LES OUBLIÉS DU REBOND AMÉRICAIN JOUER EN LIGNE ET FAIRE AVANCER LA SCIENCE «Se battre», un film pour affronter la misère du monde ENQUÊTE – LIRE PAGE 20 SCIENCE & MÉDECINE – SUPPLÉMENT CINÉMA – LIRE PAGE 12 Mercredi 5 mars 2014 - 70e année - N˚21501 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède L’affaire Copé déstabilise l’UMP Ukraine Face à Poutine, l’arme économique t Les ténors de l’opposition critiquent la contre-offensive du président de l’UMP J t Les Occidentaux discutent de sanctions contre le pouvoir russe t Fuite des capitaux, krach boursier : la Russie paie très cher son coup de force en Crimée La base de Perevalne, en Crimée, lieu de tensions entre soldats russes et ukrainiens. LIRE P. 2 À 5, DÉBATS P. 18, CAHIER ÉCO P. 4-5 LORIS SAVINO POUR « LE MONDE » Pollutionen Chine: les dégâts du développement sale L undi 3 mars, les habitants de Pékin se sont de nouveau réveillés dans une ville plongée dans un smog opaque. En quelquesannées, le masque antipollution est devenu l’attribut du citadin chinois, effaçant la photo-souvenir des milliers d’ouvriers qui arpentaient autrefois, à vélo, les larges avenues de la capitale. La Chine s’est développée. De façon spectaculaire. Mais ce succès – envié par les pays les plus pauvres et par les pays industrialisés en panne de croissance – butte aujourd’hui sur une réalité que les autorités ne peuvent plus ignorer: la pollution au cœur des villes donne un goût amer à cette expansion. En quelques décennies, le pays s’est hissé au rang de deuxième puissance économique mondiale, mais aussi de premier pollueur. Près de 500 millions de personnes ont été victimes du dernier épisode de smog qui a frappé la capitale et la province industrielle du Hebei au cours des derniers jours. Les pics LE REGARD DE PLANTU contre les dangers de ce développement sale. A la tête du pays depuis un an, Xi Jinping a annoncé une série de mesures allant de la restriction de la circulation automobile dans les villes à la fermeture des usines les plus polluantes. Leur application soulève jusqu’à présent surtout du scepticisme. Lors de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire qui s’ouvre mercredi 5 mars, le président mettraenavant les réformeséconomiquesimportantes qu’il a engagées. Mais ce sont de véritables mesures contre la pollution qui sont attendues. Les autorités chinoises ont l’art de mettre en avant sur la scène internationale un discours sur la primauté du développement économique pour éviterde prendreleur partdans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais cette rhétorique est désormais battue en brèche à l’intérieur du pays. Pékin se trouve ainsi soumis à une double injonction de faire davantage: si la Chine a jusqu’à présent réussi à éluder les mises en demeure de ses partenaires étrangers, il lui sera plus difficile de rester sourde aux interpellations de sa population. p LIRE NOS INFORMATIONS PAGE 6 ARGENT & PLACEMENTS LIRE PAGE 8 AUJOURD’HUI Anne Hidalgo adapte sa stratégie média Ces médecins qui « aident à mourir » Au cœur du débat sur la fin de vie, des généralistes racontent au Monde comment, en toute discrétion, ils accompagnent leurs patients jusqu’à la mort. Vivendi entend tirer au moins 15milliards d’euros de la vente de sa filiale télécom. Le cablôopérateurNumericable a déjà déposé une offre. En attendant d’autres… FRANCE – PAGE 9 FRANCE – PAGE 10 CAHIER ÉCO – PAGE 3 Elle manquait de notoriété, voulait répliquer à chaque propos public de son adversaire: en tête dans la course à la Mairie de Paris, la candidate PS a changé de méthode. Les enchères montent pour acheter SFR LES FILMS DU POISSON ET SAMPEK PRODUCTIONS PRÉSENTENT ‘‘ Une petite merveille ’’ STUDIO CINÉ LIVE H H H ‘‘ Un extraordinaire état des lieux de notre époque ’’ V.O. LA COUR DE BABEL un film de Julie Bertuccelli Mieux vieillir en restant chez soi a De nouvelles technologies pour favoriser le maintien des aînés à domicile. a La résidence seniors, une aubaine pour les investisseurs a La seconde jeunesse du viager a Les limites de l’assurance dépendance a Un entretien avec Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées © ILLUSTRATION : CHRISTOPHE BLAIN UK price £ 1,80 ÉDITORIAL de pollution aux particules fines ont atteint des niveaux trente fois supérieurs au seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé. Le coût en termes de santé publique commenceà être chiffré: la pollution atmosphériquea été à l’originede1,2million demortsprématurés en 2010, selon une étude publiée en décembre2012 dans la revue médicale britannique The Lancet. Et le mal des « poumons noirs », lié à l’exploitation du charbon, qui fournit à la Chine près des deux tiers de son énergie, reste la première cause de maladie du travail. L’épouvantable qualité de l’air, symptôme le plus visible de la dégradation écologique en Chine, est devenu l’une des premières sources de mécontentement de la population. Au pointde susciter, fin février,la plainteofficielle d’un habitant du Hebei contre le département local de protection environnementale. Cette action risque de n’être que symbolique, mais elle en dit long sur le degré d’exaspération de citoyens : ils considèrent que le gouvernement ne fait ni le nécessaire ni même l’indispensable pour protéger leur santé ean-François Copé se retrouve plus isolé et fragilisé que jamais après sa riposte – jugée maladroite – aux accusations de favoritisme, dont il est l’objet. D’Alain Juppé à Laurent Wauquiez, de plus en plus de voix s’élèvent à droite pour se démarquer de lui. Tous lui reprochent de ne pas avoir levé les soupçons pesant sur sa gestion financière et d’avoir tenté, à la place, de diluer sa mise en cause personnelle dans une suspicion générale à l’égard de la classepolitiqueet des journalistes.Lescandidats aux municipales craignent de faire les frais de cette affaire, qui a toutes les chances de raviver, à terme, les divisions au sein de la droite. Pour le moment, les rivaux de M. Copé retiennent leurs coups, dans le souci de ne pas rouvrir une crise interne en pleine campagne. Si le contexte électoral protège le président de l’UMP, le camp Fillon prévient que le cessez-le-feu prendra fin à l’issue du scrutin des 23 et 30 mars. p AU CINÉMA LE 12 MARS SUPPLÉMENT Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 international 0123 Mercredi 5 mars 2014 Moscou désavoué au Conseil de sécurité de l’ONU Les justifications données par la Russie à son intervention en Crimée n’ont pas convaincu, y compris son allié chinois New York (Nations unies) Correspondante U n camouflet, par quatorze voix contre une. Quatorze voix se sont élevées contre celle de la Russie, lundi 3 mars, lors de la troisième réunion d’urgence en quatre jours du Conseil de sécurité de l’ONU sur la crise en Ukraine. De l’avis de nombreux diplomates, le débat public – convoqué cette fois à la demande de Moscou – restera dans les annales comme un tournant de la diplomatie onusienne. L’ambassadeur russe, Vitali Tchourkine, souhaitait profiter du format« grandpublic » pour exposer sa lecture de la situation à ses homologues dubitatifs, voire incrédules. Il s’est retrouvé cloué au pilori, face caméras, par ses 14partenaires – y comprisson plus fidèle allié, la Chine –, chacun condamnant sans détour l’intervention russe en Crimée. «Oncroirait laRussie devenuele bras armé delahaut-commissaire del’ONU auxdroits del’homme» Samantha Power ambassadrice américaine Aprèsavoirappelétouteslesparties à régler leurs différends « dans le respect du droit international», l’ambassadeur chinois Liu Jieyi a en effet souligné que son pays avait «toujours respecté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays et accordé une importance majeure au respect de l’intégritéterritoriale de l’Ukraine ». La Russie est intervenue de son plein droit pour venir en aide à des millions de Russes et d’Ukrainiens russophones en danger, avait fait remarquer un peu plus tôt M. Tchourkine, brandissant pour preuve un document daté du 1er marsetsignéduprésidentdéchu ukrainien, Viktor Ianoukovitch, aujourd’hui réfugié en Russie. Dans cette missive, qui aurait donc été envoyée au lendemain de la conférence de presse où l’exchef de l’Etat ukrainien se disait opposé à toute intervention L’ambassadeur russe aux Nations unies, Vitali Tchourkine, produit une lettre attribuée à Viktor Ianoukovitch et demandant une intervention russe en Ukraine. BEBETO MATTHEWS/AP armée, M. Ianoukovitch demande au président russe, Vladimir Poutine, l’aide militaire de la Russie « pour défendre la population ukrainienne», dont le pays est « au bord de la guerre civile à la suite des événements intervenus à Kiev ». « Des vies sont menacées (…), des gens persécutés », sur la base de leurlangueouappartenancepolitique, continue de lire à voix haute l’ambassadeur russe, qui ajoute : « Les vainqueurs [à Kiev] veulent piétiner les droits fondamentaux» desminoritéspro-russeset«menacer nos compatriotes et la flotte de la mer Noire ». « Légitimes », donc, les actions de la Fédération de Russie. De là à invoquer la « responsabilité de protéger» incombant à son pays, il n’y avait qu’un pas que M. Tchourkine a franchi malgré lui, laissant les Occidentaux abasourdis. Ces derniers ont passé les trois dernières années à batailler en faveur de la protection des civils en Syrie, en vain à cause de l’opposition acharnée de la Russie. Chacune de leurs initiatives sur le dossier syrien s’est heurtée à un « niet» ferme de Moscou. « A l’entendre, on croirait la Russie devenue le bras armé de la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme», a ironisé l’ambassadrice américaine Samantha Power, réfutant un à un les arguments de son collègue russe. L’intervention militaire en Crimée « n’est pas une mission de protectiondes droits de l’homme, mais (…) un acte d’agression et il doit cesser », a martelé la diplomate, avant de préciser : « Il n’y a aucune preuve de violences contre les communautés russes ou pro-russes » en Ukraine, « la Russie réagit à une menace imaginaire ». Autant de «flagrantescontrevérités» qui rappellent une ère a priori révolue, a renchéri le représentant perma- nent de la France Gérard Araud, déplorant que « la Russie semble revenir à ses vieux démons, en rejouant des rôles démodés dans un décor désuet, à l’affiche d’un théâtre en faillite ». C’est quarante ans en arrière, et plus précisément à l’invasion en 1968 de la Tchécoslovaquie par les forces soviétiques, que l’« occupation » de la Crimée ramène l’Europe, a regretté le diplomate. « Tout y est : la pratique comme la rhétoriquesoviétique,la brutalitéet la propagande», a-t-il ajouté, en comparant M. Poutine à son prédécesseurLéonidBrejnev. Car,contraire- La menace de sanctions est loin de faire l’unanimité chez les Européens QUELQUES HEURES seulement après l’adoption de menaces de sanctions contre la Russie par les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne (UE), lundi 3mars à Bruxelles, la virulente sortie de l’ambassadeur russe aux Nations unies, Vitali Tchourkine, a douché les espoirs de tous ceux qui tablaient sur une inflexion de la rhétorique guerrière du Kremlin en Ukraine. Ses propos inflexibles pouvaient se lire comme une réponse à la mise en garde adressée au Kremlin à l’issue de la réunion de Bruxelles, organisée à la demande de la Pologne, qui tire depuis plusieurs mois la sonnette d’alarme sur la détérioration de la situation chez son voisin ukrainien. Pendant qu’ils débattaient des mesures à prendre, les ministres européens suivaient avec inquiétude l’évolution en Crimée et dans l’est de l’Ukraine. Au terme de leur rencontre de cinq heures, ils ont condamné « la violation manifeste de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par des actes d’agressions des forces russes». Sans toutefois utiliser le terme « d’invasion», préféré par les anciens pays de l’Est. Si la Russie ne prend pas des « mesures de désescalade» en ordonnant le « repli » des forces russes dans « leurs zones de stationnement permanentes» en Cri- mée, l’Union européenne menace de prendre des sanctions contre Moscou lors du sommet extraordinaire des chefs de l’Etat et de gouvernement des Vingt-Huit, convoqué jeudi 6 mars, à Bruxelles. Pour l’instant, les premières sanctions évoquées par l’UE dans son communiqué sont mesurées: menace de suspension des négociations sur les visas russes, report de celles portant sur un accord de coopération économique et interruption des préparatifs liés au G8 de Sotchi, prévu au mois de juin. Plusieurs ministres européens ont cependant émis des doutes sur la portée de ces mesures et leur capacité à infléchir la position de Moscou. Didier Reynders, ministre belge des affaires étrangères, s’est dit « pessimiste» sur l’évolution de la situation en Ukraine et son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn, ne cachait pas non plus son inquiétude. « J’ai bien peur qu’on ne soit qu’au début d’un processus plutôt qu’à sa fin », a-t-il déclaré. Toutefois, le texte adopté lundi par les Européens n’est qu’un premier pas. « S’il n’y a pas de mesures rapides et concrètes de désescalade», a prévenu Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, « les ponts seront coupés sur beaucoup de sujets». Mais la menace de recours à des sanctions, dont l’adoption est différée jusqu’à jeudi, est loin de faire l’unanimité au sein de l’UE. L’Allemagne, notamment, qui s’est imposée comme le principal interlocuteur de Vladimir Poutine, est réticente à s’engager sur cette voie, dont elle redoute les retombées sur ses nombreux intérêts commerciaux en Russie. Argument économique En revanche, les pays scandinaves, et surtout la Pologne et les pays baltes, traditionnellement plus revendicatifs vis-à-vis de la Russie, se sont montrés satisfaits de la réunion de Bruxelles, alors qu’ils se sont longtemps plaints de la «mollesse» de leurs partenaires européens vis-à-vis de Moscou. La Russie pourrait faire face « à de sérieuses conséquences» si elle poursuit son intervention en Crimée, s’est félicité Radoslaw Sikorski, le ministre polonais des affaires étrangères A ce stade, fait-on savoir au Quai d’Orsay, il est encore nécessaire de « rester graduel dans le langage et les mesures de rétorsions envisagées. Elles seront calibrées en fonction de l’évolution sur le terrain ». Si la Russie se montre intransigeante d’ici à jeudi, les Européens disent disposer de «toute une gamme de ripostes» qui pourraient être mises à l’ordre du jour lors de la réunion du 6 mars à Bruxelles: sanctions économiques, notamment dans le secteur bancaire, embargo sur les armes, gel des avoirs des institutions et des individus, suspension des négociations sur le régime des visas, etc. La logique, note un diplomate européen, consiste à « envoyer des La BBC révèle une note embarrassante sur les sanctions Le Royaume-Uni pourrait s’opposer à des sanctions commerciales contre la Russie et ne souhaite pas fermer la City aux capitaux russes en réponse à l’intervention de Moscou en Ukraine, a rapporté, lundi 3 mars, la BBC sur la foi d’un document montré par mégarde à un photographe. Ce texte officiel, qui a été photographié alors qu’un haut responsable britannique, non identifié par la BBC, le portait au premier ministre, David Cameron, au 10, Downing Street, souligne que « le Royaume-Uni ne devrait pas soutenir pour l’instant des sanctions commerciales ou fermer aux Russes le centre financier de Londres ». La BBC ne précise pas si ce document ne vise qu’à évoquer des hypothèses de travail ou s’il définit la position officielle de Londres. flèches sur les deux talons d’Achille» de la Russie : sa fragilité économique et son souci de respectabilité sur la scène mondiale. « Il n’est pas certain que Poutine ait envie de devenir un nouveau Mugabe», souligne-t-on au Quai d’Orsay, en référence au président du Zimbabwe, paria de la communauté internationale. A supposer que la Russie recherche encore le compromis, l’argument économique pourrait être le plus pertinent. Les menaces de sanctions et d’isolement proférées, dimanche, par John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, ont semé un vent de panique sur les marchés russes et fait plonger la Bourse de Moscou, lundi. En attendant les décisions que prendront les dirigeants européens, jeudi à Bruxelles, la pression diplomatique contre la Russie va se poursuivre, mardi 4mars, avec la convocation d’une deuxième réunion de crise de l’OTAN sur l’Ukraine. Elle est, à nouveau, convoquée par la Pologne, qui a invoqué l’article 4 du traité de l’OTAN, qui permet à chaque membre de l’Alliance atlantique de consulter ses partenaires chaque fois qu’il estime que sa « sécurité est menacée ». L’onde de choc du conflit ukrainien n’en est qu’à ses débuts. p Yves-Michel Riols (à Paris) et Alain Salles (à Bruxelles) ment à ce qu’avance Moscou pour sa défense, « on ne tue pas aujourd’hui dans les rues de Kiev, on ne menace pas les populations russophones de Crimée et les néonazis n’ont pas pris le pouvoir à Kiev». La France veut coopérer avec une Russie «avec laquelle elle a une longue histoire commune mais pas à n’importe quel prix », a encore insistél’ambassadeur,avantdeprésenter le plan en six points qui devrait, selon lui, constituer la base d’une sortie de crise : le retour des forces armées russes dans leurs bases, le cantonnement immédiat, le désarmement et la dissolution desélémentsparamilitaires,lerétablissement par le Parlement ukrainien de la loi sur les langues régionales, la mise en place d’un haut conseilpourlaprotectiondesminorités, la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle et l’organisation d’élections présidentielles le 25 mai sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Unpeu plus tard, devant la presse, M. Tchourkine mettait en doute l’utilité des institutions internationales dans les conflits, citant l’exemple du Kosovo en 2000, où « rien n’a été fait pour empêcher les tueries perpétrées contre les Serbes». La Russie avait demandé cetteréuniondu Conseil,maisn’a proposé « aucune ouverture qui permettrait de faire baisser la tension»,a regretté l’ambassadeurbritannique Mark Lyall Grant à l’issue de cette séance houleuse de plus de deux heures. Selon le représentant ukrainien à l’ONU, Iouri Sergueïev, approximativement 16 000 soldats russes ont été déployés en Crimée depuis le 24 février. Les forces armées ukrainiennes ont « fait preuve de retenue jusqu’à maintenant », a relevé l’ambassadeur, qui a cependant mis en garde contre le risque de « provocations» auxquellesl’armée russe pourrait recourir pour attaquer l’Ukraine. Si tel était le cas, l’ONU resterait figée dans son silence, le droit de veto dont dispose Moscou en tant que membre permanent du Conseil de sécurité faisant obstacle à toute action. p Alexandra Geneste 0123 international Mercredi 5 mars 2014 3 L’OTAN n’envisage aucune action concrète Les ambassadeurs des pays membres de l’Alliance atlantique devaient se réunir de nouveau, mardi 4mars, à la demande de la Pologne E n dépit de fermes déclarations, la crise ukrainienne n’est, pour l’heure, pas une affaire pour l’OTAN, indiquent diplomates et militaires. « Il n’est pas question d’un plan militaire, il n’existe pas de plan », assure une source française à Bruxelles. Après une première réunion du Conseil de l’Atlantique Nord dimanche 2 mars, les ambassadeurs des 28 pays membres devaient se retrouver mardi à la demande de la Pologne, dans le cadre de l’article4 du traité. Celui-ci prévoit une consultation quand, « de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties est menacée ». L’article 4, rarement invoqué, l’a été pour la dernière fois par la Turquie dans le cadre du conflit syrien. Depuis qu’elle avait signé une charte de partenariat avec l’OTAN en 1997, l’Ukraine était considérée « comme un partenaire fiable, stable et influent », souligne la Fondation Robert-Schuman. Le pays a participéaux opérationsdestabili- sation dans les Balkans. Il s’est impliquédans desactionsen Méditerranée, et a facilité la logistique otanienne en Afghanistan en ouvrant son espace aérien. Les perspectives d’un élargissementde l’Allianceà l’Ukraine et à la Géorgie,vouluà toutprix parGeorge Bush en 2008, ont fait long feu. Français et Allemands y avaient opposé leur veto au sommet de Bucarest cette même année. Depuisla crisegéorgienne,et l’élection de Barack Obama, l’administration américaine s’est montrée beaucoup plus prudente, même si des fonds américains ont financé les mouvements pro-européens ukrainiens. L’OTAN se contente de rappelerqu’ellemaintientsa«politique de la porte ouverte». En 2010, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a renouvelé le bail de la base russe de Sébastopol, prolongé jusqu’en 2042, en échange d’une réduction de 30 % du prix du gaz. Il a aussi fait part à l’OTAN de sa décision d’arrêter son programme d’intégration. « Quand Ianoukovitch a dit qu’il La Chine tiraillée entre le principe de non-ingérence et son alliance avec Moscou Pékin ne cautionne pas l’intervention russe en Crimée, sans pour autant la condamner Pékin Correspondant L ’ambassadeur de Chine aux NationsUnis, Liu Jieyi, a réitéré lundi lors d’une réunion d’urgence à l’ONU, que son pays avait toujours « respecté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays et accordait une importance majeure au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine », laissant penser que la Chine est en train d’évoluer vers une position un peu plus ferme à l’égard de Moscou que ne le laissaiententendrejusque-làles déclarations officielles. L’agence Chine nouvelle a précisé toutefois que Pékin se tiendrait dans une position de « stricte neutralité». Malgré la « large convergence de vues » entre la Chine et la Russie dont s’était réclamé lundi le ministère russe des affaires étrangères, Pékin est face à un dilemme. Il s’agit de ménager l’allié russe sans se dédire, car le principe de noningérence dans les affaires internes d’un Etat souverain est pour Pékin sacro-saint, en raison de la «politiqued’uneseuleChine», position selon laquelle des territoires comme Taïwan et le Tibet font partie intégrante du territoire chinois. Pékins’était déjàmontréerelativement critique vis-à-vis de l’opération russe en Géorgie en 2008. Cette fois, d’autres considérations entrent en jeu : le régime chinois a une sainte horreur des soulèvements populaires du type de ceux qui ont conduit à la destitution du président ukrainien Ianoukovitch, accueilli par Pékin en décembre2013 en visite officielle. Le communiqué officiel russe rapporté par l’agence Itar-Tass souligne d’ailleurs que la Chine « partage l’analyse» de la Russie sur le « rôle des forces extérieures qui ont appuyé EuroMaïdan et torpillé la mise en œuvre de l’accord du 21 février» – c’est-à-dire l’Occident. La méfiance du régime vis-à-vis des « révolutions de couleur » ou autres« printempsarabes» estavérée: maints séminaires et discours au sein du Parti communiste ont été consacrés à ces écueils que la Chinedoit éviter. Dans une tribune publiéesamedi1er marsparlequotidien Huanqiu Shibao (Global Times), le major-général Wang Haiyun, consultant pour le CIIS (China Institute of International Studies), avait incité la Chine à « ne pas se presser» avant de « reconnaîtrelenouveaugouvernementukrainien », dont il fait une « création » des « révolutions de couleur» instiguées par des «opposants pro-occidentaux». Reconnaître ce nouveau gouvernement voudrait dire pour la Chine cautionner « le néo-interventionnisme», a précisé en substance M.Wang. Ambiguïté Sur le front diplomatique, les déclarations officielles de Qin Gang, le porte-parole chinois des affaires étrangèreslundi, ont reflété l’ambiguïté chinoise: « Il y a des raisons pour lesquelles la situation en Ukraine est là où elle en est aujourd’hui», a-t-il déclaré tout en appelant au « dialogue et à la consultation ». Interrogé sur la reconnaissance par la Chine du nouveau gouvernement ukrainien, Qin Gang avait répondu que celle-ci « requérait un jugement qui se base sur les lois ukrainiennes ». Notre position, a-t-il précisé, « est d’être objectifs, équilibrés, justes et pacifiques, d’adhérer aux principes ainsi qu’aux faits ». Dequelcôtévapencherle«pragmatisme » chinois ? L’ancienne république soviétique était depuis son indépendance devenue une plaque tournante pour les acquisitions chinoises d’armement – c’est d’Ukraine que vient son porteavions le Liaoning, acheté en 1998 pour renforcer sa flotte. En outre, Pékin avait promis plusieurs milliards de dollars d’investissement lors de la visite de l’ex-président Ianoukovitch en décembre 2013. Un magnat chinois de l’industrie, Wang Jing, avait alors annoncé le projet de construire au côté d’un partenaire ukrainien, Kievgidroinvest, un port en eaux profondes sur la péninsule de Crimée. Pékin sait que l’Ukraine postMaïdan aura besoin de son aide – à condition de rester neutre. « La meilleure solution pour la Chine reste de ne pas prendre position très clairement », résume Shi Yinhong, spécialiste des relations internationales à l’université Renmin à Pékin. « En cas de vote [d’une résolution] à l’ONU, estime M. Shi, la Chine ne pourra pas s’opposer à la Russie». p Brice Pedroletti n’était plus intéressé, tout le monde a été soulagé », note Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris. « Les chances d’une adhésion même lointaine étaient proches de zéro avant cette crise. » Resteque descoopérationstechniques se sont développées, visant à diffuser les standards de l’OTAN dans une armée ukrainienne faible. « C’est une intégration par la normalisation, qui, de proche en proche, change les esprits», confirme un officier français. Aussi, « dans la vision d’un jeu à somme nulle que développe Poutine dans les relations internationales, une Ukraine qui se rapproche de l’Europe est susceptible un jour d’entrer dans l’OTAN », ajoute M.Grand. L’OTAN ne peut agir en Ukraine faute de consensus et le jeu russe n’est pas étranger à cette division. Dans l’Alliance, où les décisions se prennent à l’unanimité, la « nouvelle Europe » née de la fin de l’URSS s’oppose à l’ancienne. Derrière la Pologne, les anciens satellites soviétiques, notamment les Baltes qui abritent une forte minorité russophone, poussent à la fermeté. Mais Français et Allemands, soucieux de ne pas isoler la Russie au plan économique et parce qu’ils savent ne pas pouvoirse passer d’elle dans les dossiers iranien et syrien, veulent un compromis. Dans l’Alliance, la «nouvelle Europe», née de la fin de l’URSS, s’oppose à l’ancienne La base navale russe de la mer Noireest le pointd’appui de la Russieen Syrie.Dans l’OTAN,la spécificité russe de la Crimée est reconnue dans les faits. Contrairementà ce qui s’était passé lors de la crise géorgienne en 2008, nul bateau occidental n’est entré ces jours-ci en mer Noire. « L’OTAN doit jouer son rôle d’alliance militaire face à la Russie, mais elle ne doit pas être un acteur de la crise, qui doit être régléeparl’ONU,l’UE, l’OSCE»,résu- me un officiel français à Bruxelles. Varsovie n’a pas obtenu de réunion des 28 au niveau ministériel. Et si la première déclaration de l’OTAN s’est voulue ferme vis-à-vis de Vladimir Poutine, elle a rappelé à l’Ukraine l’exigence de protéger ses minorités. « C’est une volonté d’équilibre par rapport à un régime ukrainien que l’on ne trouve pas encore complètement fréquentable, et un accord est à trouver avec la Russie », indiquait lundi une source à l’OTAN. En Pologne, des voix réclament un embargo sur les armes, plaçant la France en ligne de mire : celle-ci achève la construction d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC), porte-hélicoptères dont elle a vendu deux exemplaires à la Russie. Le bateau est encore dans les chantiers de Saint-Nazaire. Il doit rejoindre Saint-Pétersbourg à l’automne, pour être équipé de son armement russe, avant de rejoindre la flotte russe du Pacifique en 2015. Lors des négociations, en 2009, Paris avait déjà dû rassurer ses alliés dans l’OTAN. L’exécutif n’était, alors, pas unanime sur l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN, mais les perspectives du marché russe faisaient, elles, consensus. « Le BPC ne changerait rien à la crise actuelle, compte tenu du différentiel de puissance entre les armées russe et ukrainienne », estime l’ancien ministre de la défenseHervé Morin.Celui-ci indique que lors des discussions sur la vente du BPC, la question ukrainienne n’était pas dans le radar. La seule démonstration de force reste donc celle de la Russie. A l’ONU, lundi, le représentant de l’Ukraine a affirmé que Moscou avait envoyé 16 000 hommes en Crimée depuis le 24 février, en plus des troupes déjà stationnées. L’accord sur la base de Sébastopol prévoit un plafond de 25 000 soldats russes, mais nul déploiement hors de cette enceinte. Les sources occidentales indiquent par ailleurs que 100 000 à 150 000 militaires russes sont déployés aux frontières de l’Ukraine. p Nathalie Guibert 4 0123 international Mercredi 5 mars 2014 Arméeukrainienne contresoldats fantômesenCrimée Des militaires russes, sans signes distinctifs, contrôlent les principaux axes de la péninsule Reportage Bakhchissaraï (Crimée) Envoyé spécial V ladimir Poutine a ordonné aux troupes du centre et de l’ouest de la Russie de rentrer dans leurs bases, mardi 4mars. Il avait assisté la veille au dernier jour d’exercices de ces troupes, ordonnés par surprise le 26 février. Lundi, les chancelleries avaient prisau sérieuxl’agencerusse Interfax selonlaquelle le chefde laflotte russe de la mer Noire, le vice-amiral Alexandre Vitko, avait ordonné aux Ukrainiens de déposer les armes d’ici mardi, à 5 heures du matin, sans quoi un assaut serait lancé sur toutes les bases de la péninsule.L’agencecitaitunesource anonyme au ministère ukrainien de la défense. C’étaitdirequelaprisedecontrôledelaCrimée,achevéedès vendredi, se muerait en guerre ouverte, afin d’y réduire les poches de territoire encore sous l’autorité de Kiev, ou simplement restées passives. Le bureau russe d’Interfax démentait quelques heures plus tard : le QG de la flotte, à Sébastopol, dénonçait« une absurditétotale»etprécisaitqu’«aucuneattaque n’estenpréparation».SergueïNarichkine, président de la Douma, avait assuré plus tôt qu’il n’était « pas nécessaire pour le moment » d’envoyer l’armée en Ukraine. D’autant plus qu’elle y est déjà. L’armée ukrainienne a annoncé elle aussi avoir reçu un premier ultimatum