abdel Sefsaf a pourtant eu la prudence de faire entendre dans la même soirée des mélodies yiddish avec le groupe Les Yeux noirs, peu importe. Circonstance aggravante, le directeur joue dans la pièce : « Comment peut-on être juge et partie, il y a là conflit d’intérêts », clamera Yves Nicolin. « C’est un très bon spectacle, qui a été joué à Paris, à Marseille, partout », s’indigne Anne Meillon, déléguée pour la région du Syndeac,lesyndicatnationaldes entreprises artistiques et culturelles, et directrice adjointe du Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon (qui l’a programmé). Depuis mi-avril, un comité de soutien s’est formé autour d’Abdel Sefsaf. Une pétition a rassemblé plus de mille signatures; le Syndeac et le Groupe des 20, qui réunit toutes les grandes scènes de Rhône-Alpes, se sontmobilisés;Jean-JackQueyranne, le président socialiste de la région, a dit qu’il supprimerait le label scène régionale et sa subvention si le directeur était remercié… « Au fond, toute l’affaire ouvre un débat plus grand sur le rôle des théâtres municipaux, trop souvent considérés comme des joujoux, observe Abdel Sefsaf. Depuis quelques jours, la mairie est silencieuse. Je crois qu’ils sont en train de prendre conscience de la portée réelle de cet acte-là. » Pas sûr. p Laurent Carpentier La «vague bleue» des municipales suscite des inquiétudes dans le milieu culturel APRÈS L’ÉVICTION du directeur du théâtre de Roanne, décidée par le nouveau maire UMP, Yves Nicolin, les professionnels de la culture ont l’œil rivé sur la carte de France. D’autres points rouges y clignotent, avec plus ou moins d’intensité, comme le souligne Madeleine Louarn, directrice du Syndeac, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, qui regroupe la plupart des patrons des établissements de spectacle vivant. « On ne peut pas dresser une liste complète, car certains dossiers trouveront peut-être une issue favorable, au terme d’un “gentlemen’s agreement”. Il faut laisser le temps aux nouveaux élus de prendre leurs marques, certes, mais la situation est préoccupante comme jamais», résume la metteuse en scène de la compagnie de L’Entresort, installée à Morlaix (Finistère). La « vague bleue » des élections municipales de mars, qui a entraîné la victoire de nombreux élus UMP, va-t-elle se traduire par des réductions de subventions dans la culture, voire par une réorientation de la programmation de certaines scènes ? D’ores et déjà, quelques maires ont fait usage de méthodes inédites. C’est le cas à Saint-Etienne. L’Opéra Théâtre de la ville est dans le collimateur du nouveau maire, Gaël Perdriau (UMP). Il dénonce la gestion de l’équipe sortante socialiste, faisant état d’« un trou d’un million d’euros» dans le budget de fonctionnement de l’ Opéra Théâtre. Celui-ci a traversé des turbulences depuis 2008, avec des changements de direction, et des travaux avaient été programmés pour une mise aux normes de sécurité du bâtiment. Mercredi 30 avril, neuf cadres chargés de la culture à Saint-Etienne ont été suspendus dans le cadre d’une enquête administrative ayant pour objet de « graves dysfonctionnements» financiers, et en matière de sécurité, à l’Opéra Théâtre de la ville. « Neuf personnes sont suspendues à titre conservatoire de leurs fonctions pour qu’elles puissent préparer dans la sérénité leurs observations dans l’enquête administrative qui vient d’être ouverte », a déclaré à l’AFP Michel Béal, l’adjoint au maire chargé des ressources humaines. « L’Opéra pour les nuls » Le directeur général adjoint des services de la ville chargé de la culture, le directeur des affaires culturelles et le directeur de l’Opéra Théâtre sont notamment visés par cette mesure. Sollicité par Le Monde, le maire de Saint-Etien- ne n’a pas répondu à notre demande d’entretien. Un bon connaisseur du dossier raconte : « Sur sa page Facebook, Gaël Perdriau a affiché la photo d’un ouvrage intitulé L’Opéra pour les nuls, avec ce commentaire: “Je sais à qui je vais l’offrir.” Quelques heures plus tard, il annonçait la mise à pied de neuf cadres de la ville ! On n’a jamais vu ça… » Dans d’autres villes, il s’agit de remettre en cause les arbitrages de la gauche sortante, ou du moins d’interroger leur pertinence. Ainsi, à Toulouse, le nouveau maire UMP, Jean-Luc Moudenc étudie le dossier de La Machine, compagnie de François Delarozière, mondialement connue avec ses créatures géantes qui déambulent dans les métropoles. Jean-Luc Moudenc s’était opposé aux investissements pour accueillir La Machine dans le quartier Mon- taudran Aérospace. Pour l’heure, François Delarozière et son équipe sont toujours «dans l’expectative ». En banlieue parisienne, l’avenir du Forum du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) est entre les mains de l’UMP Thierry Meignen. «Je redéfinirai la politique culturelle pour que les Blanc-Mesnilois se réapproprient le Forum et [la salle du] Deux-Pièces cuisine », a déclaré le nouvel élu dans la presse locale, au lendemain de son élection. En clair, la programmation du Forum est jugée trop exigeante. Cette scène conventionnée, financée à 75 % par la ville, a accueilli en résidence des artistes, dont certains sont devenus des auteurs emblématiques, tel Emmanuel Demarcy-Mota, actuel patron du Théâtre de la Ville et du Festival d’automne à Paris. Pour l’heure, les discussions entre le patron du Forum, Xavier Croci, et Thierry Meignen seraient constructives. A suivre… Il y a aussi des « happy ends » provisoires, comme à Béthune (Pas-de-Calais). Le nouveau maire, Olivier Gacquerre (Union de la droite), a renoncé à diminuer la subvention de la ville attribuée au festival des arts de la rue Z’arts Up, face à la mobilisation de nombreux artistes. Tout en dénonçant une « cabale ». Joint par téléphone, Olivier Gacquerre explique que son objectif n’était pas de déstabiliser le festival mais de trouver de nouveaux contributeurs. « L’agglomération, mais aussi des partenaires privés, comme les commerçants et les hôteliers, pourraient contribuer au soutien du festival, générateur de tourisme », dit-il. Il aurait donc été mal compris. p Clarisse Fabre 0123 culture Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 11 Une comédie affole le box-office espagnol «Ocho apellidos vascos», d’Emilio Martinez Lazaro, a réuni 7,7millions de spectateurs Cinéma Madrid Correspondance B alayés The Amazing Spiderman 2 ou Noé. Après sept semaines d’exploitation en salles, le film Ocho apellidos vascos (Huit nomsbasques), d’EmilioMartinez Lazaro, est toujours en tête du box-office en Espagne. Avec 46 millions d’euros de recettes et 7,7 millions de spectateurs, cette comédie populaire est devenue le plus grand succès du cinéma espagnoldepuisqu’il existedes statistiques, c’est-à-dire depuis 1996. Il a même dépassé les scores de blockbusters américains comme Titanic. Seul Avatar, de James Cameron, parvient à lui résister. Le film, pourtant, est une comédie sans prétention qui n’a pas fait l’unanimité de la critique à sa sortie. Il raconte l’histoire d’un jeune Andalou, Rafa, interprété par le comique Dani Rovira, qui tombe éperdument amoureux d’Amaia, Un élu nationaliste basque a invoqué cette comédie pour demander au chef du gouvernement de faire des «gestes» envers le Pays basque (ClaraLago),une Basqueau caractère bien trempé en voyage à Séville. Malgré la froideur glaciale d’Amaia, Rafa décide de se rendre au Pays basque pour la conquérir. S’en suit une série de gags fondés sur les clichés régionaux, à la manière d’un Bienvenue chez les Ch’tis teinté de comédie romantique. Comment un señorito andalou, cheveux gominés, discours mielleux et mains baladeuses, parviendra-t-il à conquérir une abertzale (patriote) basque à la peau dure et la frange « coupée à la hache » ? En chemin, il se fera passer pour un Basque, membre d’un commando de l’ETA, et cherchera à conquérir le père de la demoiselle en montrant son pedigree, d’où le titre du film qui fait référence au nombre d’aïeux nécessaire pour se définir comme un vrai Basque… Durant la première moitié du film,les gags se succèdentà un bon rythme. Les dialogues, inspirés, font référence à la culture populaire et télévisuelle espagnole, ce qui le rend difficilement exportable. La satire de la Kale Borroka (émeutes de rue) brise un tabou du cinéma espagnol : se moquer des séparatistes basques de l’ETA. L’annonce du dépôt des armes par le groupe armé, il y a plus de deux ans, n’y est sans doute pas étranger. Le film s’essouffle dans la seconde moitié, perd en impertinence pour tomber dans la guimauve. « C’est une farce, résume le réalisateur Emilio Martinez Lazaro, qui avait déjà remporté un grand succès,en 2002, avecla comédie musicale Del otro lado de la cama (non sorti en France). Le type d’humour est très simple, l’évolution des personnages intéressante et il parle avec esprit de tabous. Il permet une sorte de catharsis.» Véritable phénomène social, le film s’est même immiscé dans les débatsau Sénat, où un élu nationaliste basque, Jokin Bildarratz, a invoqué,le 23 avril,cette « magnifique comédie » pour demander au chef du gouvernement de faire, comme Rafa lorsqu’il essaie d’apprendre l’euskera, des « gestes » envers le Pays basque. « Son succès est compréhensible, affirme de son côté le critique de cinéma Jordi Costa, malgré une opinion mitigée sur le film. Il arrive au moment opportun. L’ETA ne tue plus, l’opinion publique est immergée dans les polémiques sur les processus d’autodétermination en Catalogne ou au Pays basque, et le sujet des préjugés culturels est à la mode.» Les scénaristes, les Basques Borja Cobeaga et Diego San José, se sont déjà distingués sur le terrain de l’humour régional. Ils ont écrit les sketches de « Vaya semanita », un programme humoristique diffusé sur la télévisionpublique basque ETB, dont l’objet était de pratiquer l’autodérision et de caricaturer les Basques, y compris de l’ETA, sans entrer sur le terrain de la critique idéologique pour se contenter d’une satire des mœurs, comme dans le film. « On imaginait que cela aurait un certain succès parce qu’il y avait une grosse machine promotionnelle derrière, mais pas à ce point, explique M. Cobeaga, qui dit s’être Rafa (Dani Rovira), un jeune Andalou, est amoureux d’Amaia (Clara Lago), une Basque au caractère bien trempé. LAZONAFILMS, KOWALSKI FILMS, TELECINCO CINEMA davantage inspiré du film américain Mon beau-père et moi, avec Ben Stiller et Robert de Niro, quede Bienvenue chez les Ch’tis, de Dany Boon. « J’espère seulement que l’industrie ne va pas se mettre à ne faire que des comédies régionalistes», ajoute-t-il. Actuellement à San Sebastian, M. Cobeaga commence le tournage de son prochain film comme réalisateur, une comédie lowcost «minimalisteetpersonnelle », financée par la région, comme il s’en fait de plus en plus depuis le début de la crise – ce qui n’est pas sans provoquer d’ailleurs la polémiquesur unrisquede démantèlement de l’industrie. Le succès d’Ocho apellidos vascos, film au budget moyen, contredit cette thèse, et chacun tente de décrypter, dans l’espoir de le reproduire.AlahaussedelaTVAculturelle, passée de 8 % à 21 % en 2012, se sont ajoutés, ces deux dernières années, une diminution importantedessubventionspubliquesetsurtout l’assèchement des canaux traditionnels de financement des films, avec la fermeture des crédits par des banques mal en point depuis l’éclatement de la bulle immobilière. Résultat : le nombre de longsmétrages ne cesse de diminuer (de 151 en 2011 à 126 en 2012, les chiffres de 2013 n’étant pas encore disponibles) et moins de 25 % d’entre eux connaissentunevéritableexploitation en salle. Des salles ferment. Le budget moyen des films est passé de 3 millions d’euros avant la crise à 1,6 million en 2013, selon la confé- Chaillot en long, en large et en travers Daniel Dobbels nous invite à une exploration du fabuleux théâtre Danse C onnaître le Théâtre de Chaillot, à Paris, comme sa poche, relève d’un travail de titan ou de… fourmi. Mi-l’un, mi-l’autre, le chorégraphe et écrivain Daniel Dobbels, en résidence dans ce lieu historique inauguré en 1937,l’a arpenté, observé,humé, hanté, pour en nourrir son spectacleEntrelesécransdutemps, àl’affiche les 6 et 7 mai. « Ma mission était de réenchanter ce théâtre immense, murmure-t-il rêveur. Ce que j’ai tenté de faire. Le résultat rend compte de cette expérience souterraine menée dans Chaillot. » Mais par où commencer ? Avec ses 25 000 mètres carrés, ses six étages, ses escaliers et ses