russe, qui enjoignait les équipages de deux navires ukrainiens bloqués à quai à Sébastopol de se rendre sans délai, sous menace d’un assaut. Quatre navires russesles empêchaientde quitterla rade. Le ministèredela défense russe a également démenti. Plus grave peut-être : lundi, l’ambassadeur ukrainien auprès de l’ONU, Iouri Sergueïev, affirmait que la Russie avait déployé 16 000 hommes dans la région depuis une semaine, en violation des accords conclus avec la base russe de Sébastopol. Le contingent régulier compte déjà 25 000 hommes. Selon les gardes frontières ukrainiens, 4 navires militaires russes, 13 hélicoptères et 8 avions de transport de troupes sont arrivés en Crimée depuis vendredi. Cette concentration laisse craindre la préparation d’une offensive plusvaste. Samedi,VladimirPoutineavaitdemandéetobtenudu Parlement russe l’autorisation de déployer les forces dans tout le territoire ukrainien. Ces troupes contrôlaient lundi les points de passage entre la Cri- Des soldats sans signe de nationalité dans la base militaire de Perevalne, à 30 km de Simferopol. LORIS SAVINO mée et l’Ukraine. Elles y creusaient des tranchées, laissant des Cosaques ukrainiens réguler le trafic. Les Russes tenaient encore un terminal de ferry reliant la péninsule à la Russie par la mer près de Kerch. De nouvelles troupes pourraient arriver par ce point de passage. Dans les terres, depuis deux jours,les positionsmilitairesukrainiennes autour de Sébastopol, les deux bases de Perevalne et celle de Bakhchissaraï, ainsi que quelques postes de douanes, font l’objet de raids. Des soldats, toujours masqués et sans signe de nationalité, y enfoncent des portes au pied-de- biche, tandis que des officiers qui seprésententcommerusses àleurs homologues ukrainiens demandent leur reddition. Moscouaurait déployé 16000 soldats dans la région, le contingent régulier comptant déjà 25000 hommes A Bakhchissaraï, lundi soir, des proches de soldats rodaient sous les arbres, à la recherche de nouvel- les. Slava, 21 ans, avait jeté par-dessusle mur des cigaretteset des graines à croquer à son petit frère, 20ans, convoquéà la base il y a sept jours « pour un entraînement ». Depuis, il y est assigné. Selon son frère, plusieurs de ses camarades ont déjà quitté la base. Cela ne surprendrait pas: d’autres ont été vus, dimanche, regagner discrètement leur maison, à la nuit tombée. « Il y a encore une vingtaine de types à l’intérieur qui laisseraient bien leurs armes et qui partiraient. Mais c’est parfait! S’ils s’en vont, ils sont déserteurs et risquent six ans de prison. S’ils restent [avec les Rus- La Turquie, parrain attentif des Tatars de Crimée Istanbul Correspondance Après un long silence sur la répression de Maïdan, la diplomatie turque, inquiète de la situation de la minorité tatare de Crimée, se mobilise sur le dossier ukrainien. Le président de la République, Abdullah Gül, a convoqué, lundi 3mars, une réunion de crise au palais de Çankaya avec le ministre des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. «Nous ne laisserons pas les tensions en Crimée nous entraîner dans une crise avec la Russie, a déclaré le chef de la diplomatie turc. Certains pouvoirs pourraient tenter de transformer la question de la Crimée en une crise russo-turque. Mais la Crimée est d’abord et avant tout un problème pour l’Ukraine.» Un peu plus tôt, M. Davutoglu avait reçu des représentants des associations de Tatars de Crimée, implantés en nombre en Turquie. Ces organisations ont défilé dimanche, à Ankara et à Bursa notamment, pour réclamer le soutien du gouvernement turc. « Nous serons toujours là où nos frères ont besoin d’aide. Nous serons toujours à vos côtés pour aider la Crimée, la terre de nos ancêtres», a promis M. Davutoglu. Ankara revendique un rôle dans le règlement du conflit. Mais le coup de force de Moscou dans la péninsule place la Turquie en position délicate. Ses liens historiques avec la minorité tatare turcophone – environ 280 000 personnes, soit 12 % de la population – l’obligent à prendre position. M.Davutoglu s’est donc rendu à Kiev samedi, où il a rencontré les nouvelles autorités ainsi que l’ancien président du Mejlis, l’assem- blée parlementaire des Tatars de Crimée, Mustafa Qirimoglu Djemilev. Celui-ci a soutenu l’insurrection de Maïdan et la destitution de Viktor Ianoukovitch. Mais, dans le même temps, la Turquie fait son possible pour éviter de froisser la Russie, avec laquelle elle entretient des relations cruciales, notamment pour son approvisionnement énergétique. Or ces relations sont déjà compliquées par la guerre en Syrie. « Maintenir l’équilibre » La crise en Crimée ranime les vieux rêves de panturquisme encore vifs dans les partis nationalistes. Elle réveille aussi les ambitions diplomatiques régionales turques, mises en sommeil ces derniers mois par les affaires de corruption qui ébranlent le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. M.Davuto- glu avait déjà tenté en 2012 de trouver une issue diplomatique au sort des Tatars en provoquant une réunion avec son homologue ukrainien, le représentant du gouvernement régional de Crimée et celui de l’assemblée des Tatars. La Turquie garde en mémoire que l’ancien khanat de Crimée, fondé par des tribus turco-mongoles de la Horde d’or, resta plusieurs siècles sous domination ottomane, avant d’être annexé, en 1783, par la Russie de Catherine II. Un exode des Tatars s’ensuivit vers la Turquie. Il s’accéléra sous Staline dans les années 1940 avec les déplacements forcés. Ankara a récemment ravivé ses liens avec la minorité turcophone d’Ukraine. L’Agence turque de coopération et de développement (TIKA) dispose d’un bureau à Simferopol, et projette d’y financer une mosquée. Elle y mène des projets éducatifs depuis 1997 et a signé avec le gouvernement de Crimée, en octobre 2013, un accord de coopération. Comme pour la guerre russogéorgienne de 2008, Ankara devrait strictement s’en tenir à la convention de Montreux, qui lui confère le contrôle des détroits des Dardanelles et du Bosphore et limite le passage de navires militaires, sauf pour les pays riverains de la mer Noire. Le gouvernement turc n’a guère le désir de provoquer une crise dans ses relations avec Moscou, son principal fournisseur de gaz. M. Davutoglu a réaffirmé l’importance de «protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine», mais il a également appelé Kiev à « maintenir un équilibre » entre l’Union européenne et la Russie. p Guillaume Perrier ses ou l’autorité de Crimée], ils deviennent des traîtres » Le commandant a parlé à ses troupes à 9 heures. Personne n’est sorti. Autour de Slava, un copain de soldat et quelques rares voisins ayant encore le cœur de sortir le soir faisaient entendre la ligne défendueàMoscou,commeaugouvernement régional de Crimée : « Les Russes protègent les armes. Regardez-les: ils tournent le dos à la base. Ils sont là pour éviter que Pravyi Sektor [un groupe nationaliste radical de Maïdan] et des terroristes ne viennent prendre les fusils », avanceAlexeiPinziyenko,étudiant en mathématiques. Il s’inquiète notammentd’une prised’armesde radicaux dans la minorité musulmane tatare. « D’autres l’ont fait à Lviv », la grande ville de l’ouest du pays, précise-t-il. Alexei a en partie raison : les manifestants antiIanoukovitch ont vidé là-bas des commissariats, puis une base militaire il y a deux semaines, avant la chute du gouvernement de Kiev. A Sébastopol, lundi, les officiers du quartier général de la flotte ukrainienne ont officiellement refusé de se rendre. Leur ancien commandantenchef,DenisBerezovsky, avait fait défection la veille. M.Berezovsky est venu demander auxhommesdedevenirlespremières recrues des forces armées de la République autonome de Crimée. Son remplaçant, Serhiy Haiduk, a condamné sa traîtrise, dénonçant queM.Berezovskyavaitsubrepticement laissé entrer des membres des forces spéciales russes lorsqu’on l’a admis dans l’enceinte du quartier général. p Louis Imbert A Donetsk,le nouveau«gouverneurdu Donbass» rejettela tutellede Kiev Lundi, Pavel Gubarev a pris le contrôle, avec ses militants, du palais du gouvernement de cette région industrielle de l’Est ukrainien prorusse P avel Gubarev se dit « citoyen ukrainienmais de nationalité russe ». Dans cette formule ambiguë, le chef des militants qui ontpris,lundi3 mars,lecontrôledu palais du gouvernement à Donetsk résume le dilemme des habitants de cette région de l’est de l’Ukraine. En revanche, les références qu’il voudraitdonneràsonUkraineidéale sont sans équivoque: la Biélorussie et le Kazakhstan, deux vassaux de la Russie. Quant au Donbass, ce territoireest à l’évidence«une terre russe, même si le pouvoir de Kiev a toujours fait mine de l’oublier». Et son avenir, plutôt que dans l’Union européenne,estdansl’Eurasie,nouvelleterminologiedel’ancienempire soviétique. Cejeuneentrepreneurde30ans, quipossèdeuneagencedecommunication, était et est toujours largement inconnu des habitants de Donetsk. Ce radical est apparu depuistroisjoursàlatêtedesmanifestations contre le nouveau pouvoirinstallé à Kiev, encadrépar une «milicedu peuple du Donbass», qui a également surgi de nulle part. Ses partisans l’ont proclamé nouveau gouverneur du Donbass. Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que des médias de la capitale voient dans ce personnage un nouveau jouet de Vladimir Poutine. « Derrière moi, il n’y a personne… » : Pavel Gubarev se défend d’être une marionnette. L’air martial, il réclame qu’un référendum soit organisé dans la région pour quelapopulationdécidedesonstatut : soit elle devient un Etat autonome au sein de l’Ukraine, soit elle rejoint la Fédération de Russie. Il assure vouloirorganiser lui-même ce vote, ne reconnaissant plus la légitimité ni du gouvernement de Kiev ni du parlement local. Pour l’heure, ce mouvement n’est le fait que de quelques centai- L I T U. POLOGNE Donetsk Envoyé spécial RUSSIE BIÉLORUSS I E Kiev Kharkiv UKRAINE M O L D. Donetsk M O L D. ROUMANIE Donbass Odessa Crimée Sébastopol Mer Noire TURQUIE 50 km nes de personnes. Mais la prise du palais s’est faite, lundi en début d’après-midi, avec une déconcertante facilité. Les berkouts, ces forces antiémeute ukrainiennes qui s’étaient massivement déployées autour du bâtiment le matin, ont laissé faire. Ils sont ensuite restés dans les couloirs, assis à côté de leur casque et de leur bouclier. Ces événements sont à tout le moins le signe que le pouvoir central ne contrôle plus la situation dans cette partie du pays. Le gouverneur nommé par la capitale, Sergueï Tarouta, un oligarque de Donetsk, s’est éclipsé en attendant des moments meilleurs. L’ancien gouverneur destitué, Andrei Chichatsky, un proche du président déchu Viktor Ianoukovitch, a été reconduit par l’assemblée locale, lundi. Mais il est rejeté par les hommes de Pavel Gubarev qui lui reprochent son attentisme. Il y a donctrois « gouverneurs» du Donbass. C’est dire si la situation vire aujourd’hui à l’imbroglio. Dans le palais du gouverneur, désormais surmonté du drapeau russe, les manifestants occupaient encore mardi la chambredes députés régionaux. Le public, formé de gensdetousâgesetdetoutesconditions, s’était installé sur les sièges capitonnés de rouge et applaudissait les orateurs qui se succédaient en scandant « Russie! Russie! ». Les tribuns dénonçaient pêle-mêle les agissements des « fascistes » de Kiev, l’omnipotence des oligarques, leur attachement à Vladimir Poutine, leur souhait de conserver la langue russe qu’ils jugent menacée. Au journaliste français, jeunes et babouchkas brandissaient leur passeport ukrainien, accusant les médias locaux de désinformer en les faisant passer pour des Russes. Rumeur un peu folle Oleg Bokov, 36 ans, un ancien légionnaire qui a passé cinq ans dans l’armée française et a participéàdesopérationsenex-YougoslavieouàDjibouti,organisaitleservice d’ordre. Il avait revêtu son ancien treillis de l’armée française par-dessus lequel il avait enfilé une doudoune de l’armée ukrainienne. A la tête d’une équipe de costauds, il filtrait les entrées et les sorties dansd’interminablespalabres.«Ça fait vingt ans que notre région tra- vailleet queKievetLvivenprofitent, assure-t-il. Ça suffit ! Nous voulons désormais être avec les Russes.» Il reprend là une des complaintes de cette région sidérurgique et minière, la plus développée du pays: elle assure une notable partie du PNB mais estime ne pas être payée en retour. D’ailleurs, la rumeur un peu folle que de nouveaux impôts allaient être levés pour réparer les dégâts causés sur la place Maïdan, à Kiev, a achevé d’échauffer les esprits. Ivan Kvaskov, 33 ans, exprime sa révolte. « Notre peuple en a marre de ce pouvoir d’oligarques, marre de la bureaucratie et de la corruption, marre que les autorités ne prennent pas en considération nos aspirations, marre de ce qui se passe dans notre pays. Nous resterons jusqu’à ce que soit remis de l’ordre dans tout ça. » Pour l’heure, la situationà Donetsk ne fait qu’ajouter à l’anarchie en Ukraine. p Benoît Hopquin 0123 international Mercredi 5 mars 2014 5 Barack Obama veut isolerVladimir Poutine Washington brandit la menace de sanctions économiques Washington Correspondante S ’il a pu être accusé de « mener de l’arrière » les crises dans le monde arabe, ce n’est pas l’image que Barack Obama entend donner sur l’Ukraine. Après avoir tenté de temporiser le plus longtemps possible – il a fallu le vote du Parlement russe pour que les responsables américains parlent d’invasion –, la Maison Blanche a réagi avec une vigueur inhabituelle. « Le président a pris la tête des efforts pour mobiliser la communauté internationale, affirme le numéro deuxdu Conseilnationaldesécurité, Antony Blinken. Et nous voyons déjà l’impact de ces pressions : les marchés financiers ont baissé de 13 % ; le rouble est au plus bas.» «Quand Poutine joue aux échecs, nous jouons aux billes» Mike Rogers président de la commission du renseignement Vingt-quatreheures après avoir eu un entretien téléphonique de 90 minutes avec Vladimir Poutine, Barack Obama a fait savoir dimanche 2 mars qu’il préparait une série de mesures destinées à isoler la Russie, le pays qu’il ménageait depuis des années dans l’espoir de préserver le semblant de cogestiondes dossierssyrienet iranien. Le président américain a également consulté ses homologues européens.Lachancelièreallemande, Angela Merkel, lui aurait indiqué avoir eu l’impression que M. Poutine avait perdu le sens des réalités et évoluait « dans un autre monde» ; une appréciation que les Américains ont laissé filtrer dans la presse, pas mécontents, probablement, d’enfoncer un coin entre Moscou et Berlin. A l’issue de la deuxième réunion du Conseil national de sécurité en deux jours, le Pentagone a annoncé lundi avoir suspendu les liens militaires entre Washington et Moscou, soit les exercices, esca- lesde navireset conférencesde planification militaire. Le secrétaire d’Etat, John Kerry, a été dépêché à Kiev, mardi, pour manifester la solidarité des EtatsUnis avec le gouvernement ukrainien et l’encourager à la retenue. Il doitévoquerle plan d’aidebilatérale à l’Ukraine que Washington propose en complément du programmed’assistanceduFonds monétaire international. Parallèlement, le département d’Etat a annoncé plusieurs mesures montrant qu’il ne peut plus être question de « business as usual » entre Moscou et Washington. La visite en Russie d’une délégation américaine du Bureau du commerceextérieur a été annulée. Elle devait lancer la préparationdu traité bilatéral d’investissement que Washington espérait apporter à Sotchi, en marge du G8 de début juin. Les Américains entendent frapper au porte-monnaie. « A chaque rencontre au sommet à laquelle j’ai assisté,Poutineinsistaitpourdiscuter de commerce et d’investissements, a expliqué sur la chaine PBS l’ambassadeur Michael McFaul, qui vient de quitter son poste à Moscou. Maintenant, ce ne sera plus possible. Nous ne sommes plus à l’époque de la Hongrie ou de la Tchécoslovaquie. Les économies sont intégrées. Nous avons des moyens de pression.» Au département d’Etat, on souligne la « vulnérabilité des banques russes». John Kerry a aussi évoqué des sanctions individuelles, telles que des interdictions de visa ou le gel des avoirs, qui viseraient les élites, les oligarques, les classes aisées qui font leur shopping à Londres ou passent leurs vacances sur la Côte d’Azur. « Il y a beaucoup de gens autour du président Poutine qui n’accepteront pas ces coûts, a assuré Antony Blinken, le conseiller présidentiel. Mais ces sanctions ne valent que si elles sont appliquées partout.» « Le test de leadership pour Barack Obama va être de ramener l’Allemagnedans le giron », prévoit Gary Schmitt, le spécialiste des affaires militaires du centre de recherches conservateur American Enterprise Institute. Certains républicains vont plus loin en proposant d’accélérer le processus d’expansion de l’OTAN, et l’intégration de la Géorgie. D’autres, comme le président du Council on Foreign relations, Richard Haass, plaident pour la libéralisationdurégime d’exportations de pétrole et de gaz naturel américains vers l’Europe, ce qui permettrait à des pays comme l’Ukraine de réduire leur dépendance à l’égard de la Russie. « La transformation énergétique des Etats-Unisnousdonnedespossibilités que nous n’avions pas il y a quelques années », estime-t-il. Pour Barack Obama, la crise est aussi l’occasion de rassembler dans un domaine où il est désormais submergé de critiques : la politique étrangère. Certains républicains, furieux, le rendent indirectement responsable de la situa- Par coïncidence, la montée des périls en Ukraine intervient à un moment où les Etats-Unis annoncent une réduction de leurs effectifs militaires. Dans le budget 2015 qu’il présente le 4mars, Barack Obama a inclus une réorientation des forces armées qui traduit ses grands choix stratégiques: fin des déploiements en Irak et en Afghanistan, adaptation aux nouvelles missions, pivot vers l’Asie. Selon les propositions présentées au Congrès par le secrétaire à la défense, Chuck Hagel, l’armée de terre devrait passer de 522000hommes à 440000 ou 450000 avant 2017, soit le niveau le plus bas depuis 1940. Plusieurs équipements sont promis à disparaître comme l’avion espion U-2, remplacé par le Global Hawk, piloté à distance, ou l’avion A-10 conçu pour détruire les chars soviétiques en Europe pendant la guerre froide. Les Etats-Unis ne seraient plus capables de mener deux opérations terrestres en même temps. Les réductions sont rendues nécessaires par ce que M.Hagel appelle «les nouvelles réalités» internationales qui nécessitent plus d’investissements dans la cyberdéfense et dans les opérations spéciales que dans les opérations au sol. Elles sont aussi le reflet des coupes budgétaires automatiques (sequester) qui imposent tion en Ukraine. « Quand Poutine joue aux échecs, nous jouons aux billes », a lâché Mike Rogers, le présidentde la Commissiondu renseignement à la Chambre. Pour Ed Royce, le président de la Commission des affaires étrangères, Vladimir Poutine a été enhardi par la volte-face de Barack Obama fin août sur la Syrie. « Plus personne ne croit à la puissance américaine», a gémi le sénateur John McCain. Le Congrès a prévu d’examiner le plan d’aideà l’Ukraine (1 milliard en garanties d’emprunts) dans les prochains jours. « Ce devrait être un sujet consensuel», s’est félicité M.Obama. Ceux qui se sont oppo- sés à la guerre en Irak attendent de voir les parlementaires (John Kerry en était à l’époque) adopter le principe rappelé lundi par M. Obama : « Aucun pays n’a le droit d’envoyer des troupes dans un autre pays sans avoir été provoqué. » p Corine Lesnes MALI, Ô MALI « Orsenna, notre meilleur griot. » Trop peu de GI en Europe? Washington Correspondante Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, s’envole pour Kiev, le 3 mars. KEVIN LAMARQUE/AP Le Figaro Littéraire « Une fantastique odyssée. » au budget de la défense de ne pas dépasser 496milliards de dollars (361milliards d’euros) pour l’exercice 2015. Les Etats-Unis resteront néanmoins le pays qui consacre à ses forces armées autant que les dix pays suivants ensemble. Prisme asiatique L’invasion de la Crimée pourraitelle provoquer un réexamen des décisions? Le Pentagone a prévu des réductions supplémentaires dans les unités postées en Allemagne (actuellement quelque 10000 hommes contre 200000 en Europe à la fin de la guerre froide). Pour Gary Schmitt de l’American Enterprise Institute, l’administration Obama a été vite en besogne lorsqu’elle a décidé de déplacer des forces vers l’Asie, présupposant que l’Europe était une région de toute tranquillité. « Nous devons réaffirmer nos liens de sécurité avec l’Europe, conseille-t-il. Les pays baltes, la Pologne se sentent négligés depuis des années.» Les experts prévoient que Barack Obama pourrait être obligé de revoir la réduction du niveau des troupes en Europe. «C’est la crise la plus grave dans les relations entre grandes puissances depuis la chute de l’URSS, estime Charles Kupchan, du Council on Foreign Relations. L’invasion de la Crimée va peut-être signifier que l’époque de la rivalité entre grandes puissances est de retour.» p C. Ls L’Express « Ce roman donne à rire et à pleurer. » Le Point « Une machine littéraire fabuleuse. » Elle « Un chef-d’œuvre de drôlerie et d’érudition. » Ouest France « Madame Bâ en majesté, en liberté, en colère. » Le Journal du Dimanche « Un conte jubilatoire. » Lire Photo© Bernard Matussière 6 0123 international & planète Mercredi 5 mars 2014 AbdelazizBouteflikaconfirme saquatrièmecandidature Le président algérien sortant est apparu à la télévision le 3mars et s’est exprimé pour valider sa participation à la présidentielle C e fut d’abord le geste d’une main levée et une silhouette entraperçueà traversle parebrise d’une Mercedes noire. Puis l’image s’est précisée. A 19 heures, lundi 3 mars, le président AbdelazizBouteflikaestapparusurla chaîne de télévision nationalealgérienneassisaucôtédesonancienministre des affaires étrangères, Mourad Medelci, aujourd’hui président du Conseil constitutionnel, au siège de l’institution. « Je suis venu déposer officiellement ma candidature conformément à l’article 74 de la Constitutionet à la loi électorale», a déclaré M. Bouteflika, en paraphant son dossier pour l’élection présidentielle prévue le 17 avril. L’article cité dispose que le « président de la République est rééligible ». Il avait été modifié en 2008 pour mettre fin à la limite de deux mandats présidentiels de cinq ans et permettre à l’actuel chef de l’Etat, élu depuis 1999, d’en solliciter un troisième. Cette fois, il s’agit d’un possible quatrième mandat. Un long cortège de voitures officielles l’avait précédé, chargées de cartons contenant, dit-on, bien davantage que les 60000 signatures de citoyens (ou celles de 600 élus) nécessaires. Selon des témoins, son frère, Saïd Bouteflika, était présent. Alaveilledeladatede clôturedu dépôt des candidatures, celle de M. Bouteflika était guettée plus qu’aucune autre. Souriant, le président algérien a croisé les mains. Pendant quelques secondes, il s’est exprimé, la voix faible mais audible. Tous signes scrutés avec attention par ses opposants qui dénient au dirigeant algérien âgé de 77 ans, victime d’un grave accident vasculaire cérébral en avril 2013 et soigné en France pendant quatre-vingts jours, les capacités à gouverner. Angela Merkel, élue trois fois, est citée en exemple Depuis son discours prononcé à Sétif en mai 2012, peu avant des élections législatives, les Algériens n’avaient plus entendu le son de sa voix. C’est à travers des messages lus par ses ministres qu’à plusieurs reprises ces dernières semaines M.Bouteflikaaprisposition–ladernièreendate,dimanche,pourappeler les Algériens à « voter massivement» le 17 avril. Hormis quelques Centrafrique L’ONUproposel’envoide près de 12000casquesbleus NEW YORK. « Il n’y a pas de remède miracle. (…) Répondre à cette crise va demander du temps et des moyens», a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a transmis lundi 3 mars son rapport sur la crise centrafricaine au Conseil de sécurité. LesNations unies ont ainsi proposé l’envoi de 11 820 casques bleus dans le pays. Leur priorité: protéger les civils. La mise en œuvre de l’opération, une fois validée par le vote d’une résolution, se fera par étapes: une première vague de personnels militaires rétablira l’ordre et la sécurité, puis la police, renforcée par une importante composante civile, prendra progressivement le relais pour une mission de stabilisation. L’ONU, qui craint de voir les violences mener à une partition du pays, compte entre-temps soutenir financièrement les contingents africains déjà sur place. p Alexandra Geneste Bahreïn Trois policiers tués dans un attentat DUBAÏ. Trois policiers, dont un officier émirati, ont été tués lundi 3 mars par un attentat à la bombe dans un village chiite de Bahreïn où ils dispersaient des « émeutiers», ont annoncé les ministères de l’intérieur des deux pays. C’est la première fois qu’un membre des forces de sécurité d’un autre pays du Golfe est tué à Bahreïn, où des militaires des Etats voisins ont été déployés il y a trois ans pour soutenir la monarchie sunnite faceau soulèvement chiite. – (AFP.) Italie Beppe Grillo condamné à quatre mois de prison ferme ROME. Beppe Grillo, le chef du Mouvement 5 étoiles, contestataire et anti-partis, a été condamné lundi 3 mars par le tribunal deTurin à quatre mois de prison ferme pour avoir brisé les scellés du chantier du TGV Lyon-Turin. Onze autres militants opposés à la construction de cette ligne ont également été condamnés à des peines allant jusqu’à neuf mois de prison. L’avocat de M. Grillo a indiqué qu’il attendait «les motivations du tribunal avant de prendre la décision de faire appel ou non ». – (AFP.) - CESSATIONS DE GARANTIE COMMUNIQUE - 103286 En application de l’article R.21133 du livre II du code du tourisme, L’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE SOLIDARITE DU TOURISME (A.P.S.T.) dont le siège est situé : 15, avenue Carnot - 75017 PARIS, annonce qu’elle cesse d’accorder sa garantie à : BRICENO VOYAGES Immatriculation : IM 075 10 0230 SARL au capital de 32000 € Siège social : 10 rue Jacquemont – 75017 PARIS L’association précise que la cessation de sa garantie prend effet 3 jours suivant la publication de cet avis et qu’un délai de 3 mois est ouvert aux clients pour produire les créances. COMMUNIQUE - 103274 En application de l’article R.21133 du livre II du code du tourisme, L’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE SOLIDARITE DU TOURISME (A.P.S.T.) dont le siège est situé : 15, avenue Carnot - 75017 PARIS, annonce qu’elle cesse d’accorder sa garantie à : SUNNY VOYAGES Immatriculation : IM 044 12 0012 SARL au capital de 7500€ Siège social : 38 rue Albert de Mun – 44600 SAINT NAZAIRE L’association précise que la cessation de sa garantie prend effet 3 jours suivant la publication de cet avis et qu’un délai de 3 mois est ouvert aux clients pour produire les créances. images d’entrevues officielles, les Algériens ne l’avaient plus vu non plus. Pis: sa candidature à un quatrième mandat avait été annoncée le 22 février par son premier ministre, Abdelamalek Sellal, sans un mot de l’intéressé. Lundi, M. Sellal, de nouveau, est intervenu dans le débat en citant… la chancelièreallemande, Angela Merkel, élue à trois reprises. Elle pourrait «se présenter à un quatrième, voire à un cinquième mandat, pourquoi eux sont meilleurs que nous ?», s’est-il exclamé devant la presse. Lesignaldedépartayantétédonné, les soutiens de M. Bouteflika se font de plus en plus entendre. Lundi, à l’ouverture de la cession parlementaire, le président de l’Assemblée nationale populaire d’Algérie, Larbi Ould Khelifa, s’est ouvertement prononcé tandis que des députés du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) brandissaient des portraits du président. «L’Algérie accueillera, dans quelques semaines, un autre printemps (…) fidèle à celui qui l’a servie avec dévouement… », a déclaré M.Khelifa. Ils sont pour l’heure quatre postulants,hormisle chefde l’Etat sor- Capture d’écran de la retransmission de la prise de parole d’Abdelaziz Bouteflika, le 3 mars. CANAL ALGERIE tant, à se présenter à l’élection : Moussa Touati, président du Front national algérien, Abdelaziz Belaïd, du Front El Moustakbel, Ali Zaghdoud, du Rassemblement algérien,et LouisaHanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, souvent décrite comme laArletteLaguilleralgérienne.Mardi matin, c’était au tour d’Ali Benflis, ex-proche de M. Bouteflika et candidat battu en 2004, de déposer son dossier. Trois autres ont annoncé qu’ils se retiraient de la course faussée, selon eux, par la présence de M. Bouteflika, dont nuln’imagineenAlgériequ’il puisse être battu. Tout en produisant un document validé par un huissier de jus- tice prouvant qu’il disposait de 85 000 signatures, l’ancien premier ministre Ahmed Benbitour a ainsi confirmé son désistement et a rejoint les rangs de ceux qui appellent au boycottage du scrutin. « Les urnes ne seront qu’unleurre et une piraterie légalement soutenue », a-t-il lancé devant la presse dimancheen dénonçant notamment « l’usage inconsidéré des deniers publics » et le « maintien d’un gouvernement dont les membres sont notoirement connus pour leur allégeance au président». Le général à la retraite Mohand Tahar Yala, ancien commandant des forces navales, a emprunté un chemin identique, plaidant même pour l’arrêt du processus électoral en cours. Avant eux, un autre ancien chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche, père des réformes algériennes à la fin des années 1980, avait appelé, sans s’engager dans la compétition, l’armée à faire « tomber ce régime » pour « sauver l’Algérie de l’impasse». Le front anti-quatrième mandat s’élargit. Sur les réseauxsociaux,unmouvement Barakat (« ça suffit ») est né, qui appelle désormais à des manifestations en Algérie, mais aussi à l’étranger. La première, organisée le 1er mars à Alger, a conduit à plusieurs dizaines d’interpellations. p Isabelle Mandraud En Chine, les «gueules noires» victimes de la croissance La silicose, qui touche les mineurs, est la première maladie du travail dans le pays Reportage Province du Henan (Chine) Envoyé spécial C ’était le milieu des années 1990, la Chine des réformes. Liu Changxia et les autres hommesduvillagedeQinggousentent qu’il est « temps de sortir de chez soi ». La ferme ne rapporte rien, il y a des familles à soutenir, des enfants à élever. Tout le pays parle de développement économique. Dans la province rurale du Henan (centre-est), riche en charbon, les hommes en âge de travailler n’ont guère le choix. Les options sont limitées pour la maind’œuvre peu qualifiée. Il leur faut descendre à la mine. Ils le paieront de leurs poumons. Dix-neuf anciens mineurs sont aujourd’hui atteints de silicose dans ce seul village – une affection pulmonaire qui évoque en Europe le temps de la révolution industrielle mais qui, dans la Chine du XXIe siècle, est la première maladie du travail, avec 10 592 cas détectés pour la seule année 2012. Autant que le mal des « poumons noirs », c’est la lourdeur des procéduresjuridiquespourobtenir une indemnisation qui afflige les familles de Qinggou. Ils étaient au départ vingt et un anciens ouvriers à engager le combat devant la cour de justice locale contre la mine. Mais deux sont déjà morts, au début de l’année 2013, sans être venusà bout de cettebataille juridiqueniavoir obtenules fondsnécessaires pour se soigner. « C’est injuste, dit Liu Changxia. Nous avons gagné très peu et tout dépensé pour tenter de nous soigner, et certains, mêmes très jeunes, sont déjà morts. » M. Liu était chef d’équipe jusqu’à ce que la mine ferme temporairement ses portes en 2007,lorsd’uneénièmeréforme,et que les hommes de Qinggou soient renvoyés à leurs fermes. Lui et ses voisins détaillent leur parcours du combattant pour se faire indemniser:le bureaudutravaillocalquine les prend pas au sérieux, l’hôpital où les médecins diagnostiquent des tuberculoses… Il faut se rendre au centre de la santé au travail le plus proche pour obtenir une réponse fiable et officielle, ce que Un mineur du Henan, en 2007. CHINAFOTOPRESS/GETTY IMAGES M. Liu fait en 2010. Mais les cadres de l’administration locale arguent qu’il y a prescription. S’ensuiventles appels de la compagnie minière sur absolument toutes les décisions de la cour. La réalité du travail des plaignants est finalement confirmée en mars 2012. Mais les patrons de la mine ont, depuis, demandé que le juge local soit dessaisi, au profit d’un magistrat plus proche du siège actuel de l’entreprise. Reste toujours à obtenir une compensation. Ces hommes affaiblis font le constat d’une certaine collusion entre les responsables de la mine et les officiels locaux, à leurs dépens. « Nous comprenons bien que la mine est plus puissante, ellechercheàfairedurerlesprocédures, car elle sait que nous ne vivrons pas vieux. Ils attendent que nous mourions», pense M. Liu. Ancien chef de quart, il a travaillé douze ans en sous-sol, à remonter ce charbon qui couvre toujours les deux tiers des besoins en énergie de la deuxième économiemondiale.Ilse souvientdel’appel, chaque matin à 6 h 30, après une heure de marche pour rejoindre la mine depuis son village. Puis de la quarantaine de minutes de marche pour descendre 1 000 mètres à pied sous terre. Ce n’est qu’alors que débutait réellement le labeur. Il consiste à creuser, à placer la dynamite dans les parois, à se reculer d’une soixantaine de mètres, à attendre une petite demi-heure pour que l’air circule avant de charger les chariots de charbon. C’est à ce moment que les mineurs sont le plus exposés. Les masques à un yuan ne leur sont que rarement distribués, les hommes en achètent parfois euxmêmes, mais le plus souvent n’en portent pas. Aux côtés de son ancien chef d’équipe, bonnet noir sur la tête, Sun Zhaohui souffre de la phase la plusavancéedelamaladiedes poumons noirs. Ses voies respiratoires «La maladie vient à bout de l’ouvrier avant que l’ouvrier ne vienne à bout des procédures» Zhang Shiqian, avocat s’atrophient et il inspire en un lent ronflement.Il lui suffit de marcher jusqu’au centre du village, sur la butte à deux pas, pour se retrouver totalement à bout de souffle, dit ce père de famille de 39 ans avant de mimer la scène, bouche grande ouverte. Il a dû acheter un respirateur électrique, à plus de 3 000 yuans (350euros) qui limite temporairement sa sensation d’étouffement.Il dit être hospitalisé quatreà cinq fois par an, comme les autres parmi les plus fragilisés, et trouve le délai d’indemnisation insupportable car, ne pouvant plus travailler, il a le plus grand mal à payer les soins. L’avocat Zhang Shiqian, qui leur vient gratuitement en aide, peut citer des dizaines de cas similaires. La plupart de ces ouvriers n’étaient pas en position d’exiger un contrat et peinent aujourd’hui à prouver la relation de causalité entre leur travail et leur maladie. «Leurs chances de gagner le procès sont d’environ 30 % s’ils ont un papier pour prouver qu’ils étaient bien employés à la mine », estime par expérience M.Zhang, qui se demande où trouver une assistance financière pour soutenir ces hommes ne pouvant plus travailler. «La maladie vient à bout de l’ouvrieravant que l’ouvrier ne vienne à bout des procédures », résume-t-il, citant plusieurs cas de décès récents. Face à ces recours sans fin, beaucoup perdent espoir. A une heure de route de là, Wang Decheng, qui a travaillé pour une autre mine de 1976 à 2007, est parvenu en 2009 à obtenir un diagnostic de silicose de la part de l’administration de la médecine du travail. Mais la mine qui l’avait mis à la retraite deux ans plus tôt a refusé de lui donner un certificat d’employeur. Après avoir étéprivatisée,elleavaitchangéplusieurs fois de nom, de sorte que le tampon officiel était introuvable, lui a-t-on dit. La cour lui a ensuite expliqué qu’il lui manquait des documents. Membre du Parti communiste dès les années 1980, puis du syndicat officiel à partir de la décennie suivante, quatre fois nommé employé modèle dans sa mine, M. Wang a été paradoxalement chargé, au cours de sa carrière, de rédiger les slogans sur la sécurité autravail–ilétaitfierd’avoirinventé celui-ci, qui avait été placardé autour de la mine : « Mieux vaut entendre les plaintes des mineurs que les pleurs de leurs familles.» Ils’estdécidéàsebattrepourl’indemnisation en voyant qu’un ancien mineur était allé jusqu’à se faire ouvrir les poumons pour prouver qu’il souffrait bien d’une silicose– l’histoirea faitgrandbruit sur Internet. Aujourd’hui, sa retraite de dix euros par mois ne lui permet plus d’acheter les médicaments nécessaires. Alors il se demandeàquoibontenterderelancer la justice. p Harold Thibault peugeot.fr LE LION FIER COMME UN COQ NOUVELLE PEUGEOT 308 ÉLUE VOITURE DE L’ANNÉE 2014 PEUGEOT i-COCKPIT I FEUX À LEDS I DESIGN ÉPURÉ Consommation mixte (en l/100 km) : de 3,7 à 5,8. Émissions de CO2 (en g/km) : de 95 à 134. La nouvelle Peugeot 308, berline compacte aux lignes épurées et dynamiques, a été élue voiture européenne de l’année 2014 ! Elle offre une expérience de conduite inédite, intuitive et intense, grâce au Peugeot i-Cockpit® qui combine un volant compact, des compteurs surélevés, un large écran tactile et une console centrale haute. NOUVELLE PEUGEOT 308 8 france 0123 Mercredi 5 mars 2014 L’affaire Copé ravive les plaies au sein de l’UMP Les principaux ténors de l’opposition critiquent durement l’attitude de Jean-François Copé E n ripostant aux affirmations de l’hebdomadaire Le Point, Jean-François Copé pensait contraindre son camp à faire bloc autour de lui. Il n’en est rien. Au contraire, l’opération contre-attaque menée en solitaire par le président de l’UMP, lundi 3 mars, lors d’une « déclaration solennelle » au siège parisien du parti, déstabilise en profondeur la droite. Six jours après le déclenchement de « l’affaire » qui porte désormais son nom, M. Copé se retrouve plus isolé et plus fragilisé que jamais depuis son accession contestée à la tête de la principale formation d’opposition, fin 2012. A part quelques copéistes, telles MichèleTabarot et Valérie Debord, peu de voix se sont élevées pour le soutenir.A l’inverse,plusieurs dirigeants prennent plus clairement leurs distances avec les méthodes du président de l’UMP. La teneur de son intervention de lundi, jugée majoritairement « On ne veut pas organiser un suicide collectif avant les municipales, mais Copé devra se justifier en temps voulu », avertit un fillonniste maladroite en interne, y est pour beaucoup.Lourdementmisen cause par Le Point, qui l’accuse d’avoir favorisé une société de deux de ses proches avec l’argent de l’UMP, le maire de Meaux (Seine-et-Marne) n’a pas répondu précisément à ce qui lui est reproché. Loin de dissiper les doutes, il a même donné l’impression de vouloirdétourner l’attentiondes accusations de favoritisme dont il est l’objet en essayant de mouiller politiques et médias. Une manière de diluer sa mise en cause personnelle dans une suspicion générale. Au risque de surfer sur le sentiment populiste ambiant. Visiblement tendu, M. Copé a en effet promis de dévoiler les comptes de son parti seulement si les autres partis et les médias en font de même – il a annoncé qu’il déposerait deux propositions de loi en ce sens. Une conditionquasiment impossible à remplir lui permettant de ne pas rendre publiques des pièces potentiellement gênantes. La tactiquede celui qui s’est toujours opposé aux opérations de transparence n’a trompé personne. « C’est une piteuse manœuvre pour ne pas ouvrir les armoires », peste un ex-ministre UMP. En attendant,l’intégralité de la comptabilité du parti sera placée dans une pièce scellée par un huissier, illustrant la méfiance de M. Copé à Jean-François Copé, président de l’UMP, avant sa « déclaration solennelle » au siège de l’UMP, à Paris, lundi 3 mars. THOMAS SAMSON/AFP l’égard de ses opposants internes. Sa sortie est loin de fairel’unanimité dans les rangs du parti. Alain Juppé n’a pas caché son scepticisme : « Je constate qu’il existe des lois sur la transparence, appliquons-les dans toute leur rigueur, dans leur clarté. Et puis s’il faut les compléter, on verra », a tranché le maire de Bordeaux, en jugeant « injuste» de « mettre en cause l’ensemble des médias ». Brice Hortefeux, lieutenant de Nicolas Sarkozy, a pris acte de « propositions personnelles » quand Laurent Wauquiez, plus virulent, a exhorté son rival à « lever les doutes tout de suite » sur les comptes du parti pour éviter que les candidats aux élections municipales soient « pollués» par cette affaire. Comme d’autres dirigeants, le maire du Puy-en-Velay craint que les révélations du Point pénalisent son camp à trois semaines du scrutin municipal. « On sous-estime totalement la puissance de cette affaire sur l’électorat populaire. Cela ne peut que renforcer le Front national », s’alarme un ancien ministre. « Copé aurait mieux fait de se taire, au lieu de remettre dix Les questions auxquelles M. Copé n’a pas répondu Dans sa déclaration du 3 mars, le président de l’UMP n’a pas répondu aux affirmations du Point. Quel rôle joue Bygmalion à l’UMP ? Le Point affirme que Bygmalion fournit des prestations de service pour l’UMP au travers de plusieurs filiales, notamment Events & Cie, qui a organisé une quarantaine de meetings pour l’UMP et Nicolas Sarkozy. Combien d’argent cette société a-t-elle touché de l’UMP ? Quelle part du budget pour les événements est attribuée à Events & Cie ? De quelles autres tâches se charge Bygmalion ? Quels liens M. Copé entretient-il avec les acteurs de l’affaire, notamment Bastien Millot et Guy Alves, fondateurs de Events & Cie ? Cette société a-t-elle vu ses contrats augmenter depuis que M. Copé est à la tête du parti ? M. Copé aurait pu répondre, chiffres à l’appui, en donnant année par année le montant total des contrats passés avec Bygmalion et ses filiales. Il ne l’a pas fait. Pourquoi M. Copé nie-t-il s’être chargé de ventes immobilières de l’Etat lorsqu’il était ministre du budget ? Selon Le Point, outre MM. Alves et Millot, un troisième investisseur se cache derrière Bygmalion, Emmanuel Limido, à la tête de Centuria, « un fonds d’investissement de plus de 4 milliards d’euros largement abondé par les Qatariens ». Ce fonds aurait notamment servi d’intermédiaire lors de « la vente de deux joyaux appartenant à l’Etat », quand M. Copé était ministre du budget, donc directement concerné. Invité vendredi 28 février sur Europe 1, le président de l’UMP a assuré n’avoir jamais eu connaissance des biens dont l’Etat s’est séparé. balles dans la machine et de risquer de décrédibiliser un peu plus l’image du parti », peste un autre. Plusieurs ténors regrettent que M.Copé se soit exprimé au nom de l’ensemble de l’UMP, en posant devant le logo du parti. « Il ne faut pas qu’il contamine toute sa famille politique en nous mêlant à son histoire personnelle», s’inquiète l’un d’eux, qui a choisi de ne pas s’exprimer publiquement, dans l’espoir de ne pas être associé à l’imagede M.Copé,jugée sulfureuse. « Hors de question de défendre et de cautionner les méthodes d’un chef de clan dont on dénonce depuis longtemps la gestion financière totalement opaque», tranche ce grand élu. Tous ont conscience que l’affaire Copé risque de rouvrir, à terme, les plaies de la division au sein de l’UMP. La polémique tombe mal car elle intervient au moment où la droite parvenait à mettre en sourdine ses divisions. Mais paradoxalement, le contexte électoral protège, pour le moment, M. Copé, dont la légitimité à la tête du parti n’a jamais été totalement reconnue. En public, aucun dirigeant n’a sorti la grosse artillerie. La plupart ont préféré se taire pour ne pas être amenés à rouvrir une crise interne juste avant les municipales. « Chacun retient ses coups par esprit de responsabilité et pour ne pas alimenter les divisions juste avant les élections », explique un dirigeant. C’est la ligne de conduite adoptée par François Fillon, selon lequel « la priorité est le soutien des candidats de la droite et du centre pourinfliger une lourde défaite à la majorité ». « Il a décidé de ne rien faire qui pourrait nuire à l’UMP avant les municipales», explique sonentourage. Le députéde Paris a même prévu de tenir un meeting commun avec son meilleur ennemi, mercredi soir, à Strasbourg, pour offrir une image d’unité (de façade) avant le scrutin des 23 et 30 mars. Une fois cette échéance passée, M. Fillon entend exiger de nouveau des éclaircissements sur les comptes du parti, comme il le réclame, en vain, depuis plus d’un an. Il a prévenu que les accusations à l’encontre de son rival pour la présidence de l’UMP en 2012 devraient être « discutées après les élections». « On ne veut pas organiser un suicide collectif avant les municipalesmaisCopé devrase jus- tifier en temps voulu », avertit un fillonniste. « On devra avoir une franche explication », prévient un autre. Si la plupart des candidats à la primaire pensent Jean-FrançoisCopé définitivement disqualifié de la course à l’Elysée, l’intéressé n’entend rien lâcher. Malgré sa forteimpopularité,il compteprouver sa capacité de résistance. « Je vais me battre pour montrer que je n’ai rien à voir avec tout ce qui est écrit d’immonde sur moi », a-t-il confiéau Mondeavantsa conférence de presse. Cet ambitieux enrage contre ceux qui osent l’enterrer prématurément. A ses détracteurs, il lance en guise de défi : «Ceux qui parlent de moi à l’imparfaitfont une grosseerreur. Ils ne me connaissent pas…» p Alexandre Lemarié La patron de l’UMP annonce des mesures qui existent déjà MIS SUR LA SELLETTE par les révélations du Point sur le rôle privilégié de la société Bygmalion, dirigée par ses proches, et accusée de surfacturations auprès de l’UMP par le magazine, Jean-François Copé a répliqué, lundi 3 mars. Le chef du parti de droite a fait plusieurs annonces destinées à démontrer sa bonne foi. Les deux principales: l’UMP s’est dite prête à mettre à disposition l’intégralité de sa comptabilité; et M. Copé réclame la même chose de la part de la presse. Problème : ces deux annonces sont tout sauf nouvelles, et la transparence est ici déjà de mise. Les comptes des partis sont déjà publics « L’UMP est disposée à mettre à disposition l’intégralité de sa comptabilité», a affirmé M. Copé. Le président de l’UMP a promis solennellement qu’il appliquerait à son parti une exceptionnelle transparence en tenant à la disposition de la presse l’intégralité des pièces comptables. Or, cette opération est déjà possible. En France, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) existe depuis 1990. Elle a un rôle de contrôle, elle épluche chaque année les comptes de tous les partis politiques et publie un compte rendu détaillé. Il existe ensuite deux cas de figures. Tout d’abord, pour les comptes de campagne, la CNCCFP est souveraine: elle conserve l’intégralité des documents, y compris les factures, auxquels on peut avoir accès sur simple demande. En revanche, pour les comptes des partis, ce n’est pas la CNCCFP qui en certifie la régularité mais les commissaires aux comptes, qui peuvent les rejeter ou émettre des réserves. La CNCCFP récupère ensuite les comptes certifiés et les publie. Elle ouvre accès à toutes les pièces en sa possession sur simple demande. En guise de révolution, JeanFrançois Copé se contente de proposer de rendre public ce qui l’était déjà, puisque Le Point évoque des dépenses de la campagne 2012. Et encore, M. Copé conditionne-t-il cet accès à l’adoption d’une loi future. En réalité, il promet surtout de « mettre sous scellés » l’in- tégralité de la comptabilité du parti, qui le restera jusqu’à l’adoption d’une loi obligeant tous les partis à publier l’intégralité de leurs pièces comptables. Les aides à la presse sont déjà détaillées Jean-François Copé a réclamé que les responsables de médias soient soumis « aux mêmes règles de déclaration d’intérêts que les parlementaires» dès lors qu’ils bénéficient de subventions publiques ou d’une fréquence de diffusion délivrée par l’Etat. Un tel dispositif n’existe pas pour les patrons de presse ni pour les journalistes. Cependant, certains journaux, comme Le Monde, ont une charte de déontologie qui implique des déclarations d’intérêts de leurs dirigeants. La loi sur la transparence de la vie politique a été élaborée – puis édulcorée – et votée, en décembre 2013, dans la foulée de l’affaire Cahuzac. Cette loi oblige les parlementaires (entre autres) à établir une déclaration d’intérêts qui est déposée auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ces déclarations ne sont pas publiques, mais peuvent être consultées auprès de cette institution. M.Copé avait voté contre, au diapason du groupe UMP dans son ensemble (à six exceptions près). En avril 2013, alors que la loi était discutée, il accusait d’ailleurs la majorité de se livrer à un «numéro de voyeurisme et d’hypocrisie » auquel il ne voulait pas « concourir». Lors des débats à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, président du groupe UMP et proche de M.Copé, avait déposé deux amendements limitant fortement la possibilité d’accès aux déclarations de patrimoine des élus. Lors de ce débat, M. Jacob avait également lancé l’idée que les obligations des élus quant à leur patrimoine soient étendues aux « hauts fonctionnaires, magistrats, journalistes, patrons d’organisations syndicales et d’ONG, et pourquoi pas faire, comme dans certains pays nordiques, que tous les citoyens français aient l’obligation de publier leur patrimoine». p Samuel Laurent et Jonathan Parienté 0123 france Mercredi 5 mars 2014 Anne Hidalgo, une campagne jusqu’au bout de l’ennui A Strasbourg,on prendles mêmeset on recommence Face à sa rivale UMP, la candidate PS à la Mairie de Paris peine à prendre l’avantage médiatique V Anne Hidalgo soutient la candidate PS dans le 9e arrondissement de Paris, le 3 mars. CHARRIER/MYOP POUR « LE MONDE » Miguet, un procédé « particulièrement heurtant». Certes. Mais, curieusement, le fourneau médiatique manquait decharbon.Oh, biensûr,Mme Hidalgo a livré une petite anecdote personnelle, en rappelant à Jacques Bravo qu’ils avaient dansé le rock sur le parvis de l’Hôtel de Ville, le jour de la victoire de Bertrand Delanoë en 2001, malgré « une côte fêlée » dans la cohue. Rester fourmi A son codirecteur de campagne, Jean-Louis Missika, elle a promis de danser, si elle gagne, le flamenco. Pour l’heure, elle se condamne à rester fourmi, engrangeant ce capital d’une campagne méthodique jusqu’au « rouleau compresseur », comme le dit son adversaire.Elle doit surtoutprendre l’avantage médiatique sur sa rivale, qui reste un objet de fascination pour la télévision. Depuis le 10 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit veillerà l’équitédutempsdeparole Le dérapage d’un candidat FN à Paris sur les Roms Tête de liste du FN dans le 6e arrondissement de Paris, PaulMarie Coûteaux qualifie sur son blog la présence des Roms d’« invasion » ou de « lèpre » qui porte atteinte à « l’ordre esthétique » de son arrondissement. « Que peut faire M. le ministre de l’intérieur – à part concentrer ces populations étrangères dans Roland Ries (PS) retrouve Fabienne Keller (UMP), qu’il avait battue en 2008 Strasbourg Envoyé spécial C omment fendre l’armure quand on fait la course en tête? C’est peut-être la question que se posait Lionel Jospin, assis au premier rang, lundi 3 mars, au Théâtre La Bruyère, en écoutant Anne Hidalgo, la chef de file du PS aux municipales à Paris, et Pauline Veron, la jeune tête de liste du 9e arrondissement. Deux favorites, deux bonnes élèves, une confirmée, une apprentie : l’une doit sortir de l’ombre de Bertrand Delanoë, l’autre doit quitter l’aile de Jacques Bravo, maire sortant de l’arrondissement. La comparaison s’arrête pourtant là. Car Anne Hidalgo, dont la campagne fonctionne sans à-coups mais aussi sans grand relief, éclipsée par les multiples rebondissements à droite, a pour devoir supplémentaire de conduire tout son camp à la victoire. Parfois, le poids de cette charge rend ses épaules de bronze, ses gestes mécaniques et chasse son naturel. Il se fige devant la fonction qui s’annonce, sur la foi de sondages constants. Cette fonction, elle en connaît tous les méandres, elle en mesure toutes les responsabilités. Et au risque du faux pas, elle préfère, parfois, celui de l’ennui. Lundi 3 mars, à la charge violente sonnée par son adversaire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Mme Hidalgo a opposé une leçon de morale : « Je voudrais une campagne digne et respectueuse. » Elle a reproché à NKM « beaucoup de désinvolture, de ne pas prendre Paris au sérieux ». Elle a ironisé sur « le chacun pour soi du camp d’en face », qui mettait peu en avant sa chef de file dans ses documents de campagne. Ou sur les dernières mésaventures de NKM qui « en est encore à changer des têtes de liste » à vingt jours du premier tour. « La troisième chose qui me soucie un peu, c’est la grossièreté », a ajouté Mme Hidalgo. La candidate socialiste a saisi l’occasion pour dénoncer « l’utilisation détournée, abusive, de moyens d’affichage de la part de quelqu’un qui ne se présente pas », le controversé Nicolas des camps ? », poursuit-il. M. Coûteaux a toutefois expliqué, lundi 3 mars soir auprès de l’AFP, qu’il n’y avait pas de volonté de sa part de construire des camps. « Il n’y a pas un endroit dans ce texte où je demande la construction de camps, de barbelés. C’est la forme interrogative », a-t-il défendu. des candidats. Non à l’égalité, comme dans une campagne nationale: lorsqu’il y a seize candidats, comme à la présidentielle de 2002, l’affaire vire au cauchemar. Dix secondes de Jacques Chirac ou de Lionel Jospin à la télévision, et Christine Boutin ou Daniel Glückstein devaient bénéficier d’autant. La règle imposée par l’équité donne aux candidats un temps de parole proportionnel à leur niveau dans les sondages. Ainsi, lors du débat LCI-Europe1-Le Parisien, le 29 janvier, les deux principales candidates bénéficièrentelles d’un temps supérieur à celui de leurs concurrents. Situer ce débat assez tôt dans la campagne, donne l’avantage aux poids lourds. Les petits candidats ont consommé tout leur oxygène. Mme Hidalgoa dû adaptersastratégie avec le temps. « On a toujours considéréqu’Anne avait un avantage énorme avec sa connaissance des dossiers, du terrain et une vraie équipe. Mais cela ne se voit pas dans les médias », souligne JeanLouis Missika. Il fallait donc surmonter le handicap du déficit de notoriété, par rapport à NKM, ancienneministre,ancienneporteparole de campagne présidentielle pour Nicolas Sarkozy. Pour chaque intervention de la candidate de droite dans les médias, Hervé Marro, conseiller chargé de la presse chez Mme Hidalgo, allait frapper à leur porte pour réclamer la réplique. Il a fallu se battre aussi, confie un membre de 9 l’équipe, pour imposer un quota de questions sur Paris, alors que les médias voulaient rester sur le terrain national. Pendantcette phase,la candidate socialiste a plusieurs fois clamé son désir d’en découdre avec son adversaire, ce qui lui aurait permis de se faire mieux connaître. NKM a toujours refusé, y compris en public devant Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV. Aujourd’hui, alors que sa campagne subit chaque jour de nouveaux soubresauts, la situation s’inverse : c’est elle qui réclame le débat pour se donner un nouveau souffle. Et bien entendu, Mme Hidalgo le lui refuse. Il n’y aura donc plus qu’un débat de second tour. « Quand on est leader dans les sondages,un débat ce n’est qu’unmauvais moment à passer », plaisante à demi le codirecteur de campagne de la candidate socialiste. Désormais, il gère au trébuchet les interventions,laissant la candidate de droite consommer son temps de parole. Car chaque camp forme un tout : quand Rachida Dati s’exprime, c’est le temps de la droite qui est décompté. Quand Bertrand Delanoë parle, c’est celui dela gauche.Un équilibreplusfacile à gérer à gauche qu’à droite. Sans oublier le facteur chance : Anne Hidalgo en a eu, lundi, lors du tirage au sort sur l’ordre du prochain passage au Grand jury RTLLe Figaro-LCI, dimanche 9 mars. C’est elle qui conclura. p Béatrice Gurrey ous avez aimé l’histoire du « président normal » ? La campagne électorale strasbourgeoisedevraitvousplaire.Voilà le maire « super-normal». Dans son bureau, au neuvième étage de la cité administrative de la ville, avecvuepanoramiquesurlacathédrale et le Parlement européen, Roland Ries, ce jour-là, se fait philosophe: « Cette idée communément admise qui consiste à dire que pour être élu, il faut le vouloir férocement, je ne suis pas sûr que ce soit très pertinent…» C’est à cet édile consensuel, qui trouve que son profil bas est le meilleur, qu’il revient de défendre pour le PS l’une des deux grandes villes, avec Toulouse, prioritairement ciblées par la droite lors des municipalesdes23et30mars.Pour la conquête de Strasbourg, l’UMP a mêmeréussil’improbable:unmeeting, le 5 mars, avec les frères ennemis Jean-François Copé et François Fillon à l’affiche. En septembre 2013, c’est après moult hésitations que Roland Ries, à 69 ans, a annoncé qu’il briguait un second mandat, « par devoir ». Une posture ? Même pas sûr. Il y avait, de fait, des raisons de se faire violence: dans les rangs du PS local, la guerre de succession était ouverte et menaçait d’enclencher la machine à perdre, dans une ville moins sûrement rose que le grès sorti des carrières vosgiennes, dont sont parés les plus beaux édifices de la ville. Capacité à valser La candidature de Roland Ries a permis aux socialistes strasbourgeoisdereplâtrerà lahâteleurfaçade. Les belligérants ont signé une sorte de Yalta à la mode alsacienne. En cas de victoire, l’ambitieux premier adjoint Robert Herrmann, qui menaçait d’être candidat même contre le maire sortant, se verra confier les clés de la communauté urbaine (CUS). Le « fils préféré» de Roland Ries, son adjoint aux financesAlainFontanel,doit devenirson premier adjoint. Jacques Bigot, l’actuel président de la CUS, se voit réserverlesiègedesénateurdumaire. « On a évité le pire », estime Roland Ries. Politiquement indécise, Strasbourg a longtemps fait figure de bastion bleu, avant de basculer à gauche en 1989, avec Catherine Trautmann.ReconquiseparFabienne Keller et l’UMP en 2001, elle a de nouveau changé de camp en 2008, avec la large victoire (58 % contre 42%) de Roland Ries. Cette ville, qui se gouverne au centre, a prouvé sa capacité à valser. Face à lui, Roland Ries retrouve son adversaire de 2008, Fabienne Keller.Dans les rangssocialistes,on lareconnaît« pugnace», mais on se réjouit plutôt de ce casting. « Vous n’allez pas me faire le coup de la statistique », s’agace la candidate de l’UMP lorsqu’on lui demande, après tant d’autres, si elle a souvenir d’élus largement battus qui ont suinverserlatendancelorsdel’élection suivante. Dans les sondages, en dépit de son entrée en campagne chaotique, le maire sortant est crédité de 52 % à 54 % des intentions de vote en cas de duel au second tour. Au premier tour, aux divisions de la gauche (Europe Ecologie-Les Verts et le Front de gauche présentent chacun une liste) répondent celles de la droite (l’UDI fait liste séparée, alors que le MoDem a rejoint Fabienne Keller). Mais les études donnent un équilibre général légèrement favorable à la gauche. LeFN,quiachoisicommetêtede liste un ancien centriste, Jean-Luc Schaffhauser, flirte avec les 10 % d’intentionsde vote,seuildu maintien au second tour. Une épine dans le pied de Fabienne Keller. Les deux favoris du scrutin se connaissentdelonguedate.Naguère, Roland Ries fut le prof de lettre bien aimé de Fabienne Keller au lycée de Sélestat (Bas-Rhin). Ils ont appris, depuis, à se trouver des défauts. La candidate de l’UMP ne cesse de pointer le côté plan-plan du maire sortant: « C’est l’homme de la résignation. Il n’a rien fait pour le TGV Rhin-Rhône, pas plus que pour le maintien du Parlement européen à Strasbourg.» Dans ce jeu de rôle bien rôdé, le maire, en retour, s’étonne: « Il existe ici une tradition de consensus sur laquestiondel’Europe,quitranscende les partis. Elle a décidé d’en faire unsujetdecampagne,c’estdommage. » Roland Ries connaît son terroir : la ville déteste les conflits. Et Fabienne Keller est réputée aussi autoritaire qu’elle est dynamique. « Elle n’est pas connue pour son goût de la concertation…», s’amuse Roland Ries. En face, la candidate de la droite, qui voit le piège gros comme une maison à colombage, a écrit un livre – Ma vie, ma ville : nouveaux horizons pour Strasbourg (La Nuée Bleue,2013)–danslequelellereconnaît des erreurs. Et elle a conçu son slogan de campagne comme un antidote:«Dites-moitout!»Réponse dans les urnes. p Pierre Jaxel-Truer