ascenseurs (la scène est située au 4e soussol), Chaillot est un labyrinthe monstrueux, un antre magique, recelant des trésors picturaux signés EdouardVuillardouMaurice Denis. Pas étonnant que la figure d’Orphée, chère à Daniel Dobbels, y apparaisse au gré des masques néoclassiques accrochés en différents endroits. Elle a servi de guide secret au chorégraphe, qui a conçu une série de douze performances dans des espaces rarement fréquentés. L’immense escalator, « le plus long et le plus ancien d’Europe » selon Dobbels, a été le décor d’un pas de deux. La fresque La Pastorale de Pierre Bonnard, sidérante échappée printanière, « tellement troublante qu’on pourrait rester devant et oublier d’entrer dans le théâtre », a veillé sur un solo. Une balade dans ces lieux énigmatiques et saisissants introduirale spectacleoù sont aussi projetés des films en noir et blanc spécialement réalisés par le cinéaste et plasticien Alain Fleischer. Fantômes Au gré de cette imprégnation, enrichie d’une recherche documentaire minutieuse, Daniel Dobbels a croisé quelques fantômes qui ne le quittent plus. Jean Vilar (1912-1971) et Maria Casarès (1922-1996)viennenten têteducortège. Leurs voix, dans des extraits de Richard II et de MacBeth de Shakespeare,celle de Casarèsdansl’Or- phée de Jean Cocteau, accompagnent les neuf danseurs de Entre lesécrans du temps. « La dansehérite de cette mémoire du lieu et de toutes les histoires, glisse le chorégraphe. Il s’agit de tenter de traduire, à travers elle, ces voix et ces silences, d’en relancer les présences et les absences.» L’année de l’ouverture du Théâtre de Chaillot a aussi suscité chez Daniel Dobbels une réflexion de fond sur l’état de guerre et la danse. « En 1937, l’Exposition universelle dresse face à face, juste en bas du Théâtre de Chaillot, le Pavillon allemand et le Pavillon soviétique, rappelle-t-il. Une vision d’un corps armé. Corps de cristal d’un côté, corpsde marbredel’autre, totalitaire dans les deux cas. » Et de mettre en balance celui, écorché, peint par Picasso dans Guernica, qui ornait la même année le Pavillon espagnol. Entre ces images, dont les multiples couches irriguent ces « mémoires dansées rêvées » du Théâtre de Chaillot, Daniel Dobbels revendique aussi la danse comme un art pacifique. p Rosita Boisseau dération des producteurs de l’audiovisuel espagnol, Fapae. Dans le même temps, les recettes ont chuté de près de 25 % (500millions d’euros en 2013, dont 70 millions par des films espagnols). « Grâce à ce film et d’autres très attendus,lapart demarchédu cinéma espagnol va augmenter, de 13 à à 27 ou 28 % cette année, assure Ramon Colom, président de la Fapae. Grâce à la Fête du cinéma et au Jour du spectateur [un tarif réduit appliqué les mercredis], nousavonsredécouvertquele spectateur aime le cinéma. Ce succès peut convaincre les banques, les grands patrimoines et les télés d’investir davantage dans le 7e art. » Le cinéma a connu une augmentation de 30 % du nombre de spectateurs sur le début de l’année et de 12 % en recettes. Pour Telecinco, propriété du groupe italien Mediaset, qui a coproduit le film, il faut cependant rester prudent. « Ce succès risque de donner une image fausse de la santé du cinéma espagnol qui se trouve dans une situation assez critique, souligne le producteur et directeur de Telecinco cinema, Ghislain Barrois. Mais il va donner confiance au secteur et apporter une bouffée d’oxygène aux salles qui vont très mal.» Pour Mediaset, l’affaire est en tout cas rentable. « Le film a coûté plus de 10 fois moins cher que Lo Imposible, de Juan Antonio Bayona [qui avait coûté 30 millions d’euros]. Avec son budget, on ne pourrait même pas faire un téléfilm en France », se félicite M. Barrois, un Français, installé depuis vingt ans à Madrid. Pour la promotion, la chaîne a sorti l’artillerie lourde. « Nous ne sommes pas limités comme en France et on peut faire des campagnes colossales sur 6 de nos 8 chaînes à la fois », ajoute le directeur. Une suite est en route, qui devrait voir les personnages du film partir enCatalogne,oùle sentimentindépendantiste est au plus fort… p Sandrine Morel 12 0123 culture & styles Gastronomie Sur l’île de Beauté, il est possible de goûter dans leur simplicité jambonsprisuttu, GALERIES Ramuntcho Matta Galerie Anne Barrault Difficile d’être artiste quand on est le fils de Roberto Matta, l’une des figures du surréalisme. Ramuntcho Matta, né en 1960, y réussit néanmoins sans rien prendre à son père, si ce n’est peut-être parfois un certain usage des couleurs en nuages et brumes, que traverse le trait de son dessin. Cette ligne fait apparaître monstres burlesques et humains désarticulés. La plupart d’entre eux paraissent inquiets, obsédés par des questions sans réponses, dont celle du temps. Comment le définir ? « No Shit » (2014). GALERIE ANNE BARRAULT Qu’en faire ? Comment le perdre et le retrouver ? Sur ce dernier point, Ramuntcho Matta, qui est autant cinéaste que peintre et musicien, a trouvé une belle réponse, les courtes vidéos qu’il nomme Perles du temps. S’y succèdent des fragments de rencontres et de conversations, un hommage à Chris Marker, des fondus enchaînés d’images qui Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 brocciu, miel du maquis, vins blancs de Patrimonio… Petit tour gourmand glissent vers l’abstraction. Sans pathos, avec légèreté, subrepticement presque, elles évoquent les amitiés et découvertes dont sont faites la vie et l’œuvre de l’artiste. p Philippe Dagen L’usage du temps. Galerie Anne Barrault, 51, rue des Archives, Paris 3e. Tél. : 09-51-70-02-43. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 17 mai. François Morellet Galerie Kamel Mennour Un conseil : attendez qu’un rayon de soleil s’impose dans le ciel parisien avant de partir découvrir les abstraites facéties de François Morellet. Ce sont les jeux de la lumière naturelle qui révèlent au mieux cette valse de monochromes blancs: des toiles immaculées, qui s’affolent en trio en composant toutes sortes de motifs et rappellent combien le délicieux octogénaire reste inventif. Superposées, bousculées, parfois juste agrémentées de lignes noires, elles répondent joliment aux carrés de lumière découpés par les lucarnes de la galerie rue SaintAndré-des-Arts. Si les nuages persistent, réfugiez-vous plutôt dans l’autre espace de Kamel Mennour, rue du Pont-de-Lodi. Irradié, lui aussi, mais à coups de tubes fluorescents. Une passerelle érigée par le plasticien Tadashi Kawamata invite à flotter au cœur d’une nuée de néons. Comme une mise en espace de la série de tableaux de Piet Mondrian intitulée Pier and Ocean (1915), à qui Morellet rend ici un hommage éclatant. p E. L. C’est n’importe quoi ? Galerie Kamel Mennour, 47, rue Saint-André-des-Arts et 6, rue du Pont-de-Lodi, Paris 6e. Tél. : 01-56-24-03-63. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 17 mai. Kamelmennour.com La Corse aux mille saveurs Bastia (Corse) L e grand péché de la cuisine, c’estlaluxure,la sentimentalité, les fleurs (de rhétorique s’entend) », prophétisait Joseph Delteildans son indispensableCuisine paléolithique (1964). Ainsi donc, pour se purifier le palais et revenir aux sources de la cuisine brute (comme il existe un art brut), rien de tel, une fois l’an, qu’une petite cure de jouvence en Corse. Goûtés dans leur simplicité native,ses meilleursproduitsfascinent toujours par leur puissance, leurs parfums, leur caractère et, surtout, leur pouvoir de nous relier instantanément à une nature qui répond aussi bien au besoin de notre imaginaire qu’à celui de nos entrailles. Fin avril, la crème des artisans du terroir corse était réunie à Bastia, dans les jardins du Palais des gouverneurs.Au milieudes citronniers, nous y avons découvert une poignée de personnages mus par la passion, mais conscients de n’être que la crête d’une vague dont la base, hélas, demeure polluée par les contrefaçons et les pièges à touristes… Ainsi que le résume Nicolas Mariotti Bindi (nouveau prodige de la viticulture corse, dont les vins blancs de Patrimonio égalent déjà, par leur soyeux et leur profondeur, les meilleurs hermitages de la vallée du Rhône) : « La Corse possède un potentiel exceptionnel. Notre nature est saine et protégée,épargnéepar les pesticides. Terroirs, climat, savoir-fai- Un denti au restaurant La Gaffe, à Saint-Florent (Haute-Corse). PASCAL DOLÉMIEUX POUR « LE MONDE ». re, talents… Nous avons tout pour faireles meilleursproduits du monde. Seule manque la volonté ! ». Dans ses vignes encore jeunes, plantées au pied du monte Sant’Angelo, dont la masse calcaire plonge dans la mer, Nicolas rêve de produire, dans les dix ans qui viennent, des vins rouges intenses et frais, 100 % nielluccio, aux parfums de fruits noirs et de tomates séchées, qui n’auront rien à envier aux plus prestigieux sangiovese de Toscane ! S’il est un mets corse qui se marie bien avec les vins de Patrimonio, c’est le jambon. Sur l’île, on vend plus de « jambons corses » qu’on n’en fabrique réellement, la plupart des porcs utilisés provenant du continent (de Bretagne et d’Europe de l’Est). L’AOC, seule capable de défendre l’authenticité de ce produit, n’a été créée que très tardivement, en janvier 2014 ! Une victoire pour Antoine Poggioli et Sébastien Mariani, militants de la première heure, dont le jambon 100 % corse (Prisuttu) est une merveille fabriquée à Ucciani, Fin avril, la crème des artisans du terroir corse était réunie à Bastia, dans les jardins du Palais des gouverneurs en Corse du Sud, à partir de porcs de race nustrale reconnaissables à leur petite taille, leurs pattes fines, leur groin allongé et leurs oreilles tombantsur le museau…Croissance lente, orge, maïs, glands et châtaignespour toute nourriture, dixhuit mois d’élevage en liberté sur un espace immense, pas d’engraissement… L’abattage a lieu en décembreet le salage se fait à froid, sans additifs. Les jambons sont alors enduits de saindoux et de farine de riz pour éviter qu’ils ne sèchent trop. Après dix-huit mois d’affinage, ils sont d’un beau rouge caramel, moelleux, fins et fondants. L’honneur de la Corse. Philosophe et poète, Daniel Sabiani élève quant à lui ses chèvres corses à longs poils dans le maquis sur la commune de Galeria, au sud de Calvi (Haute-Corse). Incroyablement parfumés, après avoir été affinés quatre mois, ses fromagesà pâtemolle sont undélice qu’il faut déguster simplement, avec de la confiture de figue. « Mes chèvres passent leurs journées à brouter les herbes du maquis. Elles vivent dans leur environnement naturel. Le soir, elles rentrent toutes seules à la bergerie. Je leur fiche une paix royale, c’est pour ça que leur lait est si bon ! », s’exclame-t-il en riant. Daniel Sabiani n’emploie de surcroît aucun ferment lactique de laboratoire, seule la présure provoque le caillage. « Avec des ferments naturels, les fromages se conservent beaucoup plus longtemps, jusqu’à un an et demi, et offrent un goût fleuri inimitable. » Son fabuleux brocciu, fabriqué de janvier à juillet à partir du petit lait chauffé doucement de 50 à 80 degrés,est aussi un trésor qui a inspiré la première AOC corse en 1986. A déguster frais avec un trait d’huiled’olive du domainede Marquiliani (aux arômes d’amandes fraîches), une cuillère de miel du maquis de Pierre Carli (à Patrimonio) et, surtout, quelques filaments du merveilleux safran corse d’Anne Nocera, que l’on aura fait infuser au préalable dans un peu de lait ou un jus de citron… Historienne de formation, cette femme s’est prise de passion pour la route des épices avant de se lancer dans la culture du safran en 2009,au hameaude Sarrola-Carcopino, non loin d’Ajaccio. « Le climat et le terroir corses sont favorables au crocus qui n’a pas besoin de beaucoup d’eau l’été et fleurit au mois d’octobre », observe-t-elle. C’est avant le lever du soleil qu’Anne Nocera récolte ses belles fleurs de couleur mauve, à la main, genou à terre, avant d’en extraire les stigmates. 