LecridecolèredeChristianeTaubirafaceà«l’impensable» MUNICIPALES C A Saint-Etienne, la liste de gauche menée par le maire PS sortant, Maurice Vincent, l’emporterait au second tour en cas de triangulaire, selon un sondage IFOP pour Europe 1 et Le Progrès publié mardi 4 mars. La liste UMP-UDI-MoDem, menée par Gaël Perdriau, obtiendrait 35 % des voix contre 32 % pour la liste de M. Vincent et 18 % pour le FN. Au second tour, en cas de triangulaire, la liste de gauche obtiendrait 44 % contre 40 % à la listeUMP-UDI-MoDem et 16 % à celle du FN. Ce sondage a été réalisé du 27 février au 1er mars auprès de 609 habitants de SaintEtienne. p ’est un petit livre, une grosse centaine de pages, « écrites au pas de charge durant cette poignée de nuits plus calmes» de la fin de l’année. Un cri de colère, mesuré, raisonnable et passionné, dans ce style fleuri et un peu ampoulé qui est l’inaltérable marque de fabrique de Christiane Taubira. « Le temps n’est pas à l’ordinaire», rappelle paisiblement la garde des sceaux, alors qu’aucun ministre de la République, depuis Roger Salengro qui s’est tué en 1936 après l’ultime crachat au visage d’un inconnu, n’a été à ce point traîné dans la boue. « Le temps n’est pas à l’ordinaire. Sinon l’ordinaire du malheur qui s’annonce et que l’on choisit d’ignorer», écrit la ministre dans Paroles de liberté (Flammarion, 128 pages, 12 euros), publié le 5mars. C’est la seule qui cite encore le grand Frantz Fanon, « l’essentiel n’est pas ce que l’on a fait de toi, mais ce que tu fais de ce que l’on a fait de toi ». Les insultes, pendant le long combat du maria- ge pour tous l’ont grandie, mais bien sûr l’ont touchée. « C’est pour qui la banane, lui a dit une petite fille. C’est pour la guenon! » Pauvre petite fille, répond Christiane Taubira, « que sera-t-elle préparée à connaître du monde, et donc à comprendre d’elle-même, si des adultes, dont ses parents, parasitent encore longtemps l’innocence de son âge et y assèchent ces trésors de curiosité, de gourmandise pour l’autre, de goût pour l’inconnu qui, communément, l’habitent ? » Plus tôt, une obscure candidate du FN, retournée depuis dans les poubelles de l’Histoire, avait déclaré qu’elle préférait voir Christiane Taubira «dans les branches des arbres plutôt qu’au gouvernement» ; Minute a emboîté le pas, et comme disait Pierre Desproges, « il est plus économique de lire Minute que Sartre, pour le prix d’un journal, on a à la fois la nausée et les mains sales ». Les anti-mariage pour tous ont pour certains été jusqu’à l’agres- ser physiquement, sans compter les torrents de boue sur Facebook ou Twitter, « là où la bêtise peut circuler même quand le mazout de la haine et de la vulgarité lui englue les ailes, des doigts bouffis par la lâcheté flasque de l’anonymat tapaient, dans la rage de leur insignifiance, des mots qui se voulaient méchants, blessants et meurtriers». « Brûlure » Christiane Taubira a respiré un grand coup, et essayé d’écrire sur « l’impensable», le racisme, de sa jeunesse à Cayenne à la fac à Paris, de ces boulots qui n’étaient soudain plus disponibles lorsque les employeurs voyaient qu’elle était noire. Elle a l’humilité de comprendre qu’elle a les moyens de se défendre que n’ont pas les milliers de ses frères qui vivent cela tous les jours. La ministre, à grand renfort de citations, plaide pour la République, la démocratie, dans la deuxième partie, un peu plus faible, du livre. Les cyni- ques trouveront la chose convenue, mais c’est la colonne vertébrale de Christiane Taubira, et c’est tout de même respectable. « Souffre-t-on d’être traitée de guenon? », demande la ministre. Elle répond pudiquement que cela dépend sans doute de la sensibilité et du tempérament. « Il reste et restera toujours à essayer de percevoir l’intensité de la brûlure qu’inflige la blessure percée à vif par la parole raciste. Elle frappe au mitan du cœur, elle incise l’esprit, entame la confiance, consume l’estime de soi. Elle percute celle ou celui qui la reçoit en plein plexus, l’étourdit, le fait chanceler, un temps, ou longtemps, avant qu’il sache s’il tient encore debout ou s’il s’ébranle dans un long effondrement.» Christiane Taubira serre les dents et tient toujours debout. Puisse la petite fille à la guenon pardonner un jour à ses parents, lorsqu’elle aura compris ce qu’ils lui ont fait dire. p Franck Johannès LePS favorià Saint-Etienne Léger avantage pour la droite à Caen Caen pourrait basculer à droite, selon un sondage IPSOS-Steria pour France 3 et France Bleu Basse-Normandie. La liste PS-PCFPRG-MRC menée par le maire socialiste sortant, Philippe Duron, devancerait celle du candidat UMP, Joël Bruneau, au premier tour (28% contre 26%). Au second tour, Philippe Duron serait battu par le candidat de l’UMP, qui recueillerait 51% des suffrages. La marge d’erreur du sondage est toutefois supérieure à 4 points. Le sondage a été réalisé les 26 et 27février auprès de 603 Caennais. Clermont-Ferrand resterait à gauche Le rapport de forces à Clermont-Ferrand est « largement favorable à la gauche », selon un sondage Ipsos-Steria réalisé pour France 3 Auvergne, France Bleu et La Montagne. Au premier tour, la liste PS-PCF-EELV-PRG menée par Olivier Blanchi obtiendrait 36 % contre 20 % pour l’UMP et 10 % pour le Modem-UDI. Le Parti de gauche recueillerait 13 %, tout comme le FN. Au second tour, la liste de M. Bianchi serait en tête. Ce sondage a été réalisé les 25 et 26 février auprès de 602 habitants de Clermont-Ferrand. 10 0123 france Mercredi 5 mars 2014 «Je ne tue pas, j’aide à mourir» En plein débat sur la fin de vie, des médecins racontent au «Monde» comment, en toute discrétion, ils accompagnent leurs patients jusqu’à la mort O Il est arrivé aussi qu’un patient demande à Stéphane Pertuet, médecin à Barentin (Seine-Maritime), « Dites, vous ferez ce qu’il faut ? » – une façon de dire qu’ils ont peur de la mort, selon lui. Il répond que oui. « C’est suffisamment évasif pour que le patient entende ce qu’il veut. » Il se souvient d’un ancien militaire qui lui avaitfaitpromettredene pas l’hospitaliser « à la fin », et de faire « ce qu’il faut » pour qu’il parte « dans des conditions dignes». Un jour, en état de choc, il a lâché : « Finissezmoi. » « Evidemment, je ne l’ai pas fait. Mais j’ai fait en sorte qu’il ne souffre pas en mettant en place des traitements gradués, en sachant que cela pourrait le tuer. S’il m’avait senti hésitant, cela aurait été un fiasco », raconte-t-il. n a tous un jour ou l’autre “poussé la seringue”.» C’est le président d’un syndicat de médecins qui le dit, réclamant pour une fois l’anonymat. La mort est un sujet dont les généralistes discutent peu entre eux. Trop lourd,trop personnel.Un moment bien particulier de la relation entre les médecins traitants et certainsde leurs patients qu’ils acceptent de suivre jusqu’aux derniers instants quand la facilité serait de les adresser à l’hôpital. Alors que FrançoisHollandea promisunprojet de loi sur l’accompagnement de la fin de vie, le rôle des médecins à l’avenir est au cœur des débats. Quelques-uns ont accepté de nous parler de leur pratique, sous leur nom ou anonymement. « Docteur, est-ce que vous m’aiderez? » La question est posée parfois, alors que la fin de vie n’est pas toute proche. « Je réponds qu’ils ne sont pas tombés sur le bon médecin pour ça, explique le docteur O., généraliste dans l’Ouest depuis trente ans. Je n’ai pas la prétention d’être celui qui décide. » Quandles derniers instantsarrivent, il en va autrement. Il aide « à partir » quand le patient a mal, que « trop, c’est trop ». « Ils ne demandent rien de vive voix. Mais quand on leur touche le front de la main, en nous regardant bien droit, ils disent avec les yeux : “Je suis prêt”. » Il se souvient d’un samedi soir. Il était 23 h 30. Toute une famille attendait qu’une mère « s’en aille » et lui demandait de « faire quelque chose», parce que c’était ce qu’elle voulait. Il a répété qu’il n’avait pas le droit, qu’il pouvait juste augmenter la morphine. « Mais je savais quelle serait l’issue », glisse-t-il. «Jeregardelesdébats d’expertsavec amusement.Moi,plus j’yréfléchis,moins j’aidecertitudes» Dr Pertuet Il faut alors puiser dans la pharmacopée. Utiliser du curare ou du chlorure de potassium mènerait tout de suite au décès. Ce serait un crime. Ce que peuvent faire les médecins, selon la loi Leonetti de 2005, c’est mettre en place une sédationpour soulagerla souffrance et éviter une épouvantable agonie. Ils mélangent alors anxiolitiques, hypnotiques, morphine ou autres antalgiques, provoquant une dépression respiratoire et la mort, quelques heures ou jours après. « Sans intention» de la don- 60 % des médecins favorables à l’« euthanasie active » Lieu de décès 60 % des décès se passent à l’hôpital. 25,5 % surviennent à domicile, alors que 81 % des Français déclarent vouloir mourir chez eux. Loi Leonetti Voté en 2005, le texte proscrit l’acharnement thérapeutique et autorise l’arrêt des traitements. Il permet de soulager les souffrances, même si l’effet secondaire risque de provoquer la mort. A condition que le médecin en ait informé le malade et sa famille et que la procédure soit inscrite au dossier médical. Conditions Selon l’Institut national des études démographiques, en 2010, près de la moitié des décès ont été précédés d’une décision médicale ayant pu hâter la mort du patient. Dans 3,1 % des cas, une décision a été prise dans l’intention de la précipiter et, dans 2,5 % des cas, l’acte visant à mettre fin à la vie du patient a été pris sans qu’il l’ait demandé. Deux points que n’autorise pas la loi. Opinion des médecins Dans un sondage réalisé en 2013 par Ipsos pour l’ordre des médecins, 60 % se disaient favorables à l’euthanasie dite « active » (et 37 % se disaient prêts à participer à l’administration des produits). ner, comme le stipule la loi, martèlent-ils tous. Les mots ont leur importance. Ce ne serait sans doute pas tenable autrement. « Je ne tue pas, j’aide à mourir,expliqueledocteurO.Peutêtre que cela revient au même concrètement, mais pas sur le plan humain. Je n’ai jamais considéré que j’avais tué quelqu’un. » « Je les aide à s’endormir, je sais qu’ils vont mourir. On le fait, parce qu’il n’y a plus d’espoir. Cela doit se passer entre quatre murs, personne ne le sait parce que personne n’a à le savoir », poursuit-il. « C’est vrai qu’on abrège la durée de vie, on ne peut pas le nier. Certains ne voient pas la différence, moi si. Oui, j’aide à mourir, tuer c’est différent, c’est une action immédiate, explique le docteurG., généralistedans le SudEst. Augmenter la dose n’a rien à voir avec une euthanasie.» Quand il arrive chez un malade dont il accompagne la fin de vie, le docteur Pertuet explique qu’il ne sait pas ce qu’il va faire. « Je suppose, je pressens que je vais provoquer la mort, mais je n’ai alors pas d’autre choix, sinon le patient souffre.» Il essaye de se mettre à sa place, prend en compte sa personnalité, sa culture, sa religion. « Ne vous inquiétez pas, je vous aiderai », a plus d’une fois répondu Bernard Senet à des personnes dont les douleurs n’étaient pas soulageables : « Eh oui, quand le patient est inconfortable malgré la morphine, on ouvre le tuyau de la seringue électrique et tout part. » Celui qui parle si franchement est à la retraite, et médecin conseil de l’ADMD, association qui milite pour l’euthanasie. Il a exercé en cabinet, et aussi géré des lits de soins palliatifs dans un hôpital. Durant sa carrière, une ou deux foispar an,ils’est retrouvédanscette situation, et estime que ce doit être le cas de bien d’autres. Il reçoit souvent des appels de confrères qui demandent conseil. « Je ne suis pas une exception. Par peur des juges, les autres ne veulent pas dire qu’on le fait, dans de bonnes conditions, et que ce n’est jamais facile, lâche-t-il. Mais à partir du moment où vous arrêtez les traitements, vous savez que vous condamnez à mort. A partir du moment où vous délivrez de l’Hypnovel à l’hôpital, vous savez que vous allez provoquer un arrêt respiratoire. S’il n’y a pas d’intentionnalité là-dedans…» Tous les médecins ne le font pas, mais pour eux, assumer leurs patients en fin de vie, c’est leur JOËLLE JOLIVET rôle. « Je me souviens très bien de mon premier accompagnement: c’est une des aventures humaines les plus importantes de ma vie, raconte le docteur Pertuet. C’est la quintessence de notre engagement.Il faut alors êtretrès bon technicien et très bon psychologue. Mais on n’en sort pas indemne.» « Je fais de l’accompagnement jusqu’à la mort, parce que la mort, cela fait partie de la vie», dit le docteurR.,généralisteavec une spécialisation en soins palliatifs en région parisienne. Récemment, un patient de moins de 70 ans, gravement malade, lui a demandé s’il accepterait de lui faire « une injection ». Même si la loi changeait, le médecin dit qu’il n’ira jamais jusque-là. La loi n’est pas cependant forcément au cœur des préoccupations de tous. Le docteur Pertuet fait « de la même manière aujourd’hui qu’avant ». « Je regarde d’ailleurs les débats d’experts avec amusement, ils se retranchent derrière desconvictions religieuses,la sacrosainte éthique ou les soins pallia- tifs. Or moi, plus j’y réfléchis, moins j’ai de certitudes.» Ce qui compte, « c’est ce dont ils ne parlent jamais: l’humanité, la technique, le colloque singulier entre le médecin et son patient». Laloi Leonettia en revancherendu le docteur G. plus serein. « Avant, on était limité sur le plan légal. On ne pouvait pas manier les thérapeutiques en sachant qu’on était à un niveau létal. » Il a apprécié l’avis de l’ordre des médecins, d’habitude « plutôt rétrograde », qui s’est dit en 2013 en faveur d’une sédation terminale pour les patients aux douleurs jusque-là insurmontables, « par devoir d’humanité». «Ce n’est pas un pas vers l’euthanasie, tuer doit rester un interdit », insistele docteurFaroudja, responsable de la section éthique du conseil de l’ordre, rappelant la nécessaire fidélité au serment d’Hippocrate. Il le reconnaît, «entre donner la mort et endormir le patient et la laisser venir, la différenceest étroite».Maiselleexiste. p Laetitia Clavreul La remise du rapport du comité d’éthique reportée Le rapport du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la fin de vie, annoncé pour février, puis début mars, ne devrait finalement être rendu qu’en avril, voire en mai. La ministre de la santé, Marisol Touraine, attend pourtant ce rapport pour commencer les consultations en vue de préparer le projet de loi promis par le président de la République, pour une présentation en conseil des ministres durant l’été. Mais pour le CCNE, l’ordre des priorités a changé. Saisi dans le cadre de l’affaire Vincent Lambert, jeune homme en état de conscience minimale sur le sort duquel sa famille se déchire, le Conseil d’Etat vient de demander au Comité d’éthique, d’ici la fin avril, un éclairage sur l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique) et le maintien artificiel de la vie. Terra Nova propose une solution de «consensus» Mercredi 5 mars à 20h30 Pierre MOSCOVICI Invité de Emission politique présentée par Frédéric HAZIZA Avec : Françoise FRESSOZ, Sylvie MALIGORNE et Marie-Eve MALOUINES Et sur le canal 13 de la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL, la téléphonie mobile, sur iPhone et iPad. En vidéo à la demande sur www.lcpan.fr et sur Free TV Replay. www.lcpan.fr PEUT-ON PARVENIR à un consensus sur la question de la fin de vie? Sortir des oppositions partisanes sur un sujet qui touche à l’intimité de l’individu, qui recouvre des situations médicales et morales très différentes, et où les certitudes d’un jour peuvent se transformer en doutes au gré de l’évolution de la maladie ou de l’âge ? Oui, estime Corine Pelluchon, philosophe, professeure à l’université de Franche-Comté, et auteure d’une note publiée mardi 4mars par Terra Nova, un think thank proche de la gauche. Des propositions qui pourraient inspirer le gouvernement, alors que la ministre de la santé, Marisol Touraine, a été chargée de présenter un projet de loi en conseil des ministres d’ici à l’été. A rebours des positions tranchées, Mme Pelluchon, qui se définit comme « non-militante» même si à titre personnel elle se dit opposée au suicide assisté, propose des pistes de réformes qui pourraient selon elle améliorer la loi Leonetti de 2005 et rassembler des personnes aux positions divergentes sur la question de l’aide à mourir. L’analyse pas-à-pas des différentes étapes de la fin de vie construit son argumentaire. Des inégalités Dans cette optique, sa première recommandation a trait aux « directives anticipées». La loi Leonetti permet au patient de rédiger des consignes pour sa fin de vie. Encore mal connue, cette possibilité ne contraint pas les praticiens qui doivent simplement « en tenir compte». Mme Pelluchon estime que cette procédure doit évoluer. Dans les cas de coma, d’état végétatif persistant ou pauci-relationnel, la philosophe recommande que les directives données par le malade, lorsqu’il était en état d’exprimer sa volonté, soient contraignantes juridiquement et obligatoires. Dans les autres cas, Mme Pelluchon plaide pour un système à l’allemande, où un mandataire désigné par le malade est chargé de vérifier que les volontés de la personne n’ont pas changé. Pour les personnes conscientes, la philosophe défend une amélioration de l’offre de soins palliatifs. Malgré l’existence de la loi du 9juin 1999 qui garantit à toute personne malade un droit aux soins palliatifs, les inégalités demeurent. Or, estime Corine Pelluchon, «l’examen de la pertinence d’une demande à mourir ne peut se faire que si l’on est sûr que la personne a eu accès à des soins qui soulagent sa douleur et un accompagnement psychologique de qualité». Pour la chercheuse, l’aide médicale à mourir devrait n’être ouverte qu’aux personnes en fin de vie, conscientes, qui ont eu accès aux soins palliatifs et qui n’en veulent pas ou plus. « Cela concerne très peu de personnes », concède-t-elle. Pour ces malades, une assistance pharmacologique au suicide pourrait être envisagée sur le modèle de ce qui existe dans certains Etats américains, notamment l’Oregon. Le médecin remet à son patient une ordonnance qui lui permet d’acheter un produit létal qu’il est libre de s’injecter ou pas. « Dans ce cadre, le suicide restera un acte privé qui, dans l’idéal, devra se faire en dehors des lieux de soins », estime Mme Pelluchon. En cas de difficulté pour s’injecter seul le produit, l’aide d’un proche pourra être possible. Une solution qui, selon la philosophe, pourrait faire consensus, car elle permettrait de respecter la liberté des malades, sans bousculer les valeurs des soignants ni banaliser le suicide. p Catherine Rollot 0123 france Mercredi 5 mars 2014 11 La«prioritéjeunesse»dugouvernement àlarecherched’undeuxièmesouffle Lessages-femmes obtiennentun statut médicalà l’hôpital Après quatre mois de conflit social, la ministre Uncomité interministériel doitfaire, mardi,le biland’une politique jeunesse active, maispeulisible de la santé annonce une mesure de compromis L es sages-femmes des hôpitaux bénéficieront d’un statut médical spécifique, mais n’obtiendront pas celui de praticien hospitalier,comme le demandait le collectif de grévistes. Tel est le compromis annoncé par la ministre de la santé, Marisol Touraine, mardi 4 mars. Après quatre mois et demi de conflit social avec les sages-femmes qui exigent une meilleure reconnaissance de leur statut, notamment à l’hôpital, c’est peu dire que l’arbitrage de la ministre de la santé, Marisol Touraine, était attendu. Lemétierdesage-femmedevaitil être reconnu comme une profession médicale à part entière ? Le collectifde sages-femmesen grève souhaiteobtenirun statutde praticien hospitalier sur le modèle de celui des médecins – ce qui les conduirait à quitter la fonction publique hospitalière. A l’inverse, les syndicats représentatifs de la profession (CGT, CFDT, FO…) s’y opposent, estimant que le statut de fonctionnaire est plus protecteur (il donne par exemple droit à la retraite anticipée). Troisièmes invités à la table des négociations: les gynécologues-obstétriciens, qui estiment que trop d’autonomie des sages-femmes comporterait des risques pour les patientes. A plusieurs reprises, la ministre avait confirmé que le statut des sages-femmesallait « changer, que leur rôle médical, leurs compétences spécifiques seraient pleinement reconnus à l’hôpital public ». Ce nouveau statut implique que, dans chaque établissement hospitalier, la gestion des sages-femmes dépendra du personnel médical et que les cadres paramédicaux n’auront plus d’autorité sur elles. « Les compétences des sages-fem- mes seront désormais identifiées et reconnues comme médicales sans aucune ambiguïté, souligne la ministre, il s’agit d’une rupture totale avec le passé, puisque leur profession n’est plus paramédicale. » Le décret qui instituera ce nouveau statut sortira « dans les prochains mois», a précisé Mme Touraine. Pasd’obtentiondu statutde praticien hospitalier réclamé pendant des mois donc. Ce statut – duquel relèvent aussi pharmaciens, biologistes ou dentistes – aurait été le symbole d’une véritable reconnaissance de la valeur médicale du métier, estime le Collectif. « Que le gouvernement s’attende à des maternités sans sagesfemmes et à une crise sans précédent si on n’obtient qu’un statut d’entre-deux», menaçait, la veille de l’annonce, Nicolas Dutriaux, l’un des porte-parole du collectif. Mais la ministre dit avoir tenu à « ne pas opposer les professions les unes aux autres ». Mme Touraine s’est aussi engagée à valoriser les compétences médicales des sages-femmes, aussibien à l’hôpitalqu’enville, en lançant une campagne de communication,notammentsur lefait qu’ellespeuventassurerle suivi gynécologique et la prescription de la contraceptionauxfemmesen bonne santé. Côté formation, le niveau de rémunérations des étudiants en maïeutique sera aligné sur celui des étudiants en médecine. Quant au volet de la revalorisation des salaires – les sages-femmes sont rémunérées à partir des grilles salariales paramédicales – réclaméepar les organisationssyndicales, la première concertation aura lieu en avril. p Camille Bordenet Le premierpatientdoté du cœurCarmatest mort Agé de 76 ans, atteint d’insuffisance cardiaque terminale, ce pionnier a survécu 75 jours L ’hôpital européen GeorgesPompidou, à Paris, a annoncé, lundi 3 mars, dans la soirée la mort du premier patient implanté avec le cœur artificiel de la société Carmat, survenue la veille. Agé de 76 ans, cet homme qui souffrait d’uneinsuffisancecardiaqueterminale menaçant son pronostic vital à court terme avait été opéré le 18décembre 2013. L’annonce de cette première implantation mondiale d’un cœur artificiel total bioprothétique, projet porté depuis vingt-cinq ans par le professeur Alain Carpentier, avaitfait le tour du monde.Depuis, les bulletins de santé, délivrés au compte-gouttes,étaient plutôtrassurants. Le dernier, le 18 février, indiquait que le malade, dont l’identité a toujours été gardée secrète, « n’avait plus d’assistance respiratoire» et pouvait marcher. Alternative à la greffe « La bioprothèse Carmat continue de fonctionner de façon satisfaisante, sans aucun traitement anticoagulant depuis le 10 janvier 2014 », notait aussi le bulletin de l’hôpitalPompidou. D’autressources indiquent toutefois que, depuis l’intervention, les suites opératoires ont été « compliquées ». Le patient aurait ainsi été réopéré à plusieurs reprises, du fait de saignements. « Les causes [du décès] ne pourront être connues qu’après l’analyse approfondie des nombreuses données médicales et techniques enregistrées », indique l’hôpital Pompidou, le 3 mars. « Nous ne savons pas de quoi il est mort, nous sommes très affectés par cette situation qui ne s’annonçait pas », ajoute Jean-Claude Cadudal, président de Carmat. Le cœur artificiel mis au point parAlain Carpentier,dans l’objectif d’une alternative à la greffe cardiaque, présente la particularité d’être une pompe entièrementimplantable, qui peut s’adapter à l’effort. Sa partie interne, au contact avec le sang,estrecouvertedetissubiologique, pour éviter la formation de caillots. En principe, trois autres patients doivent être inclus dans cette première phase d’essai clinique. Une deuxième intervention, à l’hôpital Pompidou, était semble-t-il imminente, avant l’annonce du décès. A ce stade des études cliniques, le succès doit notamment être évalué « par le taux de survie à un mois ». Ce cap est donc déjà largement franchi chez le premier patient, qui a survécu soixantequinze jours. Et l’issue fatale n’est pas complètement inattendue compte tenu de son état de santé préalable et de son âge – après une transplantation cardiaque classique, 17 % des malades décèdent dans le premier mois. Les causes de lamortdoiventtoutefoisêtredéterminées, entre autres pour vérifier qu’il n’y a pas eu de dysfonctionnement de la prothèse. Mardi 4 mars, avant l’ouverture de la Bourse, Carmat a demandé une suspension de sa cotation«jusqu’ànouvel avis». p Sandrine Cabut F aire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012. » Que reste-t-il, près de deux ans après son accession au pouvoir, de ce leitmotiv de campagne de François Hollande ? De cette « Priorité jeunesse » porteuse d’espoir pour 8,2 millions de 16 à 25 ans ? Un deuxième Comité interministériel de la jeunesse, présidé par le premier ministre, se tient à Matignon mardi 4 mars. L’occasion de dresser le premier bilan contrasté d’une politique jeunesse très active mais trop peu lisible dans ses grandes lignes pour ne pas sembler manquer d’ambition. En vingt-deux mois, beaucoup a été entrepris. Au crédit du gouvernement, d’abord, la prise de conscience des difficultés spécifiques vécues par la jeunesse au sein de la société française. 22,4 % des 18-24 ans sont pauvres (contre 14 % de l’ensemble de la population). La volonté d’agir d’abord au profit des plus fragilisés s’est traduite par une série de mesures ciblées (emplois d’avenir, contrats de génération,garantie jeunes,rattrapage des décrocheurs, accès à la couverture maladie universelle…). D’autres ont suivi, pour des publics plus larges, qui ont moins marqué les esprits : réforme des bourses d’enseignement supérieur, augmentation du nombre de centres de santé universitaires, des hébergements pour les jeunes en alternance, des possibilités de mobilité à l’étranger, encadrement des stages… Si l’on inclut l’éducation nationale (60 milliards d’euros), l’Etat consacre un tiers de son budget, soit 81 milliards d’euros, aux moins de 25 ans. La politique jeunesse à proprement parler compte pour 21 milliards d’euros, avec 46 programmes budgétaires déployés dans 24 ministères. A cet effort budgétaire sans précédent s’est ajouté un changementappréciéde méthode: les jeunes ont été associés à la conception de l’action gouvernementale. Valérie Fourneyron, la ministre de la jeunesse et des sports, a soutenu la création d’un Forum français de la jeunesse, regroupant une vingtaine d’organisations de jeunesse, qu’elle a érigé au rang d’interlocuteur privilégié. Un Comité interministériel de la jeunesse marque, chaque année, l’engagementdu gouvernement. Des indicateurs ont été définis pour évaluer l’efficacité des mesures prises. Et les premiers résultats encourageants ont été enregistrés. Grâce au succès des emplois jeunes, le chômage des jeunes a cessé de croître– se stabilisant néanmoins à un niveau haut (26 %). Les objectifs de lutte contre le décrochage scolaire ont été A la mission locale des 13e et 14e arrondissements de Marseille. BENJAMIN BÉCHET POUR « LE MONDE » atteints, voire dépassés – même s’ils demeurent en deçà de ceux fixés par l’Europe (10 % de jeunes scolarisés sortant sans diplômes, contre 11,6 % en France). Alors pourquoi cette impression, si répandue parmi les principaux intéressés, que rien ne bouge, que la « Priorité jeunesse » n’est qu’une rhétorique politique – assez constante depuis 1944 ? Incapables de citer le nom de la ministre censée se préoccuper de leur sort, ils n’ont pas le sentiment que ce gouvernement se soucie davantage d’eux que le précédent. « Il faut changerde braquet», réclame le Forum français de la jeunessequi témoignede «l’impatien- Les premières mesures ont été perçues par les organisations de jeunesse comme «de vieilles recettes» ce légitime des organisations de jeunes». Génération précaire parle de mesures « pipi de chat ». L’UNEF, de « priorité très loin d’être concrétisée». Au départ ont manqué les symboles. Ni grand ministère réunissant jeunesse et éducation, ni même ministère plein (la jeunesse est associée au sport et à l’éducation populaire), ni personnalité politique de grande envergure pour en prendre la tête. Les décisions prises, même judicieuses, trouvent peu d’écho, d’autant qu’ellesconcernentd’abordles jeunes « invisibles », les moins représentés dans le débat public. En janvier, un délégué interministérielà la jeunesse,censé impulser et coordonner cette priorité gouvernementale auprès de tous les ministères, est nommé: Mikaël Garnier-Lavalley, ex-conseiller au cabinet de Mme Fourneyron. Un inconnu du grand public dont on ne sait s’il aura l’autorité politique suffisante. Les premières mesures prises par le gouvernement ont été perçues par les organisations de jeunes comme de « vieilles recettes » ayant déjà montré leurs limites. Elles sont venues ajouter à cet « empilement de dispositifs sans cohérence d’ensemble », dénoncé en décembre 2013 dans le rapport des députés Régis Juanico (PS) et Jean-Frédéric Poisson (UMP), qui appellentà mieuxpiloterles politiquesenfaveurdes jeunes.Asimplifier les dispositifs pour les rendre plus efficaces. Il est temps de ne plus penser mesures ciblées réparatrices mais politique globale concernant l’ensemble des jeunes, ajoutent les associations de jeunesse. « Avec les emplois jeunes, moins rémunérateurs que les autres, les jeunes se sentent une nouvelle fois traités à part.Or ils en ont assez de cette assignation sociale par catégorie d’âge, qui les enferme », croit ValérieBecquet,sociologueà l’université de Cergy-Pontoise. « On ne veutplus de politiquede raccrochage, confirme Bertrand Coly, pour le Forum français de la jeunesse. On veut se sentir appartenir à la société. » Accéder, dès 18 ans, au droit commun, être reconnus citoyens à part entière, avec le même accès au RSA et aux autres droitssociaux,sans procèsd’intention en assistanat. Pour être à la hauteur des espérances nées chez les jeunes durant cette campagne, un « électrochoc» s’impose. Le terme est de Cécile Van de Velde, sociologue à l’EHESS: « Il faut maintenant sortir de la logique misérabiliste et ouvrir un grand plan jeunesse multileviers, avec un cap à trois ans. Un ensemble de grandes réformes pour toute la jeunesse. » A commencer par une refondation d’unsystème éducatiftropélitiste,afin d’éviter le coûtde la réparation sociale des décrochages et autres difficultés d’insertion professionnelle. « L’éducation nationale nous “livre” les jeunes dans un tel manque d’autonomie au sortir du secondaire, qu’on doit inventer 42 dispositifs jeunes d’accès à l’autonomie! », s’agace M. Poisson. Autre chantier d’envergure: le fonctionnementdumarchédu travail, trop défavorable aux entrants sur lesquelspèse toute la précarité. Pour faire évoluer les pratiques, il est temps de s’attaquer aux représentations d’employeurs si coutumiers des aides à l’embauche des jeunes qu’ils ont intériorisé la moindre valeur de leur travail. C’est toute la place faite aux jeunes dans la société qu’il faut repenser. Symptomatique : le premier Comité interministériel avait appelé les préfets à nommer des jeunes dans tous les conseils économiques et sociaux régionaux. Un an après, ce n’est pas fait. Car vingt-deux mois de « Priorité jeunesse » n’y ont rien changé : dans les mentalités collectives, ces jeunes, les plus éduqués que la France ait jamais eus, sont toujours davantage un problème qu’une solution. p Pascale Krémer Emploi, logement: des chantiers inégalement avancés VOICI L’ÉTAT d’avancement des chantiers jeunesse: Emploi L’objectif de 150 000 emplois d’avenir signés d’ici à fin 2014 devrait être atteint. Quelque 100000 l’ont été en 2013. Et déjà 30000 des 50000 prévus en 2014. Les contrats de génération patinent: sur 250 branches professionnelles, seules 20 ont signé un accord. On évalue à 30000 les emplois créés ou sauvegardés grâce aux contrats de génération, quand l’exécutif en espérait 500000 dans le quinquennat. La garantie jeunes, expérimentée depuis septembre2013 dans dix départements, monte très lentement en charge. Environ un millier de jeunes sont concernés par ce suivi renforcé en mission locale en échange d’un RSA. L’objectif de 10000 jeunes d’ici à septem- bre2014, de 100000 jeunes en 2016 (une fois le dispositif généralisé) semble peu réaliste. té depuis septembre dans quelques académies. Sa généralisation devrait intervenir en 2016. Formation 20 000 décrocheurs sortis sans diplôme du système scolaire ont été «raccrochés», comme prévu il y a un an. L’objectif est de 25000 en 2014, puis de 70 000 à la fin de la mandature, soit la moitié des décrocheurs annuels. Les bourses ont été revalorisées à la rentrée 2013. Une nouvelle étape est prévue en 2014. Mais rien n’a progressé quant à la validation par les jeunes des acquis de l’expérience associative, futur « gros chantier 2014», selon le ministère de la jeunesse et des sports. Mobilités L’adoption par l’Europe d’Erasmus +augmente de 40% lesmoyens d’ici à 2020. Les étudiants ne sont plus les seuls concernés, mais aussi les apprentis, les lycéens en filière professionnelle et les jeunes éloignés del’emploi. Santé 16 centres de santé universitaire ont été créés sur les trente prévus d’ici à 2015. La stratégie nationale de santé annoncée en septembre2013, qui définit des priorités de santé publique, comportera des actions en direction de la jeunesse. Orientation Le nouveau « service public d’orientation» coordonnant au niveau régional tous les acteurs du secteur est expérimen- Logement La loi Alur votée le 20février prévoit une sécurisation des colocations, un encadrement des loyers dans les zones tendues et des marchands de liste, une garantie d’Etat des loyers (en 2016) pour les propriétaires, qui pourraient ainsi louer plus facilement aux jeunes. 