600 grammes par an seulement pour un petit hectare ! Anne n’est pas seulement fière de son produit, elle l’est aussi de sa qualité d’agricultrice : « En cultivant ma terre, je perpétue un savoir-faire,je défricheet je faisbarrage à l’urbanisation qui est le danger numéro un ici. » Séché à la perfection (ni étuvé ni brûlé), son safran est d’un beau rouge sang, très parfumé, enivrant. Pierre Geronimi, glacier à Sagone, s’en est emparé pour créer une glace digne de Shéhérazade. Au dessert, le calisson de MarieOdile Cherchi est un petit bijou sur lequel Eric Briffard, le chef du George-V, à Paris, a jeté son dévolu, en le proposant en fin de repas à ses clients. Basée à Borgo, près de Bastia, Marie-Odile évoque ces dentellières d’autrefois qui travaillaient chez elles, entre l’horloge et la cheminée…Sescalissonstendres,moelleux et peu sucrés, elle les fabrique seule, avec des amandes corses (plusparfumées,grassesetcompactes que celles d’Espagne ou de Pro- vence)et des agrumes de son jardin qu’elle confit elle-même dans des bassines en cuivre. Marié à celui de l’amande, le goût naturel du fruit est d’une délicatesse inouïe et reste en bouche longtemps. Pour déjeuner ou dîner, il faut se rendreau petitport de Saint-Florent situé tout près de Patrimonio. A deux pas du bateau de pêche qui le fournit chaque jour, le restaurant La Gaffe offre une carte des vins sensationnelle, conçue pour épouserlesmeilleurspoissonssauvages du golfe de Saint-Florent. Denti, saint-pierre, pageot, mérou, chapon, daurade, rouget, langouste, oursin et araignée de mer arrivent ici encore frétillants et brillants. Mais il faut surtout goûter le corb, un poisson rare et délicieux, à la chair tendre, ferme et juteuse à la fois, qui, simplement grillé avec des graines de coriandre et d’anis, se marie à la perfection avec les grands vins blancs de Patrimonio (24,50 euros le menu). Si vous allez en Corse cet été, frappez donc aux bonnes portes : on vous ouvrira ! p Emmanuel Tresmontant Adresses Nicolas Mariotti Bindi Lieu-dit Pastoreccie/Porcellese 20232 Poggio-d’Oletta Tél. : 06-12-05-24-59 U-Porcu Neru Antoine Poggioli et Sébastien Mariani 20133 Ucciani Tél. : 04-95-52-86-78 Daniel Sabiani Bergerie de Fugliaccia 20245 Galeria Tél. : 04-95-62-01-37 Domaine de Marquiliani (huile d’olive) 20270 Aghione Tél. : 04-95-56-64-02 Pierre Carli Apiculteur à Patrimonio Tél. : 06-17-03-44-28 Anne Nocera Route du Pantano 20167 Sarrola-Carcopino Tél. : 06-03-31-39-40 Marie-Odile Cherchi Tél. : 04-95-30-74-08 Restaurant La Gaffe Port de plaisance 20217 Saint-Florent Tél. : 04-95-37-00-12 0123 en vente actuellement K En kiosque Ÿ$ )KÁË$º zɾ ýÁKË&¾ @²@Ë$Í$˺¾ šK÷¾¾KË($¾• GKǺ<Í$¾• "÷KËBK÷ìì$¾• ÍKÁ÷Ký$¾• KËË÷²$Á¾K÷Á$¾ &$ ËK÷¾¾KË($ .²÷¾ &$ &@(>¾• Á$Í$Á(÷$Í$˺¾• Í$¾¾$¾• (ÉË&Éì@KË($¾• úÉÍÍKý$¾• KËË÷²$Á¾K÷Á$¾ &$ &@(>¾• ¾É¶²$Ë÷Á¾ )ÉììÉĶ$¾• (ÉË"@Á$Ë($¾• ¾@Í÷ËK÷Á$¾• ºKGì$¾}ÁÉË&$¾• ÇÉÁº$¾}ɶ²$Áº$¾• "ÉÁ¶Í¾• óɶÁË@$¾ &L@º¶&$¾ Hors-série ‚ɶº$ËKË($¾ &$ Í@ÍÉ÷Á$• ºú>¾$¾• ©&…{ °‰Çɾ÷º÷É˾• ²$ÁË÷¾¾Ký$¾• ¾÷ýËKº¶Á$¾• ì$(º¶Á$¾• (ÉÍͶË÷(Kº÷É˾ &÷²$Á¾$¾ ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» Décès Hors-série Edith, son épouse, Marie-Lorraine, Leslie et Laura, ses filles, Pablo, son petit-fils, Janine Enoch, sa sœur, Danièle, Christian, Judith et Alexis Maillard, ses nièce, neveu, petite-nièce et petit-neveu Ainsi que toute la famille, Hors-série ont la tristesse d’annoncer le décès de Jan-Claude ASTRUC, ingénieur SUPAERO, ancien directeur de la SOFMA, chevalier de la Légion d’honneur, survenu le 21 avril 2014, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. 18, avenue Robert-Schuman, 92100 Boulogne. 7 matières pour réussir votre bac Collections --------------------------------------------------------- Le docteur Raouf Ben Brahem, son époux, Le docteur Cedrik Ben Brahem, son fils, Théo et Maxime, ses petits-fils, ont la douleur de faire part du décès de Mme Josette BEN BRAHEM, dite ALIA, journaliste, écrivain, ancienne présidente du jury du Prix Albert Londres, survenu à Perpignan, le 1er mai 2014. L’inhumation aura lieu le mercredi 7 mai, à 11 heures, au cimetière du Montparnasse, boulevard Edgar Quinet, Paris 14e. Cet avis tient lieu de faire-part. 169, rue de Rennes, 75006 Paris. Dès mercredi 30 avril, le volume n° 3 LA MULE DU COACH de D. Sylvain, illustré par J-P Peyraud 0123 Depuis le mercredi 30 avril 2014, notre vie est bouleversée, Jean CZARNY, est décédé. Il nous a impressionnés par sa force de vie et sa sérénité qui nous ont portés jusqu’au bout. Dès mercredi 30 avril, le volume n° 15 LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN Nos services -------------------------------------------------------------Lecteurs K Abonnements Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min) www.lemonde.fr/abojournal K Boutique du Monde 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28 Professionnels K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47 13 carnet Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 Mireille Czarny, sa femme, Marion Czarny Smith et Patrick Smith, Romain Czarny et Stéphanie Gruser, Julia Czarny et Laurent Cerisola, ses enfants, Charlotte, Tristan, Mathilde, Elisa, Neil, Noémie, ses petits-enfants, Rosette Bénière, sa sœur, Paul et Betty Felenbok, sont profondément tristes, mais heureux d’avoir eu la chance de vivre à ses côtés, homme gentil et aimant. Nous pensons à ses parents, Jankiel et Mala, et à son frère, Henri, morts en déportation en 1942. Ses obsèques auront lieu le mardi 6 mai, à 10 h 30, au cimetière de Malakoff, 33, boulevard de Stalingrad (Hauts-deSeine). Pas de fleurs. Mireille Czarny, 18, rue Henri Marrou, 92290 Châtenay-Malabry. Lionel et Martine, Bernard et Isabelle, Sophie et François, Sabine, Hortense, Caroline et André, ses enfants, beaux-enfants et neveux, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants Et ses petits-neveux, Dominique Truchy, son frère, ont le chagrin de faire part du décès de Mme Jacqueline CARTIER-BRESSON, née TRUCHY, survenu le 24 avril 2014, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Un ultime hommage lui a été rendu à Pianottoli-Caldarello (Corse), le 2 mai 2014. Une messe sera célébrée en l’église Saint-Merri, à Paris 4e, le mercredi 14 mai, à 18 heures. Lionel Paillard, 60, boulevard de Clichy, 75018 Paris. Bernard Cartier-Bresson, 106, chemin de la Désirée, 78520 Saint-Martin-La-Garenne. M. et Mme Laurent Danon-Boileau, son fils et sa belle-fille, M. et Mme Michel André, sa fille et son gendre, David et Audrey, Quentin et Juliette, Clémence et Timothée, Eloi, ses petits-enfants, Thalia et Leyla, Charlotte et Eloïse, ses arrière-petites-filles, ont la profonde tristesse de faire part du décès de leur père, grand-père et arrièregrand-père, le docteur Henri DANON-BOILEAU, Forces françaises libres, ancien de la 2e DB (régiment de marche du Tchad), officier de la Légion d’honneur à titre militaire, médaille militaire, croix de guerre 1939-1945 avec palme, médaille de la Résistance, survenu à son domicile parisien, le 1er mai 2014, dans sa quatre-vingt-seizième année. L’inhumation aura lieu le lundi 5 mai, à 16 heures, au cimetière d’Aulnay-laRivière. 34, quai de Béthune, 75004 Paris. Le conseil d’administration, La direction générale Et l’ensemble du corps médical et pédagogique de la Fondation santé des étudiants de France, ont la tristesse de faire part du décès du docteur Henri DANON-BOILEAU, survenu le jeudi 1er mai 2014, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Pionnier de la prise en charge institutionnelle des jeunes étudiants et adolescents souffrant de pathologies psychiatriques, associant soins et études, il a créé à Sceaux, en 1956, la clinique Dupré, premier établissement psychiatrique de la Fondation Santé des Etudiants de France Il n’a pas cessé, depuis, de nourrir avec passion la réflexion psychanalytique sur la santé des adolescents. La Fondation santé des étudiants de France présente à ses enfants et à sa famille ses plus sincères condoléances. Blandine Charrel, directeur, Le docteur Georges Papanicolaou, coordinateur médical, La communauté médicale, L’ensemble des personnels de la clinique Dupré, ont la très grande tristesse de faire part du décès du docteur Henri DANON-BOILEAU, survenu le jeudi 1er mai 2014, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Ancien chef de clinique de la Faculté de Paris, psychanalyste titulaire et membre honoraire de la Société pychanalytique de Paris, le docteur Henri Danon-Boileau a été le premier médecin-chef d’établissement de la clinique Dupré en 1956 qui a accompagné la reconversion vers la psychiatrie et y a introduit l’intelligence psychanalytique dans la prise en charge hospitalière des adolescents et la pratique de la psychothérapie psychanalytique. Il avait inauguré en 2012 le centre de psychanalyse pour adolescents et jeunes adultes qui porte son nom, au sein de Dupré. Il nous a marqués par sa profonde humanité. Nous présentons à ses enfants et à sa famille nos plus sincères condoléances. Etrembières. Machilly. Brens. Guy Valère Marie DEMENGE, dit « Melchior », né le 6 janvier 1929, alpiniste, guide de haute montagne, grand voyageur, antiquaire, décorateur, architecte, archéologue et anthropologue, est parti pour son dernier bivouac, le 6 avril 2014. Ceux qui l’ont aimé sont les bienvenus à Saint-Martin-Vésubie, les 13 et 14 septembre, pour son ultime ascension (pour informations, contacter ses enfants ou le bureau des guides de Saint-MartinVésubie). La direction générale Et les collaborateurs d’IFP Energies nouvelles (IFPEN), ont la tristesse de faire part du décès de Louis DENY, ancien administrateur d’IFPEN et membre du conseil d’administration de la Fondation Tuck et présentent à ses proches leurs sincères condoléances. Vincent et Elsa Ferrandini, ses enfants, Nathan Ferrandini, son petit-fils, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Anne FERRANDINI, née LEBRET, survenu le 1er mai 2014. Un hommage lui sera rendu le mercredi 7 mai, à 13 h 30, au funérarium du cimetière du Père-Lachaise, 7, boulevard de Ménilmontant, Paris 11e. 9, rue Sonia et Robert Delaunay, 75011 Paris. Frédérique et Pascal Jacob, ses parents, Sonia Jacob, sa sœur, Clément Jacob, son frère, Nine Jacob, sa nièce, Mme Henri Jacob, Mme Jean-Jacques Galey, ses grand-mères, Ses oncles et tantes, Ses cousins et cousines, Les familles Jacob, Galey et alliées Les équipes professionnelles qui l’ont accompagné et soigné, Ses amis, ont la grande tristesse d’annoncer la mort de Romain JACOB, le mercredi 30 avril 2014, dans sa vingt-neuvième année. « Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire. » Une messe sera célébrée en l’église Saint-Séverin, à Paris 5e, le mardi 6 mai, à 10 h 30. Une cérémonie aura lieu le même jour, avant l’inhumation, à 16 heures, en l’église de Saint-Piat (Eure-et-Loir). Ni fleurs ni couronnes. Nous vous proposons en l’honneur de Romain de faire un don à La Fondation Internationale de la Recherche Appliquée aux Handicaps (FIRAH), 14, rue de la Tombe-Issoire, 75014 Paris ou à l’association Passe R aile, 45, rue du Bois-de-la-Garenne, 77700 Magny-le-Hongre. 57, rue Saint-Jacques, 75005 Paris. 9, avenue de la Gare, 28130 Saint-Piat. Colette Meimon, Marc et Georgia Meimon, Jean et Monette Meimon, ses enfants, Julien, Serge, Aurélie et Adriana ses petits-enfants, Joseph, Alma et Rose, ses arrière-petits-enfants, Ses cousins et cousines, ses neveux et nièces Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Elsa MEIMON, survenu le mercredi 30 avril 2014, dans sa centième année. Les obsèques auront lieu le lundi 5 mai, à 14 heures, au Cimetière Monumental de Rouen. Elle reposera aux côtés de son époux, Roger MEIMON, décédé le 25 Avril 1982. La levée de corps aura lieu à 10 heures, à la Maison funéraire, 7, boulevard de Ménilmontant, à Paris 11e. Valérie Cazade, Laurent Bouffandeau, ses enfants de cœur, Cathy Leve, Ses petits-enfants, sont orphelins avec la disparition de Roger MARIANI, « Gé », le vendredi 18 avril 2014, à Abidjan, à quatre-vingt-neuf ans. Il a été inhumé à Luri, Ile de Beauté, auprès des siens. Riposa in pace. Grenoble. Saint-Pierre de Chartreuse. Clichy. Nicole Millier, Jean-Pierre Millier et Monique Valbot, Valérie Millier et Laurent Mérindol, Jean-Pol Millier, Jean-François, Elsa, Lola Rothschild Et toutes leurs familles, Les familles Tria et Dumouchel, ont la douleur de faire part du décès accidentel de Laurent MILLIER, à l’âge de cinquante-trois ans. La cérémonie aura lieu le lundi 5 mai 2014, à 9 heures, au centre funéraire de La Tronche (Isère). Ni fleurs ni plaques. Dons possibles aux « Papillons de Charcot » , soutien autour de la maladie de Charcot (8, rue Louise-Drevet, 38000 Grenoble.) Mme Béatrice Dansette, Mme Laurence Mouton, Mme Alix de Lorgeril (†), ses filles, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants, Comtesse Yves de Faletans, sa sœur Et toute la famille, ont la très grande douleur de faire part du décès de Dany et Jean Delahousse, Chantal et Jean-Marie Appé, ses filles et ses gendres, Mathieu, Alexis, Delphine et Raphaëlle, ses petits-enfants, et leurs conjoints, Ses huit arrière-petits-enfants, Ses amis, en particulier Odette Ratier, Les familles Legrand et Vallette, ont la grande tristesse d’annoncer la disparition de Isabelle-Yvonne VALLETTE, née LEGRAND, survenue le mercredi le 23 avril 2014, dans sa quatre-vingt-dixième année. La cérémonie d’adieu aura lieu le mardi 6 mai, à 14 heures, au crématorium du Cimetière Monumental de Rouen. Ses cendres seront déposées au cimetière de Radepont (Eure), son village natal. Anniversaires de décès Il y a trente-six ans, Henri CURIEL, militant anti-impérialiste et « médiateur de la paix » dans le conflit israélo-palestinien était abattu à Paris. Les auteurs et le commanditaires de cet assassinat restent encore impunis. Sa famille et ses amis exigent toujours que justice soit faite. Maurice SALAT BAROUX nous a quittés il y a cinq ans, il est toujours présent dans nos cœurs. Ceux qui l’ont aimé auront une pensée pour lui le 5 mai 2014. M. Roger MOUTON, survenu à Paris, le 29 avril 2014, dans sa quatre-vingt-dix-huitième année. La cérémonie sera célébrée le mercredi 7 mai, à 15 heures, en l’église SaintFrançois-Xavier, Paris 7 e , suivie de l’inhumation dans l’intimité familiale. Ni fleurs ni couronnes. 14, rue Gorges-Ville, 75116 Paris. 44, rue de la Voûte, 75012 Paris. Marie-Thérèse, son épouse, Ses enfants, ont la tristesse d’annoncer le décès de Philippe MUNCK, survenu le jeudi 1er mai 2014, l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Il a fait don de son corps à la médecine. Nicole Battefort Perrin, son épouse, Anne et François Perrin, ses enfants, Lucie et Paul Alexandre, ses petits-enfants, Monique Grenot, ont la tristesse de faire part du décès de Bernard PERRIN, professeur à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, officier dans l’ordre des Arts et des Lettres, survenu à Troyes, le 29 avril 2014, dans sa soixante-dix-huitième année. La cérémonie religieuse a eu lieu dans l’intimité familiale, en Sologne. Une messe à son intention sera dite le mardi 13 mai, à 12 h 15, en l’église Saint-Germain-des-Prés, Paris 6e. Souvenirs Nous ne les oublions pas, Emmanuel ROBLES, Oran, 4 mai 1914 Boulogne, 22 février 1995, Paulette ROBLES, née Puyade, Oum el Bouaghi, 10 novembre 1917 Boulogne, 7 mai 1974, Paul ROBLES, Alger, 25 août 1942 Alger, 15 avril 1958. robles.macek.jacqueline@gmail.com Le 5 mai 2005, décès accidentel de Jean-Marie STRUB. Georges. Colloque Colloque sur les « Modèles de la Rationalité et la Crise Economique », en salle Dussane, de l’Ecole normale supérieure 45, rue d’Ulm, Paris 5e, le 8 mai 2014, de 9 h 30 à 18 heures et le 9 mai, de 9 heures à 12 heures. Avec la participation de Reinhard Selten, prix Nobel d’Economie 1994. Les exposés porteront sur la question de savoir si la crise économique est le fruit d’une somme d’irrationalités individuelles ou si le système économique lui-même, indépendamment du comportement des individus, est porteur de crises. Organisé par Sacha Bourgeois-Gironde (Université Paris 2, LEMMA, et Institut Jean Nicod). Conférence Paris . Jacques Vignaud, son époux, Jean-Jacques, Anne, Christine, Isabelle, Nathalie et Vincent, ses enfants, Adrien, Louise, Clémence, Victor, Antoine et Raphaël, ses petits-enfants, ont la douleur de faire part du décès de Mme Ghislaine VIGNAUD, née VAILLANT, survenu le 29 avril 2014, à l’âge de quatre-vingt-un ans. La cérémonie aura lieu le lundi 5 mai, à 10 h 30, en l’église Saint-Thomasd’Aquin, Paris 7e. Conférence-débat Juifs et chrétiens dans la chapelle Sixtine, autour du livre de Giovanni Careri le mercredi 7 mai 2014, de 19 heures à 21 heures, en présence de l’auteur. Interventions de Emanuele Coccia, Céline Béraud, Danièle Hervieu-Léger et Isabelle Saint-Martin. EHESS, 105, boulevard Raspail, Paris 6e Entrée libre, accueil à partir de 18 h 30. 14 0123 météo & jeux < -10° -5 à 0° -10 à -5° Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 0 à 5° 5 à 10° 10 à 15° 20 km/h 2 16 Brest 2 17 Rennes 0 3 16 99 Strasbourg 4 17 Orléans 4 18 4 17 Nantes 4 16 Lyon 6 18 8 18 A Montpellier A 14 20 11 21 Aujourd’hui Nord-Ouest Ile-de-France Sud-Ouest Sud-Est Lever 10h31 Coucher 01h06 4 19 6 17 8 19 7 21 4 20 5 19 6 24 7 22 5 23 10 21 9 19 7 17 13 19 11 17 11 17 11 17 10 17 7 15 12 20 11 21 10 19 11 22 12 25 12 23 3 Le Caire bienensoleillé assezensoleillé bienensoleillé faiblepluie assezensoleillé bienensoleillé bienensoleillé pluiesorageuses aversesmodérées bienensoleillé enpartieensoleillé nuageux averseséparses averseséparses aversesmodérées beautemps bienensoleillé assezensoleillé assezensoleillé bienensoleillé beautemps faiblepluie bienensoleillé enpartieensoleillé beautemps averseséparses 3 17 15 11 5 5 2 11 9 6 11 9 2 16 7 16 14 9 4 2 6 4 19 2 1 7 12 21 19 14 12 14 14 21 14 12 15 16 7 18 22 17 27 20 17 16 26 12 28 10 14 10 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb averseséparses enpartieensoleillé soleil,oragepossible averseséparses averseséparses averseséparses beautemps assezensoleillé bienensoleillé fortepluie 3 11 9 1 2 12 3 6 3 6 9 18 19 7 6 19 14 16 14 12 Alger beautemps Amman bienensoleillé Bangkok pluiesorageuses Beyrouth assezensoleillé Brasilia assezensoleillé Buenos Aires bienensoleillé Dakar bienensoleillé Djakarta soleil,oragepossible Dubai beautemps Hongkong pluiesorageuses Jérusalem bienensoleillé Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire assezensoleillé Mexico assezensoleillé Montréal pluiemodérée Nairobi averseséparses 9 19 29 24 17 15 21 27 30 24 18 24 28 14 6 14 23 32 36 31 25 22 22 31 34 26 32 34 39 26 10 26 Dans le monde “Connaître les religions pour comprendre le monde” Jérusalem New Delhi New York Pékin Pretoria Rabat Rio de Janeiro Séoul Singapour Sydney Téhéran Tokyo Tunis Washington Wellington assezensoleillé 29 41 averseséparses 9 16 bienensoleillé 10 18 beautemps 10 23 beautemps 16 28 bienensoleillé 20 28 assezensoleillé 7 18 soleil,oragepossible 27 33 averseséparses 12 17 beautemps 16 27 bienensoleillé 11 20 bienensoleillé 15 20 assezensoleillé 9 20 assezensoleillé 16 18 Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis soleil,oragepossible 25 soleil,oragepossible 27 bienensoleillé 21 soleil,oragepossible26 bienensoleillé 26 bienensoleillé 25 Outremer 28 27 29 27 27 28 Météorologue en direct au 0899 700 703 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h 4 5 z Découvre notre nouvelle formule CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Motscroisés n˚14-105 2 Thalweg Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Bucarest Budapest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 Front froid Occlusion Beyrouth Tripoli Tripoli Dépression Mercredi Jeudi 11 19 Nord-Est 9 19 Lundi Un temps calme et bien ensoleillé régnera pratiquement partout, avec tout au plus quelques petits bancs de cirrus. Le voile nuageux sera un peu plus dense sur le Finistère. Les cumulus prendront encore de l'ampleur dans l'après-midi du sud des Alpes à la Corse, donnant une averse ou un orage localement. Le vent de nord-est, le mistral et la tramontane faibliront. Froid à l'aube avec des gelées blanches dans les campagnes. Hausse du thermomètre en journée. Jours suivants Mardi Ajaccio 60 km/h D Rabat Front chaud En Europe 11 21 Lever 06h24 Coucher 21h10 Saint Sylvain Coeff. de marée 66/60 Anticyclone Athènes Tunis Tunis Scandinavie Temps froid et humide Perpignan Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Alger Nice Marseille 10 23 6 18 DIstanbul Ankara Séville 4 16 Toulouse Rome Barcelone Barcelone Budapest Odessa Zagreb 1005 Belgrade Bucarest Sofia Lisbonne Lisbonne 1020 Grenoble 6 19 Biarritz Berne 15 10 1015 1010 Kiev 1020 Munich Vienne Madrid Bordeaux 30 km/h AParis Chamonix 0 101 2 15 Moscou Bruxelles Milan Clermont-Ferrand 5 16 40 km/h Londres 4 17 5 18 St-Pétersbourg Copenhague Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague Dublin 5 171000 Dijon Poitiers Limoges D Besançon 5 18 D Riga Edimbourg Metz 7 17 Helsinki Oslo Stockholm D Châlonsen-champagne 2 16 4 18 1015 www.meteonews.fr 985 2 16 PARIS Caen Courriels > 35° Hommage Gandhi et Jean XXIII Amiens Rouen 30 à 35° Reykjavik 2 15 6 14 25 à 30° A 04.05.2014 12h TU 1005 Lille 20 km/h 20 à 25° En Europe Dimanche 4 mai Gelées blanches dans les campagnes Cherbourg 15 à 20° 6 7 9 Solution du n˚14-104 10 1 1 12 Episode 17 : la demi-finale ; « La Suite ». Série. Mort à crédit. Défilé électrique (saison 6, ép. 4 et 7/21, 110 min) U. FRANCE 2 21.00 Football. Coupe de France (finale) : Rennes - Guingamp. 23.15 On n’est pas couché. Invités : Benoist Apparu ; Teddy Riner ; Stéphane de Groodt ; Guy Roux ; François Gibault ; Jeanne Cherhal (178 min) . V VI FRANCE 3 20.45 Meurtres à Rocamadour. Téléfilm. Lionel Bailliu. Avec Clémentine Célarié, Grégori Derangère, Steve Kalfa (Fr., 2013) U. 22.15 Météo, Soir 3. 22.45 Inspecteur Lewis. Série. Un rock immortel (S3, ép. 4/4). 0.20 Appassionata (130 min). VII VIII IX Euro Millions X I. Embarrassant. II. No. Puisatier. III. Gui. Evaluera. IV. Oindre. Op. VI. V. Ulna. Triolet. VI. Eléis. Erreur. VII. Me. Mare. Esse. VIII. Ere. Ui. Suées. IX. Naturalisé. X. Tiers. Oreste. Samedi 3 mai 0.15 Les Experts : Miami. IV Horizontalement La composition du gouvernement de Manuel Valls ne fait plus de l’Europe une priorité: le ministère des affaires européennes disparaît en tant que tel de l’organigramme gouvernemental, alors que l’outre-mer bénéficie d’un ministère « plein » ! Quel symbole à l’approche des élections européennes! Faut-il y voir un geste à l’égard de la gauche du PS, le reflet d’une vision plus eurosceptique au sein de l’exécutif ou la simple conséquence du resserrement de l’équipe entraînant le déclassement des affaires européennes au niveau d’un secrétariat d’Etat ? Ne nous étonnons pas que la voix de la France dans les instances européennes soit de plus en plus inaudible et de moins en moins crédible… Louis-François Siat, Overijse (Belgique) TF 1 III Solution du n° 14 - 104 Europe L’Europe oubliée 20.55 The Voice, la plus belle voix. II I. Facilite la contrefaçon et le plagiat. II. Evite de jeter le vieux matériel et les pots cassés. III. A chaud ou à froid, ils font des longueurs. Permet le passage. IV. Bien accrochée. Eliminent brutalement. V. Espace de culture. Bien situé. A la tête des armées. VI. Belle et fragile, elle a de la défense. Comme une odieuse discrimination. VII. Elle est réservée aux seuls adhérents. Il est ouvert à tout le monde. VIII. Porte le chapeau. Qu’il faudra déchiffrer. IX. Ouvert en grande pompe. Point. X. Devraient améliorer le rendement. Mon courrier « La Catholaïcité » (Le Monde du 30 mars 2013) avait provoqué quelques réactions et m’avait valu plusieurs lettres… Le premier ministre, Manuel Valls, s’est rendu à Rome pour la canonisation de deux papes : bel exemple de catholaïcité ou manœuvre de récupération de l’électorat catholique? Dans l’un ou l’autre cas, c’est une attitude choquante. La France a un ministre des affaires étrangères et un ministre chargé des cultes : cela n’aurait-il pas suffi? Daniel Galiacy, Villerest (Loire) Les soirées télé I Horizontalement Société Catholaïcité ou récupération ? Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr http ://mediateur.blog.lemonde.fr Sudoku n˚14-105 8 Le vieil agnostique que je crois être s’explique mal la satisfaction qui l’a subjugué à l’annonce de la canonisation de Jean XXIII (Le Monde du 28 avril). On ne se rend plus très bien compte aujourd’hui combien ce pape illumina le firmament de la société durant son trop bref pontificat. Il conquit les esprits par sa candeur d’âme, son visage bienveillant, ses bras toujours accueillants, son action infatigable en faveur de la paix et sa façon de dispenser de la chaleur aux cœurs les plus tièdes. Il parlait d’amour et non de la crainte de Dieu. Dommage qu’il n’ait pu achever le concile Vatican II. Par cette décision, le pape François a fait retrouver à Rome une grâce, une vocation . Nous nous éloignons du règne morose de son prédécesseur Benoît XVI, qui voulait hisser la mémoire de Pie XII au panthéon du catholicisme, le hiératique et hautain Pie XII dont le silence au cours de la deuxième guerre mondiale et sur la Shoah nous assourdit encore ! Dès 1948, du vivant de Pie XII, François Mauriac, prenant l’exemple de l’indomptable Gandhi, de sa non-violence et de son souffle ténu qui tenait en respect les empires, s’insurgeait: « Que quelqu’un sur une des collines de la Ville éternelle n’ait pas refusé de manger et de boire (sauf le pain eucharistique, sauf le vin du calice) jusqu’à ce que les belligérants aient mis bas les armes… Pourquoi aucune folie de cet ordre n’a-t-elle jamais été tentée sur l’une des collines de la Ville éternelle?