5 000 des 10 000 logements nouveaux destinés aux apprentis sont construits. Mais, sur les 40000 logements étudiants prévus durant le quinquennat, seuls8 500 sont programmés. Engagement Le rajeunissement des conseils économiques et sociaux régionaux « n’est pas aussi rapide que souhaité» par le gouvernement. Discriminations Un appel à projets a été lancé pour recruter une équipe de recherche qui, à partir de septembre, proposera des actions. p P. Kr. 12 culture 0123 Mercredi 5 mars 2014 ppp EXCELLENT ppv À VOIR pvv POURQUOI PAS vvv ON PEUT ÉVITER Toute la misère et toute l’espérance du monde Un documentaire exceptionnel montre la résistance de précaires et le réseau de solidarité qui les maintient à flot Se battre C ppp ertains films ont, plus que d’autres,capacitéà faire image. Il n’est pas facile, même pour un critique de cinéma, de dire exactement pourquoi. Sans doute s’agit-il d’une manière de sentir les choses, de poser le doigt sur un problème, et de les restituer, surtout, avec la justesse, l’émotion, la persuasion voulues. Ces films, fictions ou documentaires, sont comme des photographies qui suspendent, à un moment donné, le mouvement perpétuel des choses, et nous demandent,instamment,de regarder la raison qui les fait exister. Il faut un certain courage pour se reconnaître dépendant, humilié Le problème, avec ce beau documentaire de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana, c’est qu’il nous demande de regarder une certaine photo de la France, une de celles qu’on met généralement à la fin de l’album, parce qu’elles dévoilent une réalité que l’on n’expose pas volontiers. Ce qu’ont su capter ici lesréalisateursnetolèreplus,pourtant, d’être caché, nié, déformé, instrumentalisé. C’est le fait que dans notre pays, environ 13 millions de personnesviventaujourd’huidans la précarité. Sans doute vous direzvous que des documentaires de ce type, vous en avez vu des dizaines. Ce n’est pourtant pas le cas, ni dans le fond ni dans la forme. Le fond, parce que la catégorie de personnesà laquelles’intéressecefilm n’est pas celle des exclus qui ont déjà basculé de l’autre côté du miroir social mais celle de gens qui se tiennent encore à la lisière, dans Ce jeune champion de kickboxing vit avec sa mère dans une HLM de Givors (Rhône). DR cet inframonde qui réunit les travailleurs pauvres aux chômeurs. La forme, parce que le ton de ce film est tout à fait inaccoutumé, qui choisit de montrer, plutôt que le spectacle de la déchéance, le réseau de solidarité, de générosité et de courage qui permet à ces naufragés de la vie de tenir encore bon. Tout cela, naturellement, se passe autour de nous. A Givors, ville ouvrière à proximité de Lyon, frappée de plein fouet par la désindustrialisation, le taux de chômage est à la fois élevé et endémique. Introduits par un ex-prêtre-ouvrier parmi les nombreuses associations implantées dans la ville, les auteurs ont filmé aussi bien les bénévoles que ceux auxquels ils viennent en aide, pour témoigner sans doute de l’existence d’un être collectif et d’un tissu social dans ce pays qu’on dit atomisé. Ils en ramènentce que le cinéma sait le mieux montrer. Des visages qui appellent, des paroles qui font vibrer, des gestes qui émeuvent, des gens dont la présence entraîne un tel effet de vérité que le film en impose. L’œuvre tourne autour de quelques personnages principaux. Un jeune champion de kickboxing et sa mère vivant sur le fil du rasoir en HLM et qui se houspillent tendrement. Une ex-directrice commerciale qui coupe sa chasse d’eau pour la facture et consomme sa brutale déchéance avec quelques animaux. Une mère séparée de son fils qui revient visiblement de très loin, jardine pour se réinsérer et le reconquérir un jour. Une famille roumaine compresséedans ungourbiqui menace de les électrocuter, aidée par l’ami d’unbénévolequifaitdansl’électricité. Ce gardien d’usine, qui aide comme il peut, et qui rappelle que sans le travail des associations, la situation aurait depuis longtemps explosé. D’autres encore traversent le film, qui passent dans les rayons chargés de victuailles du Secours populaire, la silhouette voûtée, le visage usé, les yeux fuyants. C’est qu’il faut un certain courage pour s’exposeràlacharité,poursereconnaître dépendant, humilié. Toute la misèredu monde est là. Et par un beau paradoxe, toute l’espérance du monde en même temps. Pour la débrouille entre infortunés, pour le regard affamé et étoilé que ces pauvres gens plongent dans le vôtre, pour la manière dont d’autres, plus chanceux, leur tendent la main, pour la muette dignité qui les unit les uns aux autres. Pour cette ultime séquence du film aussi bien, où le jeune boxeur et son amie, dans un dialogue amoureux qui pourrait être godardien, parlent de leur avenir incertain au fil de l’eau, elle rêvant d’un ici qui serait ailleurs, lui d’un ailleurs qui serait ici, d’accord sur le fond : à savoir qu’il seraiturgent qu’on permette à des jeunes gens comme eux d’espérer en leur pays. Il est à ce propos remarquable que le film fasse le plus complet silencesurlaresponsabilitéproprementpolitiqued’untelétatd’abandon, dont on sait de quels profits obscènes il est la contrepartie. Cette absence n’en est que plus désespérante, plus révoltante. Le couple de réalisateurs, quant à lui, a fait œuvredecinéma.Carlaréussitedu film tient bien sûr à la mise en scène, en l’occurrence à l’empathie pour les personnages dont témoigne la caméra, à cette façon prévenante qu’elle a de les regarder, de relever les mouvements et les détails qui trahissent leur réserve, leurgêne,commeleurinfinicourage et leur ineffable beauté. Ce film, plein de noblesse, est en un mot une formidable leçon. Il enjoint à chacun d’entre nous, selon son pouvoir, de se porter à sa hauteur. p Jacques Mandelbaum Documentaire français de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana (1 h 30). Jean-Pierre Duret, Andrea Santana: «Ce “j’ai faim”, nous ne l’oublierons jamais» Entretien Jean-Pierre Duret a débuté dans le monde du théâtre puis du cinéma au côté d’Armand Gatti. Ingénieur du son très réputé (il a travaillé avec Maurice Pialat, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Claude Chabrol ou les frères Dardenne), il a aussi tourné trois films au Brésil avec sa compagne, l’architecte et urbaniste Andrea Santana. Tous 0123 les deux reviennent sur les enjeux de Se battre, leur nouveau film. Leurs voix se confondent, même si c’est souvent lui qui répond. Pourquoi avoir voulu réaliser un tel film ? vous invite… ... au Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis pour assister à une représentation exceptionnelle de JEAN RACINE PHÈDRE MISE EN SCÈNE - CHRISTOPHE RAUCK de Jean Racine Mise en scène, Christophe RAUCK DU 6 MARS AU 6 AVRIL 2014 Samedi 15 mars 2014 à 20 heures** Lundi 17 mars 2014 à 20 heures*** Pour recevoir votre invitation* valable pour 2 personnes, téléphonez au 0 892 690 700 RÉSERVATIONS 01 48 13 70 00 www.theatregerardphilipe.com (0,34 €/mn, hors surcoût éventuel opérateur) **le mercredi 5 mars à partir de 15 h (pour la représentation du 15 mars) ***le jeudi 6 mars à partir de 15 h (pour la représentation du 17 mars) *10 invitations offertes aux premiers appelants, conformément au règlement du jeu. Offre gratuite, sans obligation d’achat, jusqu’à concurrence du nombre de places disponibles. Le règlement du jeu déposé chez Me Augel huissier de justice à Paris, est adressé gratuitement sur demande à : Jeu Les Offres Culturelles du Monde - 80, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris. Les demandes de remboursement des frais de participation (selon modalités définies dans le règlement) doivent parvenir à la même adresse. Les informations recueillies à cette occasion sont exclusivement destinées au Monde et à ses partenaires. Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression des données vous concernant (art. 27 de la loi informatique et libertés). La France est en train de s’enfoncer très rapidement dans une société à deux vitesses. C’est pour cette raison, d’abord, qu’on a voulu faire ce film. Quinze millions de personnes mises à l’écart, des travailleurs pauvres, des retraités, des étudiants, des chômeurs plus ou moins jeunes, des femmes seules avec enfant… Il y a quelques années, le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, avait très bien décrit cette situation de détresse. Non seulement ces personnes sont mises au bord de la route, mais, en plus, il faudrait que ce soit de leur faute! Un Français sur cinq obligé de vivre tout ça tout seul, dans son coin, et dont la parole n’est ni entendue ni reconnue. On plaque sur eux des mots terribles, des mots qui font mal, comme « déclassés», « assistés », et, en plus, on voudrait nous faire croire que ces personnes n’ont rien à nous apporter. Notre film dépeint tout le contraire. Nous voulions aussi montrer tout le travail des bénévoles qui leur viennent en aide, cet échange réciproque. Abderrahmane Sissako nous faisait remarquer qu’il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre ceux qui aident et ceux qui sont aidés. C’est très juste. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en tournant ce film ? Une émotion, très forte. La première personne qui acceptait d’être filmée, un homme… Je remercie le ciel de ne pas avoir eu la caméra sur lui à cet instant, lorsque la femme du Secours populaire lui fait remarquer qu’il est déjà venu il n’y a pas si longtemps et qu’il lui répond : « J’ai faim. » Je ne pensais pas que l’on pouvait exprimer cela de manière aussi tran- quille, limpide. Ce « j’ai faim », nous ne l’oublierons jamais. Vos personnages ne semblent pas contaminés par le discours ambiant. Ils ne disent jamais que ce qui leur arrive, c’est de la faute des autres. Pas de pulsions populistes, juste des êtres humains qui racontent des histoires d’êtres humains, avec dignité. C’est la réalité ou est-ce un effet du montage ? C’est un constat : les personnes que nous avons rencontrées n’ont pas de rancœur, elles ne sont pas dans la plainte. Une approche rapide de ces mêmes personnes aurait «On voudrait nous faire croire que ces personnes n’ont rien à nous apporter» peut-être conduit à une rengaine superficielle, à des paroles convenues entendues sans cesse à la télé. Je sais très bien qu’un certain discours politique, consistant à monter les classes populaires les unes contre les autres, a fait mouche. Par exemple, entre ceux qui touchent le RSA et ceux qui travaillent moyennant de tout petits salaires. Je sais très bien que ce discours est relayé, entre autres, par le Front national. Mais, même s’ils ont une grande colère en eux, les gens que nous avons rencontrés ont comme ambition de continuer à se tenir debout. J’insiste: tous sont dans le film. On n’a pas choisi untel ou untel pour sa capacité à raconter une histoire ou à trouver des mots pour le dire. Il n’empêche : au moins un Français sur cinq s’apprête à voter pour le Front national aux pro- chaines élections. Parmi eux, il n’y aurait aucune des personnes que vous avez interrogées ? Peut-être que si… De toute façon, ils ne croient plus aux paroles qu’ils entendent, qui ont été si largement méprisantes à leur égard. Peut-être que certains voteront pour des candidats FN mais sans forcément reprendre à leur compte les thèses du Front national. Beaucoup n’iront pas voter. Ils n’ont foi ni dans le discours du FN ni dans aucun autre discours politique traditionnel. On ne peut s’empêcher de penser que la dignité des paroles entendues tient aussi à votre regard, à votre écoute. Se sentant en confiance, disposant de temps pour s’exprimer, ces personnes donnent le meilleur d’elles-mêmes… C’est tout l’objet du film. Pour faire exister la parole que les gens ont en eux, il faut de l’amour. Il faut croire en eux. Il faut prendre soin d’eux, comme eux prennent soin de plein de choses dans le film. Si l’on vient juste essayer de capter le ressenti de quelque chose, on n’obtiendra que des paroles qui n’appartiennent pas aux gens. Filmer, dites-vous, c’est prendre soin de l’autre. Comme si filmer était une manière d’acte thérapeutique. Pour les personnes que vous interrogez, mais peutêtre aussi pour vous ? Cette formule est de Denis Gheerbrant. Elle représente le cœur du travail d’un documentariste. Prendre soin de l’autre, dans le respect de son image et de sa voix. p Propos recueillis par Franck Nouchi n L’intégralité de cet entretien est à lire sur Lemonde.fr 0123 culture Mercredi 5 mars 2014 Un couple en voie de décomposition Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric face à face dans une comédie amère de Sophie Fillières Arrête ou je continue ppv C ’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouverau vernissaged’unegalerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller. Rien n’est simple, d’autant plus que la jalousie affleure sans cesse sur ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà sortis dans la rue. Un bus de nuit qui passe, Pierre qui se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifsoùtoutcommenceà basculersans quele cerveaus’en aperçoive forcément. « Fais gaffe à l’avenir », « j’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entretuer. » Les habitudes de couple sontles plus fortes,celles qui survivent le plus longtemps même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer. Arrête ou je continue, le nouveau film de Sophie Fillières, racontel’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afinde retrouver lessensationsoriginelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude. Pierre et Pomme, ce pourrait êtrele titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuel Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue l’impasse. Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfant Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une tout en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer, et l’enfermement qui l’étouffe, et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus. p F. N. Arrête ou je continue, film français de Sophie Fillières. Avec Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric (1 h 42). Tom Shoval signe un premier long-métrage original et étrange, nourri par la crise économique ppv S onnom est Tom Shoval. L’impétrant a 33 ans. Israélien, il signe son premier longmétrage. Eh bien oui, désolé, il faudra de nouveau inscrire ce nom-là sur ses tablettes, à la rubrique « à suivre de près ». Pour le cinéphile de bonne volonté, l’accumulation des noms à retenir en vue de quel- que conversation sérieuse est déjà pénible en soi. Mais qu’un pays comme Israël, grand comme un timbre-poste, en exporte plus que la Chine, voilà l’indécence. Reste à ranger le film dans l’une des deux catégories nationales que sont « Israël, pays d’exception » (film avec Palestiniens) ou « Israël, pays comme les autres » (film sans Palestiniens), qui ne garantissent pas plus le succès que l’échec. Conférence Vinh-Kim Nguyen Un monde sans sida : comment éradiquer le VIH Le jeudi 6 mars 2014 à 19 h 00. Le cinéaste met en scène le face-à-face fictif entre Raoul Nordling et Dietrich von Choltitz pvv C Unregard ironiquesurIsraël,pays «commeles autres» Youth VolkerSchlöndorffimagine la nuit oùfut sauvé Paris Diplomatie Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric), une relation en sursis. DR Réservation obligatoire : 01 53 85 93 93 En partenariat avec le Collège d’études mondiales - Fondation Maison des sciences de l’homme Fondation Calouste Gulbenkian - Délégation en France 39, bd de la Tour-Maubourg, 75007 Paris / www.gulbenkian-paris.org Retrouvez-nous sur Facebook : Centre Calouste Gulbenkian Youth est un film « Israël, pays comme les autres », puisqu’il évoque les effets délétères de la crise économique mondiale sur le moral des citoyens, et parmi eux, la classe moyenne, très prochainement appelée à perdre ce titre, qui n’était jamais qu’une demi-gloire. L’amateur pensera ici à l’un des titres israéliens les plus marquants de ces dernières années, Le Policier (2011), de Nadav Lapid, qui appelait à une sorte d’insurrection terroriste et godardienne de la jeunesse face à l’iniquité de la société israélienne.Ce n’est pas le genre de Youth, qui partage pourtant avec son alter ego l’extrême jeunesse des protagonistes principaux. C’est entre la débilité et la tragédie, le désespoir et la farce que se déroule l’action Plus réaliste et plus modeste, mais non moins original et étrange, Youth met en scène deux frères à ce point ressemblants qu’on se pose la question de leur gémellité. Ces deux personnages (interprétés par deux frères), avares de mots et peu enclins à l’expression de leurs sentiments, présentent un mimétisme physique et psychologique troublant, fort bien exploitépar ce filmcomportementaliste. L’action dans laquelle ils se lancentestà lahauteurde ce malaise.Yaki et Shaul,témoinsdu délitement familial lié à la perte d’emploide leur père (MosheIvgui, routier étincelant du cinéma d’auteur israélien,campe ici un être moralement exténué et suicidaire), ont décidé de se livrer au rapt d’une adolescente d’un milieu aisé et à la demanded’unerançon. Durepérage au dénouement, en passant par l’exécution et la séquestration, c’est entre la débilité et la tragédie, ledésespoiret lafarceque sedéroule l’action . Son centre de gravité se situe dans l’immeuble familial, entre l’appartement du troisième étage où un repas est donné en l’honneur de la permission militaire d’un des deux frères, et le bunker du sous-sol où la jeune fille est immobilisée et bâillonnée. L’une des grandes qualités du film est de nous refuser la satisfaction morale et politique à bon compte induite par la situation. Les deux garçons apparaissent moins comme des justiciers que comme des idiots gauches et obtus, sans que pour autant la légitimité de leur révolte soit discréditée. Il y a dans la mise en scène de Tom Shoval l’exercice d’une ironie appréciable sur l’état réel du pays. Y sont ainsi cruellement démontés quelques grands mythes nationaux. Celui de l’utopie originelle socialiste et solidaire (la haine de classe y domine), celui d’une armée rempart de la nation (ses armes servent à menacer les citoyens qu’elle est censée défendre) jusqu’aux gages de cohésion fournis par la religion et la famille nucléaire(celle dela jeune fille, respectant le shabbat, ne répond pas aux appels téléphoniques des ravisseurs, qui se sont donné le week-end pour réussir leur coup). Huis clos, repli sur soi et grande peur identitaire : un film sur un pays comme les autres. p J. Ma. Film israélien de Tom Shoval. Avec David Cunio, Eitan Cunio, Gita Amely. (1 h 47). 13 ’est un petit square, niché dans le 11e arrondissement de Paris, au sud de l’église Sainte-Marguerite. Accrochée aux grilles, une plaque commémorative rappelle qui fut Raoul Nordling (1881-1962), « citoyen d’honneur de Paris, représentant d’un pays neutre durant la seconde guerre mondiale.Ses relationsavec le commandant du Gross Paris, Dietrich von Choltitz, comme ses liens avec la Résistance, lui ont permis, le 17août 1944, d’obtenir la libération de 3 245 prisonniers politiques. Il a œuvré tout au long de l’insurrection parisienne afin de limiter les destructions dans la capitale (…) ». Nulle rue parisienne, en revanche, n’est estampillée Dietrich von Choltitz. Homme de confiance d’Hitler, son rôle sur le front de l’Est et sa participation à l’extermination des juifs lui interdisent ce genre d’hommage. Et pourtant… Si Paris est toujours aujourd’hui la Ville Lumière, c’est en grande partie à lui qu’elle le doit.Commel’ont racontéDominique Lapierre et Larry Collins dans Paris brûle-t-il ? (1964), Dietrichvon Choltitzjoua un rôlecapital dans le fait qu’aucun monumentn’aitété détruitlors de la libération de Paris. Nommé par Hitler lui-même, le 7 août 1944, avec mission de garder la capitale par tous les moyens, y compris la destruction totale, il laissa miner, dans un premier temps, les 45 ponts de Paris, le Palais-Bourbon, le Palais du Luxembourg, l’Elysée, le Quai d’Orsay, les Invalides, la tour Eiffel, l’Arc de triomphe, la Madeleine, le Palais Gabriel, l’Opéra, les gares… Mais il n’ordonna jamais la mise à feu, bravant la sinistre Sippenhaft (prise en otage de la famille des généraux traîtres ou insoumis). Ainsi, la plus belle ville du monde ne fut pas transformée en un champ de ruines et les vies de centaines de milliers de Parisiens furent épargnées. Pour quelle raison von Choltitz prit-il le risque d’agir ainsi ? Dans Paris brûle-t-il?, le film de René Clément réalisé en 1966, on voit un von Choltitz agir plutôt par calcul, espérant, en sauvant la capitale, s’attirer la clémence des Alliés et de la Résistance alors aux portes de Paris. Dans Diplomatie, le nouveau film de Volker Schlöndorff, adapté de la pièce de Cyril Gély, le gouverneurdu Gross Parisne semble pas insensible aux arguments éthiques du consul de Suède. S’il est avéré aujourd’hui que Nordling et von Choltitz eurent plusieurs conversations quand se jouait le sort de Paris, ce qui s’est réellement passé entre les deux hommes ne correspond pas tout à fait à ce qu’en montre Schlöndorff dans son film. Cette rencontre en forme de partie d’échecs, durant la nuit au 24 au 25 août 1944 dans une suite de l’hôtel Meurice, n’a jamais eu lieu. L’escalier secret d’où surgit, dans le film, le consul Nordling n’existe pas davantage. Un « combat de boxe » C’est donc une version « arrangée » de l’histoire que propose Schlöndorff. Une nuit pour sauver Paris; quelques heures durant lesquelles, jouant de tous les ressorts psychologiqueset bravant tous les dangers, Nordling finit par faire triompher l’éthique et la raison. « Un combat de boxe en cinq ou six rounds » – l’expression est de Schlöndorff – opposant deux acteurs au meilleur d’euxmêmes : Niels Arestrup (Dietrich von Choltitz) et André Dussollier (Raoul Nordling). Un huis clos qui s’apparente plus à du théâtre filmé qu’à du cinéma. Comme Paris brûle-t-il ? en son temps – Orson Welles interprétait le rôle de Nordling dans le film de René Clément –, Diplomatie se regarde néanmoins sans déplaisir, neserait-ce quepour la performance des deux comédiens. Dommage que l’on n’en apprenne pas davantage sur ces deux hommes qui firent en sorte que la libération de Paris ne tourne pas au carnage (on lira avec intérêt Sauver Paris. Mémoires du consul de Suède [1905-1944], de Raoul Nordling,éditions Complexe). Dommage aussi qu’une volonté de théâtralisation à outrance empêche d’approcher au plus près la réalité historique de ces journées cruciales. Heureusement, un petit square parisien en porte témoignage. p F. N. Diplomatie, film franco-allemand de Volker Schlöndorff. Avec André Dussollier et Niels Arestrup (1 h 24). UN FILM DE ELISABETH LEUVREY UN DES PLUS BEAUX FILMS SUR L’IMMIGRATION DE CES DERNIÈRES ANNÉES TELERAMA MIRACULEUX LE MONDE INTELLIGENT, LUMINEUX, ABSOLUMENT MAGNIFIQUE LE CANARD ENCHAÎNÉ EN LE 4 MARS Disponible dans les points de vente habituels, sur www.shellac-altern.org et en VOD sur 14 0123 culture Mercredi 5 mars 2014 Dostoïevski au Kazakhstan LES AUTRES FILMS DE LA SEMAINE Les affres d’un étudiant meurtrier, dans une république rongée par un capitalisme débridé L’Etudiant A de la critique sur Lemonde.fr (édition abonnés) ppv À VOIR ppv u début des années 1990, Darezhan Omirbayev réalisait ses premiers films (Kairat, Kardiogramma…) en s’imposant comme fer de lance de la nouvelle vaguedes cinémasd’Asie centrale, cette génération formée au prestigieux VGIK de Moscou, encouragéepar la glasnost à imaginer de nouvelles manières de représenter la réalité. Le cinéaste kazakhfaisait alors un long-métrage tous les trois ans. Une décennie plus tard, l’intervalle avait doublé. Aujourd’hui, tristement, il est peu ou prou le seul de cette « nouvelle vague» à faire encore des films. Le mondea changé.En s’engouffrant dans les républiques de l’ancien bloc soviétique, le vent du capitalisme débridé a tout balayé, réglant le rythme de la vie sur le coursdu dollar, divisant l’humanité entre super-riches vivant généralement au-dessus des lois et super-pauvres privés d’accès à tout. Présenté à Cannes en 2013, dans la section Un certain regard, L’Etudiant livre, en s’inspirant de Crime et Châtiment, de Dostoïevski, un commentaire sans appel sur cette mutation qui trouve un bouleversant porte-voix en la personne d’un poète dont plus personne ne veut lire les vers. Personnage secondaire de l’intrigue, ce vieil homme qui n’a d’autre choix que de noyer son désarroi dans l’alcool est incapable de subvenir aux besoins de sa famille, dont la fragilité reflète la condition des artistes des républiques d’ex-URSS (une épouse qui se déplace en petite chaise, une fille aînée sourde et muette et une petite-fille trop jeune pour assumer la moindre responsabilité). A la guerre ouverte de chacun contre tous qu’il illustre ponctuellement par des inserts de documentaires animaliers, l’auteur ne se soustrait pas : il se met luimême en scène, dans le prologue, en jouant un cinéaste au travail. Le Kazakhstan n’étant pas Hollywood, la couleur rouge de la robe de son actrice, qui se découpe sur le fond blanc immaculé du pla- n Retrouvez l’intégralité n Parce que j’étais peintre. L’art rescapé des camps nazis Documentaire franco-allemand de Christophe Cognet (1 h 44). Il aura fallu dix ans à Christophe Cognet pour réaliser un documentaire remarquable sur les œuvres d’art façonnées dans les camps nazis. Au fil de son enquête, où il rencontre artistes et conservateurs encore vivants, il s’attaque au tabou de leur beauté. Son geste, rigoureux et élégant, valide sa foi en une approche physique de la mise en scène et de la mémoire. A travers ce travail de prospection, c’est l’humanité qui triomphe sur le chaos et la désolation. p S. Ma. pvv POURQUOI PAS n Free Fall Nurlan Baitasov, qui tient le rôle principal, est un étudiant en cinéma, élève d’Omirbayev. DR teau, renvoie moins à un statut de star qu’à celui, vénéneux, de femme de milliardaire, qui lui a probablement valu son rôle. Lorsque le stagiaire, « l’étudiant », renverse une tasse de thé sur sa robe, elle fait appeler deux hommes de main,lesquelsabandonnentle garçon à terre, inerte, dans les toilettes, après l’avoir passé à tabac. Prenant acte de la violence du monde, le personnage décide de passer à l’acte en commettant un crime à son tour Les membres de l’équipe laissent les molosses partir sans piper mot,contemplant,hébétés,le visage tuméfié du pauvre garçon, qui sera excludu tournagedans la foulée. Un gros plan sur son regard, planté dans la caméra, comme l’était celui d’Harriet Andersson à la fin d’Un été avec Monika, somme le spectateur de prendre lui aussi sa part dans cette histoire. La mise en scène d’Omirbayev, frontale, implacable, se cale sur les regards des personnages, joue le dedans contre le dehors, le détail contre le plan large. Le tempo sec, la géométrie parfaite des plansséquences exaltent l’action et l’intensité du jeu de l’acteur principal, Nurlan Baitasov (un étudiant en cinéma, élève d’Omirbayev), dont le mal-êtreet la rage rentréeimprègnent littéralement tout le film. Prenant acte de la violence du monde, de son ordre inique, le personnage décide de passer à l’acte en commettant un crime à son tour, geste qui n’aboutira à rien d’autre qu’à lui révéler l’immuabilité structurelle des rapports de classes. Comme Robert Bresson dans L’Argent, Omirbayev suit à la trace son personnage, solitaire et taiseux – il l’accompagne même jusque dans ses rêveries –, entraînant le spectateur à l’intérieur de sa conscience. Si bien qu’un regard, en caméra subjective, sur le tiroir-caisse d’un commerçant suffit à annoncer le crime à venir. La violence des rapports sociaux se traduit par des scènes d’une brutalité atroce mais dont l’impact, maintenu hors champ, n’est signifié que par la trace qu’elles ont laissé – une tache de sang, par exemple, sur la tête d’un âne mort, après que le conducteur d’un rutilant 4 × 4, excédé d’attendre que l’animal se mette en marche, eut pris le parti de le tuer à coups de club de golf, sous les yeux de son propriétaire. Le sentiment quien résulteest d’autantplus glaçant que la mise en scène n’offre pas aux victimes la chance de se défendre, ou de fuir. Mais, en dotant les plus faibles d’une conscience, richesse inaliénable que les prédateurs ont pourtant délibérément troquée contre le pouvoir de l’argent, le cinéaste ouvre une brèche dans le ciel noir de sa fable. Un geste qui témoigne d’une fidélité à l’humanisme qui fut toujours, et qui reste donc, le ferment de son cinéma. p Isabelle Regnier Film kazakh de Darezhan Omirbayev. Avec Nurlan Baitasov, Maya Serikbayeva, Edige Bolysbayev (1 h 30). Film allemand de Stephan Lacant (1 h 40.) Marc est heureux. Jeune policier, il attend un enfant avec la femme qu’il aime. Mais une complicité ambiguë avec son collègue Kay l’entraîne sur des voies qu’il pensait ne jamais prendre, et remet en question ses certitudes… Si la place secondaire qu’occupe la question du regard sur l’homosexualité dans la police fait perdre à l’histoire beaucoup de son relief, Free Fall compense ce manque par la rigueur de sa mise en scène et les qualités de jeu des acteurs. p N. Lu. n Dans l’ombre de Mary : la promesse de Walt Disney Film américain de John Lee Hancock (2 h 05). Charmé par la lecture de la série «Mary Poppins», Walt Disney décide, dans les années 1930, d’adapter les aventures de la célèbre nounou. Mais il se heurte à l’obstination de P. L.Travers, l’auteure des livres, qui n’a que mépris pour Mickey et ses amis… Si les excursions en flash-back dans l’enfance de P.L. Travers peinent à convaincre, le face-à-face entre Tom Hanks et Emma Thompson vaut le détour, surtout lorsque le film s’essaie à montrer la part d’ombre de Walt Disney. p N. Lu. n El Gran Dragon Documentaire français de Gildas Nivet et Tristan Guerlotté (1 h 41). Les réalisateurs ont embarqué leur caméra au cœur de l’Amazonie péruvienne, pour remonter aux sources de la médecine traditionnelle. La qualité du documentaire tient à la manière sensible de filmer la nature envoûtante. Mais, faute d’une proposition formelle et narrative originale, le film se dilue dans une forme conventionnelle. p S. Ma. n Le Chemin Film brésilien de Luciano Maura (1 h 30). Un médecin, sur le point de se séparer de sa femme, part sur les traces de son fils fugueur. Son périple lui permet de se reconnecter avec lui et les siens. Ce premier film pèche par sa propension au surlignage. Road-movie existentiel autant que drame familial laborieux, Le Chemin ne trouve pas celui de notre cœur. p S. Ma. n Un week-end à Paris Film anglais de Roger Michell (1 h 33). Deux universitaires anglais décident, pour leur anniversaire de mariage, de passer un week-end à Paris, là où, trente ans plus tôt, ils passèrent leur lune de miel. Auteur du célébrissime Coup de foudre à Notting Hill, le réalisateur britannique a le plus grand mal à échapper à l’effet carte postale. Sur des dialogues un peu convenus de l’écrivain Hanif Kureishi, les acteurs font ce qu’ils peuvent pour introduire humour et fantaisie dans cette comédie elle aussi convenue. p F. N. vvv ON PEUT ÉVITER n 300 : la naissance d’un empire Film américain de Noam Murro. (1 h 42.) 480 avant J.-C.Tandis que Léonidas, aux Thermopyles, tente avec ses 300 Spartiates de retarder l’armée perse de Xerxès, la bataille fait rage aussi sur mer, devant l’île de Salamine, où Thémistocle affronte la flotte menée par la redoutable Artémise… Que ce second volet de la franchise à succès soit encore plus bête que son prédécesseur, passe encore. Mais la médiocrité du travail sur l’image lui ôte tout intérêt. p N. L. NOUS N’AVONS PAS PU VOIR N’importe qui Film français de Raphaël Frydman (1 h 21). L’Instinct de résistance Documentaire français de Jorge Amat (1 h 25). Vampire Academy : Blood Sisters Film américain de Mark Waters (1 h 44). Les meilleures entrées en France Nombre de semaines d’exploitation Nombre d’entrées (1) Nombre d’écrans Evolution par rapport à la semaine précédente Total depuis la sortie Supercondriaque 1 1 705 207 836 1 705 207 Non-stop 1 401 435 442 401 435 La Grande Aventure Lego The Grand Budapest Hotel Le Crocodile du Botswanga M. Peabody et Sherman : Les Voyages dans le temps 2 341 861 524 1 315 874 172 2 258 330 451 3 249 853 593 La Belle et la Bête 3 245 428 Les Trois Frères : le retour 3 Un été à Osage County Pompéi AP : Avant-première Source : Ecran Total ! –3% 814 569 315 874 ! – 44 % 841 246 30 % 812 755 593 ! – 28 % 1 359 005 221 020 701 ! – 53 % 1 943 925 1 176 594 266 2 156 916 301 " 176 594 ! – 40 % 495 608 * Estimation (1) Période du 26 février au 2 mars inclus Dany Boon plaît: 1,7 million d’entrées en cinq jours pour son Supercondriaque! Une moyenne phénoménale de plus de 2000 spectateurs par copie. On reste cependant encore loin des chiffres astronomiques de Bienvenue chez les Ch’tis, qui, au même moment, en était déjà à 3 580 000 entrées. Wes Anderson n’est pas en reste. Avec cinq fois moins de copies, The Grand Budapest Hotel a attiré 315000 spectateurs. Sinon, on peut s’attendre dès la semaine prochaine à ressentir les effets conjugués des Césars et des Oscars. 12 Years a Slave, qui frôle les 1,5million d’entrées, et Les garçons et Guillaume, à table!, qui a déjà séduit plus de 2,6 millions de spectateurs, devraient en être les principaux bénéficiaires. 0123 mode Mercredi 5 mars 2014 15 PARIS PRÊT-À-PORTER | AUTOMNE-HIVER 2014-2015 L’art du vestiaire tout-terrain La mode qui défile à Paris privilégie des tenues au chic désinvolte adaptées en toutes occasions I l y a une chose que l’on ne peut reprocher à la Parisienne: c’est de surjouer son style. Par nature, elle pratique plutôtl’ellipse vestimentaire, préfère une silhouette à l’élégance basique et refuse de « s’endimancher». La mode de l’hiver tend à lui donner raison : souliers plats, grands manteaux enveloppants,jupesmi-longuesélégantes et confortables composent une silhouettegracieuse et nonchalante proche de cette esthétique « à la française». Les créateurs qui défilent à Paris sont imprégnés, de manière consciente ou non, de cette posture de style. Et ils n’ont même pas besoin d’être français pour en proposer une version convaincante. L’Anglaise Stella McCartney maîtrise ce sens du réalisme qu’elle sait relever d’une juste dose d’excentricité britannique. A l’aise dans leurs souliers façon creepers chics à doubles semelles, les mannequins de son show ont enfilé des tailleurs à pantalons fuseaux, des manteaux et des chemises strictes en popeline de coton, animées de broderies en rubansouéventails de zipsmétalliques. Cet esprit androgyne décalé se retrouve en version plus sport dansles grandes parkaset les minirobesen tweed rebrodéesde cordelettes multicolores, complétées pardes ensembles«pyjamasde ville » à pulls et pantalons de maille chinée. Si les tenues de jour originales dominent cette garde-robe, les silhouettes du soir, aux ajours voilés de rideaux de fils de soie, apportent une note sexy déjantée typiquementbritannique.Et même en microrobe de soirée, les grosses semelles plates sont de rigueur pour garder les pieds sur terre. On retrouve ce goût du vraifaux basique chez Sacai. Ce label japonais confidentiel connaît un succès croissant et a été fondé en 1999 par Chitose Abe, qui a fait ses débuts dans le studio de la griffe conceptuelleculte Commedes garçons. La créatrice s’est spécialisée dans les fusions de pièces classiques pour inventer de nouvelles silhouettes qu’il faut pouvoir observer à 360 degrés pour en apprécier toute la subtilité. Pour l’hiver, la Japonaise propose des pièces spectaculaires et intemporelles à la fois. Ses manteaux-blousons, qui mêlent Nylon technique matelassé, cuir, agneau de Mongolie et tweed, assurent un confort et une allure maximums ; ses robes à jupes portefeuille plissées, ses vestes à manches de pulls contrastées concilient simplicité et personnalité. Fausto Puglisi a choisi une allure androgyne qu’il qualifie lui-même de «romance urbaine» Même les modèles en apparence les plus épurés présentent des effets intrigants dans le dos. Dans ce vestiaire sophistiqué, rien ne fait vraiment « tenue du soir », mais ces silhouettes« intello chic » ne dépareront dans aucun cocktail. Ce penchant pour une décontraction sophistiquée se retrouve chez Ungaro, où le styliste italien Fausto Puglisi signe sa troisième collection. Naturellement amateur de style rock et de baroque italien, le créateur a pourtant choisi une allure plus androgyne, un style raisonnablement sexy, mais Il faudra voir comment la créatrice rebondit après cette première expérience pour imaginer sa prochaine collection. La sophistication – qui n’est pas nécessairement synonyme de complication – n’est pas forcément un obstacle à cette aisance. Le créateur Giambatista Valli est né à Rome, la ville où les femmes élégantes sortent en fourrure et bijoux. Ce goût de la tenue habillée continue de marquer ses collections, mais Paris a aussi laissé une empreinte, plus décontractée, sur son style. Désormais, il a trouvé sa voie dans une sorte de sophistication épurée. Ses manteaux à taille de guêpe aux motifs fauve abstraits, ses robes patineuses en laine laquée, en dentelle de mohair ou habillées de roses pourpres géantes, défendent uneféminité intemporelle. Les effets de textures décalés et les plissés origamis assurent la modernité de ce vestiaire tout de même largement consacré à une vie mondaine de jeune femme bien née. Le Français Hedi Slimane a fait le chemin inverse. Directeur de la création de Saint Laurent, icône absolue du style couture désinvolte à la française, il est parti s’installer à Los Angeles, patrie du showbusiness et du show off. Sa collection hiver incarne idéalement cette ambivalence. On y croise des valeurs sûres : capes de tweed, cabans de laine et vestes en velours aux coupes précises, blousons cuir clouté, manteaux de fourrure rétroet bohème,bottes à talonscarrés, évadées des années 1960… autant de pièces que ne renierait pas une Françoise Hardy du XXIe siècle. Maisles microrobeset les microjupes en toile écossaise ou entièrement rebrodées de paillettes, en mousseline panthère ou en cuir métallisé,sontcalibréespourla jeunesse dorée telle qu’on la croise sous le soleil de Californie. Ce jeune public qui a construit ce qui lui tient lieu de culture mode sur le site Instagram ou en regardant des clips de Rihanna et Miley Cyrus a trouvé une griffe culte où s’acheter une certaine idée du cool, un esprit rock estampillé made in France. Peu importe le prix. p Stella McCartney. JACQUES BRINON/AP Emanuel Ungaro. PATRICK KOVARIK/AFP confortable qu’il qualifie luimême de « romance urbaine ». Ses grands pantalons amples se porte avec des sweat-shirts à motifs de fleurs ou un tee-shirt en dentelle noire et Néoprène perforé, les tailleurs pantalons et les robes en noir et blanc sont animés de motifs chevrons rendus abstraits. Les mailles rebrodées de fleurs, les robes de soie à dos voilé de tulle plumetis, les manteaux de fourrure bicolores évoquent, une forme d’opulence maîtrisée. En coulisses, le créateur insiste sur une idée moderne autant qu’évidente: ces pièces sont faites pour être mariées entre elles, mais aussi à autre chose car une garderobe moderne est faite de mélanges, pas de silhouettes intégrales trop apprêtées et artificielles. Le goût français d’aujourd’hui cherche d’ailleurs précisément à éviter la complication laborieuse. Un parti pris qui n’est pas évident quandonobservelacollection Léonard. Cette présentation hivernale est la première signée de la créatrice d’origine chinoise Yiqing Yin qui s’est fait connaître grâce à des collectionsde haute couturepoétiques et étranges. Celle-ci n’a pas la tâche facile : cette maison née en 1958 et connue pour ses imprimés fleuris a vu se succéder de nombreux stylistes dont Véronique Leroy ou Maxime Simoëns. Redonner une allure moderne à cette griffe codée tient du défi et la collections’engouffre vite dans un exotisme qui évoque le Kenzo des années 1970 (des imprimés saturés sur des brocards drapés, des coupes croisées qui évoquent le vêtement traditionnel asiatique). Pour 2014, cette ligne est trop complexe, pas assez fluide pour séduire. Carine Bizet Saint Laurent. MICHEL EULER/AP Sacai. MIGUEL MEDINA/AFP 16 0123 disparitions & carnet Typographe américain Mike Parker Mercredi 5 mars 2014 ¬/ )VÌÖ/Å …ÔÉ *ÌVÖ1É J½JÖ/Ø/ÖÅÉ §V$ÉÉVÖ3/ɉ RVÒÅFØ/ɉ -$VÖLV$÷÷/ɉ ØVÌ$V*/ɉ VÖÖ$½/ÌÉV$Ì/É 1/ ÖV$ÉÉVÖ3/ .½$É 1/ 1J3Hɉ Ì/Ø/Ì3$/Ø/ÖÅɉ Ø/ÉÉ/ɉ 3ÔÖ1Ô÷JVÖ3/ɉ 'ÔØØV*/ɉ VÖÖ$½/ÌÉV$Ì/É 1/ 1J3Hɉ ÉÔÁ½/Ö$ÌÉ )Ô÷÷ÔÏÁ/ɉ 3ÔÖ-JÌ/Ö3/ɉ ÉJØ$ÖV$Ì/ɉ ÅVR÷/ɇÌÔÖ1/ɉ ÒÔÌÅ/ɇÔÁ½/ÌÅ/ɉ -ÔÌÁØɉ þÔÁÌÖJ/É 1cJÅÁ1/ɉ 3ÔÖ*ÌHɉ ÖÔØ$ÖVÅ$ÔÖɉ VÉÉ/ØR÷J/É *JÖJÌV÷/É ŽÔÁÅ/ÖVÖ3/É 1/ ØJØÔ$Ì/‰ Å'HÉ/ɉ ¶&‘‰ 1$ÉÅ$Ö3Å$ÔÖɉ -J÷$3$ÅVÅ$ÔÖÉ ½”ÒÔÉ$Å$ÔÖɉ ½/ÌÖ$ÉÉV*/ɉ É$*ÖVÅÁÌ/ɉ ÷/3ÅÁÌ/ɉ 3ÔØØÁÖ$3VÅ$ÔÖÉ 1$½/ÌÉ/É ¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R „e ]W bU bU bU „e ]W bU be `Z Xx)0T',3,%vKNXN'T‡R) AU CARNET DU «MONDE» En 2007. TDC.COM T ypographe américain de grand talent, dont le nom est attaché à la police de caractère Helvetica, l’une des plus utilisées au monde encore aujourd’hui, Mike Parker est mort à Portland, dans le Maine, le 23 février. Il avait 85 ans. La famille de Mike Parker, né à Londresle1er mai1929,s’étaitinstallée aux Etats-Unis en 1942. Sept ans plus tard, son père meurt dans l’explosion d’un avion dans lequel un homme avait placé une bombe pour tuer sa femme. Après des études d’architecture et de design graphiqueàl’universitéde Yale,dontil sort diplômé en 1956, Mike Parker entre à la Mergenthaler Linotype Company en 1959. D’abord assistant du typographe Jackson Burke, il est nommé deux ans plus tard directeur de la création. Chez Linotype, qui a révolutionné la composition au plomb enfondantavecsesmachinesletexteparlignesentièresetnonpluslettre par lettre, Parker est alors chargéd’enrichirlacollectiondepolices de caractères disponibles. Admiranttoutparticulièrement lestylesimpleetlisibledelanouvelle typographie helvétique d’aprèsguerre, il porte son choix sur la Neue Haas Grotesk. Une police dite en anglais sans serif (sans empattements sur les terminaisons des caractères) créée en 1957 par les typographessuissesMaxA.Miedin- 1er mai 1929 Naissance à Londres 1959 Débuts chez Linotype 1981 Création de Bitstream 23 février 2014 Mort à Portland (Maine) ger et Eduard Hoffmann pour le compte de la Haas Type Foundry. Parker et son équipe partent des dessins originaux de Miedinger et Hoffmann pour les retravailler et les adapter aux contraintes de la Linotype. Cette version modifiée de la police prendra finalement le nom d’Helvetica, considéré comme plus commercial que Neue Haas Grotesk pour le marché international. L’Helvetica deviendra au gré des ans un véritable standard typographique, que l’on retrouve utiliséun peu partout, dans des magazines, des livres, dans la signalétique du métro de New York, dans d’innombrables logos de marques ou d’entreprises (Microsoft, Toyota, Jeep, American Apparel, etc.), ou encore préinstalléesur pratiquementtous les ordinateurs… et jusque sur l’Internet où elle est l’objet d’un véritable culte chez nombre de webdesigners. Aprèsl’Helvetica,Parkerprésiderapendantdeuxdécenniesàlacréation de plus d’un millier de fontes pour le compte de la Linotype (la légende veut que le chiffre exact soit 1 100). Il saura à de nombreuses occasions s’adjoindre le concours degrandsnomsde lacréationtypographique comme Matthew Carter, Adrian Frutiger ou Hermann Zapf. Mais surtout il met en place une méthode de développement typographique distribué, mettant à contributionles compétences des cinq entreprises qui composent le groupeLinotypeauniveauinternational. Car Parker n’est pas seulement untypographepassionné.C’estaussi un visionnaire, qui a l’intuition des mutations à l’œuvre dans les arts graphiques. A la fin des années 1970, avec l’arrivée de la photocomposition, il comprend que le temps des systèmes lourds comme la Linotype est révolu, et que la typographie doit désormais se concevoir et se commercialiser en tant que telle, de façon indépendante du matériel. Il fonde en 1981, avec Matthew Carter, la société Bitstream, toute première fonderie numérique qui, après son départ, sera en 2000 à l’origine de la création du site MyFonts, premier marché en ligne de polices numériques. Fonderie numérique Dans les années 1990, aux premières heures de l’ordinateur personnel, Parker lance Pages Software, une société dotée d’un logiciel de traitement de texte aux fonctions graphiques avancées, pour les ordinateurs NeXT, lancés par Steve Jobs après son éviction de chez Apple. L’expérience tourne court en 1995 lorsque Steve Jobs doitmettrefinàl’expérienceNeXT. Finalement, en 2000, Parker est recruté comme consultant par la fonderie numérique Font Bureau créée par Roger Black et David Berlow, un de ses anciens collègues de Linotype. Après une vie passée à organiser et encadrer la création typographique des autres, sa collaboration avec Font Bureau lui permet enfin, en 2009, de publier une policeoriginale,laStarling,àlaquelle il a consacré plusieurs années d’activité.Celle-ciestlibrementinspirée par le travail oublié du typographeWilliam Starling Burgess en 1904, dont ne subsistent que quelques rares planches et esquisses et quiservitde baseau travailde Stanley Morison pour la création, en 1932,delapoliceTimesNewRoman pour le Times de Londres. Trouvant de loin supérieure la version de Starling Burgess à celle de Morison – qu’il accuse au passage de plagiat –, Parker avait décidé de revenir à l’original, pour enrichir le projet à peine esquisséde cet étrange M. Starling Burgess qui, au tout début du XXe siècle, abandonna la typographie pour se consacrer à l’architecture navale. p Aris Papathéodorou Décès Giuliana et Tommaso Setari avec Charlotte et Nicola, Alice et Andrea Ainsi que Dora Stiefelmeier et Mario Pieroni, Maria Thereza Alves et Jimmie Duhram, Marco et Simona Bagnoli, Laurence Bossé, Chiara Parisi et Emmanuel de la Baume, Carolyn Christov-Bakargiev et Cesare Pietroiusti, Lorenzo Benedetti et Katinka Bock, Pauline de Laboulaye, Chiara Fumai, Ida Gianelli, Alanna Heiss, Fabrice Hyber, Gloria Friedmann et Bertrand Lavier, Hans Ulrich Obrist, Suzanne Pagé, Maria et Michelangelo Pistoletto, Paola Pivi, Remo et Sally Salvadori, Grazia Toderi et Gilberto Zorio, ont la tristesse de faire part du décès de Carla ACCARDI, artiste majeure dont l’œuvre a marqué au fil des décennies, et jusqu’à son dernier jour, l’histoire de l’art contemporain, exemple lumineux pour les jeunes générations, survenu à Rome, le 23 février 2014. La cérémonie de commémoration a eu lieu dans la Sala del Carroccio in Campidoglio, le vendredi 28 février. La Collectivité Houffon de Savi et de Porto-Novo, La famille Ahouanmenou Sodjinou, La Collectivité Jiveha Chodaton Agonglo d’Abomey et de Ouidah, La famille Gounongbe, Yèmi et Agniola, ses enfants, La famille de feu Jérôme Ahouanmenou, son frère, Francis, Francine, Gratien, Elise-Bizou, ses frères et sœurs et leurs familles, Ses cousins, cousines Et amis, Les familles parentes, amies et alliées, ont la douleur d’annoncer le décès de leur très cher et regretté Désiré Gaëtan Dossou AHOUANMENOU, survenu le 14 février 2014, à Potomac, Maryland, (Etats-Unis), dans sa soixante et unième année, muni des sacrements de l’Eglise. La messe de requiem aura lieu le vendredi 7 mars, à 10 h 15, en l’église de la Madeleine, place de la Madeleine, Paris 8e, (France). Elle sera suivie de l’inhumation au cimetière de Montmartre, 20, avenue Rachel, Paris 18e, (France). Pierre, Michel et Gilles Blayau, ses fils, Jeanne, Clarisse, Anne, Elsa, Vincent, Cécile et Antoine, ses petits-enfants, Zoé et Romy, ses arrière-petites-filles Et toute sa famille, ont le chagrin de faire part du décès de Renée BLAYAU, née COLLIN, survenu le 2 mars 2014, à Rennes, à l’âge de quatre-vingt-six ans. Ils rappellent à votre souvenir son mari, Noël BLAYAU, agrégé de l’Université, maître de conférences d’histoire contemporaine à l’université de Haute-Bretagne, décédé le 5 décembre 1971, à l’âge de quarante-six ans. Les obsèques auront lieu le mercredi 5 mars, à 10 h 30, au cimetière de l’Est, place du Souvenir Français, à Rennes. Ni fleurs ni condoléances. François Gerin, son époux, Agnès Trédé, Béatrice Trédé, Cécile Gerin, ses filles, Alexis et Gaspard Samuylla, son gendre et son petit-fils, Sa sœur, ses frères, sa belle-sœur, son beau-frère, Ses neveux et nièces Et toute la famille, ont la douleur de faire part du décès de Martine GERIN, après une longue et courageuse lutte contre la maladie, le 1er mars 2014, dans sa soixante-neuvième année. La cérémonie sera célébrée le jeudi 6 mars, à 10 h 30, au temple du Marais, 17, rue Saint-Antoine, Paris 4 e, suivie de l’inhumation dans l’intimité. Ni fleurs ni couronnes, des dons peuvent être adressés à la Fondation ARCAD (Aide et recherche en cancérologie digestive), 151, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris. Catherine, sa femme, Claire, Marc, Chloé, Alice, ses enfants, Lucas, Violette, Eliott, Octavio, ses petits-enfants, ont la grande tristesse de faire part du décès de Jacques INGUENAUD, designer, fondateur d’Enfi Design, survenu à Paris, le 27 février 2014. Un dernier hommage lui sera rendu le jeudi 6 mars, à 10 h 15, en la coupole du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Jean, Robert, Michel et Sylvie, Philip, Sylviane, Alessandra, ses enfants, Alexandra et Allan, Anna et Didier, Elsa, Guillaume et Céline, Simon, François et Charlotte, ses petits-enfants, dans sa quatre-vingt-cinquième année. L’inhumation a eu lieu dans le caveau de famille, le 28 février 2014, au cimetière du Montparnasse, Paris 14e. Régine Pajaud, sa filleule Et toute la famille, dite Frédérique RUCHAUD. Les obsèques seront célébrées le 7 mars 2014, à 11 h 45, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Remerciements Latour de Carol. Paris. Le principe de laïcité. Entrée libre. Grand Temple de la Grande Loge de France, 8, rue Puteaux, Paris 17e. Danièle et Hélène Peytavi Et toute la famille de Le procès d’Olympe de Gouges devant le tribunal révolutionnaire Marcel PEYTAVI, ont été très touchées des marques de soutien et d’affection que vous leur avez témoignées par votre présence, vos messages, vos envois de fleurs, et vous adressent leurs sincères remerciements. Souvenirs Serge BOURGEADE. 5 mars 1999 - 5 mars 2014, Quinze ans déjà... Il nous manque. Clarisse, son épouse, Mathéo, son fils, Ses parents, Sa sœur et ses frères, Sa famille, Ses amis, M. Olivier Blanc, historien, « Olympe de Gouges, des droits de la femme à la guillotine », Éditions Tallandier, 2014. Introduction, Yves Laurin, avocat au barreau de Paris. Jeudi 6 mars 2014, à 18 heures, 1re chambre du Tribunal de grande instance de Paris, (ancienne salle du tribunal révolutionnaire), Palais de justice, 4, boulevard du Palais, Paris 1er. Inscription : conference.odg@gmail.com Communications diverses rappellent à votre souvenir la mémoire de Pierre PEYRELEVADE, disparu il y a dix ans, le 5 mars 2004. Sa lumineuse personnalité nous manque cruellement. Conférences Les Amphis de l’AJEF, Quelles frontières pour l’Union européenne ? Le jeudi 6 mars 2014, à 20 heures, conférence de Pascal Lamy, ancien directeur de l’OMC. Lycée Louis-le-Grand, 123, rue Saint-Jacques, Paris 5e. Informations : a.vernholes@noos.fr Architecture en Israël / Conversations avec Amos Gitai, projections exceptionnelles de la série de documentaires, les vendredis 7, 14, 21 et 28 mars 2014, à 19 heures, suivies d’un débat en présence de Amos Gitai et de Jean-François Chevrier. Invités : Patrick Bouchain (le 7 mars), Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal (le 14 mars), Jean-Louis Cohen (le 21 mars), Jean-Pierre Frey (le 28 mars). Entrée libre. Inscription sur citechaillot.fr Cité de l’architecture & du patrimoine Auditorium, 7, avenue Albert de Mun, Paris 16e (métro Iéna ou Trocadéro). ¬/ )VÌÖ/Å .½$É 1/ 1J3Hɉ 3ÔÖ1Ô÷JVÖ3/ɉ Ì/Ø/Ì3$/Ø/ÖÅɉ 'ÔØØV*/ɉ V½$É 1/ Ø/ÉÉ/ ont la tristesse de faire part du décès de Andrée MARK, ancienne élève de l’ENS de Sèvres, survenu le 26 février 2014, dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Selon sa volonté, son corps a été incinéré au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, à Paris 20 e , dans l’intimité. 77, rue de Tourville, 50100 Cherbourg. ont la tristesse de faire part du décès de Mme Jacqueline BEUGNIOT, professeur émérite à l’université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. avec André Lagache, ancien conseiller fédéral, membre de la commission laïcité de la Grande Loge de France, née SMAZA, Elvire, ont la tristesse d’annoncer le décès de M. Jean-Claude SERGEANT, le samedi 8 mars 2014, à 14 h 30, Mme Denise LÉVY, Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes Et l’ensemble des magistrats et personnels des juridictions financières, Les familles Fresson, Ruchaud, Caldas, Stern et Guilbert, s’associent au deuil de la famille et des proches de Conférence publique « Condorcet - Brossolette », ont la tristesse de faire part du décès de La famille vous remercie pour votre soutien et vos prières, et vous prie de vous souvenir de sa très chère épouse, rappelée à Dieu, le 21 février 2012. La présidente de l’université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Le directeur, Les enseignants Et les étudiants de l’UFR Langues, Littératures, Cultures et Sociétés Etrangères et du département Monde anglophone, L’ensemble des personnels enseignants et administratifs de l’université, Bernard MENASSEYRE, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, président de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD), commandeur de la Légion d’honneur, officier dans l’ordre national du Mérite, survenu le 3 mars 2014. La Cour des comptes présente ses sincères condoléances à la famille et s’associe à sa peine. ”ÔÁÌ ÅÔÁÅ/ $Ö-ÔÌØVÅ$ÔÖ T ‚n b\ kY kY kY ‚n b\ kY kn h_ 3VÌÖ/Å1ØÒÁR÷$3$Å/…-Ì ‹VÌ$- T b]‹]„ ! ‹‹) ”Ì$” v ÷V ÷$*Ö/ 0123 météo & jeux Mercredi 5 mars 2014 < -10° -5 à 0° -10 à -5° 0 à 5° Lille 30 km/h 6 11 0 13 Caen Châlonsen-champagne 0 12 PARIS A Clermont-Ferrand 0 12 4 12 Lyon 1025 -3 6 A 7 14 Nice Marseille 4 16 4 16 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Jours suivants Vendredi Samedi Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est Ajaccio 80 km/h Front froid Thalweg 9 14 Lever 09h16 Coucher 23h59 Jeudi 0 13 2 12 3 13 1 15 0 13 -1 13 2 17 3 15 3 15 7 16 beautemps assezensoleillé bienensoleillé pluiemodérée averseséparses averseséparses assezensoleillé faiblepluie assezensoleillé enpartieensoleillé enpartieensoleillé enpartieensoleillé assezensoleillé aversesmodérées faiblepluie aversesmodérées bienensoleillé enpartieensoleillé bienensoleillé assezensoleillé assezensoleillé cielcouvert bienensoleillé cielcouvert enpartieensoleillé neigesoutenue 5 9 8 4 3 1 0 5 4 3 3 4 0 11 3 10 12 2 2 0 7 -1 11 0 1 1 10 16 14 7 9 9 11 11 14 5 10 10 2 14 8 13 16 10 13 10 14 4 20 2 8 3 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb Jérusalem 3 15 11 4 3 14 6 12 2 11 New Delhi New York Pékin Pretoria Rabat Rio de Janeiro Séoul Singapour Sydney Téhéran Tokyo Tunis Washington Wellington assezensoleillé 14 24 assezensoleillé -3 3 beautemps -4 6 pluiesorageuses 17 20 bienensoleillé 8 18 soleil,oragepossible24 33 bienensoleillé -3 4 bienensoleillé 24 32 bienensoleillé 18 28 beautemps 9 18 pluiemodérée 10 13 bienensoleillé 10 16 brouillard -10 3 averseséparses 14 17 Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis averseséparses bienensoleillé assezensoleillé pluiesorageuses bienensoleillé nuageux Outremer 25 24 20 25 24 26 29 27 28 27 26 30 Météorologue en direct au 0899 700 703 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h Dimanche 2 15 3 15 3 15 -1 13 0 15 1 15 1 17 3 18 5 19 “Connaître les religions pour comprendre le monde” 3 18 3 19 3 17 CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Motscroisés n˚14-054 5 0 6 4 1 -1 6 -1 4 0 5 Alger 11 16 averseséparses Amman 9 20 beautemps Bangkok 24 34 bienensoleillé Beyrouth 18 24 bienensoleillé Brasilia 20 27 pluiesorageuses Buenos Aires bienensoleillé 17 27 Dakar 18 20 beautemps Djakarta 26 31 pluiesorageuses Dubai bienensoleillé 20 26 Hongkong enpartieensoleillé 17 21 Jérusalem beautemps 13 26 Kinshasa pluiesorageuses 23 29 Le Caire beautemps 16 29 Mexico beautemps 9 23 Montréal assezensoleillé -15 -10 Nairobi assezensoleillé 15 27 3 17 4 enpartieensoleillé soleil,oragepossible nuageux assezensoleillé assezensoleillé enpartieensoleillé enpartieensoleillé bienensoleillé pluieetneige faiblepluie Dans le monde 3 15 3 Beyrouth 101 0 Le Caire 2 15 2 5 100 Tripoli Tripoli Dépression Occlusion Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Bucarest Budapest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 D Front chaud En Europe Lever 07h24 Coucher 18h39 Aujourd’hui Les pressions repartiront enfin à la hausse à l'approche de l'anticyclone des Açores et les conditions météo vont donc s'améliorer. Nuages et pluies resteront présents tout de même au sud de la Garonne. Les éclaircies prendront généralement l'avantage sur les autres régions. Quelques gouttes pourront arroser l'Alsace. Douceur après quelques gelées blanches le matin. Anticyclone Alger Rabat Ankara Athènes Tunis Tunis Islande Fortes chutes de neige Perpignan 7 16 Istanbul D Séville A Bucarest Sofia Rome Barcelone Barcelone Madrid 0 12 9 15 4 18 Kiev 10 10 Odessa Budapest Zagreb Belgrade Milan Grenoble Montpellier Berne Varsovie1015 Lisbonne Lisbonne Bordeaux Sainte Olive Coeff. de marée 96/89 A Munich Vienne 102 0 Minsk Prague Bruxelles Paris Moscou Copenhague 1020Amsterdam Berlin Londres 2 13 Toulouse Edimbourg Dublin 102 5 Chamonix St-Pétersbourg Riga 1015 0 10 0 12 Don Chochotte A Helsinki 995 Strasbourg Dijon 5 15 5 Oslo Stockholm Besançon Poitiers Limoges 985 1 12 6 15 11 13 C’EST À VOIR | CHRONIQUE > 35° 1025 5 100 0 11 1 13 Nantes Biarritz 30 à 35° 1 10 Metz Orléans 5 15 50 km/h 25 à 30° D Reykjavik 975 3 13 Rennes 30 km/h 20 à 25° 6 7 z Découvre notre nouvelle formule 9 Solution du n˚14-053 TF 1 10 1 1 12 Série. Costume sur mesure. Réunion d’anciens (S2, ép. 12 et 13/22, inédit) U ; Vu de l’intérieur (saison 1, 15/23) U. Avec Jim Caviezel. 