… Pourquoi jamais ce geste, cet acte inimaginable qui aurait fait tomber à genoux les frères ennemis?… » Qu’il soit permis de s’interroger sur ce qu’aurait été l’attitude de Jean XXIII dans une telle situation. Néanmoins, l’humble paysan pauvre de Bergame, devenu Jean XXIII, vient d’être canonisé. Guy Bordenave, Paris Verticalement 1. Disposition avant le départ. 2. Part dans tous les sens. 3. Donnes ton avis et ton accord. Luth en forme de huit. 4. Toujours mieux que jamais. Ebranle. 5. Il faudra l’ouvrir pour les passer. Armé chez Obama. 6. Espace fermé mais très ouvert. A prendre avant de porter un jugement. 7. Mis de côté. Eveil spirituel. 8. Détruisent les espèces et la nature. 9. Dans la pliure. Travaille sur la pièce. 10. Langue celtique. Sa ville fait des bulles. 11. Stade de notre enfance. Patron du calendrier. 12. Extrêmement limités. Philippe Dupuis Verticalement 1. Engouement. 2. Mouillerai. 3. Inné. Eté. 4. Ap. Daim. Ur. 5. Ruer. Saurs. 6. Rivet. Ria. 7. Asa. Rée. Lô. 8. Saloir. Sir. 9. Stuporeuse. 10. Aïe. Lésées. 11. Nerveuse. 12. Traîtresse. CANAL + 20.55 Broken City p Résultats du tirage du vendredi 2 mai. 4, 30, 31, 38, 42, 2 e et 11 e Rapports : 5 numéros et e e : 89 166 455 ¤ ; 5 numéros et e : 376 512,30 ¤ ; 5 numéros : 313 760,30 ¤ ; 4 numéros et e e : 6 403 ,20 ¤ ; 4 numéros et e : 291,40 ¤ ; 4 numéros : 135,80 ¤ ; 3 numéros et e e : 83,50 ¤ ; 3 numéros et e : 17,70 ¤ ; 3 numéros : 13,60 ¤ ; 2 numéros et e e : 25,40 ¤ ; 2 numéros et e : 9,10 ¤ ; 2 numéros : 4,20 ¤ ; 1 numéro et e e : 13 ¤. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. 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Avec Mark Wahlberg, Russell Crowe, Catherine Zeta-Jones (EU, 2013, audio.) U. 22.40 Intérieur sport. Loïc Collomb-Patton (ski freeride). Magazine. 23.05 Noroeste Favela Futebol Club. Documentaire. Stéphane Darmani (2013, 50 min) FRANCE 5 20.35 Echappées belles. Dimanche 4 mai TF 1 20.55 La Nouvelle Guerre des boutons p Film Christophe Barratier. Avec Jean Texier, Clément Godefroy (France, 2011, audiovision). 22.55 Esprits criminels. Série. Avis de recherche U. Premier rendez-vous. Dernier rendez-vous (S3, 6, 8 et 9/20) V. 1.20 New York, section criminelle. Série. Le Déchéance (S5, 2/22, 55 min) V. FRANCE 2 20.48 Un heureux événement Film Rémi Bezançon. Avec Louise Bourgoin, Pio Marmaï (coproduction, 2011, audio.) U. 22.40 Faites entrer l’accusé. Peter et Aurore, les amants diaboliques U. 0.07 Histoires courtes (45 min). FRANCE 3 20.45 Inspecteur Barnaby. Série. Les Meurtres de Copenhague (S16, 5/5) ; Meurtres sur mesure (S13, 1/7, audiovision). 23.40 Météo, Soir 3. 0.10 Deux lettres anonymes pp Film Mario Camerini. Avec Clara Calamai, Andrea Checchi (Italie, 1945, N, v.o., 115 min). CANAL + 21.00 Football. Ligue 1 (36e journée) : Marseille - Lyon. 22.55 Canal Football Club. 23.15 L’Equipe du dimanche (50 min). FRANCE 5 De Belle-Ile à Ouessant, les îles du Ponant. 20.40 Cirque Gruss : une tradition suspendues. Documentaire (2005). 23.00 L’Œil et la Main. Roms, à la croisée des chemins. Magazine. 23.30 Pleins feux sous l’océan. Documentaire. Steve Nicholls (50 min). 21.30 Beauval, dans les coulisses 22.10 Au pays des rizières ARTE 20.50 L’Aventure humaine. Le Coelacanthe. Plongée vers nos origines. Requins des profondeurs. Documentaire. 23.05 Pop culture - Sex & Music. [1/4] De la pilule au sida. Documentaire (2014). 0.00 Tracks. Magazine (50 min). M6 20.50 Hawaï 5-0. Série. Na Hala a ka makua (saison 4, 14/22) U ; Kame’e. Mea Makamae (saison 2, 3 et 4/23) U ; Ke Kinohi. He Kane Hewa’Ole (S1, 13-14/24) U. 1.00 Supernatural. Série (saison 5, 10 et 11/22, 90 min) V. en danger ? Documentaire. Alex Gary (2014). du premier zoo de France. Documentaire. 22.25 Exil nazi : la promesse de l’Orient. Documentaire. 23.20 La Grande Librairie (60 min). ARTE 20.45 Nelly et monsieur Arnaud p Film Claude Sautet. Avec Emmanuelle Béart, Michel Serrault, Charles Berling (coprod., 1995). 22.25 Retour au Caucase. Gérard Depardieu dans les pas d’Alexandre Dumas. 23.20 Au cœur de la nuit. Gregory Porter et Cassandra Wilson (50 min). M6 20.50 Zone interdite. Le château de Versailles comme vous ne l’avez jamais vu ! 23.00 Enquête exclusive. Fitness, performances sexuelles : nouvelles drogues, nouveaux dangers !... (90 min) U. décryptages 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 15 Commentdésamorcer le conflit russo-ukrainien? La tension est montée d’un cran en Ukraine. Quelles réponses apporter à une situation de plus en plus explosive, alors que l’éclatement d’un conflit généralisé ne profiterait à aucun des acteurs de la région? Pour les uns, les succès de Vladimir Poutine sont un trompe-l’œil que dissiperaient vite les sanctions économiques. Pour les autres, la seule alternative à la partition est une solution fédérale. L’efficacité des sanctions économiques V Guy Sorman Essayiste ladimir Poutine se trompe de modèles et d’époque. A Pierre le Grand et Staline, il a emprunté le goût des grands espaces et il répète le drame russe : tout ce qui est acquis en géographie est perdu en vitalité économique, civique, scientifique. Les ancêtres de M. Poutine déplacèrent les bornes de leur empire, mais à quoi bon ? Le peuple russe, contrairement aux Américains, n’a jamais colonisé les nouveaux territoires. La Russie s’est vidée à mesure qu’elle s’étendait; au temps de Poutine, elle se vide encore, de surcroît elle vieillit et l’espérance de vie ne cesse de s’abréger.Le peuple russeest en voie de disparitionbiologique: Poutine ou le souverain des « âmes mortes ». Staline, jamais invoqué, mais son spectre reste présent, incarnait, malgré lui, une idéologie universelle: l’URSS recrutait partout dans le monde des « compagnons de route » pour qui le soviétisme parut une alternativeau capitalismedémocratique.Al’inverse,le poutinisme n’existe pas : nul ne rêve de vivre comme les Russes, pas même les Russes qui miment dès que cela leur est permis la société occidentale. Le poutinisme n’est pas une vision du monde, ce n’est même pas une vision pour la Russie, ni politique, ni économique, ni spirituelle. Certains, en Russie, mais plus encore à l’Ouest chez des russophiles nostalgiques, voudraient voir en M. Poutine un héritier des slavophiles : ceux-ci, au XIXe siècle, imaginaient une société plus spirituelle, moins matérialiste que l’Occident européen et américain.Mais l’oligarchie poutinienne,son régime policier ne sauraient passer pour une utopie à la Dostoïevski. Poutine joueur d’échecs, une autre tradition russe ? Etrange joueur qui serait tout en muscles et avec dans sa manche, au mieux, un coup d’avance et pas deux. On m’objectera que le président russe a déjà gagné plusieursparties,enGéorgie,enCriméeet enSyrie.Certes, dans ces troiscas, il a exploitéla constanteincapacité des démocraties à réagir et surtout à réagir vite. Mais quel est le bénéfice de ces victoires ? Qui vit mieux en Russie? Qui souhaite immigrer en Russie? Qui souhaite vivrecommeunRusse? Personne,pas mêmelesRusses. Voyons plutôt ce que Poutine a perdu et ce qui lui reste à perdre. En absorbant des territoires, il épuise ses ressources économiques qui sont limitées: en dehors deMoscou,lesRussesviventdansuneextrêmepauvreté qui peut expliquer leur alcoolisme croissant et la brièveté de leur existence. Ces annexions ont incorpo- ré en Russie un plus grand nombre de minorités non russes: ainsi la Crimée est-elle en bonne voie de devenir une nouvelle Tchétchénie où des Tatars musulmans deviendront des djihadistes possibles. Enfin, en instaurant l’instabilité, l’imprévisibilité et la négation du droit comme principes de l’Etat poutinien, le président détruit le fondement de son pouvoir : le gaz et le pétrole. Les investissements russes et étrangers n’iront plusdutoutse risquerdans lamodernisationà longterme de l’industrie en Russie. Ceux qui n’ont pas encore fui fuiront et ceux qui soutenaient le budget trouveront des placements plus sûrs. Les Européens et les Américains, en apparence, réagissent mollement, mais le temps joue en leur faveur: l’exploitation, désormais accélérée, des ressources énergétiques anciennes et nouvelles, le gaz par fracturation en particulier, et la commercialisation du gaz américain vont faire chuter les cours du gaz russe au-dessous du seuil de survie de Gazprom, le véritable trésor russe. Ce sont les Russes qui mettront un terme au poutinisme, de même que les Soviétiques se sont débarrassés de l’URSS Se retourner vers l’Asie, créer une zone économique russo-asiatique, comme l’envisage M. Poutine, n’est pas une alternative au marché occidental: les richesses sont à l’ouest de la Russie, pas à l’est. Le sénateur américain John McCain a comparé Vladimir Poutine à un gérant de station-service en voie de perdre sa clientèle: l’image est excessive, mais elle est juste. Les premiers à s’en apercevoir ne seront pas les Occidentaux, mais les Russes eux-mêmes, quand l’inflation dévorera leurs salaires et leurs retraites, ce sont eux qui mettront un terme au poutinisme, de même que les Soviétiques se sont débarrassés de l’URSS. Est-ce à dire qu’en Occident nous avons tout avantage à rester passifs ? Réagir à l’excès exciterait M. Poutine et conduirait à des violences fatales aux Russes, aux Ukrainiens, aux Baltes, voire aux Polonais. Ne pas réagir du tout encouragerait la violence. Il reste la troisième voie, celle des sanctions économiques, celle que les démocraties empruntent le plus souvent, chaotiques, indécises,mais àtermegagnantes.Une suggestionsupplémentaire tout de même : il faudrait parler directement aux Russes, au peuple russe, plus qu’à Vladimir Poutine. Le président n’écoutera pas, il ne cédera pas. Mais le peuple russe devrait savoir – on ne le lui dit pas – que les démocraties en Occident soutiendront vraiment ceux qui en Russie considèrent que les Russes aussi ont droit, à terme, à un régime civilisé. p Climat: tout ou rien par Serguei Seule une Ukraine fédérale garantira la paix Edgar Morin Sociologue et philosophe L a magnifique manifestation populaire de Maïdan à Kiev, analogue en ferveur et en puissance à celle de la place Tahir au Caire, a suscité, comme cette dernière, un jeu d’interactions et rétroactions qui ont détourné puis inversé le sens des événements pour conduire à l’actuelle situationà la fois régressiveet dangereuse. A la différence de l’Egypte, où la ligne de clivage se fit entre Frères musulmans et une armée ralliant à elle une partie des esprits laïcisés, le clivage se fit entre russophones (russophiles) et ukrainophones (russophobes) et selon une ligne de partage grossièrement est-ouest. Bien entendu, il y a à l’ouest des nationalistes démocrates et des nationalistes antidémocrates (désignés comme fascistes par la Russie) et à l’est des non-partisans d’un rattachement à la Russie actuelle. Le plus grave est que le conflit intranational soit devenu un conflit international. Certes, avant le Maïdan, la Russie utilisait tous ses moyens de pression économico-politiques pour empêcher l’Ukraine de passer dans le giron de l’Union européenne. De son côté, ladite Unionoffrait ses perspectives économico-politiques alléchantes à l’Ukraine. La transformationrévolutionnaireprovoquée par la fuite du président Viktor Ianoukovitch, le ralliement du Parlement et du nouveau président à l’Union européenne ont provoqué une intervention militaire plus ou moins mal camouflée en Crimée où la population russophone – en fait russe – a voté le rattachement à Moscou, à l’exception des Tatars de Crimée. A cette intervention, l’Ouest, incapable militairement et moralement de la moindre intervention, a réagi dans un premier temps par des rodomontades, assurant qu’il fera reculer la Russie par l’aggravation des sanctions économiques. Dans le même temps,sa presse présentait le président Poutine non seulement comme un autocrate héritier du tsarisme et du stalinisme, ce qu’il est en grande partie, mais commeun fou furieux,ce qui estfurieusementfou. Or les événements de Syrie, où il a habilement désamorcé les possibilités d’intervention américaine, ont montré qu’il était au contraire rusé et habile, et son grignotageactuel de l’Ukraine, par des milices locales bien armées, montre qu’il avance prudemment mais