23.30 Following. Série (S1, ép. 11 et 12/15, inédit, 100 min) V. II FRANCE 2 III 20.45 La Maison préférée IV des Français. Divertissement (saison 2). 23.05 Infrarouge. Intimes violences U. 0.20 Pardonner (60 min). V FRANCE 3 VI 20.45 Louis la Brocante. Série. Louis et les bruits de couloirs (audio.). VII 22.20 Météo, Soir 3. 23.25 Les Carnets de Julie. VIII La Vallée de la Maurienne. Magazine. 0.20 Libre court. Magazine. Femmes héroïnes du monde moderne (60 min). IX Solution du n° 14 - 053 Horizontalement I. Etourdissant. II. Navrée. Menue. III. Gré. Nc. Staël. IV. Ut. Stuc. Etre. V. Eider. Râ. VI. Une. Ecervelé. VII. Lavèrent. Mur. VIII. Adam. Le. Demi. IX. Dénébules. Et. X. Estudiantine. CANAL + Loto X I. Vous pouvez l’approcher sans danger. II. Donne de beaux papiers glacés. Personnel. III. Peron ou Joly. A la possibilité d’en avoir plein les mains. IV. Assez malin. Essence brune et dure. Roule en piste. V. Mulet en région. Pour séduire une Vierge. Alliance d’un petit blanc et d’un rouge épais. VI. Tumeur bénigne. Marque de défi. VII. Porteur du disque solaire. Evite de trop se mouiller au passage. Craquai bruyamment. VIII. Colonisa la Guadeloupe. Chez la bonne. IX. Pour suspendre. Expérimentée. X. Bien pénétrée. Mardi 4 mars 20.55 Person of Interest. I Horizontalement J e n’ose pas écrire que Jean-François Copé avait l’air transparent lorsqu’il a paru, lundi 3 mars, devant les caméras des chaînes d’information en continu qui relayaient sa conférence de presse, mais blême, comme vidé de son sang. Et le timbre de ce chevalier à la triste figure semblait coincé dans le haut de sa tessiture, telle une voix « feinte», comme on le disait des falsettistes au XVIIIe siècle. A l’heure où sont écrites ces lignes, rien sur le fond ne permet de comparer la situation de JeanFrançois Copé avec celle de Jérôme Cahuzac au moment qu’il mentait éhontément devant les caméras et la représentation nationale, mais le président de l’UMP a exactement le même visage crispé et fermé à double tour. Et c’est bien ce qui est terrible pour lui: quand bien même il faudrait prendre au mot sa déclaration: « Je veux dire aux Français et aux Françaises que j’ai toujours exercé mes fonctions avec droiture et honnêteté», rien ne permet hélas de le croire sur parole. M.Copé conspue la presse, du moins, ainsi qu’il le dit prudemment, « certains organes de presse, si peu regardants sur leur propre déontologie, si peu transparents sur les conflits d’intérêts qui les minent de l’intérieur», emboîtant le pas à Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Luc Mélenchon, qui se sont récemment illustrés par une charge outrée contre Le Monde, en particulier. Mais cette théorie du complot médiatique est aussi archétypale que celle de la vox populi pestant contre le « tous pourris» qu’elle adresse à la classe politique. D’ailleurs, par son choix lexical, Les soirées télé Sudoku n˚14-054 8 Verticalement 1. En faire le moins possible. 2. Peut tout stopper. 3. Rogne en bordure. Chez les Grecs. 4. Mesure très discutable. Reine sur les courts. 5. Sans fantaisie. Ponant. 6. Monsieur parfois madame. Mortes chez Gogol. 7. Capitale de l’Assyrie. A déplacé le monde du travail. 8. Figure de rhétorique. Toujours agréable à prendre. 9. Démonstratif. Bien protégé par-derrière. 10. Grande ouverte. Tout ce qu’il faut pour le montage. Le titane. 11. Ouvre la semaine. La belle Diane y attendait Henri. 12. Complètement détruite. Philippe Dupuis Verticalement 1. Engueulade. 2. Tartinades. 3. Ove. Devant. 4. Ur. Se. Emeu. 5. Rentrer. Bd. 6. Déçu. Celui. 7. Crénela. 8. SMS. Art. En. 9. Sète. DST. 10. Anathème. 11. Nuer. Lumen. 12. Télé-vérité. 17 p a r R ena ud Ma cha r t 965 -1 12 1 13 5 15 D www.meteonews.fr Amiens Rouen Brest 15 à 20° 05.03.2014 12h TU 1 12 20 km/h 10 à 15° En Europe Mercredi 5 mars Amélioration Cherbourg 5 à 10° écrans 20.55 Happiness Therapy pp Film David O. Russell. Avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Robert De Niro (EU, 2012) U. 22.55 Blancanieves pp Film Pablo Berger. Avec Maribel Verdú (muet, N.) U. 0.35 Effets secondaires ppp Film Steven Soderbergh. Avec Rooney Mara, Jude Law (Etats-Unis, 2012, 105 min) U. Résultats du tirage du lundi 3 mars. 21, 28, 36, 40, 41 ; numéro chance : 10. Rapports : 5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ; 5 bons numéros : pas de gagnant ; 4 bons numéros : 2 142,10 ¤ ; 3 bons numéros : 13,20 ¤ ; 2 bons numéros : 6,30 ¤. Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées. FRANCE 5 20.38 Enquête de santé. Joker : 2 137 340. 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60 La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») Magazine. Médicaments génériques : peut-on leur faire confiance ? 22.21 C dans l’air. Magazine. 23.30 Entrée libre. Magazine. 23.51 Duels. Pinault - Arnault... (55 min). ARTE 20.50 Thema - Homs, chronique d’une révolte. Documentaire. 22.35 Khrouchtchev à la conquête de l’Amérique. 23.40 Syrie : instantanés d’une histoire en cours. Documentaire (France - Syrie, 2013, 55 min). M6 20.50 Indiana Jones et la dernière croisade ppp Film Steven Spielberg. Avec Harrison Ford, Sean Connery, Alison Doody (EU, 1989, audio.). 23.10 Le Médaillon Film Gordon Chan. Avec Jackie Chan, Lee Evans, Claire Forlani (HK, 2003, 110 min). ce « discours solennel» (introduit par un assez ridicule «Mes chers compatriotes» sur fond de drapeaux français et européen) faisait verser l’archétype dans le fossé de la caricature: M.Copé parla de « climat nauséabond», de « campagne de presse particulièrement agressive. Je dirais même haineuse», orchestrée par des « commentateurs qui préfèrent plus souvent déformer qu’informer», des «lâches» qui manieraient les «insinuations, et les manipulations» et pratiqueraient une « chasse à l’homme», une «vendetta». Selon lui, ainsi qu’il l’a affirmé devant une forêt de reporters, de micros Le pain au chocolat, le livre «Tous à poil»… C’est M. Copé qui les a précipités dans le «bûcher médiatique » et de caméras, il n’y aurait « pas de possibilité de répondre» à ces « tartuffes bouffis d’orgueil» au «magistère moral de pacotille» et aux «oukases délirants» prêts à précipiter les innocents sur «le bûcher médiatique» après un «lynchage public» ! En dénonçant des «méthodes dignes de l’Inquisition», M. Copé oublie que sa personne n’a cessé de se faire passer pour un inquisiteur ferraillant contre de chimériques moulins à vent. Le pain au chocolat, le livre Tous à poil, entre autres, ce n’est pas la presse mais le président de l’UMP qui les a précipités dans le « bûcher médiatique». Y sautant lui-même à pieds joints à cette occasion. p Mercredi 5 mars TF 1 20.50 Football. Match amical 2014. France - Pays-Bas. 23.00 Les Experts. Série. Ennemis pour la vie U. Jouer au chat et à la souris V. On n’oublie jamais sa première fois U. Là où tout a commencé V (S11, ép. 15, 20, 21 et 22/22). Avec George Eads (195 min). FRANCE 2 20.45 3 Femmes en colère. Téléfilm. Christian Faure. Avec Marina Vlady, Florence Pernel, Bruno Todeschini (Fr., 2012). 22.25 La Parenthèse inattendue. Invités : Jean-Christophe Rufin, Louis Chedid. 0.40 Grand Public. Magazine (45 min). FRANCE 3 20.45 Au cœur du Vatican. Documentaire. Stéphane Ghez (2014). 22.35 Météo, Soir 3. 23.40 Les Chansons d’abord. Spécial Dalida. Divertissement. 0.30 Couleurs outremers (25 min). CANAL + 20.55 Love Is All You Need pp Film Susanne Bier. Avec Pierce Brosnan, Kim Bodnia, Trine Dyrholm (coprod., 2012). 22.45 Des gens qui s’embrassent Film Danièle Thompson. Avec Eric Elmosnino, Monica Bellucci, Lou de Laâge (France, 2013). 0.25 Braquo. Série (S3, 7-8/8, 115 min) V. FRANCE 5 20.35 La Maison France 5. Magazine. 21.40 Silence, ça pousse ! Magazine. 22.35 C dans l’air. Magazine. 23.45 Entrée libre. Magazine (20 min). ARTE 20.50 Hommage à Alain Resnais : Mon oncle d’Amérique ppp Film Alain Resnais. Avec Gérard Depardieu, Nicole Garcia, Roger Pierre (France, 1980). 22.55 Mélo ppp Film Alain Resnais. Avec Sabine Azéma, Fanny Ardant, Pierre Arditi, André Dussollier (Fr., 1986). 0.20 Camp 14, dans l’enfer nord-coréen. Documentaire (110 min). M6 20.50 La Méthode Claire. En pères et contre tout. Téléfilm. Vincent Monnet. Avec Michèle Laroque (Fr., 2013, audiovision). 22.40 La Méthode Claire. Téléfilm. Vincent Monnet. Avec Michèle Laroque, Christelle Chollet (Fr., 2012, audio., 90 min). décryptages 18 0123 Mercredi 5 mars 2014 L’expansion russe se poursuivra si l’Occident ne fait pas preuve de fermeté Françoise Thom A Historienne mesure que la crise ukrainienne se déploie, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de déjà-vu : le scénario de la Crimée semble calqué sur celui de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en 2008: distribution de passeportsrusses,armementdeforcesparamilitaires locales, provocations incessantes. Comme le gouvernement ukrainien actuel, le gouvernementgéorgien était placé devant le choix de rester passif et de se déconsidérer devant ses concitoyens, ou celuideréagiretdefournirà Moscouleprétexte à une intervention pour « défendre» la population russe contre les « nazis» téléguidésparl’étranger.Interventionaboutissant à l’amputation de l’Etat coupable d’avoir choisi l’Europe. Si la situation d’aujourd’hui prend un tour dramatique, c’est que la réaction des Occidentauxen2008futtotalementinadéquate. Quelques semaines après le conflit russo-géorgien, la France offrit à la Russie de lui vendre des bâtiments de guerre de classeMistral,commes’ilnes’étaitrienpassé. Quelques mois plus tard, en 2009, l’Europe se lançait avec enthousiasme dans les « partenariats pour la modernisation » offerts par le président Medvedev, qui avaient essentiellement pour but la mise à niveau de l’armée russe; tandis que la nouvelle administration américaine proposait à Moscou l’inepte politique du reset [redémarrage] impliquant qu’elle prenait le parti d’oublier tout ce qui dans le passé récent aurait dû lui ouvrir les yeux sur la vraie nature du régime Poutine. Aujourd’hui, la paralysie de la diplomatie occidentale devant la crise ukrainienne tient d’abord à un manque de compréhension claire des ressorts de cette crise. Cette confusion dans les esprits est entretenue par une formidable offensive de la désinformation du Kremlin, qui présente les insurgés ukrainiens comme un ramassis d’antisémites extrémistes ; comme les marionnettes des Occidentaux. De même, on nous serine à l’envi la thèse d’un affrontement géopolitiqueentre la Russie et l’Occident. Rappelons que, pour qu’il y ait affrontement, il faut être au moins deux. Or, pour l’instant, il n’y a rien en face de la Russie, et le seul affrontement est celui du peuple ukrainiencontrela formidablemachinede puissance du Kremlin. Rappelons que pour l’Ukraine le choix de l’Europe ne fut pas un choix géopolitique, ce fut un choix de civilisation, et c’est précisément ce qui est insupportable pour Moscou. En même temps,lapropagandepoutinienneinsinue de mille manières que le seul moyen de résoudre la crise ukrainienne est un parte- nariat au sein de la Grande Europe entre l’Union européenne et l’Union économique eurasienne, dont Vladimir Poutine essaied’accélérerla créationdepuis la mise en œuvre, en 2010, de l’Union douanière entre Biélorussie, Russie et Kazakhstan. Le président russe ne cesse de se déclarer européen, et même meilleur Européen que les autres Européens. Mais comment Moscou préfère soutenir des despotes incapables plutôt que de voir se mettre en place des gouvernements résolus à sortir leur pays du marasme postsoviétique expliquer alors que tout mouvement vers l’EuropedesEtatsvoisinsde laRussiesuscite une réaction hystérique du Kremlin ? Quelle coopération russo-européenne estelle possible quand les maîtres du Kremlin sont si visiblement allergiques à la liberté, qu’ils ne veulent dans leur Union eurasienne que des dictatures anachroniques corrompues et stagnantes? Depuis la création du Partenariat oriental par l’UE en 2009, qui visait – timidement – à faciliter l’européanisation des Etats périphériques de la Russie, une gran- M. Poutine est un homme du XIXe siècle La Crimée, un anachronisme dangereux Thomas Gomart Directeur du développement stratégique de l’Institut français des relations internationales E n 1854, Paris et Londres déclarèrent la guerre à la Russie pour soutenir les troupes ottomanes, et débarquèrent en Crimée. En 1954, la Crimée fut donnée à la République d’Ukraine au sein de l’URSS. En 1994, le mémorandumdeBudapestsigné parWashington, Londres, Kiev et Moscou garantit la dénucléarisation de l’Ukraine et son intégrité territoriale. Ce triple héritage – concert européen et question d’Orient, guerre froide et « fraternité soviétique », intégrité territoriale et leadership américain – explique la dangerosité de la crise actuelle, qui dépasse désormais l’Ukraine. De manière aussi prévisible que brutale, resurgit la question russe, c’est-à-dire la nature de la relation avec Moscou. Historiquement, la question russe a été formulée dans le cadre du concert européen, réseau croisé d’accords multiples visant à un équilibre des forces au nom d’une civilisation commune. Elle a davantage été traitée par le prisme de la guerre froide aux Etats-Unis. Côté russe, après le chaos des années 1990, la synthèse entre les périodes impériale et soviétique s’est faite par une politique de puissance. Dans un monde brutal, il ne s’agit pas d’être aimé, mais craint. Vladimir Poutine a parfaitement réussi sur ce dernier point. Les condamnationsréciproques trouventleurs origines dans ces différents héritages ; elles n’empêchent ni les erreurs de jugement ni les prises de guerre. Dialectique des volontés, une stratégie produit toujours des effets paradoxaux. En l’espace d’une semaine, la Russie aurait ainsi perdu l’Ukraine mais gagné la Crimée. Pour tenter de prévoir la suite des événements, il convient d’analyser, aussi précisément que possible, les buts de guerre et les objectifs politiques poursuivis par le Kremlin. Cette approche rationnelle devrait, en outre, s’accompagner d’un travailsur les facteursémotionnelset irrationnelsactuellement à l’œuvre dans la psyché russe. Premier objectif: prendre le contrôle de la Crimée. Moscou a conduit une opération spéciale lui permettant d’entretenir l’ambiguïté entre raid, annexion et/ou préparation d’une guerre limitée avec l’Ukraine. L’objectif est de continuer à disposer d’une enclave sur la mer Noire, comparable à celle de Kaliningrad sur la Baltique. Par ailleurs, il s’agit de créer une situation de conflit gelé comparable à celles de la Transnistrie, de l’Abkhazie et de l’Ossétie, pour paralyser tout rapprochement avec l’Union européenne. Le thème de la « fédéralisation» de l’Ukraine vise à saper l’idée d’un Etat ukrainien souverain et indépendant. Le Kremlin va-t-il se contenter de cette prise ou, au contraire, pousser son avantage? A ce stade, rien n’est à exclure. Deuxième objectif : tester la solidarité occidentale. Depuis 1991, l’OTAN est perçue en Russie comme la principale menace à la fois en raison de ses élargissements et de ses expéditions (Balkans, Afghanistan, Libye). Moscou suit le débat au sein de l’OTAN sur la réassurance, c’est-à-dire sur les conditions de défense territoriale entre alliés, à un moment où les EtatsUnis réduisent leur présence militaire. En arrièreplan, la Russie augmente sa dépense militaire et renforce ses capacités opérationnelles, alors que les pays européens réduisent les leurs. Le Kremlin sait parfaitement que la reconfiguration des outils de défense se fait déjà ressentir sur les forces de l’OTAN dans un cadre de guerre limitée avec une grande puissance militaire: la Russie n’est pas la Libye. Le moment semble opportun pour le Kremlin de montrer aux dirigeants européens qu’ils se sont militairement démonétisés en touchant les dividendes de la paix. Troisième objectif : infliger une défaite symbolique à Washington. Depuis la crise financière et la guerre de Géorgie en 2008, la Russie est convaincue d’undéclin inexorabledes Etats-Unis.Plus fondamentalement, elle considère que les règles internationales n’ont pas changé avec la fin de la guerre froide, et que les relations internationales restent façonnées par la domination et le conflit. L’interprétation de la guerre froide minimisant la victoire américaine est Dans un monde brutal, il ne s’agit pas d’être aimé, mais craint. Vladimir Poutine a parfaitement réussi sur ce dernier point au cœur de sa politique, afin de fixer des cadres conceptuels distincts de ceux des Etats-Unis. La Russie conteste ouvertement leur récit sur les affaires du monde, qui ne correspondraitplus à la réalité des rapports de force. S’y ajoute une dénonciation en règle de leur morale universaliste. La question russe doit être posée et traitée à plusieurs niveaux. En fonction des trois objectifs précédemment décrits, la principale réaction devrait venir, en premier lieu, des Ukrainiens qui, depuis 1991, ont montré leur attachement à l’indépendance en dépit dedirigeantspréférantleurs intérêts personnelsà l’intérêt national. Un des enjeux des semaines à venir réside dans le maintien d’une cohésion occidentale face à ce coup de force et dans la redéfinition d’une politiqueglobale à l’égard de la Russie.En dépitdes circonstances, celle-ci ne peut pas se focaliser uniquement sur la Crimée et l’Ukraine. La question russe mérite d’être abordée en évitant deux travers : d’une part, une approche irréaliste préconisant un isolementde la Russie et, de l’autre, une approcheromantique assimilant son comportement à une saute d’humeur. Pour ce faire, sans doute faut-il commencer par expliquer à Vladimir Poutine qu’il se trompe d’époque: le XIXe siècle s’est achevé en 1905 à Tsushima par la victoire du Japon sur la Russie ; le XXe siècle s’est achevé en 1991 par la chute de l’URSS. Nul ne conteste les sacrificeset les souffrancesconsentis par les Soviétiques pour survivre à leur propre régime et abattre l’Allemagne nazie. Cependant, au début de XXIe siècle, à l’heure des sociétés civiles et de la mise en réseau, la Crimée constitue un anachronisme dangereux. Au regard de leur histoire commune, les peuples russe et ukrainien méritent beaucoup mieux. p de partie de la politique du Kremlin est consacrée à la sape de ce projet européen: la signature précipitée de l’Union douanière en janvier 2010, les nombreuses guerres économiques et politiques déclenchées par Moscou contre les pays souhaitantune association avec l’Europe (Géorgie, Moldavie, Ukraine), les pressions russes croissantespourforcercespaysàrenonceraupartenariatorientaletadhéreràl’uniondouanière. En novembre 2013, Moscou croyait triompher: l’Arménie avait cédé et l’Ukraine avait renoncé à l’accord d’association avec l’UE. Les experts proches du Kremlin célébraient en fanfare la mise à mort du partenariat oriental. Cette attitude constitue le révélateur des véritables relations de la Russie poutinienne avec l’Europe: celle-ci inspire un mélange de mépris et de haine, non parce qu’elle est vue comme une entité impérialiste avide d’attenter au territoire russe, ce quelatélévisionduKremlinrépèteinlassablement aux Russes, mais parce que Moscou craint un changement de régime dans son « étranger proche » : elle préfère soutenir à grands frais des despotes incapables plutôt que de voir se mettre en place des gouvernements résolus à sortir leur pays du marasme postsoviétique. Que le régime de Vladimir Poutine agisse comme il le fait à cause d’un sentiment d’insécurité et d’un complexe postimpérial non surmonté ne le rend pas moins dangereux. A Moscou, on se plaît à présen- ter les Ukrainiens comme des nazis. En réalité, si une analogie avec le régime hitlérien s’impose, c’est celle entre les méthodes employées par le Kremlin dans « l’étranger proche» et celles auxquelles eut recours Hitler lorsqu’il voulut démembrer la Tchécoslovaquie. La manipulation des Allemands des Sudètes par Berlin en 1938 rappellecelledesRussesde Crimée.Parl’intensité de la haine qu’elle véhicule, par l’énormité des mensonges qu’elle charrie, la propagande russe contre les Ukrainiens pourrait rendre des points à celle de Goebbels contre les Tchèques. La commission de la Douma aux relations avec les compatriotes dirigée par Leonid Sloutski ressemble au bureau Ribbentrop chargé de mobiliser enfaveur duReichles Allemandsde ladiaspora. Où le Kremlin va-t-il s’arrêter? La réponse dépend de la fermeté de l’attitude occidentale. Moscou joue sur les divisions entreles Européens,surlemanquedecoordination entre Washington et Bruxelles, sur le tropisme incurablementprorusse de certains pays, sur l’absence de perception claire chez les Occidentaux des agissements russes et de l’importance des enjeux. Dès que les dirigeants du Kremlin saurontqu’ilsne peuventpluscomptersur tous ces facteurs, leur politique deviendra plus prudente, et plus conforme aux intérêts vrais de la Russie, qui a tout à gagner à entretenir des relations apaisées avec ses voisins du continent européen. p Une intervention russe qui fait penser à Prague, 1968 Jacques Rupnik Directeur de recherches à Sciences Po (CERI) D ans la lecture de l’intervention russe en Ukraine diverses comparaisons peuvent être invoquées. La plus proche semble être la crise géorgienne : Moscou intervient pour « protéger» deux enclaves menacées par le gouvernement de Tbilissi. Dans la même veine, on peut penser à Milosevic au lendemain de la dislocation de la Yougoslavie optant pour la Grande Serbie au nom de la « protection » des Serbes dans les républiques voisines. Il est cependant une autre analogie, moins évidente, mais non moinséclairante : la politiquede Moscouen Ukrainedepuisquelquesmoiscommeversioncondenséedu casde laTchécoslovaquie dans l’après-guerre. Trois tournants invitent à la comparaison : 1947, 1968, 1989. La crise actuelle et le soulèvement « Euromaïdan» à Kiev furent déclenchés par le revirement, sous la pression russe, du président Ianoukovitch, en novembre 2013, à la veille de la signature prévue del’accordd’associationavecl’Unioneuropéenne dans le cadre de son partenariat oriental. Cela n’est pas sans rappeler un épisode aux origines de la guerre froide.Le 4 juillet 1947, le gouvernement tchécoslovaque adopta à l’unanimité la participation du pays au plan Marshall. Le 9 juillet, une délégation du gouvernement se rendit à Moscou, où Staline exigea d’annuler cette décision, ce qui fut fait le lendemain. Jan Masaryk,ministredes affairesétrangères (et fils du président Tomas Masaryk d’avant-guerre),dit enrentrant à son collègue Ripka : « Je suis parti à Moscou comme ministre d’un pays souverain. Je rentre commeun vassal de Staline. » C’était le prélude au « coup de Prague » et à l’absorption du pays dans le bloc soviétique. On ne peut s’empêcher de faire une deuxième comparaison, avec l’invasion de la Tchécoslovaquie, en août 1968, en lisant la lettre du président Poutine diffusée le 1er mars par l’Agence Itar-Tass répondant à une demande du Conseil de la Fédérationde Russie.Il s’agit,seloncettedernière, de « protéger » la minorité russe (« la vie et la sécurité des citoyens russes vivant en Ukraine »), et une lettre d’invitation du gouvernement de Crimée est brandie. En août 1968, il s’agissait de protéger les « acquis du socialisme » prétendument menacés et on invoquait une lettre d’invitationde « vrais » communistes tchécoslo- vaques dont on préférait taire les noms. Il y aurait aujourd’hui une « menace pour nos militaires… de la flotte de la mer Noire ». En 1968, on invoquait la sécurité du pays et du pacte de Varsovie menacée par une Allemagne « revancharde ». On parle aussi, côté russe, du non-respect des accordsdu 21 février entre Ianoukovitchet l’opposition, de même qu’on évoquait en 1968 le non-respect par Dubcek des engagements pris lors des négociations avec Brejnev à Bratislava et Cierna quelques jours avant l’invasion. Enfin, le plus troublant dans le communiqué de la présidence parlant des « forces arméesde la Fédérationrusse sur le territoire de l’Ukraine en attendant la normalisation de la situation politique et publique dans le pays » est le fait que c’est presque mot pour mot la formule de 1968 sur le « stationnement provisoire » (!) des troupes en attendant la « normalisation», qui signifiait répression et reprise en main et ne prit fin qu’en novembre 1989. Euromaïdan ukrainien comme remake de la « révolution de velours » en 1989 à Prague ? La comparaison est tentante, mais sans doute moins pertinente que les deuxprécédentes.On peut sans doute parler de prolongement de la « révolution Lecommuniqué de VladimirPoutinereprend presquemotpourmot laformule de1968 surle«stationnement provisoire»destroupes orange » de 2004. Vaclav Havel à qui l’on demandait s’il voyait un parallèle entre cette dernière et Prague en novembre 1989 répondait ceci : « La différence, c’est que 1989 était une révolution contre le communisme.En Ukraine,c’est une révolution contre le postcommunisme. Et qu’estce que le postcommunisme? C’est la combinaisond’un régimeautoritaireet d’uncapitalisme mafieux. » On ne saurait mieux dire.On doity ajoutercependantunedifférence essentielle : 1989 à Prague s’incarnait dans Vaclav Havel et ses amis issus de la dissidence. La place Maïdan a conspué les leaders de l’opposition, à commencer par Ioulia Timochenko, l’égérie de 2004. C’estlà, par-delàla différenceducontexte géopolitique (une URSS qui se défait, une Russie qui se refait), le contraste le plusnet entre1989à Pragueet Kiev aujourd’hui: l’absence de leadership et d’une élite politique démocratique issue du mouvement de contestation. p 0123 analyses Mercredi 5 mars 2014 19 Pacte de responsabilité : tournant social ou leurre ? ANALYSE par Michel Noblecourt Editorialiste D epuis qu’il a lancé son pacte de responsabilité, le 31 décembre2013,danssesvœuxauxFrançais, François Hollande est le témoin privilégié d’une course de lenteur. Politiquement affaibli par les rumeurs de remaniement, son mécano en chef, Jean-Marc Ayrault, peine à en battre la mesure. Le 30 janvier, il donne un mois aux partenairessociauxpourluilivrerune feuillede route sur ce « grand compromis social » où la baisse des charges pour les entreprises doit être équilibrée par « des engagements pour l’emploi». Puis il reporte le délai à la fin mars, au lendemain d’un scrutin municipal à hauts risques. Dès le départ, Pierre Gattaz, le président du Medef,s’enthousiasmepour ce pacte de responsabilité dans lequel il voit un clone du « pacte de confiance» – 100 milliards d’euros de baisse des chargescontre 1 million d’emploissur cinq ans – qu’il avait suggéré. Puis il marque le pas. Le 6février, il proposeaux syndicats une réunion à la fin du mois «pour envisager les engagements possibles en matière d’emploi ». Mais, le 11 février à Washington, où il accompagne le chef de l’Etat, M. Gattaz part en guerre contre le « discours insupportable» sur les contreparties avant d’être obligé de faire marche arrière… Que de temps perdu! Deux mois après avoir étélancé,le pacte estsur la pisted’envolmaisn’a pas encore décollé. Dans les rangs syndicaux et patronaux, on regrette que M. Hollande n’ait pas lancé solennellement son « grand compromis social » en réunissant autourde lui à l’Elysée lespartenairessociaux.Mercredi5 mars,cesderniers pourraient finaliser – et pour certains signer – un « relevé de conclusions» fixant des négociations dans les branches professionnelles sur des contreparties sur l’emploi, le dialogue social et l’investissement. Cette feuille de route, alors livrée au premier ministre, ne sera qu’un point de départ. Les négociations ne feront que commencer. Mais elle donnera une indication capitale sur les relations sociales. Le pacte de responsabilité va-t-il faire bouger les lignes entre les syndicats réformistes– CFDT,CFTC,CFE-CGC,sansoublierl’UNSA, même si, non représentative, elle n’est pas autour de la table – et ceux qui campent dans l’opposition (CGT et FO) ? Sera-t-il un tournant ou… un leurre? Pour l’heure, le paysage est figé. A trois mois de son congrès de Marseille, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a fait le choix de s’investir à fond dans ce pacte, susceptible à ses yeux d’ouvrir la perspective d’« un nouveau mode de développement incluant une forte dimension sociale ». Mais LE LIVRE DU JOUR M. Berger place haut la barre de ses exigences sur les contreparties, réclamant de « réels engagements favorisant le maintien et le développement de l’emploi». Le 19 février, le conseil nationaldela CFDT– sonparlement–aadopté,àl’unanimité, un texte affirmant à l’intention du gouvernement et du patronat que « le pacte de responsabilité doit reposer sur des engagements précis, une trajectoire définie, un dialogue social renforcé et une évaluation des résultats». La CGT navigue à vue Si la CFDT signe, le 5 mars, le « relevé de conclusions », elle devrait être suivie par la CFTC et la CFE-CGC. Mais Force ouvrière a déjà mis son veto. « Nous ne graverons pas nos noms en bas d’un parchemin, a prévenu, le 29 janvier, son secrétaire général, Jean-Claude Mailly. Nous ne confondons pas compromis et compromission et nous ne céderons pas aux sirènes de la soi-disant responsabilité. » Pour