fermement pas à pas pour un objectif encore flou à nos yeux et peut-être à ses yeux, en fonction de la résistance (aujourd’hui faiblissime) de l’Etat ukrainien et du comportement(aujourd’huidéphasé)des Etats occidentaux. Paradoxalement, l’Etat le plus puissant, les Etats-Unis, est désormais en repli et craint d’être acculé à intervenir. Les fermes propos d’Obama cachent mal une molle apathie. Comme on doit le savoir, après l’expérience de la guerre d’Algérie, celles du conflit israélo-palestinien et, depuis deux ans, de la guerre de Syrie, vient un moment où l’aggravation d’un conflit favorise le pire dans chacun des camps et dans l’ensemble du processus. Lorsque la confrontation est déjà internationalisée, le pire va se développer, non seulement dans les composantes nationales du conflit,maisaussi dans cetteinternationalisation. Ici il est à craindre que l’impuissance militairetotale del’Ouest, jointeà l’incertitude sur l’efficacité des sanctions économiques, entraîne la Russie poutinienne, bénéficiant d’une forte popularité intérieure dans cette action, dans une aventure annexionniste. Le seul remède serait d’accepter,idéedéjàproposéepar le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, une Ukraine fédérale avant qu’il ne soit trop tard et que cette Ukraine, au lieu d’être partagée entre Ouest et Est, devienne un pont entre Union européenne et Russie. Il est vrai que cette dernière,depuis l’affaire géorgienne de 2008, est animée par un expansionnisme visant à retrouver les frontièresde l’empiretsariste puissoviéti- que. Mais il semble non moins vrai qu’elle ne puisse se hasarder à reprendre la Pologne, ni les pays baltes (encore qu’elle puisse contraindre ceux-ci à donner un statut à leurs minorités russophones). Il ne s’agit donc pas du même expansionnisme que celui de l’Allemagne hitlérienne, qui visait à créer ses colonies en Europe et en Union soviétique. Les analogies avec Munich ne sont que partiellement pertinentes. Rappelons qu’à Munich il s’agissait de satisfaire le droit du peuple germanique des Sudètes, ce qui était légitime, mais en démantelant totalement le bouclier tchèque, ce qui fut catastrophique. L’Allemagne voulait conquérir. La Russie veut récupérer. Alors que la France et l’Europe sont tout sourire face à la dictature communiste chinoise, oublient Tibet, Mongolie et régions musulmanes, il est incohérent qu’elles soient si sourcilleuses avec une autocratie posttotalitaire à résidus démocratiques et puissent la menacer tout en étant incapables de la contraindre. Puisque Vladimir Poutine est jusqu’à présent non un fou furieux, mais un habile et rusé stratège, il comprendrait aisément le profit qu’il tirerait du compromis ukrainien: une reprise de la coopération internationale avec l’Europe et les EtatsUnis. Celle-ci est vitale tant pour lui que pour nous tous. Si le conflit s’aggrave, le président Poutine risque de perdre sa prudence, et nous risquons de perdre par imprudence. C’est pourquoi la prudence des deux côtés doit suggérer une Ukraine une et fédérale, trait d’union entre l’Est et l’Ouest. Il est à craindre que l’impuissance militaire totale de l’Ouest, jointe à l’incertitude sur l’efficacité des sanctions économiques, entraîne la Russie poutinienne dans une aventure annexionniste Une telleententepourrait alors sepoursuivre dans le Moyen-Orient, il y a d’autant plus urgence que les ravages continuent en Syrie, que la question israélo-palestinienne redevient aiguë, que l’hostilité chiites-sunnites s’est ranimée. Une telle entente pourrait encourager les résultats positifs obtenus en Iran et permettre le retour de l’Iran dans le concert des nations, ce qui favoriserait les compromis politiques en Syrie et plus largement dans le Moyen-Orient. Tout cela doit désormais passer par le règlement équitable de la question ukrainienne. Malheureusement, l’impuissance de l’Ouest n’est pas seulement, en ce qui concernel’Europe,de caractèremilitaire,elle n’est pas seulementde volonté. Elle est de pensée politique, elle est de pensée tout court. Il serait souhaitable que Hollande, Fabius et Manuel Valls prennent conscience de l’impitoyable montée des périls et proposent le seul plan de paix cohérent, celui de l’Ukraine fédérale, trait d’union entre Ouest et Est. Nous ne sommes plus au temps où il faut chercher le mieux, nous sommes au temps où il faut éviter le pire. p ¶ Né en 1921, directeur de recherche émérite au CNRS, Edgar Morin a publié de nombreuses réflexions sur la question européenne, telles que Penser l’Europe (1987, Folio, 1990) et Culture et barbarie européennes (Bayard, 2005). Il a récemment publié Mes Berlin, 1945-2013 (Le Cherche Midi Editeur, 2013), Notre Europe (avec Mauro Ceruti, Fayard, 126 p., 12 euros) et Au péril des idées (dialogue avec Tariq Ramadan, Presses du Châtelet, 282p., 17,95 euros). 16 0123 analyses Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistes ANALYSE par Franck Nouchi Service Culture est tous un peu racistes…» Car voilà bien l’idée centrale du film : quelles que soient notre religion et nos origines, nous serions tous, catholiques, juifs, musulmans, Chinois, Ivoiriens… un petit peu racistes. Surtout les hommes (les femmes, elles, semblent moins perméables aux préjugés, plus naturellement enclines à la tolérance et à l’altérité). Un petit sentiment de gêne Comme nous sommes au cinéma, tout finit évidemmentbien.Unepartiede pêcheet un bon repas permettront à M. Verneuil et au père du mariéivoiriende nouerunebelle amitié.Preuve, s’il en fallait, qu’en France tout se règle par un gueuleton, du bon vin et une bouteille de calva. L’un et l’autre, le notaire de province et le bourgeois ivoirien, sont racistes et pleins de préjugés? Et alors, semble faire accroire le film ? Ne le sommes-nous pas tous un peu ? Il n’y a là rien d’irrémédiable, pour peu que tout le monde accepte de faire un petit effort, à commencer, c’est la moindre des choses, par les non-Français de souche. Curieux film, laissant présager le pire dans sa première moitié, que l’on finit parfois par trouver drôle, y compris à son corps défendant. Derrière le message de tolérance qu’il entend délivrer – vive la différence, vive les mariages mixtes – se profile pourtant quelque chose de plus ambigu, une manière, certes comique mais tout de même, de vouloir banaliser sinon le racisme, du moins les propos racistes. Inutile de chercher ici la moindre allusion à la situation politique et sociale qui prévaut actuellement en France. Qu’est-cequ’onafaitaubonDieu ?faitlapartbelle à des « métèques » qui sont tous issus de milieux sociaux favorisés. De là à penser qu’il n’y a de bonne immigration que choisie, il n’y a qu’un pas que M. Verneuil semble être à deux doigts de vouloir nous faire partager. Pas franchement antipathique mais distillant un petit sentiment de gêne – il est des évidences qui n’en sont pas, mais alors pas du tout –, ce film réunit des acteurs et des actrices comiques de différentes générations: Christian Clavier représente celle du Splendid ; Chantal Lauby celle des Nuls de Canal+; Ary Abittan celle de « Ce soir avec Arthur », l’émission de TF1. Quant à Frédérique Bel, elle fut la « blonde» de « La Minute » du même nom, là encore sur Canal+. Tous, y compris Clavier, impayable en notaire gaulliste, réac et bedonnant, jouent juste. Impossible bien évidemment de ne pas penser aux Aventures de Rabbi Jacob. Sauf que n’est pas Gérard Oury qui veut. Sans parler de Louis de Funès… On se prend aussi parfois à imaginer ce qu’un dialoguiste comme Michel Audiard ferait d’une histoire pareille. Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour d’affreux racistes ? Juste un chouia, pas davantage. Pas grave. Voire… p LE FILM FAIT LA PART BELLE À DES « MÉTÈQUES » ISSUS DE MILIEUX SOCIAUX FAVORISÉS nouchi@lemonde.fr PLANÈTE | CHRONIQUE p a r St ép ha ne Fo uca r t Question d’éthique Q Trente ans après sa disparition, la French touch douce-amère de François Truffaut continue d’être célébrée dans le monde entier. Le cinéaste des 400 coups, de Jules et Jim et du Dernier métro a toujours privilégié l’intime et décrit, avec pudeur, l’amour comme une liturgie secrète. A la façon d’une chanson d’Alain Souchon. Tournant le dos aux modes et aux consensus, l’inventeur de la Nouvelle Vague fut d’abord un critique audacieux, pourfendeur d’un cinéma hexagonal endormi, puis un metteur en scène exigeant, qui mit ses pas dans ceux d’Hitchcock, de Renoir et Rossellini. « Le cinéma est un art de la femme, c’est-à-dire de l’actrice. Le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes », disait-il. Le réalisateur de L’homme qui aimait les femmes ne dérogea jamais à cette règle, ni dans son œuvre, ni dans sa vie. Quelques jours avant l’ouverture du Festival de Cannes, Le Monde a décidé de rendre hommage à François Truffaut, pour qui le cinéma était plus important que la vie… « FRANÇOIS TRUFFAUT. LE ROMAN DU CINÉMA », un hors-série du Monde 7,90 € - Chez votre marchand de journaux et sur lemonde.fr/boutique uiconque se penche un peu sérieusement sur le dossier des perturbateurs endocriniens (PE) ne peut en ressortir que très préoccupé. Les données du problème sont simples. Plusieurs centaines de substances de synthèse, présentes dans un grand nombre de produits d’usage courant et dans la chaîne alimentaire, interfèrent avec le système hormonal humain et peuvent, de ce fait, produire des effets délétères à des niveaux d’exposition chronique très faibles, non pris en compte par les agences de sécurité sanitaire – à l’exception de quelquesunes. Le seul fait rassurant de cette affaire est que, parfois, les responsables politiques prennent la mesure du problème, et qu’ils peuvent le faire sans distinction de couleur politique. Ségolène Royal, la nouvelle ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, vient ainsi de sortir des limbes la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) qui, attendue depuis deux ans, a été adoptée le 29 avril. Mais il ne s’agit pas d’un « précautionnisme de gauche » ni d’une sorte d’aversion franco-française pour le risque. Les deux Etats européens aujourd’hui les plus engagés dans la lutte contre les PE, la Suède et le Danemark, sont dirigés par une coalition de centre droit pour le premier et par des sociaux-démocrates pour le second. En 2009, déjà, l’actuel secrétaire d’Etat américain, John Kerry, proposait (sans succès) une loi dont l’objectif était de prévenir l’exposition aux PE des enfants à naître et des nourrissons. Plus récemment, dans la course à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet avait fait de cette question un thème de campagne. Egalement peu suspecte de crypto-communisme, la sénatrice et ancienne secrétaire d’Etat à l’écologie Chantal Jouanno déclarait en mars2013 au Journal de l’environnement: « L’explosion des cas de diabète, la multiplication phénoménale des cas d’obésité que les mauvaises habitudes alimentaires ne peuvent seules expliquer, les cancers qui se multiplient chez les enfants… à chaque fois, on voit que les PE sont impliqués.» Si la question des PE échappe aux catégories politiques, c’est sans doute que chacun l’envisage au crible de son éthique personnelle plus qu’à la lumière de ses affiliations. Mme Jouanno ajoutait qu’au Parlement certains, peu au fait du dossier, « classent ceux qui évoquent la question des PE dans le camp des déclinistes, en brandis- Les effets majeurs des perturbateurs endocriniens se jouent dans la période périnatale sant des arguments du type “vous voyez bien que la durée de vie augmente”…» Hélas ! Non seulement l’espérance de vie en bonne santé stagne, voire diminue, mais les effets majeurs des PE se jouent dans la période périnatale, et conditionnent la santé à venir des enfants exposés – santé à venir dont la mesure actuelle de l’espérance de vie ne nous dit rien. La question éthique posée par les PE tient donc à la quantité de risques que nous sommes prêts à prendre en connaissance de cause, non forcément pour nousmêmes, mais pour d’autres qui n’ont aujourd’hui pas la parole. p foucart@lemonde.fr 0123 Les Unes du Monde ACCÉDEZ À L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment hauts gradés de l’armée. Enquête les D Education L’avenir de Xavier Darcos « Mission UK price £ 1,40 P lus de trois millions d’entrées en deux semaines; 32 % de part de marché : Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?, le film de Philippe de Chauveron, fait actuellement exploser tous les compteurs du box-office français. Accueil critique? Inexistant, aucune projection de presse n’ayant précédé sa sortie. Bouche-à-oreille? Exceptionnel, à tel point que les deux plus gros succès du cinéma français, Intouchables (19,44 millions d’entrées) et même Bienvenue chez les Ch’tis (20,48 millions) ne paraissent pas hors d’atteinte. Visible sur Internet, l’efficace bande-annonce laisse présager le pire : 1,58 min de clichés raciaux ou racistes, on ne sait trop, en tous genres.QuelestdonccefilmquifaitsallecombleaussibienàParisqu’enrégions?Unersatzcinématographique des thèmes chers au Front national? L’affaire est plus compliquée. ClaudeVerneuil,catholique,gaullisteetnotaire de son état, et madame vivent dans une splendide maison de maître à Chinon, en Indre-et-Loire. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si trois de leurs quatre char- mantes filles n’avaient eu la malencontreuse idée d’épouser l’une un Arabe musulman, l’autre un juif séfarade, la troisième un Asiatique, vraisemblablement d’origine chinoise. CommeleditcetexcellentM.Verneuil,lesdéjeuners de famille sont devenus de véritables «réunions de la Licra». Pauvres Verneuil ! Eux qui espéraient tant arriver à bien marier leurs filles… Il leur faudra tout supporter, y compris la circoncision de leur petit-filsetlesouhaitdeleurgendre–DavidBenichou, original n’est-ce pas? – de voir le prépuce du cher petit enterré dans leur parc. Heureusement, les trois gendres ne sont pas demauvaistypes.L’unestbanquier,l’autrehomme d’affaires, le troisième avocat. Et quand, un soir, ils se mettent à chanter La Marseillaise, la main sur le cœur, face à leur beau-père, ce dernier ne peut que rendre les armes: on peut donc être à la fois français et patriote, sans être tout à fait blanc et catholique. Hélas pour M. Verneuil, son calvaire n’est pas terminé. Voilà que sa quatrième fille, une charmante blonde, vient lui annoncer, ainsi qu’à sa femme, qu’elle va épouser Charles, un catholique… ivoirien. Catastrophe! Il ne manquait plus qu’un Noir dans la famille Verneuil! D’où le titre du film, vous l’aurez compris. Passonssurl’avalanchedeclichésentousgenres – à en juger par les rires qui fusent dans la salle, certains font mouche. Et retenons simplement cette remarque de David Benichou : « On terminée » : le ministre de ne cache pas l’éducation considérera qu’il se bientôt en disponibilité pour tâches. L’historien d’autres de l’éducation Claude Lelièvre explique Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e REPORTAGE GAZA Bonus Les banquiers ont cédé Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu ENVOYÉ SPÉCIAL D page 19 27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012. ans les rues de Jabaliya, françaises qu’ilsdes banques les enfants ont trouvé renoncent veau divertissement.un nouà la « part variable lectionnent de leur rémunération les éclats d’obusIls colmissiles. Ils et de ». déterrent du En contrepartie, sable des morceaux d’une les banques qui s’enflamment fibre compacte pourront immédiatement bénéficier d’une au contact de l’air et qu’ils aide difficilement tentent de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » équivalent à Surlesmursdecette celle accordée fin 2008. Page rue,destracesnoirâtressont boutique. 14 bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa pas. « Dites fabrique de incendié une petite des bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts pour trenterien. l’Américain semaines, israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. Entre un magasin, une bombe mains, mort ses de cette bonne se réjouit Ils étaient il le 10 janvier. tient une en 1980, enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, à plusieurs l’écrivain, qui accès à une comme en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 Le livre-enquête éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le incontournable de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, pour alimenter Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane de la sur l’avenir le débat 2,00 ¤, page comment la rupture s’est faite entre les enseignants et Xavier Darcos. Page 10 Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique Autriche 2,00 et Débats page 5 17 François Wahl. de l’école. ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, un éditeur 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 derrière l’écran 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,20 ¤, Suède > www.arteboutiqu 2,50 ¤, Gabon 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne e.com 1,9 DT, Turquie 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique 0123 enquête Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 17 Une blanc bleu belge dans un élevage de Libramont (Belgique). EMMA PAOLI LaBBB,vacheXXL Emma Paoli et Matteo Maillard Libramont (Belgique) Envoyés spéciaux A rméd’unscalpel,levétérinaire ouvre une large fente dans le flanc de la vache. Le sang se déverse. Le liquide amniotique éclabousse sa blouse lorsqu’il perce le placenta. Deux sabots jaillissent de l’ouverture fumante. S’aidant de son pied, l’éleveur tire le veau de toutes ses forces hors de la bête, titube quelques pas, puis le lâche sur une épaisse couche de paille. C’est que le nouveau-népèsedéjà lourd. Bientôt,il fera près d’une tonne et se négociera dans les 3 500 euros, contre 1 000 euros pour une vache classique. Classique comme cette holstein qui vient de le mettre au monde et qui ne lui ressemble guère. Il est très musclé, elle est grande et maigre. Ce n’est pas sa mère biologique. Laquelle, bien plus corpulente, paît quelques enclos plus loin. Si sa mère biologique ne l’a pas porté, c’est qu’elle est précieuse. « Il ne faut pas l’abîmer», estime Michaël Gallet, éleveur d’uncheptelde 150têtesà Libramont,dans les Ardennes belges. Elle appartient aux blanc bleu belges (BBB), une race « travaillée» depuis des décennies afin de révéler le gène de l’hypertrophie musculaire. Connu sous l’appellation de « culard », ce gène réduit le pourcentage de graisse dans le corps, attendrit la viande et permet de récupérer bien davantage de beaux morceaux à l’abattage. L’avantage économique de ce gène, les éleveurs belges en tirent profit depuis les années 1960. A cette époque, seules quelques BBB possédaient le culard. Aujourd’hui, sur les 400 000 blanc bleu belges que compte le plat pays, toutes l’ont. « Nous avons façonné cette race en accouplantsystématiquementles bêteshypertrophiées musculairement, s’enthousiasme Philippe Collin, vétérinaire à Libramont. EnFrance,quandune bête donnaitnaissance à un veau culard, elle était abattue. Ici, à l’inverse, on a exploité ce qui était considéré ailleurs comme une tare.» Encore maintenant, les éleveurs belges s’activent à accroître le potentiel musculaire des bêtes en accouplant les plus robustes, « afin de donner naissance à des veaux qui produisent plus de steaks », explique Pierre Mallieu, le secrétaire général du Herd-Book, association des éleveurs de bovins de race blanc bleu belge. Un eugénisme contrôlé à travers diverses pratiques de reproduction artificielle. Dans sa ferme ardennaise, Michaël Gallet emploie l’une de ces techniques. Afin d’augmenter la qualité et le nombre de ses « viandeuses», comme il les appelle, il les soumet à la superovulation. Cette pratique consiste à stimuler leurs ovaires. Les vaches produisent alors quarante ovules en moyenne par an, contre douze naturellement. L’objectif? « Prendre le patrimoine génétique d’une très bonne bête et le décupler en lui faisant faire dix veaux d’un coup», sourit-il. Ces ovules sont transplantés dans l’utérus de « vaches vulgaires, des mères porteuses », qui mettront bas par césarienne.Née dansle courant desannées 1950 aux Etats-Unis, cette technique, marginale en Belgique – 1 % des naissances –, reste réservée aux « éleveurs de pointe, les plus mordus», estime Michaël Gallet. Autre technique de reproduction des « viandeuses », l’insémination artificielle. Plus répandue – environ 50 % des naissances –, elle consiste à « féconder les plus bellesvachesaveclasemencedetaureauxd’élite », explique Benoît Cassart, fondateur du centre de distribution de sperme Fabroca, «C’est un comble de savoir que si on laisse faire la nature, cette espèce disparaîtra car elle est incapable de donner la vie sans l’assistance de l’homme» Michel Vandenbosch président de Gaia, association de défense des animaux en Belgique. Ces taureaux à la musculature disproportionnée ne vivent pas dans l’étable, mais dans des centres d’inséminationoù ilsproduisentjusqu’à25000 doses de sperme par an, conservées à moins 180 degrés dans l’azote. « Le plus important dans mes bêtes, c’est leur appareil génital. C’est de là que je sors la rentabilité de mon La blanc bleu belge, véritable steak sur pattes, pèse plus d’une tonne et fournit 85 % du marché de la viande de bœuf en Belgique. Cette «viandeuse » part à la conquête du reste du monde, y compris de la France exploitation », souligne Michaël Gallet avant de fourrer sa main gantée de plastique dans l’utérus d’une de ses vaches porteuses, afin de vérifier la dilatation du col. Aujourd’hui, 85 % du marché belge de la viande de bœuf sont fournis par cette race. Même si certains consommateurs la trouvent fade, la BBB fait des émules à l’étranger. En décembre2013,la Chine a commandé plus de mille doses de sperme pour les transplanterdanslesutérusde vacheslocales. En 2013, cent embryons ont été envoyés en Namibie pour augmenter les muscles des nguni, une race très maigre. Et enFrance? « Ily a uneforteconcurrence des autres races typiques du pays comme la charolaise et la limousine, affirme Laurent Savary, responsable de l’association Blanc Bleude France. La BBB est encore jeune,mais depuis plusieursannées, elle est en progression et prend de plus en plus de parts de marché. » Il y aurait déjà plus de 25 000 blanc bleu françaises, néanmoins moins musclées que leurs sœurs belges. « Nos BBB ont de l’hypertrophie musculaire, mais c’est moins flagrant. Nous évitons de les faire paraître comme des bêtes bodybuildées », poursuit Laurent Savary. « De nombreuses blanc bleu de Belgique sont également exportées pour finir leur vie à Rungis, près de Paris, dans les boucheries artisanales et les supermarchés », ajoute Pierre Mallieu. « La BBB est un miracle économique.» Un miracle néanmoins controversé. D’abord parce que la blanc bleu belge a mauvaise réputation. « Monstre de Frankenstein », « sumo gonflé aux stéroïdes », « vache OGM ». Autant de termes qui fleurissent sur le Web. Et pour cause, les rares photos de BBB qui circulent sur la Toile « proviennent d’éleveurs extrémistes qui participent à des concours de bœuf gras, s’agacePierre Mallieu. Ils exagèrentdans la sélection,enaugmentantletauxdeconsanguinité des bêtes afin d’atteindre des musculatures totalement disproportionnées». Selon lui, ces bêtes à concours n’ont pas vocation à se retrouver dans l’assiette des consommateurs. « Les formule 1, ça ne représente pas le marché de l’automobile», s’exclame de son côté Michaël Gallet, qui reconnaît néanmoins être un amateur de « belles formes », une main sur l’énorme croupe de Licorne, sa favorite. Autre critique récurrente, la fragilité de la bête. De fait, une carrure imposante ne signifie pas une bête exempte de soucis de santé. « La blanc bleu belge souffre de plusieurs maux. Ses os sont affaiblis par le poids des muscles et la vache peine à se mouvoir», s’insurge MichelVandenbosch, président de Gaia, une association belge de défense des animaux. André Grevisse, ancien éleveur de blanc bleu belge reconverti dans le bio, précise la critique : « Quand vous augmentez le coefficient musculaire d’une vache, vous diminuez tous ses autres éléments de rusticité, comme sa capacité respiratoire et sa production de lait.» De même, la cage thoracique, l’estomac et le bassin sont écrasés au profit de la viande, qui représente 80 % de la carcasse d’une BBB, contre 55 % pour une charolaise. Cette diminution de la largeur du bassin empêche la BBB de mettre bas naturellement. « Le veau est trop gros pour passer par le col de l’utérus », explique Philippe Collin, le vétérinaire. Alors souvent ce sont des vaches d’autres races, moins nobles, comme les laitières, les holstein, qui sont les mères porteuses des bébés des BBB. Elles subissent jusqu’à dix césariennesavant departir à l’abattoir.Pour le vêlage des futures « viandeuses », il faut en effet recourir dans plus de 95 % des cas à la césarienne, contre 