enfoncer le clou,FO a lancéle 18 mars, à cinq jours des municipales – « une faute», pour M. Berger –, une grève interprofessionnelle. La CGT, la FSU et Solidaires s’y joindront. Et le Front de gauche et le NPA ont appelé à soutenir ce mouvement. La CGT aurait pu, après avoir raté le coche en ne signant pas l’accordsur la formation,revenir dans le jeu. N’ayant toujours pas réussi, près d’un an après son élection à la tête de la centrale, à asseoir son autorité, Thierry Lepaon navigue à vue. Sur fond d’affrontements plus ou moins feutrés entre réformistes et nostalgiques de l’alliance avec le Parti communiste, il évolue en zigzags. Dans une interview au Monde du 21 janvier, M. Lepaon tire à boulets rouges sur le pacte, faisant mine de penser que M. Gattaz est devenu premier ministre. Le 14 janvier, pourtant, il avait signé une plafe-forme avec la CFDT, la FSU et l’UNSA, insistant sur la « conditionnalité des aides » aux entreprises et s’engageant à porter des objectifs communs « lors des discussions qui se dérouleront dans le cadre du pacte de responsabilité». A l’issue d’une réunion animée de son comité confédéral national (CCN) – son parlement –, les 11 et 12 février, M. Lepaon se résigne à rejoindre FO le 18 mars mais, précise-t-il, « ce ne sera pas une journée contre le pacte de responsabilité ». « Il est entré à son CCN en étant résolu à ne pas suivre FO, observe le dirigeant d’une autre centrale, il en est sorti en annonçant l’inverse, allezcomprendre! »Depuis,M. Lepaonestreparti à l’assaut de ce « cadeau au patronat », avec une stratégie consistant à avoir deux fers au feu : combattre le pacte avec FO et afficher une volonté de rapprochement avec la CFDT. Le jeu risque de s’avérer perdant-perdant. FO, née en 1948 d’une scission avec la CGT, ne sera jamais une alliée. Et la CFDT manifeste de plus en plus de signes de lassitude devant une stratégie qui lui semble mortifère pour le syndicalisme. p noblecourt@lemonde.fr Un magistrat, avocat de la société Le Musée L Découvrez les secrets des chefs-d’œuvre e hasard, ce jour d’avril 2012, futune chance. Alorsque l’actualité se concentrait sur un immeuble de Toulouse dans lequel Mohamed Merah, encerclé par le RAID, vivait ses dernières heures, on assistait à l’autre bout du pays, devant la cour d’assises de Douai,au procès d’unefemme battue qui avait tué son mari. L’avocat général Luc Frémiot tenait le siège de l’accusation.Dès le début de son réquisitoire, on a senti qu’il se jouait là quelque chose de rare et l’on a maudit le stylo qui ne filait pas assez vite sur les pages du carnet pour retranscrire la conviction qui émanait de ses paroles. Dix années d’un combat souvent solitaire contre les violences faites aux femmes s’incarnaient soudain dans cette accusée, mère de quatre enfants, qui était aussi la victime frappée, humiliée, violée de celui qu’un soir elle avait poignardé. Lorsque Luc Frémiot a requis son acquittement, il y avait autant de compassion à l’égard de cette femme que de rage contre tousceuxquiavaientéchouéà prévenir ce drame. De fragiles avancées Le récit de ce procès et celui du long combat contre les violences conjugales que Luc Frémiot a mené dans ses fonctions de procureur de la République de Douai (Nord) nourrit l’un des chapitres de Je vous laisse juges. Le bilan qu’il en dresse est mitigé.S’il exprime la fierté d’avoir alerté et agi contre ce fléau bien au-delà de sa juridiction,il mesureaussi,avecla lassitude d’un Sysiphe, combien sont fragiles les avancées obtenues. Cettemélancolieteintéed’amertume se retrouve dans les autres chapitres de son livre. Sa déjà longue expérience de magistrat LES SYNDICATS RÉFORMISTES POURRAIENT SIGNER UN « RELEVÉ DE CONCLUSION» AVEC LE PATRONAT du 5,99 € * le livre Le volume n° 23 La source Je vous laisse juges Luc Frémiot Michel Lafon, 298 p., 17,95 ¤ confronté à la tragédie quotidienne des affaires criminelles jugées aux assises a eu raison des idéaux avec lesquels on entre dans la carrière. A « l’angoisse » qu’il lit dans les visages de ceux qui sont confrontés à la justice, il a moins de réponses à apporter que de questions. Sa place d’« avocat de la société », un titre qu’il préfère à celui de procureur ou d’avocat général, le porte à se situer du côté des victimes, « les grandes oubliées» de la justice. Cette fonction a aussi distendu les liens noués avec plusieurs avocats de la défense, sur lesquels il pose un regard sévère. A ces pages de règlements de comptes, on préfère les croquis souvent drôles que Luc Frémiot fait de ses collègues magistrats. De ce livre, on retient surtoutsa sincérité.Celle qui le fait s’interroger sur l’envie de raccrocher sa robe d’avocat général et qui lui fait écrire qu’à chaque nouveau procès d’assises, lorsque la cour et les jurés ont suivi ses réquisitions de peine, il éprouve ce mélange complexe « de satisfaction intellectuelle et de grand désespoir» p Pascale Robert-Diard 0123 Les Unes du Monde - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Barack et Michelle Obama, à pied sur Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o D « Mission terminée »: le ministre de ne cache pas l’éducation considérera qu’il se bientôt en disponibilité pour tâches. L’historien d’autres de l’éducation Claude Lelièvre explique Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e REPORTAGE GAZA Bonus Les banquiers ont cédé Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu ENVOYÉ SPÉCIAL D Enquête page 19 27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012. ans les rues de Jabaliya, françaises qu’ilsdes banques les enfants ont trouvé renoncent veau divertissement.un nouà la « part variable lectionnent de leur rémunération les éclats d’obusIls colmissiles. Ils et de ». déterrent du En contrepartie, sable des morceaux d’une les banques qui s’enflamment fibre compacte pourront immédiatement bénéficier d’une au contact de l’air et qu’ils aide difficilement tentent de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » équivalent à Surlesmursdecette celle accordée fin 2008. Page rue,destracesnoirâtressont boutique. 14 bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa pas. « Dites fabrique de incendié une petite des bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts pour trenterien. l’Américain semaines, israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland de 35 %. L’Italie à hauteur devant par une bombe Rehbi Hussein Heid. Barthes, un magasin, Entre ses mort de cette bonne se réjouit Ils étaient le 10 janvier. mains, il tient une en 1980, enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, à plusieurs l’écrivain, qui accès à une comme en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 Le livre-enquête éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le incontournable de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, pour alimenter Allemagne 2,00 Lire la suite de la ¤, Antilles-Guyane sur l’avenir le débat 2,00 ¤, page comment la rupture s’est faite entre les enseignants et Xavier Darcos. Page 10 Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique Autriche 2,00 dès vendredi 7 mars Inclus un tirage grand format de l’œuvre Prolongation de la collection Chacun des ouvrages du Musée du Monde vous convie à explorer les secrets d’un chef-d’œuvre de la peinture. Et ainsi, chaque semaine, tableau après tableau, vous composerez votre propre musée imaginaire. 21-févr. 28-févr. 07-mars 14-mars 21-mars 28-mars 04-avr. 11-avr. 18-avr. 25-avr. 21. LÉONARD DE VINCI, La Joconde 22. EDGAR DEGAS, Les Musiciens de l’orchestre 23. JEAN AUGUSTE DOMINIQUE INGRES, La Source 24. PAUL CÉZANNE, Le Pont de Maincy 25. SANDRO BOTTICELLI, La Naissance de Vénus 26. EL GRECO, L’Enterrement du comte d’Orgaz 27. RAPHAËL, La Vierge à la chaise 28. NICOLAS POUSSIN, L’Inspiration du poète 29. GIOTTO, Déposition de la Croix 30. EDOUARD MANET, Olympia 02-mai 09-mai 16-mai 23-mai 30-mai 06-juin 13-juin 20-juin 27-juin 04-juil. 31. JÉRÔME BOSCH, Le Jardin des délices 32. REMBRANDT, Boeuf écorché 33. MASACCIO, Adam et Eve chassés du Paradis 34. JACQUES LOUIS DAVID, Marat assassiné 35. DUCCIO DI BONINSEGNA, La Maestà 36. EGON SCHIELE, Autoportrait 37. JAN VAN EYCK, La Vierge du chancelier Rolin 38. FRA ANGELICO, L’Annonciation 39. JEAN-ANTOINE WATTEAU, Gilles 40. TITIEN, Amour sacré et amour profane Pour plus d’information : www.lemonde.fr/boutique Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. Education L’avenir de Xavier Darcos UK price £ 1,40 ACCÉDEZ À L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année L’investiture de Barack Premières mesures de Jean Auguste Dominique Ingres et Débats page 5 17 François Wahl. de l’école. ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, un éditeur 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 derrière l’écran 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,20 ¤, Suède > www.arteboutiqu 2,50 ¤, Gabon 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne e.com 1,9 DT, Turquie 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique En vente dans tous les kiosques EN PARTENARIAT AVEC « GRAND PUBLIC » SUR * Chaque volume de la collection est vendu au prix de 5,99 € en plus du Monde sauf le n°1, offre de lancement au prix de 2,99 € en plus du Monde. Chaque élément peut être acheté séparément à la Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris. Offre réservée à la France métropolitaine et à la Belgique, sans obligation d’achat du Monde et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. Société éditrice du Monde, 433 891 850 RCS Paris. 20 0123 enquête Mercredi 5 mars 2014 Forum de l’emploi, dans un hôtel de Dallas, en janvier. LM OTERO/AP Philippe Bernard montée des inégalités au détriment de la middle class et a plaidé pour l’embauche prioritaire des chômeurs de longue durée dans son discours sur l’état de l’Union, le 28 janvier, la jeune femme reproche de «nepasêtreassezimpliqué».« AvecMichelle, il devrait venir en tournée par ici, pour nous ouvrir des portes.» Dieu et Barack Obama n’ont en revanche guère de place dans les préoccupations de Bill Paci, victime, le 29 novembre 2012, de la faillite du théâtre qui l’employait comme caissier. Cet ancien militaire, blanc, considère la religion comme un « opium » et le président comme « quelqu’un qui parle et ne fait rien », ni pour fermer Guantanamo ni pour augmenter les salaires, car il est « prisonnier des républicains». A 61 ans, il vit dans une minuscule chambre payée avec ses économies et sait que ses chances de retravailler sont minces. « Plus le temps passe, plus c’est difficile, admet-il avec nervosité. Je ne regarde plus devant moi, je n’attends rien, ni bonheur ni malheur.» Philadelphie (Pennsylvanie) Envoyé spécial D ehors, la tempête de neigea cessé, mais elle a empêché Cheryl Bonner de prendre la route. Sa voix enjouée, déformée par la liaison distante établie par Internet de son domicile, retentit néanmoins dans la salle de cours de Penn State University où une centaine de quadras et quinquagénaires sont sagement assis, ce samedi matin de février. « Un objectif ? C’est un rêve pris au sérieux! », assène l’experte en ressources humaines en invitant ses auditeurs – tous chômeurs de longue durée – à confier au micro leurs rêves professionnels d’adolescents. « Avocat, réalisateur de film,pasteurméthodiste…» Le public,presque exclusivement blanc, tendance collier de perles ou chemise à carreaux, ne relève pas de l’Armée du salut. Ils ne se disent pas « au chômage », mais « en transition », ils necherchentpasun « emploi», maisattendent – parfois depuis des années –, « une nouvelle étape de leur carrière». « Le marché du travail a drastiquement changé», admetla téléconférencière,alternant messages de remotivation – « Vous n’êtes pas seuls ! », appels à l’introspection – « Quelles sont mes forces, mes faiblesses, mes craintes ? » – et conseils stratégiques – « Pensez différemment! », réseautez sur LinkedIn –, tandis qu’un splendide lever L «Sur le marché du travail, je ne suis plus un produit intéressant» Patricia Tallent 55 ans de soleil sur l’océan illumine l’écran. « Qui va payer mes factures, rembourser mon prêt ? », souffledans la salle la blonde Alexa Davis, 50 ans, licenciée en août 2012 par un géant de l’aviation de son poste d’analyste financière. « Mes amis s’éloignent de moi : ils craignent que je leur demande de l’argent.» L’égrainage mensuel des « bons chiffres » du chômage (6,6 % début février, en baisse) n’y change rien : jamais, depuis la GrandeDépressiondes années1930,lechômage de longue durée n’a touché une telle proportion d’Américains, selon Carl Van Horn, spécialiste de l’économie du travail à l’université Rutgers, dans le New Jersey voisin. Malgré la décrue, 4millions de personnes, soit plus de un chômeur sur trois, cherchent en vain à travailler depuis plus de six mois. Pire encore : l’essentiel de la baisse du chômage s’explique non par des créations d’emplois, mais par la prolifération des « travailleurs disparus », ces ex-salariés découragés, rayés des statistiques parce qu’ils déclarent eux-mêmes ne plus chercher d’emploi. La Pennsylvanie, avec son industrie déclinante et sa législation at will qui permet de se séparer d’un salarié sans avertissement ni motif, figure parmi les Etats les plus touchés. « Le débat politique fait l’impasse là-dessus, observe le professeur Van Horn, alors que les gens concernés ne disposent que d’un très mince filet de sécurité.» Dans son bureau saturé d’affiches militantes,au 11e étaged’un vaste centrede santé mental, John Dodds, la cinquantainegrisonnante, paraît fatigué. Travailleur social depuis 1975, directeur de Philadelphia Unemployment Project (PUP), la principale association d’aide aux chômeurs de la ville, il en est à sa « sixième récession » et n’entrevoit pas la fin de celle qui a débuté en 2008. « Techniquement, on en sort, admet-il, mais en laissant tellement de gens sur le bord du chemin! Les riches ne se sont jamais si bien portés, mais ils prétendent que l’Amérique est en faillite, qu’on n’a plus les moyens d’aider les chômeurs.» La clientèle de PUP compte une grande partie de personnes qui survivent entre soupes populaires, food stamps (« bons d’alimentation») et aides publiques. Une populationquiexplosedepuisle28décembre. Ce jour-là, 1,3 million d’Américains, dont 105 000 dans la seule Pennsylvanie, ontperduleurallocation-chômageà la suite du compromis sur la réduction du déficit fédéral, passé au Congrès à l’automne. Lamesureréduit à six moisla duréede l’indemnisation (320 dollars par semaine en Etats-Unis Chômeurs sansfin moyenne, soit 235 euros) qui, depuis la crise, pouvait atteindre deux ans dans certains Etats. D’après des projections, elle pourrait viser 4,9 millions de personnes à la fin 2014. A une voix près, le 6 février, le Sénat a rejeté un texte soutenu par les démocrates, destiné à rétablir les allocations pour trois mois. DerrellWilliams,48 ans, béret noir vissé sur son crâne noir, est tombé dans la trappe du 28 décembre. Fini les 1 028 dollars mensuels (754 euros) qu’il percevait depuis son licenciement, en septembre 2012, d’unemploi d’agent denettoyage dans une maison de retraite. Des Afghans et des Espagnols à 9 dollars l’heure (6,60 euros) – 2 dollars moins chers que lui – l’avaient alors remplacé. A présent, il doit se contenter de travaux au noir, cirant des sols de bureaux ou montant des parpaings Les «bons chiffres » du chômage cachent une autre réalité: plus d’un chômeur sur trois cherche du travail depuis plus de six mois. Sans compter ceux, découragés, qui ont renoncé à trouver un emploi sur des chantiers. Il s’acharne à diffuser en ligne son CV, en regrettant le temps où l’on pouvait serrer la main des patrons potentiels. « Tout est si impersonnel maintenant aux Etats-Unis, dit-il. On vit dans une sociétédéconnectéeàcaused’Internet.» Descentaines de contacts pris sont restés sans réponse.« Je travailledepuis l’âge de 16 ans. C’estla premièrefois quema viese transforme en lutte », dit ce père de famille divorcé, avouant ne faire plus qu’un repas par jour. Certains, comme Charece Peterson, 37 ans, au chômage depuis un an, s’en remettent à Dieu. « Chaque matin, je commence par prier, ça me garde la tête droite. Ensuite, je me connecte », explique cette aide-soignante noire, qui survit en vendant sa garde-robe et ses appareils ménagers, derniers vestiges d’une vie normale. A Barack Obama, qui s’est alarmé de la e chômage de longue durée est forcémentune additiond’histoires individuelles. Cheryl Spaulding le sait au premierchef:elleprésidele Peuplede Joseph, une association catholique d’entraide aux chômeurs, très active dans les banlieues de Philadelphie. Mais, ces derniers temps,le phénomènea, selon elle, pris une autre dimension. « Les entreprises n’ont tout simplement plus besoin de la classe moyenne dans son ensemble, ces gens si nombreux qui nourrissaient le rêve américain », affirme-t-elle. La moitié des adhérentsde sonassociation ont un diplômede niveau master. Certains, expulsés de leur logement, vivent dans leur voiture. « Le contrat de confiance avec les entreprises – travailler dur contre la promesse d’une retraite correcte – est cassé», poursuit cette retraitée avec la faconde de son ancien métier,agentimmobilier.«Ces gens-là, ditelle, n’avaient jamais imaginé se retrouver dans un pétrin pareil. Ils sont en colère, mais ne réclament aucune aide du gouvernement – la honte suprême dans ce pays. Ils veulent juste un job. » Et lorsqu’ils en retrouvent un, c’est souvent en abandonnant 30 % de leur salaire. Dans le beau salon de sa maison de brique,Bill West, avecsamoustachegrise, ressemble à un gentleman britannique. Plusieurs années lui ont été nécessaires pour reconquérir cette sérénité après avoir été licencié, à 56 ans, par la compagnie d’assurances qui l’employait depuis seize ans. Le bon salaire de son épouse a maintenu le couple hors de l’eau. A force de fréquenter «les longuesfilesd’attentede gens encostume-cravate dans les forums de l’emploi», il a fini paradmettrequ’il était « tropvieux et trop cher ». Le coup de grâce est venu lorsqu’un employeur potentiel lui a rétorqué: «Le problème est que le seul emploi que j’ai pourvous,c’est lemien!» Savies’estréorganisée dans le bénévolat, soutien scolaire, banque alimentaire et aide aux chômeurs de PUP. « Les gens de la classe moyenne sont les plus vulnérables, constate-t-il. Ils n’ont pas, a priori, les armes pour faire face à tant d’adversité.» Ce que les Européens ont du mal à comprendre,poursuitCheryl Spaulding,la présidente du Peuple de Joseph, c’est qu’aux Etats-Unis être licencié, c’est aussi perdre l’assurance-maladie, le financement de son logement, de sa retraite et des études de ses enfants. Certains chômeurs de longue durée ont réussi à garder leur maison, mais au prix d’emplois à 7 dollars de l’heure chez McDo ou Walmart. La spécificité des chômeurs américains est d’être « dévorésdeculpabilité», ajouteAlex Freund,spécialiste du coaching. «Sur le marché du travail, je ne suis plus un produit intéressant», se désole ainsi Patricia Tallent, 55ans, dont le poste d’assistantejuridique a été « éliminé » en février 2011 et qui va perdre son assurance-maladieà partir du 1er avril, sans être pourtant éligible au nouveau système Obamacare. Du public de la salle de téléconférence de la Penn State University sourd la colère froide de la middle class. A l’écouter, les élus politiques mènent grand train, dans un autre monde, indifférents à son décrochage. « Combien de temps va encore durer ma transition» vers l’emploi ? ironise un cadre. Il montre alors une offre d’emploi jugée parfaitement légale en Pennsylvanie: « Nous recrutons uniquement des personnes actuellement au travail.» p 0123 0123 Mercredi 5 mars 2014 FRANCE | CHRONIQUE pa r G é r a r d C o u r t o i s Le serpent de mer du remaniement CEUX QUI SAVENT SE TAISENT, ET CEUX QUI CHUCHOTENT ET PAPOTENT NE SAVENT RIEN uand le Parlement est en jachère, quand le temps politique est suspendu à la négociation du pacte de responsabilité et aux résultats des élections municipales, quand l’action publique est tétanisée par la perspective d’économies budgétaires drastiques, il ne reste, pour alimenter la gazette, que le feuilleton du remaniement. Nous en sommes là. Palmarès des ministres sortants, concours de beauté des entrants putatifs, défilé des premier-ministrables en puissance, supputations et confidences, pronostics savants sur le supposé calendrier présidentiel, injonctions péremptoires du genre « Hollande n’a plus le choix», la panoplie complète est de mise. C’était déjà le grand jeu à la fin de 2013, quand le gouvernement paraissait à bout de souffle. C’est, de nouveau, celui du printemps. Jeu dérisoire, sans aucun doute. Personne n’ignore, en effet, que le chef de l’Etat est seul maître en la matière et qu’il entretiendra le mystère sur ses intentions jusqu’au moment même d’une éventuelle décision. Le pouvoir de nomination est au cœur de ses attributs présidentiels et, comme tous ses prédécesseurs, il en préserve jalousement l’exercice solitaire, quand bien même il fait mine de consulter les Un procès hors norme pour Oscar Pistorius L e champion paralympique Oscar Pistorius est assis seul au premier rang de la salle d’audience, pour l’ouverture de son procès pour meurtre, lundi 3mars, à Pretoria. Dans son dos, ses proches se serrent les coudes, non loin des membres de la famille de la victime, le mannequin Reeva Steenkamp, morte à 29 ans, aux premières heures du 14février 2013. Sa mère, June, sèche ses yeux humides. « Quelle que soit la décision du tribunal, je serai prête à le pardonner. Mais, d’abord, je veux le forcer à me regarder, moi, la mère de Reeva, qu’il voie la peine et la douleur qu’il m’a causées», avait-elle expliqué dans la presse locale avant l’ouverture du procès. Elle l’a vu arriver. Il ne lui a pas jeté un regard. L’athlète handisport avait le visage fermé. Il a plaidé non-coupable à l’accusation d’assassinat, assurant que la mort de sa fiancée était un accident. Il pensait qu’un cambrioleur s’était introduit dans sa résidence ultrasécurisée de la capitale sudafricaine. Il a donc tiré à travers la porte des toilettes, croyant que sa compagne était encore dans le lit. Oscar Pistorius n’est pas seul. Il a dépensé une grande partie de sa fortune et de celle de sa famille pour s’attacher les services des meilleurs avocats et experts sudafricains. Son avocat, Barry Roux, ne ménage d’ailleurs pas le premier témoin appelé par l’accusation, une voisine qui raconte avoir été réveillée lors de la nuit du meurtre par des « cris d’une femme à vous glacer le sang». Elle a aussi entendu des coups de feu. Incisif, le ténor du barreau pointe certaines de ses incohérences. Une centaine de témoins pourraient être appelés à la barre pendant ce procès hors norme qui doit durer au moins trois semai- nes. Les débats risquent de vite tourner au duel d’experts. Pour condamner Oscar Pistorius à la réclusion à perpétuité pour meurtre avec préméditation, la juge, qui fut la deuxième femme noire nommée à ce poste après la chute de l’apartheid, devra être convaincue de sa culpabilité « au-delà de tout doute raisonnable». Un test pour la justice En Afrique du Sud, l’affaire Pistorius est bien plus qu’un simple fait-divers sanglant. C’est d’abord l’histoire de la chute d’une icône nationale. Le multimédaillé paralympique, coureur de 100, 200 et 400 mètres, avait fait la fierté du pays lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. C’était la première fois qu’un athlète handisport courait contre des valides. Qu’importe alors la polémique pour savoir si ses prothèses lui apportaient ou non un avantage significatif lors de ses courses. Ce procès, couvert par près de 300 journalistes, est aussi le révélateur de deux maux de la société sud-africaine. D’une part, la violence faite aux femmes. Plus d’un millier de Sud-Africaines meurent chaque année à la suite de disputes conjugales. D’autre part, ce procès a relancé le débat sur la dangerosité de la possession d’armes à feu. Près de 1,5 million de Sud-Africains en sont propriétaires. Ce procès est enfin un test pour la justice sud-africaine, encore perçue par certains comme se montrant trop clémente pour les riches. C’est l’une des raisons pour lesquelles un juge a autorisé la retransmission télévisée d’une grande partie des débats. Une première dans l’histoire du pays, « à titre informatif et éducatif». p Sébastien Hervieu (envoyé spécial à Pretoria) Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président pTirage du Monde daté mardi 4 mars 2014 : 305 412 exemplaires. uns ou les autres. Prétendre le deviner relève, à ce stade, de la cartomancie. En ces affaires, ceux qui savent, s’il y en a, se taisent, et ceux qui chuchotent et papotent ne savent rien, ou peu s’en faut. En outre, sans mésestimer le poids des personnalités, des talents et des compétences, chacun sent bien qu’un changement d’équipe gouvernementale, voire de chef d’équipe, ne modifiera pas, en profondeur, le discrédit actuel du pouvoir exécutif. Au-delà de l’effet de curiosité momentané, un remaniement ne corrigera, par miracle, ni la panne de résultats dont il souffre ni l’étroitesse de la majorité sur laquelle il s’appuie. Bien malin qui pourrait préjuger que tel ou tel nouvel attelage serait plus performant ou convaincant que l’actuel. Seuls les postulants aux maroquins en sont persuadés, ce qui est dans la nature des choses. Jeu nuisible et toxique, également, que celui du remaniement fantasmé et ressassé dans tous les palais nationaux. Car il entretient un climat délétère et fragilise, chaque jour davantage, une équipe qui n’a vraiment pas besoin de ça. L’expérience de Nicolas Sarkozy devrait pourtant être instructive. Pendant des mois, en 2010, l’ancien président avait annoncé un « Collaborateur » Tous ses prédécesseurs en ont rêvé ; bien peu l’ont fait. Si l’on excepte quelques gouvernements d’attente (entre élections présidentielle et législatives), seuls trois premiers ministres ont réussi, depuis 1958, à former des équipes comptant moins de 30 ministres et secrétaires d’Etat : Georges Pompidou, entre 1962 et 1967 (28), Edouard Balladur, en 1993 (29), et le champion, Lionel Jospin, avec 26 ministres, entre 1997 et 2000. L’actuel gouvernement Ayrault se situe, avec 39 membres, exactement dans la moyenne des équipes depuis plus d’un demi-siècle. Enfin, ce serpent de mer du remaniement témoigne d’un sérieux inconfort institutionnel. Tant que la durée du mandat présidentiel a été de sept ans, déconnectée de la durée quinquennale des législatures, la dyarchie du pou- voir exécutif a obéi à une certaine logique: le président était supposé s’occuper de l’essentiel et du temps long, tandis que le premier ministre, seul responsable devant le Parlement, était censé gérer l’intendance et le quotidien. On sait que la pratique fut aussi variée que les titulaires de ces fonctions et qu’elle n’empêcha ni les tensions, concurrences et rivalités entre l’Elysée et Matignon. Mais l’apparence était celle de la complémentarité. Depuis l’instauration du quinquennat présidentiel et d’un calendrier électoral qui place les législatives dans l’ombre portée de la présidentielle, ce dispositif est bancal. Le pouvoir du chef de l’Etat a été renforcé au point de ramener le chef du gouvernement au rang de « collaborateur», selon l’expression de Nicolas Sarkozy, qui a clairement assumé cette nouvelle répartition des rôles. De style moins impérieux, habitué depuis longtemps à travailler en confiance avec Jean-Marc Ayrault, François Hollande a cru possible de revenir en arrière. En vain, et au prix de nombreux flottements dans la conduite de l’Etat. Il en a pris acte, au point que les deux dossiers-clés, sur la réussite desquels repose la fin de son mandat (pacte de responsabilité et réduction de la dépense publique) sont pilotés directement, ou presque, par l’Elysée. Plus discrète qu’hier, la férule présidentielle n’en est pas moins réelle. Dès lors, remanier suppose de répondre, au préalable, à cette question embarrassante: à quoi doit et peut servir le premier ministredans la Ve République hyperprésidentielle? p courtois@lemonde.fr 0123 La plus belle perspective sur 5 000 ans d’histoire *Chaque volume de la collection est vendu au prix de 9,99 €, sauf le n° 1, offre de lancement au prix de 3,99 €. Offre réservée à la France métropolitaine, dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels - Photo Thinkstock- agencejem.com Q prochain changement de gouvernement. Il n’avait réussi qu’à déclencher une longue empoignade entre le locataire de Matignon, François Fillon, et celui à qui le président avait fait miroiter la fonction, Jean-Louis Borloo. Au bout du compte, il avait dû se résoudre, sans gloire, à reconduire M. Fillon. Rien ne dit qu’il n’en sera pas de même avec l’actuel premier ministre. Critiqué et brocardé de tous côtés, Jean-Marc Ayrault fait preuve, en effet, d’une abnégation de marathonien. Usé et fatigué, lui ? « Pas du tout », vient-il de répondre crânement dans les colonnes du Parisien. Mieux, au risque de relancer les « commentaires» qu’il feint de négliger, il a repris cette vieille antienne du « gouvernement resserré » qui aurait ses faveurs. Une collection présentée par Jacques LE GOFF L’œuvre historique de référence www.histoire-et-civilisation.fr Cette semaine, le volume 7 : LA GRÈCE CLASSIQUE DÈS LE JEUDI 27 FÉVRIER CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX 2 21 En partenariat avec MEILLEUR FILM DR AME le film de l’année 3 MEILLEUR FILM meilleure actrice dans un second rÔle MEILLEUR FILM MEILLEUR ACTEUR Meilleur scénario adapté UN FILM DE STEVE MCQUEEN L’INCROYABLE HISTOIRE VRAIE DE SOLOMON NORTHUP RIVERROADENTERTAINMENT ET REGENCYENTERPRISES PRÉSENTENTUNEPRODUCTION RIVERROAD,PLANB ET NEWREGENCY ENASSOCIATIONAVEC FILM4 UNFILMDE STEVEMcQUEEN "12YEARSASLAVE" CHIWETELEJIOFOR MICHAELFASSBENDER BENEDICTCUMBERBATCH PAULDANO PAULGIAMATTI BRADPITT CASTING FRANCINEMAISLER,CSA MUSIQUE HANSZIMMER COSTUMES PATRICIANORRIS MONTAGE JOEWALKER DÉCORS ADAMSTOCKHAUSEN DIRECTEURDELAPHOTOGRAPHIE SEANBOBBITT,BSC PRODUCTEURSDÉLÉGUÉS TESSAROSS JOHNRIDLEY PRODUITPAR BRADPITT DEDEGARDNER JEREMYKLEINER BILLPOHLAD STEVEMcQUEEN ARNONMILCHAN ANTHONYKATAGAS SCÉNARIODE JOHNRIDLEY RÉALISÉPAR STEVEMcQUEEN ©2013BASSFILMS,LLCANDMONARCHYENTERPRISESS.A.R.L. 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