15 % chez les autres races bovines. Une pratique « contre natu- re» pour les représentantsde l’élevagebiologique. Cette démarche leur est d’ailleurs interdite, sauf dans quelques cas extrêmes. Le recours à une césarienne nécessite uneanesthésielocaleet laprised’antibiotiques « qui peuvent se retrouver sous forme de résidus dans les aliments», estime l’éleveur bio André Grevisse. Un argument contesté par son concurrent de la filière BBB Michaël Gallet. « Cela ne représente aucun danger pour le consommateur puisque les médicaments se désagrègent naturellement. D’ailleurs, la viande BBB étant moins grasse, il y a peu de risque d’absorber des produits toxiques. Ceux-ci sont stockés dans la graisse de l’animal.» P luslargement,la filièrebioetlesassociations de défense du monde animal voient dans ce recours presque obligatoireàla césariennela preuvedel’artificialité de la BBB. « C’est une vache créée de toutes pièces, dénonce Michel Vandenbosch. C’est un comble de savoir que si on laisse faire la nature, cette espèce disparaîtra car elle est incapable de donner la vie sans l’assistance de l’homme.» Un avis qui révulse le vétérinaire Philippe Collin. « De toute façon, dans un élevage de bovins, le naturel, il n’y en a plus nulle part. A part peut-être en Argentine, dans la Pampa, où les bêtes sont livrées à elles-mêmes. » Devant les enclos de son étable, Michael Gallet, tel un semeur, jette de larges gerbes de « biscuits», ce mélange de céréales que ses bêtes attrapent à grands coups de langue. Selon lui, c’est la demande croissante des consommateurs qui est en grande partie responsable de ce bouleversement de l’industrie de la viande. « Il y a vingt ans les fermes n’étaient pas des entreprises. Désormais, si tu veux une structure viable, rentable et des banques qui te soutiennent, tu dois leur parler résultats comptables et être en mesure de leur garantir la rentabilité du troupeau», souffle-t-il. Agenouillé près du nouveau-né, il lui entrouvrela bouchepour y glisser un biberon rempli du premier lait de la vache porteuse qui l’a mis au monde. « C’est peutêtre triste à dire, mais c’est comme ça. Cette race ne peut plus vivre sans notre soin. Elle estdevenuedelaviandesur pattes.»Derrière lui, le vétérinaire recoud méticuleusement le ventre de la vache, duquel s’épanche encore un filet de sang qui vient former une flaque à ses pieds. p 18 0123 0123 Dimanche 4 - Lundi 5 mai 2014 PENDANT CE TEMPS | CHRONIQUE pa r S e r g e M i c h e l Les Moocs donnent des ailes aux Africains P « AU CONGO, LES COURS DATENT DE L’ÉPOQUE DES COLONS BELGES » Jessé Lubingu inscrit au Mooc « Ville Africaine » endant ce temps, à Douala, Arel Kevin a trouvé un local. A la maison en étages et à antenne orange, au lieu-dit Entrée Eglise, près du snack-bar GES Force V. Il a d’abord sollicité son école, l’Institut supérieur de technologies avancée, où il fait un BTS d’informatique industrielle. «Mais vu les tracasseries procédurales, j’ai plutôt approché un ancien camarade de classe compatissant, dont les parents disposent d’une salle de réception en bordure de route.» Là, tous les samedis de 12 à 16heures, Arel Kevin Kamagaing, 24 ans, fils d’un chauffeur de transports interurbains à la retraite et d’une mère au foyer, réunit son groupe d’étude, «aussitôt surpris par l’adhésion massive de compatriotes». Avec Boris, William, Donal, Annie, Yannick et les autres, il se penche, «une lueur de bonheur extraordinaire dans les yeux», sur le Mooc intitulé « Comprendre les microcontrôleurs» des professeurs Jean-Daniel Nicoud et Pierre-Yves Rochat de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), établissement leader de Moocs en français. Mooc signifie Massive Open Online Courses, que les grandes écoles et universités francophones traduisent désormais par Flots, formations en ligne ouvertes à tous. Le cours en question Latuniqueindiennemaculée desangquiindigneleCanada L a pièce est macabre à souhait, comme les aimait le collectionneur canadien William Jamieson. La tunique d’un enfant indien des Plaines, largement tachée de sang séché, donne une idée du destin de celui qui la portait… Datant du début du XIXe siècle, elle faisait partie d’une collection d’art et d’armes tribales mise aux enchères sur Internet par la maison de ventes torontoise Waddington du 29 avril au 1er mai. Lundi 28 avril, la tunique a disparu du décor, après avoir soulevé une vague de protestations dans les réseaux sociaux au motif que la présence d’un tel vêtement était trop violente. « Nous ne voulons déplaire à personne. C’est la raison pour laquelle la pièce a été retirée », relève Duncan McLean, président de Waddington. La collection Jamieson comporte plusieurs pièces d’art indigène et… décoratif (dont une réplique de chaise électrique). M. Mc Lean présente son ami Jamieson comme « un personnage excentrique, un anthropologue rock-star, un obsédé du macabre, un Indiana Jones » qui a couru le monde à la recherche de pièces rares. Il a notamment possédé une collection d’instruments de torture, de photographies anciennes d’exécutions, de têtes humaines réduites… Le retrait de la tunique étonne Iegor de Saint-Hippolyte, commissaire-priseur et fondateur de l’Hôtel des Encans, le « Drouot» de Montréal. Lui-même a déjà vendu la redingote d’un Indien métis, lequel s’était fait pendre. « La décision appartient au commissaire-priseur. Moi, je ne me laisse pas influencer par les polémiques. Nous avons tous parfois des pièces qui en suscitent. S’il y a une raison morale, je ne prends pas le mandat de vente mais une fois la décision prise, la polémique ne me gêne pas, au contraire! Elle donne plus d’intérêt à la pièce », dit M. de Saint-Hippolyte. L’autre débat que suscite, notamment au Canada, la vente de telles collections concerne des objets indigènes que des groupes autochtones réclament de plus en plus souvent pour qu’elles soient rendues aux communautés dont elles proviennent. Des retours trop rares Rares sont encore les retours, comme ce totem indien de la Côte ouest revenu en 2006 d’un musée de Stockholm. Parmi les pièces de M. Jamieson mises en vente par Waddington figuraient des pièces indigènes des îles Fidji et du Zaïre, des mocassins sioux et un masque rituel iroquois du XIXe siècle. Le Grand Conseil Haudenosaunee, représentant neuf nations iroquoises en Ontario, plaide clairement pour l’interdiction de la vente de tels masques rituels. « Ce type d’objets est encore très important pour les autochtones», souligne aussi Hayden King, spécialiste des premières nations à l’université Ryerson de Toronto et luimême autochtone. « Ils devraient leur revenir», ajoute-t-il, notant que les gouvernements et les musées y sont parfois sensibles, ce qui n’est pas le cas du secteur privé. Pour la tunique du jeune Indien, il pense que l’idéal serait de donner cette « pièce historique » au National Museum of American Indian de Washington, qui pourrait retracer son origine et la remettre à sa communauté. p Anne Pélouas (Montréal, correspondance) « Une star de Thiès à Niamey Sur son campus, l’EPFL offre 1500 cours à 9300 étudiants. En ligne, une trentaine de Moocs pour plus de 400000 inscrits, mais seulement 13073 Africains en 2013. Patrick Aebischer, son président, en veut 100 000. Pour cela, il vient de prendre six mois de congé sabbatique afin d’arpenter le continent et sceller des accords avec des universités africaines. « Les Français ont pris du retard, regrette-il. On ne cherche pas à leur ravir l’Afrique francophone. Au contraire. Ce serait formidable de monter ensemble une plate-forme avec 500 cours, pour offrir des curriculums complets.» L’ébauche de ce rêve est le portail Ocean-flots.org, qui propose 23 cours, la moitié de l’EPFL et le reste par l’Ecole polytechnique de Paris, l’ENS de la rue d’Ulm, l’ENS Lyon, l’université catholique de Louvain et HEC Montréal. À Lausanne, les quelques passionnés d’Afrique qui, pendant des années, ont autofinancé leurs voyages, sont désormais portés par la stratégie africaine de l’EPFL. C’est le cas de PierreYves Rochat, 56 ans. Son Mooc a tellement d’inscrits en Afrique, où il passe trois mois par an, qu’il est une star de Thiès à Niamey, de Pointe- Noire à Kinshasa, reconnu à sa chemise à fleurs avant même son entrée dans l’auditoire. L’un de ses étudiants de Cotonou, Roméo Fassinou, a développé des afficheurs matriciels en forme de croix, pour les pharmacies. Son entreprise compte déjà dix employés et exporte dans les pays voisins. Un autre étudiant de M.Rochat, Cédric Lako, de Douala, a passé six mois à l’EPFL et donne des coups de main au groupe d’étude d’Arel Kevin. Il a développé une application qui permet de modifier les textes de la dernière génération de ces enseignes lumineuses à partir d’un smartphone. Les Moocs donnent des ailes aux étudiants. Jessé Lubingu, de Lubumbashi: « Grâce aux Moocs, je comble mes lacunes à grande vitesse. L’étape suivante est un projet de construction à 600000dollars.» Arel Kevin définit ainsi ce que les membres de son groupe étaient avant de suivre le Mooc sur les microcontrôleurs: «De simples étudiants dépourvus d’ambitions concrètes, des fanatiques de premier ordre et des théoriciens endurcis.» Ils ont désormais décidé de lancer une petite société pour développer, «si le Ciel le veut bien », des commandes de portes à distance avec un module GSM, une alarme avec déclaration du degré d’infraction au propriétaire par téléphone mobile, des afficheurs matriciels, des feux de carrefour. «Grâce au Mooc, dit-il, on peut tout automatiser! » Et si le ciel ne le veut pas, il estime qu’ils trouveront un emploi aux Brasseries du Cameroun, à la CCC (société de savonnerie) ou chez Akwa, société chinoise de fabrication d’afficheurs matriciels, basée à Douala. p serge.michel@lemonde.fr UN PUISSANT CRI D’AMOUR « Laëtitia Favro, Le Journal du Dimanche «Plus que le procès d’un père, une sorte de précis de survie. Un manuel sur l’art de choisir ce dont on hérite.» Raphaëlle Leyris, Le Monde des Livres «Un bon livre, juste et fort, de ceux qu’on ne pouvait pas ne pas écrire.» Michel Schneider, Le Point «Implacable.» Jérôme Garcin, Le nouvel Observateur «Pudique et incisif.» Claude Combet, Livres Hebdo «Pascal Bruckner est très fort pour décrire des sentiments humains très complexes sans être dans le pathos.» Aymeric Caron, On n’est pas couché, France 2 «Un récit d’apprentissage tout en sincérité et en retenue.» Nathalie Crom, Télérama «Très fin, très subtil, le contraire d’un règlement de comptes.» Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président pTirage du Monde daté samedi 3 mai 2014 : 331 694 exemplaires. leur est diffusé en classe, mais il est rapide (sept semaines) et exigeant (des tests entre chaque étape). Les étudiants de Douala qui ne comprennent pas tout se sont donc organisés pour travailler ensemble les points difficiles. Aux Etats-Unis, le succès foudroyant des Moocs fait apparaître leurs premières limites. On se demande ce qu’il adviendra du modèle économique d’universités ultra-chères. On se demande si les cours en ligne ne sont pas en train de déshumaniser l’enseignement. Soucis de riches! A Lubumbashi, au Congo, personne ne songe au risque de déshumaniser l’enseignement. «Les Moocs ont du succès parce que les auditoires sont bondés, mal aérés et les sièges sont cassés.» Jessé Lubingu sait de quoi il parle. Il est diplômé en dessin architectural de l’Université indépendante d’Angola et en construction industrielle de l’Ecole supérieure des ingénieurs de Lubumbashi. Il a aussi une accréditation en écologie et environnement et une maîtrise en sciences du bâtiment. «Franchement, dit-il, les universités africaines ont de la peine avec les mises à jour. Au Congo, les cours datent de l’époque des colons belges.» Si bien que ces jours, ou plutôt ces nuits afin de bénéficier d’une meilleure bande passante et de pouvoir gagner sa vie durant la journée, Jessé Lubingu se connecte chez lui, au 29 de la cité Mobutu, sur l’avenue Bakwansupi, au Mooc de l’EPFL intitulé «Ville africaine» du professeur Jérôme Chenal. Il est question de planification urbaine, de transports en commun, de gestion des déchets. Et l’on se dit qu’il était temps de mettre ce cours à disposition des Africains, à qui cela pourrait être utile, plutôt que de le confiner aux amphithéâtres européens. Olivia de Lamberterie, Le Masque et la plume, France Inter DANS TOUTES LES LISTES DE MEILLEURES VENTES Grasset 2
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